Comment encourager un dialogue social sectoriel

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Comment encourager un dialogue social sectoriel
« Comment encourager un dialogue social sectoriel européen qui répond aux objectifs »
Points de vue d’industriAll Europe et du CEEMET concernant l’initiative de la Commission
visant à relancer le dialogue social européen
Dès son institution, la Commission Juncker a souligné l’importance d’un dialogue social performant et
elle a pris une initiative afin de relancer le dialogue social. Suite à une conférence de haut niveau en
mars 2015, qui a conduit à l’adoption d’une déclaration quadripartite sur « Un nouveau départ pour
le dialogue social », le 27 juin 2016, le CEEMET et industriAll Europe soutiennent globalement cette
déclaration.
Dans ce contexte, le CEEMET et industriAll Europe1, qui représentent le plus grand secteur industriel,
veulent présenter leur vision du dialogue social sectoriel et ce qu’elles considèrent comme les
préalables d’un dialogue social sectoriel performant, efficace et à valeur ajoutée au niveau de l’UE.
IndustriAll Europe et le CEEMET estiment que les critères suivants sont indispensables à un
dialogue social efficace, apportant une valeur ajoutée, contribuant à des entreprises
compétitives au niveau international et offrant des emplois de qualité :
-
Une vision claire et une application stricte du concept de « partenaire social », basé
sur la Décision de la Commission du 20 mai 1998 relative aux comités de dialogue social
sectoriel (concernant des secteurs spécifiques; composés d’organisations qui sont ellesmêmes une partie intégrante et reconnue des structures de partenaires sociaux des
Etats membres et ont la capacité de négocier des accords, sont représentatives dans
plusieurs Etats Membres et ont des structures adéquates permettant d’assurer leur
participation effective aux travaux des Comités)
-
Un total respect de l’autonomie des partenaires sociaux
-
Un mandat solide de partenaires sociaux reconnus, afin d’assurer la légitimité des
mesures
-
Des règles de procédure conjointes claires pour le dialogue social européen
-
La représentativité de l’industrie et la capacité de conduire un dialogue social à valeur
ajoutée
1 Le CEEMET (Conseil des employeurs européens des industries du métal, de l'ingénierie et des technologies) est
l’organisation européenne des employeurs représentant les intérêts des industries du métal, de l’ingénierie et des
technologies. Par le biais de ses organisations membres nationales, il représente 200 000 entreprises en Europe. La grande
majorité d’entre elles sont des PME, offrant plus de 35 millions emplois directs et indirects.
IndustriAll European Trade Union représente 7 millions de travailleurs à travers les chaînes d’approvisionnement des
secteurs de la fabrication, des mines et de l’énergie au niveau européen.
1
La relance du dialogue social doit se fonder sur des assises solides
Le dialogue social au niveau européen peut être un puissant instrument. Il peut prendre diverses
formes – de l’échange de bonnes pratiques aux accords contraignants ; il peut être intersectoriel et
sectoriel, bi- ou tripartite.
Le dialogue et la consultation des partenaires sociaux au niveau de l’UE sont inscrits dans les articles
154 et 155 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Les partenaires sociaux ont
le privilège et la responsabilité d’occuper cette position et ce rôle dans le Traité, qui signifie en fin de
compte que les partenaires sociaux européens peuvent agir en tant que co-législateurs et quasilégislateurs. Néanmoins, ce type de responsabilité doit être appuyé par la légitimité et la capacité de
concrétiser les résultats obtenus, depuis l’assurance que les déclarations conjointes sont fondées sur
des faits jusqu’à la capacité de mettre des accords en œuvre. Un dialogue social sans mandat social
minera le partenariat social aux niveaux européen et national. Et les partenaires sociaux doivent bien
sûr respecter les dispositions du TFUE.
Jusqu’à présent, la relance initiée par la Commission européenne a été axée sur le dialogue
intersectoriel au niveau de l’EU. Nous pensons que le rôle du dialogue social sectoriel diffère du
dialogue intersectoriel en ce sens qu’il est plus proche de l’industrie et traite donc de questions plus
spécifiques. Il y a une véritable valeur ajoutée à un dialogue social sectoriel performant au niveau
européen, mais nous pensons qu’il est possible et nécessaire d’améliorer l’efficacité de l’organisation
de ce dialogue, tant du côté de la Commission européenne que des partenaires sociaux.
Pour que le dialogue social au niveau de l’UE réponde aux attentes, la relance doit se fonder sur des
bases solides. En guise de point de départ, il conviendra de clarifier dans toutes les institutions de l’UE
ce que le concept de « partenaire social » signifie réellement et ce que le dialogue social sectoriel
européen peut et ne peut pas fournir.
Mandat, représentativité et capacité
Pour comprendre le dialogue social européen, les structures nationales respectives doivent être
clairement comprises et respectées.
La Commission européenne reconnaît à juste titre qu’il n’existe pas de définition uniforme du dialogue
social au niveau national. Elle met l’accent sur les propres règles, coutumes et pratiques respectives
de chaque Etat membre2.
Par conséquent, il existe de grandes différences entre les organisations affiliées à industriAll Europe
et les membres du CEEMET dans toute l’Union européenne en termes de rôles et de capacités. Ces
différences ont augmenté avec les élargissements de l’Union européenne depuis 2004.
Néanmoins, les membres du CEEMET et d’industriAll Europe sont les partenaires sociaux reconnus du
secteur dans leurs pays respectifs. En règle générale, nos membres ont un mandat et une
responsabilité spécifiques pour déterminer les conditions de travail dans les industries de la
fabrication. L’affiliation à ces organisations est volontaire. Selon la loi et la tradition, les membres du
CEEMET et d’industriAll Europe ont le mandat et la capacité de négocier collectivement et de conclure
des conventions collectives (pilotes) au nom des entreprises et des travailleurs qu’ils représentent.
2
Commission européenne, mai 2014, Vademecum – Guide pratique à l’intention des organisations
européennes de partenaires sociaux et à leurs affiliés nationaux.
2
Le dialogue a également progressé sur des questions et des sujets non traditionnels, tels que les
Conseils sectoriels des compétences, les Alliances sectorielles pour les compétences, les plateformes
RSE, Cars21, LeaderShip 2020, le paquet Energie, sans oublier le Semestre européen. En ce qui
concerne ce dernier point, nous sommes sensibles à une participation mieux structurée et plus
opportune des partenaires sociaux nationaux et européens, qui permettra d’élaborer des
recommandations à valeur ajoutée et assurera leur mise en œuvre au niveau national.
Dans la mesure du possible et s’il y a lieu, le CEEMET essaie de coordonner ces questions non
traditionnelles et de coopérer sur le sujet, en s’appuyant sur l’expérience d’organisations
européennes apparentées.
Afin d’assurer un dialogue sectoriel adapté au niveau de l’UE, il est essentiel que les partenaires
sociaux sectoriels au niveau européen soient affiliés à des organisations représentatives ayant un
mandat social. C’est le mandat, la représentativité et la capacité qui permet aux partenaires sociaux
européens et nationaux d’assumer la responsabilité des résultats obtenus dans le dialogue social.
Autonomie des partenaires sociaux
Tout dialogue social durable, quel qu’en soit le niveau, est basé sur la confiance. Le CEEMET et
industriAll Europe estiment qu’il s’agit du principal facteur d’un dialogue social performant et
d’activités de lobbying conjointes. Pour un dialogue constructif sur des questions potentiellement
difficiles, la confiance doit régner entre les partenaires. Afin de faciliter un dialogue social fructueux,
le CEEMET et industriAll Europe ont fixé des règles de procédure conjointes claires pour leur comité
de dialogue social européen. Notre dialogue social se concentre sur les sujets que nous avons choisis,
après une consultation approfondie des priorités de nos membres. Le CEEMET et industriAll Europe
estiment que le fait d’avoir abouti à des documents conjoints sur l’adaptabilité au niveau de
l’entreprise, les formes flexibles d’emploi et l’importance de l’apprentissage en situation de travail
dans l’EFP, en reconnaissant une responsabilité partagée en la matière, est un succès. Notre travail
conjoint en matière de dialogue social nous a également permis de collaborer sur des dossiers
législatifs choisis, tels que la proposition relative à l’introduction de dispositions en matière de fonds
propres jusqu’aux systèmes de retraite complémentaire volontaire au niveau de l’entreprise (IORP II).
A l’instar de nos membres nationaux, nous considérons que l’échange de bonnes pratiques et l’analyse
conjointe constituent un résultat important et appréciable. Nous regrettons que la Commission
européenne ne considère pas ce résultat comme aussi important que les accords contraignants. Nous
estimons qu’il y a là un conflit avec l’autonomie des partenaires sociaux.
La Commission et d’autres institutions européennes doivent reconnaître que le respect de
l’autonomie des partenaires sociaux, aux niveaux européen et national, est essentielle pour un
dialogue social fructueux et utile.
Nous avons noté avec regret une tendance générale croissante, au niveau de l’UE, à empiéter sur
l’essence même de l’autonomie et de la responsabilité des partenaires sociaux.
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Le CEEMET et industriAll Europe continuent par conséquent d’appeler la Commission européenne et
le Conseil européen à s’abstenir d’interférer toujours plus dans les compétences de base de nos
membres, y compris la fixation des salaires, par le biais de nouvelles procédures dans le cadre de la
Gouvernance économique ou de la Dimension sociale de l’Union économique et monétaire3, y compris
par la procédure des déséquilibres macro-économiques et la création de conseils nationaux de la
compétitivité.
Consultation des partenaires sociaux
IndustriAll Europe et le CEEMET estiment qu’il est préoccupant et en définitive peu constructif que les
associations commerciales et les organisations de la société civile au plan de l’UE soient de plus en
plus consultées par la Commission sur des initiatives qui sont du ressort des partenaires sociaux, à
savoir les relations industrielles, l’emploi et les affaires sociales. Le TFUE reconnaît le rôle important
que les partenaires sociaux jouent dans l’emploi et les affaires sociales et l’expérience qu’ils possèdent
dans ces domaines. C’est pourquoi nous sommes préoccupés par la tendance consistant à remplacer
et à diluer les consultations des partenaires sociaux par de nouveaux types inappropriés de
consultations. Le CEEMET et industriAll Europe ne considèrent pas que les exercices de consultation
de la Commission consistant à cocher des cases, les consultations publiques ouvertes (directive
« déclaration écrite », pilier social) et/ou les auditions dédiées des partenaires sociaux (ex : stratégie
pour les compétences, pilier social) garantissent une solide participation des partenaires sociaux, dans
les initiatives en matière d’emploi et de politique sociale, qui est indispensable pour exploiter tout le
potentiel du dialogue social (sectoriel) européen.
Cela n’encourage pas une relance du dialogue social.
Une consultation adéquate mérite aussi un examen des procédures. De ce point de vue, la
consultation des partenaires sociaux doit aussi inclure une implication adéquate et opportune des
partenaires sociaux mandatés. Par ailleurs, cela signifie que si un dialogue entre des partenaires
sociaux européens mandatés aboutit à des accords qui ont des effets directs, en particulier si ceux-ci
s’étendent au-delà des membres des parties signataires, cela doit se faire conformément aux lois
existantes. Cela facilitera également la mise en œuvre des accords conformément aux pratiques,
systèmes et cadres juridiques nationaux.
On note enfin qu’au cours des dernières années, le rôle des partenaires sociaux européens s’est élargi,
les partenaires sociaux intersectoriels et sectoriels européens étant impliqués dans des domaines nontraditionnels par le biais de différentes Directions générales de la Commission, comme le Paquet
Energie et le statut d’économie de marché de la Chine. IndustriAll Europe et le CEEMET ont commencé
à traiter la question importante de la gestion appropriée et efficace de ces processus relativement
nouveaux et ils poursuivront la discussion avec toutes les parties prenantes afin de disposer d’une
assise solide permettant de relancer un dialogue social – de plus en plus politique.
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COM(2015)600 final
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Planification
IndustriAll Europe et le CEEMET ont un programme de travail prévisionnel visant à offrir aux
entreprises et aux travailleurs une perspective permettant de gérer les défis futurs et de les
transformer en opportunités. Les sujets que nous traitons sont les projets relatifs aux défis du 21e
siècle, allant de l’environnement d’entreprise efficace, concurrentiel au niveau international (projet)
jusqu’aux effets de la numérisation sur le monde du travail dans les industries manufacturières. Tous
ces sujets sont basés sur les besoins des membres et visent à avoir une valeur ajoutée pour les deux
parties.
Des relations industrielles fortes seront essentielles pour encourager la compétitivité (financière et
non-financière) de l’industrie européenne, les investissements, la création d’emplois et le
développement des compétences dans un contexte de vastes changements structurels dans notre
économie et notre société. L’UE est poussée à créer les bonnes conditions cadres pour l’industrie. Un
dialogue social sectoriel européen adapté constituera un facteur important pour la réalisation de cet
objectif.
(Bruxelles, 19 Septembre 2016)
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