1. Introduction
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1. Introduction
1. Introduction 1 1.1. La dépigmentation volontaire La dépigmentation volontaire est une pratique bien connue en Afrique sub-saharienne, pour réduire la pigmentation mélanique des gens de couleur foncée. La dépigmentation volontaire porte différentes appellation suivant les cultures et les pays. Au Rwanda, cette pratique est appelée « Kwitukuza », littéralement traductible par « rendre sa peau rouge ». Nous allons, dans cette section, donner certaines appellations suivant les pays. Nous définirons ce qu’est la dépigmentation volontaire suivant différentes sources bibliographiques. Nous donnerons ses origines, son historique et sa localisation géographique. Nous parlerons d’arguments motivants et dissuasifs envers cette pratique et de l’évolution de la domination de la peau claire. Nous aborderons également la question du trafic des produits dépigmentants, de la réglementation liée à leur utilisation et des produits vendus sur le marché européen et international pour traiter les taches dues au soleil et au vieillissement sur la peau claire. 1.1.1. Notion de dépigmentation volontaire Appelée « xeesal » ou « leeral » au Sénégal, «tcha-tcho» au Mali, «maquillage» au Congo, décapage au Cameroun, « bojou » au Bénin, « kwitukuza » au Rwanda, la dépigmentation de la peau est une pratique essentiellement observée au sein des populations génétiquement pigmentées. Elle se définit comme l’ensemble des procédés visant à obtenir un éclaircissement de la peau dans un but cosmétique (Morand et al., 2007). Par cette pratique, une personne, de sa propre initiative, tente de diminuer la pigmentation mélanique physiologique de sa propre peau (Levang et al., 2009). Le teint de la peau, source de préoccupations, pousse les personnes de type caucasien (peau blanche) à acquérir un bronzage dont les bénéfices psycho-sociaux ont longtemps prévalu sur les dangers en termes de vieillissement et de risque cancérigène. À l’opposé, les personnes de type pigmenté (peau noire) sont désireuses d’un teint de peau aussi clair et homogène que possible. Dans la plupart des sociétés, ce teint constitue un avantage social (Brenner and Hearing, 2008). La dépigmentation volontaire est qualifiée de cosmétique et artificielle, touchant principalement les femmes. Les utilisateurs appliquent sur le corps, généralement sans surveillance médicale, de manière soutenue et prolongée, des produits ou des mélanges chimiques composés d’actifs dépigmentants 2 souvent d’une grande nocivité (Morand et al., 2007; M'bemba-Ndoumba, 2004). Ces produits peuvent avoir des aspects différents : soit de pommades, de crèmes ou de savons, soit sous forme de médicaments issus de la production pharmaceutique et détournés de leur usage médical premier, soit des mélanges de produits d’usage courant (exemple: pétrole et dentifrice pour préparer un mélange appelé « Mfiya » chez les Congolais) (M'bemba-Ndoumba, 2004). Leur application quotidienne vise à l’éclaircissement ou au blanchissement progressif de la peau, souvent en cohérence avec des canons esthétiques édictés par la société locale (Emériau, 2007). Les raisons avancées par les gens qui se dépigmentent sont variées mais touchent toutes à la notion de beauté, d’esthétique, de séduction et d’appréciation. 1.1.2. Historique de la dépigmentation volontaire Le contact Noirs-Blancs a provoqué un choc dont finalement le Blanc sortit vainqueur, imposant ainsi son mode de vie, sa couleur de peau comme idéaux. Au temps de l’esclavagisme par exemple, les maîtres avaient établi une hiérarchie de couleur, allant du plus sombre (négatif) au plus clair (positif). L’esclavagisme et la colonisation ont donc forgé les préjugés des Blancs sur les Noirs, et fait naître chez ces derniers un sentiment d’infériorité qu’ils tentent de juguler en se dépigmentant (M'bembaNdoumba, 2004; Bilé, 2010). L’addiction dont souffrent les victimes noires de la dépigmentation ressort d’une série d’expériences hallucinantes conduites par les scientifiques européens et nord-américains. Ces derniers ont en effet, à partir du dix-huitième siècle, essayé de blanchir les noirs par tous moyens. En France on les plongeait dans un bain d’acide oxymuriatique (acide chlorhydrique actuel), au Québec, on les bombardait de nitrate d’argent et aux états unis on les décapait aux rayons X, provoquant de graves brûlures (Bilé, 2010). On ne peut pas parler de la dépigmentation en oubliant l’hydroquinone. C’est dans les années 50 que la première manifestation du potentiel éclaircissant de l’hydroquinone a été découverte de façon fortuite sur des ouvriers à peau dite noire travaillant dans une usine de caoutchouc aux Etats-Unis (dépigmentation des parties non couvertes) (Ondongo, 1989; AFSSAPS, 2011). D’autres auteurs attribuent la découverte de l’hydroquinone comme principe actif dépigmentant à un ingénieur-chimiste travaillant dans une usine de fabrication de pneus pour automobiles. La découverte 3 a été faite toujours sur les ouvriers noirs (immigrés mais d’origine Libérienne) qui présentaient, au bout d’un certain temps dans l’usine, une dépigmentation sélective de la peau, surtout les parties visibles et dénudées (M'bemba-Ndoumba, 2004). Les produits dépigmentants à base d’hydroquinone auraient d’abord été produits aux USA. Les marchés anglophones africains constituent la destination initiale des produits (description dès 1961 en Afrique du Sud et dès le début des années 70 au Sénégal). Le phénomène se répand rapidement en Afrique subsaharienne à partir des années 80. La dépigmentation volontaire s’est largement développée au cours de ces 20 dernières années, avec la mise à disposition, à la fin du XXème siècle, de moyens techniques d’éclaircissement efficaces, faciles d’emploi et bon marché. Cette progression pourrait en partie s’expliquer par l’influence que peuvent exercer certaines industries spécialisées dans les cosmétiques pour peaux fortement pigmentées, par le biais de publicités volontairement agressives et omniprésentes dans certaines presses notamment féminines (AFSSAPS, 2011; M'bemba-Ndoumba, 2004). Quant à la recherche de la peau claire, elle se situe bien avant les années soixante. En effet, certaines civilisations anciennes (en Egypte par exemple) utilisaient déjà des composants naturels, comme l’argile appliquée en masque, empêchant ainsi la pigmentation de la peau du visage par le soleil (Petit, 2007). 1.1.3. Localisation géographique de la pratique de dépigmentation volontaire Un peu partout sur la planète, des femmes et des hommes utilisent des produits de dépigmentation, principalement par souci esthétique. Cependant, l’Asie et l’Afrique sont les deux continents principalement concernés par la dépigmentation volontaire cosmétique. La pratique est bien connue en Afrique noire (Del Giudice et al., 2003). Elle est essentiellement rapportée au Sénégal (Mahé et al., 2003; Del Giudice and Y., 2002), au Mali (Mahé et al., 1993; Faye et al., 2005; Maze et al., 2004), au Burkina Faso (Traoré et al.) au Togo (Pitche et al., 1998), au Nigéria (Ajose, 2005), en Côte d’Ivoire (Bilé, 2010; Ake et al., 2007), au Congo (Brazzaville) (Gathse et al., 2005; Adhikari et al., 2008), au Kenya (Barr et al., 1972) et en Afrique du Sud (Hartshorne, 2003; Schulz, 1982). 4 Cette pratique semble fréquente également dans l'Océan Indien (Mayotte) (Levang et al., 2009), dans la région des Caraïbes, c’est le cas des pays situés dans les Antilles (M'bemba-Ndoumba, 2004), au Moyen-Orient (Arabie Saoudite) (Alghamdi, 2010) , en Asie (Inde, Philippines, Hong Kong, Vietnam, Malaisie, ...) (AFSSAPS, 2011), en Amérique Centrale et en Amérique du Sud. Elle semble plus marginale en Amérique du Nord et aux Etats-Unis (Hoshaw et al., 1985; Kass, 2009). Une enquête menée en Chine, en Malaisie, aux Philippines et en République de Corée a montré que près de 40 % des femmes interrogées utilisaient des produits éclaircissants pour la peau (Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE, 2008). La dépigmentation volontaire est observée aussi dans les populations génétiquement pigmentées vivant en Europe, notamment en France dans la population migrante (Petit, 2007). On cite souvent le quartier de Château-Rouge à Paris et de Matongé à Bruxelles comme fréquentés par bon nombre d’Africains pour se procurer des produits dépigmentants. 1.1.4. Evolution de la domination de la peau claire Pendant la préhistoire, l’image de la peau noire n’était à priori pas négative. Les vestiges archéologiques d’Egypte démontrent que les Africains noirs ont été intégrés dans la société égyptienne. La couleur noire était également évaluée comme le symbole de la fertilité. La boue noire du Nil fécondait la terre et apportait la prospérité. Au cours de l'expansion de l'Empire romain germanique, le peuple noir d'Afrique du Nord était incorporé dans l'armée romaine pour se battre dans le Sud-est de l’Asie et en Afrique. Cela leur a donné une réputation positive. En outre, les Pères de l'Église des premiers siècles du Moyen Âge se sont joints avec le peuple éthiopien, qui était Chrétien et Juif, pour combattre l'Islam (Westerhof, 1997). Le changement de l'image de la couleur noire est survenu au cours du Moyen Âge, avant et pendant les croisades, lorsque les Islamistes sont devenus ennemis des Chrétiens. Dans leur language, le noir a un sens négatif, le Noir est la couleur du diable, le péché, et l'ennemi. Durant cette période, le christianisme occupe une place prépondérante dans la vie quotidienne et prône certaines considérations quant à la couleur de la peau des individus (Bonniol, 1995). Dans l’optique chrétienne, il était communément admis que la couleur noire était associée « au péché, à la tache, à la malédiction 5 divine » et à la mort. Tandis que le blanc était considéré comme la pureté, la vie et le bien (M'bembaNdoumba, 2004). Notons cependant le paradoxe inexpliqué des statues dites «Vierges noires » Cette supériorité de la couleur blanche s’est accentuée lors de la période coloniale. En effet, la colonisation fut l’occasion de nombreux contacts entre des peuples colonisateurs, occidentaux, et des populations indigènes à peau foncée, établissant ainsi des rapports sociaux spécifiques entre eux. Ces rapports, toujours en faveur des colons, se sont d’abord traduits par l’instauration d’un système de pouvoir occidental. Ils modifièrent également les modes de vie (construction de maison en bois, habillement, etc.), repères, valeurs sociales et esthétiques des populations locales (Bonniol, 1995; Emériau, 2007). Le but ultime de cette démarche était de modifier les aspects physiques, moraux, mentaux et psychologiques des colonisés pour qu’ils ressemblent aux colons (Emériau, 2007). Ainsi, la pigmentation de la peau devient un caractère physique établissant une différence entre ces deux catégories de personnes et impliquant « la domination de la peau blanche sur la peau noire symbolisant l’étranger, l’impur, le mal » (Emériau, 2007). Encore faut-il parler de la traite négrière qui existait officiellement jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle. Pour justifier l'exploitation et l'exclusion des Noirs, le groupe blanc dominant abusait de la bible en se référant à Cham (Ham) comme l’ancêtre de tous les Noirs. Au fil du temps, être un esclave et avoir une peau noire sont devenus synonymes. Cette catégorisation des personnes par la couleur de peau a conduit à une sinistre implication politique aboutissant à l'apartheid et au nazisme (Bilé, 2010). Bien que l'esclavage et le colonialisme militaire et politique soient historiques, la supériorité supposée de la couleur blanche à la couleur noire persiste. L'accent mis sur cette pensée est exprimé en termes de couleur de la peau ainsi qu’en termes de culture. Il est ainsi généralement admis que la culture occidentale est supérieure aux autres cultures, non seulement dans le monde occidental, mais aussi en Inde et dans d’autres pays Asiatiques (Westerhof, 1997). Battus militairement, vendus au plus offrant, humiliés chez eux, assommés par l’avancée technologique des colons, beaucoup d’Africains finirent en effet par douter d’eux-mêmes et par intégrer l’idée qu’on leur a souvent répétée, à savoir que leur âme et leur peau étaient « sales et laides ». Ils se mirent alors à idéaliser le « blanc » et cherchèrent à lui ressembler, quitte à se blanchir 6 en supprimant par tous les moyens leur mélanine. La dépigmentation effaçait leur prétendue « souillure » et leur donnait le sentiment de changer de condition et de rang social (Bilé, 2010). Pour les peaux blanches, la pratique qui correspond socialement à une modification de la pigmentation est, quant à elle, appelée « bronzage ». En effet, avant la révolution industrielle, les pauvres travaillaient à l’extérieur et avaient une peau foncée à cause du soleil tandis que les classes moyennes et aisées restaient à l’intérieur. La classe supérieure se réjouissait alors de montrer sa peau claire. Mais, après la révolution industrielle, les travailleurs restaient à l’intérieur et avaient alors également la peau claire, aussi la classe supérieure « décida » qu’une peau bronzée était plus prestigieuse, associée à une démonstration de temps libre et de moyens pour profiter de loisirs en extérieur (Direction générale de la santé, 2003). 1.1.5. Les motivations à la dépigmentation volontaire Les enquêtes qui ont eu lieu dans plusieurs pays sur la dépigmentation volontaire montrent que les motivations sont souvent d’ordre esthétique. On évoque le plus souvent un certain complexe (« mon teint noir d’origine ne me plait pas »), la mode ou le mimétisme (« je veux ressembler à ceux qui sont beaux ; beaucoup de gens le font »). (Bilé, 2010) Au Congo, comme pour des milliers de Noirs, outre les attributs traditionnels comme l’habillement et les traits réguliers et naturels du visage, l’acquisition d’une peau claire constitue un critère de beauté et de propreté (« je me dépigmente pour être plus beau et donc moins noir » « pour séduire, car le teint clair est un critère de beauté, chez nous les congolais») (M'bemba-Ndoumba, 2004). Certaines personnes justifient leur pratique par un pseudo-traitement médical pour éliminer les boutons ou l’acné sur la peau. Ce qui les pousse à utiliser des médicaments à base de cortisone. Ces produits sont souvent mélangés avec d’autres de fabrication artisanale (M'bemba-Ndoumba, 2004). 7 Nous avons encadré un travail relatif aux motivations et dissuasions des adolescents du Rwanda (ville de Butare) dont les résultats sont présentés en Figure 1 et 2 (Hollerich, 2011). Signalons que, dans la plupart des cas, ces motivations et dissuasions sont très semblables dans plusieurs pays. 8 Figure 1 : Arguments motivant la pratique de la dépigmentation volontaire au Rwanda (Hollerich, 2011) 9 Figure 2 : Arguments dissuasifs à la pratique de la dépigmentation volontaire au Rwanda (Hollerich, 2011) 10 1.1.6. Le trafic des produits dépigmentants et la réglementation quant à leur utilisation. En 2004, les plus grandes entreprises de fabrication de produits dépigmentants étaient implantées aux Etats Unis (Chicago) et en Grande-Bretagne. Ces entreprises avaient des extensions en Afrique anglophone comme au Nigéria, Libéria, Ghana, Gambie (M'bemba-Ndoumba, 2004). De ces pays, la diffusion se faisait dans les pays francophones en passant par les pays où la dépigmentation volontaire était fortement pratiquée, comme le Sénégal pour l’Afrique de l’Ouest, le Congo et la République Démocratique du Congo pour l’Afrique Centrale et de l’Est et l’Afrique du Sud pour toute la partie sud d’Afrique (Bilé, 2010). Ces produits sont le plus souvent à base d’acide kojique et d’hydroquinone, à des concentrations, dépassant respectivement 2 et 4 %. On trouve aussi des produits à base de dermocorticoïdes, surtout le propionate de clobétasol à 0,05 %. Ce dernier fait partie des corticoïdes topiques les plus puissants (Ake et al., 2007). On rencontre aussi des produits à base de dérivés mercuriels : chlorures mercurique (HgCl2) et mercureux (Hg2Cl2), oxyde de mercure (HgO) et chloramidure de mercure (HgClNH2) (Sin and Tsang, 2003). Dans son annexe II, la directive européenne 76/768/CEE modifiée, numéro d’ordre 300, a interdit l’utilisation des corticoïdes dans les produits cosmétiques (AFSSAPS, 2011). En 1984, l’hydroquinone a été autorisée dans les produits cosmétiques à condition de ne pas dépasser la concentration de 2 %, par la Directive 84/415/CEE. Plus tard son usage fut limité aux préparations pour ongles artificiels par la Directive 2000/6/EC. L’incorporation de tous ces dépigmentants dans la composition des produits cosmétiques est par conséquent interdite dans l’Union Européenne. Le mercure et ses composés sont inscrits à l’annexe II de la directive 76/768/CEE modifiée, relative aux produits cosmétiques (liste des substances qui ne peuvent pas entrer dans la composition des produits cosmétiques - numéro d’ordre 221). Leur incorporation dans les produits cosmétiques est donc interdite, à l’exception du thiosalicylate d’éthylmercure sodique (thiomersal) et du phénylmercure et ses sels qui sont autorisés comme agents conservateurs à la concentration maximale de 0,007 % en mercure (Hg) (AFSSAPS, 2011). 11 Au Congo, les produits à base d’hydroquinone sont interdit depuis 2006 (M'bemba-Ndoumba, 2004). En Côte d’Ivoire la publicité pour les produits dépigmentants a été interdite récemment, le 18 août 2009 par le conseil supérieur de la publicité (Bilé, 2010). En 2007, les études ont montré que l’acide kojique peut induire des effets indésirables graves. Ces études précisent que l’acide kojique a été banni dans les produits cosmétiques par de nombreux pays (Draelos, 2007). Sur le marché européen, les produits dépigmentants sont nombreux. Bien que ces molécules soient interdites dans beaucoup de pays, cela n’empêche pas de les rencontrer, surtout dans des magasins de produits exotiques. Nombre de produits sont saisis par les services de douane à leur entrée ou par la police dans les magasins. En 2004, les douaniers de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle interceptent pas moins de 15.000 tubes de produits blanchissants, dissimulés dans le frêt commercial d’un avion en provenance du Sénégal. En 2006, la police du Havre saisit un lot d’environ 7.000 crèmes, lotions et savons éclaircissants dans un conteneur venant du Nigéria, la marchandise étant destinée à une société Française. Un mois plus tard, ces mêmes douaniers interceptèrent environ 12.000 produits éclaircissants et médicaments interdits qui arrivaient par bateau de la côte d’Ivoire pour une boutique Parisienne (Bilé, 2010). Alors que la législation européenne interdit l’usage de l’hydroquinone dans les cosmétiques, une autre directive européenne autorise les usines et laboratoires à fabriquer ces produits, pour autant que ceux-ci soient réservés à l’exportation (Bilé, 2010). En France, les analyses de laboratoires ont déjà constaté que, contrairement à ce que mentionne leur étiquetage, nombre de produits contiennent encore à ce jour de l’hydroquinone (Bilé, 2010). La même législation se retrouve en Suisse. Par différentes campagnes de sensibilisation, ce pays a réussi à diminuer sur son territoire les cosmétiques à base d’hydroquinone ; ceux-ci ont cependant laissé place à l’acide kojique dont la fréquence dans les produits dépigmentants est passée de 5 % en 12 2003 à 50 % en pas moins d’un an, avec des concentrations proches de 1%, teneur à laquelle l’effet dépigmentant est efficace mais avec des risques d’effets secondaires (DASS, 2003; Bilé, 2010). En 2003, les acide kojique et azélaïque ont été également interdits en Suisse dans les produits dépigmentants. Une étude réalisée par le Comité scientifique des produits de consommation (SCCP) a montré également les méfaits de l’acide kojique à 1% sur la santé du consommateur (DASS, 2003). Néanmoins, cette étude n’a toujours pas été prise en compte en France où on trouve encore les produits dépigmentants contenant de l’acide kojique et azélaïque. En Belgique, les produits dépigmentants sont aussi en vente illégal, mais des nouvelles méthodes d’identifications ont été développée récemmment et permettront d’éclaircir le problème (Desmedt et al., 2013; Desmedt et al., 2014) En 2009, fut lancée pour la première fois en France une campagne de prévention des dangers du blanchiment des peaux noirs à l’initiative de la Mairie de Paris. Plus tard, d’autres campagnes seront lancés par des particuliers comme Isabelle Mananga-Ossey, Présidente de l’association « Label Beauté Noire ». Cette campagne s’appuiera sur la distribution d’un fascicule pédagogique sur les méfaits des crèmes éclaircissantes et la mise en ligne d’une bande dessinée intitulée « Beauté d’ébène » (Bilé, 2010). Dans plusieurs pays, les publicités pour les produits éclaircissants ne laissent pas cette pratique confidentielle. En effet, les magazines destinés aux populations noires comme « Amina » en France en font une publicité. 1.1.7. Classification des actifs dépigmentants trouvés sur le marché de certains pays d’Afrique Le tableau 1, reprend des produits éclaircissants utilisés dans quelques pays d’Afrique. Signalons que la liste n’est pas exhaustive et que certains principes actifs sont souvent en mélange. Pour le Rwanda, la liste des produits dépigmentants utilisés est présentée dans la section Résultats et Discussion (article 2). 13 Tableau 1 : Quelques spécialités dépigmentantes utilisés au Congo, au Nigéria et au Sénégal Congo (M'bemba-Ndoumba, 2004) Nigéria (Olumide et al., 2008) Sénégal (Mahé et al., 2003) Hydroquinone et acides organiques Corticoïdes Sels de mercure Shampooing détergents et autres Hydroquinone autres Hydroquinone Corticoïdes Sels de mercure Agents caustiques + actifs inconnus Paulina® (pommade) Diprosone® (pommade) Ambi-vert® (pommade) Eau de javel® Movate® Sukissa bango® (Savon) Néco® (Savon) Pharmapur® (Savon) Tenovate® (Crème, Gel) Fashion Fair® (Crème) Civic® (Crème, Gel) Diana® (Crème) Prosone® (Gel) Maxim® (Gel) Neoprosone® (Gel) Dermovate® (Crème, Gel) Clovate® (Crème) Topgel® (Gel) Lumière® (Crème) Neomat® (Crème, Gel) PC® (Crème, Gel), Niuma Extra Cream® Movate®(Crème) Savon liquide Topsyne gel® (pommade) Skin Light® (pommade, crème, savon) Emos® (crème) Body Clear® (pommade, crème) CBL® (pommade) HT26® (pommade) Clairliss® (pommade) Black Star® (pommade) MGC® (pommade) Akagni® (pommade, crème) Immediat Clair® (pommade, crème) Niuma® (pommade) Top-tone® (Crème) Sivoclair® (pommade, crème) Peau Claire® (pommade, crème) Fair White® (pommade, crème) Niuma® (Savon) Lustra® (pommade) Looking Good® Peau clair® Cétavlon® Clear-tone® (savon et pommade) Venus de Milo® (savon et pommade) Lactacid® (pommade) Dermacid® (Savon) Pain ramet dalibonor® (Savon) Topifram® (pommade) Synalar® (crème) Bingo® (pommade) Envie® (pommade) Nifluril® (pommade) Dear® (pommade) Ambi-rouge® (pommade) Mililo® (pommade) Rico® (savon et pommade) 3fleurs® (pommade) Roberts® (Savon) Crusader® (Savon) Sopa® Glycérine® Dop rouge® Dop aux œufs® Zazou® (artisanale) Paic citron® Ciment® (construction) Crusader® Tura® A3® Ambi® Skin Success® Tony Montana® Shirley® Sivo claire® IKB® Mic® Ultra® Venus ® Swiss collagen® Fashion Fair® 14 Idéal® (Crème) Movate® (Savon) Jaribu® (Savon) Idole® (Savon) Sukisa Bango® (Savon) Rico® (Savon) Asepso® (Savon) Shirley® (Crème) Si Claire® (pommade, crème), Peroxyde d'hydrogène 1.1.8. Effets indésirables liés à l’usage de certains produits dépigmentants Dans la majorité des cas, les complications liées à la dépigmentation volontaire sont avant tout cutanées (Levang et al., 2009). Le tableau 2 montre des exemples de produits dépigmentants ainsi que les effets indésirables liés à leur utilisation. Nous reviendrons sur ces molécules dans la section 1.4 pour parler des principales découvertes dans le domaine de l’hypopigmentation. Il est rapporté dans plusieurs études (Mahé et al., 2003; Del Giudice and Y., 2002; Raynaud et al., 2001; Mahé, 2000) que 60 à 70 % des utilisatrices présentent des effets nocifs cutanés. Les complications les plus fréquentes et les plus sévères sont en rapport avec l'usage des produits à base de corticoïdes (Mahé et al., 2003) Tableau 2 : produits dépigmentants usuels, mode d’action et effets indésirables Produit à base de Mode d’action Effet indésirable Acide azélaïque Inhibition de la tyrosinase - Acide kojique Inhibition de la tyrosinase - Corticoïdes Effet indirect par l’effet antiinflammatoire et antagoniste de la MSH Effet immunosuppresseur - prurit, érythème, brûlures effet cytotoxique et antiprolifératif sur les mélanocytes effet mutagène sur des cultures cellulaires dermatite cytotoxicité et cancer cutané dermatophyties gale pyodermites superficielles (folliculites, impétigo, furoncles) dermohypodermites bactériennes (érysipèle) Pityriasis versicolor acné (12 à 53% des utilisatrices) vergetures irréversibles (7 à 44% des utilisatrices) atrophie cutanée hyperpilosité hypercorticisme (syndrome de Cushing) et freinage de la sécrétion endogène de cortisol au 15 Références (David et al., 2011) (David et al., 2011) ; (Draelos, 2007) (Ndiaye et al., 1996) ; (Mahé et al., 2003); (Perret et al., 2001) ; (Perret et al., 2001; Morand et al., 2007) ; (Mahé et al., 2007) ; (Petit, 2007) ; - - Dérivés mercuriels Inhibition de la tyrosinase - Hydroquinone Altération des mélanosomes - Arbutine : Formation d'hydroquinone (après Inhibition de la hydrolyse de tyrosinase l'hétéroside) - niveau de l’axe hypothalamohypophysaire avec risque d’insuffisance surrénalienne hypertension artérielle et diabète pendant la grossesse : un petit poids des nouveau-nés à la naissance (rapporté chez 69 % des femmes interrogées) dépendance «psychologique» (dimension addictive de la dépigmentation volontaire dermatites de contact irritatives eczémas de contact complications rénales (néphropathies glomérulaires) neuropathies périphériques ou centrales cataracte bilatérale associée à une anémie et une insuffisance tubulaire rénale a été décrit chez un nourrisson de 3 mois à cause du savon utilisé par la mère. dégradation des mélanosomes destructions des mélanocytes irritation dermatite allergique de contact hyperpigmentation postinflammatoire, décoloration des ongles, ochronose (pigmentation bleu-noir des muqueuses de la peau) très difficile à éliminer risque potentiel d’adénome rénal et de toxicité fœtale (montré chez le rat) hyperchromie périorbitaire « en lunette ». renforcement de la couleur des pigments en post-inflammatoire 16 (Haustein and Barth, 1983) ; (AFSSAPS, 2011) ; (Lauwerys et al., 1987) ; (AFSSAPS, 2011) (David et al., 2011) Figure 3 : Quelques images montrant des effets indésirables liés à l’utilisation des produits dépigmentants contenants des corticoides ou de l’hydroquinone sur la peau noire. Coloration grise bleutée du pavillon de Décoloration des ongles et hyperpigmentation des faces (Pseudo-)ochronose exogène après l’oreille lors d’ochronose après dorsales des articulations interphalangiennes par utilisation de l’hydroquinone (Morand utilisation de l’hydroquinone (Morand utilisation de l’hydroquinone (Morand et al., 2007). et al., 2007) et al., 2007) et al., 2007) 17 Nappes réticulées noirâtres d’ochronose Acné sérieusement aggravé par l'utilisation de Dermatophytie étendue après exogène; les vergetures après corticoïdes (Mahé et al., 2003) utilisation de corticoïdes (Morand et utilisations de corticoïdes (Morand et al., 2007) al., 2007) 18 1.1.9. Les produits dépigmentants vendus sur le marché Européen et international contre les taches pigmentaires de la peau claire. Suite au rayonnement solaire et à l’âge, des amas de mélanine se forment par endroit, formant des taches pigmentaires sur la peau appelées lentigo. Ce phénomène se remarque souvent sur les peaux claires. Pour pallier ce problème, certains laboratoires produisent des dépigmentants combinant plusieurs actifs dépigmentants qui visent à inhiber la formation de la mélanine à plusieurs stades de sa synthèse. Les principaux producteurs de produits dépigmentants sont La Roche-Posay, Vichy et Caudalie Belgique. Le tableau 3 donne une liste des produits les plus courants sur le marché européen et international, les laboratoires producteurs ainsi que les composants actifs de ces produits. Tableau 3 : Quelques produits cosmétiques dépigmentants vendus sur le marché Européen et international pour la peau blanche (IMShealth) Produits Age Re-perfect Laboratoire L’Oréal dépigmentant Vitamine C pure à dosage élevée: antioxidant et inhibiteur de tyrosinase Depiwhite advanced® Acm Crawford crème dépigmentante SAS Ester d’acide α-hydroxylé: exfoliant ; Antipollon® tube 40 ml inhibiteur de tyrosinase ; Vitamine C : antioxydant. Eucerin Anti- Beiersdorf Pigment® Acide dioïque: inhibiteur de tyrosinase ; Filtre UVA/UVB Fluide SPF30 50 ml Gamme Sheseido (hydroxyde d’aluminium) : exfoliant ; Acide kojique: Sheseido white lucent® Rice Germ Extract : mécanisme inconnu & Vitamin C : antioxydant. Witch Hazel Extract : propriétés anti-inflammatoires Idealia pigment Vichy corrector® 30ml Melaclear® lotion 15 ml Un complexe de composés « actifs » (composition non entièremen décrite) Auriga Vitamine C : antioxydant ; Acide phytique : inhibiteur de tyrosinase 19 Mela-D® crème La visage Posay 30 ml Meladerm® Civant crème 50 ml Care Roche- Acide kojique : inhibiteur de la tyrosinase ; Skin Arbutine, acide kojique, extrait de Réglisse : inhibiteur de tyrosinase ; Vitamine C : antioxydant Melascreen Ducray Acide azélaïque : inhibiteur de la tyrosinase ; Acide dépigmentant® glycolique : effet peeling qui élimine la mélanine dans les crème 40 ml couches superficielles et facilite la pénétration de l’acide azélaïque. Neostrata Pigment Hdp medical Acide kojique: inhibiteur de tyrosinase ; Vitamine C : Lightening Gel® 40 g int. antioxydant ; Acide glycolique, Acide lactique, et glyconolactone : effet peeling Revitol Skin Revitol Arbutine: inhibiteur de tyrosinase ; Vinoperfect sérum Caudalie Acétate de tocophérol: antioxydant; Extrait de sarment de Eclat Anti-Taches® Belgique vigne palmitoylé (antioxydant) Brightener® Crean 30 ml 20 1.2. La pigmentation de la peau humaine Dans cette deuxième partie de l’introduction, nous allons parler de la peau en tant que siège de la pigmentation. Nous parlerons des effets du soleil sur la peau en se concentrant principalement sur la formation de pigments. Nous détaillerons le processus de la mélanogenèse ayant lieu dans des cellules spécialisées appelées mélanocytes, plus précisément dans des organites cellulaires spécifiques appelés mélanosomes. Nous parlerons aussi du transfert de ces derniers aux kératinocytes de la peau. 1.2.1. La peau La peau est le plus grand organe du corps humain. Elle pèse 4 kg et représente une surface de 2 m2, son épaisseur est de 2 à 3 mm en moyenne mais elle varie de 1mm au niveau des paupières à 4mm au niveau des paumes et des plantes des pieds. Elle se dresse comme une barrière physique qui protège les tissus et les organes internes de la plupart des agressions extérieures, physiques, chimiques et infectieuses. Par sa visibilité et surtout ses caractéristiques chromatiques, elle constitue depuis très longtemps un critère de « classement » des Hommes. Dans nos sociétés actuelles, on lui octroie une grande importance car c’est sur elle que porte le premier regard. Sa fermeté, sa couleur et son homogénéité sont des signes de bonne santé et des indicateurs de la position socio-économique (Hwa et al., 2011; Brenner and Hearing, 2008; Duez, 2001). 1.2.1.1. Les différentes fonctions de la peau La peau possède différentes fonctions ; elle exerce principalement une fonction de barrière contre les agressions extérieures physiques, chimiques et infectieuses et contre les rayons solaires et la chaleur. La pénétration du rayonnement solaire dans la peau dépend de la longueur d’onde du rayonnement. La surface de la peau est capable de réfléchir le rayonnement solaire; la peau blanche, plus efficace que la peau noire, peut réfléchir 40 % des radiations visibles. La réflexion se fait essentiellement au niveau de la couche cornée de la peau. Ainsi, chez un sujet à peau blanche, 20 % d’UVB atteignent la couche 21 du corps muqueux de Malpighi et moins de 10 % le derme. La majorité d’UVA et du visible traversent l’épiderme mais 20 à 30 % seulement atteignent le derme. Le rouge et l’IR parviennent jusqu’à l’hypoderme et sont responsables de la sensation de chaleur. La peau a également une fonction d’échange, par l’entrée et la sortie de l’eau grâce à sa perméabilité et l’élimination de sueur. Elle joue un rôle important dans la thermorégulation. Par sa fonction sensorielle, la peau est le siège du toucher et permet une adaptation au milieu environnant. La peau remplit des fonctions métaboliques dont la synthèse de la vitamine D sous l’influence des rayons ultraviolets B (Hwa et al., 2011; Mélissopoulos and Levacher, 2012). 1.2.1.2. Les effets biologiques du soleil sur la peau L’exposition aux rayons solaires a des effets favorables et néfastes sur la santé humaine : Parmi les effets positifs, nous pouvons citer la synthèse de la vitamine D, le bronzage, la chaleur, la photothérapie, l’action bactéricide et la pigmentation (Durand, 2010; Duez, 2001; Mélissopoulos and Levacher, 2012). Parmi les effets néfastes (surtout après des expositions intenses au soleil), nous citons : Activation de certains chromophores. En effet l’énergie lumineuse captée par un chromophore le fait passer à un niveau supérieur (état activé) qui est un état très réactif ; Rupture et reformation désordonnée des liaisons dans des molécules qui ont été pénétrées par des photons, ce qui aboutit à la formation des radicaux libres ; Stress oxydant, formation des espèces réactives de l’oxygène ou ROS, est accru sous l’effet des UVA. Ces ROS sont très instables et très réactives et ont une action nocive sur de nombreuses molécules ou macromolécules. Ils sont responsables d’une partie des dommages à l’ADN ; Erythème actinique ou « coup de soleil » ; Action sur les mélanocytes conduisant à une pigmentation immédiate et retardée et les cancers de la peau ; L’effet sur les composants du derme, attaque de l’ADN des fibroblastes et production des ROS ; Effet sur la vascularisation à savoir l’altération de la microcirculation ; Vieillissement cutané (Photovieillissement) (Duez, 2001; Mélissopoulos and Levacher, 2012). 22 1.2.1.3. Structure de la peau Sur le plan structural, la peau est constituée de trois couches superposées, dont la plus externe est « l’épiderme », l’intermédiaire étant « le derme » et la plus profonde étant l’hypoderme, les dernières références n’attribuent pas l’hypoderme à la peau, mais il est en interaction fonctionnelle avec elle (Marieb et Hoehn, 2010). La pigmentation de la peau a lieu dans des cellules spécialisées, les mélanocytes, situés au niveau de la couche basale de la peau à la jonction dermo-épidermique (Figure 4). Figure 4: Profil de la peau des mammifères indiquant trois principales couches : l’épiderme, le derme et la couche sous-cutanée ainsi que la position des mélanocytes et la dispersion du pigment (Parvez et al., 2006). L’épiderme est la couche la plus externe de la peau ; c’est un épithélium de revêtement stratifié car il est constitué de plusieurs assises cellulaires. Il est pavimenteux étant donné que les cellules de sa couche superficielle sont plates. Kératinisé, il secrète la kératine qui est une protéine fibreuse et résistante. 23 L’épiderme est formé de 5 principales couches superposées. On distingue de la profondeur vers la surface (Figure 5): - La couche basale ou couche germinative, qui est la couche la plus profonde de l’épiderme; - La couche épineuse ou couche du corps muqueux de Malpighi ; - La couche granuleuse ; - La couche claire (qui n’existe qu’au niveau de la peau épaisse) ; - La couche cornée (Sibomana, 2013; Mélissopoulos and Levacher, 2012; Durand, 2010). Figure 5 : les cinq principales couches de l’épiderme (Mélissopoulos and Levacher, 2012) L’épaisseur de l’épiderme est environ celle d’une feuille de papier mais varie d’un endroit à l’autre du corps. L’épiderme n’est pas vascularisé; les nutriments proviennent du derme et y pénètrent par diffusion. L’épiderme est constitué de 4 types de cellules : les kératinocytes, les mélanocytes, les cellules de Langerhans ou macrophagocytes intraépidermique et les cellules de Merkel (Durand, 2010; Tortora et Derrickson, 2007) . 1.2.1.4. Les kératinocytes 24 Les kératinocytes représentent la majorité des cellules de l’épiderme. Ils proviennent de cellules de la couche basale qui se divisent de façon continue. Les kératinocytes se différencient de façon centrifuge, c'est-à-dire qu’au fur et à mesure qu’elles s’éloignent da la jonction dermo-épidermique, les cellules se remplissent de kératine pour se transformer en kératinocytes basaux puis en kératinocytes cornés (Figure 6) (Durand, 2010). Au cours de leur migration, les kératinocytes subissent une apoptose pour ne devenir que des membranes plasmiques remplies de kératine à la surface de la peau (les cornéocytes). Les cornéocytes de surface desquament et sont remplacés par des kératinocytes synthétisés au fur et à mesure au niveau de la couche basale. 1.2.1.5. Les mélanocytes Les mélanocytes dérivent des mélanoblastes qui apparaissent dans la crête neurale embryonnaire entre la 8ème et la 14ème semaine de vie fœtale et migrent vers l’épiderme. Les mélanocytes matures ont pour fonction principale la synthèse des mélanines ou mélanogenèse. C’est au niveau de la couche basale de l’épiderme que se trouvent les mélanocytes. On retrouve également des mélanocytes à la base des follicules pileux et dans certains organes sensoriels tels que la rétine. Les mélanocytes représentent moins de 1% de la totalité des cellules de l’épiderme et leur nombre est identique d’un individu à l’autre, peu importe la couleur de peau. La répartition des mélanocytes n’est par contre pas identique sur toute la surface du corps, ils sont plus abondants sur les organes génitaux (2.400/mm2) que sur le visage (2.000) et moins encore sur le tronc (890/mm2) (Mélissopoulos and Levacher, 2012). Les mélanocytes sont des cellules de grande taille, possédant des expansions cytoplasmiques appelées « dendrites mélanocytaires », (Figure 6 et 7) qui leur permettent de rentrer en contact avec les kératinocytes des couches supra-basales de l’épiderme. Chaque mélanocyte est en relation avec environ 36 kératinocytes, formant ainsi une « unité épidermique de mélanisation » (Figure 8). Celle-ci se définit comme un ensemble comprenant un mélanocyte qui synthétise la mélanine dans des 25 mélanosomes et les kératinocytes qui reçoivent la mélanine de ce mélanocyte (Ebanks et al., 2009; Mélissopoulos and Levacher, 2012). Les mélanocytes présentent un faible taux de renouvellement chez l’adulte. Dans les follicules pileux, ce taux est plus élevé et dépend du cycle pilaire. Le nombre de mélanocytes actifs diminue avec l’âge et cela explique le grisonnement des cheveux et des poils (Mélissopoulos and Levacher, 2012). Figure 6: Culture mixte de mélanocytes, kératinocytes et fibroblastes sous microscope optique. On distingue des dendrites (flèches) d’un mélanocyte établissant des jonctions avec deux kératinocytes. 26 Figure 7: Unité épidermique de mélanisation. Le mélanocyte, qui repose sur la membrane basale de l’épiderme, est entouré de 36 à 40 kératinocytes vers lesquels sont transférés les mélanosomes le long des dendrites (Delevoye et al., 2011). 1.2.1.6. La mélanogenèse Les radiations ultraviolettes (UV) stimulent la production de mélanine par les mélanocytes contenus dans l’épiderme humain. La mélanogénèse est un processus biologique de synthèse, de distribution et de transfert des mélanines dans l’épiderme. La mélanine est un mélange de polymères hétérogènes qui déterminent la couleur de la peau humaine, des cheveux et des yeux. C’est un polymère formé par polymérisation de radicaux phénols (5-6 quinone). On en distingue deux types (Figure 8) : les eumélanines, brunes ou noires, qui sont des molécules très polymérisées, contenant peu de soufre. Elles sont présentes chez tous les mammifères. Les phéomélanines, jaune-orange, qui contiennent beaucoup de soufre dérivant de la cystéine (-S-Scystéinyl-DOPA), et sont moins polymérisées (Olivares et al., 2001; Mélissopoulos and Levacher, 2012). 27 A B Figure 8: Unités de base des polymères d’eumélanine (B) et de phéomélanine (A) (Durand, 2010) 1.2.1.7. Biochimie de la mélanogénèse. La mélanine est synthétisée dans les mélanocytes, précisément dans les mélanosomes. 1.2.1.7.1. La maturation des mélanosomes Les mélanosomes sont le lieu de synthèse et de stockage de la mélanine. Ils sont distribués dans le cytoplasme des kératinocytes de la couche basale. Ils sont synthétisés par les mélanocytes (Figure 7), migrent dans les kératinocytes pour se concentrer au dessus du noyau et protéger l’ADN de l’action des rayons ultraviolets (Delevoye et al., 2011). Avant d’être distribués aux kératinocytes avoisinants, les mélanosomes subissent 4 stades de maturation successifs (Figure 9) au cours desquels ils acquièrent des protéines de structures spécifiques (Pmel17) et des enzymes, la tyrosinase (Tyr), la Tyrosinase-related protein 1 (Tyrp1) et la dopachrome tautomérase (Dct), provenant de l’appareil de Golgi, leur permettant de synthétiser les mélanines. Au premier stade (Stade I), on retrouve les endosomes qui sont ronds et non pigmentés. Ce stade correspond à la synthèse de l’organite. A l’intérieur, on trouve des molécules de tyrosinase non actives formant des filaments hélicoïdaux (Mélissopoulos and Levacher, 2012). 28 Par la suite, au stade II, ces endosomes produisent des fibres protéiques qui vont se déformer en leur donnant une allure ellipsoïdale particulière ; ce sont des prémélanosomes. Le constituant principal de ces fibres est une protéine transmembranaire Pmel17. A ce stade, la tyrosinase devient active. Aux stades II et III, les enzymes mélanogéniques en provenance du trans-Golgi sont transmises au mélanosome en cours de maturation. L’organite s’opacifie très nettement en raison de la synthèse de mélanine due à l’activité importante de la tyrosinase (Delevoye et al., 2011; Mélissopoulos and Levacher, 2012). Au stade IV, la tyrosinase n’est plus active et les mélanosomes complètement mélanisés seront phagocytés par les kératinocytes. Au cours de leur maturation, les mélanosomes qui synthétisent des eumélanines s’aplatissent alors que ceux qui synthétisent des phéomélanines ou des trichochromes1 restent ronds. Figure 9: Formation des mélanosomes synthétisant les eumélanines (gauche) (Mélissopoulos and Levacher, 2012). La microscopie électronique du cytoplasme des mélanocytes (droite) révèle non seulement des mélanosomes noirs contenant la mélanine (mélanosomes matures), mais également des organites non pigmentés (prémélanosomes A, compartiments précurseurs des mélanosomes) (Delevoye et al., 2011). 1 Les trichochromes sont une classe de petites molécules présentes dans la phéomélanine et absents dans d'eumélanine (Simon et al., 2006) 29 1.2.1.7.2. La synthèse de la mélanine (mélanogenèse) La Figure 10 schématise le processus de synthèse de la mélanine dans le mélanosome. Figure 10: Représentation schématique de la chaîne de biosynthèse de la mélanine dans le mélanosome (Delevoye et al., 2011). La mélanogenèse (Figures 10 et 11) débute par la réaction d’hydroxylation/oxydation de la L-tyrosine en DOPAquinone. Ces réactions sont catalysées par la tyrosinase, via son activité monophénolase et diphénolase. Ces réactions sont les étapes limitantes de cette voie de biosynthèse. La dopaquinone emprunte ensuite deux voies : soit qu’elle se lie à la cystéine ou au glutathion pour donner le cystéinylDOPA ou le glutathionylDOPA, ce qui oriente la voie vers la synthèse de la phéomélanine ; soit qu’elle se cyclise en DOPAchrome. Ensuite, trois voies sont possibles : une principale de conversion spontanée en DHI (dihydroxyindole) et ensuite en eumélanine. Une voie secondaire de catalyses enzymatiques utilisant la TRP-2 (Tyrosinase related protein 2 ou Dopachrome tautomérase) qui convertit le DOPAchrome en acide 5,6-dihydroxyindole-2-carboxylique (DHICA) suivie d’une polymérisation en mélanines. Bien que la TRP-1 figure sur le schéma, son activité DHICA oxydase n’a pas encore été démontrée chez l’homme. Le dopachrome peut aussi subir un remaniement spontanné le convertissant en acide 5-indole-2- carboxylique, 6-quinone (ICAQ) et ensuite en eumélanine (Ebanks et al., 2009). La figure 12 décrit les différentes étapes de la synthèse des mélanines. 30 Figure 11 : La biosynthèse des mélanines (Chang, 2009). TYR : tyrosinase; TRP; tyrosinase related protein; dopa : 3,4-dihydroxyphénylalanine; DHICA : acide 5,6-dihydroxyindole-2-carboxylique; DHI : 5,6-dihydroxyindole; ICAQ : acide 5-indole-2-carboxylique, 6-quinone; IQ, indole-5,6-quinone; HBTA, 5-hydroxy-1,4-benzothiazinylalanine. 1.2.1.7.3. Transfert des mélanosomes. La mobilisation des mélanosomes, sous la membrane plasmique, aux extrémités dendritiques précède leur transfert par phagocytose aux kératinocytes (Figure 10). Ce transfert est contrôlé par différents facteurs, notamment le PAR-2 (Proteinase-Activated Receptor 2) qui est le plus important et couplé aux protéines G, exprimés par les kératinocytes (Delevoye et al., 2011). Trois processus distincts mais non mutuellement exclusifs sont proposés pour expliquer l’acquisition du pigment par les kératinocytes : (1) l’exocytose du pigment nu de toute membrane suivie de son endocytose par le kératinocyte ; (2) le transfert des mélanosomes par des nanotubes établis entre mélanocytes et kératinocytes ; (3) la phagocytose par le kératinocyte des extrémités dendritiques des mélanocytes riches en mélanosomes (Mélissopoulos and Levacher, 2012; Brenner and Hearing, 2008; Delevoye et al., 2011). 31 1.2.2. La pigmentation chez les mammifères et sa régulation hormonale La régulation de la pigmentation chez les mammifères est contrôlée à différents niveaux et est assez complexe à chaque niveau. La régulation de la mélanogenèse est assurée par les kératinocytes qui produisent, à partir de la POMC (pro-opiomélanocortine), de l’α-MSH (Melanocyte stimulating Hormone) et de l’ACTH (hormone corticotrope) qui vont activer respectivement les récepteurs MC1R et MC2R présents sur les mélanocytes. Cela conduit à l’activation de la voie de l’AMP cyclique laquelle aboutit à la stimulation de la synthèse du facteur de transcription Mitf (Microphtalmiaassociated Transcription Factor), qui stimule à son tour la transcription des gènes cibles dont les enzymes impliquées dans la mélanogenèse (Mélissopoulos and Levacher, 2012). La pigmentation est régulée (i) au niveau cellulaire par les mélanocytes qui produisent les mélanosomes en différentes tailles, nombres et densités ; (ii) au niveau subcellulaire où le niveau de la synthèse et l'expression de diverses enzymes mélanogéniques et leurs inhibiteurs joue un rôle crucial (Parvez et al., 2006). Dans l'épiderme, les mélanocytes sont en étroite harmonie avec les cellules voisines. Ils sont influencés par une variété de facteurs biologiques, y compris les interleukines, les interférons, les facteurs de croissance, les vitamines et les prostaglandines, qui déterminent non seulement la synthèse de la mélanine, mais aussi quel type de mélanine est produit. Vraisemblablement, ces facteurs fournissent des signaux complexes qui stimulent la pigmentation après un traumatisme, l'exposition aux UV, ou d'autres stimulis environnementaux qui induisent des modifications dans les niveaux de production de pigment (Rana et al., 1996). 32 1.2.3. Les différents types de peau ou phototypes Selon la réaction de la peau lors de l’exposition au soleil, Fitzpatrick a élaboré une classification des différents types de peau. La Figure 12 et le tableau 4 illustrent ces différents phototypes. Figure 12: illustration des phototypes selon la classification de Fitzpatrick (Beltina.org encyclopedia of health) 33 Tableau 4: Classification de Fitzpatrick (Sachdeva, 2009) Types Traits principaux de peau - Peau très claire I - Taches de rousseurs - Yeux clairs - Cheveux blonds-roux II - III - IV - V - VI (a) Caractéristiques et réactivité - Jamais de bronzage Coups de soleil: toujours, sévères Temps d’autoprotection(a) de la peau: 5 à 10 min Peau claire Taches de rousseurs: souvent Yeux clairs Cheveux clairs ou châtains - Bronzage très légère ou très lentement Coups de soleil: généralement sévères Temps d’autoprotection(a) de la peau: 10 à 20 min Peau légèrement mate Yeux bruns ou clairs Cheveux bruns - Peau très mate Yeux bruns Cheveux bruns-foncés ou noirs Peau foncée Yeux foncés Cheveux noirs - - - - - Peau noire Yeux noirs - Cheveux noirs temps de résistance au soleil - Bronzage: bon si la peau est exposée progressivement Coups de soleil: parfois, moyens Temps d’autoprotection(a) de la peau: 20 à 30 min Bronzage rapide et en profondeur Coups de soleil: rares Temps d’autoprotection(a) de la peau: 30 à 45 min Bronzage toujours profond Coups de soleil: très rares Temps d’autoprotection(a) de la peau: 45 à 60 min Coups de soleil: presque jamais Temps d’autoprotection(a) de la peau: 60 à 90 min D’après Mélissopoulos (2012), pour adapter un traitement cosmétique à chaque peau, il faut connaitre son type de peau en fonction de la production lipidique et de l’hydratation de la couche cornée (Tableau 5). On distingue quatre types de peau : une peau normale et mixte, une peau grasse, une peau sèche et une peau à anomalies. 34 Tableau 5 : les différents types de peau et les caractéristiques relatives à chaque type. Les types de peau Caractéristiques Peau normale et mixte - Douce au toucher, uniforme et sans imperfections apparentes - Peut être grasse et luisante dans la zone T (prolongement du front, nez, jusqu’au menton) : peau mixte Peau grasse - Production du sébum non excessive - Bien hydratée - Ne secrète pas trop de sueur - Elimine en permanence du sébum, des graisses et de la sueur. - Luisante, épaisse, avec pores dilatés sur les ailes du nez et sur les joues Peau sèche : - Coloration terne, - Présence de comédons ouverts ou fermés - Peut développer de l’acné. - Résistante et vieillit moins vite - Manque d’eau, de lipide et de sébum. - Perte des d’élasticité, propriétés altération de des barrière, propriétés mécaniques. Peaux à anomalies : - Peau avec pellicules - Peau mal irriguée - Peau carencée (en raison de maladie) - Manque de sébum - Squames anormalement abondants au niveau du cuir chevelu - 35 Défauts de circulation cutanée (rougeurs) 1.2.4. Peau « noire » et peau « blanche » La teneur en mélanine constitue la seule différence entre peaux noire et blanche (Figure 14). En effet, selon Mahé (2000) la peau n’est pas réellement de couleur noire et blanche ; ce sont des variations dans le spectre du rouge. La détermination génétique de la couleur de la peau restant mal connue, des études suggèrent que soit un petit nombre de gènes (3 à 6) soit un grand nombre (150 gènes) est à la base de la régulation de la couleur (Mélissopoulos and Levacher, 2012; Mahé, 2000). La couleur de la peau est une fonction de la taille, du nombre et de la distribution des mélanosomes plutôt que de la densité de mélanocytes. En fait, le nombre de mélanocytes est le même dans toutes les « races ». Toutefois, les mélanocytes de la peau pigmentée sont épais, plus longs avec des dendrites ramifiées (Rana et al., 1996). Pour d’autres auteurs, la pigmentation cutanée ne dépend pas du nombre de mélanocytes mais de paramètres incluant le niveau d’activité des mélanosomes, la disponibilité en substrats, la nature des tyrosinases (Tyrp-1 ou Tyrp-2) qui modulent la nature chimique des mélanines produites (phéomélanines, eumélanines), le nombre, le type et le mode de répartition des mélanosomes dans les kératinocytes avoisinants ainsi que le taux d’élimination et de dégradation des mélanosomes (Briganti et al., 2003; Jablonski and Chaplin, 2001). Il semble également probable que les différences raciales dans la couleur de la peau humaine proviennent essentiellement de différences dans l'activité de la tyrosinase. Les mélanocytes dérivés de peau noire ont jusqu'à dix fois plus d'activité et peuvent donc produire jusqu'à dix fois plus de mélanine (Parvez et al., 2006). Toutefois, le niveau élevé de l'activité de la tyrosinase dans les mélanocytes de peau noire n'est pas dû à une surabondance de tyrosinase. En effet, le nombre de molécules de tyrosinase présentes dans les mélanocytes de peaux blanches et de peaux noires très pigmentées est semblable (Valverde et al., 1996). Selon Rana et al., (1996), la mélanine persiste au sein de la couche cornée de la peau noire. Dans la peau blanche, par contre, le pigment est dégradé dans la couche granulaire, probablement par son propre processus enzymatique. Cela indique donc que la couche cornée de la peau blanche ne contient pas de mélanine (Rana et al., 1996) (Figure 13). 36 Figure 13: Distribution des mélanosomes dans les peaux blanches (type caucasien) et noires (Mélissopoulos and Levacher, 2012). 1.3. Modulation de la pigmentation. La pigmentation de la peau, des poils et des yeux résulte de variations quantitatives et qualitatives des pigments mélaniques. Le processus de la pigmentation, bien qu’intimement lié à la synthèse mélanique se compose de multiples étapes, initiation, mélanogenèse, transfert, dégradation et élimination. Nous détaillerons les différents niveaux possibles d’inhibition de la pigmentation en présentant quelques principes actifs capables d’agir à chaque niveau. Beaucoup de recherches dans le domaine de la pigmentation se sont focalisées sur l’inhibition de la tyrosinase. Nous parlerons de la tyrosinase en tant qu’enzyme-clé de la mélanogenèse et nous en présenterons les différents mécanismes d’inhibition. 37 1.3.1. Pourquoi inhiber la mélanogenèse ? La mélanine joue un rôle important dans la protection de la peau humaine contre les effets nocifs des rayonnements UV. Pour les peaux claires cependant, l'accumulation d'une quantité anormale de mélanine dans différentes parties spécifiques de la peau, sous forme de plaques pigmentées (mélasma, taches de rousseur, lentigos séniles éphélides, etc.), peut devenir un problème esthétique. Dans les pays occidentaux, les inhibiteurs de la formation de mélanine sont utilisés pour la prévention et le traitement de telles hyperpigmentations. Pour les Asiatiques et les populations à peau foncée, partout sur la planète, la peau blanche constituerait un atout social qui les pousse à utiliser les produits éclaircissants dans le but de diminuer la pigmentation. Les produits utilisés pour inhiber la mélanogenèse sont appelés « dépigmentants » ou « éclaircissants ». 1.3.2. Les cibles potentielles d’inhibition de la pigmentation. La mélanogenèse débute par la réaction d’hydroxylation/oxydation de la L-tyrosine en DOPAquinone catalysée par l’enzyme tyrosinase (Figure 11) et constitue l’étape limitante de cette voie de biosynthèse. En effet, le reste de la séquence de réactions peut s'effectuer spontanément à un pH physiologique (Halaban et al., 2002). Selon plusieurs auteurs, l’inhibition de la tyrosinase suffirait à inhiber la mélanogénèse. Cependant, la complexité du processus de pigmentation laisse à penser que l’on ne peut agir de manière sûre et efficace en s’attaquant à une seule et unique étape de celui-ci (David et al., 2011). La pigmentation peut être inhibée depuis l’initiation de la mélanogénèse jusqu’à l’élimination du pigment (Figure 14). 38 Figure 14: Inhibition de la pigmentation à différentes étapes de la mélanogenèse (Ortonne and Bissett, 2008) Les inhibiteurs de la pigmentation peuvent agir à différents stades de la mélanogenèse: Les mesures d’éviction et de protection contre l’action des rayons solaires, des troubles hormonaux (grossesse, contraceptifs oraux) et la formation de radicaux libres sont proposées pour ralentir l’initiation ou l’aggravation des troubles pigmentaires. Les anti-inflammatoires, comme les phytostérols, et les antioxydants comme les vitamines C et E agissent à ce niveau. Au niveau de la synthèse de la mélanine, celle-ci se fait en trois étapes : L’initiation : Les modérateurs de la transcription du gène de la tyrosinase comme l’acide trans-rétinoïque, le rétinol et ses esters ainsi que le rétinaldéhyde ; L’activation : les inhibiteurs de la glycosylation comme la glucosamine, la N-acétyl glucosamine agissent à ce niveau ; La synthèse : à cette étape, la tyrosinase est activée et catalyse la synthèse de la mélanine par différentes réactions d’oxydation. Les différents inhibiteurs de la tyrosinase et les antioxydants agissent à ce niveau pour empêcher son action. 39 Après la synthèse de la mélanine, celle-ci est transférée aux kératinocytes. La niacinamide et les inhibiteurs de protéases peuvent empêcher ce transfert et, par là, limiter la pigmentation de la peau ; Une fois que la mélanine est au niveau de la peau, on peut accélérer la desquamation et le renouvellement cellulaire. Les stimulants du renouvellement cellulaire et de la desquamation comme la vitamine C agissent à ce niveau (Ortonne and Bissett, 2008; David et al., 2011). 1.3.3. La tyrosinase (E.C. 1.14.18.1) La tyrosinase (synonymes : la monophénol monooxygénase, la catéchol oxydase, la polyphénol oxydase, la phénolase, la catécholase et la crésolase) est une enzyme contenant du cuivre très répandue dans la nature. Elle appartient au groupe des oxydases. Chez les mammifères, elle se trouve exclusivement dans les mélanocytes, avec une masse moléculaire d'environ 60 - 70 kDa (Parvez et al., 2006; Khan, 2007). Cette enzyme bifonctionnelle catalyse deux réactions distinctes impliquant l'oxygène moléculaire, l'hydroxylation de monophénols en o-diphénols (activité tyrosine hydroxylase ou crésolase) et l'oxydation d’o-diphénols en o-quinones (activité diphénolase ou catécholase). Le terme tyrosinase se réfère à son substrat principal la tyrosine. Les premières investigations biochimiques ont été réalisées en 1895 sur le champignon Russula nigricans, dont la chair coupée devient rouge-noire à l'air libre. Depuis cette étude, l'enzyme a été largement caractérisée dans les règnes végétal et animal. Les tyrosinases les mieux caractérisées sont dérivées de Streptomyces glausescens, Neurospora crassa et Agaricus bisporus (Chang, 2009). La tyrosinase peut être impliquée dans le processus de mue des insectes et l'adhérence d'organismes marins (Azhar-Ul-Haq et al., 2006). Chez les champignons et les vertébrés, la tyrosinase catalyse la première étape de la formation de la mélanine. Chez les plantes, divers composés phénoliques en sont les substrats physiologiques; la tyrosinase les oxyde dans la voie de brunissement observé lorsque les tissus sont lésés (Chang, 2009). La tyrosinase extraite du champignon Agaricus bisporus est fortement semblable à celle des mammifères, ce qui en fait un modèle pour les études sur la mélanogenèse. En fait, presque toutes les 40 études sur l'inhibition de la tyrosinase menées jusqu'ici ont utilisé une tyrosinase de champignons parce que l'enzyme est disponible dans le commerce (Chang, 2009). Au niveau de son site actif, la tyrosinase contient un ion de cuivre. Une molécule de tyrosinase peut contenir deux atomes de cuivre et chaque atome de cuivre se lie à trois histidines qui sont indispensables à l’activation de la réaction (Chang, 2009; David et al., 2011) L’oxydation du phénol se fait en deux étapes (Figure 15). Figure 15: Les étapes de la réaction d’oxydation d’un phénol en présence de la tyrosinase. (Yaropolov et al., 1995). Pour la détermination de la pigmentation, bien que le taux de tyrosinase soit le même dans tous les phototypes, il se pourrait que les phototypes V-VI aient une tyrosinase plus active que les autres types de peau (Iozumi et al., 1993). A part la tyrosinase, deux autres enzymes interviennent dans la biosynthèse de mélanine chez les mammifères. Il s’agit de la tyrosinase-related protein-1 (TRP-1) et de la dopachrome tautomerase (également connue sous le nom de TYRP-2) (Figure 12) (Ando et al., 2007). En ce qui concerne la couleur de peau, la TRP-1 est 2,6 fois plus élevée dans les peaux foncées par rapport aux peaux claires (Rawlings, 2006). Il semblerait que la TRP-1 stabilise la tyrosinase et maintienne son activité. Elle serait également impliquée dans le phénomène de maturation des mélanosomes. Cette interaction avec la tyrosinase est d’autant plus manifeste dans le cas de l’albinisme oculo-cutané de type III où l’absence de la TRP-1 est caractérisée par une diminution significative de l’activité de la tyrosinase de 70 % en comparaison avec l’activité de la tyrosinase d’un mélanosome normal (Alaluf et al., 2003). 41 1.3.4. Classification des inhibiteurs de la tyrosinase Beaucoup d’études ont été faites sur l’inhibition de la tyrosinase. Ces études ont montré que plusieurs cibles peuvent être visées pour contrôler la mélanogénèse via la régulation de la tyrosinase. Dans le Tableau 6, nous allons donner différents sites d’inhibition possible de la tyrosinase ainsi que des molécules pouvant agir à ces différents niveaux. Tableau 6: Les différents mécanismes d’inhibition de la mélanogénèse par modulation de la tyrosinase et les agents inhibiteurs qui y correspondent (Ando et al., 2007; Solano et al., 2006). Mécanisme Substances Inhibition de la transcription de 5-bromodésoxyuridine ; l’ADN en l'ARN messager de la TPA (12-O-tétradécanoylphorbol-13-acétate) /insuline; tyrosinase TGF-β1(Transforming growth factor- β1) ; TNF-α (Tumor necrosis factor- α); sphingosine-1-phosphate ; acide lysophosphatidique ; sphingosylphosphorylcholine ; C2 céramides ; peroxyde d'hydrogène ; acides dihydrolipoïque et lipoïque ; (_)-épigallocatéchine-3-gallate/hinokithiol ; terréine; piperlonguminine; Modification de la glycosylation de la glucosamine ; tyrosinase glutathion ; N-butyldésoxynojirimycine ; tunicamycine ; feldamycine; calcium D-pantéthéine-S-sulfonate ; ferritine. Inhibition de l'activité catalytique de hydroquinone; la tyrosinase arbutine ; acide azélaïque; 42 acide kojique; acide ellagique; acide 2-O-α-D-glucopyranosyl-L-ascorbique ; butylphénol 4-tertiaire; 4,4’-dihydroxybiphényle; 4-n-butylrésorcinol ; dithiothréitol ; phénylthiourée ; α-tocophérol férulate ; bathocuproéine disulfonate; aloésine; bisindolylmaléimide; Accélération de la dégradation de la TGF-β1(Transforming growth factor- β1) ; tyrosinase TNF-α (Tumor necrosis factor- α); acide linoléique; 2, 2’-dihydroxy-5, 5’-dipropylbiphényle; TPA (12-O-tétradécanoylphorbol-13-acétate) ; phospholipase D2; 25-hydroxycholestérol ; phénylthiourée. Chang (2009), pour ne pas confondre les inhibiteurs de la mélanogenèse avec les inhibiteurs de la tyrosinase, classe ces derniers en 6 catégories : Des agents chimiques (antioxydants), comme l’acide ascorbique, qui limitent les réactions d’oxydation en dopaquinone ; La plupart des composés soufrés (le phénylthiourée par exemple) sont des inhibiteurs de la mélanogénèse bien connus. Ils réagissent avec la dopaquinone pour former des produits incolores, ce qui ralentit le rythme de production de la mélanine ; La plupart des composés phénoliques ont une forte affinité pour la tyrosinase. Ils vont donc se comporter comme substrats alternatifs. Dans ce cas, la formation de dopachrome est empêchée ; Les inactivateurs non spécifiques de l'enzyme, tels que des acides ou des bases, qui dénaturent de façon non spécifique l'enzyme, inhibant ainsi son activité ; 43 Les inactivateurs spécifiques de la tyrosinase, tels que les inhibiteurs basés sur un mécanisme, qui sont aussi appelés substrats suicides. Les inhibiteurs spécifiques de la tyrosinase. Ces composés se lient de manière réversible à la tyrosinase et réduisent sa capacité catalytique. Parmi les six types de composés décrits ci-dessus, seuls les deux derniers sont considérés comme de "vrais inhibiteurs», qui se lient effectivement à l'enzyme et inhibent son activité (Chang, 2009). 1.4. La recherche de composés hypopigmentants Le type et la quantité de mélanines synthétisées par les mélanocytes, et leur mode de répartition dans les kératinocytes environnants déterminent la couleur réelle de la peau (Parvez et al., 2006), ce qui dépend, comme nous l’avons vu, de nombreux paramètres. L’inhibition de la tyrosinase reste cependant l'approche la plus étudiée pour atteindre l’hypopigmentation de la peau. L'étape de la synthèse de mélanine dans les mélanocytes est en effet régulée par plusieurs enzymes parmi lesquelles la tyrosinase est essentielle (Noh et al., 2006). 1.4.1. Les inhibiteurs de la tyrosinase Les agents comme l’hydroquinone, l’acide kojique, l’arbutine, l’acide ascorbique, l’acide ellagique, les composés sulfhydryle et les dérivés de type résorcinols sont efficaces pour interférer avec les deux premières étapes de conversion de la tyrosine ; étapes clés de la mélanogenèse. 1.4.1.1. Les principales découvertes antérieures 44 1.4.1.1.1. L’hydroquinone La première publication relatant ses propriétés dépigmentantes remonte à 1936 (Oettel, 1936). L’hydroquinone, prototype des inhibiteurs de tyrosinase, est en effet depuis longtemps utilisée dans le domaine industriel en tant qu’antioxydant (caoutchouc), constituant de révélateur photographique, intermédiaire de synthèse, stabilisant (peintures, vernis) et inhibiteur de polymérisation (Bonnard et al., 2006). L'hydroquinone est naturellement présente dans de nombreuses plantes, dans le caféier, le théier ainsi que dans la bière et le vin (Sang et al., 2005). Ce composé phénolique a été utilisé avec succès comme agent éclaircissant la peau pour le traitement du mélasma, de l’hyperpigmentation post-inflammatoire et d'autres troubles de l'hyperpigmentation (Parvez et al., 2006). La biosécurité de l'hydroquinone en tant qu’ingrédient blanchissant la peau reste controversée bien qu'elle ait été utilisée en topique pour plus de 50 ans. L’inquiétude quant aux effets secondaires de l'hydroquinone résulte principalement de l'application topique de l'hydroquinone qui peut provoquer l’ochronose exogène (Hu et al., 2009). L’hydroquinone a été retirée de la liste des ingrédients de cosmétiques en Union Européenne (Westerhof and Kooyers, 2005). Toutefois, son usage semble très répandu dans les pays en voie de développement avec des concentrations assez élevées (plus de 20 %), tandis qu’aux Etats-Unis son utilisation reste autorisée. On la trouve concentrée jusqu’à 2 % en vente libre et 3 à 4 % sous prescription médicale (Direction générale de la santé, 2003). 1.4.1.1.2. L’acide kojique 45 (Solano et al., 2006; Chang, 2009) Isolée au Japon en 1907 à partir du mycélium d’Aspergillus oryzae, cette molécule est un chélateur du cuivre au niveau du site actif de la tyrosinase. Elle agit également comme un antioxydant et empêche la conversion de L-DOPA en o-quinone inhibant ainsi la synthèse de mélanines (Briganti et al., 2003; Petit and Piérard, 2003). L'acide kojique inhibe également l'activité catécholase de la tyrosinase, qui est une étape limitante de la vitesse de biosynthèse de la mélanine. L'acide kojique fait largement partie du régime alimentaire des Japonais avec la conviction qu'il est bénéfique pour la santé (Parvez et al., 2006). Elle possède également des activités antimicrobiennes et antifongiques (Draelos, 2007; Hyun et al., 2008). 1.4.1.1.3. Les dérivés mercuriels Le mercure est un ingrédient rencontré dans les crèmes et les savons destinés à éclaircir la peau. On le trouve aussi dans d’autres produits cosmétiques comme les démaquillants pour les yeux et le mascara (Ladizinski et al., 2011). Le mercure entre en compétition avec le cuivre nécessaire au déclenchement de l’activité de la tyrosinase et se combine à la structure protéique de cet enzyme. Il a ainsi une action inhibitrice de la synthèse de la DOPA-quinone (AFSSAPS, 2011). 1.4.1.1.4. L’acide azélaïque 46 De formule COOH-(CH2)7-COOH, l’acide azélaïque est un acide dicarboxylique avec une chaîne de longueur moyenne, saturée. Il a montré des propriétés biologiques importantes et quelques applications thérapeutiques (Breathnach et al., 1989). Il inhibe l’activation des oxydoréductases mitochondriales et la synthèse d’ADN (David et al., 2011). L’acide azélaïque est un inhibiteur réversible de la tyrosinase. Il aurait une certaine spécificité pour les mélanocytes anormaux. Il n’est pas aussi efficace que l’hydroquinone, mais fait partie des rares produits disponibles sur prescription médicale (David et al., 2011). 1.4.1.2. Inhibiteurs naturels et synthétiques La littérature scientifique sur l'inhibition de la tyrosinase montre qu'une grande majorité des travaux a été réalisée depuis 2000 et a surtout été consacrée à la recherche de nouveaux agents hypopigmentants. La plupart de ces études portent sur les inhibiteurs de la tyrosinase issus de sources naturelles et sont pour la plupart d'origine asiatique (Smit et al., 2009). Ces composés pourraient servir de substrats alternatifs pour la tyrosinase de manière à induire une dépigmentation in vivo et in vitro. Les flavonoïdes appartiennent au groupe le mieux étudié de polyphénols végétaux. Plus de 4000 membres ont été identifiés. Ils sont largement distribués dans les feuilles, les écorces et les fleurs. Ils sont classés en six grands groupes, les flavanols, les flavonols, les flavones, les flavanones, les isoflavones et les anthocyanidines, qui diffèrent par la conjugaison des anneaux et la présence ou l’absence du groupe hydroxyle du cycle central; au sein des différents groupes, les molécules sont caractérisées par la présence de groupes hydroxyles, méthoxy, esters ou glycosidiques (Solano et al., 2006). D’autres composés d’origine naturelle, notamment des dérivés de l’hydroxystilbène, du bisbenzyle, des aldéhydes aromatiques, certaines coumarines, de longues chaines lipidiques et des stéroïdes ont été identifiés comme inhibiteurs de la tyrosinase (annexe 7). 1.4.1.3. Extraits de plantes 47 Les extraits de certaines plantes agissent comme inhibiteurs, c’est le cas des extraits de réglisse qui sont parmi les agents dépigmentants les plus sûrs (David et al., 2011). D’autres plantes dont les extraits contiennent des inhibiteurs de la tyrosinase sont rapportées dans le tableau 7. Tableau 7 : les inhibiteurs de la tyrosinase dans les extraits des plantes et leur mode d’action. Plant source Type de composés actifs dans la plante Mode d’action références Artocarpus incisus (Thunb.) L.f. flavonoïdes, stilbènes Inhibiteur de la tyrosinase (Shimizu et al., 2000) Broussonetia kazinoki Siebold 1,3-diphenylpropanes: broussonin C, kazinol C, D, F, kazinol S, kazinol T Inconnus Inhibiteurs de la tyrosinase (Baek et al., 2009) Inhibiteurs de la tyrosinase (Behera et al., 2006; Behera et al., 2007) dérivés de phloroglucinol : phloroglucinol, eckstolonol, eckol, phlorofucofuroeckol A et dieckol. eugénol, yakuchinone A, acide férulique, curcumine et yakuchinone B 5 biflavanones 1,2 : inhibiteurs compétitifs (Kang et al., 2004b) liquiritine, Différentes espèces de lichens de la famille des Graphidaceae : Usnea ghattensis, Heterodermia podocarpa, Awasthii Arthothelium, Parmotrema tinctorum Ecklonia stolonifera Extraits bruts de Chouji et Yakuchi Garcinia kola Heckel Glycyrrhiza uralensis Fisch. ex DC. Glycyrrhiza inflata Batalin licuraside, isoliquiritine, liquiritigénine, 48 3-5 : inhibiteurs non compétitifs de la tyrosinase Inhibiteurs compétitifs de la tyrosinase (Shirota et al., 1994) Inhibiteurs de la tyrosinase (Okunji et al., 2007) Inhibiteurs puissants et compétitifs de la tyrosinase (Fu et al., 2005) licochalcone A Guioa villosa Radlk. diglycosides sesquiterpéniques; crénulatosides E, F et G, Inhibiteurs non puissants de la tyrosinase (Magid et al., 2008) Inhibiteurs compétitifs de la tyrosinase (Kubo et al., 1994) inhibiteurs non compétitifs de la tyrosinase (Jeon et al., 2006) bétuline, lupéol, soyacérébroside I Les fruits de la noix de cajou Anacardium occidentale L. Lie de saké Composés phénoliques : 6 - [8 (Z), 11 (Z),14péntadécatriényl] -acide salicylique et le 5 - [8 (Z), 11 (Z), 14 pentadécatriényl] résorcinol Triglycérides : trioléine, trilinoléine Paeonia suffruticosa Andrews kaempférol, quercetine, benzoyloxypaeoniflorin, mudanpioside B, mudanpioside H, pentagalloyl-β-D-glucose 1-5 sont des inhibiteurs compétitifs et le 6 est un inhibiteur non compétitif (Ding et al., 2009) Phellinus linteus cérébroside B, (*) inhibiteur compétitif (Kang et al., 2004a) acide protocatéchique (*), 5-hydroxyméthyl-2furaldéhyde (£), (£) inhibiteur non compétitif de la tyrosinase l'acide succinique, l'acide fumarique Pulsatilla cernua (Thunb.) Bercht. & J.Presl acide 3,4dihydroxycinnamique ; acide 4 -hydroxy-3méthoxycinnamique Inhibiteur non compétitif de la tyrosinase (Lee, 2002) Rhus javanica L. acide tannique Inhibiteur de la (Kubo et al., 49 tyrosinase 2003) Sophora flavescens Aiton sophoraflavanone G, kuraridine, et kurarinone Inhibiteurs de la tyrosinase (Kim et al., 2003) Trifolium balansae Boiss. Trois stéroïdes : Inhibiteurs puissants de la tyrosinase (Sabudak et al., 2006) stigmast-5-ène-3 beta, 26-diol, stigmast-5-ène-3-ol , campestérol Veratrum patulum O.Loes. hydroxystilbène; resvératrol, oxyrésveratrol, et leur analogues Inhibiteurs puissants de la tyrosinase (Kim et al., 2004b) Hibiscus tiliaceus, Carex pumila Thunb., Garcinia subelliptica Merr. 2 biflavonoïdes : Tous deux inhibiteurs puissants de la tyrosinase (Masuda et al., 2005) Inhibiteurs de la tyrosinase (Karioti et al., 2007) 2R, 3S-5,7, 4 ', 5'', 7'', 3''', 4'' 'heptahydroxyflavanone [08.03''] flavone 5,7,4 ', 5'', 7'', 3''', 4'' 'heptahydroxy [8.3''] biflavanone Marrubium velutinum Sibth. & Sm. et Marrubium cylleneum Boiss. & Heldr. Les flavonoïdes, hétérosides de phényléthanoïde, acides phénoliques Pharbitis nil (L.) Choisy, Sophora japonica L., Spatholobus suberectus Dunn, Morus alba Composés phénoliques Inhibiteur de la tyrosinase (Wang et al., 2006) Poire, canneberge, myrtille, arbuste Désoxyarbutine Inhibiteur de la tyrosinase (Boissy et al., 2005) Poire, canneberge, myrtille, arbuste, Arctostaphylos uva ursi (L.) Spreng. Arbutine Inhibiteur compétitif de la tyrosinase (Boissy et al., 2005; Parvez et al., 2006) Stryphnodendron barbatimao sensu Brenan, Portulaca pilosa L, Inconnus Inhibiteur puissant de la (Baurin et al., 2002) 50 Cariniana brasiliensis Casar., Entada africana Guill. & Perr., Prosopis africana Taub. Trois plantes médicinales de la Bolivie : Buddleia coriacea, Gnaphalium cheiranthifolium Bertero ex Lam., Scheelea princeps (Mart.) H. Karst. 1.5. tyrosinase Composés phénoliques Inhibiteurs de la tyrosinase (Kubo et al., 1995) Description des plantes étudiées Dans cette dernière partie de l’introduction, nous allons décrire au niveau botanique les différentes plantes étudiées dans le cadre de ce travail. Dans une enquête ethnobotanique réalisée dans 10 districts du Rwanda, 28 espèces ont été identifiées (Kamagaju et al., 2013). Parmi ces 28 espèces, 5 ont été choisies suivant le pourcentage de citation (nous avons choisi les plantes ayant un pourcentage de citation supérieur ou égal à 50). Les cinq plantes retenues pour ce travail sont les suivantes : Brillantaisia cicatricosa LINDAU ACANTHACEAE (Ikirogora) ; Chenopodium ugandae (Aellen) Aellen CHENOPODIACEAE (Umugombe) ; Dolichopentas longiflora Oliv. RUBIACEAE (Isagara); Protea madiensis Oliv. subsp. madiensis PROTEACEAE (Umukubagwa); Sesamum angolense Welw. PEDALIACEAE (Igonde). 1.5.1. Brillantaisia cicatricosa LINDAU 1.5.1.1. La famille des Acanthaceae Brillantaisia cicatricosa LINDAU est une plante de la famille des Acanthaceae. Il s’agit d’une famille des régions intertropicales, subtropicales et tempérées chaudes, comprenant environ 230 à 250 genres et 2500 à 3000 espèces (Troupin, 1985 ; Matheus et al., 2005). 51 Nombreuses sont cultivées comme plantes ornementales (Aphelandra, Justicia). Les fleurs ont quatre ou deux étamines, souvent avec une ou deux staminodes (étamines stériles) additionnelles respectivement. Les anthères sont souvent modifiées. Elles sont généralement irrégulières, arrangées en cyme complexe et sont fréquemment supportées par de larges bractées colorées. Les fruits sont des capsules, souvent explosives, avec quelques graines sur funicules modifiées en forme de crochet (Bremer et al., 2003). Au Rwanda, on trouve 32 genres, dont 1 introduit, réunissant 69 espèces et 2 variétés, dont 5 espèces introduites. Ce sont des plantes généralement herbacées ou suffrutescentes, arbrisseaux, plus rarement petits arbres ou lianes, parfois épineux. Feuilles opposées, plus rarement verticillées par 3 ou 4 (Troupin, 1985). La chimie des Acanthaceae montre une grande diversité de classes de métabolites secondaires tels que les alcaloïdes, les lignanes, les flavonoïdes et les terpénoïdes. Certaines espèces de cette famille sont utilisées dans la médecine populaire pour traiter plusieurs troubles tels que les maux d’estomac et les maladies intestinales, toux, bronchite et rhume (Matheus et al., 2005). 1.5.1.2. Le genre Brillantaisia P. BEAUV. Le genre Brillantaisia (B.) est composé de plantes suffrutescentes de haute taille, à grandes feuilles. On recense environ 22 espèces en Afrique intertropicale et Madagascar, 4 espèces au Rwanda (B. madagascariensis T. ANDERSON, B. cicatricosa LINDAU, B. patula T. ANDERSON, B. nitens LINDAU.) 1.5.1.3. L’espèce Brillantaisia cicatricosa LINDAU En Kinyarwanda, la plante est appelée Icyunga, Ikirogora, Ikihapu, Ikinyamugere, Ikinyamukokwe, Impwapfu, Umunayu, Urubonde (Troupin, 1985). Synonyme: B. cicatricosa var. kivuensis MILDBR B. grandidentata S. Moore B. subulugurica Burkill 52 B. ulugurica Landau (Elspeth et al., 2009) Figure 16 : Brillantaisia cicatricosa (Troupin, 1985; Hyde et al., 2014a) 1.5.2. Chenopodium ugandae (Aellen) Aellen 1.5.2.1. La famille des Chenopodiaceae C’est une famille groupant environ 100 à 120 genres et près de 1.200 espèces, répandues dans de nombreuses parties du monde, surtout dans des régions sèches et sur sols salés. Il est reconnu depuis longtemps que cette famille forme une alliance étroite avec la famille des Amaranthaceae. Les analyses moléculaires indiquent que les Amaranthaceae sont imbriquées avec les Chenopodiaceae, de sorte que les deux familles ont été fusionnées dans la classification actuelle (Bremer et al., 2003). Plusieurs espèces poussent spontanément et peuvent devenir de mauvaises herbes ; d’autres espèces ont une importance agricole en tant que plantes cultivées. En Australie, les Chenopodiaceae trouvent des conditions particulièrement favorables, de par la pluviosité continentale (Gudrun et al., 2005; Dinan et al., 1998). Les espèces de la famille des Chenopodiaceae sont aussi largement distribuées 53 dans la région Est de la Méditerranée où elles sont souvent utilisées dans le commerce des épices ou des plantes médicinales en raison de la présence de métabolites secondaires utiles (Dembitsky et al., 2008). Au Rwanda, on trouve deux genres, dont un est cultivé comme plante potagère (Spinacia oleracea L. : épinard) (Troupin, 1978). 1.5.2.2. Le genre Chenopodium L. Le genre Chenopodium (C.) comprend environ 250 espèces qui, pour la plupart, sont des plantes herbacées annuelles et qui occupent de grandes surfaces en Amérique, en Asie et en Europe. Certaines sont aussi vivaces, suffrutescentes et arborescentes. Les espèces économiquement importantes sont: C. quinoa Willd. utilisée comme céréale, C. pallidicaule Aellen, C. berlandieri Moq. subsp. nuttalliae utilisées à la fois comme céréale et légume et C. album L. dont les feuilles sont souvent utilisées comme légume. Certains types de l’Himalaya sont aussi cultivés pour leurs graines (Bhargava et al., 2005). Les espèces du genre Chenopodium spp. ont la capacité d'accumuler de grandes quantités de métaux lourds dans les tissus foliaires, même quand ils sont présents en faibles concentrations dans le sol par exemple C. quinoa accumule le Ni, Cr et Cd alors que C. album est un accumulateur de cuivre (Bhargava et al., 2008). 1.5.2.3. L’espèce Chenopodium ugandae (Aellen) Aellen En Kinyarwanda, la plante est appelée «umugombe» Synonyme: C. opulifolium var.olukondae 54 Figure 17 : Chenopodium ugandae Distribution géographique En Afrique, comme le montre la Figure 18, Chenopodium ugandae est présent dans les zones tropicales notamment l’Est du Congo (RDC), le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie (CJB, 2011). Figure 18: distribution géographique de Chenopodium ugandae en Afrique ( : présence en Afrique tropicale) (CJB, 2011) 1.5.3. Dolichopentas longiflora Oliv. (Pentas longiflora Oliv.) 1.5.3.1. La famille des Rubiaceae 55 C’est une famille d’arbres, d’arbustes dressés ou sarmenteux, de lianes ou d’herbes vivaces ou annuelles. Feuilles simples, opposées ou verticillées (insérées au même niveau) à limbe généralement entier. Les classifications récentes et complètes (Robbrecht, 1988) ont subdivisé cette grande famille en quatre sous-familles, à savoir Cinchonoideae, Ixoroideae, Antirheoideae, Rubioideae, ce qui correspond à environ 50 tribus. Avec 10.700 espèces réparties en 637 genres, la famille des Rubiaceae est l'une des plus importantes des angiospermes ; cette famille est classée quatrième après les Asteraceae, les Orchidaceae et les Fabaceae (Mongrand et al., 2005; Troupin, 1985) (Bremer et al., 2003). Beaucoup de Rubiaceae contiennent des alcaloïdes et des pseudo-alcaloïdes comme la caféine du café (Coffea arabica L.) et la quinine des écorces de tronc de Cinchona. Les fruits sont variables, avec des capsules sèches qui libèrent des petites graines dispersées par le vent, ou juteuses et charnues. Les fruits des Rubiaceae sont parmi les ressources alimentaires les plus importantes pour les oiseaux frugivores dans les tropiques (Bremer et al., 2003). 1.5.3.2. Le genre Pentas (Dolichopentas) Petits buissons, mais plus fréquemment herbes vivaces, à souche ligneuse. Feuilles opposées ou verticillées. Genre réunissant environ 40 espèces d'Afrique, d'Arabie, de Madagascar et des îles Comores. Quatre espèces sont présentes au Rwanda dont une représentée par 3 variétés et une autre par une sous-espèce (Troupin, 1985). 1.5.3.3. L’espèce Dolichopentas longiflora Oliv. (Pentas longiflora Oliv.) C’est une herbe suffrutescente, atteignant 3 m de haut, à souche ligneuse émettant 2-3 tiges principales, glabres ou densément couvertes de poils blanchâtres ou orange brunâtre. On la trouve dans les jachères, endroits rudéralisés 1700 – 2200 m en Afrique intertropicale orientale comme au Malawi. En Kinyarwanda, la plante est appelée Kagara ou Isagara (Troupin, 1985; Van Puyvelde et al., 1998). 56 Figure 19 : Dolichopentas longiflora (Troupin, 1985) 57 1.5.4. Protea madiensis Oliv. 1.5.4.1. La famille des Proteaceae La famille des Proteaceae renferme plus de 1000 à 1500 espèces appartenant à 55 à 60 genres. Ils poussent souvent à des endroits où il y a un climat sec, de type méditerranéen, également sous le climat des régions de l'hémisphère Sud avec un très grand nombre d’espèces en Afrique du Sud et en Australie (Verotta et al., 1999; Troupin, 1978; Bremer et al., 2003). Les Proteaceae sont cultivées à grande échelle en Afrique du Sud, au Zimbabwe, en Australie, en Israël et en Nouvelle-Zélande pour l’exportation, notamment vers les Etats-Unis, un marché économique important pour leurs fleurs coupées (Crous and Palm, 1999). Au Rwanda on trouve 2 genres spontanés et 3 introduits (Troupin, 1978). 1.5.4.2. Le genre Protea Genre africain, groupant une centaine d'espèces, particulièrement bien représenté en Afrique du Sud. Une quarantaine d'espèces en Afrique intertropicale, dont un certain nombre réunies en complexes de taxons assez variables et malaisés à séparer en entités bien individualisées. On trouve sept taxons au Rwanda (Troupin, 1978). Le genre Protea (P.) est constitué de plantes ligneuses. Il y a 300 ans, ceuxci ont été utilisés par les premiers colons européens pour une diversité d’usages. L'écorce et les feuilles de la plupart des espèces de Protea peuvent être considérées comme astringentes, et tous ont probablement été utilisés dans la région du Cap pour le tannage. Dès 1720, l’espèce Protea syrupus a été utilisé comme un sirop contre la toux. Le nectar des fleurs de P. nitida était épaissi en sirop nutritif. Le bois de la plupart des espèces a été utilisé en tant que combustible, et le bois de P. nitida, a été largement utilisé par les premiers colons pour construire des wagons (Verotta et al., 1999; Troupin, 1978). 1.5.4.3. L’espèce Protea madiensis Oliv. 58 Synonyme: Protea bequaertii De Wild. Arbuste de 1-3 m de haut, qui pousse dans les savanes, steppes et pelouses arides sur sols rocailleux, à une altitude de 1.000 - 2.100 m. C’est une plante d’Afrique intertropicale qui se répartit sur un vaste territoire allant du Nigéria jusqu’au Mozambique (Figure 21) (Arbonnier, 2009). Deux variétés sont distinguées au Rwanda. La variété madiensis à bractées externes glabres à légèrement pubérulentestomenteuses; limbe du périgone entièrement glabre ou éparsement pubérulent. Puis la variété elliottii ayant des bractées externes nettement tomenteuses ou glabres; 1imbe du périgone pubérulent, particulièrement à la base et au sommet. Notre plante est une variété « madiensis » Figure 20: Protea mediensis (Troupin, 1978; Hyde et al., 2014b) Protea madiensis est utilisée pour son bois brun et dur, par exemple pour la fabrication de manches d’outils (Arbonnier, 2009). La carte ci-dessous (Arbonnier, 2009) délimite les territoires où l’on peut rencontrer l’espèce Protea madiensis. 59 Figure 21: Carte de l’aire de répartition de P. madiensis Oliv. (Proteaceae) (Arbonnier, 2009). Les points rouges délimitent un territoire allant du Nigéria au Mozambique en passant par le Congo, le Kenya ou encore le Rwanda. 1.5.5. Sesamum angolense WELW. 1.5.5.1. La famille des Pedaliaceae La famille des Pedaliaceae a été considérée comme liée étroitement à la famille des Bignoniaceae, des Martyniaceae et des Acanthaceae. C’est une famille d’herbes annuelles ou vivaces, dressées ou procombantes (couchées sur terre). Feuilles entières ou divisées, sessiles ou pétiolées. Fleurs solitaires, axillaires à pédicelles courts. Cette famille groupe 16 genres et environ 55 espèces, la plupart se trouvant dans les régions intertropicales et subtropicales. Un seul genre se trouve au Rwanda, avec 2 espèces (Troupin, 1985). 1.5.5.2. Le genre Sesamum L. 60 Le genre Sesamum compte dix-huit espèces des régions intertropicales et subtropicales d'Afrique et d'Asie. Au Rwanda on trouve 2 espèces : Sesamum angolense WELW. (Igonde) et Sesamum angustifolium (OLIVER ENGL) (Troupin, 1985). 1.5.5.3. L’espèce Sesamum angolense WELW. Cette plante, qui pousse en Afrique tropicale, est dotée en particulier de propriétés hémostatiques et est utilisée au Malawi pour limiter les saignements après l'enlèvement des dents (Potterat et al., 1988). C’est une herbe suffrutescente, de 0,8 - 3 m de haut. La plante pousse sur talus (pente), dans les jachères et les endroits rudéralisés à 1400-1800 m au Rwanda, en République Démocratique du Congo et en Afrique intertropicale orientale et méridionale (Troupin, 1985) Figure 22: Sesamum angolense ((Troupin, 1985) 61