Hyperpigmentation

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Hyperpigmentation
HYPERPIGMENTATION : SYNTHÈSE, APPROCHE MÉCANISTIQUE ET INNOVATION
PAR UNE PRISE EN CHARGE MULTI-NIVEAUX
1
CHIRURGIEN MAXILLO-FACIAL, PARIS, FRANCE
2
DERMATOLOGUE, PLANCENOIT, BELGIQUE
3
CHIRURGIEN PLASTICIEN, TOKYO, JAPON
4
DERMATOLOGUE, SOFIA, BULGARIE
5
AURIGA INTERNATIONAL, WATERLOO, BELGIQUE
Hyperpigmentation :
Synthèse, Approche mécanistique
et Innovation par une prise en charge
Multi-niveaux
Introduction
La couleur de la peau est le résultat de la distribution homogène d’un pigment, la mélanine, synthétisé et acheminé par des cellules spécialisées de
l’épiderme, les mélanocytes. La synthèse de mélanine, ou mélanogénèse, constitue la réponse protectrice de l’organisme à l’agression des rayons du
soleil. Cependant, des troubles de la pigmentation
peuvent apparaître avec l’âge tout comme sous l’influence de facteurs externes. Avec l’augmentation de
l’espérance de vie, mais aussi à cause de l’évolution des comportements et de l’attrait actuel pour
une peau toujours bronzée, on note un intérêt sans
cesse croissant pour la recherche de nouvelles
compositions ciblant le traitement des troubles de
la pigmentation qui en découlent : mélasma, lentigo, …. Dans ce contexte, un intérêt sans cesse
La pigmentation
Le processus de la pigmentation, bien
qu’intimement lié à la synthèse mélanique
se compose de multiples étapes : initiation, mélanogénèse, transfert, dégradation / élimination.
La mélanine est formée au cours d’une
série de processus oxydatifs faisant intervenir, dans les premières étapes, la tyrosine et une enzyme appelée tyrosinase. Au
niveau du site catalytique de l’enzyme,
les histidines se lient aux ions cuivre
indispensables à l’activation de la réac2 DERM’ACTU n° 128 • novembre
croissant est porté depuis une vingtaine d’années sur
les hyperpigmentations et leur traitement. Alors
que dans les années 90 seules une trentaine de
publications par an traitaient du thème de la dépigmentation, le chiffre de 150 est atteint en 2000 et
10 ans plus tard le nombre annuel des publications
se rapportant au sujet est encore multiplié par 51.
En général, dans la littérature, l’accent est mis sur
la tyrosinase, une enzyme participant au processus
chimique de synthèse de la mélanine et largement
utilisée pour les tests de screening d’actifs dépigmentants potentiels. Toutefois, le mécanisme de la
pigmentation dépasse le cadre de la mélanogénèse
et mérite que l’on s’y attarde un peu si l’on souhaite développer des formules innovantes, sûres et
efficaces.
tion. La mélanogénèse s’effectue ainsi au
sein des mélanosomes où deux types de
mélanine sont produits sous forme de
grains d’eumélanine, un polymère insoluble responsable de la pigmentation brune ou noire de la peau ou de grains de
phéomélanine, un composé soufré de
couleur rouge à jaunâtre qui se rencontre davantage chez les sujets présentant
une peau claire, des cheveux roux et des
taches de rousseur. L’environnement
Redox à l’intérieur du mélanosome est
par ailleurs déterminant pour faire pencher la balance vers l’une ou l’autre for-
me de mélanine2 (teneur élevée en glutathion réduit (GSH) pour l’eumélanine et
faible en GSH pour la phéomélanine). Le
schéma de synthèse de la mélanine est
repris à la Figure 1.
Au cours de ce processus, la présence
d’ions métalliques tels ceux du cuivre ou
du fer est nécessaire à la transformation
de la tyrosine en DOPA.
La mélanine est produite dans les mélanocytes, mais elle n’y reste pas. En effet,
elle se trouve dans les mélanosomes, des
organelles intracellulaires parents des
>
J.-A. DAVID1, M. CREUSOT2, M. TOSA3,
A. NIKOLOVA4, J. CABOU5, I. JESURAN5
sions cutanées sources d’inflammation
(réaction post-opératoire, brûlure, eczéma, …), des facteurs chimiques tels les
parfums ou certains médicaments photosensibilisants par exemple ou encore des
facteurs hormonaux liés à une grossesse,
à la prise de contraceptifs oraux ou à une
dysthyroïdie, …
Facteurs agissant
sur la pigmentation et
troubles de la pigmentation
Ces différents facteurs peuvent ainsi être
à l’origine de désordres de la pigmentation
parmi lesquels on trouve par exemple les
lentigos, des taches aux contours délimités dues soit au soleil (lentigo actinique),
soit à l’âge (lentigo de sénescence). Elles
sont généralement localisées sur les parties
du corps les plus exposées comme le visage, le cou et les mains. Le chloasma ou
mélasma correspondent à une augmentation symétrique de la pigmentation du
visage observée au niveau des joues, du
menton ou au dessus des lèvres. Les hyper pigmentations post-inflammatoires
résultent de traumatismes de la peau liés
à l’acné, aux piqûres d’insectes, aux cicatrices, …
Les troubles de la pigmentation peuvent
apparaître avec l’âge, mais également
sous l’influence de facteurs externes comme par exemple : des facteurs génétiques,
physiques telle l’exposition fréquente et
prolongée aux UV ou certaines agres-
Selon que l’accumulation de mélanine soit
localisée dans les kératinocytes de l’épiderme ou située plus profondément dans
le derme, le traitement de ces hyperpigmentations localisées sera plus ou moins
difficile3.
Figure 1 : Synthèse de la mélanine
lysosomes, qui ne restent pas dans les
mélanocytes, mais sont évacués en direction des kératinocytes le long de bras
ressemblant un peu aux dendrites des
neurones. Ceci permet la bonne répartition de la mélanine dans la peau et donc
l’aspect homogène de la pigmentation. A
terme, les pigments mélaniques seront
éliminés, notamment par le processus
naturel de desquamation.
Figure 2 : Le processus pigmentaire - Approche globale
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n° 128 • novembre DERM’ACTU 3
HYPERPIGMENTATION : SYNTHÈSE, APPROCHE MÉCANISTIQUE ET INNOVATION
PAR UNE PRISE EN CHARGE MULTI-NIVEAUX
Figure 3 :
Exemples de troubles de la pigmentation :
Lentigo (A),
Hyperpigmentation post-inflammatoire (B),
Mélasma (C)
ves sur les hyperpigmentations. Elle nous
montre aussi que la tyrosinase, même si elle
constitue une enzyme essentielle dans la
mélanogénèse, est loin d’être la seule voie
d’accès possible. La complexité du processus pigmentaire laisse ainsi à penser que
l’on ne peut agir de manière sûre et efficace en s’attaquant à une seule et unique
étape de celui-ci.
mique inflammatoire conduit à la libération d’acide arachidonique et à son oxydation en prostaglandines et leucotriènes,
des médiateurs qui stimulent les mélanocytes, à l’origine d’une surproduction de
mélanine qui diffuse vers les kératinocytes épidermiques voisins.
Par exemple, dans le cas de l’hyperpigmentation post-inflammatoire, il y a rupture de la couche de cellules basales dans
la zone d’inflammation et accumulation
de macrophages dans la partie supérieure du derme. Ces derniers peuvent phagocyter les kératinocytes et les monocytes
de la couche basale dégradée. Ces deux
types de cellules sont chargés en mélanine qui peut ainsi s’accumuler et rester un
certain temps dans les couches supérieures du derme. Il s’agit alors d’une hyperpigmentation «profonde» 4. Le second
procédé induit une accumulation superficielle de mélanine. La réponse épider-
Cibles potentielles
pour le traitement
des hyperpigmentations
Outre les mesures d’éviction et de protection contre l’action des rayons solaires proposées pour ralentir l’initiation ou l’aggravation des troubles pigmentaires, il est
possible d’agir sur la pigmentation depuis
la phase d’initiation de la mélanogénèse,
L’analyse du schéma présentant le mécanisme de la pigmentation nous permet de
mettre en lumière les points clés à cibler
pour le développement de formules acti-
Figure 4 : Points d’action possibles sur le mécanisme de la pigmentation et exemple d’actifs
Initiation de
la synthèse de
Induction
(UV, Hormones,
ROS, …)
Transcription
des gènes
de la tyrosinase
Activation :
Glycosylation
Ions métalliques
Synthèse
Transfert aux
kératinocytes
(tyrosinase activée,
oxydations, …)
Mélanine
Elimination
Desquamation,
renouvellement
cellulaire, …
• Eviction
• Anti-inflammatoires :
- Hydrocortisone,
- Phytostérols
- Acide glycyrrhétinique
- …
• Antioxydants :
- Vitamine C
• Downregulation
• Inhibiteurs de la
- acide trans-retinoïque glycosylation
- Rétinol et ses esters
- Glucosamine
- Rétinaldéhyde
- N-acétyl glucosamine
-…
- Tunicamycine
-…
- Vitamine E
-…
• Inhibiteurs de la
tyrosinase
- Hydroquinone
- Résorcinol
-Acide Kojique
- Acide ascorbique
- Arbutine
-…
• Antioxydants
• Chélateurs des
métaux
- Acide phytique
- Acide ellagique
-…
4 DERM’ACTU n° 128 • novembre
• Transfert des
mélanosomes
- Niacinamide
- inhibiteurs des
protéases
-…
• Stimulant du
renouvellement
cellulaire et de la
desquamation
- Vitamine C
-…
Figure 5 : Structures chimiques des principaux agents dépigmentants usuels
jusqu’à celle d’élimination des pigments.
La Figure 4 regroupe les points d’action
envisageables, et leur associe quelques
actifs 5, 6.
Les cibles potentielles permettant de lutter contre les troubles de la pigmentation sont donc multiples et variées. Malgré cela il est encore courant de trouver
des études qui ne s’intéressent qu’à la
tyrosinase, un modèle très restrictif. De
même, nombre de formules ne proposent
dans leur composition qu’un seul actif
dont l’action se limite à cette enzyme.
Principaux agents
dépigmentants.
Les agents dépigmentants disponibles
sont divisés en deux catégories : ceux sur
prescription et ceux de type cosmétique.
Ces composés, pour les plus puissants,
présentent en effet le plus souvent des
risques non négligeables d’effets secondaires importants. Nous reprenons ici les
plus courants selon un ordre d’efficacité
et d’importance décroissant.
1. Hydroquinone
7, 8
:
L’hydroquinone est l’un des composés
les plus utilisés, elle est le plus souvent
formulée entre 2 et 4 % et s’utilise en
application topique. Elle agit par inhibition de la tyrosinase, mais il a aussi été
proposé qu’elle puisse interférer avec
l’ADN, dégrader les mélanosomes et
détruire les mélanocytes. Elle est source
de nombreux effets secondaires : irritation, dermatite allergique de contact,
hyperpigmentation post-inflammatoire,
décoloration des ongles, ochronose (pigmentation bleu-noir des muqueuses de la
peau) très difficile à éliminer. Des études sur animaux ont montré un risque
potentiel d’adénome rénal chez le rat et
de toxicité fœtale. Ces résultats n’ont pas
été démontrés chez l’Homme. L’hydroquinone est maintenant interdite en
Europe pour un usage cosmétique. Les
éthers d’hydroquinone ne doivent jamais
être utilisés car ils induisent une perte
définitive des mélanocytes et le développement irréversible d’hypopigmentations.
2. Rétinoïdes
9, 10
:
La trétinoïne (0,05 – 0,1 %) réduit la
pigmentation par inhibition de la transcription de la tyrosinase et interruption
de la synthèse mélanique. Son action
n’est pas immédiate, il faut en effet au
moins 24 semaines de traitement avant
d’observer une amélioration clinique sur
le mélasma.
Les molécules de cette famille peuvent
toutefois conduire à une hyperpigmentation secondaire à leur caractère irritant
ou encore induire un érythème. Un effet
peeling est aussi rencontré.
3. Acide azélaïque :
L’acide azélaïque (10 – 15 %) est un
inhibiteur réversible de la tyrosinase
qui présente aussi un effet cytotoxique
et antiprolifératif sur les mélanocytes.
Il inhibe l’activation des oxydoréductases mitochondriales et la synthèse
d’ADN. Il aurait une certaine spécificité pour les mélanocytes anormaux. Il
n’est pas aussi efficace que l’hydroquinone, mais fait partie des rares produits disponibles sur prescription. Ses
effets secondaires connus sont : prurit, érythème, brûlures.
Les composés suivants appartiennent
plutôt au monde de la «cosmétique».
4. Arbutine
11, 12
:
L’arbutine serait l’un des produits OTC les
plus efficaces, il s’agit d’un dérivé de l’hydroquinone (hydroquinone glucopyranoside) extrait de la plante bearberry, ou busserole en français. C’est un glucopyranoside
naturel qui diminue l’activité de la tyrosinase sans affecter l’expression de l’ARNm.
Il inhibe aussi la maturation des mélanosomes. Le composé ne serait pas toxique
pour les mélanocytes. Il est utilisé au Japon
à 3 % dans diverses préparations. Un renforcement de la couleur des pigments en
post-inflammatoire peut cependant apparaître suite à l’utilisation de ce produit. Un
dérivé synthétique présentant un pouvoir
inhibiteur de la tyrosinase renforcé et nommé déoxyarbutine11 est aussi disponible.
5. Acide kojique :
L’acide kojique, utilisé à 2%, est produit
par un champignon nommé aspergillus
oryzae. Il se comporte comme un inhibiteur de la tyrosinase en complexant le cuivre. Il est très populaire en Orient pour le
traitement du mélasma et permet des
résultats voisins de ceux obtenus avec
les autres molécules, mais il est beaucoup plus irritant. L’acide kojique est en
effet sensibilisant et s’est montré mutagène sur des cultures cellulaires, il n’est
donc plus admis depuis.
6. Acide glycolique :
L’acide glycolique (5 – 10 %) a le plus souvent été étudié en combinaisons avec
d’autres molécules. Son mécanisme d’action est multiple : action sur le stratum
corneum, épidermolyse, dispersant de la
mélanine de la couche basale de l’épiderme, activateur de la synthèse du collagène dans le derme.
n° 128 • novembre DERM’ACTU 5
HYPERPIGMENTATION : SYNTHÈSE, APPROCHE MÉCANISTIQUE ET INNOVATION
PAR UNE PRISE EN CHARGE MULTI-NIVEAUX
7. Autres actifs moins
puissants :
Ces composés ne sont généralement pas
utilisés seuls, mais plutôt en association
avec d’autres ; on y trouve :
- Aléosine 12: glycoprotéine de faible
masse molaire issue de l’aloe vera. Elle
inhibe la tyrosinase par un mécanisme compétitif sur l’oxydation de la
DOPA et non compétitif sur l’activité
hydroxylase. Elle ne présente pas de
toxicité cellulaire, mais ne pénètre
que difficilement la peau.
- Licorice 12,13: les extraits de licorice
compteraient parmi les agents dépigmentants les plus sûrs. Ils présenteraient, de plus, un effet anti-inflammatoire topique ce qui permettrait de
diminuer les rougeurs de la peau et
les risques d’hyperpigmentation postinflammatoire. Les principes actifs
sont notamment la liquiritine et l’isoliquertine, des glycosides de flavonoïdes. Ils agiraient par dispersion de la
mélanine. Un effet pourrait être visible après 4 semaines d’applications
quotidiennes (1g/jour). Néanmoins,
l’extrait est onéreux et se trouve souvent en faibles quantités dans les cosmétiques qui le contiennent.
- La glabridine14 est aussi reportée parmi les actifs de cet extrait comme
étant beaucoup plus active que l’hydroquinone.
- Protéines de soja13: elles sont généralement ajoutées dans des cosmétiques
hydratants. L’extrait de soja utilisé est
connu sous le nom de soybean trypsin
inhibitor (STI), il inhibe l’activation des
processus nécessaires à la phagocytose des mélanosomes par les kératinocytes, ainsi que le transfert des mélanosomes. L’inhibition de ces processus
(PAR-2) débuterait après 3 semaines
d’application de lait de soja brut (non
pasteurisé). Le processus d’inhibition
est toutefois réversible, mais les effets
secondaires minimes et la sécurité
d’emploi excellente. Cette action n’est
toutefois pas suffisante pour observer
un effet dépigmentant intense, car seul
le transfert est inhibé alors que la mélanogénèse se poursuit. Il s’agit plus d’une action complémentaire intéressante.
Le soja pourrait aussi stimuler la production de collagène, la synthèse
d’élastine et réparer la peau endommagée par les UV.
6 DERM’ACTU n° 128 • novembre
- Niacinamide 12, 15 : forme amide de la
vitamine B3 (nicotinamide), elle inhibe le transfert des mélanosomes vers
les kératinocytes épidermiques. Ce
composé est aussi un cofacteur dans
diverses réactions cellulaires enzymatiques et peut, par exemple, participer
au renforcement de la barrière cutanée.
- N-Acétlyglucosamine 16-18 : ce composé produit par l’organisme a de multiples fonctions : substrat pour la production d’acide hyaluronique et des
protéoglycanes. Il agit ainsi sur l’hydratation de la peau. La N-acétylglucosamine inhibe aussi la glycosylation
de la tyrosinase (étape nécessaire à la
transformation de la pro-tyrosinase
inactive en tyrosinase active) et agirait
ainsi sur la pigmentation. Son action
reste cependant modeste.
- Un nombre considérable de structures
ont par ailleurs fait l’objet de tests et
sont décrites dans la littérature : mélatonine + gel d’aloe vera ; magnolignan = 5,5’-dipropyl-biphényl-2,2’diol ; acide tranexamique ; matricaria
chamomilla, althaea officinalis et
sanuisorba officinalis ; quinolines ;
composés tricycliques ; phénylthiourées ; lysophosphatidyléthanolamine ;
3-hydroxycoumarines ; pipérazines et
morpholines ; pinus densiflora ; N-acétylphytosphingosine ; terminalia catappa ; ester et amide de l’acide
caféique ; procyanidine issue du pin
maritime…19.
Innovation par une prise
en charge multi-niveaux
De l’analyse détaillée du processus pigmentaire et après avoir constaté les limites des formulations classiques monoactives, il nous a semblé intéressant
Acide ascorbique
d’aborder cette problématique sous un
autre angle : une approche multi-niveaux
faisant appel à la synergie de plusieurs
produits devant agir conjointement à différents stades du mécanisme complexe de
la pigmentation et de l’hyperpigmentation.
1. Approche multi-actifs
Un produit nommé Melaclear® (Laboratoires Auriga International, Belgique)
adopte cette approche innovante. Son
efficacité est appuyée par de multiples
études cliniques et autres case studies.
• Acide L-ascorbique
L’acide L-ascorbique, grâce à son effet
antioxydant, élimine les produits issus des
réactions de réduction et piège les espèces réactives d’oxygène (ROS). Il séquestre les ions cuivre, indispensables à l’activité tyrosinase, et interrompt ainsi la
mélanogénèse. Il réduit la dopaquinone
et empêche l’oxydation de DHICA (acide
5,6-dihydroindole-2- carboxylique / voir
Figure 1) 20, 21.
La vitamine C modifie la morphologie
dendritique des mélanocytes 22, empêchant ainsi l’acheminement des pigments
mélaniques des mélanocytes vers les kératinocytes des couches supérieures. En
usage topique, elle prévient l’immunosuppression engendrée par les UV.
• Acide phytique :
Dans l’organisme, les ions ferreux solubles
sont oxydés en ions ferriques insolubles,
ceux-ci réagissent avec l’hémosidérine,
un pigment sanguin, provoquant ainsi
l’apparition de taches pigmentaires.
L’acide phytique, antioxydant et chélateur
des ions fer et cuivre, prévient donc l’apparition des problèmes d’hyperpigmenation par chélation de ces métaux. D’autre
part, l’acide phytique accélère le turn-
Acide phytique
Figure 6 : Structures chimiques de l’acide ascorbique et de l’acide phytique.
Figure 7 : Approche multi-actifs de la prise en charge de l’hyperpigmentation (Melaclear®)
Initiation de
la synthèse de
é utivation E
Acide ascorbique
Système ROS modulator
Induction
(UV, Hormones,
ROS, …)
Transcription
des gènes
de la tyrosinase
mynthèse
Glycosylation
Ions métalliques
Acide
phytique
Acansvect a: S
Trcatinouytes
(tyrosinase activée,
oxydations, …)
Acide ascorbique
Système ROS modulator
Acide ascorbique
Acide
ascorbique Acide phytique
Mélanine
xlik ination
Desquamation,
renouvellement
cellulaire, …
Figure 8 : exemple d’une femme de 58 ans présentant un mélasma et des taches pigmentaires liées à l’âge.
En plus d’une amélioration générale de l’aspect de la peau, une efficacité remarquable sur le mélasma est à noter
(lumière naturelle en haut, photographies UV en bas).
T=0
T=3
T=0
T=3
over des cornéocytes favorisant donc la
dépigmenation23.
• Système «ROS modulator» :
Il s’agit de l’association de puissants antioxydants spécifiquement sélectionnés. Le
système «ROS modulator» est un piégeur
d’espèces réactives d’oxygène (ERO)
responsables de dommages au niveau des
lipides et des protéines membranaires
dont il empêche la formation. Les ERO
sont également responsables de cancers
cutanés, du vieillissement de la peau et
d’importantes réactions inflammatoires.
Ce système bloque l’activation par les
rayons ultra violets, bloque l’oxydation
de la dopa en dopaquinone et réduit ainsi les pigments mélaniques.
n° 128 • novembre DERM’ACTU 7
HYPERPIGMENTATION : SYNTHÈSE, APPROCHE MÉCANISTIQUE ET INNOVATION
PAR UNE PRISE EN CHARGE MULTI-NIVEAUX
Figure 9 : Résultat obtenu après 2 mois de traitement avec Melaclear®
T=0
T = 2 mois
Figure 10 : Action sur les lentigos après 3 mois d’application
T=0
2. Etudes cliniques
et case studies
L’efficacité du sérum Melaclear? a été
étudiée au cours de multiples études cliniques réalisées dans divers pays.
Une première étude d’évaluation de l’efficacité et de la tolérance d’une composition contenant de l’acide phytique, de
l’acide ascorbique et le système « ROS
modulator» sur la pigmentation de peaux
asiatiques a été réalisée au Japon par le Dr
Tosa. 19 patients de phototype III et IV
âgés de 30 à 56 ans furent inclus, chaque
patient a appliqué le produit 2 fois par
jour et ce pendant 3 mois. L’efficacité a
été évaluée au moyen d’une caméra
numérique et d’un système de photographies UV. L’analyse des résultats a montré une diminution significative de la pigmentation chez 14 des 18 patients ayant
suivi l’étude jusqu’à son terme (3 mois),
8 DERM’ACTU n° 128 • novembre
T = 3 mois
ainsi qu’un effet sur la contraction des
pores et sur la tonicité de la peau chez
13 d’entre eux.
Dans une seconde étude, réalisée par le
Dr J. David (Chirurgien maxillo-facial,
Paris) et le Dr M. Creusot (Dermatologue,
Plancenoit - Belgique), la formulation
Melaclear® a été évaluée en terme d’efficacité et de tolérance en comparaison à
l’acide kojique à 4%. L’étude a été réalisée sur 49 patients atteints d’hyperpigmentations d’origines diverses (mélasma,
lentigo, réactions photo-allérgiques, …)
sur base d’une échelle quantitative de
régression de la zone hyperpigmentée suivie. Après 2 mois de traitement une réduction de 79 % de la pigmentation, en
moyenne, est observée avec l’approche
multi-actifs tandis qu’une régression de
seulement 52 % est observée avec l’acide kojique.
Une étude réalisée en Bulgarie par le Dr
Nikolova vient renforcer les observations
précédentes. 20 patients souffrant d’hyperpigmentation (lentigo, mélasma)
consécutive à une surexposition solaire
ont été traités durant 3 mois, à raison de
2 applications par jour, avec cette même
formulation, puis surface et intensité des
zones hyperpigmentées ont été suivies par
des photographies et quantifiées sur une
échelle d’efficacité graduée de 0 à 4.
Dans 85 % des cas (17 patients sur 20),
l’efficacité du produit s’est avérée être
bonne ou excellente tandis qu’aucun effet
ou un effet insuffisant a été noté pour
les 3 autres patients.
Dernièrement, le Pr Ortonne (Hôpital l’Archet, Nice) 24 a réalisé une étude d’efficacité du sérum Melaclear® versus Véhicule et en double aveugle sur les lentigines
du visage, des avant-bras et du dos des
Figure 11 : Comparaison de l’efficacité de Melaclear® versus Hydroquinone à 4% et mesure de la réduction de la surface
hyperpigmentée dans le cas de Melaclear®.
mains chez 30 sujets âgés de 45 ans ou
plus. Le produit a été appliqué 2 fois par
jour durant 3 mois. Un suivi de 2 mois
supplémentaires a été réalisé. A chaque
contrôle, les scores correspondant à la
taille et à l’intensité de la tache pigmentaire, une mesure colorimétrique, des
photographies dermoscopiques (dermatoscope Fotofinder®) et des scans des taches
sont enregistrés (Sciascope®). Les résultats de cette étude seront prochainement publiés dans Journal of Cosmetic
Dermatology (publication acceptée). Il a
ainsi été montré que le score de pigmentation décroît significativement dès le
premier mois avec la formulation alors
qu’il ne bouge pas sous placebo. D’autre
part, l’évolution de la luminance (clarté de
la peau / L*) entre T0 et M5 est significativement différente de celle observée sur
la zone placebo alors que les zones non
traitées n’évoluent pas. L’évaluation clinique de la taille et de l’intensité de la pig-
mentation montre quant à elle une évolution significative uniquement sur les
zones traitées par la formule multi-actifs :
les zones pigmentées sont plus claires
dès M2 et leur taille réduite à M3.
Enfin diverses études complémentaires
viennent encore renforcer les preuves
d’efficacité de ce nouveau concept de formulation dépigmentante. Par exemple,
une étude comparative versus Hydroquinone 4% (HQ) démontre l’équivalence
d’efficacité de cette formule, sans les
effets secondaires ni l’irritation habituellement induite par l’utilisation de l’hydroquinone. L’étude a été réalisée en double aveugle sur 6 patients en hémiface et
autocontrôle (un côté HQ, un côté Melaclear®). Des photographies UV ont permis d’analyser la répartition pigmentaire
tandis que l’utilisation du système Skin
Evidence a fourni des données sur la
régression de la surface hyperpigmentée.
L’ensemble des études cliniques réalisées
sur cette formule multi-actifs confirme
non seulement l’efficacité de l’approche
multi-niveaux, mais aussi la bonne tolérance au produit. En effet, sur l’ensemble
des patients inclus, seuls quelques effets
indésirables rares et légers ont été consignés : sécheresse, rougeur, desquamation.
En conclusion, il apparaît ici clairement
que le mécanisme de la pigmentation est
un processus complexe, multifactoriel et
multi-étapes. Même si de nombreuses
molécules ayant pour action principale
l’inhibition de l’enzyme centrale de la
mélanogénèse qu’est la tyrosinase ont pu
faire preuve de leur efficacité, elles ont
aussi montré leurs limites et parfois des
effets secondaires importants. Face à ces
limites, la recherche de nouveaux actifs se
poursuit et s’intensifie de plus en plus.
Néanmoins, il semble qu’outre l’intron° 128 • novembre DERM’ACTU 9
HYPERPIGMENTATION : SYNTHÈSE, APPROCHE MÉCANISTIQUE ET INNOVATION
PAR UNE PRISE EN CHARGE MULTI-NIVEAUX
duction de nouvelles molécules, une prise en charge plus globale des troubles de
la pigmentation avec une approche multi-actifs soit une vraie piste innovante,
sûre et efficace d’action sur les hyperpigmentations. Une telle formule multiactifs a d’ailleurs montré sa capacité à
agir efficacement sur de tels troubles :
mélasma, lentigos, …. qui se voient en
effet nettement améliorés après 3 mois
d’application de cette composition. Les
résultats obtenus ici nous incitent aussi
à envisager l’utilisation de ce produit en
post-traitement, après des interventions
au laser ou des séances de peeling, afin
de profiter de son action anti-oxydante
et bloquante de la mélanogénèse pour
prévenir ou limiter les rebonds pigmentaires.
■
Références
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La Rabta, Maroc.