colloque du 1er mars 1994 - L`information légale dans les

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colloque du 1er mars 1994 - L`information légale dans les
L’information légale dans les affaires :
Quels enjeux ? Quelles évolutions ?
INTRODUCTION
M. Alain SAYAG,
Directeur scientifique du CREDA,
Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Paris V
1.– Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, la réunion de cette nombreuse et prestigieuse
assemblée démontre, et il faut s'en réjouir, qu'il n'y a pas que l'accident d'une actualité
immédiate, une novation législative par exemple, pour susciter l'intérêt à l'égard d'un colloque
juridique. La question de la publicité légale qui nous réunit aujourd'hui a, il est vrai, pour elle
d'être à la fois d'une absolue permanence, puisque notre système juridique l'a toujours connue
et développée, et d'une très grande modernité, comme cela va apparaître tout au long de notre
séance.
2.– Mais en préambule, comme la formule « publicité légale » a cette force d'évidence qui
suscite tous les malentendus, il me faut délimiter très brièvement la notion sur laquelle nous
allons porter l'attention. La publicité légale, comme M. le Président Cambournac l'a indiqué tout
à l'heure, c'est l'ensemble des règles qui imposent à certaines personnes de communiquer au
public une information selon une forme et un support déterminés.
Il y a donc tout d'abord une personne assujettie, personne physique ou morale, d'espèces
et de situations très différentes ; mais ici nous nous limiterons, bien sûr, aux personnes qui
ressortissent du droit des affaires.
Il y a également diffusion obligatoire d'une information, ce qui fait intervenir deux éléments
distincts, bien qu'interdépendants l'un de l'autre : d'un côté, un message à délivrer, une
information, et d'un autre côté, le vecteur que celle-ci empruntera pour parvenir à la
connaissance du public. Ils sont interdépendants parce qu'il est clair que la nature du
renseignement à transmettre commandera le choix du support de diffusion, lequel, à son tour,
interférera avec ladite information.
Il y a enfin le public. Le public visé ne se définit pas. Peut-être quelques personnes, très
peu, deux ou trois ; mais peut-être aussi quelques milliers, quelques centaines de milliers, voire
millions de personnes, lorsqu'il s'agit d'actionnaires d'une très grande société par exemple. En
réalité, pour qu'il y ait publicité il suffit que ce public, quel que soit le nombre de personnes qui
le composent, soit indéterminé et anonyme. Dès que les destinataires d'une information sont
connus, nous avons affaire à une notification, non pas à une publicité, et c'est alors un tout
autre régime juridique qui s'applique.
3.– On ne peut évidemment pas poser une définition de la publicité légale sans évoquer sa
fonction juridique. Je ne m'attarderai pas sur ses effets juridiques, qu'il appartiendra au
Professeur Guyon de traiter. Toutefois, pour la clarté de l'exposé, je rappellerai très brièvement
qu'il y a trois catégories de publicités légales.
On trouve, en premier lieu, les publicités légales qui créent un droit. Tout le monde pensera
à l'exemple classique de l'immatriculation, qui fait naître la personnalité morale de la société.
On trouve, en deuxième lieu, les publicités légales, qui rendent un droit préexistant opposable
aux tiers. Ce sont de loin les plus nombreuses. L'illustration la plus classique est celle de la
vente immobilière qui transmet la propriété inter partes, mais qui n'aura d'effet à l'égard des
tiers qu'après réalisation effective de la publicité au bureau des hypothèques. On trouve, enfin,
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la grande masse, présente surtout en matière financière, des publicités qui n'entraînent aucun
effet juridique en soi et que les spécialistes qualifient pour cette raison de publicité notice. Je
donnerai comme exemple le dépôt des comptes annuels au registre du commerce.
4.– La publicité légale, comme vous le voyez, existe donc depuis toujours. Pourtant c'est
une institution jusqu'à présent méprisée et négligée des juristes. Pourquoi réfléchir sur les
publicités légales ? Sur quoi réfléchir, sur quels aspects de la matière ? Voilà les deux
questions qui s'imposent et auxquelles je voudrais apporter successivement quelques éléments
de réponse.
I. – Pourquoi porter la réflexion sur les publicités légales ?
5.– A priori, le sujet a tout pour rebuter : une matière vétuste et éparpillée, construite au
coup par coup, par strates législatives successives, sans souci d'unité ni de coordination,
surtout marquée d'un formalisme ingrat à quoi souvent elle semble se réduire, et qui a manqué
pendant très longtemps d'une véritable réflexion de synthèse. Je pense au contraire qu'il faut
transformer la matière des publicités légales en un système rationnel et unitaire, animé qu'il est
par une logique interne. La démarche s'impose aujourd'hui d'autant plus que ce domaine est le
théâtre d'un bouleversement technologique dont l'origine remonte à une dizaine d'années, mais
dont il est difficile d'entrevoir, dès à présent, tous les prolongements et tous les aboutissements.
6.– En pratique, et pour faire bref, ces innovations résultent des progrès combinés de
l'informatique et de la télématique. Qu'ont apporté ces deux techniques ? Elles ont entraîné des
modifications dans trois domaines. D'abord, l'informatique permet un stockage de l'information,
qui devient quasiment illimité. Ensuite, et cela est entièrement nouveau par rapport au papier,
l'informatique donne des possibilités de tri et de traitement elles-aussi quasiment illimitées.
Enfin, la télématique permet de communiquer les informations de façon instantanée ou
presque, par envoi à distance, ces informations ayant pu être, le cas échéant, préalablement
triées et traitées.
Les enjeux qui se profilent sont, on le voit, considérables. J'en évoquerai quelques uns très
rapidement.
7.– Qu'en est-il de l'oubli et du secret des affaires ? Jusqu'où peut-on aller dans l'idéal,
techniquement réalisable maintenant, de la transparence totale ? Qu'en est-il de la négation de
deux contraintes que l'on a cru longtemps intangibles, le temps et l'espace ? Vous voyez qu'à
poser ces questions, on s'aperçoit très vite que la problématique de l'information obligatoire
relève de considérations de société qui dépassent très largement la sphère purement juridique.
En réalité, nous vivons, c'est une banalité de le dire mais il faut ici le répéter, dans une
société de communication, en ce sens que la communication s'affirme comme l'un des enjeux
majeurs de consommation et de profit en termes économiques, et aussi de pouvoir. Dès lors,
l'information est logiquement devenue l'un des rouages essentiels du système juridique de
telles sociétés. D'ailleurs, l'accession de l'information au rang de concept juridique illustre une
évolution bien plus profonde du droit privé, qui substitue au primat de la possession de biens
tangibles la propriété de valeurs dématérialisées ; et naturellement, l'information trouve sa place
parmi celle-ci.
8.– Par ailleurs, les acteurs de l'économie ont des besoins accrus de sécurité juridique.
Parce que l'information devient l'élément nécessaire préalable à toute transaction, elle est elle-
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même un objet de transactions. De fait, l'entreprise est à la fois de façon permanente
consommatrice et productrice d'information, en sorte que l'information apparaît pour cette
entreprise comme un instrument, certes de connaissance des autres, mais tout autant de
connaissance d'elle-même.
9.– Par conséquent, on assiste à une double mutation du contenu de l'information, sur le
plan à la fois technique et juridique. Et je dirai que cette mutation est à ce point profonde,
substantielle, qu'il n'y a qu'un seul précédent historique qui puisse venir à l'esprit, c'est la
comparaison avec le tournant qui s'est produit au XVIe siècle lorsqu'on est passé d'une
civilisation juridique fondamentalement orale à un ordre juridique écrit.
Certes, le passage de l'écrit – plus exactement du support papier – à l'informatique ne se
fera pas brutalement. Avant le XVIe siècle les publicités légales prenaient forme de cérémonial.
Il y avait l'abandon de biens, une cérémonie pittoresque qui se passait sur la grand'place : le
débiteur devait frapper la pierre, je le dirai en latin pour respecter les convenances... « de culo
nudo percussit lapidem » ; il y avait le bonnet vert du failli. Et ensuite, avec le développement
du support écrit, on voit apparaître l'affiche qui se substitue au cérémonial et à la proclamation.
Puis l'affiche disparaît progressivement, remplacée par les « petites affiches » que sont
devenus les différents journaux d'annonces légales. Il est donc clair que les transformations qui
s'esquissent seront lentes, mais il faut bien savoir que nous sommes au début d'une évolution
fondamentale.
10.– Je terminerai par une remarque à propos de ce que j'appellerai le paradoxe du
contenu sur le plan juridique. La publicité légale, comme nous l'avons vu, suppose une
divulgation obligatoire, c'est même sa définition première. Autrement dit, par l'effet de
l'obligation légale, l'information fait l'objet, dès le départ, d'une sorte d'expropriation d'utilité
publique à la source. Or, cette information constitue en même temps un bien informationnel
susceptible d'appropriation privative et qui a une grande valeur économique.
Apparaît ainsi en évidence une opposition dialectique, tenant à ce que l'on passe d'une
matière première gratuite, ou presque, à un instrument de profit ; phénomène d'autant plus
intéressant qu'il va s'opérer – et nous allons voir que c'est un des débats actuels essentiels de
la matière – à l'intérieur des instances officiellement chargées d'assurer le service public de la
diffusion. Cela vaudra donc pour l'INPI, pour les greffes, pour les journaux officiels – le BALO
en l'espèce. Cela vaudra aussi pour les journaux d'annonces légales.
Par conséquent, il faudra prendre acte de ce que la transformation d'une information en
publicité légale n'altère pas finalement sa nature de bien incorporel, donc de « bien dans le
commerce ». Mais dire cela, c'est déjà engager une réflexion sur le fond de la matière.
II. – Sur quels aspects de la matière doit-on porter la réflexion ?
11.– Cette réflexion peut s'engager selon trois axes principaux, dont le premier concerne la
nécessaire réorganisation du fond du droit. Réorganiser le contenu des publicités légales
implique avant tout de clarifier les obligations auxquelles sont soumises les entreprises.
Clarifier, c'est d'abord compléter là où il y a insuffisances ; parmi les exemples qui pourraient
être donnés, je citerai au moins le jugement d'ouverture d'un redressement judiciaire non publié
à la conservation des hypothèques, alors que l'on sait que son prononcé entraîne l'arrêt du
cours des inscriptions. Clarifier, c'est aussi élaguer les trop nombreuses informations superflues
ou redondantes. Le législateur a fait de notables efforts ces dernières années pour supprimer
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les formalités inutiles, par exemple en supprimant la seconde insertion dans un journal
d'annonces légales lors de la cession d'un fonds de commerce.
Mais il faut bien voir que lorsque l'on veut entreprendre un allègement des formalités, on
aboutit en réalité inévitablement à s'interroger sur les règles de fond que ces formalités
traduisent et à envisager la simplification de ces règles mêmes. Je ne donnerai qu'un exemple,
que je n'ai pas le temps de détailler : il y a en matière de liquidation de sociétés une suite de
publicités qui paraissent extraordinairement compliquées. En fait, elles ne sont inutilement
lourdes et coûteuses que parce que la procédure de liquidation des sociétés est elle-même trop
minutieuse et mériterait une simplification.
Il faut donc, et j'insiste sur cette idée qui m'apparaît essentielle, penser à la primauté du
système publicitaire dans l'ordre juridique, penser à relier de manière systématique
l'opposabilité d'un droit ou d'une situation à sa publicité légale.
12.– Le deuxième axe de réflexion concerne une question beaucoup plus délicate : elle
touche au fonctionnement des instances.
J'évoquerai très rapidement, au passage, un des thèmes de réflexion qui, après la guerre
notamment, avait suscité beaucoup d'intérêt – je me souviens en particulier qu'un président du
tribunal de commerce de la Seine, M. Fargeaud s'y était intéressé ( 1 ). Il s'agit du casier
commercial, c'est-à-dire du projet consistant à regrouper l'ensemble des informations
disponibles sur une entreprise en un lieu unique. On a créé, vous le savez, le CFE, un guichet
unique des formalités. Pourquoi dans ces conditions, ne pas imaginer un lieu unique de la
publicité ?
Je dirai que le paradoxe du casier commercial est que celui-ci devient à l'heure actuelle
moins urgent dès lors que sa mise en œuvre est techniquement réalisable. En effet, lorsqu'on a
soulevé l'idée après guerre, les paperasses à manipuler représentaient une masse tellement
terrifiante que l'on a reculé devant cette tâche. Maintenant l'informatique rendrait le casier
commercial tout à fait possible, mais peut-être parce que les banques de données se chargent
finalement de centraliser l'information le casier commercial devient de ce fait beaucoup moins
urgent.
13.– À propos du fonctionnement des instances, il convient de s'interroger sur le
bouleversement en cours des modes traditionnels de diffusion de l'information légale, ne seraitce que pour tenter d'en maîtriser le développement. On peut l'analyser de la manière suivante :
la distinction entre information brute et information traitée se brouille, comme parallèlement se
brouille la distinction entre instances publiques et instances privées.
Traditionnellement, l'information légale pouvait être considérée sans aucun doute comme
une information brute, et on aurait pu imaginer il y a quinze ans que les instances publiques se
bornent strictement au rôle que leur donnait la loi. Ainsi l'INPI aurait pu continuer à conserver le
registre national du commerce, les greffiers à délivrer, sur papier seulement, des états ou des
copies. Les uns et les autres auraient laissé aux sociétés privées le soin d'exploiter sur
banques de données informatisées les informations brutes délivrées par ces organismes.
(1) P. Fargeaud, Le fichier (ou casier) commercial : RTD com. 1965, p. 1.
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Heureusement, ces instances ne se sont pas déconnectées du marché, car elles se
seraient condamnées ainsi à un archaïsme tout à fait regrettable. Mais la conséquence de cela,
c'est que les instances publiques, les greffes et l'INPI tout au moins, ont eu tendance à
« privatiser » leurs prestations, c'est-à-dire à enrichir la présentation et à faciliter l'accès de
l'information légale brute que la loi leur fait obligation d'offrir au public. Le résultat, c'est que ces
instances agissent comme des diffuseurs privés. Aussi se retrouvent-elles en situation de
concurrence et entre elles et à l'égard des diffuseurs privés avec lesquels elles nouent d'ailleurs
des liens par contrat.
14.– La difficulté vient de ce que la frontière n'est plus rigoureuse entre d'une part une
simple clarification de l'information écrite, un tri pertinent, une bonne présentation intégrant un
traitement élémentaire (« sortir » un pourcentage d'évolution des résultats, par exemple) et
d'autre part un véritable traitement pouvant nécessiter de nombreuses recherches, donc de
gros investissements. Je dirai qu'à l'heure actuelle la seule frontière absolument nette que l'on
peut introduire entre l'information brute et l'information traitée apparaît lorsque le diffuseur privé
introduit dans ses prestations des sources d'information extérieures à la publicité légale ; ce
que les instances officielles doivent en tout état de cause s'interdire de faire car le traitement
proposé demeure lié à leur mission de service public.
D'ailleurs, il n'est pas absurde de penser que ce qui est aujourd'hui information traitée
devienne demain de l'information légale, une fois que des normes de traitement auront été
entérinées par le législateur. Je précise ma pensée par un exemple : le bénéfice par action, qui
est une information traitée dont on fait un très large usage dans la presse financière, pourrait
demain, si le traitement était réglementé, devenir une information obligatoire, c'est-à-dire une
publicité légale.
15.– Le système est donc parvenu à un certain équilibre. Cet équilibre, on peut le dire, est
globalement satisfaisant, mais il soulève des difficultés, notamment parce que le statut des
publicités légales est remis en cause dès lors que la diffusion de celles-ci s'opère à travers les
services facultatifs et rémunérés offerts par les instances publiques, dont certaines se font
concurrence, quelquefois même directement.
16.– Pour terminer, et c'est le troisième axe de réflexion, il faut évoquer les problèmes
spécifiques soulevés par l'information financière. Je serai extrêmement bref parce que la
question est très vaste et que le temps tourne. Je voudrais néanmoins évoquer brièvement trois
séries de problèmes, en précisant bien, d'ailleurs, qu'il ne faut pas confondre la publicité légale
financière, autrement dit l'information imposée par la loi, avec l'information financière au sens
large, c'est-à-dire largement facultative dont usent les grandes sociétés qui sont sur le marché
financier. Il s'agit là d'un domaine qui est beaucoup plus vaste et très sensiblement différent de
celui que nous comptons traiter.
17.– S'agissant de l'information légale financière stricto sensu, il faut d'abord s'interroger
sur les résistances, légitimes ou pas, dont font preuve certains assujettis à son égard. On sait
que le pourcentage des sociétés qui résistent à la publicité obligatoire des comptes annuels ne
se réduit malheureusement pas. Or, ce qui est plus surprenant, et je dirai plus critiquable, c'est
que parmi ces irréductibles on trouve même, selon les rapports de la COB, des sociétés cotées.
En somme, l'objectif d'une véritable transparence est loin d'être encore accompli.
Cela soulève la question de savoir si, au fond, cette résistance est justifiée ou pas au
regard notamment du nécessaire secret des affaires. En France, vous le savez, il a fallu sortir
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d'une mentalité passéiste considérant que le profit est honteux en lui-même et qu'il est
dangereux de publier celui que l'on fait, car c'est susciter l'appétit d'un Etat exacteur. C'est une
tradition complètement rebelle aux nécessités d'un marché financier de quelque importance.
Ceci dit, il ne faut pas non plus que l'information financière devienne une fin en soi, c'est-à-dire
conduise à privilégier le bon résultat à court terme sur l'effort d'investissement ou
d'assainissement à long terme. Pourtant, entre l'attitude négative et dépassée d'un secret
généralisé sur la marche des affaires et la transparence intégrale, une voie moyenne peut être
trouvée : celle qui prend en compte le souci parfaitement légitime de préserver une part
d'ombre, fût-ce à titre temporaire.
18.– En somme, de nombreux progrès doivent encore être accomplis, et je pense que la
table ronde qui suivra permettra de proposer des solutions.
Il est clair qu'il faut améliorer l'effectivité de l'obligation légale, mais sûrement pas
l'améliorer – je dis cela parce que nous sommes au jour de naissance du nouveau Code
pénal – par des incriminations qui s'avèrent totalement inefficaces. En revanche, ne manque
pas de logique l'idée qui consisterait à imaginer une sanction intrinsèque à la publicité prescrite,
c'est-à-dire à faire en sorte que le non-accomplissement de la formalité rejaillisse directement
sur le droit ou la situation en cause.
19.– Il est clair également qu'il importe en tout cas d'assurer l'efficacité, donc la lisibilité de
l'information. Et lorsqu'on soulève cette question, on en appelle une seconde, beaucoup plus
difficile à résoudre, qui est celle de savoir pour quelle sorte de lecteurs on prétend assurer la
lisibilité, car il y a la clarté pour l'épargnant ordinaire et il y a l'intérêt de l'information pour
l'analyste financier. C'est incontestablement un problème majeur en matière d'information
financière, qui résulte de l'hétérogénéité de ses destinataires.
Est-ce à dire que l'on peut opter pour une information légale à deux vitesses en distinguant
les documents destinés au grand public et les documents établis à l'attention des
professionnels ? C'est dans cette voie que l'on semble s'engager, notamment sous l'impulsion
de la COB, qui encourage les entreprises à fractionner leurs documents d'information, avec
d'un côté un document de base et de l'autre un document simplifié synthétisant les informations
contenues dans le premier. Pourtant une telle démarche paraît contradictoire avec ce que je
disais au début à propos de l'anonymat du public. On se heurte donc là à une difficulté de
principe considérable.
Voilà donc beaucoup de thèmes de réflexion, qui sont autant de questions d'actualité et de
sujets de discussion, cela sur une matière naguère reléguée au rang des accessoires
subalternes, pour ne pas dire poussiéreux, de l'ordre juridique. Cette réunion aura atteint son
but si elle démontre qu'il s'agit bien là d'un rouage primordial de la vie des affaires qui mérite
toute notre sollicitude intellectuelle.
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