Litige en Italie - procédure civile italienne
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Litige en Italie - procédure civile italienne
Recouvrement de créances - Procédure civile italienne - Injonction de paiement INJONCTION DE PAIEMENT EN ITALIE: JURIDICTION ITALIENNE ET PROCÉDURE Antonio Braggion Avocat au Barreau de Milan 1. Introduction L’injonction de paiement peut être utilisée soit par les créanciers étrangers pour recouvrer leurs créances en Italie, soit par les créanciers italiens contre leurs débiteurs étrangers. Alors que la première hypothèse ne pose aucune question en ce qui concerne la juridiction des tribunaux italiens, la deuxième hypothèse exige que la juridiction sur le débiteur étranger de la parte du tribunal saisi existe. A ce propos, une distinction doit être faite selon que le défendeur est résident dans l'Union européenne ou dans l'EFTA, ou dans un pays extra-européen. Si une injonction a été prononcée, alors que le tribunal n'avait pas de juridiction, une opposition contre l’injonction pourra être notifiée dans le délai applicable. 2. Utilisation de la procédure pour recouvrer des créances étrangères en Italie Un créancier étranger peut obtenir par le tribunal italien compétent une injonction de paiement sur la base d’une preuve documentaire. Dans le cas d'un contrat de vente de marchandises, ensemble aux factures impayées, on pourra produire une copie des bonnes livraisons, signées par le débiteur, certifiant la livraison des marchandises, ou une lettre du débiteur qui reconnaît sa dette. En défaut des documents susmentionnés, un extrait de la comptabilité de la société étrangère, certifié par un notaire, et qui indique l'existence de la créance, peut être produite. Le notaire public devra certifier aussi que les livres de la société sont tenus conformément aux règles comptables applicables dans le pays en question. Néanmoins, dans certains pays, ces extraits ne sont pas délivrés par les notaires. Un pouvoir avec la signature du représentant légal de la société, certifiée par un notaire ou par le Consulat italien, devra être aussi produit. Le pouvoir peut être en italien, ou dans une langue étrangère, mais dans ce cas-là une traduction certifiée devra être jointe. La certification du notaire devra être légalisée avec l’"Apostille" (Convention de Haie de 5 octobre 1965), si la Convention susmentionnée a été ratifiée par le pays étranger, ou autrement par le Consulat italien. Avec certains pays (par exemple, la France) ni l'Apostille, ni la légalisation consulaire est nécessaire. L'injonction de paiement est prononcée dans le délai d’un mois du dépôt de la demande, et devra être notifiée au débiteur. A partir du 30 Juin 2014 les demandes d'injonction peuvent être introduites seulement par voie électronique (texte de la demande d'injonction avec signature électronique de l'avocat et annexes en PDF): le délai pour l’émission de l'injonction est réduit à unedeux semaines. 1 Dans les 40 jours suivants la date de la notification de l’injonction, le débiteur doit payer, ou peut notifier une opposition. Le terme en question s’applique, si le débiteur est domicilié en Italie (pour les intimés résidents dans l'Union Européenne le délai est augmenté à 50 jours). Si le débiteur a notifié une opposition, il y aura une procédure ordinaire de première instance, mais, si l'opposition n'est pas fondée sur une preuve écrite, le juge peut, à la première audience, accorder l‘exécution provisoire de l’injonction. Si le débiteur n’a pas notifié une opposition, l'injonction devient irrévocable. Une fois que la déclaration d’exécution a été apposée sur l'injonction, l'exécution sur les biens du débiteur pourra commencer. Le premier acte est celui de notifier au débiteur une intimation à payer, en lui donnant un délai de 10 jours. Si le paiement n’a pas lieu dans ce délai, la saisie des biens du débiteur par l’huissier pourra être demandée. On peut aussi obtenir une injonction de paiement immédiatement exécutoire, si certaines conditions existent: la créance est basée sur une lettre de change, ou un chèque, ou un acte reçu par un notaire public ou un autre officier public autorisé; ou le danger d'un préjudice grave dans le retard existe; ou le recourant a produit des documents signés par le débiteur, qui prouvent la créance. Presque tous les coûts de la procédure (les honoraires d'avocat y compris) sont mis à la charge du débiteur. 3. Avantages et désavantages de la procédure «nationale» vis à vis celle prévue par le Règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 («procédure européenne d'injonction de payer») Le Règlement n. 1896/2006/CE a introduit une procédure européenne d'injonction, pour les créances pécuniaires qui ne sont pas contestées, qui est alternative à la procédure prévue par la législation nationale des États Membres («procédure d’injonction nationale»). La procédure européenne peut être utilisée seulement en matière civile et commerciale, dans des litiges transfrontaliers. Un «litige transfrontalier» est un litige dans lequel le domicile ou la résidence habituelle au moins d’une des parties se trouve dans un État membre autre que celui de la juridiction saisie. Les créances pécuniaires qui peuvent être l’objet de la procédure en question sont les créances liquides et exigibles à la date à laquelle la demande d'injonction est introduite. L'applicabilité de la procédure est exclue dans certaines hypothèses, en particulier: a) les régimes matrimoniaux ou les régimes similaires, les testaments et les successions; b) les faillites, les concordats et les autres procédures analogues; c) la sécurité sociale; d) les créances découlant d'obligations non contractuelles, à moins qu'elles aient fait l'objet d'un accord entre les parties, ou qu'il y ait eu une reconnaissance de cette dette, ou qu'elles concernent des dettes liquides découlant de la propriété conjointe d'un bien. 2 La principale différence entre les deux procédures (nationale et européenne) est que, si le créancier demande une injonction européenne, il est suffisant de préciser les éléments de preuve écrite disponibles, sans besoin de les produire, comme dans le cas d’une demande d’injonction nationale. Par conséquent, si les conditions de recevabilité (caractère transfrontalier du litige en matière civile et commerciale, compétence de la juridiction saisie, etc.) sont remplies, et si la demande n'est pas manifestement infondée ou irrecevable, l'injonction devra être prononcée sur la base des informations données par le demandeur, dans les trente jours suivants l'introduction de la demande. Le délai pour le défendeur qui a l'intention d'introduire une opposition contre l’injonction est de trente jours à compter de la signification ou de la notification de l'injonction. Dans l'opposition, qui doit être transmise au juge qui a émis l'injonction, le défendeur doit seulement contester la créance, sans indiquer les motifs. Dans ce cas-là, la procédure poursuivra selon les règles de la procédure nationale ordinaire, à moins que le demandeur avait déclaré de renoncer à l'injonction, si une éventuelle opposition était introduite. Si le défendeur n'introduit aucune opposition dans le délai prévu, l'injonction de payer européenne deviendra exécutoire. Les désavantages de la procédure européenne vis-à-vis la procédure nationale sont les suivants: le créancier devra attendre l'expiration du délai de trente jours prévu pour une éventuelle opposition, pour obtenir la déclaration en question, sans pouvoir demander au juge une injonction immédiatement exécutoire, contrairement à ce qu'il est prévu dans la procédure nationale, comme expliqué au paragraphe précèdent; dans le cas d’une éventuelle opposition contre une injonction européenne, le créancier ne pourra pas demander l’exécution provisoire de l’injonction, si l’opposition n’est pas fondée sur une preuve écrite, comme il est prévu dans le cas d’une injonction nationale. Enfin, la dernière distinction entre les deux procédures concerne les modalités de transmission: pour la demande d’injonction européenne, l'Italie a prévu qu'elle peut être adressée au tribunal compètent seulement sur papier et non par voie électronique. 4. Utilisation de la procédure pour recouvrer une créance contre un débiteur étranger La procédure nationale peut être utilisée aussi par un créancier italien pour recouvrer une créance contre un débiteur étranger. La seule différence est que, dans ce cas-là, le délai pour payer ou pour notifier une opposition contre l’injonction est de 50 jours, pour les résidents dans l‘UE, et de 60 jours pour les résidents au dehors de l'UE. Il faut donc examiner quand les tribunaux italiens ont juridiction contre un débiteur étranger. L'analyse sera limitée aux contrats de vente de marchandises (vendeur italien - acheteur étranger). 3 Une distinction doit être faite selon que l'acheteur est résident dans un pays de l'UE ou de l'EFTA, ou dans un pays extra-européen. 4.1. Acheteur domicilié dans un pays de l'UE ou de l'EFTA En ce qui concerne un acheteur qui est résident dans un pays de l'Union européenne, la juridiction italienne existe d'après les critères prévus par le Règlement du Conseil (CE) de 22 Décembre 2000 n. 44/2001 sur la juridiction internationale et la reconnaissance des jugements en matière civile et commerciale, qui a remplacé, depuis le 1 Mars 2002, la Convention de Bruxelles de 1968. Le Règlement prévoit la possibilité d'introduire une procédure contre une personne domiciliée dans un État Membre devant les tribunaux du pays où se trouve le lieu d’exécution de l'obligation qui est l'objet de la demande, mais, au contraire de l'article 5 de la Convention de Bruxelles, a identifié a priori quel est le lieux d’exécution de l’obligation dans le cas d’un contrat de vente de marchandises. Selon l'article 5(1)(b), première alinéa, du Règlement, le lieu est, à moins d’une disposition différente dans le contrat, le lieu où les marchandises ont été délivrées, ou auraient dû être délivrées. Cette présomption s'applique à tous les obligations qui découlent du contrat (par exemple, à l'obligation de l’acheteur de payer le prix). La Cour de cassation italienne, chambres réunies, dans l’arrêt du 5 octobre 2009, n. 21192, a précisé que, dans le cas d'une vente internationale de marchandises, la place de livraison est celle où les marchandises sont entrées dans la disponibilité matérielle, et pas seulement juridique, de l'acheteur. Par conséquent, toute demande concernant l'exécution du contrat, le paiement du prix y compris, doit être introduite devant le juge de l'État de la destination finale, indépendamment du lieu où les marchandises ont été consignées au premier transporteur. Avec cette décision la Cour a modifié sa jurisprudence précédente, d'après laquelle, dans un contrat de vente, la place de la livraison était considérée la place où les marchandises avaient été consignées au premier transporteur. Selon l’interprétation précédente, il était possible d'assigner en Italie un défendeur étranger, domicilié dans un autre état de l’UE, parce que dans la plus parte de tous cas les marchandises étaient, ou auraient dû être, remises au premier transporteur, en Italie. La conséquence de la nouvelle jurisprudence est que, à l’égard d'un contrat de vente de marchandises, les tribunaux italiens sont incompétents vis-à-vis un débiteur étranger domicilié dans un autre état de l'UE, si les marchandises ont été délivrées dans cet état. Cela veut dire que, si une injonction de paiement a été prononcée dans les circonstances précitées, l'acheteur étranger pourra introduire une opposition basée sur le défaut de juridiction du juge italien, et demander la révocation de l'injonction. Les mêmes considérations s’appliquent à l'interprétation de l'art. 5(1)(b), première alinéa, de la Convention de Lugano du 30 Octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui est en vigueur avec les pays de l'EFTA (par exemple, Suisse, Islande et Norvège), puisque le contenu de cet article corresponde à celui de l'article 5 du Règlement n. 44/2001, examiné auparavant. 4.2. Acheteur domicilié dans un pays à l'extérieur de l'UE ou de l'EFTA 4 Vis à vis un acheteur domicilié à l'extérieur de l'Union européenne ou de l'EFTA, la juridiction italienne existe d'après les critères prévus par la Loi 31 Mai 1995 n. 218 sur la «réforme du système italien de droit international privé». D'après l’art. 3(2) de la Loi en question, en ce qui concerne les matières comprises dans le champ d’application de la Convention de Bruxelles du 27 Septembre 1968 (c’est-à-dire en matière d’obligations contractuelles), la juridiction italienne existe, aussi, si les conditions dont aux Sections 2, 3 et 4 du Titre II de la Convention de Bruxelles sont satisfaites, même si le pays de résidence du défendeur étranger n'a pas ratifié la Convention. D'après l’art. 5(1) de la Convention de Bruxelles, le tribunal du lieu où l'obligation qui est l’objet de la demande a été, ou doit être, exécutée est compétent. Le lieu d’exécution doit être déterminé d’après la loi applicable au contrat, déterminée selon le droit international privé du juge saisi de la procédure, à savoir la loi citée ci-dessus. Selon l'article 5 de la Loi 1995 n. 218, les obligations contractuelles sont réglées par la Convention de Rome du 19 juin 1980. Puisque l'Italie a ratifié la Convention de Vienne de l’11 Avril 1980 sur la Vente Internationale de Marchandises, si la loi applicable selon le droit international privé italien est la loi italienne, on devra appliquer les dispositions de cette Convention. La Convention s’applique aussi, si le pays de résidence de l'acheteur a ratifié la Convention de Vienne: à savoir, si les parties du contrat sont domiciliées dans deux pays membres de la Convention. D'après l’art. 57 de la Convention de Vienne, le prix doit être payé au domicile du vendeur; par conséquent, dans le cas d'un vendeur italien, en Italie. Les tribunaux italiens seront donc compétents à juger de la demande concernant le paiement du prix, et pourront prononcer une injonction de paiement contre un acheteur étranger. Mis au jour: Juin 2014 5