Quatre questions autour du questionnement

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Quatre questions autour du questionnement
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Quatre questions autour du questionnement
Claire Lheureux, Lydie Omont, Alain Mérault, professeurs d’économie et gestion - Académie de Rouen
Groupe de Recherche et de Production sur le questionnement en économie et gestion
Poser des questions aux élèves a toujours fait partie des stratégies d’intervention utilisées par
l’enseignant en classe. Le questionnement permet d’entrer dans une démarche de problématisation liée à
l’étape « observer » du modèle observer-analyser-conceptualiser. Nous exposerons tout d’abord quelques
apports théoriques sur cette question, avant de nous interroger sur diverses formes de questionnement,
les écueils à éviter et la recherche d’une meilleure pratique de questionnement en voie technologique
tertiaire.
1. Que nous apporte la théorie sur le questionnement ?
a)
La taxonomie de Benjamin BLOOM
La taxomonie de Benjamin BLOOM (voir article Le questionnement pédagogique de Jean-Pierre
ASTOLFI, Economie et management n°128 de juin 2008) est un modèle pédagogique permettant de classer
des niveaux d'acquisition des connaissances. Elle peut être résumée en six niveaux comme représentée
dans la figure ci-dessous :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Connaissance : définir, repérer, lister, nommer, rappeler.
Compréhension : décrire, expliquer, identifier, reformuler.
Application : appliquer, démontrer, illustrer, interpréter, schématiser, résoudre.
Analyse : analyser, calculer, comparer, critiquer, différencier.
Synthèse.
Évaluation.
Les termes de cette taxonomie permettent de définir précisément le travail attendu dans l’étude d’un
document.
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b)
Les apports de Pierre VERMERSCH
De même, pour Pierre VERMERSCH une même question peut prendre une fonction complètement
différente suivant l'intention qui la porte, les circonstances de son utilisation, la personne à qui elle
s'adresse et la relation que le questionneur et le questionné entretiennent. Il est important de prendre
conscience qu'il existe une pluralité de fonctions attachée aux questions, mais qu'il n'y a pas simple
correspondance entre la formulation d'une question et sa fonction. Il indique que lorsque l’on choisit de
formuler une question, il faut la subordonner au but poursuivi.
2. Quelles formes de questionnement envisager ?
Le questionnement doit s’adapter à la situation.
×
À l’oral, celui-ci doit être plus simple et accessible qu’à l’écrit (l’élève ne peut pas relire la question
posée). D’ailleurs, il s’agit d’accompagner l’apprenant dans son propre raisonnement.
×
Le questionnement d’apprentissage suppose de s’intéresser autant aux réponses incorrectes que
correctes des élèves, afin de mieux les guider vers l’apprentissage des notions. Il est ici important de
prendre en compte les représentations et les préconceptions des élèves et les confusions éventuelles
détectées.
×
Le questionnement d’évaluation doit permettre une évaluation tant sommative que formative.
×
Avec des vidéos et des images, le questionnement est indispensable afin que l’élève prenne du
recul par rapport aux images présentées et afin de l’exploiter pleinement.
×
À l’écrit, le questionnement doit être progressif. Dans un premier temps, le repérage peut se faire
grâce à un surlignement des idées principales. Puis il est important de travailler sur la compréhension des
principaux termes. Cette méthodologie doit permettre de guider l’élève vers l’exercice intellectuel attendu.
Il sera enfin nécessaire de proposer des questions favorisant la conceptualisation.
3. Quels sont les écueils à éviter lors du questionnement ?
a)
Les questions :
×
sont souvent trop littérales et ne portent que sur des informations mineures du texte ;
×
servent plus à des fins d’évaluation qu’à des fins d’enseignement. En effet, l’objectif des questions
posées en classe est assez rarement d’amener les élèves à faire un pas en avant dans leur démarche ; il
consiste plus souvent à tenter d’évaluer leurs connaissances ;
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×
ne servent qu’à vérifier si les élèves ont lu le texte. Ainsi, l’enseignant laisse entendre aux élèves
que le but de cette lecture est de répondre à des questions et non la construction de nouveaux savoirs.
×
Ainsi est-il préférable de :
×
Les formuler en utilisant des verbes clairement définis et dont le sens est connu des élèves
(taxonomie de Bloom) ;
×
De varier la forme des questions ;
×
D’éviter les questions du type « avez-vous compris » mais au contraire l’élaborer une question
permettant de tester la compréhension de la notion ou de la situation par l’élève.
b)
Les silences :
Il importe de supporter le silence de la classe et de ne pas le redouter. On peut distinguer les
silences vides, et les silences pleins. Lors des silences pleins l’élève restructure les connaissances acquises
et les relie à son système de connaissance ; ces silences doivent être préservés, ils sont indispensables à
l’apprentissage.
Une fois ce travail effectué, le silence vide s’installe, le professeur peut reprendre le fil de son discours.
c)
L’hétérogénéité de la classe :
Le professeur s’adapte aux différents élèves : il n’y a pas un élève moyen, même s’il construit la
progression pour cet élève « type ».
d)
Progressivité :
×
Le questionnement doit être progressif, les premières questions doivent être simples afin de mettre
en confiance l’apprenant. Elles permettent de contrôler les pré-requis et de mesurer les représentations.
×
La problématisation renforce l’intérêt que l’élève porte aux concepts abordés.
×
Les questions suivantes se focalisent sur l’acquisition de savoirs dans la logique de la démarche
O.A.C. (observer, analyser, conceptualiser).
×
En fin de séance, les dernières questions sont de l’ordre de l’évaluation formative.
e)
Gestion de la réponse des élèves :
×
Le professeur ne peut attendre de réponse figée, il reste ouvert à un large éventail de propositions.
×
Si le questionnement conduit à une réponse erronée, il est fécond d’utiliser l’erreur comme une
opportunité pédagogique, comme outil d’impulsion et moyen d’une remédiation efficace (Voir Jean-Pierre
Astolfi (1997), L’erreur un outil pour enseigner, paris, ESF)
×
L’enseignant évalue les réponses aux questions posées en fonction du questionnement pratiqué, il
peut ainsi déterminer le moment propice de réponse et/ou de reformulation pour atteindre les objectifs
de la séance.
4. Comment optimiser le questionnement ?
L’élève doit savoir ce que le professeur attend de lui. En effet, il faut avoir conscience que le
professeur a des attentes implicites. Par exemple, Sembel (2003), parle de curriculum caché. Pour cet
auteur, le travail scolaire ne doit pas seulement recouvrir ce qui permet à l'élève de réussir dans son
apprentissage, car est évacué ainsi le travail jugé "inefficace", qui existe pourtant. Les différentes variantes
du curriculum (c’est-à-dire, pour simplifier, le programme) (formel, réel, caché) permettent justement de
mieux comprendre le métier d'élève.
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×
Le curriculum formel est celui des programmes officiels appliqués par les enseignants ;
×
Le curriculum réel est le travail réellement réalisé par les élèves, une fois qu'il a été organisé par
l'enseignant qui tient compte de diverses contraintes ;
×
le curriculum caché étant enfin ce que les élèves doivent faire pour réussir, sans que cela soit
explicitement annoncé par l'institution ou les enseignants. Les élèves d'origine populaire essaient
justement de décoder, de s'approprier ce curriculum caché qui provient souvent d'une culture autre que la
leur.
Il apparait donc opportun que :
×
Dès le début de l’année ou en début de séquence, le professeur explicite les consignes qu’il
utilisera, le sens des verbes, et entraine l’élève à la méthodologie pour répondre aux questions.
×
Prenne en compte les rythmes personnels des élèves (classes, groupes, etc.).
×
Rassure et encourage les élèves (valorisation).
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Veille à la progressivité dans le questionnement, la première question pouvant être une question
de valorisation.
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Bibliographie
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L’entretien d’explicitation, Pierre Vermersch dans les cahiers de Baumont, avril 1991.
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Le questionnement pédagogique, Jean-Pierre ASTOLFI, Economie et management n°128 de juin
2008.
×
Questionner en économie et gestion, Brigitte BESSON, Economie et management n°130 de janvier
2009.
×
L’erreur, un outil pour enseigner, Jean-Pierre ASTOLFI, 1997, ESF.
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L’école pour apprendre, Jean-Pierre ASTOLFI, 1992, ESF.
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Questionner pour enseigner et apprendre, Olivier MAULINI, 2005, ESF.
×
Comprendre les énoncés et les consignes,
Jean-Michel ZAKHARTCHOUK, 1999, cahiers
pédagogiques, CRDP d’Amiens.
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Expliciter, les fonctions des questions, Pierre Vermersch, le journal de l’association GREX Groupe de
recherche sur l’explicitation n°65 juin 2006, CNRS.
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Poser des questions pour faire parler les élèves? Catherine Cugnet, conseillère pédagogique.
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L’entretien d’explicitation dans la formation du BTS assistant de manager par Elodie Sergent,
Académie de Versailles, www.crcom.ac-versailles.fr.
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Mots clés du questionnement pédagogique, Pierre CÉLIER, Professeur de l'ENSET de Mohammedia.
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Mots clés du questionnement, Colette Cibien-Agnès Gudet-Mireille Jacquemin (professeurs au
Lycée Lamartine de Mâcon).
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Du référentiel à l’évaluation, Bernard Porcher, Louis Porcher, Christiane Letemplier, Ignace Rak,
éditions Foucher.
Sitographie
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www.expliciter.fr
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http://rfp.revues.org/195
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Les méthodes de questionnement en recherche documentaire, site du LP Pierre Coton Académie de
Lyon, http://www2.ac-lyon.fr/etab/lycees/lyc-42/pcoton/contacts/contacts.html
Rouen, mai 2012