369-5 641 : le compte est bon, mais des questions demeurent

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369-5 641 : le compte est bon, mais des questions demeurent
„ COMITÉ D’ENTREPRISE
641 : le compte est bon, mais
des questions demeurent
369-5
Cass. soc., 28 mai 2014, pourvoi n° 12-29.142, arrêt n° 1015 FS-P+B
Delphine Robinet
Avocat
Fromont Briens
Sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles s’entend de la masse salariale
brute correspondant au compte 641 à l’exception des sommes qui correspondent à la
rémunération des dirigeants sociaux, à des remboursements de frais, ainsi que celles
qui, hormis les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, de retraite et
de préavis, sont dues au titre de la rupture du contrat de travail.
Les faits
Le litige objet du présent arrêt concerne une
entreprise composée de 2 établissements distincts, l’établissement industriel de NotreDame de Gravenchon et l’établissement du
siège de Rueil-Malmaison.
Au sein de l’établissement de Notre-Dame de
Gravenchon, la contribution minimale de l’employeur aux activités sociales et culturelles du
comité est fixée par un protocole d’accord du 13
mars 1980. Celui-ci prend pour référence l’année 1979 en valeur absolue ainsi qu’en valeur
relative par rapport à la « masse salariale pour
travail effectif » à hauteur de 4,03 % restauration incluse ou 1,77 % restauration non incluse,
l’employeur conservant alors la gestion de la
restauration.
Pour l’établissement du siège, un accord du
30 décembre 1988 prévoit une contribution à
hauteur de 8,94 % de la masse salariale complète telle que résultant de la Déclaration Annuelle des Données Sociales (DADS) de l’établissement.
Les demandes et argumentations
En 1999, à l’occasion d’un différend entre le comité d’établissement du siège et la direction sur
la prise en charge par le comité de 2 nouvelles
activités, ce dernier procède à diverses vérifications au terme desquelles il considère percevoir
une contribution inférieure à celle résultant de
l’application des règles légales.
Parallèlement, le comité d’établissement de
Notre-Dame de Gravenchon relève que la dépense de l’employeur pour la restauration col-
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lective a diminué en proportion de la masse
salariale depuis 1980 et qu’en conséquence la
contribution globale de l’employeur aux activités sociales et culturelles est devenue inférieure
au taux convenu dans l’accord.
C’est dans ces conditions que la direction de
l’entreprise dénonce les deux accords et qu’en
l’absence d’accord sur les nouvelles modalités
de la contribution, les deux comités d’établissement et le comité central d’entreprise saisissent
le Tribunal de grande instance de Nanterre. S’en
suivront de multiples recours et en dernier lieu
l’arrêt de la Cour de cassation du 20 mai 2014.
La décision, son analyse et sa
portée
Sur l’assiette de la contribution patronale aux
comités, la Cour de cassation précise que, sauf
engagement plus favorable, la masse salariale
servant au calcul de la contribution patronale
aux activités sociales et culturelles s’entend
de la masse salariale brute correspondant au
compte 641, à l’exception des sommes qui correspondent à la rémunération des dirigeants
sociaux, à des remboursements de frais ainsi
qu’à celles qui, hormis les indemnités légales ou
conventionnelles de licenciement, de retraite et
de préavis, sont dues au titre de la rupture du
contrat de travail.
En l’espèce, la Haute Juridiction relève que la
cour d’appel a bien constaté que la contribution prévue par accord est plus favorable que
la contribution minimale légale, et qu’elle doit
être fixée par établissement, le taux étant appliqué à la masse salariale de travail effectif.
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Arrêts commentés
La Cour de cassation rejette ainsi les pourvois du comité d’établissement du siège et du comité central d’entreprise qui sollicitaient l’application du compte 641, considérant les dispositions
des accords de l’entreprise basées sur les données de la DADS
plus favorables.
Il faut, dès à présent, préciser que l’assiette de calcul de la contribution de l’employeur aux budgets des Comités est un point accessoire du contentieux, problématique qui n’est d’ailleurs soulevée qu’à partir de 2011 et donc après cinq premières décisions
juridictionnelles.
La Cour de cassation profite ainsi d’une affaire relative aux
contributions des employeurs aux comités d’entreprise pour
préciser sa position sur l’assiette de calcul de ses subventions.
• Encore des points en suspens
La Cour de cassation a posé depuis plusieurs années la règle suivant laquelle l’assiette de calcul de la subvention de fonctionnement était identique à celle des activités sociales et culturelles
(Cass. soc., 9 juill. 1996, n° 94-17.688), alors que le Code du travail fait état de la masse salariale brute pour l’une et du montant
global des salaires payés pour l’autre.
Concernant les sommes à prendre en compte dans ce calcul, il
était d’usage dans la majorité des entreprises de se référer aux
montants reportés dans la DADS jusqu’à ce qu’un arrêt du 30
mars 2011 sème le trouble dans les pratiques (Cass. soc., 30 mars
2011, n° 10-30.080). La Cour de cassation énonçait alors que la
masse salariale brute comptable correspondait au compte 641
« Rémunérations du personnel » tel que défini par le plan comptable général.
Compte tenu des critiques patronales nombreuses sur l’incohérence de cette position, la Cour de cassation, par son arrêt du 20
mai 2014, entend apporter quelques précisions.
Force est malheureusement de constater que les zones d’ombres
restent nombreuses et qu’aucune solution juridique viable n’est
apportée aux employeurs et aux comités d’entreprise.
La Cour de cassation réaffirme en effet la référence à la norme
comptable tout en en demandant un retraitement mais elle ne
livre pas la logique juridique qu’elle retient pour intégrer ou exclure certaines sommes de l’assiette de calcul des contributions
au comité d’entreprise. Elle laisse donc ouvert un champ important de contestations possibles.
Ainsi, la Haute Juridiction fait référence à un compte 641 retraité
mais ne précise pas si la liste des sommes qu’elle exclut de son
calcul dans l’affaire qui lui est soumise le 20 mai 2014 est limitative ou non.
Si tel est le cas, cet arrêt signifie-t-il que les rémunérations allouées aux salariés mis à disposition et intégrés de façon étroite
et permanente à la communauté de travail de l’entreprise
doivent finalement être exclues du calcul (alors qu’elles sont depuis 2007 incluses dans la base de calcul par la Cour de cassation
mais comptabilisées en compte 621) (Cass. soc., 7 nov. 2007, n°
06-12.309) ?
La Cour de Cassation précise par ailleurs que l’ensemble des indemnités dues au titre de la rupture d’un contrat sont exclues
à l’exception de l’indemnité conventionnelle de licenciement et
de l’indemnité de préavis.
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À ce titre, pourquoi exclure les indemnités de rupture dues au
titre d’un licenciement et pas celles liées à une rupture conventionnelle ? Le fait que l’indemnité minimale de rupture conventionnelle soit fixée par référence à l’indemnité de licenciement
permet-il de l’exclure de la base de calcul de la contribution
au comité ?
Est-ce à dire que l’indemnité compensatrice de congés payés,
l’indemnité de précarité ou l’indemnité de non-concurrence
doivent être exclues ?
Qu’en est-il des provisions comptables figurant au compte 641 ?
Faut-il les conserver alors qu’il ne s’agit aucunement de sommes
versées aux salariés ?
À l’inverse, les sommes dont l’employeur fait l’avance aux salariés dans l’attente d’un remboursement par un organisme tiers
(Sécurité sociale, prévoyance ou autre) qui figurent également
au compte 641 doivent-elles être comptabilisées ? Si tel est le
cas, doit-on déduire de ces charges les remboursements enregistrés en compte 797 ?
L’intéressement versé aux salariés comptabilisé dans certaines
entreprises en compte 641 doit-il être inclus alors que les
sommes résultant de la participation figurant au compte 691
sont exclues ?
• Une norme comptable en l’absence de règle
juridique précise
À l’inverse, considérer que la liste de l’arrêt du 20 mai n’est pas
exhaustive ne permet pas non plus de répondre à diverses questions pratiques, dès lors que la Cour de cassation n’indique pas
quelle règle appliquer pour décider d’inclure ou d’exclure une
somme du compte 641 retraité.
Certains praticiens tentent de se référer à ce qui est ou non soumis à charges sociales. Cette référence n’a pourtant aucune cohérence par rapport à l’objet des contributions du comité d’entreprise (elle avait d’ailleurs été rejetée par le ministre du Travail
dans une circulaire de 1949). Elle n’est, en outre, pas conforme
à la décision de la Cour de cassation qui traite de la même façon
des sommes soumises à cotisations et des sommes exonérées.
D’autres juristes persistent à considérer qu’une référence aux
sommes mentionnées dans la DADS reste la norme. Cette position ne nous paraît plus tenable compte tenu de l’évolution
de la DADS et en particulier du fait que celle-ci comporte,
depuis le début d’année, tous les éléments salariaux soumis
à CSG / CRDS. Sur une telle base, des éléments tels que la
participation devraient être intégrés à la base de calcul des
contributions au comité d’entreprise, ce qui n’aurait aucune
justification cohérente.
En conclusion, alors que la Cour de cassation voulait fixer sa position et limiter les prochains contentieux sur ce sujet, de multiples questions pratiques restent posées.
Aucune norme juridique de référence n’étant fixée, il faudra
continuer d’étudier chaque situation d’espèce et la composition de chaque compte 641 pour en effectuer un retraitement
cohérent.
Les entreprises averties vont en outre, dans la mesure des possibilités du plan comptable général, chercher à réduire les sommes
mentionnées dans le compte 641 comme leur conseillent déjà
certains praticiens du droit social.
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La Cour de cassation pourrait ainsi être encouragée à sortir de la
norme comptable et/ou à donner une réponse juridique adaptée
TEXTE DE L’ARRÊT (EXTRAITS)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
[…]
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 13
novembre 2012), que le comité d’établissement de Notre-Dame-de-Gravenchon de la
société Exxonmobil Chemical France a pris
en charge les activités sociales et culturelles
établies dans l’entreprise au bénéfice des salariés selon un protocole d’accord du 13 mars
1980, prévoyant un taux de contribution de
l’employeur de 4,03 % de la masse salariale,
restauration comprise, et de 1,77 % restauration non comprise ; qu’ayant continué à
gérer l’activité de restauration, l’employeur
a versé depuis cette date une contribution
calculée selon le taux de 1,77 % ; que le comité d’établissement du siège de la société
Exxonmobil Chemical France a quant à lui pris
en charge les activités sociales et culturelles
au terme d’un accord conclu le 30 décembre
1988, fixant à 0,94 % de la masse salariale,
le taux de contribution de l’employeur ; que
le comité d’établissement de Notre-Damede-Gravenchon a saisi en 1999 le tribunal de
grande instance afin notamment que le taux
de contribution soit fixé à 4,03 %, le comité
d’établissement du siège sollicitant pour sa
part un rappel de subvention en se fondant sur
le taux légal sous réserve de l’actualisation de
ce taux en fonction de la prise en charge ultérieure de nouvelles activités ; que par un jugement du 18 mars 2005, le tribunal de grande
instance a jugé que les demandes de rappel
de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles étaient prescrites pour
les années antérieures à 1996, a ordonné le
paiement d’un rappel de contribution pour les
années non prescrites pour le comité de l’établissement de Notre-Dame-de-Gravenchon,
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et cohérente sur la base de calcul des contributions au comité
d’entreprise.
appliquant le taux de 4,03 % et a ordonné une
expertise pour le surplus ; que la cour d’appel
de Versailles, par un arrêt du 22 juin 2006, a
pour l’essentiel confirmé le jugement, tant en
ce qui concerne l’interprétation de l’accord
de 1980 pour le comité de l’établissement
de Notre-Dame-de-Gravenchon, que pour ce
qui concerne la prescription quinquennale des
sommes dues au titre des activités sociales et
culturelles ; que la Cour de cassation (Soc, 14
mai 2008, no 06-19.449) a rejeté le pourvoi
s’agissant de la prescription, mais a censuré la
décision s’agissant du taux de la contribution
hors restaurant qui devait s’appliquer tant que
cette activité était assurée par l’employeur ;
que désignée comme cour de renvoi, la cour
d’appel de Paris, a jugé que compte tenu de
l’absence de prise en charge par le comité, de
l’activité de restauration, le taux de contribution de l’employeur aux activités sociales et
culturelles s’agissant du comité de l’établissement de Notre-Dame-de-Gravenchon devait
être celui de 1,77 % ; que la Cour de cassation
(Soc, 28 septembre 2011, no 10-18.557), a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt ; qu’à la
suite du dépôt du rapport d’expertise et par
un jugement du 26 octobre 2007, le tribunal
de grande instance a condamné l’employeur
à verser une somme au comité de l’établissement de Notre-Dame-de-Gravenchon, a
condamné le comité de l’établissement du
siège et le comité central d’entreprise au paiement d’une somme à l’employeur et a fixé
les règles d’évaluation de la contribution aux
activités sociales et culturelles à partir de l’année 2001 ; que par un arrêt du 13 novembre
2012, la cour d’appel de Versailles a confirmé
le jugement en ce qui concerne les sommes
dues s’agissant du comité de l’établissement
du siège, l’a infirmé pour le surplus, a réduit la
somme due au comité de l’établissement de
Notre-Dame-de-Gravenchon et a déclaré irre-
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cevables les demandes pour la période postérieure au 1er janvier 2001 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le comité de l’établissement du
siège de la société Exxonmobil Chemical France
fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement en ce
qu’il l’a condamné, ainsi que le comité central
d’entreprise, à payer une somme à l’employeur,
ainsi qu’en ce qu’il a réformé le jugement, réduisant la somme due au comté de l’établissement de Notre-Dame-de-Gravenchon […] ;
Mais attendu que sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul
de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles s’entend de la masse salariale brute correspondant au compte 641 à
l’exception des sommes qui correspondent à
la rémunération des dirigeants sociaux, à des
remboursements de frais, ainsi que celles qui,
hormis les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, de retraite et de préavis, sont dues au titre de la rupture du contrat
de travail ;
Et attendu qu’ayant constaté, par motifs
adoptés, que la contribution conventionnelle résultant de l’accord signé en 1988
était plus favorable que la contribution
minimale légale, la cour d’appel a exactement décidé qu’elle devait être fixée établissement par établissement, le taux étant
ensuite appliqué à la masse salariale « de
travail effectif » ;
D’où il suit qu’abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les trois premières et
la dernière branches, le moyen n’est pas fondé
pour le surplus ;
[…] PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu’incident ;
[…].
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