Myopathie granulomateuse sarcoïdosique

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Myopathie granulomateuse sarcoïdosique
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CAS CLINIQUE
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Myopathie granulomateuse sarcoïdosique : une observation.
Granulomatous sarcoidosis myopathy : a case report.
Mohamed Karim Moudden1, Fatima Tabache2, Hassna Hassikou2, Mohamed El Baaj1, Larbi Hadri3
1 Service de Médecine Interne, Hôpital Militaire Moulay Ismail, Meknès - Maroc.
2 Service de Rhumatologie, Hôpital Militaire Moulay Ismail, Meknès - Maroc.
3 Pôle Médical, Hôpital militaire Moulay Ismail, Meknès - Maroc.
Rev Mar Rhum 2013; 26: 36-8
Résumé
Abstract
La sarcoïdose est une granulomateuse
multiviscérale de cause inconnue et d’expression
clinique très variée. L’atteinte musculaire
inaugurale ou isolée est très rare. Nous
rapportons l’observation d’une femme de 60 ans
souffrant d’une forme diffuse, dans un contexte
clinique évocateur de BBS et dont la confirmation
diagnostique a été apportée par la signature
histologique.
Mots clés :
Myopathie granulomateuse;
Sarcoïdose.
La sarcoïdose (BBS) est une maladie granulomateuse
systémique de cause inconnue, ayant pour localisations
privilégiées le poumon et le système lymphatique. Les
phénotypes trompeurs sont la source d’erreur diagnostic
par excès et par défaut. Une atteinte musculaire
symptomatique révélant une BBS est une situation
inhabituelle. Nous rapportons un cas de myopathie
chronique sarcoïdosique.
Observation
Mme SF est âgée de 60 ans, sans antécédents
pathologiques particuliers, est hospitalisée dans un service
de médecine interne pour bilan étiologique de myalgies
diffuses. L’histoire clinique de sa maladie remonte à 2006
par des myalgies et faiblesse musculaire prédominant
au niveau de la ceinture pelvienne responsable d’une
impotence fonctionnelle, évoluant dans un contexte
Correspondance à adresser à : K. Moudden
Email : [email protected]
The sarcoidosis is taken a systemic illness
of unknown etiology. Inaugural or isolated
muscular involvement is rare. We report the
case of 60 years old woman who introduced
a muscular proximal weakness of the lower
limbs. The histological study of the muscular
biopsy confirmed a granulomatous sarcoidosis
myopathy.
Keywords :
Granulomatous myopathy;
Arcoidosis
d’asthénie invalidante sans amaigrissement et associées à
un syndrome sec oculaire et une dyspnée d’effort. L’examen
clinique objectivait une marche dandinante, des douleurs
à la pression des masses musculaires aux 4 membres, une
amyotrophie et un tabouret positif. L’examen neurologique
était sans particularité. Il n’y avait par ailleurs pas de
douleurs à la pression des masses osseuses, pas de lésions
cutanées ni de nodule thyroïdien ni de syndrome tumoral
périphérique et l’examen cardiovasculaire et pleuropulmonaire était normal. L’examen ophtalmologique notait
un test de Shirmer positif. Sur le plan biologique, il n’y avait
pas de syndrome inflammatoire, les enzymes musculaires,
le bilan phosphocalcique, thyroïdien, la cortisolémie et
les marqueurs tumoraux étaient sans anomalies, le taux
de l’ECA = 96U/L. Le bilan immunologique comprenant:
facteur rhumatoïde, dosage de complément, AAN , AC anti
SSA/SSB, AC anti DNA natif, AC anti PM était négatif. Le
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Myopathie granulomateuse sarcoidosique : une observation
bilan infectieux avec recherche des sérologies de l’hépatite
B,C, HIV et le bilan phtysiologique était également
négatif. La radio du poumon était normale ainsi que la
TDM thoraco-abdomino-pelvienne. L’électromyogramme
montrait un tracé myogène. La biopsie musculaire au
niveau du quadriceps droit (Fig1) ainsi que la biopsie des
glandes salivaires accessoires objectivait un granulome
épithélioïde sans caséum. L’IRM n’a pu être réalisée par
faute de moyens. L’ECG et l’échocardiographie étaient
normales. Devant ce contexte clinique évocateur et la
présence de granulome sans nécrose caséeuse à la
biopsie, le diagnostic de BBS fut retenu. La patiente a été
traitée par corticothérapie (1mg/kg/j) et methotrexate
(0,3mg/kg/sem), l’évolution fut favorable après un recul
de 02 ans.
Figure 1 : Biopsie musculaire: présence d’un granulome epithelio-gigantocellulaire
Sans casèum.
Discussion
La BBS est remarquable par la diversité des présentations
au niveau mediastino-pulmonaire et au niveau des autres
localisations. Le poumon et le système lymphatique sont
touchés dans 90% des cas[1]. L’atteinte musculaire
est fréquente au cours de la BBS et s’observe dans
75% [2] versus 13% pour l’atteinte osseuse [3]. Elle est
généralement asymptomatique mais peut être révélatrice.
Néanmoins, les formes musculaires symptomatiques sont
rares (0,5-2,5% des atteintes musculaires sarcoïdosiques)
[4]. Notre observation est particulière par le caractère
très symptomatique et révélateur de l’atteinte musculaire.
En effet, l’atteinte musculaire proximale des membres
inferieurs chez une femme ménopausée, la présence d’un
granulome à l’histologie, l’absence d’autres maladies
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granulomateuses retiennent le diagnostic de myopathie
chronique sarcoïdosique dans notre cas. Cette atteinte
musculaire peut se présenter sous trois formes cliniques
: diffuse, myositique et pseudotumorale [2,5,6]. La forme
diffuse se traduit par une myopathie chronique prédominant
aux ceintures, parfois associée à une amyotrophie et à
des contractures musculaires. Les myalgies sont rarement
importantes. Les enzymes musculaires sont normales
dans la majorité des cas. Cette forme est parfois isolée et
s’observe plus volontiers chez les femmes ménopausées.
A l’IRM, sont notées une atrophie musculaire et une
dégénérescence graisseuse . C’est la forme que présentait
notre patiente. La forme myositique peut être révélatrice.
Il s’agit habituellement de patients jeunes présentant des
myalgies diffuses avec contractures musculaires. L’atteinte
musculaire est volontiers proximale et symétrique. Elle
s’associe à une asthénie, des arthralgies, une fièvre et un
érythème noueux. Les enzymes musculaires sont élevées,
l’EMG montre un tracé myogène. La scintigraphie au
gadolinium montre une hyperfixation musculaire. L’IRM est
normale ou montre un hypersignal musculaire global en T2.
Le diagnostic positif est anatomopathologique et repose sur
la mise en évidence du granulome épithelïode et gigantocellulaire sans nécrose caséeuse. Le diagnostic différentiel
se pose essentiellement avec la polymyosite. La forme
nodulaire ou pseudo-tumorale est rare. Cliniquement, les
formations nodulaires sont parfois palpables. Les enzymes
musculaires sont normales. L’EMG montre inconstamment
un tracé myogène. La scintigraphie au Gallium montre
une hyperfixation diffuse du marqueur (signe de léopard).
L’IRM est moins spécifique et montre des nodules sous
cutanés et musculaires en hypersignal sur les séquences
STIR et des lésions nodulaires sous cutanées et musculaires
sous les fascias sur les séquences T1 Fat Sat avec injection
de gadolinium. Dans une étude rétrospective s’étalant sur
16 ans (1985-2001) réalisée dans 2 centres hospitalo
universitaires parisiens, 45 observations de sarcoïdose
dont 5 avec atteintes musculaires symptomatiques ont
été recensées. L’atteinte musculaire était révélatrice dans
2 cas, elle était totalement isolée dan un cas. Son délai
d’apparition était de 13 à19 mois. Il s’agissait de 3
formes nodulaires et de 2 formes myositiques. Aucune
myopathie chronique n’a été identifiée. Des myalgies
étaient présentes dans 4 cas et des nodules palpables
dans 3 cas. Les enzymes musculaires étaient normales.
A l’EMG le tracé était myogène dans 2 cas sur 3. La
scintigraphie au gallium a monté un aspect d’homme
léopard dans un cas sur 3. L’IRM était contributive dans 2
cas sur 3 montrant des formations nodulaires. La biopsie
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M.K. Moudden et al.
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musculaire était positive dans 2 cas où elle a été réalisée
7]. Le diagnostic de l’atteinte musculaire de la sarcoïdose
est avant tout histologique. Toutefois un contexte clinique
évocateur de sarcoïdose est indispensable afin de retenir
ce diagnostic. Un problème diagnostique se pose en cas
de biopsie positive sans contexte clinique évocateur. Il
s’agit dans ce cas d’une myosite granulomateuse isolée
qui peut être révélatrice mais pas inaugurale. Cette entité
constitue un diagnostic d’élimination. En effet, la myosite
granulomateuse peut être secondaire à la sarcoïdose
mais également à certaines infections (tuberculose),
aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, à
certaines tumeurs (thymome) et parfois à une réaction
hôte/greffon [5].
Références
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Conclusion
En conclusion, la BBS doit être discutée devant toute
myopathie chronique proximale chez une femme
ménopausée [8]. La réponse au traitement associant
corticoïdes, immunosuppresseurs et Anti TNF est variable
selon les cas [5,8].
Conflits d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt.
6.
Chapelon- Abric C. Phénotypes sévères de la sarcoïdose.
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8.
Yamada H, Ishii W, Ito S, Iwanami K, Ogishima H, Suzuki T, et al..
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