Arrêt Duval c. France (requête n°19868/08) rendu par la Cour

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Arrêt Duval c. France (requête n°19868/08) rendu par la Cour
Arrêt Duval c. France (requête n°19868/08) rendu par la Cour européenne
des droits de l’homme le 26 mai 2011
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Incarcéré, le requérant a subi plusieurs examens médicaux, dont certains intimes, sous
escorte et en présence du personnel pénitentiaire. Il allègue qu’un tel traitement est
inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention. La Cour, au regard
notamment d’un rapport du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements dégradant (CPT), ainsi que de deux avis de la CNCDH, a examiné la
situation personnelle du requérant et en a conclu qu’il y avait violation de l’article 3 de
la Convention.
Le requérant a été condamné en 2002 à quinze années de réclusion pour des faits de viol sur
mineur par personne ayant autorité. Durant sa détention, à plusieurs occasions, le requérant a
dû être conduit en milieu hospitalier extérieur. Pendant toute la durée de ces extractions
médicales, celui-ci était menotté dans le dos et ses pieds étaient entravés. Des gestes
médicaux intimes étaient en outre pratiqués en présence des agents de l’escorte. Selon le
requérant, l’imposition de telles mesures de sécurité et la présence de personnel pénitentiaire
lors de la réalisation d’examens médicaux étaient des actes constitutifs d’un traitement
inhumain et dégradant, et partant, d’une violation de l’article 3 de la Convention. Le requérant
dénonçait également une violation de son droit à la vie privée garanti par l’article 8 de la
Convention, car la présence de surveillants pénitentiaires et de policiers à chacune des
consultations avait selon lui porté atteinte au secret médical et à la confidentialité des soins.
Sur le fond – la violation de l’article 3 : La Cour a d’abord considéré qu’en l’espèce, le
Gouvernement français n’avait pas démontré que le dispositif appliqué au requérant lors des
extractions et des consultations, « en particulier l’utilisation de menottes et entraves et la
surveillance d’au moins un agent de l’escorte lors des actes médicaux, au mépris de la
déontologie (…) était strictement nécessaire aux exigences de sécurité ». Pour parvenir à une
telle conclusion, la Cour s’est notamment basée sur le fait que dans un de ses rapports au
gouvernement en 2005, le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
dégradants (CPT) avait « recommandé d’effectuer les examens/consultations/soins médicaux
de détenus hors de l’écoute et – sauf demande contraire du médecin concerné dans un cas
particulier – hors de la vue du personnel d’escorte », et que les constats et recommandations
que ce rapport contenait avaient été repris par la CNCDH et par le Commissaire aux droits de
l’homme du Conseil de l’Europe.
Solution rendue par la Cour : Elle a estimé que les contraintes et surveillances imposées au
requérant « ont pu [lui] causer (…) un sentiment d’arbitraire, d’infériorité et d’angoisse
caractérisant un degré d’humiliation dépassant celui que comporte inévitablement les
examens médicaux des détenus ». Elle a jugé que celles-ci s’analysaient dès lors en un
traitement dépassant de seuil de gravité toléré par l’article 3 de la Convention, et qu’elles
étaient, constitutives d’un traitement dégradant au sens de la Convention.
Elle a en revanche considéré qu’il n’y avait pas lieu d’examiner séparément le grief tiré de
l’article 8, tel qu’invoqué par le requérant, car il ne soulevait aucune question distincte de
celle qu’elle avait ainsi tranché sur le terrain de l’article 3.
La Cour s’est notamment basée sur l’étude de la Commission nationale consultative des
droits de l’homme (CNCDH) sur l’accès aux soins des personnes détenues parue en janvier
2006, qui considérait « qu’il ne saurait être dérogé au principe du respect du secret médical »
et que « l’acte médical doit être pratiqué à l’abri du regard et de toute écoute extérieure ».
Elle désapprouvait à ce titre « les conditions dans lesquelles s’effectuent les consultations de
détenus sous surveillance constante ». La Commission avait à cette occasion recommandé au
gouvernement de suivre les recommandations du CPT.
Plus tard, dans son Avis sur le projet de loi pénitentiaire du 6 novembre 2008, la CNCDH
avait recommandé en substance au Gouvernement de ne déroger sous aucun prétexte au
principe du secret médical. Elle avait également recommandé que « le principe de dignité soit
pleinement respecté lors des soins administrés aux personnes détenues pendant les
extractions médicales ». En outre, dans son étude sur le projet de loi pénitentiaire du 8
décembre 2008, la CNCDH avait rappelé qu’elle s’était déjà inquiétée « à plusieurs reprises
de situations constitutives d’une violation du principe éthique fondamental qu’est le secret
médical » et avait réaffirmé « la nécessité d’en assurer la préservation en milieu
pénitentiaire », où il se trouvait « souvent entravé, sinon bafoué ».