La Tache, Philip Roth

Transcription

La Tache, Philip Roth
La Tache,
Philip Roth
Ed Gallimard, collection folio 2002
Juste comme ça, à chaud, difficile de se montrer concis en ce qui concerne
ce roman.
Dire que j’ai bien failli l’abandonner au bout de cinquante pages, puis que
je l’ai repris parce qu’il me trottait dans la cervelle ? Et que je ne regrette
surtout pas de l’avoir terminé ? Dire que je me sens ridiculement amateur et
toute petite devant la maîtrise romanesque de Roth ?
En tout cas, le conseiller à tous ceux qui aiment les surprises.
Tiens par exemple, et sans déflorer pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu : « Et si personne
n’était vraiment ce qu’il montre ? »
Ou bien : cette question. « Comment diable fait-il pour passer insensiblement du discours du
narrateur : observateur -au style clairement identifié école américaine-, à la pensée intérieure,
sorte de monologue dont tout autant le style que le contenu dessinent les contours d’un
personnage » ?
C’est pas clair ? Alors voilà. Moteur, action !
Le personnage principal, Coleman Silk (qui n’est pas ce qu’il parait, vous finissez par
l’apprendre, mais vous ne saurez qu’à la fin comment il se fait que le narrateur le sache…) se
promène sur le campus d’une université. Il a décidé de faire quelque chose. Il y va. En
chemin, il observe une scène qui le jette dans un torrent de réactions affectives, il prend une
décision qu’il ne tiendra pas. Il s’en va. Mais on poursuit sa pensée. Roth nous projette en
avant, comme si nous, nous continuions ce à quoi Silk renonce. Et là, on « saute » de
personnage et ce qu’on découvre comme monologue intérieur s’ajoutant à ce qu’on a appris
par le narrateur et au travers des pensées du personnage principal, nous dessine un nouveau
personnage avec une précision charnelle incroyable.
Toujours pas clair ? Normal. Mais fascinant, je vous l’assure
479 pages. Un rébus extrêmement bien fichu, une construction intelligente et sensible, une
variété de styles, une observation cruelle de la société américaine.
Des parentés avec Lodge et Irving lorsqu’ils racontent le monde universitaire anglo-saxon,
mais le propos est plus large, le monde extérieur est plus présent.
Je ne suis pas spécialement intelligente mais j’ai presque tout compris. Par contre, je suis
drôlement déprimée. Devant une œuvre montée comme une symphonie, avec une maestria
redoutable, je me sens toute bête avec mon petit air de flûte …
Voilà. Vous avez envie de le lire où j’ai été trop obscure ? Allez, prenez le risque. Vous ne le
regretterez pas.
06/11/2004
J. D.