Le parquet sous l`autorité du Ministre et la liberté du juge d

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Le parquet sous l`autorité du Ministre et la liberté du juge d
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Justine n° 31 — octobre 2011
de la loi.
Les contrôles.
La sélection des futurs magistrats s’inscrit
dans un cadre légal déterminé qui garantit son
objectivation. Les commissions de nomination
et de désignation (FR-NL) réunies préparent
annuellement le programme des examens qui
sera validé par le Ministre de la Justice.
La composition mixte du C.S.J., les sensibilités
différentes entre le nord et le sud du pays, les
évolutions de la sélection des magistrats dans
les pays qui nous entourent, les mesures prises par les autres services de l’État (SELOR,
etc… .) en matière d’engagement de personnel
ou les avancées en la matière qui ressortent
de la documentation spécialisée, inscrivent
toutefois le concours d’accès au stage dans la
magistrature et l’examen d’aptitude professionnelle, dans un processus évolutif.
Les
examens d’accès à la magistrature passés
actuellement diffèrent notablement – on l’a vu
ci-dessus – de ce qui se faisait sous le précédent mandat du C.S.J..
Il s’en suit une nécessaire évaluation continue
des résultats obtenus chaque année en vue
d’examiner la pertinence des examens organisés par rapport aux buts recherchés, de définir les moyens qui doivent être mobilisés pour
ce faire et de prendre conscience d’effets pervers éventuels à éliminer.
La science de ces évaluations s’appelle la docimologie. Des experts devront sans doute à
l’avenir épauler le C.S.J. pour qu’après avoir
bien déterminé les éléments à mesurer, l’on
puisse concevoir les dispositifs pour les dépister, apprécier les effets réels de ceux-ci et
assurer leur cohérence (redondance ou complétude).
Le parquet sous l’autorité du Ministre
et la liberté du juge d’instruction :
un Rubik’s Cube ?
Thierry Marchandise
Introduction.
on propos est de vous entretenir de
l’autorité du Ministre de la Justice,
de l’indépendance du parquet et de la
liberté du juge d’instruction.
La chose est complexe et c’est pourquoi je
parle d’un Rubik’s cube.
Pour ceux que ce jeu laisse perplexe et qui
n’ont pas consulté Google, je précise qu’il s’a-
Les premiers jalons sont déjà en place puisque
l’assemblée générale du 25 mai 2011 du
C.S.J. a adopté 9 descriptions de fonction types.
Conclusion.
Le souci d’objectivisation des nominations est
toujours bien au c°ur des préoccupations et
constitue l’une des raisons d’être du Conseil
Supérieur de la Justice. On aurait toutefois
tort de réduire le travail des commissions de
nomination et de désignation du C.S.J. à cette
seule fonction. Sous ce mandat, des examens
ont été ajoutés aux cursus conduisant à la
profession, avec une autre finalité.
Ces changements qui ont des effets concrets
sur la sélection opérée, ont été soutenus –
parfois avec difficultés – par une majorité des
membres du C.S.J..
Il faut s’attendre à l’avenir à d’autres modifications. Pour autant que ceci conduise à un
mieux, tout est évidemment possible et souhaitable. Cependant, si l’on veut garder la
maîtrise du processus, il conviendra de veiller
à rassembler les éléments nécessaires à une
évaluation sereine des épreuves organisées.
C’est donc à une réflexion critique que le CSJ
est invité en vue non seulement d’assurer à
chaque candidat une même possibilité d’accès
à la profession mais aussi, à travers la justesse des choix posés, de garantir que les personnes sélectionnées seront celles qui satisferont le mieux aux exigences de la fonction.
Jean-Pascal Thoreau
git d’un puzzle particulier à partir d’un cube inventé par un
sieur Rubik, se composant de 6
faces elles-mêmes composées
de 9 facettes de couleur différente. L’objectif est d’arriver à
ce que chaque face du cube soit
de couleur uniforme. Ce n’est
pas simple !
Et en effet les choses ne sont pas simples.
Car parler du Ministère Public, c’est encore,
comme lors du congrès de l’A.S.M. en 1996,
parler des « Mystères de la grande pyramide » !
Parler du Ministre de la Justice, c’est aussi
poser la question de ses connaissances du
monde judiciaire et de son organisation, de
ses aptitudes en criminologie et en criminalistique.
Quant au juge d’instruction, c’est aussi évo-
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quer le caractère schizophrénique de sa fonction qui l’oblige à instruire en respectant la
présomption d’innocence à l’égard de celui ou
de celle qu’il vient de placer sous mandat d’arrêt.
Je me propose d’aborder tant pour le Ministère
Public que pour le juge d’instruction, d’une
part les aspects théoriques et légaux, et d’autre part les réalités concrètes du quotidien.
Le Rubik’s cube idéal en justice serait à mon
estime que l’indépendance intelligente préside
aux actions du juge d’instruction et des parquetiers, eux-mêmes sous l’autorité intelligente du Ministre.
1. Les rapports entre le Ministre
de la Justice et les Parquets.
La matière se trouve inscrite essentiellement
dans les articles 151 et 153 de la Constitution
et les articles 137, 138, 143, 143bis et
143quater du code judiciaire.
Nous allons voir que l’interprétation donnée à
ces quelques articles se résume à des principes qui ne donnent plus lieu, jusqu’à nouvel
ordre, à de vraies controverses en doctrine.
1.1. Sur le statut du Ministère Public.
Si la loi des 16-24 août 1790 définissait les
officiers du Ministère Public[1] comme étant
« les agents des pouvoirs exécutifs auprès des
tribunaux », la loi du 18 juin 1869 et le code
judiciaire leur reconnaissent la qualité de magistrat participant à l’administration de la Justice en ce qu’ils sont essentiellement les représentants de la Nation auprès des cours et
tribunaux pour requérir une exacte application
de la loi.
C’est donc bien de la loi et non par une délégation du pouvoir exécutif que le Ministère
Public tient ses pouvoirs. Les articles 137 et
138 du code judiciaire lui confient directement
l’exercice de l’action publique.
Il convient
d’ailleurs de noter que lors des travaux préparatoires du code judiciaire, l’article 137 en
projet, énonçait que le Ministère Public représente le pouvoir exécutif au sein du pouvoir
judiciaire mais cette rédaction a été abandonnée car elle ne reflétait pas adéquatement la
mission du Ministère Public qui participe à
l’administration de la Justice non comme représentant du pouvoir exécutif, mais bien de
la Nation[1].
1.2. L’indépendance du Parquet.
Il s’agit à côté de l’indivisibilité et de l’unité,
d’un des trois traits marquants caractéristiques du Ministère Public et celui qui nous occupe prioritairement aujourd’hui.
Le ministère public est totalement indépendant vis-à-vis des juges[2] et des parties mais
la doctrine le reconnaît aussi indépendant,
certes dans une moindre mais néanmoins large mesure, à l’égard du gouvernement.
Cela se traduit clairement dans la rédaction de
l’article 151 de la constitution qui a été modifié par la loi du 20 novembre 1998.
J’examine rapidement cette caractéristique
sous un angle double : l’autorité du ministre
et les circulaires des Procureurs Généraux.
L’autorité du ministre est une première
limite à l’indépendance des parquets.
Selon l’article 143
du code judiciaire,
le Procureur Général
près la Cour d’Appel
exerce ses compétences, « sous l’autorité du Ministre de
la Justice ».
Le Ministre n’a cependant pas dans
ses
prérogatives,
l’exercice de l’action
publique et ne peut
donc agir à la place
du parquet.
Il peut se faire rendre compte des actes du
Ministère Public et adresser aux Procureurs
Généraux des directives générales mais l’indépendance du Ministère Public empêche le Ministre de lui donner des injonctions négatives,
des ordres de ne pas poursuivre ou de classer
sans suite des dossiers individuels.
Et le Ministre ne peut donner d’ordre au Ministère Public que dans une mesure compatible
avec le respect des pouvoirs que les magistrats tiennent directement de la loi[3].
Les exemples d’intervention du Ministre dans
des dossiers individuels sont fondés sur l’article 274 du Code d’Instruction Criminelle.
Les cas, rares, cités par la doctrine sont :
1. Voir Manuel de procédure pénale, Franchimont, Jacobs et Masset.
2. Il y a la réserve, très théorique, de l’application de l’article 235 du code d’instruction criminelle,
qui permet à la chambre des mises en accusation d’informer d’office pour des faits connexes à
ceux dont elle est saisie.
3. D. Vandaele, le droit d’injonction du Ministre de la Justice à l’égard du Ministère Public, Vigiles,
1996 n°4 pg.6.
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la poursuite de personnes accusées
d’avoir pris part au génocide rwandais ;
la réouverture de l’instruction dans l’affaire Latinus (ancien responsable de
l’extrême droite) ;
l’injonction du ministre de procéder à
l’arrestation de Mr. Nihoul à l’effet d’obtenir la révocation de sa libération
conditionnelle dans le cadre de l’article
11 de la loi du 5 mars 1998 en vigueur
à l’époque.
Sans vouloir minimiser l’importance des deux
premières affaires, il n’en reste pas moins que
l’intervention ministérielle dans des situations
individuelles est bien à l’extrême marge du
flux des affaires pénales.
Quant à la troisième, celle-ci a fait l’objet à
l’époque, de sévères critiques quant à la validité de l’acte ministériel.
En ce qui concerne les
circulaires
des Procureurs Généraux
et la hiérarchie.
La loi du 22 décembre
1998 sur l’intégration verticale du Ministère Public,
le parquet fédéral et le
conseil des Procureurs du
Roi est, historiquement,
une conséquence de l’affaire Dutroux.
Ce contexte historique
nous rappelle aussi qu’il
fut un moment question
de la suppression des
parquets généraux.
Cette législation a été entre-temps complétée
par la loi du 12 avril 2004 qui nous dit désormais clairement, à travers l’exposé des motifs,
qu’il faut quitter l’ancien modèle hiérarchique
napoléonien en rendant notamment les Procureurs Généraux et les Procureurs du Roi, coresponsables de la bonne organisation du Ministère Public.
J’ai pu participer à l’élaboration de cette loi de
2004 et j’en ai retiré une grande satisfaction
de voir de nouveaux principes de fonctionnement inscrit dans la loi. Ma déception est
grande dès lors de n’avoir pas vu ces nouveaux principes pratiqués véritablement sur le
terrain, et plus spécialement l’abandon du
principe d’autorité napoléonien pour un modèle plus adulte de collaboration entre les deux
étages du Ministère Public.
2. La place du juge d’instruction.
Le juge d’instruction fait l’objet de nombreux
articles du code d’instruction criminelle
(articles 59 à 127).
Les principes en sont bien connus. Sauf cas
de flagrant délit (assez rare…), le juge d’instruction n’est saisi que par le Procureur du Roi
(ou plus rarement aussi par une constitution
de partie civile). C’est au Procureur du Roi
qu’en fin d’instruction, il communique son
dossier pour que la chambre du conseil exerce
sa mission d’orientation de la procédure et
qu’il y fasse rapport de son instruction. Ce
n’est donc pas lui qui saisit la juridiction de
jugement.
Le juge d’instruction instruit à charge et à décharge ainsi qu’en toute indépendance[4].
Et comme il sied en démocratie que tout pouvoir connaisse un contre pouvoir, la chambre
des mises en accusation exerce le contrôle des
instructions avec en outre le droit de regard
permanent du parquet général.
L’article 136bis précise aussi que le Procureur
du Roi fait rapport au Procureur Général de
toutes les affaires sur lesquelles la chambre
du conseil n’aurait point statué dans l’année à
compter du premier réquisitoire.
Et si le Procureur Général l’estime nécessaire
pour le bon déroulement de l’instruction, la
légalité ou la régularité de la procédure, ce
dernier prend à tout moment les réquisitions
qu’il estime utiles devant la chambre des mises en accusation.
3. La réalité des rapports entre
les Procureurs et le Ministre.
Je fais référence à mon expérience de près de
10 années au titre de Procureur du Roi à
Charleroi, et de participation en autant d’an-
1. Cass., 23 décembre 2002, R.G. C02061S.F ; Cass., 30 avril 2004, R.G. n° C.01.01183.F ; Cass.,
10 septembre 2003, Pas., 2003, I, n° 425. Cette double démarche est tirée de la jurisprudence de
la Cour Européenne des Droits de l'Homme (pour des illustrations récentes, voy. F. Kuty, "Le droit
à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2010", JLMB, 2011, pp. 398
à 410).
2. Cass. (1er ch.), 8 avril 2005, Pas., 2005, I, n° 214, Juristenkrant, n° 113, 14 septembre 2005,
p. 14.
3. Cass., 22 mars 2002, Pas., 2002, I, n° 196, R.W., 2004-05 (abrégé), p. 107.
4. La Cour de Cassation a souvent rappelé que le principe de l’indépendance et de l’impartialité du
juge, est un principe général de droit de notre organisation judiciaire. Il est désormais consacré
par l’article 151 de la Constitution.
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nées au conseil des Procureurs du Roi et à son
bureau en qualité de vice-président.
Je peux dire avec beaucoup de certitude,
qu’hormis des interventions marginales ou
d’appui logistique, sur lesquelles je reviendrai,
les Ministres de la Justice successifs que j’ai
connu en charge depuis une vingtaine d’années, n’ont jamais manifesté une véritable
autorité au sens des textes légaux.
Pour faire bref, je pourrais dire même qu’il n’y
a simplement pas de rapports entre le Ministre
et les Procureurs du Roi.
Ces dernières années, je dirais même que le
Ministre est totalement absent des dossiers
pour lesquels il me parait évident qu’il devrait
faire preuve de dynamisme. Je pense aux
conséquences de l’arrêt Salduz, à l’informatisation, à l’unification des banques de données,
à l’appui logistique au collège des Procureurs
Généraux et au conseil des Procureurs du Roi
et enfin à l’après mandat des chefs de corps …
Des Ministres sont cependant intervenus non
pas tant pour exercer leur autorité mais pour
soutenir des parquets dans leurs besoins matériels. Un bel exemple récent est celui de
Mme Onkelinx qui a aidé le parquet de Charleroi, demandeur de moyens policiers pour la
gestion des nombreux dossiers politicofinanciers relatifs à des mandataires communaux.
Comme je l’ai relevé ci-dessus, les interventions ministérielles dans des dossiers individuels sont marginales et les exemples cités
par la jurisprudence en attestent.
Je n’ai durant mes années de Procureur du
Roi, jamais ni personnellement ni entendu
qu’il y ait eu une intervention ministérielle.
En réalité le pouvoir essentiel se trouve entre
les mains de celui qui est le plus proche du
terrain, à savoir le substitut du Procureur du
Roi qui gère au quotidien un flux de dossiers.
Il est sous le contrôle direct mais relatif de
son Procureur du Roi, qui est personnellement
chargé de la cohérence de la politique de
poursuite locale[5].
Mais il faut que le Procureur du Roi bénéficie
de suffisamment d’indicateurs utiles du fonctionnement de chaque cabinet de son parquet.
Et qu’en est-il concrètement de l’autorité
des Procureurs Généraux ?
Le poids hiérarchique de ceux-ci, n’a été qu’en
diminuant au fil des années.
J’ai connu une époque où toute intervention
d’un magistrat de parquet d’instance devant
les médias ou même dans un colloque scientifique, nécessitait l’autorisation du Procureur
Général. Aujourd’hui ces pratiques ont totale-
ment disparu.
Et en ce qui concerne les circulaires, elles sont
rarement communes au Ministre et au collège
des Procureurs Généraux. Elles sont majoritairement l’émanation du collège seul.
Il s’agit de textes très généraux, souvent tellement généraux qu’ils ne donnent pas une
ligne de conduite vraiment utile.
Un exemple parmi d’autres est la circulaire
relative aux drogues où il est à la fois rappelé
qu’elles sont illégales mais en même temps
que leur possession n’est pas vraiment grave.
Ou la circulaire sur les violences conjugales
qui sont un catalogue d’idées déjà en pratique
dans le milieu psycho-social depuis longtemps.
Ce qui reste aujourd’hui préoccupant, même si
ce n’est pas ici mon propos, c’est l’absence de
toute évaluation des politiques mises en place
par ces circulaires. Mais peut-être ne sontelles en réalité pas évaluables ?
C’est selon moi, un des symptômes du déficit
grave de « management judiciaire ».
4. La vraie marge de man°uvre
du juge d’instruction.
Elle est concrètement relative.
Elle se trouve, comme je l’ai indiqué, limitée
par sa saisine puisqu’il faut que le parquet
décide de saisir le juge d’instruction d’un fait.
Dès lors, saisi de ce seul fait, la liberté d’enquête du magistrat s’en trouve d’autant limitée.
Le choix du juge d’instruction est globalement
laissé à la discrétion du parquet pour les affaires non urgentes dans la mesure où le parquet
peut en fonction des ordres de services des
juges d’instruction, qu’il connaît nécessairement, choisir le moment de la mise à l’instruction.
Il convient cependant de relever l’existence de
l’article 88 du code judiciaire qui permet au
président du tribunal de répartir les affaires
entre les cabinets d’instruction et donc de
controuver le choix du parquet. Cet article
semble n’être appliqué, à ma connaissance,
que dans le seul arrondissement judiciaire de
Bruxelles.
Une fois en charge d’une instruction, le magistrat a une totale liberté d’organisation de son
travail mais en pratique, il est tributaire du
nombre et de la qualité des enquêteurs qu’il
peut avoir ou non à sa disposition.
En cas de sous-capacité policière, il existe des
mécanismes de régulation mais ils sont d’une
telle lourdeur qu’ils ne sont ni appliqués ni
même mis en °uvre.
5. Article 28 ter du code d’instruction criminelle : conformément aux articles 143bis et 143 ter du
code judiciaire, le Procureur du Roi détermine les matières dans lesquelles les infractions sont
prioritairement recherchées dans son arrondissement.
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A cet égard le juge d’instruction dépend donc
entièrement du crédit qu’a chaque Procureur
du Roi dans son arrondissement à l’égard des
chefs de corps des polices fédérales ou locales
pour obtenir les effectifs policiers nécessaires.
Ce fut ainsi le cas pour une juge d’instruction
de Charleroi qui souhaitait des enquêteurs
supplémentaires pour l’instruction qu’elle mène à l’encontre de mandataires politiques de la
ville de Charleroi.
Conclusion.
1.
La réalité concrète de l’organisation et
du principe hiérarchique des parquets,
de ses rapports avec les Procureurs Généraux et de l’autorité réelle du Ministre
de la Justice sont sans doute, largement
méconnues même d’un public dit averti.
La responsabilité de cette méconnaissance provient selon moi, d’une mauvaise politique de communication des responsables du Ministère Public.
1.
La liberté de man°uvre du juge d’instruction qui parait absolue est limitée
par sa saisine, par le contrôle de la
chambre des mises en accusation mais
surtout par son incapacité de décider
seul de ses moyens d’enquête.
a sagesse populaire dit que l'expérience est un peigne que l'on reçoit
quand on est chauve.
Forte de mon expérience d'une vingtaine d'années au parquet, je me permets de livrer
quelques réflexions (peut-être impertinentes)
quant à la situation du ministère public.
Sans vouloir faire de généralisation hâtive, il
n'est pas excessif, me semble-t-il, de dire
que, en Belgique, le parquet est fréquemment
décrié par les médias, assurément méconnu
du public, et occasionnellement utilisé comme
bouc émissaire par les hommes politiques. Ne
pourrait-on même relever que de la part de
certains membres du barreau, voire du siège,
il fait aussi l'objet d'un certain ostracisme?
Cette approche négative procède sans doute
d'une mauvaise connaissance de l'institution
du ministère public.
Sans s'arrêter au rôle important que joue le
ministère public dans notre système judiciaire
puisqu'il représente la société auprès des juridictions de l'ordre judiciaire, exerce les poursuites pénales, requiert l'application de la loi,
veille à son respect, assure l'exécution des
décisions judiciaires et collabore au maintien
de l'ordre, examinons un instant la fonction du
substitut au quotidien.
2.
Enfin je précise que tout ce qui vient
d’être écrit est d’une extrême fragilité
en raison de l’évolution du paysage politique belge.
3.
Parler ouvertement d’une perspective
de régionalisation de la Justice est pour
quelqu’un de ma génération un vertige
autant qu’une invraisemblance…
Sa fonction est double: au niveau individuel,
le substitut traite des dossiers particuliers et à
cette occasion rappelle la loi au délinquant à
l'occasion d'un débat qui se déroule à l'audience ou dans son cabinet; au niveau collectif, il
exerce l'action publique dans l'intérêt de la
collectivité et participe à ce titre à l'élaboration et à l'exécution des plans zonaux de sécurité (national et zonaux) en concertation avec
les autorités nationales ou locales et les forces
de police.
Mais au pays du surréalisme tout est
évidemment possible !
Cette fonction ne s'exerce pas sans aléas.
Relevons-en trois (parmi d'autres):
Thierry Marchandise
Septembre 2010
1. Finalité individuelle et finalité collective
peuvent être antinomiques. Placer l'intérêt
général au-dessus de l'intérêt particulier implique que, pour satisfaire à certains critères
exigés par l'intérêt général, comme par exemple la "nécessaire efficacité du système de
justice pénale", le substitut renonce à renvoyer devant le tribunal un certain nombre de
dossiers qui, dans d'autres circonstances (de
lieu – par exemple, dans un autre arrondissement - ou de temps – par exemple, en cas de
charge de travail moins importante) auraient
justifié des poursuites.
2. Pour opérer le tri entre les dossiers de son
cabinet qui seront conduits à l'audience et les
autres, le substitut dispose de peu de balises.
Hormis les dossiers qui font l'objet de décisions prises pour des raisons de technique
juridique, et sans parler du droit d'injonction
positive du ministre dans un dossier déterminé
(rare), le tri des dossiers se fait, en pratique,
en fonction de facteurs que l'on peut classer
en cinq catégories.