l`obligation alimentaire a l`égard des personnes âgées

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l`obligation alimentaire a l`égard des personnes âgées
L'OBLIGATION ALIMENTAIRE A L'ÉGARD DES PERSONNES ÂGÉES
1.
Éléments de définition de l'obligation alimentaire
Le code civil (articles 205 et suivants) prévoit que les proches des personnes âgées ont
l'obligation, lorsque celles-ci n'ont pas de ressources suffisantes, de leur apporter une assistance, dite
« obligation alimentaire ». En d'autres termes, il s'agit pour les membres de la famille qui en ont les
moyens (débiteurs) de venir en aide aux autres qui sont dans le besoin (créanciers).
Cette obligation alimentaire concerne « les aliments », à savoir tout ce qui est indispensable à la vie
quotidienne du créancier (nourriture, logement, vêtement, frais de santé voir frais
d'obsèques...).
NB : De la même manière, les parents et grands-parents sont soumis à une obligation alimentaire à
l'égard de leurs enfants. Toutefois, ce point ne sera pas abordé dans cet article.
2.
Qui est concerné par cette obligation alimentaire ?
L'obligation alimentaire correspond nécessairement à un lien de filiation. Sont ainsi
tenus à cette obligation :
 Le conjoint de la personne âgée, les époux se devant mutuellement secours et
assistance (article 212 du code civil).
Cette obligation cesse avec le divorce des époux.
Le devoir de secours entre époux prime l'obligation alimentaire des autres
membres de la famille.
Ainsi, une mère ne peut réclamer une pension alimentaire à son fils sans
démontrer que son conjoint n'a pas été en mesure de satisfaire à ses propres
obligations alimentaires (Cour d'appel de Paris, 23 mai 2002).
 les enfants envers leur père et mère mais aussi envers les autres ascendants
(grands-parents) (article 205 du code civil).
 les gendres et belles-filles envers leurs beaux-parents (article 206 du code
civil). Toutefois, cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait
l'affinité est décédé et si le couple ne laisse aucun enfant (Cour d'appel de
Grenoble — 22 mars 2000).
De la même manière, la dissolution du mariage par divorce entraîne la disparition
de l'obligation alimentaire, et ce, même en présence d'enfants (Cour d'appel
d'Orléans —22 mars 1892).
En revanche, la séparation de corps, laissant subsister le mariage, ne met pas fin à
l'alliance, de sorte que des aliments peuvent être demandés par les beaux-parents à
leur gendre ou belle-fille (Cour d'appel de Lyon — 25.01.1967)
 L'obligation alimentaire peut résulter de la volonté individuelle, par exemple,
dans le cadre du concubinage ou d'un PACS.
À noter que l'obligation alimentaire est réciproque (les parents et grands-parents envers
leurs enfants, beaux-parents envers leurs gendres et belles-filles...).
À noter qu'en Haute-Savoie, l'obligation alimentaire ne s'étend pas aux petitsenfants dans le cadre d'une demande de prise en charge au titre de l'Aide Sociale
aux personnes âgées. En conséquence, seuls les enfants du postulant à l'Aide Sociale sont
sollicités.
 Exception au caractère réciproque de l'obligation alimentaire : le législateur a
toutefois prévu une exception à cette réciprocité, en tenant compte d'éléments moraux,
notamment la culpabilité ou l'innocence d'une personne. Il vise notamment à
empêcher les parents, qui auraient négligé un enfant pendant une longue période sans
lui avoir apporté aucun soutien, de lui demander par la suite assistance sur la base de
l'obligation alimentaire. C'est au juge qu'il appartient d'apprécier souverainement les
comportements fautifs de nature à supprimer l'obligation alimentaire (ex : abandon
moral et matériel des enfants et absence d'exercice du droit de visite des parents :
Cour d'appel de Rennes — 18 février 2000...).
(Article 207 du code civil).
La loi n°2004-1 du 2 janvier 2004, relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, a
complété l'article L.132-6 du Code de l'Action Sociale et des Familles. Il indique que,
sous réserve d'une décision contraire du Juge aux Affaires Familiales, les enfants qui,
après signalement de l'Aide Sociale à l'Enfance ont été retirés de leur famille durant
une période de trente-six mois cumulés au cours des douze premières années de leur
existence sont de droit, dispensés de leur obligation alimentaire. Cette dispense s'étend
aux descendants des enfants susvisés.
Enfin, une obligation alimentaire générale de la société envers ses membres les plus
défavorisés est à la base de toute la législation de l'aide sociale, la société étant
considérée comme l'ultime débiteur alimentaire. Toutefois, il est important de noter que
cette obligation alimentaire est subsidiaire : elle n'intervient donc qu'à défaut de
ressources de la personne aidée, de l'obligation alimentaire des proches ou des
prestations familiales suffisantes.
3.
Conditions de mise en œuvre de l'obligation alimentaire :
Les articles 208 et 209 du code civil prévoient deux conditions pour que l'obligation alimentaire puisse
jouer :
 La personne qui en demande le bénéfice doit être dans le besoin (c'est-à-dire
être dans l'impossibilité de pourvoir à sa subsistance, en tout ou partie, soit par ses
biens personnels, soit par son travail) et en apporter la preuve.
Toutefois, le fait d'être tombé dans le dénuement par sa faute n'empêche pas le
créancier de demander des aliments (Cour d'appel de Montpellier — 30.09.1987).
 L'obligé alimentaire (ou débiteur) doit avoir les moyens financiers de lui venir
en aide.
Toutes les ressources sont prises en compte, quelque soit leur origine.
Les tribunaux apprécient ce qui est nécessaire au débiteur et à sa famille en fonction de
sa situation, et déterminent dans quelle proportion il doit supporter la dette
alimentaire.
Le montant de l'aide alimentaire varie donc en fonction des ressources de celui qui la verse et des
besoins de la personne à aider. Ce montant peut être révisé ou annulé si le besoin disparaît en tout ou
partie ou si le débiteur n'est plus en mesure d'honorer les frais demandés.
En cas de désaccord entre les parties, il appartient au juge des affaires familiales de fixer
souverainement le montant de l'obligation alimentaire.

À noter que de plus en plus de prestations d'Aide Sociale ne sont pas subordonnées à la mise en
œuvre de l'obligation alimentaire. La notion de compensation de la société se substitue à celle de
solidarité familiale. (Exemples d'allocations exonérées de participations alimentaires : aides en faveur
des personnes handicapées, allocation personnalisée d'autonomie).
4.
Cessation de l'obligation alimentaire :
 Tout d'abord, l'obligation alimentaire prend fin au moment du décès du
créancier alimentaire (sauf dans certains cas, pour les frais de dernière maladie et
les frais funéraires).
De même, l'obligation alimentaire ayant un caractère personnel, la mort du débiteur
entraîne la disparition de l'obligation alimentaire (exception : voir prestation
compensatoire en cas de divorce, laquelle est prélevée sur la succession à la mort de
l'époux débiteur — Cf.: loi n°2004-439 du 26 mai 2004). Les héritiers du débiteur ne
peuvent être redevables de l'obligation alimentaire en leur seule qualité d'héritiers, ce
qui n'exclut pas qu'ils deviennent obligés alimentaires au titre de leur lien de parenté
avec la personne aidée et compte tenu de leurs ressources.
 L'obligation alimentaire s'éteint en même temps que les besoins du créancier
alimentaire (art 209 du code civil).
Parallèlement, l'obligation alimentaire cesse avec la disparition des ressources du
débiteur (ex : il a été jugé que le chômage pendant une certaine durée pouvait justifier
la suspension de l'obligation alimentaire — Cour de Cassation — 2ème chambre civile —
8.06.1979).
 Le mariage du créancier peut, dans certains cas, reporter l'obligation
alimentaire sur le nouvel (elle) époux (se).
De la même manière, le mariage du débiteur peut dans certains cas avoir une
répercussion sur les aliments à verser (augmentation de ses charges et diminution de
ses ressources).
 À noter qu'étant indépendante de la dévolution successorale, la renonciation
du débiteur à sa part dans la succession du créancier alimentaire ne peut faire
disparaître une obligation alimentaire.
5.
Caractères de l'obligation alimentaire.
 L'obligation alimentaire relève de l'ordre public : elle ne peut donc faire
l'objet ni d'une renonciation, ni d'une transaction.
 Elle a un caractère personnel.
 L'obligation alimentaire a un caractère variable : sa fixation par contrat ou par
décision de justice est provisoire, dans la mesure où elle tient compte des besoins du
créancier et des ressources du débiteur.
 L'obligation alimentaire est indisponible : cela signifie qu'elle ne peut être cédée
par son bénéficiaire.
 Elle est insaisissable.
 L'obligation alimentaire est non capitalisable : les aliments versés répondent à un
besoin présent ou futur mais ne doivent en aucun cas servir à couvrir des
dépenses passées (adage : « aliments ne s'arréragent pas » - principe non prévu par
la loi). La jurisprudence a ainsi établi que le créancier alimentaire ne peut pas
toucher a posteriori les aliments qu'ils n'auraient pas réclamés en temps voulu.
 En cas de pluralité de débiteurs :
 Il n'existe aucune hiérarchie entre les débiteurs. Ainsi, le droit des parents à
demander des aliments à leurs enfants n'est soumis à aucune condition
particulière, qui imposerait au demandeur « une action commune ou des
actions successives contre les divers débiteurs dans un ordre déterminé ».
Ainsi par exemple, la Cour de cassation a jugé que des parents pouvaient
réclamer des aliments à leur belle-fille (séparée de corps dans l'affaire en
question) sans avoir auparavant à démontrer la carence de leurs propres
enfants (Cour de Cassation — civile — 2.01.1929 ou encore 18.03.1968).
Par ailleurs, lorsqu'il y a plusieurs débiteurs, le créancier peut invoquer
l'obligation alimentaire d'un seul d'entre eux (en général celui que le
créancier peut le plus facilement atteindre).
6.

L'article 208 du code civil n'oblige pas le juge à diviser ou à limiter
l'obligation alimentaire en raison de l'existence d'un autre débiteur.

De plus, il n'y a pas de solidarité entre les débiteurs d'aliments, la dette de
chacun étant fixée eu égard à ses ressources personnelles. (Cour de
Cassation — lé' chambre civile — 29.01.2002).
Voies de recours :
 Il est aujourd'hui admis par la jurisprudence que celui qui a assumé seul l'entretien d'un
membre de sa famille en raison de son obligation alimentaire, dispose d'un recours contre les
autres obligés alimentaires (frères et sœurs, etc.) pour obtenir le remboursement de leur part
contributive.
 Une personne tiers qui aurait subvenu aux besoins du créancier a la possibilité de réclamer aux
débiteurs alimentaires le paiement des sommes engagées.
Exemple : le chirurgien peut intenter une action en règlement contre les débiteurs alimentaires
du malade pour obtenir le remboursement des soins prodigués.
 Les organismes sociaux disposent d'un recours contre les débiteurs alimentaires des personnes
ayant bénéficié de l'aide de la collectivité.
Exemple : action exercée par le Conseil général pour le recouvrement des sommes dues à
l'aide sociale (article L312-7 du code de l'action sociale et des familles).
Autre exemple : recours des établissements publics de santé pour le recouvrement des frais de
séjour non couverts par les ressources propres du créancier.
 Il existe par ailleurs des voies d'exécution de droit commun ainsi que des procédures spécifiques
pour le recouvrement des sommes dues par les débiteurs de l'obligation alimentaire.
 Des sanctions pénales sont également prévues (emprisonnement et amende) par les articles 227-3
et 227-4 du code pénal.

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