Gestion obligataire
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Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ SOMMAIRE Les obligations sont des titres de créance à moyen et long terme détenus sur un emprunteur par un ou plusieurs porteurs. Derrière cette définition se cache une idée très simple qui est celle de fractionner le prêt afin de réduire le risque. Quand un particulier souhaite emprunter de l’argent pour financer l’achat de son logement, par exemple, la somme empruntée est dérisoire, au regard des réserves dont dispose sa banque. Par contre, lorsqu’une entreprise souhaite financer un projet d’investissement de grande envergure, le coût est très largement supérieur et une banque n’est pas en mesure à elle seule de fournir toute la somme requise sans se mettre dramatiquement en danger. Une solution simple à ce problème consiste alors pour cette entreprise à diviser le montant à prêter en micro-prêts qui sont proposés sur un marché organisé, appelé le marché obligataire. Chacun de ces micro-prêts est alors appelé obligation et rapporte des intérêts. A la différence des actions, qui confèrent à leurs détenteurs la qualité d’associés et dont la rentabilité n’est pas garantie, les obligations, ou « valeurs à revenus fixes », donnent à leurs détenteurs un droit de créance sur l’émetteur qui s’engage normalement à les rémunérer et à les rembourser à une échéance déterminée ou sur une période donnée. Les obligations émises peuvent appartenir à différentes catégories : on distingue les obligations à taux fixe (le taux d’intérêt ne change pas pendant la durée de vie de l’obligation), les obligations à taux variable ou indexé (le taux d’intérêt est révisé selon un schéma prédéfini), les obligations à zéro coupon, etc. Le marché obligataire qui correspond au compartiment du marché financier où s'échangent ces obligations est assez ancien et le premier emprunt obligataire date du XI siècle lorsque la ville de Gêne a effectué sa première émission en gageant ses obligations sur les ressources de l’impôt sur le sel. Le produit de cette émission a permis le financement de projets d’infrastructures tels que des installations portuaires nécessitant des travaux pluriannuels et qui ne pouvaient produire des recettes qu’à long terme. En France, le premier emprunt royal fut lancé par François 1er en 1522 pour financer les guerres en Italie 1 et l’objectif était d’abaisser le coût de la dette. Mais les emprunts obligataires destinés au financement de l’économie sont nés avec la révolution industrielle et ont été émis par les compagnies de chemin de fer et les institutions financières nouvellement créées. Les obligations d'État ont, dès l'origine, constitué l’essentiel des obligations émises, les commerçants préféraient s'endetter plutôt à court terme par le biais d'effets de commerce. 1 François Iᵉʳ est sacré roi de France le 25 janvier 1515. Il règne jusqu’à sa mort en 1547. Fils de Charles d’Angoulême et de Louise de Savoie, il appartient à la branche de Valois-Angoulême de la dynastie capétienne. 1 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Ce n’est qu’après le second choc pétrolier et la hausse brutale des taux d’intérêts, que le marché obligataire s’est dynamisé. Toutefois, il est resté toujours fortement règlementé et insuffisamment développé jusqu’à la vague des réforme des années 2000. Ces réformes ont visé la modernisation du marché et l’incitation à son innovation à travers une plus grande créativité dans les produits, un accès plus facile des particuliers au marché secondaire, une plus forte concentration des échéances et une plus grande liquidité des émissions, etc. Ainsi, les émetteurs d’obligations sont devenus très nombreux. En plus des gouvernements nationaux, locaux et municipaux, il y a des agences gouvernementales, des entreprises ou des groupes d’entreprises. Les obligations peuvent être émises également par des agences supranationales (comme la Banque Mondiale, la Banque Européenne d’Investissement, la Banque Africaine de Développement, etc.). De nos jours, le marché obligataire brasse des sommes d’argent considérables. Il constitue un marché riche, liquide et innovant. Comme les obligations ont une rémunération qui n’est pas liée aux résultats de l’activité de leur émetteur, sous forme d’intérêts plus ou moins connus à l’avance, elles sont généralement moins volatiles que les actions. Cela ne veut pas dire que les obligations sont sans risque, ni qu’elles sont toutes de même qualité. Tout dépend de leurs caractéristiques. En effet, outre le fait qu’elles constituent à priori des titres à revenu fixe, par rapport aux actions, les obligations se caractérisent par des éléments différents dont la qualité de l’émetteur, l’échéance, le mode de rémunération et de remboursement. Ces éléments conditionnent leur risque. Les agences de notation ont pour activité d'évaluer et de suivre tous les aspects de ce risque pour les obligations émises, tant par les États que par les autres émetteurs importants. L’analyse du risque et de la performance d’une obligation ou d’un portefeuille obligataire est différente de celle d’une action ou d’un groupe d’actions. Des modèles spécifiques ont été développés pour évaluer les risques obligataires, l’utilisation des méthodes propres aux actions étant inadaptée. La gestion de portefeuille obligataire n’obéit pas non plus aux mêmes principes et stratégies que la gestion des portefeuilles d’actions. Enfin, la gestion obligataire est l’un des sujets les plus anciens de la finance : le mécanisme prêt/emprunt, vieux comme le monde, est traité dans de nombreux ouvrages historiques. Nous avons voulu que ce manuel qui est une présentation détaillée des différents aspects de la gestion obligataire soit un outil pédagogique destiné particulièrement aux étudiants de master en finance. Nous présenterons en premier lieu les caractéristiques des différentes sortes d’obligations, leur évaluation et le calcul de leur rendement. L’étude de la structure par terme des taux d’intérêt et la présentation des différentes théories qui l’expliquent est l’objet de la section suivante. La présentation des risques obligataires et l’étude des différentes stratégies actives et passives de gestion obligataire sont ensuite successivement abordées. Enfin, la mesure, et l’analyse de la performance des portefeuilles d’obligations sont traitées dans la dernière partie de ce manuel. Mohamed DAOUAS 2 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ TABLE DES MATIERES Page 1 Sommaire 1. Les caractéristiques d’une obligation 1.1. La qualité de l’emprunteur 1.2. Le coupon 1.2.1. Fréquence de paiement 1.2.2. Taux fixe ou taux variable 1.3. La maturité 1.4. Le mode de remboursement 1.5. Les différents types d’obligations 1.5.1. Distinction selon la nature de l’émetteur 1.5.2. Distinction selon le mode de rémunération et de remboursement 5 5 5 5 6 7 9 9 9 10 2. Le fonctionnement du marché obligataire 2.1. Le marché primaire : 2.1.1. L’adjudication 2.1.2. La syndication 2.1.3. Le placement direct 2.2. Le marché secondaire : rendement, prix et cotation d’une obligation 2.2.1. Le taux de rendement d’une obligation 2.2.2. Le prix d’une obligation 2.2.3. La cotation d’une obligation 14 14 14 15 15 16 16 17 19 3. Les risques obligataires : nature et mesures 3.1. Les différentes natures de risques 3.1.1. Les risques spécifiques des placements obligataires 3.1.2. Le risque systématique (ou risque de marché 3.2. Les différentes mesures du risque systématiques d’une obligation 3.2.1. La valeur d’un point de base 3.2.2. La duration 3.2.3. La sensibilité 3.2.4. La convexité 3.3. Rendement, duration et sensibilité d’un portefeuille 22 22 22 23 26 26 27 28 30 32 4. La structure par terme des taux d’intérêt 4.1. Généralités 4.1.1. Les taux au comptant (spoot) spot 4.1.2. Le taux forward 4.1.3. La courbe de taux 34 34 34 35 37 3 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 4.1.4. 4.1.5. 4.2. 4.2.1. 4.2.2. 4.2.3. 4.2.4. La construction de la courbe de taux Dérivation de la courbe zéro coupon Les théories explicatives de la structure par terme des taux La théorie pure des anticipations La théorie de la prime de risque La théorie de la segmentation des marchés La théorie de l’habitat préféré 37 39 43 44 45 46 46 5. Les stratégies de gestion de portefeuille obligataire 5.1. Les stratégies de gestion active de portefeuille 5.1.1. Les stratégies basées sur les anticipations de taux 5.1.2. Les stratégies du « riding the yield curve » 5.1.3. Les stratégies basées les déplacements de la courbe de taux 5.1.4. Les stratégies basées sur les cotes de crédit et les devises 5.1.5. Les stratégies basées sur les caractéristiques propres aux obligations 5.2. Les stratégies de gestion passive de portefeuille obligataire 5.2.1. La gestion indicielle d’un portefeuille obligataire 5.2.2. L’immunisation de portefeuille 5.2.2.1. L’immunisation afin de satisfaire un seul engagement 5.2.2.2. L’immunisation conditionnelle 5.2.2.3. L’immunisation multi périodique 5.2.2.4. L’appariement des flux d’encaisse 5.3. Les stratégies hybrides 49 49 51 55 56 67 67 69 69 71 72 78 79 82 84 6. Mesure et attribution de performance d’un fonds obligataire 6.1. La mesure de la rentabilité d’un fonds obligataire 6.2. L’analyse de la performance d’un fonds 6.2.1. Les modèles spécifiques d’attribution de performance 6.2.2. Les modèles simples de décomposition de la performance d’un fonds 88 88 90 91 97 Bibliographie 100 Appendice 102 4 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 1. Les caractéristiques d’une obligation L’acte d’investissement dans une obligation est toujours précédé d’une étape importante qui est l’analyse de ses caractéristiques. Celles-ci ont une influence directe sur le rendement anticipé et le prix à payer pour cette obligation. L’étude de ces caractéristiques permet aussi de vérifier si cette obligation répond aux objectifs visés par l’investisseur, particulièrement, en termes de risque et rendement. Les principales caractéristiques d’une obligation sont la qualité de son émetteur (son étalonnage ou rating), son coupon, sa maturité, les modalités de son remboursement, son prix et son rendement. 1.1. La qualité de l’emprunteur : La qualité de l’émetteur ou sa capacité financière à assumer ses engagements est un facteur important à analyser avant d’acheter une obligation. Mais, pour différentes raisons, cette capacité est souvent difficile à évaluer et à suivre pendant la durée de vie de l’obligation. C’est pourquoi pour la réussite de leurs émissions, les émetteurs paient des agences spécialisées pour effectuer ce travail au profit des investisseurs. Ces agences, qui doivent être indépendantes, se basent sur des analyses approfondies de la situation financière des émetteurs pour leur assigner des qualités de crédit qui jouent un rôle important dans la détermination des conditions d'émission, puis dans la fixation du cours des obligations sur le marché secondaire2. Ces qualités font l'objet de classements normalisés tels que figurants dans le tableau n° 1. 1.2. Le coupon : Les obligations donnent droit à des intérêts appelés aussi « coupons » qui peuvent : rester inchangés durant toute la vie de l’obligation. On parle alors d’obligation à taux fixe ; être révisés à certaines dates. C’est le cas d’obligation indexée ou à taux variable ; être payés à maturité. Il s’agit alors d’obligations à zéro coupon. 1.2.1. Fréquence du paiement : Les intérêts sont payés à une fréquence qui est souvent semestrielle aux USA et annuelle en Europe. Mais, elle peut être également trimestrielle ou mensuelle (cas des obligations 2 Les agences les plus connues sont les américaines Moody’s Investors Service (Moody’s) et Standard & Poors Corporation, l’européenne Fitch, et l’asiatique R&I. Contrairement aux deux premières, la portée des deux autres est limitée à leurs régions respectives. Le rating est attribué à la demande de l’émetteur. Cependant, ces agences peuvent, de manière unilatérale, attribuer des ratings à certains émetteurs particulièrement importants. On parle alors de notation sauvage. Les entreprises de petite taille, qui ne recourent que rarement ou pas au marché financier, ne font pas l’objet de suivi de la part de ces agences. L’absence de rating n’est pas synonyme d’un mauvais risque. 5 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ hypothécaires). Cette fréquence a une influence directe sur le rendement de l’obligation. Toutes choses étant égales par ailleurs, plus elle est élevée, plus le rendement est important. Tableau n° 1 : Catégories de risques ou de notations Catégorie de risque (ou de crédit)3 Moody’s S&P, Fitch et R&I Non spéculatif (grade d’investissement) Meilleure qualité, sécurité maximale : risque de crédit minime Aaa AAA Aa1 AA+ Aa2 AA Aa3 AA- A1 A+ A2 A A3 A- Baa1 BBB+ Baa2 BBB Baa3 BBB- Ba1 BB+ Ba2 BB Ba3 BB- B1 B+ B2 B B3 B- Fortement spéculatif : mauvaise qualité de signature et risque de crédit très élevé Caa CCC+ Extrêmement spéculatif : Proche d’une situation de défaut, offre un potentiel de récupération d’une partie du principal et des intérêts Ca CCC Défaut imminent et potentiel limité de récupération du principal et des intérêts C CCC- Défaut D D Haute ou bonne qualité, très faible risque de crédit Qualité moyenne supérieure : risque faible Qualité moyenne inférieure susceptible de présenter des caractéristiques spéculatives Spéculatif ou à haut rendement Spéculatif : risque de crédit important Hautement spéculatif : risque de crédit élevé 1.2.2. Taux fixe ou taux variable : Certaines obligations sont à taux fixe. Le taux payé par l’emprunteur est figé pendant toute la durée de vie de l’obligation. L’évolution des taux sur le marché financier n’influe pas sur le coupon payé par l’émetteur. Par contre, comme on le verra plus loin, la variation des taux sur le marché influence le prix de l’obligation et sa volatilité. Cette dernière, qui est plus forte pour l’obligation à taux fixe, est d’autant plus grande que l’échéance de l’obligation est lointaine. Les investisseurs qui choisissent les obligations à taux fixe cherchent à se protéger 3 Chaque catégories peut être affinée en lui greffant l’appréciation : flat, perspectives positives ou négatives 6 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ contre une baisse des taux dans le futur. Quant aux émetteurs, ils préfèrent ce type d’obligations lorsqu’ils anticipent une hausse des taux d’intérêt. D’autres obligations sont à taux variable. Dans ce cas, le taux d’intérêt payé par l’émetteur est revu à une fréquence déterminée. Ce taux est fixé en fonction d’une règle connue d’avance et décrite dans le prospectus d’émission des obligations. Il est généralement fixé en ajoutant une marge (ou spread) à un taux de référence tel que le taux des bons de trésor américain, ou le LIBOR (London Interbank Offered Rate), ou l’EURIBOR (European Interbank Offered Rate) ou le TMM (le taux du marché monétaire en Tunisie), etc. Comme le taux d’intérêt versé suit en définitive les fluctuations du marché, le prix de ces obligations est donc moins volatil et toujours proche de leur valeur nominale4. Lorsque le marché s'attend à une hausse des taux, une émission à taux fixe rencontre peu de succès et l'émetteur peut alors faire appel à une émission à taux flottant pour réussir à collecter les fonds qu'il cherche à mobiliser. Si les fonds obtenus sont destinés à des emplois à "taux flottant", il ne sera pas nécessaire à l’émetteur de se couvrir contre la hausse des taux du marché. L'émetteur peut fixer un taux minimum pour rendre l'émission plus attractive, ainsi qu’un taux maximal pour éviter des charges d'intérêt excessives. Enfin, la dernière catégorie d’obligations est celle des titres qui ne versent aucun coupon (obligations à coupon zéro). Celles-ci se vendent à escompte (discount) par rapport à leur valeur faciale. Cet escompte remplace les intérêts. Ces obligations présentent l’avantage d’éliminer les problèmes du paiement des coupons pour leur émetteur et celui de leur réinvestissement pour leurs porteurs. L'émetteur qui cherche à réunir le financement d'un projet qui ne génère pas de flux financier suffisant pour assurer le paiement des intérêts avant la fin de sa réalisation, a recours à ce type d'émission. De son côté, l'investisseur qui n'a pas besoin de revenus intermédiaires avant l’échéance est attiré par ce genre d’obligation dont le prix d’émission est plus bas à cause de l’escompte. L'investisseur réalise un placement à terme capitalisé qu'il peut revendre facilement avant l'échéance. Compte tenu du caractère capitalisé des revenus d'une obligation à coupon zéro, la volatilité du cours de cette dernière est plus élevée en cas de fluctuation des taux que celle des prix des autres catégories d'obligations. En cas de baisse des taux, le gain en capital est maximisé, mais à l'inverse, la hausse des taux est très pénalisante en cas de revente. Enfin, dans le choix d'une obligation à coupon zéro, il est primordial de prendre en compte le rating de l'émetteur, car ce dernier devra rembourser, à l'échéance finale, un montant important par rapport à celui de l'émission. 1.3. La maturité : Lorsqu’elle existe, la date d’échéance ou de maturité se réfère à une date à laquelle l’émetteur de l’obligation rembourse le principal emprunté à l’investisseur. L’obligation est 4 Ce point sera examiné dans la deuxième partie de ce manuel. 7 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ remboursée « in fine 5 » ou progressivement jusqu’à l’échéance finale, sinon, elle est perpétuelle. En fonction des conditions de remboursement caractérisant l’obligation, le dénouement effectif peut se faire bien plus tôt que l’échéance finale. En effet, aussi bien l’émetteur que le détenteur peut s’octroyer le droit et non l’obligation d’avancer la date de maturité de l’obligation. Ainsi, les obligations perpétuelles sont en général pourvues d'une date à partir de laquelle l'émetteur peut les rembourser par anticipation. Que l’obligation soit à maturité ou à perpétuité son remboursement anticipé est possible dans les cas suivants : • Obligation avec option d’achat : L’option d’achat donne à l’émetteur de l’obligation le droit de la rembourser avant sa date d’échéance finale. En pratique, l’emprunteur utilise ce droit lorsque les taux d’intérêt baissent. D’où, toutes choses étant égales par ailleurs, pour l’investisseur une telle obligation est moins chère que l’obligation ordinaire. En acquérant une obligation avec CALL, l’investisseur signe au profit de l’emprunteur une option de remboursement anticipé. La prime apparait sous forme de réduction du prix de l’obligation : Prix d’une obligation avec CALL = Prix d’une obligation ordinaire – Prix du CALL Pour l’investisseur, cette obligation est moins recherchée, car en cas de baisse des taux, elle est remboursée et le réinvestissement de son prix de remboursement se fait à un rendement inférieur. Le prix de remboursement est fixé par avance et n'est pas nécessairement égal au "pair". En pratique, l’opération n’est pas si simple ; avant de lancer le remboursement anticipé, l’émetteur doit tenir compte du coût de refinancement et de tous les frais occasionnés par ce remboursement. • L’obligation avec option de vente (rétractable) : L’option de vente (PUT) donne à l’acheteur de l’obligation le droit et non l’obligation d’être remboursé avant la date de maturité finale. En pratique, le détenteur de l’obligation utilise son droit lorsque les taux d’intérêt sont plus élevés que lors de l’émission de l’obligation. A cause de ce droit, une telle obligation est plus chère à payer par l’investisseur : Prix de l’obligation avec PUT = Prix de l’obligation ordinaire + Prix du PUT • 5 Il existe aussi des obligations qui donnent lieu à des remboursements partiels de leur principal avant l’échéance. C’est le cas des obligations matérialisant des prêts hypothécaires dont le remboursement du principal se fait mensuellement ou trimestriellement. On parle alors de durée de vie moyenne plutôt que de maturité finale pour ces obligations. Le remboursement du principal de l'obligation se réalise en une seule fois à la date d'échéance du titre. 8 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ • Enfin, il existe des obligations qui n'ont pas d'échéance finale et sont donc assimilables à des capitaux propres pour l'émetteur. Pratiquement, ces obligations sont émises à un taux flottant ; elles ont par conséquent les avantages des obligations à taux variable tout en souffrant en permanence d'une décote due à leur faible liquidité. En effet, la liquidité qui découle essentiellement de la qualité de l'émetteur et de la taille de l’émission influence de manière considérable le cours des obligations. 1.4. Le mode de remboursement : Il existe trois modes de remboursement : • Remboursement à l'échéance finale : Ce mode de remboursement est le plus courant. Il présente l'avantage de la simplicité pour l'investisseur, mais n'offre aucune souplesse à l'émetteur qui est enfermé dans un carcan jusqu'à l'échéance finale où il devra rembourser en une seule fois la totalité de l'emprunt. • Remboursement anticipé : L'émetteur s'octroie, moyennant un préavis, la possibilité de rembourser tout ou partie de l'emprunt à des échéances intermédiaires et à des prix prédéfinis. L'émetteur se protège de la sorte d'une évolution défavorable des taux mais, en contrepartie, doit consentir des conditions d'émission plus favorables aux investisseurs. • Plan d'amortissement : L'émetteur s'engage à rembourser par tranches successives selon un mode qu'il définit au départ. Ainsi, il peut opter pour des remboursements annuels égaux en capital (amortissement constants) ou en capital et intérêts (annuités constantes). L'amortissement peut se faire par tirage au sort, rachat en bourse, une combinaison de ces deux procédés, ou proportionnellement pour tous les porteurs. 1.5. Les différents types d’obligations : 1.5.1. Distinction selon la nature de l’émetteur : a) Les obligations gouvernementales et les obligations d’entreprises : • • Les obligations gouvernementales : les gouvernements sont les plus grands émetteurs d’obligations et les titres qu’ils émettent sont appelés « emprunts d’Etat ». Ces obligations servent souvent de référence, du point de vue rendement à offrir, pour les autres types d’émission obligataire. Les emprunts d’Etat assurent ce que l’on appelle un taux de rendement sans risque. Enfin, contrairement aux autres obligations qui ont tendance à être détenues de manière passive, les titres gouvernementaux s’échangent sur un marché relativement plus actif. Cela tient à plusieurs facteurs dont la fréquence, la régularité, le volume et l’uniformité des émissions, …). Les obligations d’entreprises : Ces émissions sont moins importantes en volume que les premières. Ces titres sont généralement émis sur le marché intérieur, car 9 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ en quantité moins importantes que les précédentes, mais leurs émetteurs, lorsqu’ils sont suffisamment grands, peuvent, à l’instar des gouvernements, choisir d’élargir leur base d’investisseurs (prêteurs) en émettant en plus sur un ou plusieurs marchés étrangers. Le succès de l’émission dépend du niveau d’adéquation entre, d’une part, l’écart de rendement par rapport aux emprunts d’Etat de référence et, d’autre part, la qualité de la signature que les investisseurs analysent avant de se décider. Enfin, le marché des obligations émises par les entreprises est hiérarchisé sur le même modèle que le marché des actions qui est toutefois plus intuitif puisqu’il est organisé en plusieurs secteurs (grands groupes, petites et moyennes entreprises, start-ups, etc.). b) Les obligations domestiques et les obligations étrangères : • • Les obligations domestiques : Il s’agit d’obligations libellées dans la devise du pays où l’émetteur est domicilié et contrôlé. D’un point de vue pratique, cela signifie que tout le processus, allant de l’émission jusqu’au remboursement, est contrôlé par les autorités nationales de contrôle et de réglementation. Ainsi, les titres d’emprunt émis en dinars par une entreprise de droit tunisien sont des obligations domestiques et le contrôle de l’émission est assuré par le Conseil du Marché Financier. Les obligations étrangères : Beaucoup de marchés nationaux sont également ouverts aux emprunteurs étrangers qui, bien que non-résidents, peuvent émettre des obligations dans la devise locale et les vendre aux investisseurs locaux à condition, toutefois, de respecter les mêmes règles que les émetteurs domestiques. Ainsi, les obligations en dollar émises par des emprunteurs étrangers sur le marché américain sont des titres étrangers. Parfois, les obligations étrangères ont des noms originaux pour les différencier des autres. Par exemple, une obligation émise en livre sterling par un émetteur domicilié hors du Royaume Uni s’appelle un « Bulldog » ; une obligation émise en yen par un émetteur domicilié hors du Japon s’appelle un « Samouraï » et une obligation émise en dollar par un émetteur domicilié hors des Etats-Unis s’appelle un « Yankee ». Enfin, lorsque les obligations sont émises dans une devise étrangère, leur émetteur ainsi que leurs détenteurs courent un risque additionnel qui est le risque de change et qui est plus ou moins important selon le degré de volatilité de cette devise par rapport à leurs monnaies locales. 1.5.2. Distinction selon les modalités de rémunération ou de remboursement : Outre les caractéristiques énumérées plus haut, les obligations peuvent présenter un éventail de particularités qui influencent la détermination de leur prix. D'une manière générale, l'émetteur cherche à satisfaire ses besoins en financements au moindre coût en fonction des opportunités du marché. Il y a lieu alors de distinguer entre différents types d’obligations : 10 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ L’obligation standard : c’est l’obligation dite « vanille ». Elle est remboursée à une date fixée et rapporte des intérêts à intervalles réguliers sous forme de coupons. L’obligation à zéro coupon : elle n’offre aucun coupon durant toute sa durée de vie. Toutefois, elle est émise à un prix inférieur à celui de son remboursement. Le rendement intégral pour le porteur se réalise sous forme d’un remboursement à l’échéance au pair, supérieur au prix d’émission. L’obligation structurée est une obligation à laquelle on adjoint un produit dérivé afin d’en accroître l’attractivité pour l’émetteur ou l’investisseur. C’est une combinaison de deux instruments. Le produit dérivé permet de couvrir l’émetteur contre la baisse des taux ou l’investisseur contre leur hausse. Dans le premier cas, la rentabilité pour l’investisseur est améliorée. Dans le second, le coût de l’émetteur est réduit. L’obligation indexée : C’est une obligation dont le remboursement et les intérêts sont indexés sur l’inflation, la valeur d'un indice boursier ou de l'or6, etc. Son taux d’intérêt est en général plus bas que celui de l’obligation à taux fixe de même maturité. L’indexation permet aux détenteurs d’obligations de protéger le pouvoir d’achat de leur investissement puisque le coupon et le principal sont réévalués pour que leurs valeurs correspondent aux niveaux voulus à l’émission. L’obligation avec bons de souscription d'actions7 (OBSA) ou warrantée : c’est une obligation à taux fixe à laquelle est attaché un ou plusieurs bons qui permettent de souscrire des actions nouvelles de la société émettrice à un prix et durant une période définis à l’avance. Parallèlement, un taux d'intérêt fixe est payé par l'émetteur, de sorte que lorsque le warrant est exercé, cette obligation devient un titre ordinaire. Ce montage est intéressant pour l'émetteur, qui peut offrir un taux facial moins élevé, dès lors que l'intérêt et le remboursement final sont garantis et que le warrant constitue un "plus possible". L'attrait pour l'investisseur est qu'il profite de la hausse du titre sur lequel porte le warrant, sans être touché par la baisse, hormis un déficit en intérêt. Aussi longtemps que le warrant n'est pas exercé, il fait avec l'obligation l'objet de cotations séparées et on parle alors d'obligation "cum-warrant". Dès qu'il est détaché ou exercé, on parle d'obligation "ex-warrant"8. L’obligation convertible : c’est une obligation à taux fixe qui peut être, au choix de l’investisseur, convertie en actions de l’émetteur. Le prix auquel l’obligation est convertible est fixé au moment de l’émission à un niveau plus élevé que celui du 6 L’indexation sur l’or nous rappelle le célèbre emprunt Giscard qui fut émis en 1973 à 7% en FRF, mais indexé sur l'or (coupons et remboursement). Compte tenu de l'attrait du français moyen pour l'or, le Trésor français proposa un taux d’intérêt moins élevé grâce à l'indexation sur l'or. Considérant que la France avait une importante réserve d'or, le futur Président Giscard de l’époque considérait ne pas prendre de risque en cas de hausse de l'or, puisque la valeur des réserves en or monterait d'autant. Malheureusement en 1988, le Trésor français fut obligé de rembourser l'emprunt au prix fort parce que le prix de l’or avait beaucoup augmenté, Les réserves d'or se sont ensuite dévalorisées avec la chute du prix de l'or. L'idée de l’indexation sur l’or était séduisante mais le timing fut désastreux. 7 Ce bon de souscription est appelé également « warrant ». 8 Les émetteurs japonais sont les plus actifs sur ce type d'émission. 11 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ cours de l’action. La convertibilité n’est en général assurée qu’à compter d’une certaine date et pendant une période limitée. Lorsque le porteur d'obligations convertibles transforme ses titres en actions, il procède à un échange qui le dépossède définitivement de ses obligations. Toutefois, la perte des intérêts est plus ou moins compensée par la jouissance de dividende. L'attrait des obligations convertibles s’explique par les mêmes arguments que celui des obligations avec bons de souscription. Une société qui évolue favorablement, constate que ses créanciers transforment leurs obligations convertibles en actions, ce qui a pour avantage de transformer une partie de sa dette en fonds propres et de la doter d’une capacité d’endettement additionnelle. Un investisseur qui hésite à participer à une augmentation de capital, en achetant une obligation convertible se donne le temps de voir plus clair. Enfin, en cas de faillite, le porteur d'obligations convertibles peut espérer récupérer sa mise avant les actionnaires. L’obligation « Reverse convertible » : Alors que les obligations convertibles classiques permettent aux investisseurs de bénéficier d’un droit d’échange, les obligations « Reverse Convertible », accordent aux émetteurs le droit de rembourser les obligations par des actions plutôt qu’en espèces si le cours de ces actions est inférieur à un niveau prédéfini. Comme ce droit pourrait amener l’émetteur à donner des titres qui lui coûteront moins cher que le remboursement en espèces des obligations, l’investisseur se voit offrir un taux d’intérêt avantageux. Techniquement, l’émetteur achète un PUT à l’investisseur et en paye le prix via une prime en intérêt annuel. Ces obligations portent sur des actions qui ont généralement eu de bons résultats durant les derniers mois et qui bénéficient d’un capital-confiance important auprès des investisseurs. Ces derniers n’imaginent donc pas une baisse du cours des actions visées et peuvent avoir tendance à sous-estimer le risque qu’ils prennent. De la même manière, l’attrait de ces obligations fait que les émetteurs empruntent à un coût réel faible malgré le niveau élevé du taux facial affiché. L’opération étant couverte, les émetteurs ne prennent pas de risque. L’obligation Assimilable du Trésor (OAT) ou linéaire : Souvent pour une part importante de leur financement, les trésors publics choisissent ce type d'émission. L'émetteur fixe le même taux de coupon, une même échéance et un même prix de remboursement pour une série d’émissions successives d’obligations faites par adjudication. En d’autres termes, ceci permet d'émettre des tranches complémentaires d'emprunts déjà émis, en conservant toutes les caractéristiques (nominal, coupon, échéance, …) 9 , le prix d'adjudication s'ajustant en fonction de l'évolution des taux du marché 10 . Cette faculté de procéder à des émissions 9 On parle souvent d'"emprunts au robinet" pour désigner ces obligations. Ce sont les Obligations Assimilables du Trésor (OAT) en France, les Bundesanleihen ou « Bund » en Allemagne, les « Gilts » au Royaume-Uni, les Bons du Trésor (« Treasury Bonds ») aux Etats-Unis, ... 10 Le prix d'adjudication est un prix "intérêt à bonifier" : L'intérêt couru est ajouté au prix d’adjudication pour obtenir le montant à payer lors d'une émission d'une tranche complémentaire. 12 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ complémentaires d'emprunt, en conservant toutes les caractéristiques d'intérêt et de remboursement de l'émission originelle, constitue la particularité de ces obligations ; la conséquence en est une diffusion plus large des obligations émises et une augmentation substantielle de leur liquidité sur le marché secondaire. Enfin, dans le but d’accroître encore plus cette liquidité, les États émetteurs négocient avec les professionnels (essentiellement les Banques) pour qu’ils constituent un corps de "market makers" qui assure la cotation de ces obligations sur le marché secondaire, tout en leur donnant, en contrepartie, certains avantages compensatoires lors des adjudications. L’obligation senior et l’obligation junior ou subordonnée : Les sociétés qui font appel aux marchés obligataires pour se financer recourent de plus en plus à la technique de la « subordination de dette ». Cette technique permet d’établir un ordre de priorité entre les différents types d’obligations émises par un même émetteur, pour le cas où celui-ci se retrouverait dans l’impossibilité d’honorer la totalité de ses engagements financiers. Ainsi, en cas de problème de solvabilité, l’émetteur sera tenu de rembourser en premier lieu les obligations prioritaires. Les actifs subsistants après le remboursement de ces dernières seront affectés au remboursement de celles disposant d’un niveau de priorité inférieur. Avant d’investir dans une obligation, il importe donc de connaître le niveau de priorité dont elle bénéficie. Bien que toutes les émissions soient différentes, la hiérarchie des obligations s’inscrit schématiquement dans le cadre suivant : o L’obligation senior sécurisée : elle bénéficie du plus haut niveau de priorité. En plus, elle est garantie par un ou plusieurs actifs de l’émetteur. Ainsi, en cas d’insolvabilité de ce dernier, les actifs mis en gage sont affectés au remboursement des obligations de ce type. o L’obligation senior non-sécurisée : elle ne donne droit à aucun privilège particulier sur les actifs de l’émetteur. Le paiement des coupons ainsi que le remboursement de l’obligation à l’échéance sont simplement garantis par « la bonne foi et le crédit » de l’émetteur. o L’obligation subordonnée : elle est dotée d’un faible niveau de priorité. En cas d’insolvabilité, les détenteurs de telle obligation ne seront remboursés qu’après le paiement intégral des détenteurs d’obligations nonsubordonnées. Compte tenu du risque accru que cette obligation présente, elle offre généralement un rendement supérieur à celui de l’obligation sénior. o L’obligation junior subordonnée : elle dispose d’un niveau de priorité encore plus faible que celui de l’obligation subordonnée. En cas d’insolvabilité de l’émetteur, les détenteurs de telle obligation ne sont payés qu’après le remboursement intégral des obligations non-subordonnées et simplement 13 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ subordonnées. Compte tenu du risque accru qu’elle présente cette obligation offre un rendement supérieur à ceux des autres types d’obligation. 14 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 2. Le fonctionnement du marché obligataire ___________________________________________________________________________ 2.1. Le marché primaire : Les obligations sont émises et écoulées selon l’une des procédures suivantes : l’adjudication, la syndication ou le placement privé. 2.1.1. L’adjudication : C’est le mode d’émission utilisé par les Etats. Les caractéristiques (montant, maturité, coupon…) de l’émission sont fixées par l’agence d’émission (par exemple, la direction de la dette au Ministère des finances). Le prix est fixé suite à des enchères faites par les « primary dealers » (Spécialistes en Valeurs du Trésor : agents intermédiaires habilités par l’agence d’émission) qui demandent un certain volume d’obligations à un prix donné. En retour, ces « primary dealers » sont servis par ordre de prix décroissant jusqu’à l’atteinte du montant souhaité par l’agence d’émission11. 11 En Tunisie, on distingue habituellement trois types d’obligations émis par l’Etat : 1) Les bons de Trésor assimilables (BTA) Les BTA constituent l’un des principaux instruments de modernisation de la gestion de la dette publique introduit par le décret n°97-2462 du 22/12/97 (modifié par le décret n°2006-1208 du 24-04-2006). L’émission des BTA répond à un double objectif : elle vise à créer un encours plus important par ligne (échéance) pour assurer une meilleure liquidité des titres sur le marché d’une part, et à étaler les émissions dans le temps d’autre part. Caractéristiques : Les BTA sont des titres à moyen et long terme émis pour une durée supérieure ou égale à 2 ans par voie d’adjudication. La valeur nominale du BTA est de 1000 dinars et sert d’assiette pour calculer le montant des intérêts sur la base d’un taux fixe et du nombre réel de jours rapportés à une année de 365 jours. Ils sont payés annuellement à terme échu. Le taux du coupon est déterminé avant la première adjudication par le Trésor. Les soumissions pour les BTA s’effectuent en prix pied de coupon exprimé en pourcentage du nominal. Le prix payé est ensuite bonifié du montant du coupon couru qui se calcule sur la base du nombre de jours réels. Ce nombre de jours est calculé entre la date du précédent détachement de coupon et la date de règlement de la transaction. Le remboursement s’effectue in fine au pair à la date d’échéance. Adjudication : Une semaine avant la date de l’adjudication, qui a lieu le premier mardi de chaque mois, le Trésor annonce via « Reuters » le montant indicatif à lever et les lignes de BTA à ouvrir. Les offres sont présentées en prix pied de coupon exprimé en pourcentage du nominal des titres par palier de 0.05% (soit 0.500D). Le trésor arrête le montant des soumissions à retenir sur chacune des lignes des BTA et répartit les montants retenus par soumissionnaire en fonction de leurs offres. Pour les soumissions effectuées aux prix limites, les montants retenus seront répartis entre les soumissionnaires proportionnellement à leurs offres. A la fin de l’adjudication, le trésor diffuse via « Reuters » les principaux résultats (montant global émis pour chaque ligne de BTA ouverte, prix moyen pondéré, prix limite accepté…) Transactions : Les BTA sont considérés par la loi comme des valeurs mobilières négociables à la bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT). Règlement /livraison : Le dépositaire central des BTA est la STICODEVAM. 2) Les bons de Trésor à zéro coupon (BTZc) : Les BTZc ont été créés en 2006 (Décret n°2006-1208 du 24-04-2006). Leur émission s’inscrit dans le cadre de la poursuite de la modernisation du marché des titres de l’Etat et l’élargissement de la base des investisseurs dans ces titres. 15 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 2.1.2. La syndication : C’est le mode d’émission adopté par les émetteurs non souverains. En général, l'émetteur n'a pas l'organisation adéquate pour atteindre un grand nombre d’investisseurs. De plus, il a des besoins financiers précis et doit avoir la garantie d'obtenir la totalité des fonds qu’il cherche. Il contacte alors une banque d’affaire, "lead manager" qui le conseille sur les termes de l’émission à effectuer (montant, devise, échéance, marché d’émission, etc.) et se charge de toutes les formalités de cette émission (prospectus, visa de l’autorité de contrôle du marché visé, …). Si le montant à mobiliser est important, plusieurs "lead managers" se mobilisent. Le (ou les) "lead manager" constitue avec d’autres banques d’affaires un "syndicat de prise ferme" qui garantit la réussite de l'émission et si le syndicat de prise ferme veut disposer d'un plus grand réseau de distribution, il organise un "syndicat de vente" (sellers) en associant d’autres banques. Au départ, l'émetteur fixe une commission au lead manager qui en cède une partie aux intermédiaires successifs. Sur la base du prospectus et de l’ensemble des informations recueillies sur l’émission, les investisseurs annoncent les montants (ordres) qu’ils souhaitent investir et leurs conditions et ainsi le « book » (l’ensemble des réservations ou des ordres) est constitué. Les caractéristiques finales de l’émission (montant, maturité…) et son prix (rendement ou spread) sont fixés après négociations entre l’émetteur et le syndicat bancaire. Lorsque le niveau du « book » est suffisant, ce dernier est fermé et le syndicat alloue les montants à chacun des investisseurs en fonction de ses réservations (compte tenu des conditions d’émission convenues) et de la somme globale à mobiliser. Si le syndicat de vente n'arrive pas à écouler toutes les obligations à émettre pour mobiliser le montant convenu avec l’émetteur, alors qu’il a pris ferme l’engagement de "placer tout le papier", il conserve en portefeuille les titres non placés pour les vendre plus tard sur le marché secondaire. 2.1.3. Le placement direct ou privé : Un placement privé est une émission obligataire de taille réduite, pour laquelle l'émetteur mandate généralement une seule banque qui aura pour mission de placer cette émission auprès de ses clients institutionnels. L’émission de ce type est généralement de taille réduite Caractéristiques : Les BTZc sont émis mensuellement pour un nominal de 1000 D et une durée supérieure ou égale à 2 ans. Ils sont remboursés en une seule fois à l'échéance finale et ne délivrent pas de coupons. Adjudication : Une semaine avant la date de l’adjudication, qui a lieu le premier mardi de chaque mois, le Trésor annonce via Reuters le montant indicatif à lever et les lignes de BTZc à ouvrir. Les offres sont exprimées en pourcentage du nominal des titres par palier de 0.05% (soit 0.500D). Le trésor arrête le montant des soumissions à retenir sur chacune des lignes des BTZc et répartit les montants retenus par soumissionnaire en fonction de leurs offres. Pour les soumissions effectuées aux prix limites, les montants retenus seront répartis entre les soumissionnaires proportionnellement à leurs offres. A la fin de l’adjudication, le trésor diffuse via Reuters les principaux résultats (montant global émis pour chaque ligne, prix moyen pondéré, prix limite accepté…). Transactions : Les BTZc sont considérés comme des valeurs mobilières négociables à la BVMT. Règlement /Livraison : Le dépositaire central des BTZc est la STICODEVAM. Remarque : les bons de trésor à court terme qui constituent la troisième catégorie d’instruments de financement émis par le Trésor tunisien ne sont pas négociables en bourse. 16 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ et le rendement des obligations comporte, en règle générale, une prime de liquidité relativement importante pour le souscripteur. 2.2. Le marché secondaire : rendement, prix et cotation d’une obligation Les obligations sont cotées en pourcentage de leur valeur nominale. Ainsi, lorsqu’elles sont au pair, elles valent 100% de leur nominal. Ce prix dépend de certaines variables comme le taux de coupon du titre, son échéance, la qualité de son émetteur mais aussi de la conjoncture financière. Ainsi, le prix d’une obligation est fonction du rendement exigé par le marché pour le même niveau de risque et la même échéance. Ce prix peut varier pour ajuster le taux de rendement de l’obligation (à priori égal au taux de coupon) au niveau exigé par le marché pour le même niveau de risque et pour la même échéance. Ainsi, si le rendement exigé actuellement par le marché pour une obligation notée (A) et d’échéance 10 ans, est de 7%, et que le taux de coupon offert par l’obligation est de 6.5% seulement, le prix sera inférieur à 100% pour indemniser l’investisseur du manque à gagner dû à un taux d’intérêt inférieur au taux du marché. Si le coupon de l’obligation est plus élevé que le rendement exigé par le marché, le prix sera supérieur à 100%. Il s’ensuit donc que, toute chose étant égale par ailleurs, plus le rendement exigé est élevé, plus le prix de l’obligation est bas et vice versa en cas de baisse du rendement. 2.2.1. Le taux de rendement d’une obligation : Pour une même obligation, on distingue différents types de rendements : Le taux de rendement courant d’une obligation (current yield) : il se définit comme étant le revenu annuel divisé par le prix de l’obligation. Exemple n° 1 : Soit une obligation de valeur nominale 1000 DT, de coupon annuel 100 DT, d’échéance 5 ans et de prix d’acquisition 960 DT. Quel est le taux de rendement courant de cette obligation ? Ce taux de rendement courant est égal à C/P0 : 100 / 960 = 10.42% Le taux actuariel ou taux de rendement à l’échéance d’une obligation (yield to maturity) : il se définit comme étant le taux d’actualisation qui annule la valeur actuelle de tous les flux liés à une obligation. Même exemple : Quel est le taux de rendement à l’échéance de cette obligation : 960 = 100 (1+r)-1 + 100 (1+r)-2 + 100 (1+r)-3 + 100 (1+r)-4 + 100 (1+r)-5 r = 11.08% Remarques : - Ce taux de rendement suppose que : 17 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ - o Le réinvestissement des coupons se fait à ce même taux12 ; o L’investisseur conserve ladite obligation jusqu’à son échéance ; Le taux de rendement à l’échéance n’est que le taux de rendement annuel moyen que promet l’obligation si elle est détenue jusqu’à son échéance13. De façon générale, sachant que r est le taux de rendement à l’échéance exigé par le marché et i est le taux de coupon (nominal) offert, alors : o Pour r = i, l’obligation est au pair, c’est-à-dire que son prix est égal à sa valeur nominale. o Pour r > i, l’obligation est à escompte, c’est-à-dire que son prix est inférieur à sa valeur nominale. o Pour r < i, l’obligation est à prime, c’est-à-dire que son prix est supérieur à sa valeur nominale. 2.2.2. Le prix d’une obligation : Evaluer une obligation 14 revient à estimer ce qu’elle devrait valoir dans les conditions du marché, en déterminant la valeur actuelle de l’ensemble des flux qu’elle promet. Les taux d’actualisation appliqués à ces flux correspondent aux taux de rendement sur le marché des obligations zéro-coupon de même durée, niveau de liquidité et risque de crédit. La valeur théorique d’une obligation, de même que son prix, changent en permanence sous le double effet de l’évolution des taux d’intérêt sur le marché et du rapprochement de son échéance. Exemple n° 2 : Soit une obligation de valeur nominale : 1000 DT, de taux de coupon i : 5% (semestriel), d’échéance n : 10 ans (ou 20 semestres). Si le taux d’intérêt sur le marché r est égal à 6% (courbe de taux plate), le prix de l’obligation à la date 0 est égal à P0 : P0 = 25(1.06)-0.5 + 25(1.06)-1 + 25(1.06)-1.5 + … + 25(1.06)-20 = 925.93 DT 12 Cependant, si les flux perçus sur différentes périodes sont réinvestis au même taux de rendement, cela suppose que la courbe des taux est plate. 13 Pour déterminer le rendement à l’échéance par approximation, il suffit de déterminer le rendement additionnel au coupon et le répartir sur la durée. Dans notre exemple, ce rendement additionnel est égal à (1000 – 960)/ 1000 = 4%. Le rendement à l’échéance est égal par approximation à 10% + (4%/5) = 10,8%, légèrement différent de 11,08% 14 L’ambition générale de la finance est triple : il s’agit de parvenir à donner un prix (évaluer), sélectionner et couvrir le risque d’un produit financier. A la question ”quelle valeur a l’obligation ?”, il est possible de fournir deux types de réponses : d’une part, il est possible de s’interroger sur le prix de marché de cette obligation. Les obligations sont cotées en continu et il est possible à tout moment d’une journée de trading d’obtenir le prix de marché qui correspond à une sorte de consensus autour de leurs valeurs. D’autre part, il peut être question du mode de calcul de ce prix de marché et le trader peut avoir un avis différent du marché quant au prix de l’obligation et décide par conséquent de prendre une position (acheter/vendre) ce titre en espérant que son opinion se réalisera dans le futur. 18 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Remarques : Les sources de rendements d’une obligation sont : o Le revenu régulier (coupon), o Le gain (ou perte en capital) ou l’écart entre le prix d’acquisition de l’obligation et celui de son remboursement ou de sa revente. Ce facteur est important pour un investisseur qui a un horizon de placement relativement court. o Le revenu du réinvestissement des flux : ce facteur est, à l’opposé du précédent, important pour un investisseur qui a un horizon de placement relativement long. Le prix (P0) des obligations à taux fixe varie inversement au taux d’intérêt. Si le taux du marché passe de 6% à 6,10%, les anciennes valeurs à taux fixe émises à 6% de rendement subissent la concurrence des nouveaux titres à 6,10%. Pour rétablir l’équilibre, leur valeur baisse de façon à ce que, sur la base de cette valeur plus basse, leurs rendements restant à courir rapportent eux aussi, 6,10%. Si au contraire, le taux du marché passe de 6% à 5,90%, la valeur marchande de ces obligations augmente. Toutes choses étant égales par ailleurs, plus l’échéance est lointaine, plus le cours de l’obligation est sensible aux variations des taux. Toutes choses étant égales par ailleurs, plus les coupons sont élevés et / ou hâtifs, moins le cours de l’obligation est sensible aux mêmes variations de taux. Le prix présenté suppose que la courbe de taux est plate. Dans le cas contraire, l’évaluation se fait en recourant à la courbe des taux zéro-coupon : Si pour une obligation donnée, on suppose que chaque flux correspond au remboursement d’un prêt dont on calcule la valeur actuelle en utilisant le juste prix du temps (taux comptant). Si P0 est le prix théorique de l’obligation à la date 0 ; ri le taux de rendement zéro-coupon à i années ; c : le coupon annuel, alors : P0 = c (1+r1)-1 + c (1+r2)-2+ … + c (1+rn)-n + Valeur de remboursement (1+rn)-n Cette évaluation suppose donc que le prix de l’obligation d’échéance n périodes est la somme des prix de plusieurs obligations zéro coupon d’échéances respectives 1, 2, … et n périodes et de valeurs nominales c pour les (n-1) premières obligations et (c+ valeur de remboursement) pour la dernière15. Rejeter cette hypothèse, c’est déroger à un principe théorique de l’analyse des marchés qui est celui de l’arbitrage. Etant donné que le taux de rendement d’une obligation avec CALL est plus élevé que celui d’une obligation ordinaire de même maturité, son prix est alors inférieur. L’investisseur doit suivre à la fois le taux de marché correspondant à l’échéance finale 15 Une difficulté pratique subsiste : il se peut que le taux de rendement correspondant à un flux ne soit pas disponible car la courbe des taux zéro coupon ne couvre pas toutes les maturités. Une approximation de ce taux de rendement peut être obtenue par interpolation linéaire en considérant les deux taux disponibles qui encadrent immédiatement la maturité visée. 19 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ normale de l’emprunt et celui correspondant à la date d’exercice du CALL. Dans le cas où les taux montent, l’obligation avec CALL se comporte comme une obligation ordinaire de maturité correspondant à l’échéance finale. Si les taux commencent à baisser, la probabilité d’un remboursement anticipé commence à être valorisée, ce qui conduit l’obligation avec CALL à se comporter comme un titre d’échéance correspondant à celle d’exercice du CALL, la sensibilité aux variations de taux devient alors moins importante16. L’analyse du comportement d’une obligation rétractable (c’est-à-dire avec PUT) sur le marché secondaire s’effectue de la même manière que pour une obligation avec CALL. Si le taux de rendement est proche du taux de coupon, l’obligation se comporte comme un titre d’échéance égale à celle du PUT. A l’inverse, si les taux de rendement sont bas et si, de plus, l’échéance du PUT est proche, l’obligation rétractable a tendance à se comporter comme une obligation ordinaire de maturité égale à la date finale du contrat. 2.2.3. La cotation d’une obligation : Les renseignements relatifs à la cotation diffèrent d’un marché à l’autre. Cependant, sur tous les marchés les obligations sont cotées en pourcentage de leur valeur nominale. Ainsi, dans le cas d'une obligation de nominal 500 DT et dont la cote est 99 %, sa valeur de marché est de 500 DT x 99 % = 495 DT. Quant à son prix d’achat ou de vente, il est égal à sa valeur de cotation, qui est dite « pied de coupon » ou « clean price », augmentée de la valeur de son coupon couru (également exprimé en pourcentage de la valeur nominale). Exemple n° 3 : une cotation publiée par le London Financial Time Tableau n° 2 : Un extrait du London Financial Time Red date Canada Dec. 19 coupon 10.000 Bid price Bid Yield 107.0650 6.24 Day chg yld Week Chg yld Month Chg yld Year Chg yld -0.01 -0.04 -0.16 -1.10 Sur cet extrait du London Financial Time figure une cotation d’une obligation canadienne. Plusieurs informations y apparaissent : La date rouge (red date) signifie la date d’échéance. Le coupon est égal à la valeur nominale multipliée par le taux facial de l’obligation. 16 Une telle analyse peut conduire à de graves erreurs du fait qu’elle néglige la valeur de l’option. Celle-ci doit être conduite avec prudence car elle suppose la mise en place d’hypothèses sur l’évolution des taux d’intérêts à chaque date d’ouverture du droit au CALL. Intuitivement, les facteurs qui influencent la valeur du CALL sont multiples : le premier est la valeur de l’obligation. Si celle-ci est élevée par rapport à la valeur de remboursement, le risque de perte en capital qu’encourt l’investisseur est trop élevé, la valeur du CALL serait aussi élevée. Autrement dit, si le coupon s’écarte du taux servi sur le marché, l’option de remboursement s’apprécie. L’autre facteur, important aussi, est la durée restant à courir avant l’échéance du CALL. Un autre effet, inverse à celui-ci, est que la valeur de l’option se trouve limitée par le fait que si sa durée est importante et le coupon élevé, l’investisseur profitera alors du coupon élevé avant l’échéance du CALL, ce qui y aura pour effet de tirer la valeur de l’option vers le bas. 20 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Le prix acheteur (offert ou bid price) signifie qu’il s’agit du prix auquel le marché est prêt à acheter l’obligation par opposition au prix vendeur (ask price) qui est le prix auquel le marché est prêt à vendre ladite obligation. Le prix de l’obligation Canada (décembre 2019) de 107.0650 indique que le marché est prêt à payer ladite obligation à 7.065% de plus que sa valeur nominale (c’est à dire avec une prime de 7.065%). Le rendement à l’échéance offert par le marché sur cette obligation (bid yield). Les changements subis par ce rendement lors de la dernière journée (day change yield), semaine (week change yield), mensualité (month change yield) et année (year change yield). Exemple n° 4 : Une cotation publiée par le quotidien « La Tribune » : Les huit colonnes relatives à la ligne « Charbonnage de France » désignent : La colonne « émetteur » : Charbonnage de France. la colonne « Valeur » : indique les caractéristiques d’émission de l’obligation : son taux de coupon, sa date d’émission et son échéance : 5% 03/98 04/2013. La colonne « Code » : il s’agit du code ISIN (International Securities Indentification Numbers qui est le système de notation unifié commun à toutes les valeurs négociables en bourse). Il comprend dix chiffres précédés de deux lettres, en fonction de la place de cotation. Exemple : FR0000572349. La colonne « Nom » : révèle le nombre de titres dont il faut disposer pour pouvoir être remboursé au nominal. La colonne « Dernier » : désigne le cours exprimé en pourcentage du nominal. C’est un cours hors coupon. Tout vendeur de ce titre en cours d’année, entre deux versements de coupon, a droit à une part du coupon annuel, qui correspond à la durée pendant laquelle l’obligation lui a appartenu : 99,4. La colonne « C/C » : c’est la quote-part du coupon déjà couru depuis le dernier versement : 3,552. Pour obtenir le cours de l’obligation, l’investisseur doit donc se livrer à une petite opération et additionner les deux pourcentages puis les multiplier par le nominal. La colonne « Tx Act » : correspond au taux actuariel de l’obligation ou son taux de rendement si elle conservée jusqu’à l’échéance : 5,4717. La colonne « Amort » : indique la date de remboursement de l’obligation cotée : 2504-13. Remarque : La valeur cotée sur tous les marchés est le prix hors coupon, appelé encore le prix pied de coupon ou « clean price ». Pour obtenir le prix global ou « dirty price » de la transaction (achat ou vente), il faut ajouter le coupon couru. 21 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ - Définition du coupon couru « accrued interest » : Les intérêts des obligations sont versés généralement une fois par an ou par semestre. Lorsque l’on vend une obligation entre les deux dates de versement de coupon, une partie du prochain coupon (le coupon couru) doit être remboursé au vendeur par l’acheteur, qui encaissera ce coupon dans sa totalité s’il garde l’obligation jusqu’à la date de détachement du prochain coupon ou au-delà. Ce coupon couru augmente linéairement entre deux dates de paiement de coupon. - Calcul du coupon couru : Coupon Couru = Nombre de jours depuis le dernier coupon × Taux facial x Valeur faciale 365 22 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 3. Les risques obligataires : nature et mesures ___________________________________________________________________________ La détention d’obligations constitue un investissement tout aussi risqué que les autres placements boursiers. Leurs risques peuvent être spécifiques aux titres sélectionnés ou systématiques (c’est-à-dire, relatifs à l’ensemble du marché obligataire). 3.1. Les différentes natures de risques : 3.1.1. Risques spécifiques des placements obligataires : a) Le risque de défaut : Il est également appelé risque de spread, de crédit ou de l’émetteur. Le spread est égal à l’écart entre le taux d’intérêt payé par cet émetteur et celui applicable à l’emprunteur de référence (celui-ci bénéficiant de la meilleure note attribuée par les agences de notation pour refléter une quasi-certitude qu’il honorera ses engagements à chaque échéance). En réalité, le spread (ou marge) sur-rémunère l'investisseur par rapport au taux sans risque en fonction de la solidité financière de l'émetteur et de sa capacité anticipée par le marché à honorer ses obligations contractuelles dans le temps. Ainsi, il évolue généralement en étroite corrélation avec le rating attribué à l'émetteur. Mais sa variation peut s'expliquer également par une variation générale des spreads sur le marché (dégradation générale du climat économique sans aucun lien avec la situation spécifique de solvabilité de l’émetteur). Le prix d’une obligation est sensible à la variation de son spread. Plus ce dernier est élevé, plus le rendement exigé du placement dans cette obligation est élevé. Ainsi, une dégradation de la notation de l’émetteur provoque un élargissement du spread, une hausse du taux actuariel et donc une baisse du cours de l’obligation. Par contre, une amélioration du rating de l’émetteur engendre un rétrécissement du spread et du taux actuariel correspondant ainsi qu’une hausse du prix de l’obligation. Remarques : Il y a lieu de noter que : A mesure que le spread d’une obligation s’élargit, la sensibilité de son prix aux variations des taux d’intérêt augmente. Les titres les plus mal notés et donc dotés des spreads les plus larges, sont les plus sensibles aux variations des taux d’intérêt sur le marché. Dans le cadre d’une gestion benchmarkée (cherchant à garder une sensibilité globale constante par rapport au benchmark), chaque dégradation ou amélioration du rating de l’un des titres constituant le portefeuille est suivie d’opérations d’achats ou de ventes de titres afin d’ajuster la sensibilité globale du portefeuille (en l’augmentant ou la diminuant) à celle du benchmark. 23 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Exemple n° 5 : Le titre du groupe Uniprix noté A et d’échéance dans trois ans paie un spread de 60 points de base par rapport aux obligations du Trésor français qui sont de même maturité mais notées AAA. Le prix de l’obligation est alors égal à 22.16 euros sur la base d’un taux actuariel de 3.19% + 0.60% = 3.79%. Supposons que le même jour, S&P baisse d’un cran la notation d’Uniprix à A-, provoquant un élargissement du spread de cette obligation de 20 points de base et une augmentation de son taux actuariel à 3.99%. Le prix de l’obligation baisse alors à 22.04 euros. b) Les autres risques spécifiques : Ce sont essentiellement les risques de rachat et de liquidité. - Le risque de rachat (cas d’obligation avec CALL) : Certaines obligations comportent des clauses de rachat qui permettent à l’émetteur de retirer (rembourser) ses titres avant l’échéance. L’émetteur exercera ce droit lorsque les taux baissent suffisamment pour que le refinancement s’effectue dans des conditions plus favorables. Pour l’investisseur qui a acheté des obligations avec une clause de rachat, les flux monétaires futurs ne sont pas connus avec certitude. Il y a également le risque de réinvestissement à un taux plus bas lorsque la dette est rachetée. La combinaison de l’incertitude entourant les flux monétaires et le taux de réinvestissement constitue le risque de rachat qui est un risque spécifique aux obligations comportant des clauses de rachat. - Le risque de liquidité : il constitue également un risque spécifique lié aux placements obligataires. C’est le risque de ne pas pouvoir trouver preneur aux obligations lorsqu’on désire les revendre ou les revendre sans consentir une baisse substantielle de prix. Il s’agit d’un risque majeur pour les obligations dont l’émetteur est peu connu ou émises en quantité limitée. Comme pour les actions, la combinaison de plusieurs obligations permet d’éliminer ces risques spécifiques. Ces risques sont donc diversifiables. 3.1.2. Risque systématique (ou de marché obligataire) : Il s’agit du risque lié à une variation des taux d’intérêt sur le marché et de son impact sur le prix des obligations. Toutes choses étant égales par ailleurs, une variation des taux d’intérêt sur le marché entraine un changement du prix des obligations cotées. Toutefois, le degré de sensibilité du prix d’une obligation à une variation des taux d’intérêt dépend des trois facteurs suivants : le taux de coupon, l’échéance et le taux d’intérêt sur le marché pour le même niveau de risque et la même maturité que l’obligation. Exemple n° 6 : Considérons les 6 obligations suivantes : 24 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ - Obligation à 9%, échéance 5 ans, in fine ; Obligation à 9%, échéance 25 ans, in fine ; Obligation à 6%, échéance 5 ans, in fine ; Obligation à 6%, échéance 25 ans, in fine ; Obligation à 0%, échéance 5 ans, in fine ; Obligation à 0%, échéance 25 ans, in fine. Le tableau n°3, ci-dessous, montre les variations du prix de ces obligations en fonction du niveau du taux. Tableau n° 3 : Evolution du prix en fonction du taux d’intérêt Taux d’intérêt sur le marché Coupon 9% Echéance 5 ans Coupon 9% Echéance 25 ans Coupon 6% Echéance 5 ans Coupon 6% Echéance 25 ans Coupon 0% Echéance 5 ans Coupon 0% Echéance 25 ans 6% 112.64 138.35 100.00 100.00 74.73 23.30 7% 108.20 123.31 95.90 88.35 71.30 18.42 8% 103.99 110.67 92.01 78.65 68.06 14.60 8.5% 101.97 105.12 90.15 74.41 66.50 13.01 8.9% 100.39 100.99 88.69 71.28 65.29 11.87 8.99% 100.04 100.10 88.37 70.61 65.02 11.62 9% 100.00 100.00 88.33 70.35 64.89 11.60 9.01% 99.96 99.90 88.30 70.46 64.96 11.57 9.1% 99.61 99.03 87.97 69.80 64.70 11.33 9.5% 98.08 95.28 86.56 66.97 63.52 10.34 10% 96.21 90.92 84.84 63.69 62.09 9.23 11% 92.61 83.16 81.52 57.89 59.35 7.36 12% 89.19 76.47 78.37 52.94 56.74 5.88 11.5% 90.88 79.69 79.93 55.32 58.03 6.58 12% 89.19 76.47 78.37 52.94 56.74 5.88 D’abord, il y a lieu de noter que : Pour des considérations de risque, des obligations ayant le même taux de coupon et la même échéance peuvent ne pas offrir le même taux de rendement à l’échéance, d’où l’intérêt du calcul du prix de chacune des obligations pour différents taux d’intérêt sur le marché. Lorsque le taux du coupon est égal au taux d’intérêt sur le marché (le taux de rendement exigé à l’échéance de cette obligation), l’obligation est cotée au pair. Autrement, si le taux du coupon est inférieur (supérieur) au taux de rendement exigé par le marché pour ce niveau de risque et cette échéance, l’obligation est cotée à escompte (à prime). Pour un même taux de rendement exigé à l’échéance supérieur (inférieur) au coupon, la prime (escompte) est d’autant plus élevée que l’échéance est lointaine. 25 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Pour la même échéance, la prime (escompte) par rapport à la valeur nominale est d’autant plus élevée que le coupon est élevé (faible) par rapport au taux d’intérêt sur le marché (ou taux de rendement exigé). Ensuite, l’examen des variations des prix de ces obligations en fonction de l’évolution du taux d’intérêt nous amène à tirer les enseignements suivants : Pour une échéance et un taux de rendement à l’échéance donnés, plus le coupon est petit, plus grande est la volatilité du prix de l’obligation et vice-versa. Pour un taux de coupon et un taux de rendement à l’échéance donnés, plus l’échéance est éloignée, plus grande est la volatilité du prix de l’obligation et viceversa. Pour un changement donné des taux d’intérêt, la sensibilité du prix de l’obligation est plus élevée lorsque le niveau des taux d’intérêt sur le marché est bas et viceversa. La variation de prix des six obligations induite par différentes variations du taux d’intérêt, en supposant une valeur initiale établie avec un taux de rendement de 9%, est présentée dans le tableau n° 4 : Tableau n° 4 : Variation instantanée du prix suite à une variation des taux Variation en bps du TRE Coupon 9% Echéance 5 ans Coupon 9% Echéance 25 ans Coupon 6% Echéance 5 ans Coupon 6% Echéance 25 ans Coupon 0% Echéance 5 ans Coupon 0% Echéance 25 ans -300 +12.64% +38.35% +13.21% +41.78% +14.97% +100.92% -200 +8.20% +23.31% +8.57% +25.26% +9.70% +58.88% -100 +3.99% +10.67% +4.17% +11.51% +4.72% +25.91% -50 +1.87% +5.12% +2.06% +5.50% +2.33% +12.18% -10 +0.39% +0.99% +0.41% +1.06% +0.46% +2.32% -1 +0.04% +0.10% +0.04% +0.11% +0.05% +0.23% 1 -0.04% -0.10% -0.04% -0.11% -0.05% -0.23% 10 -0.39% -0.97% -0.41% -1.05% -0.46% -2.27% 50 -1.92% -4.72% -2.00% -5.05% -2.26% -10.81% 100 -3.79% -9.08% -3.96% -9.70% -4.46% -20.41% 200 -7.39% -16.84% -7.71% -17.92 -8.69% -36.53% 300 -10.81% -23.35% -11.28% -24.94% -12.69% -49.28% L’examen de ces variations nous amène à tirer les conclusions suivantes : Pour un changement donné des taux d’intérêt, la variation du prix des obligations en pourcentage n’est pas la même pour toutes les obligations. La volatilité est différente d’une obligation à l’autre. D’où le besoin de mesures appropriées de la sensibilité. 26 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Pour des petits changements des taux d’intérêts, qu’il s’agisse d’une baisse ou d’une hausse, la variation du prix en pourcentage est sensiblement la même. La volatilité est symétrique lorsque les variations des taux d’intérêt sont faibles. Pour des changements importants du taux d’intérêt, la variation des prix n’est pas la même pour une hausse ou une baisse des taux. Autrement dit, la volatilité des cours n’est pas symétrique lorsque la variation des taux est grande. La courbure de la relation entre le prix et le taux de rendement à l’échéance explique cette asymétrie. Le concept de convexité capte cette courbure de la relation prix / taux de rendement à l’échéance. Parce que la relation entre le prix et le taux d’intérêt est convexe17, la variation du prix d’une obligation suite à des fluctuations des taux d’intérêt est plus importante lorsque le niveau général des taux est bas que lorsqu’il est élevé. 3.2. Les différentes mesures du risque systématique : Le risque systématique, aussi appelé risque de marché, est caractéristique d’un marché dans son ensemble. C’est l’impact de la variation des taux d’intérêt sur le prix des obligations. Plusieurs meures de ce risque sont utilisées. 3.2.1. La valeur d’un point de base : La valeur d’un point de base est égale à la variation du prix d’une obligation correspondant à une variation d’un point de base (1 point de base (bp) = 0.01%) du taux de rendement à l’échéance. Ainsi, l’effet d’une variation d’un point de base sur le prix des obligations de l’exemple précédent est reproduit dans le tableau n° 5. Tableau n° 5 : Variations de prix liées à une variation de taux d’un point de base Titre Prix initial (à 9%) Nouveau prix à 9.01% Valeur d’un point de base (Basis Point Value) Valeur d’un point en pourcentage18 9% / 5 ans 100.0000 99.9611 0.0389 0,0389 9% / 25 ans 100.0000 99.9019 0,0981 0,0981 6% / 5 ans 88.3310 88.2952 0,0359 0,0406 6% / 25 ans 70.5323 70.4580 0,0743 0,1053 0% / 5 ans 64.9931 64.9633 0,0298 0,0459 0% / 25 ans 11.5968 11.5702a 0,0266 0,2294 D’après les calculs du tableau ci-dessus, il apparait que plus l’échéance est lointaine et le coupon est faible par rapport au taux d’intérêt sur le marché, plus l’effet d’une variation aussi petite soit-elle du taux du marché sur le prix de l’obligation est grand. 17 Cette notion de convexité est présentée plus loin dans cette même section. 18 La valeur d’un point de base en pourcentage est égale à sa valeur en absolue divisée par le prix initial 27 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 3.2.2. La duration : Elle est dite « duration de Macaulay19 » et définie comme étant la durée de vie effective de l’obligation ou la durée moyenne pondérée pour récupérer entièrement le capital investi, la pondération de chaque année étant mesurée par l’importance du flux (capital et coupon) par rapport au prix actuel de l’obligation. Elle correspond, également, à la période au bout de laquelle le rendement de l’obligation n’est plus affecté par les variations de taux d’intérêt. T D = Σ [t F(t)] / (1+r)t ] / P0 t=1 avec, D : la duration, P0 : le prix de l’obligation t : l’intervalle de temps exprimé en années, séparant la date d’investissement (d’actualisation) de la date du flux, F(t) : le flux (coupon et capital) de la période t, r : le taux actuariel de l’obligation. Exemple n° 7 : Pour une obligation d’échéance 10 ans, de coupon 10% et de taux actuariel 8%, la démarche à suivre pour calculer la duration est décrite dans le tableau n° 6. Tableau n°6 : Flux, flux actualisés et flux actualisés pondérés Date de paiement Flux Flux actualisé au taux de 8% Flux actualisé pondéré par l’échéance 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 110 9.26 8.57 7.94 7.35 6.81 6.30 5.83 5.40 5.00 50.95 9.26 17.15 23.81 29.40 34.03 37.81 40.84 43.22 45.02 509.51 113.41 790.05 Total La duration est égale à : 790.06 = 6.97 ans. 113.41 Quelques remarques concernant cette mesure du risque systématique s’imposent : La duration est fonction de trois paramètres : 19 Macaulay, F. (1938), The Movements of Interest Rates. Bond Yields and Stock Prices in the United States since 1856, New York: National Bureau of Economic Research. 28 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ o Le taux actuariel : la duration est une fonction décroissante du taux actuariel. Toutes choses étant égales par ailleurs, la duration est plus longue (courte) lorsque le taux de rendement à l’échéance est plus faible (élevé). o Le coupon : la duration est une fonction décroissante du niveau du coupon. En effet, les titres à coupons élevés sont moins sensibles à l’évolution des taux d’intérêt que les obligations à faible coupon. o L’échéance : la duration est une fonction croissante de l’échéance et le prix d’une obligation est d’autant plus sensible aux changements de taux que l’échéance est lointaine20. La duration est égale à la moyenne pondérée des périodes de versement de chaque flux monétaire. Chaque période (t=1, 2, 3,…n) est pondérée par l’importance relative (t) du flux monétaire correspondant actualisé par rapport au prix de l’obligation. Si les paiements sont semestriels, la duration est exprimée en semestres. Pour obtenir la duration en années, il suffit de diviser la duration en semestres par 2 (c’està-dire, le nombre de semestres dans l’année). La duration d’une obligation zéro-coupon est égale à sa maturité. La duration d’une obligation avec coupon est toujours inférieure à sa maturité. La duration utilise le même taux pour actualiser tous les flux monétaires. Elle suppose donc une structure plate des taux d’intérêt21. 3.2.3 .La sensibilité : La sensibilité d’une obligation (appelée en anglais modified duration) est un indicateur du risque de taux lié à une obligation à taux fixe. C’est l’élasticité du prix de l’obligation par rapport à son taux actuariel (le taux observé sur le marché obligataire pour une obligation de même risque et de même échéance). Elle permet d’estimer la variation en % du prix de l’obligation occasionnée par une variation du taux de rendement à l’échéance. Une obligation ayant une sensibilité de 2 verra sa valeur baisser d’environ 2% si le taux d’intérêt augmente de 1% et augmenter d’autant dans le cas contraire. La sensibilité peut être approximée par le rapport entre la dérivée première du prix initial de l’obligation par rapport au taux d’intérêt et ce prix initial. S(k) = P’(k) / P(k) Avec, S(k) : la sensibilité de l’obligation ; k : le taux actuariel de l’obligation ; 20 Comme nous le verrons dans le cadre des stratégies actives de gestion obligataire, le gestionnaire doit être attentif à une augmentation (diminution) des taux sur le marché s’il est positionné sur des titres longs (court). 21 La formule proposée pour le calcul de la duration suppose que la courbe des taux est plate. Sinon, chacun des flux de l’obligation doit être actualisé au taux zéro coupon qui lui correspond. Ainsi, ces flux seront actualisés sur la base de taux d’actualisation différents. D’où l’idée de synthétiser l’ensemble de ces taux en un taux unique qui est le taux de rendement à l’échéance qui n’est correcte que dans le cas d’une courbe des taux dite plate. 29 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ P(k) : le prix de l’obligation en fonction de son taux actuariel ; P’(k) : la dérivée de ce prix par rapport au taux actuariel : ∂P(k) / ∂k En appliquant la relation ci-dessus aux six obligations étudiées précédemment, on obtient les résultats indiqués dans le tableau n° 7. Tableau n° 7 : Relation entre sensibilité et duration Taux de coupon / Maturité 9% 5 ans 9% 25 ans 6% 5 ans 6% 25 ans 0% 5 ans 0% 25 ans Duration 4.24 10.71 4.43 11.49 5.00 25.00 Sensibilité -3.89 -9.82 -4.06 -10.54 -4.59 -22.94 Duration / Sensibilité -1,09 -1,09 -1,09 -1,09 -1,09 -1,09 Dérivation de la sensibilité : Considérons un titre générant une séquence de flux fixes F1, …, Fn. La valeur du titre est déterminée comme suit : V(r) = F1 (1 + r)-1 + F2 (1 + r)-2 + F3 (1 + r)-3 + …+ Fn-1 (1 + r)-n+1 + Fn (1 + r)-n Dans ce contexte d’évaluation, r s’interprète comme le « taux d’intérêt » en vigueur sur le marché à l’instant courant qui est égal, à l’équilibre, au taux actuariel du titre. Une variation infinitésimale dr du taux d’intérêt sur le marché se traduit par une variation dV de la valeur du titre obtenue par dérivation de l’équation ci-dessus : dV / dr = -F1 (1 + r)-2 - 2 F2 (1 + r)-3 - 3 F3 (1 + r)-4 - … - (n-1) Fn-1 (1 + r)-n - n Fn (1 + r) (n+1) = -(1 + r)-1 [F1 (1 + r)-1 + 2 F2 (1 + r)-2 + …+ (n-1) Fn-1 (1 + r)-n+1 + n Fn (1 + r)-n] = -(1 + r)-1 * V * Duration dV / dr représente alors la « variation » du titre. S = - dV / Vdr = - (1+r) -1 Duration La variation ΔV / V induite par une variation Δr non infinitésimale du taux est alors appréciée à l’aide de la relation approximative : ΔV / V = -S Δr Le calcul de la sensibilité, qui s’exprime en pourcentage, met en évidence que : Plus l’échéance d’une obligation à taux fixe est longue, plus sa sensibilité au changement des taux d’intérêt est forte. Plus le taux de coupon d’une obligation à taux fixe est élevé, plus le risque de taux P’(r) qu’elle présente est faible. La sensibilité (exprimée en monnaie) = Sensibilité x Prix initial. C’est la variation approximative du prix de l’obligation suite à une variation donnée du taux de rendement à l’échéance. 30 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Si les taux d’intérêt sur le marché augmentent, le prix de l’obligation baisse en conséquence (impact de la sensibilité). Toutefois, cette baisse est atténuée par une baisse de la sensibilité de l’obligation à mesure que le taux d’intérêt augmente. Si les taux d’intérêt sur le marché baissent, le prix de l’obligation augmente en conséquence. Cette augmentation est accentuée par une hausse de la sensibilité de l’obligation suite à une baisse des taux. => Il existe donc une variation de la sensibilité à chaque changement de taux. La convexité mesure le taux de variation de la sensibilité lorsque les taux fluctuent. La qualité de S en tant que mesure de sensibilité dépend de l’ampleur de la variation des taux d’intérêt : o Pour des petites variations des taux d’intérêt, S donne une bonne estimation de la variation du prix des obligations. o La qualité de cette estimation se dégrade au fur et mesure que la variation du taux d’intérêt augmente. En effet, pour des grandes fluctuations du taux de rendement à l’échéance, la sensibilité sous-estimera le nouveau prix, du fait de la forme convexe de la relation entre le prix et le rendement à l’échéance. S n’est pas une mesure appropriée de la volatilité des obligations comportant des clauses optionnelles (clauses de rachat, de convertibilité, etc.). 3.2.4. La convexité : La convexité constitue une autre mesure du risque de taux d’une obligation. Alors que la sensibilité donne une bonne mesure de la variation du prix occasionnée par des très petits changements du rendement à l’échéance, elle ne fournit qu’une estimation moins précise de cette variation de prix pour des changements plus importants. Cette perte de précision est expliquée par la forme convexe de la relation entre le prix de l’obligation et le taux de rendement à l’échéance (ou le taux d’intérêt sur le marché). La convexité est une mesure de la courbure de la relation entre le prix de l’obligation et le taux de rendement à l’échéance. C’est une mesure de la non-linéarité de la courbe prix/rendement. Mathématiquement, elle correspond à la dérivée seconde du prix par rapport au taux (d2V/dr2) divisée par le prix. Ainsi, l’utilisation conjointe de la sensibilité et de la convexité permet d’obtenir une meilleure approximation de la variation du prix provoquée par un changement du taux d’intérêt sur le marché. C = V‘’(r) / V(r) avec, C : la convexité ; V’’(r) : la dérivée seconde par rapport à k ; V(r) : la valeur actualisée de l’obligation ; r : le taux actuariel. Il y a lieu de noter que : L’unité de mesure de la convexité est le carré du nombre de périodes. 31 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ La convexité en termes d’années est obtenue en divisant la convexité périodique par m2, où m est le nombre de périodes par année (c’est-à-dire, la fréquence de versement des coupons) : Convexité (années2) = convexités (périodes2) / m2 Ainsi, si le coupon est trimestriel, la convexité calculée est le carré d’un nombre de trimestres. Divisée par 16, elle devient le carré d’un nombre d’années. Pour une obligation zéro coupon, la convexité est égale à n (n+1) / (1+r)2 Avec, n : l’échéance de cette obligation, r : le taux d’intérêt sur le marché. En effet : V(r) = Fn (1 + r)-n V’’(r) = (-n) (-n-1) Fn (1 + r)-n-2 D’où : V’’(r) / V(r) = n (n+1) / (1 + r)-n Toutes choses étant égales par ailleurs, plus l’échéance est éloignée, plus la convexité est grande et vice-versa. Toutes choses étant égales par ailleurs, plus le coupon est élevé, plus la convexité est faible et vice-versa. Si le taux de rendement à l’échéance augmente (diminue), la convexité d’une obligation à taux fixe diminue (augmente). Cette propriété, communément appelée « convexité positive », implique que la sensibilité d’une obligation va dans la bonne direction lorsque les taux changent. En effet, si les taux d’intérêt augmentent, le prix de l’obligation diminue (impact de la duration). La diminution du prix est ralentie par une réduction de la sensibilité lorsque les taux augmentent (effet parachute). Au contraire, si les taux diminuent, la sensibilité augmente de sorte que la variation relative du prix s’accélère. En d’autres termes, une plus forte convexité réduit la perte du prix de l’obligation en cas de hausse des taux d’intérêt et induit une plus forte augmentation de prix en cas de baisse de ces taux. C’est la raison pour laquelle un gestionnaire préfère toujours un portefeuille présentant une convexité plus élevée. La sensibilité peut être estimée à partir de la duration et de la convexité : La sensibilité définie précédemment ne donne des résultats acceptables que pour de faibles variations de taux, puisqu’on apprécie : [V(r + Δr) - V(r)}/V = ΔV/V Par : ΔV/V = - S Δr/V = 1/V * dV /dr * Δr Afin d’obtenir une précision accrue, il est possible de calculer ∆V à l’aide d’un développement d’ordre deux, approximé par : V(r + Δr) - V(r) = dV/dr * Δr + ½ * dV2/dr2 * Δr2 On a alors : dV/V = -S * Δr + ½ C * Δr2 en considérant C = dV2/dr 32 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Où, S est la sensibilité et C est la convexité. Donc : Nouveau prix = ancien prix (P) + [P x (-S) x Δr] + ½P x C x [Δr]² Le nouveau prix est donc égal à l’ancien augmenté de deux variations (la première est liée à la sensibilité et la seconde à la convexité). 3.3. Duration, sensibilité et rendement d’un portefeuille obligataire : a) La duration d’un portefeuille obligataire : elle est égale à la somme pondérée des durations des obligations qui le composent. C’est également la moyenne des durations pondérées par les prix et les quantités des obligations qui le constituent. Pour un portefeuille P composé de N obligations, la duration est égale à : Dp = Ʃ wi Di Avec : wi : le poids du titre i dans le portefeuille, Dp : la sensibilité du portefeuille, Di : la duration du titre i b) La sensibilité d’un portefeuille : est égale à la moyenne pondérée des sensibilités des titres qui le composent. 𝑆𝑝 = ∑ 𝑤𝑖 𝑆𝑖 𝑖 Avec wi : le poids du titre i dans le portefeuille, Sp : la sensibilité du portefeuille, Si : la sensibilité du titre i. Exemple n° 8 : Considérons un portefeuille constitué de 4 obligations A, B, C et D, ayant des sensibilités respectives de l’ordre de 4, 7, 6 et 2. Déterminez la sensibilité du portefeuille constitué à raison de 10% de A, de 40% de B, de 30% de C et de 20% de D. Tableau n°8 : Sensibilité d’un portefeuille 33 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ La sensibilité de ce portefeuille est donc égale à -5,4. Par conséquent, si le taux d’intérêt sur le marché augmente (diminue) de 100 bps, la valeur du portefeuille baisse (augmente) approximativement de 5,4%. Il est à noter que les gestionnaires analysent la composition de leur portefeuille obligataire en termes de contribution de chaque titre à la sensibilité de ce portefeuille. Le choix final se fait en fonction du désir d’augmenter la sensibilité globale (anticipation de baisse de taux) ou de la baisser (anticipation de hausse de taux). c) Le rendement à l’échéance d’un portefeuille obligataire : Pour déterminer le rendement à l’échéance d’un portefeuille obligataire, il faut projeter tous ses flux monétaires et procéder à leur actualisation. Le rendement à l’échéance du portefeuille est le taux d’actualisation tel que la valeur actuelle des flux monétaires est égale à la valeur marchande du portefeuille. Exemple n° 9 : Considérons un portefeuille P composé des deux obligations A pour 40% et B pour 60%. Tableau n° 9 : Caractéristiques des deux obligations Obligation A Obligation B Coupon semestriel 8,5% 12% Rendement à l’échéance 8,5% 12% Echéance 5 ans 8 ans Prix 1000 1000 Duration 4,176 5,356 Sensibilité 4,005 5,053 Tableau n° 10 : Flux monétaires des obligations et du portefeuille à la fin de chaque semestre Du premier semestre au Obligation A Obligation B Portefeuille 42,5 60 53 1042,5 60 453 60 36 1060 636 9ème au 10ème semestre du 11ème au 15ème semestre Au 16ème semestre La duration du portefeuille P est égale à 0.4 * 4.176 + 0.6 * 5.356 = 4.884 En outre, sur la base des flux monétaires du portefeuille et sachant que sa valeur marchande est de 1000, son taux de rendement à l’échéance est de 10.87%22. 22 Il est égal à 10,79% en l’approximant par l’utilisation des sensibilités des titres qui constituent le portefeuille: (0.4 * 8.5% * 4.005 + 0.6 * 12% * 5.053) / (0.4 * 4.005 + 0.6* 5.053) = 10.79%. 34 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 4. La structure par terme des taux d’intérêt 4.1. Généralités : La théorie de la structure par terme des taux d’intérêt cherche à expliquer pourquoi des obligations ayant des maturités différentes ont des rendements à échéance différents. En effet, lorsqu’on analyse le prix sur le marché d’un titre à revenus fixes on observe que le marché utilise, de façon implicite, un taux de rendement qui n’est pas constant, mais différent selon l’échéance des flux promis par ce titre. 4.1.1. Les taux de rendement au comptant (spot) : On définit le taux spot comme étant le rendement annuel moyen pouvant être obtenu sur un investissement réalisé immédiatement et pour une durée déterminée. Pour une obligation zéro coupon, le taux spot se calcule comme suit : P0 = CF / (1 + r0,t)t (1 + r0,t)t = Prix / CF et r0,t = (Prix / CF)1/t - 1 avec, r0,t : le taux spot pour une échéance t ; P0 : le prix de l’obligation à la date 0 ; CFt : le cash-flow de l’obligation à l’échéance t. Exemple n° 10 : Imaginons les obligations à escompte suivantes : Tableau n° 11 : Tableau des caractéristiques des obligations Obligation Prix CF1 A 900 1000 B 820 CF2 1000 Quel est le taux spot qui caractérise chacune de ces deux obligations ? - Obligation A : 900 = 1000 / (1 + r0,1)1 r0,1 = 11.11%, est le taux au comptant qui prévaut présentement sur le marché pour une échéance d’une année. - Obligation B : 820 = 1000 / (1 + r0,2)2 r0,2 = 10.43%, est le taux au comptant qui prévaut sur le marché à la date 0 pour une échéance de 2 ans. 35 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Remarques : Le taux au comptant est, en quelques sortes, un taux de rendement à l’échéance. L’évaluation d’une obligation se fait en actualisant ses cash-flows à l’aide des taux spot appropriés, c’est-à-dire, correspondant aux mêmes échéances. Deux obligations d’échéances différentes doivent avoir des rendements différents, car même si le risque de crédit est le même, les autres risques (risque de taux d’intérêt, de force majeure, etc.) sont plus élevés pour des obligations à plus long terme. L’écart est généralement exprimé en nombre de points de base. L’écart de taux de rendement d’obligations de même échéance mais émis par des émetteurs différents s’explique par la différence de notations qui leur sont attribuées. Toutes choses étant égales par ailleurs, plus la notation d’une obligation s’améliore plus l’écart de son rendement par rapport au taux de référence (le rendement des bons du Trésor américain dans l’exemple ci-dessus) se rétrécit. Taux Différentiels de rendement Obligations Gvt tunisien (rating S&P : BBB+) - Obligations Gvt tchèque (rating S&P : A+) 9% r Bons de Tréor américain (rating S&P : AAA) 5% 5 10 15 Graphique n° 1 : Exemple de courbes de taux pour différentes obligations d’Etat Le calcul des taux au comptant se base sur des obligations zéro-coupon car, en pratique pour des raisons essentiellement fiscales, les autres obligations souffrent d’un effet coupon. En effet, si la taxation des coupons est différente de celle du gain en capital, comme c’est le cas dans plusieurs pays, deux obligations de même échéance mais de taux de coupon différents n’auront pas forcément le même taux de rendement. L’obligation dont le coupon est le plus élevé, sera la plus cotée auprès des investisseurs, son prix augmentera et son rendement diminuera. 4.1.2. Les taux forward (ou implicite) : Toute courbe de taux d’intérêt spot contient en elle-même des prévisions de taux pour l’avenir. De façon générale, à partir du moment qu’on dispose du taux de rendement d’un instrument pour p années et de celui d’un instrument fongible pour n années, avec n > p, on 36 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ dispose également du taux de rendement implicite pour la durée k = n – p années. Ce taux est appelé taux k années forward dans p années et noté řp,n, (1 + r0,n)n = (1 + r0,p) p (1 + řp,n) n-p En d’autres termes, le taux comptant (r0,n) est la moyenne géométrique du taux comptant actuel pour la période p (r0,p) et du taux futur anticipé par le marché pour la période n-p, (řp,n). Si l’on se fie à cette règle, le taux (řp,n) doit être égal au taux à terme (rp,n) que l’on peut extraire de la structure actuelle des taux d’intérêt par rapport aux échéances. De fait, le taux à terme peut être calculé comme le ratio des taux comptant élevés à la puissance appropriée. (rp,n) = [(1 + r0,n)n / (1 + r0,p) p ] 1/ k - 1 avec k = n-p. Appliqué à l’exemple n° 10 précédent, le taux de rendement anticipé dans une année pour une échéance se situant une année après est r1,2. r1,2 = [(1.1043)2 / (1.1111)1] – 1 = 9.75% Remarques : A mesure qu’on avance dans le temps, on obtient une série différente de taux forward, Ainsi, on peut tracer de nombreuses courbes de taux forward selon les différentes valeurs de p : un mois, trois mois, un an, …, 10 ans, etc.23 Plus on avance dans le temps plus des variations faibles de la courbe des taux ont des conséquences importantes sur les taux forward. Ainsi, si le taux zéro-coupon d’un instrument à 10 ans est 5% et celui du même type d’obligation à 11 ans est 5.5%, alors le taux implicite dans 10 ans pour une année est : (r10,11) = [(1 + r0,11)11 / (1 + r0,10) 10 ] - 1 = 10.6% Ainsi, une variation faible des taux spot (50 points de base) a un effet de plus de 500 points de base dans 10 ans. En d’autres termes, un simple écart de 0,5% entre le taux spot à 10 ans et celui à 11 ans, signifie que le marché anticipe une forte augmentation des taux à court terme puisque le taux au comptant à 1 an sera de 10,6%. La comparaison des courbes de taux à deux dates différentes permet de renseigner sur la façon comment les taux vont évoluer. Ainsi, la situation et l’évolution des courbes de taux sont considérées comme un signal de ce que sont les anticipations du marché concernant l’inflation. Une courbe fortement croissante annonce une inflation élevée. 23 On peut calculer le taux forward instantané qui est un taux forward déterminé, démarrant en p et finissant un instant (infiniment petit) plus tard. Pour des raisons pratiques, ce taux est très souvent utilisé en modélisation. Il s’agit de déterminer le taux court forward à p et finissant un instant plus tard. f(t,x) = lim F(t,p,y-p) quand (y-p) tend vers 0. 37 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 4.1.3. La courbe des taux : La courbe des taux d’intérêt désigne la représentation graphique, en fonction de la durée d’échéance, des taux d’intérêt constatés, à un moment donné sur un marché financier, d’une même classe d’instruments fongibles ou fortement comparables entre eux (même nature et même niveau de solvabilité). De façon générale, les courbes de taux sont concaves et croissantes, au moins jusqu’à moyen terme (0 à 10 ans). Plus précisément, le taux à 3 mois est souvent plus bas (et dans des cas exceptionnels, plus haut) que celui d’une obligation de même type à 10 ans. Cette structure vient d’une préférence naturelle des investisseurs pour la liquidité et donc pour les titres à plus court terme. En contrepartie d’une immobilisation plus longue de leur placement et d’une volatilité accrue de sa valeur, ils exigeraient une rémunération plus élevée. Une courbe de taux inversée, c’est à dire descendante sur sa partie 0 à 10 ans, est très rare. Elle est le reflet d'une politique monétaire particulièrement restrictive. Enfin, connaître cette courbe est très important en pratique car cela permet aux acteurs du marché : de s’en servir en tant que repère pour la tarification des obligations des autres catégories d’émetteurs. Ainsi, les rendements des obligations émises par les entreprises présentent des écarts par rapport à ceux des obligations d’Etat. d’évaluer et de couvrir à la date de reconstitution les produits de taux délivrant des flux futurs connus (obligation à taux fixe, par exemple)24 ; de détecter les produits sous et surévalués par le marché pour tenter d’en tirer profit, c’est ce qu’on appelle l’analyse «rich and cheap» ou le « bond picking » ; d’avoir une idée sur la conjoncture économique et financière ; la courbe de taux est normalement ascendante. Lorsqu’elle est inversée, elle traduit une situation de forte inflation, de défaut ou de restructuration. de dériver à partir de la courte des taux spot celles qui sont implicites : les courbes des taux forward. De se servir de la courbe des taux au comptant en tant que point de départ pour la mise en place de modèles stochastiques de déformation de cette courbe dans le temps. 4.1.3. La construction de la courbe de taux : A une date donnée et dans un pays ou une zone économique unifiée, il existe une multitude de courbes de taux. On recense les courbes de taux selon l’émetteur (le Trésor en 24 Jusque-là, nous avons travaillé avec l’hypothèse simple que le taux utilisé pour actualiser tous les flux périodiques liés à une même obligation est le même, peu importe l’échéance. Cela suppose que le rendement à l'échéance est identique pour toutes les obligations. En réalité, les obligations qui ont différentes échéances ont des rendements à l'échéance différents et la courbe des taux est très rarement plate. 38 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ particulier), le secteur (par exemple l’interbancaire) et le niveau de rating (pour les entreprise, le « corporate »). On distingue également : les courbes au comptant ou de marché qui sont construites directement à partir des cotations de marché d’instruments comme les obligations et les swaps. La courbe des taux de rendement à maturité est construite à partir des taux de rendement des obligations. les courbes implicites qui sont dérivées indirectement à partir des cotations sur le marché d’obligations. Parmi les courbes implicites, on distingue la courbe des taux zéro-coupon, les courbe(s) de taux forward et la courbe des taux de rendement au pair. Par ailleurs, on dispose de trois grands types de modèles de taux : Le modèle d’analyse en composantes principales de la courbe des taux. Il porte généralement sur la courbe des taux zéro-coupon ou des taux forward et a pour but de mettre en évidence les principaux facteurs qui expliquent les déformations de la courbe des taux. Ce modèle vise : o Une meilleure connaissance de l’évolution empirique de la courbe des taux, fondamentale pour la mise en place d’un modèle stochastique réaliste ; o La couverture contre le risque de taux de produits à flux déterministes par immunisation contre les principaux facteurs de déformation de la courbe des taux. Les modèles stochastiques de déformation de la courbe des taux. Ils portent généralement sur la courbe des taux zéro-coupon et sont utilisés pour : o L’évaluation et la couverture de produits de taux délivrant des flux aléatoires dans le futur (par exemple, les options de taux d’intérêt). Le vendeur d’option doit être capable d’avancer un prix au produit qu’il vend, mais surtout de répliquer (ou couvrir) l’option qu’il vend car il encourt un risque de perte illimitée. Ces modèles sont surtout utilisés en salle de marché dans un contexte de trading, et dans les structures de contrôle des risques. o La mise en place de l’analyse par scénario. Quand un gérant de portefeuille met en place une stratégie, il a besoin de connaitre ce qu’il va gagner dans le scénario de déformation de la courbe des taux qu’il anticipe. Mais, comme il n’est pas sûr que son scénario aille se réaliser, il a aussi besoin de mesurer le risque qu’il prend si ce scénario ne se produit pas. Pour cela, il a besoin de mettre en place un outil qui lui permet d’envisager tous les scénarios possibles de déformation de la courbe des taux. Cet outil appelé analyse par scénario lui permet de calculer le taux de rendement le plus défavorable suite à la mise en place de la stratégie d’investissement et le taux de rendement moyen ainsi que son écart-type en prenant en compte l’ensemble des scénarios possibles de déformation de la courbe. Le modèle de reconstitution de la courbe des taux au comptant qui constitue le point de départ pour la mise en place de modèles stochastiques de déformation de la 39 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ courbe des taux. Il porte généralement sur la courbe des taux zéro-coupon qui a deux principales applications en pratique : o Elle permet d’évaluer (et pour certains de couvrir) à la date de reconstitution, les produits de taux à flux déterministes (obligations à taux fixe, par exemple). Elle permet donc de détecter les produits sous et surévalués par le marché pour tenter d’en tirer profit25. o Elle permet de dériver les autres courbes implicites : courbe des taux forward et courbe des taux de rendement au pair. 4.1.4. Dérivation de la courbe des ZC : La reconstitution de la courbe des taux repose sur les obligations d’Etat à zéro coupon (appelées «strips») qui existent en grande variété de maturités. Toutefois, ces obligations peuvent ne pas exister pour une grande variété d’échéances et l’obtention de taux zérocoupon pour un continuum d’échéance est impossible. En outre, les obligations zéro-coupon ont souvent une moindre liquidité que les obligations à coupons. D’où, il est important de faire une sélection rigoureuse des titres qui servent à la reconstitution de la courbe de taux. Ainsi, il faut éliminer les titres qui sont illiquides ou surliquides, parce qu’ils présentent des prix qui ne sont pas dans le marché, de même que les titres présentant des clauses optionnelles, car la présence d’options rend les prix de ces titres non homogènes avec ceux des obligations qui n’en contiennent pas. Enfin, il faut s’abstenir de tracer la courbe des taux sur des segments de maturité où l’on ne dispose pas de titres. Par exemple, il est inutile de tracer la courbe sur le segment [20-30 ans] s’il n’existe pas de titres cotés de maturités supérieures à 20 ans. On ne se préoccupe dans ce qui suit que de la courbe des taux des obligations du Trésor. Elle est construite à partir des titres émis par l’Etat (OAT, BTAN et BTF en France, T-bills, T-notes et T-bonds pour les USA, BTA et BTZc pour la Tunisie). Il s’agit de la courbe dite sans risque dans les pays du G7 dans la mesure où les Etats de ces pays sont censés ne jamais faire défaut. La plupart des Etats de ces pays sont notés AAA par les agences de notation. En l’absence d’obligations à zéro-coupon, les taux zéro-coupon peuvent être déduits des rendements des obligations à coupons. Toutefois, cette solution requiert les deux conditions suivantes : Les obligations à coupons doivent avoir les mêmes dates de tombée de coupons. Elles doivent avoir des maturités multiples de la fréquence de tombée des coupons. Cependant, cette solution est théorique car dans la pratique il est très difficile de trouver un échantillon d’obligations répondant à ces deux conditions. Soient : 25 C’est ce qu’on a désigné par l’analyse «rich and cheap» ou « bond picking » 40 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Pt = (P1,t , P2,t , ..., Pn,t) le vecteur des prix des n obligations. F = (Fi,j) la matrice n x n correspondant aux flux des n titres pour les n tombées de flux. Les dates de tombées des flux sont identiques pour tous les titres. Bt = (B(t, t1), B(t, t2), ..... , B(t, tn)) le vecteur des facteurs d’actualisation En absence d’arbitrage, notre problème prend la forme suivante : Pt = F * B′t ⇔ Bt = (F−1 Pt)′ On extrait le vecteur des taux zéro-coupon à l’aide de la relation suivante : R(t, ti − t) = {1 / B(t, ti)}(1/ti−t) − 1 Si l’on souhaite utiliser des taux continus, on utilise alors : R(t, ti − t) = {−1 / (ti – t)} ln(B(t, ti)) Exemple n° 11 : Soit la liste des obligations suivantes, construisons la courbe des taux : Tableau n° 12 : Tableau des caractéristiques des obligations Maturité (en années) Coupon annuel Prix de l'obligation 0.5 0.000% 99.05 0.75 0.000% 98.45 1 0.000% 97.85 2 3.500% 101.40 3 4.000% 102.20 La méthode du « bootstrap » est une procédure en plusieurs étapes qui permet de reconstituer une courbe zéro-coupon au comptant « pas à pas », ou, segment par segment de maturité. - Pour le segment de la courbe inférieur à 1 an : on procède à l’extraction des taux zéro-coupon grâce aux prix des titres zéro-coupon cotés sur le marché et à l’obtention d’une courbe continue par interpolation. - Pour le segment de la courbe allant de 1 à 2 ans : Parmi les obligations de maturité comprise entre 1 an et 2 ans, on choisit l’obligation à l’échéance la plus rapprochée. Celle-ci verse deux flux. Le facteur d’actualisation du premier flux est connu grâce à la première étape. Le facteur d’actualisation du second flux est la solution de l´équation non linéaire : P = C * B(0, t1) + (100 + C) * B(0, t2) avec t1 ≤ 1 et 1 < t2 ≤ 2 On obtient alors un premier point de la courbe sur ce segment. On réitère le même procédé avec l’obligation de maturité immédiatement supérieure mais toujours inférieure à 2 ans. - Pour le segment de la courbe allant de 2 ans à 3 ans : On réitère l’opération précédente à partir des titres ayant une maturité comprise entre 2 ans et 3 ans. ...etc... 41 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Pour revenir à notre exemple n° 11, les trois premières lignes de titres sont déjà des zérocoupons, puisqu’ils ne génèrent aucun flux d’intérêt intermédiaire. Nous pouvons donc, à partir du prix de marché, calculer directement les taux zéro-coupon correspondants : Titre zéro-coupon à 6 mois26 : r0,6m = (100/99.05 – 1) * 12/6 = 1.9182% Titre zéro-coupon à 9 mois : r0,9m = (100/98.45 – 1) * 12/9 = 2.0992% Titre zéro-coupon à 1 an : r0,1y = (100/97.85 – 1) * 12/12 = 2.1972% Ensuite, nous pouvons successivement procéder à la déduction des taux de maturité 2 ans et 3 ans. Connaissant déjà le taux pour l’échéance 1 an, qui est de 2.1972%, nous pouvons déduire le taux pour l’échéance 2 ans comme suit : Etant donné que l’obligation à coupon peut être considérée comme un ensemble d’obligations zéro-coupons. Son prix (théorique) est donc équivalent à la somme des valeurs actuelles de ces zéro-coupons. Pour le coupon de la première année, d’un taux de 3.50%, nous obtenons, en l’actualisant au taux de zéro-coupon de l’échéance correspondante, la valeur actuelle suivante : Va(cpn2y) = 3.500 / (1 + 2.1972%) = 3.42475 Nous savons donc maintenant, en déduisant cette valeur actuelle du prix de l’obligation, que la valeur actuelle du deuxième « zéro-coupon » est : Va(cpn3y) = 101.40 − 3.42475 = 97.97525 Tableau n° 13 : Détermination du taux zéro coupon à 2 ans Echéance du flux (en années) Montant Taux zéro coupon du flux Valeur actuelle du flux 1 3.50 2.1972% 3.42475 2 103.50 ? 97.97525* * = (101.40 - 3.42475) 101.40 Pour obtenir le taux zéro-coupon à deux ans, il suffit de calculer, par itération, le taux auquel il faut placer 97.97525 dinars pour obtenir 103.50 au bout de deux ans : 97.97525 * (1+ r0,2y)2 = 103.50 On obtient r0,2y = 2.7808%. 26 Pour les trois premiers taux (à 6, 9 et 12 mois) nous avons adopté la formule de l’intérêt simple. 42 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ La démarche est ensuite identique pour déterminer le taux zéro-coupon 3 ans. Nous possédons maintenant les taux zéro-coupon à échéance 1 an (2.1972%) et 2 ans (2.7808%). Tableau n° 14 : Détermination du taux zéro coupon à 3 ans Echéance du flux (en années) Montant Taux zéro coupon du flux Valeur actuelle du flux 1 4.00 2.1972% 3.91400 2 4.00 2.7808% 3.89178 3 104.00 ? 94.39422 * * = (102.20 - (3.914 + 3.89178) 102.20 Le taux zéro-coupon 3 ans est par conséquent celui qui vérifie l’équation suivante : 94.39422 * (1+i r0,3y)3 = 104.00 On obtient r0,3y = 3.2831%. La courbe de taux zéro-coupon se présente donc comme suit : Tableau n° 15 : Ensemble des taux zéro coupon Maturité (en années) Taux ZC 6 mois 1.9182% 9 mois 2.0992% 1 an 2.1972% 2 ans 2.7808% 3 ans 3.2831% Exemple n° 12 : Soient les données suivantes : Titre 1 2 3 Tableau n° 16 : Caractéristiques des obligations Prix Coupon Maturité 103,7 5% 1 an et 2 mois 102 6% 1 an et 9 mois 99,5 5,5% 2 ans Tableau n° 17 : Taux zéro coupon Maturité Taux zéro-coupon Overnight 4,4% 1 mois 4,5% 2 mois 4,6% 3 mois 4,7% 6 mois 4,9% 9 mois 5% 1 an 5,1% Tirez les zéro-coupons pour des maturités supérieures à un an. 43 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Le taux à un an et deux mois est solution de : 103,5 = 5 / (1 + 4.6%)1/6 + 105 / (1 + x)1+1/6 ⇒ x = 5.41% Le taux à un an et 9 mois s’obtient comme suit : 102,2 = 6 / (1 + 5%)9/12 + 105 / (1 + x)1+9/12 ⇒ x = 5.69% Remarques : Les calculs conduisant à tracer la courbe des taux peuvent être contraints par la gamme des échéances disponibles. En effet, certaines échéances peuvent manquer et pour obtenir les taux zéro-coupon correspondants, il est possible de procéder par interpolation ou au lissage de la courbe. Cependant, la convexité/concavité de la courbe des taux rend ce type de calcul hasardeux27. L’étude historique des mouvements de la courbe des taux met en relief ce qui suit : o Les taux d’intérêt ne sont pas négatifs. Le taux facial est généralement positif même si le taux d’intérêt réel est parfois négatif dans un contexte d’inflation galopante sous l’effet de chocs extérieurs ou lorsque l’économie ne peut supporter des taux d’intérêt nominaux trop élevés sous peine de déprimer la consommation et par conséquent la croissance. o Les taux d’intérêt sont affectés par des effets de retour à la moyenne. Des valeurs élevées des taux ont tendance à être suivies plus fréquemment par des baisses que par des hausses. L’effet inverse est également constaté pour des niveaux de taux inhabituellement bas. Les taux n’ont pas de trend sur une longue période. Ils évoluent au sein d’un tunnel. o Les taux n’évoluent pas de façon parfaitement corrélée. L’étude statistique des variations de taux zéro-coupon de maturité, par exemple 3 mois, 2 ans et 10 ans, montre qu’un seul facteur ne suffit pas à rendre compte de leurs évolutions. En particulier, l’évolution des taux à court terme apparaît peu corrélée avec celle des taux à long terme. o Les taux à court terme sont plus volatils que les taux à long terme. Historiquement, le degré de volatilité des taux semble corrélé avec le niveau des taux. Elle est généralement une fonction décroissante de la maturité des taux, ou croissante sur le court terme jusqu’à un an puis décroissante au-delà. o La courbe des taux peut connaître différents changements. 95% de ces mouvements sont de simples déplacements vers le haut ou vers le bas, des pentifications, des aplatissements et des raidissements de la courbe. 4.2. Les théories explicatives de la structure par terme des taux d’intérêt La problématique de la structure par terme des taux d’intérêt a donné lieu à plusieurs débats de recherche théoriques depuis les années 30. Plusieurs théories s’affrontaient pour tenter 27 C’est ce qu’on appelle l’inégalité de Jensen. 44 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ d’expliquer la formation et les déformations de la structure des taux ainsi que les relations entre les taux d’intérêt à court terme et à long terme. A cet effet, on distingue : la théorie pure des anticipations selon laquelle la courbe des taux correspond à ce que le marché anticipe pour les taux futurs et que ces derniers sont des estimations non biaisées des taux futurs espérés. La théorie de la liquidité qui suppose une préférence des investisseurs pour les obligations à plus court terme. Elle tient compte des anticipations du marché pour les taux et le risque. La théorie de l’habitat préféré selon laquelle les investisseurs préfèrent acheter des titres dont l’échéance est égale à celle des passifs qu’ils cherchent à apparier mais ils acceptent d’acheter des titres d’échéances différentes si la prime de risque est satisfaisante. La théorie de segmentation des marchés selon laquelle les investisseurs n’achètent que des titres dont l’échéance est égale à celle des passifs qu’ils cherchent à apparier et c’est le jeu de l’offre et de la demande qui gouverne la courbe des taux. 4.2.1. La théorie pure des anticipations : Historiquement, Fisher (1930)28 fut le premier à introduire la notion d’anticipation dans la littérature économique. Il suppose que les taux de rendement à l’échéance reflètent les anticipations des investisseurs quant aux taux au comptant. Les hypothèses de base de cette théorie étant : - Les marchés financiers sont parfaits (absence de coûts de transaction par exemple). - Les titres sont parfaitement substituables (indifférence entre les titres courts et les titres longs. - Les anticipations des agents économiques sont homogènes Cette théorie part d’un constat simple, à savoir que le taux d’intérêt sur une obligation à long terme est égal à la moyenne géométrique des taux à court terme anticipés le long de la durée de vie de l’obligation. Pour qu’il y ait détention d’obligations de différentes maturités, l’investisseur doit être indiffèrent entre, par exemple, placer son argent n fois pendant un an et le faire une seule fois pendant n années. Alors, la valeur finale des deux formules de placement doit être la même et donc : (1+0Rn)n = (1+0R1) * (1+1R2) * … * (1+n-1Rn) Ainsi, si les agents anticipent une hausse des taux courts pour les prochaines périodes, les taux long seront supérieurs aux taux à court terme, et inversement si les agents anticipent une baisse des taux à court terme. En outre, la courbe des taux a plus de chance d’être croissante lorsque les taux à court terme sont bas car les observateurs anticipent une hausse 28 FISHER, Irving, The Theory of Interest (1930), New York : A.M. Kelley, 1955. 45 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ de ceux-ci, et elle est inversée quand les taux courts sont élevés du fait que les agents anticipent une baisse de ces derniers. 4.2.2. La théorie de la prime de risque : Cette théorie privilégie l’hypothèse d’aversion des agents économiques aux risques afférents à la détention des titres : risque de capital et risque de revenu (Hicks (1939) 29 . Les investisseurs savent que les prévisions ne peuvent être qu’incertaines. Plus la période d’investissement est longue, plus il y a des risques. D’où, il existe donc chez ces investisseurs une préférence pour les placements de courte durée qui sont théoriquement moins sensibles aux variations de taux d’intérêt. En d’autres termes, les prêteurs témoignent d’une certaine préférence pour la liquidité et les actifs financiers de durées différentes ne constituent pas de substituts parfaits. Selon les tenants de cette théorie, cette substitution peut être rachetée moyennant le paiement d’une prime de risque. Etant averses au risque, les investisseurs n’accepteront d’accroître la durée de leurs placements qu’en échange d’une prime de liquidité compensant l’augmentation du risque. Fondamentalement, les adeptes de cette théorie sont en accord avec l’enseignement de la théorie des anticipations, à savoir que : (1+0Rn)n = (1+0R1) * (1+1R2) * … * (1+n-1Rn) Toutefois, étant donné l’incertitude, l’équation ci-dessus est reformulée comme suit : (1+0Rn) n = (1+0R1) * (1+1F2) * … * (1+n-1Fn) Avec t-1Ft = le taux d’intérêt à terme (forward) pour la période t. t-1Ft = t-1Rt + t-1Lt Avec t-1Lt, la prime de risque exigée par les investisseurs en t. L’équation d’équilibre pour les taux d’intérêt s’écrit alors : (1+0Rn) n = (1+0R1) * (1+1R2+1L2) * … * (1+n-1Rn+n-1Ln) Selon les auteurs de cette théorie, ces primes doivent être nécessairement croissantes parce qu’elles correspondent pour les investisseurs à la détention d’obligations de durée de vie de plus en plus longue et comportant donc un risque plus important : 0 < 1L2 < 2L3 < … < n-1Ln A cause de la prime de risque ou de liquidité, la courbe des taux se situe alors toujours audessus de celle correspondant à la théorie pure des anticipations. 29 Hicks, John R. [1939], "Valeur et Capital : Enquête sur divers principes fondamentaux de la théorie économique", Collection Finance et Economie Appliquée, Dunod, Paris, 1981. 46 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 4.2.3. La théorie de la segmentation des marchés Contrairement à la théorie de la prime de risque, celle de la segmentation des marchés suppose que la substitution entre les titres n’est pas concevable. L’avenir est incertain aux yeux des investisseurs qu’une prime ne peut les convaincre d’investir pour une autre durée que celle qu’ils préfèrent. Ainsi, les titres d’échéances différentes ne sont pas substituables et les marchés sont donc parfaitement cloisonnés. Il n’existe pas de corrélation entre les taux d’intérêt et les échéances. L'offre et la demande de capitaux s'équilibrent pour les différents marchés de capitaux sans relation les uns aux autres. Il existe en particulier le marché financier du long terme et le marché monétaire pour le court terme. Les opérateurs se spécialisent dans différents segments ; par exemple, contrairement à certains investisseurs qui optent pour des titres à court terme, les compagnies d’assurance vie et les fonds de pension de retraite investissent dans les titres à long terme. La structure par terme des taux perd alors toute sa signification du fait de l’indépendance des taux. La courbe des taux est composée de plusieurs segments correspondants aux différents compartiments du marché. Chaque segment correspond à un segment du marché et dépend des offres et des besoins de capitaux qui y sont exprimés. 4.2.4. La théorie de l’habitat préféré : La théorie de l'habitat préféré a été développée par F. Modigliani et R. Sutch (1966 et 1967)30 pour expliquer la prime existante sur les taux d’intérêt long terme. Cette théorie est une variante de celle de la segmentation des marchés : on suppose que chaque investisseur sur le marché des obligations préfère un intervalle d’échéance donné appelé habitat préféré. Changer d’intervalle équivaut pour cet investisseur à une prise de risque différent et il exigera alors d’être compensé pour le faire. Selon cette théorie, les investisseurs ont des préférences pour certains horizons de placement. Les entreprises qui souhaitent émettre des titres à un horizon non désiré par ces mêmes investisseurs devront donc ajouter une prime au rendement normal (correspondant à leur horizon d’investissement) pour les attirer. En d’autres termes, lorsque l’offre et la demande de titres sur un segment donné ne coïncident pas, certains prêteurs sont prêts à se déplacer sur d’autres parties de la courbe à condition de recevoir une prime qui compense leur aversion au risque. Il en découle : Que les émetteurs de titres qui se positionnent sur des maturités peu attractives doivent supporter une prime de risque. 30 MODIGLIANI F. and R. SUTCH (1966), "Innovations in interest rate policy", The American Economic Review, Papers and Proceedings, vol. 56, May, pp. 178-97. MODIGLIANI F. and R. SUTCH (1967), "Debt management and the term structure of interest rates: an empirical analysis", Journal of Political Economy, vol. 75, August, pp. 569-89. 47 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Que chaque partie de la courbe des taux évoluera en fonction exclusivement de la situation de l’offre et de la demande sur l’intervalle d’échéance correspondant, de façon indépendante des autres. Une plus grande difficulté à prévoir l’évolution des courbes de taux dans la mesure où ces primes de risque dépendent essentiellement du comportement des opérateurs, de leur nombre, de leur prédisposition à modifier leur comportement. Conclusion : L’ensemble des études indiquent que les taux à terme sont fonction des taux courts futurs anticipés puisque les taux à terme intègrent les prédictions relatives aux taux courts futurs. Les quatre théories présentées précédemment apportent chacune son concours et se complètent pour expliquer la forme de la courbe des taux. Ensemble, elles donnent une idée plus complète de l’ensemble des éléments affectant la structure des taux d’intérêt. Cependant, les résultats empiriques tendent à favoriser l’explication de cette dernière par les anticipations des taux de rendements et par la préférence pour la liquidité. Tableau n° 18 : Synthèse des conclusions des 4 théories Théorie des anticipations Théorie des marchés segmentés Théorie de la prime de risque et de l’habitat préféré Variation conjointe des taux d’intérêt dans le temps Courbe des taux habituellement croissante Oui (Une hausse des taux courts entraîne celle des taux longs à anticipations inchangées) Non (Croissante si anticipation de hausse des taux, inversée si anticipation de baisse, plate si anticipation de stabilité) Non (Les taux d'intérêts sont déterminés indépendamment les uns des autres, par les conditions d'offre et de demande sur chaque segment du marché) oui (Taux d'intérêt à LT = moyenne des taux courts futurs anticipés + prime de liquidité. Des changements conjoints des taux de maturités différentes : à long terme, une hausse des taux courts entraîne celle des taux longs (comme la théorie des anticipations) Structure croissante plus probable quand les taux courts sont bas Oui (Taux court bas : anticipation de hausse. Taux longs > taux courts : anticipation de retour vers la moyenne) Oui Non Non Courbe habituellement croissante : à cause de la prime de liquidité (et de l'habitat préféré). Formes de la courbe des taux : croissante si anticipation de hausse des taux, inversée si anticipation de baisse, plate si anticipation de stabilité (comme la théorie des anticipations) oui 48 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Remarque : Une courbe de taux n’est qu’instantanée. Elle se déforme. Une hausse de la courbe traduit le renforcement des pressions inflationnistes et donc une hausse probable des taux d’intérêt. La conjoncture économique et les politiques monétaire et budgétaire qui en découlent affectent de manière profonde les taux. La structure par terme des taux dépend des anticipations formulées quant à l’évolution des taux nominaux conditionnés par le taux d’intérêt réel et les anticipations relatives à l’inflation. Elle dépend de la préférence pour la liquidité, de l’offre et de la demande de capitaux sur les différents segments. La courbe croissante est la plus fréquemment observée. L’analyse de la forme de la courbe des taux selon l’échéance à travers les différentes phases du cycle des activités économiques permet de mieux comprendre les facteurs qui expliquent et affectent la structure des taux, à savoir que : La courbe des taux a sa pente positive la plus élevée lors des creux cycliques ; Elle est bombée et descendante, c’est-à-dire, de pente négative lors des sommets cycliques. L’inflation (anticipée) est probablement le facteur le plus important dans la détermination des taux d’intérêt. Vient ensuite l’aversion au risque. Investir dans une obligation à long terme, sachant que l’on connaît la somme procurée à l’échéance, peut ne pas être le choix optimal. Il est indispensable de calculer le taux d’intérêt réel, c’est-à-dire, le taux après inflation : Taux réel = [(1+ le taux nominal) / (1+ le taux de l’inflation)]-1 Afin d’éviter la hausse non anticipée de l’inflation, les investisseurs opteront le placement à court terme renouvelable afin de s’assurer une certaine liquidité. Exemple n° 13 : Si des investisseurs exigent un taux de rendement réel de 10% et que le taux d’inflation est de 8%, quel taux nominal approximatif ? Quel est le taux nominal exact ? Taux approximatif : 10% + 8% = 18% Taux exact : (1.1)*(1.08) -1 = 18.8% 49 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 5. Les stratégies de gestion de portefeuille obligataire Un processus de gestion de portefeuille se divise en cinq étapes, d’abord, la détermination des objectifs en termes de risque, rendement, duration,… puis l’élaboration d’une politique d’investissement (placement en actions et/ou obligations et/ou produits dérivés), ensuite la sélection d’une stratégie de gestion (gestion collective ou pour compte, active, passive ou mixte, etc.), qui est suivie de la sélection des titres. Le processus se termine par la mesure et l’évaluation de la performance du portefeuille. Graphique n°2 : Processus de gestion de portefeuille Pour ce qui est des stratégies, on distingue les stratégies actives, passives et hybrides. 5.1. Les stratégies actives de gestion de portefeuille obligataire : Le rendement d’un portefeuille obligatoire résulte des coupons intermédiaires versés par les titres qui le constituent, du revenu de réinvestissement de ces coupons et des gains (ou pertes) en capital (augmentation ou baisse des prix de ces titres par rapport à leur prix d’acquisition). Quatre facteurs affectent ces différentes sources de rendement et sont à la base des stratégies actives. Il s’agit des changements qui interviennent au niveau des taux d’intérêt, de la forme de la courbe des taux d’intérêt, des caractéristiques propres aux obligations et des écarts de taux de rendement entre les différents segments du marché obligataire. Pour ce qui est des deux premiers facteurs, pour réussir sa stratégie, il est essentiel de savoir se positionner en avance sur la courbe des taux. Pour ce faire, il faut anticiper le sens de l’orientation des taux d’intérêt (hausse, baisse ou stabilité) sur l’ensemble des maturités et les mouvements de la courbe de taux (translation, raidissement ou aplatissement, …). La clé de réussite est donc de savoir anticiper. En effet, les anticipations économiques et inflationnistes peuvent avoir des répercussions sur l’ensemble de la courbe des taux. A cet égard, les réponses à des questions du genre figurant au tableau n° 19 peuvent aider à voir plus clair comment la courbe va évoluer : 50 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Tableau n° 19 : Questions en rapport avec l’orientation future de la politique monétaire Si oui, anticipation concernant la politique monétaire Accommodation Resserrement Stabilité Sommes-nous en phase de : Forte croissance et de surchauffe économique X en début de période de récession ? X Les usines tournent-elles à plein régime et s’agit-il d’une production pour : l’écoulement ou X le stockage X Sommes-nous dans un contexte d’utilisation réduite des capacités de production et de hausse du chômage ? X Le pays se dirige-t-il vers une situation de : plein emploi ou X de baisse du chômage ? X La baisse du chômage traduit-elle : une diminution réelle du sous-emploi ou X une réduction de la participation au marché de l’emploi ? X Le ralentissement de la croissance est-il le résultat de la diminution de : la population en âge de travailler ou X des taux d’activité ou X de la réduction des gains de productivité liée au ralentissement du rythme de progrès X technique ? De façon générale, les prix sont-ils orientés à la hausse ? X L’inflation a-t-elle dépassé le niveau cible fixé par la Banque Centrale ? X La hausse des prix correspond-t-elle à un phénomène : structurel ou X conjoncturel provoqué par un mauvais fonctionnement des circuits de distribution ou la hausse conjoncturelle d’un produit essentiel dans le panier de la ménagère ? X Les anticipations de long terme sont-elles toujours ancrées sur la cible annoncée par la banque centrale. X Les entreprises ont-elles du mal à maintenir leurs niveaux de prix ? X Sont-elles même contraintes de les baisser ? X La demande a-t-elle tendance à s’éroder, par exemple sous l’effet d’une modération du salaire réel par rapport à la productivité, ou encore d’un accroissement massif des inégalités ? X L’aversion pour le risque des agents économiques est-elle de sorte qu’elle crée un surcroît d’épargne de précaution qui rechigne à s’investir ? X Le niveau d’emprunt net de l’Etat est-il orienté : à la hausse ou X à la baisse ? X Autrement dit, le gouvernement émet-il plus ou moins d’obligations qu’attendu par le marché ? 51 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Les anticipations relatives aux politiques des banques centrales sont étroitement liées à ces considérations. Ces politiques ont un impact direct sur le marché monétaire (dans la mesure où leurs instruments ciblent spécifiquement ce segment du marché). Toutefois, les politiques des banques centrales peuvent avoir également un effet indirect sur les maturités à moyen et long terme. Les rendements des obligations à moyen terme sont largement influencés par les anticipations relatives à la politique monétaire. La baisse (hausse) des taux d’intérêt peut traduire des anticipations de maitrise de l’inflation (une émergence des pressions inflationnistes) de la part des banquiers centraux. Un recul des anticipations inflationnistes a un impact sur les maturités à long terme et se traduit par une hausse des cours des obligations à long terme et une baisse de leurs rendements (et vice-versa). On distingue différentes stratégies actives de gestion obligataire. Elles sont basées chacune sur des éléments différents qui peuvent être : Les anticipations de hausse ou de baisse des taux ; Les mouvements des courbes de taux (ou maturités) ; L’évolution des écarts de taux et des devises ; Les changements des caractéristiques propres à l’obligation 5.1.1. Les stratégies basées sur les anticipations de taux : A. Les stratégies basées sur la duration : Ces stratégies qui sont basées sur l’hypothèse que la courbe des taux est plate, sont centrées sur la duration. Il s’agit de procéder à des modifications de la sensibilité du portefeuille aux variations de taux en fonction des anticipations. Ces stratégies supposent ou anticipent un déplacement parallèle de la courbe des taux (une simple translation vers le haut ou vers le bas). Cela signifie que si le taux de rendement d’une obligation à cinq ans augmente/baisse de 1%, les taux de rendement des obligations à six ou sept ans (et ainsi de suite) font de même. Etant donné qu’un portefeuille est parfaitement immunisé si son horizon d’investissement (H) est égal à sa duration (D), il s’impose en cas d’anticipation de : Baisse des taux d’intérêt, d’augmenter la duration du portefeuille de sorte qu’elle devient supérieure à l’horizon d’investissement (D>H) ; l’impact positif sur la valeur du portefeuille sera plus élevé que celui négatif sur le revenu du réinvestissement des coupons. L’effet global est d’autant plus positif en H que la duration est longue. Hausse des taux d’intérêt, de réduire la duration du portefeuille de sorte qu’elle devient inférieure à l’horizon d’investissement (D<H) ; l’impact négatif sur la valeur du portefeuille en H sera plus faible que celui positif sur le revenu de réinvestissement des coupons. L’effet global est d’autant plus positif en H que la duration est courte. 52 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Ainsi, si un portefeuille présente une duration de 4,5 ans (donc une sensibilité proche de 4,5), à chaque baisse anticipée des taux d’intérêt de 1 pourcent (soit 100 points de base), un profit additionnel de 100 points de base est généré en allongeant la duration de 4,5 à 5,5 années. Cela s’explique par le fait qu’en cas de baisse des taux d’intérêt d’un pourcent, la valeur du portefeuille augmente de 4,5% compte tenu de son niveau de sensibilité. Il faut noter que la duration moyenne du portefeuille peut être modifiée en remplaçant les obligations qui le constituent par d’autres de duration plus élevée ou plus faible. Une telle stratégie est dite swap d’anticipation de taux. Toutefois, la qualité du résultat de cette stratégie dépend de celle de l’anticipation. En effet, si les taux d’intérêt évoluent dans le sens contraire de ce qui a été anticipé par le gestionnaire du portefeuille, c’est l’effet contraire qui se produit. Tableau n° 20 : Effet de la qualité d’anticipation sur la valeur du portefeuille et la performance du gestionnaire Anticipation en matière Action sur la Mouvement réel Impact sur la valeur du portefeuille de taux d’intérêt duration des taux d’intérêt et la performance du gestionnaire Hausse Négatif (erreur de stratégie) Augmentation Baisse Positif Hausse Hausse Positif Réduction Baisse Négatif (erreur d’anticipation) Hausse Négatif (erreur d’anticipation) Augmentation Baisse Positif Baisse Hausse Positif Réduction Baisse Négatif (erreur de stratégie) Exemple n° 14 : Considérons les 5 obligations suivantes et leurs caractéristiques : Tableau n° 21 : Caractéristiques des obligations Obligation Maturité Taux de coupon Taux de rendement Prix de l’obligation Duration 1 2 ans 5% … 100 …. 2 10 ans … 5% 100 …. 3 30 ans 5% 5% … 16,14 4 30 ans 7,5% 5% 138,43 14,98 5 30 ans 10% 5% … 14,33 Déterminez le taux de coupon, le taux rendement et les prix des obligations manquants dans le tableau. • Sans calculer les durations manquantes, classez ces obligations en fonction de leurs durations. • A priori, si l’anticipation des taux est à la hausse de 1% sur toutes les échéances, dans quelle obligation faut-il investir en priorité si l’objectif est de maximiser le rendement du portefeuille ? 53 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ • Même question si l’anticipation des taux est à la baisse ? Solution : D’abord, il s’agit de compléter le tableau ci-dessus : Tableau n° 22 : Caractéristiques complètes des obligations Obligation Maturité Taux de coupon Taux de rendement Prix de l’obligation Duration 1 2 ans 5% 5% (obligation cotée au pair) 100 < à 2 ans 2 10 ans 5% (Obligation cotée au pair) 5% 100 < à 10 ans mais > à 2 ans 3 30 ans 5% 5% 100 16,14 4 30 ans 7,5% 5% 138,43 14,98 5 30 ans 10% 5% 176,86 14,33 La duration est au plus égale à l’échéance (cas des obligations à zéro coupon). Donc, sur la base de leurs durations, les obligations peuvent être classées ainsi : O1, O2, O5, O4, O3. Si les taux d’intérêt sont anticipés à la hausse, la meilleure stratégie serait d’investir dans l’obligation de courte duration (O1) et de vendre à découvert l’obligation O3 dont la duration est la plus longue. S’ils sont anticipés à la baisse, la meilleure stratégie serait d’investir dans l’obligation (O3). Il y a lieu de noter que l’obligation (O3) maximise le rendement relatif alors que l’obligation (O5) maximise le rendement absolu. Tableau n° 23 : Comparaison entres les obligations O3 et O5 Obligation Prix initial Duration Sensibilité Nouveau prix Rendement absolu Rendement relatif 3 100 16,14 15,37 115,37 15,37 15,37% 5 176,86 14,33 13,64 200,98 33,12 13,64% Remarques : La clé de cette stratégie est l’habilité du gestionnaire à prédire la direction des mouvements de taux. Avec l’hypothèse d’efficience des marchés, les mouvements de taux d’intérêt suivent des processus aléatoires (stochastiques) et il n’est pas possible de prédire exactement ces mouvements et d’y baser des stratégies de gestion. Un gestionnaire peut élaborer sa stratégie en faisant un pari sur les mouvements de taux d’intérêt en exagérant ou en minimisant la duration dans le seul but de rattraper rapidement la performance de l’indice obligataire en fonction duquel il est évalué. 54 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Les investisseurs peuvent se prémunir contre de telles positions du gestionnaire, en imposant des contraintes sur la duration du portefeuille (en fixant un minimum et un maximum pour cette duration). B. La stratégie du Roll over : C’est une technique basée sur l’anticipation d’augmentation de taux et utilisée dans un environnement de courbe de taux d’intérêt plate. Elle consiste pour un investisseur, qui a un horizon d’investissement de n années et qui anticipe une hausse des taux dans m années (m<n), à détenir des titres de courte maturité (m années) jusqu’à leur échéance puis à acheter aussitôt des titres de maturité (n-m) années. Exemple n° 15 : Supposons qu’à la date t la courbe des taux de rendement à maturité est plate à 5%. Un gérant de portefeuille souhaite investir de l’argent pour une durée de 5 ans, mais il anticipe une hausse des taux de 1% dans 1 an. En supposant que son anticipation se concrétise, comparez la stratégie qui consiste à investir dès le début dans une obligation d’échéance 5 ans par rapport à celle du roll over (investissement dans une obligation d’échéance une année, puis dans une autre d’échéance égale au reste de l’horizon d’investissement. Solution 1 : Il investit dans une obligation de nominal 100, de taux de coupon 5% et de prix 100. Le taux de rendement de son investissement au bout d’un an est égal à : (96,535 + 5 - 100) / 100 = 1.53%. Le prix de cette obligation au bout de la première année 96,535 est inférieur à 100 à cause de la hausse des taux. Toutefois, l’investisseur continuera de détenir cette même obligation de taux de coupon 5% qui n’a plus que 4 ans de maturité. Tableau n° 24 : Tableau des flux de l’obligation d’échéance 5 ans Années 0 1 2 3 4 5 Flux -100 5 5 5 5 105 Le taux de rendement au bout de la 5ème année, étant donné un taux de réinvestissement de 6%, est égal à 5,09% Solution 2 Le gérant adopte la stratégie de «roll-over». Il achète donc une obligation de montant nominal 100, de maturité 1 an et achète dans un an une obligation de maturité 4 ans et de taux de coupon équivalent au taux de rendement du marché dans un an. Le taux de rendement de son investissement au bout d’un an est égal à : (105 - 100) / 100 = 5% 55 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Le gérant tire un rendement de 5% la 1ère année puis achète une obligation de taux de coupon 6% et de maturité 4 ans. En supposant que le taux de rendement reste stable à 6% au cours des 4 années suivantes et que les flux intermédiaires sont réinvestis au taux annuel de 6%, on obtient les flux suivants : Tableau n° 25 : Tableau des flux du roll over Dates 0 1 2 3 4 5 Flux -100 5 = (+5+100-100) 6 6 6 106 Le taux de rendement final étant donné le roll over est égal à 5,8% Cette solution 2 procure un rendement supérieur à celui de la première. Remarque : Les obligations considérées n’ont pas la même échéance et l’adoption de la stratégie du roll over nécessite la combinaison de plusieurs obligations. Dans l’hypothèse d’anticipation de hausse des taux d’intérêt, le choix doit porter toujours sur les obligations d’échéance plus courte (donc de duration plus courte si toutes étant égales par ailleurs). Cette stratégie n’est donc pas en contradiction avec celle basée sur les durations. 5.1.2. La stratégie du « Riding the Yield Curve » : C’est une technique qu’un gérant de portefeuille adopte dans un environnement caractérisé par une courbe de taux ascendante et supposée ne pas changer d’une année à l’autre. Pour un horizon de placement de x années, l’idée est d’acheter des titres de maturité égale à y années (avec y > x) et de les revendre x années plus tard. Lorsque les hypothèses sur la courbe des taux se réalisent, ce placement procure un taux de rendement plus élevé que celui donné par un placement qui aurait consisté à acheter un titre de maturité égale à x années et de le porter jusqu’à maturité. Exemple n° 16 : Considérons les 3 obligations zéro coupon suivantes et calculons leurs prix à la date T = 0, et un an plus tard (en T = 1) en supposant que la courbe des taux reste inchangée. Tableau n° 26 : Prix et rendement des obligations à T= 0 et T = 1 T=0 Prix T=0 Prix T=1 Rendement 1 an 3% 97.08 100 3% = 100/97,08 2 ans 4% 92.46 97.08 5% = 97,08/92,46 3 ans 5% 86.38 92.46 7.04% = 92,46/86,38 Quand on n’anticipe aucun mouvement de la courbe et que celle-ci est ascendante, on achète l’obligation d’échéance la plus longue et on la revend à l’horizon initial de notre placement. Donc, l’achat de l’obligation 3 et sa revente en fin de première année constitue 56 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ l’investissement le plus rentable (7,04%) contre 5% si on achète l’obligation 2 et 3% si on investit dans l’obligation 1. Exemple n° 17 : A la date t=0, considérons 5 obligations de même nominal 100 et taux de coupon annuel 6%, ainsi que la courbe des taux zéro-coupon suivante : Maturité Taux zéro coupon Tableau n° 27 : Taux zéro coupon 1 2 3 3,90% 4,5% 4,9 4 5,25% 5 5,60% Calculons la valeur de ces obligations aux dates t = 0 et t = 1 (un an plus tard) en supposant que la courbe des taux zéro-coupon reste inchangée. Tableau n° 28 : Prix des obligations à T= 0 et T = 1 Un gérant de portefeuille qui a un certain capital à sa disposition pour un an, a deux options: Soit investir ce montant dans une obligation de maturité 1 an et obtenir un rendement de (106 – 102,021) / 102,021 = 3,9% Soit mettre en place la stratégie “riding the yield curve” en supposant que la courbe des taux zéro-coupon ne va pas bouger au cours du temps. Dans ce cas, il a 4 solutions possibles : Stratégie 1 : acheter l’obligation de maturité 2 ans et la revendre dans 1 an et obtenir un rendement de (6 + 102,021 – 102,842) / 102,842 = 5,036% Stratégie 2 : acheter l’obligation de maturité 3 ans et la revendre dans 1 an et obtenir un rendement de (6 + 102,842 – 103,098) / 103,098 = 5,571% Stratégie 3 : acheter l’obligation de maturité 4 ans et la revendre dans 1 an et obtenir un rendement de (6 + 103,098 – 102,848) / 102,848 = 6,077% Stratégie 4 : acheter l’obligation de maturité 5 ans et la revendre dans 1 an et obtenir un rendement de (6 + 102,848 – 102,077) / 102,077 = 6,633% Il est clair que la meilleure stratégie est la dernière. 5.1.3. Les stratégies basées sur les déplacements de la courbe de taux : 57 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Elles n’impliquent pas de changer la duration de l’intégralité d’un portefeuille sur l’ensemble des maturités, mais visent plutôt une sur ou sous-pondération d’une sélection de maturités. 5.1.3.1. Les différents types de déplacement de la courbe de taux : Il existe deux types de déplacements de la courbe des taux : les mouvements parallèles et les non parallèles. Les déplacements parallèles surviennent lorsque le changement de taux est le même pour toutes les échéances (court et moyen et long terme). Les déplacements non parallèles se produisent lorsque la variation du taux d’intérêt est différente d’une échéance à l’autre. On distingue surtout deux types de déplacements non parallèles : les twists et les déplacements en papillon (butterfly) Dans le second cas, on parle d’aplatissement, de raidissement ou de papillon. On parle de déplacements en twists lorsqu’on anticipe l’un des mouvements suivants de la courbe : Un aplatissement, lorsque l’écart entre les taux longs et les taux courts diminue ; Un raidissement, lorsque l’écart entre ces deux catégories de taux augmente. Des déplacements en papillon sont anticipés si l’augmentation (la baisse) des taux d’intérêt à court terme et à long terme est supérieure (inférieure) à la variation des taux intermédiaires. Ainsi, on distingue des déplacements en papillon positifs (augmentation des taux court et long mais aucune ou de faibles variations dans les taux intermédiaires) et des déplacements en papillon négatifs (baisse des taux courts et longs mais aucune ou très faible variation des taux à moyen terme). 5.1.3.2. Les stratégies basées sur le déplacement de la courbe des taux : Ces stratégies visent à profiter des anticipations relatives aux mouvements à court terme des taux d’intérêt, la source de rendement étant liée au changement de prix de chacune des obligations constituant le portefeuille. Ainsi, sur un horizon d’un an, suite à un mouvement de la courbe des taux, un portefeuille constitué à raison de 50 % d’obligations d’échéance 30 ans et de 50 % d’obligations d’échéance 1 an, aura un rendement différent de celui d’un portefeuille composé uniquement d’obligations d’échéance 5 ans. 58 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Il existe trois types de stratégies basées sur le déplacement de la courbe des taux : • La stratégie bullet (balle de fusil) Elle consiste à composer un portefeuille avec des obligations dont les échéances sont fortement concentrées sur une partie de la courbe des taux d'intérêt. Par exemple, un portefeuille composé à 60% d'obligations d'échéance 10 ans, 20% d'obligations d'échéance 9 ans et 20% d'obligations d'échéance 11 ans, constitue un bullet. • La stratégie barbell (Haltères) La stratégie barbell consiste à constituer un portefeuille composé d'obligations dont les échéances sont fortement concentrées en deux points extrêmes de la courbe des taux. Par exemple, un portefeuille composé à 50% d'obligations d'échéance 5-6 ans et 50% d'obligations d'échéance 25-30 ans constitue un barbell. • La stratégie ladder (Échelle) La stratégie ladder consiste à constituer un portefeuille composé d'obligations dont les échéances sont réparties à intervalles réguliers sur toute la courbe des taux. Par exemple, un portefeuille composé d’obligations d’échéances 5 ans pour un tiers, 10 ans pour un deuxième tiers et 20 ans pour le reste. Remarques : La performance de ces stratégies diffère en fonction des déplacements de la courbe des taux. Elle dépend du type de déplacement et de l’ampleur de la variation. Il n’existe aucune stratégie qui soit optimale quel que soit le mouvement de la courbe des taux. On peut combiner des bullets et des barbels pour former des papillons (butterflys). A) Les stratégies bullet, barbell et ladder : Nous allons dans ce qui suit nous limiter uniquement à la comparaison des stratégies bullet et barbell et la démarche est la même si on veut étendre la comparaison à la stratégie Ladder. Exemple n° 18 : Pour analyser la performance des deux premiers types de stratégies (bullet et barbell), considérons les deux portefeuilles suivants : • Un portefeuille Bullet composé à 100 % d’obligations d’échéance 10 ans, un taux de coupon de 9,25 %, un taux de rendement à l’échéance (TRE) de 9,25 %, une duration de 6,935 et une convexité de 55,4506. • Un portefeuille Barbell composé à raison de : - 50,5 % d’obligations d’échéance 5 ans, de coupon 8,50 %, de TRE 8,50 %, de duration 4,276 et de convexité 19,8164 ; 59 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ - 49,5 % d’obligations d’échéance 20 ans, de coupons 9,50 %, de TRE 9,50 %, de duration 9,650 et de convexité 124,1702. Le taux de rendement à l'échéance du bullet est donc de 9,25 %. Sa duration est de 6,935 et sa convexité est de 55,4506. Le taux de rendement à l'échéance du portefeuille barbell est de : (50,5%*8,50%*4,276 + 49,5%*9,50%*9,650) / (50,5%*4,276 + 49,5%*9,650) = 9,19% La duration de ce portefeuille est de : 50,5%*4,276 + 49,5%*9,650 = 6,935. La convexité du barbell est de : 50,5 %*19,8164 + 49,5 %*124,1702 = 71,4716. Il y a lieu de noter que les durations des deux portefeuilles sont identiques mais leurs convexités ainsi que leurs taux de rendement à l’échéance sont différents (le portefeuille Barbell a le rendement le moins élevé mais la convexité la plus grande). On dit que la différence entre les deux taux de rendement représente le prix de la convexité. Pour un horizon de placement de 6 ans, lequel des deux portefeuilles faut-il choisir ? Les deux portefeuilles ont la même duration mais le bullet a un TRE plus élevé et une convexité moins grande. Pour pouvoir faire le choix, il faut déterminer le rendement total de chacun des portefeuilles suite à différents déplacements de la courbe des taux. Cas des variations parallèles de la courbe des taux : - - Même avec des durations identiques (6,434), les deux portefeuilles ne donnent pas le même rendement suite à un déplacement de la courbe des taux. L’écart est dû à une convexité différente. Le bénéfice d’une convexité plus élevée dépend de l’amplitude des variations de taux Illustration : Déterminer l’effet sur le prix des deux portefeuille d’une variation des taux d’intérêt de +0.1%, +0.25%, +0.5%, +1% et +3% Tableau n° 29 : Comparaison de l’effet de différentes variations de taux d’intérêt sur la valeur des deux portefeuilles Les résultats obtenus montrent que : - Les petites variations ont le même effet sur la valeur du portefeuille qu’elles soient positives ou négatives. - Les fortes variations affectent plus positivement (moins négativement) les portefeuilles à convexité élevée lorsqu’elles sont négatives (positives). Cas des variations non parallèles de la courbe des taux : 60 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ • Supposons un aplatissement de la courbe des taux où le TRE des obligations à échéance intermédiaire change de x%, le TRE des obligations de courte échéance change de x% + 25bp et le TRE des obligations de longue échéance change de x% - 25bp. Tableau n° 30 : Comparaison de l’effet de différentes variations de taux d’intérêt sur la valeur des deux portefeuilles Dans ce cas, la performance du portefeuille barbell sera toujours supérieure à celle du bullet (quel que soit x). L’écart de performance est plus net en cas de baisse de taux. Ce résultat est lié à la convexité du portefeuille barbell qui est plus élevée. • Supposons un raidissement de la courbe des taux où le TRE des obligations à échéance intermédiaire fluctue de x%, le TRE des obligations de courte échéance change de x% - 25bp et le TRE des obligations de longue échéance varie de x% + 25bp. Tableau n° 31 : Comparaison de l’effet de différentes variations de taux d’intérêt sur la valeur des deux portefeuilles Situation initiale X= -5% X=-3% X=-1% X=0% X=1% X=3% X=8% Titre court 10,5 123,873 113,974 105,091 100.992 97,102 89,900 74,772 Titre intermédiaire ou Portefeuille 1 (Bullet) 100 140,054 121,821 106,535 100 93,921 83,221 63,068 Titre long 100 160,471 129,708 106,970 97.835 89.881 76.822 55.291 Portefeuille 2 (Barbell) 100 141,989 121,762 106,021 99.429 93,528 83,427 65,129 Différence de performance entre Barbell et Bullet - +1,935 -0,059 -0,514 -0.571 -0,393 +0,206 +2,061 61 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Dans ce cas, la performance d’un portefeuille dépend de l’ampleur de la variation des taux et du changement de la forme de la courbe. Le portefeuille barbell surclasse le bullet lorsque l’ampleur de la variation est grande et vice versa lorsque la pentification ou le raidissement est de faible ampleur. . Supposons un déplacement de la courbe en papillon : Cas de papillon positif : les taux court et long augmentent de x% alors que les taux intermédiaires baissent d’autant. Ce type de variation est profitable au portefeuille bullet qui est formé de titres intermédiaires et désavantageux pour le portefeuille barbell qui est constitué de titres courts et longs. Cas de papillon négatif : les taux court et long diminuent de x%, alors que les taux intermédiaires augmentent d’autant. Ce type de variation est profitable au portefeuille barbell qui est formé de titres courts et longs mais défavorable au portefeuille bullet qui est constitué de titres intermédiaires. - - B) Les stratégie butterfly : Il est possible de bâtir des stratégies d’arbitrage combinant l’acquisition d’un barbell et la cession d’un bullet. Cette stratégie appelée butterfly constitue une combinaison de barbell (les ailes) et de bullet (le centre) et a pour but de tirer profit des mouvements de pentification ou d’aplatissement de taux. Il existe de nombreux types de butterfly, tous à sensibilité nulle, de façon à être globalement neutres à tout mouvement de la courbe des taux (parallèle, aplatissement ou pentification). Un seul type de ces butterfly est à décaissement nul alors que les autres nécessitent d’investir de l’argent. Nous considérons d’abord un cadre simpliste où la courbe des taux n’est affectée que par des mouvements parallèles. Dans ce contexte où les taux d’intérêt ne sont affectés que par des mouvements parallèles, la stratégie est construite de façon à avoir une convexité positive. Dans ce cas, on est sûr que la stratégie permettra de gagner de l’argent quelle que soit l’évolution des taux d’intérêt. Exemple n° 19 : Nous considérons les trois obligations suivantes et construisons le butterfly de telle façon qu’il soit neutre en sensibilité et à décaissement nul sachant que l’on souhaite vendre 1000 obligations de maturité 5 ans. Tableau n° 32 : Caractéristiques des obligations disponibles Maturité Coupon Taux de rendement Prix Sensibilité Quantité 2 5% 5% 100 -1,853 Q1 5 10 5% 5% 5% 5% 100 100 -4,328 -7,722 Q2 = 1000 Q3 62 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Formellement, on cherche les quantités Q1 et Q3 telles que : (Q1 * 1,853 * 100) + (Q3 * 7,722 * 100) = (1000 * 4,328 * 100) (Q1 * 100) + (Q3 * 100) = (1000 * 100) D’où : Q1 = 578,65 et Q3 = 421,35 Nous traçons le profil de gain et perte du butterfly dépendant de la nouvelle valeur du taux. Nous constatons que le “butterfly” ainsi constitué a une convexité positive puisque la stratégie réalise un gain quelle que soit la nouvelle valeur du taux de rendement. Par exemple, si le taux de rendement s’établit à 4%, le gain est égal à 57DT. Gain de Stratégie Rendement à l’échéance 2% 4% 6% 8% 10% 12% Graphique n° 3 : Gain de la stratégie en fonction du niveau des taux d’intérêt Nous nous sommes situés jusque-là dans un cadre réducteur où la courbe des taux n’est affectée que par des mouvements parallèles. Nous nous plaçons maintenant dans un cadre plus large où la courbe des taux peut être affectée potentiellement par les trois principaux mouvements de déformation, niveau, pente et courbure. Nous envisageons dans un premier temps les 4 différents types de butterfly. - Le butterfly à décaissement nul Le butterfly à $duration équi-répartie sur les ailes31 Le butterfly à $duration ajustée par la volatilité des taux Le butterfly à $duration ajustée par la maturité des obligations 31 On appelle $Duration le produit de la duration modifiée (ou sensibilité) par le prix. La Duration Modifiée permet de déterminer le gain relatif (ou perte relative), d’où : Gain relatif (perte relative) = - Duration Modifiée * Mouvement du taux La $Duration permet de calculer le gain absolu ou la perte absolue du porteur de l’obligation suite à un mouvement de taux, d’où : Gain absolu (perte absolue) = - Duration Modifiée * Prix (avant mouvement) * Mouvement du taux = $Duration * Mouvement du taux 63 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Rappelons qu’un butterfly est toujours de sensibilité égale à zéro et que la quantité investie dans le bullet est fixée au départ. Nous considérons les obligations aux caractéristiques suivantes : Tableau n° 33 : Caractéristiques des obligations disponibles Segment Court Moyen Long - Prix P1 P2 P3 Sensibilité S1 S2 S3 Quantité Q1 Q2 = a Q3 Stratégie à décaissement nul : On cherche à déterminer les quantités Q1 et Q3 telles que : (Q1 * S1 * P1) + (a * S2 * P2) + (Q3 * S3 * P3) = 0 (Q1 * P1) + (a * P2) + (Q3 * P3) = 0 La particularité de cette stratégie est qu’elle ne réclame pas de mise initiale. Les trois autres stratégies ne sont pas à décaissement nul. - Stratégie à $duration équi-répartie sur les ailes : On cherche à déterminer les quantités Q1 et Q3 telles que : (Q1 * S1 * P1) + (a * S2 * P2) + (Q3 * S3 * P3) = 0 (Q1 * S1 * P1) + (Q3 * S3 * P3) = (a * S2 * P2) / 2 Si la différence entre les variations de taux de rendement du centre et de l’aile courte (obligation de courte maturité) est égale à la différence entre les variations de taux de rendement de l’aile longue et du centre, le butterfly ainsi construit est insensible à des mouvements de pentification ou d’aplatissement de la courbe. Supposons, par exemple, que les taux de rendement initiaux des 3 obligations de maturité courte, moyenne et longue sont respectivement 4.5%, 5.5% et 6%. S’ils varient et deviennent 4.2%, 5.5% et 6.3% (mouvement de pentification) ou 4.8%, 5.5% et 5.7% (mouvement d’aplatissement), la différence entre les variations de taux du centre et de l’aile courte est égale à 0.3%, de même que la différence entre les variations de taux de l’aile longue et du centre. Dans ce cas, le butterfly construit est insensible aux déformations de la courbe. - Stratégie à $duration ajustée par la volatilité des taux : On cherche à déterminer les quantités Q1 et Q3 telles que : (Q1 * S1 * P1) + (a * S2 * P2) + (Q3 * S3 * P3) = 0 (Q1 * S1 * P1) * 1/b = (Q3 * S3 * P3) 64 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Les taux courts sont plus volatiles que les taux longs. On peut donc s’attendre à ce que la différence entre les variations de taux de rendement du centre et de l’aile courte soit supérieure à la différence entre les variations de taux de rendement de l’aile longue et du centre. Le coefficient b est calculé par un modèle de régression entre les variations de la différence de taux de rendement du centre et de l’aile courte et les variations de la différence de taux de rendement de l’aile longue et du centre. Les valeurs obtenues pour le coefficient b dépendent de la fréquence des données utilisées (quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle) et naturellement de la période historique étudiée. Notons que le butterfly à $duration équi-répartie sur les ailes correspond à un «butterfly» à $duration ajustée par la volatilité des taux qui aurait un coefficient b égal à 1. Supposons que l’on obtienne une valeur de 0.5 pour le coefficient de régression, cela signifie que si la différence entre les variations de taux de rendement du centre et de l’aile courte est deux fois plus importante que la différence entre les variations de taux de rendement de l’aile longue et du centre, le «butterfly» ainsi construit est insensible à des mouvements de pentification ou d’aplatissement de la courbe. Supposons par exemple que les taux de rendement initiaux des 3 obligations de maturité courte, moyenne et longue sont respectivement 4.5%, 5.5% et 6%. S’ils varient et deviennent 4.2%, 5.5%, 6.15% (mouvement de pentification) ou 4.8%, 5.5% et 5.85% (mouvement d’aplatissement), la différence entre les variations de taux du centre et de l’aile courte est égale à 0.3%, soit deux fois plus élevée que la différence entre les variations de taux de l’aile longue et du centre. Dans cette hypothèse, le butterfly ainsi construit est insensible aux déformations de la courbe. - Stratégie à $duration ajustée par la maturité des obligations : On cherche à déterminer les quantités Q1 et Q3 telles que : (Q1 * S1 * P1) + (a * S2 * P2) + (Q3 * S3 * P3) = 0 (Q1 * S1 * P1) = -a * (M2 – M1) * S2 * P2 (M3 – M1) (Q3 * S3 * P3) = -a * (M3 – M2) * S2 * P2 (M3 – M1) Où, M1, M2 et M3 sont les maturités respectives des obligations courte, moyenne et longue. Ce produit est construit dans le même esprit que le butterfly à $duration ajustée par la volatilité des taux. En fait, il correspond à un butterfly à $duration ajustée par la volatilité des taux qui aurait pour coefficient de régression : 65 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ b * (M2 – M1) (M3 – M2) Exemple n° 22 : Nous considérons trois obligations aux caractéristiques suivantes : Tableau n° 34 : Caractéristiques des obligations disponibles Echéance Taux de rendement Prix Quantité Sensibilité 2 ans 4,5% 100,936 Q1 -1,869 5 ans 5,5% 97,865 -10 000 -4,304 10 ans 6% 92,64 Q3 -7,568 Nous construisons les 4 types de butterfly de la façon suivante: - Nous vendons 10 000 obligations de maturité de 5 ans. - Nous achetons Q1 obligations de maturité 2 ans et Q3 obligations de maturité 10 ans. - Nous considérons un coefficient b égal à 0,5 pour le butterfly à $duration ajustée par la volatilité des taux : Les résultats obtenus en termes de quantités Q1 et Q3 dans le barbell sont les suivantes : 1234- Butterfly à décaissement nul : Q1 = 5553.5 et Q3 = 4513.1 Butterfly à $duration équi-répartie sur les ailes : Q1 = 11165.7 et Q3 = 3003.5 Butterfly à $duration ajustée par la volatilité des taux : Q1 = 7443.8 et Q3 = 4004.7 Butterfly à $duration ajustée par la maturité des obligations : Q1 = 8374.3 et Q3 = 3754.4 Analyse de la stratégie mise en place : Quand un gérant de portefeuille met en place une stratégie, il a besoin de savoir ce qu’il va gagner dans le scénario de déformation de la courbe des taux qu’il anticipe. Mais comme il n’est pas sûr que son scénario se réalise, il a aussi besoin de mesurer le risque qu’il prend si ce scénario ne se réalise pas dans les faits. Pour cela, il met en place un outil qui lui permet d’envisager tous les scénarios possibles de déformation de la courbe des taux. Cet outil appelé analyse par scénario lui permet de calculer : le taux de rendement le plus défavorable suite à la mise en place de la stratégie d’investissement ; le taux de rendement moyen et son écart-type en prenant en compte l’ensemble des scénarios possibles de déformation de la courbe. L’analyse par scénario est généralement implémentée en deux étapes : 66 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ D’abord, le gérant de portefeuille imagine les différents scénarios possibles de déformation de la courbe jusqu’à un horizon donné (son horizon d’investissement) et calcule les taux de rendement de sa stratégie sous chacun des scénarios. Ensuite, il donne des probabilités de réalisation à chacun des scénarios et calcule l’espérance et l’écart-type du taux de rendement de sa stratégie. Exemple n° 20 : Considérons à la date t = 0, - La courbe des taux zéro-coupon suivante : Tableau n° 35 : Taux zéro coupon Maturité 1 an 2 ans 3 ans 4 ans 5 ans Taux zéro coupon 4% 4,25% 4,75% 5% 5,2% - et le portefeuille obligataire suivant : Tableau n° 36 : Caractéristiques des obligations du prtefeuille Obligation Maturité Taux de coupon Prix Quantité 1 1 an 4% 100 1000 2 3 ans 6% 103,51 1000 3 5 ans 5% 99,36 1000 Un gérant de portefeuille qui a un horizon d’investissement d’un an imagine six scénarios différents de déformation de la courbe des taux à cet horizon : Tableau n° 37 : Les différents scénarii de déformation de la courbe des taux Taux zéro-coupon 1 an 2 ans 3 ans 4 ans 5 ans Hausse en niveau 5% 5,5% 5,75% 6% 6,2% Baisse en niveau 3% 3,5% 3,75% 4% 4,2% Inchangé 4% 4,25% 4,75% 5% 5,2% Aplatissement 4,3% 4,6% 4,75% 4,85% 5% Pentification 3,8% 4,3% 4,75% 5,2% 5,5% Courbure 4,2% 4,5% 4,75% 5% 5,1% Il calcule le taux de rendement de son portefeuille à l’horizon d’un an pour chacun des scénarios : Tableau n° 38 : Rendement des obligations et du portefeuille selon les différents scénarii Scénario Obligation 1 Obligation 2 Obligation 3 Portefeuille Hausse en niveau 4% 3,32% 2,30% 3,21% Baisse en niveau 4% 7,02% 9,45% 6,82% Inchangé 4% 5,59% 5,82% 5,14% 67 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Aplatissement 4% 4,95% 6,27% 5,07% Pentification 4% 5,51% 5,16% 4,89% Courbure 4% 5,13% 5,79% 4,97% En supposant que tous les scénarios sont équiprobables, l’espérance du taux de rendement du portefeuille et son écart-type s’établissent à : E(R) = 5,02% Ecart type = 1,045% 5.1.4. Les stratégies basées sur les notations de crédit et les devises : 5.1.4.1. Les stratégies basées sur les notations de crédit (ou les écarts de taux) : Le marché des obligations peut être subdivisé selon différents critères : le type de l’émetteur (souverain, corporate, …), la qualité (AAA, AA, A, BBB), l’échéance (au plus 1 an, 5 ans, 10 ans, 20 ans, 30 ans, perpétuité). Les stratégies basées sur l’écart de crédit ou de taux consistent à tirer profit d’une anticipation de changement de l'écart de rendement entre deux ou plusieurs compartiments du marché. On désigne donc par swap inter-marché l’échange d’une obligation par une autre lorsque l’investisseur croit que l'écart de rendement entre les deux obligations de différents segments du marché est anormal et qu’il anticipe une correction sur la période d’investissement. Considérons l'écart de crédit qui constitue la différence entre le TRE de deux obligations qui ne diffèrent l'une de l'autre que par la cote de crédit de leur émetteur. Cet écart varie en fonction des anticipations de changement de la situation économique. Il augmente en période de récession ou de crise financière et diminue en période de croissance économique. Le swap inter marché permet de tirer profit de ces variations dans l’écart de crédit en procédant à une prévision du cycle économique. Il faut aussi noter : - que l'écart de crédit dépend du niveau général des taux d’intérêt32. Plus le niveau général des taux d’intérêt est élevé plus l’écart de taux est grand et vice-versa. - qu'un swap inter-marché pur nécessite le maintien de la même duration des obligations échangées. En d’autres termes, le gestionnaire ne doit pas prendre une bonne décision en termes d'écart de taux inter-marché au prix d’une mauvaise décision en termes d'exposition aux variations des taux d’intérêt. 5.1.4.2. Les stratégies basées sur les devises : 32 Il augmente avec le niveau général des taux. C’est ainsi qu’au début des années 80 par exemple, les écarts de crédit étaient beaucoup plus élevés que de nos jours. 68 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Des différentiels de taux de rendement (ou de spreads) peuvent exister entre les obligations domestiques et celles libellées dans d’autres devises. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces écarts, par exemple des décalages en matière de cycles économiques, des écarts entre les anticipations inflationnistes, des prévisions d’évolution des taux d’intérêt différentes, etc... Les anticipations sont au cœur de cette approche. Par exemple, un investisseur qui pense qu’une devise va s’apprécier et que les marchés lui donnent raison, bénéficiera à la fois de la hausse du rendement (baisse des taux d’intérêt) et de l’effet du taux de change. 5.1.5. Les stratégies basées sur les caractéristiques propres à chaque obligation Elles consistent à identifier des obligations sous-évaluées ou surévaluées par rapport à d’autres obligations de mêmes caractéristiques (même coupon, même échéance, même qualité de risque, mêmes clauses de remboursement ou de rachat, etc. mais un taux de rendement différent). Un swap dans lequel le gestionnaire de portefeuille échange une obligation par une autre ayant les mêmes caractéristiques est appelé swap de substitution. Ce swap est souvent motivé par des écarts injustifiés ou des anomalies de marché. Exemple n° 21 : On considère les trois obligations suivantes avec les cash flows correspondants : Tableau n° 39 : Caractéristiques des obligations Obligation Prix CF1 CF2 CF3 A 900 1000 - - B 820 - 1000 C 725 1000 A partir de ces cash flows, on peut déduire les taux d’intérêts spot suivants : r0,1 = 11.11% r0,2 = 11.43% r0,3 = 11.32% De cette structure des taux spot, on peut extraire les taux à terme : r1,2 = 9.75% = ř1,2 r2,3 = 13.12% = ř2,3 C’est ce que le marché anticipe conformément à la théorie des anticipations pures. Examinons l’obligation D dont les cash-flows annuels se présentent comme suit : CF1 = 100, CF2 = 100 et CF3 = 1100. Prix d’équilibre de cette obligation= 100 (1.1111)-1 + 100 (1.1143)-2 + 1100 (1.1132)-3 = 969.41 69 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Si le prix de marché de cette obligation est = 950, l’obligation est alors sous-évaluée33. Soit R1 : le rendement sur une période de cette obligation qui est sous-évaluée : = c + (P1 – P0) P0 Prix anticipé dans un an : P1 = 100 (1.0975)-1 + 1100 (1.0975) –1 (1.1312) –1 = 977,15 R1 = (100 + 977.15) – 950 = 13.38% 950 Récapitulation : - rendement sous forme de coupon = 100 / 950 = - rendement lié au changement de la valeur d’équilibre = (977.15 – 969.41) / 950 = - rendement lié à la sous-évaluation = (969.41 – 950) / 950 = Total = 10.53% 0.81% 2.04% 13.38% Si l’obligation avait été correctement prisée à l’origine : R1 = 100 + (977.15 – 969.41) = 11.11% 969.41 La gestion active des obligations implique donc la sélection des titres sous-évalués. D’autres stratégies peuvent être basées sur l’anticipation de l’évolution des taux d’intérêt « stratégies de timing », pour lesquelles s’il est anticipé que : les taux d’intérêts augmentent, les prix des obligations doivent baisser, la stratégie consiste alors à acheter des obligations de courte échéance et à gros coupons. les taux d’intérêts baissent, les prix des obligations doivent augmenter, la stratégie consiste alors à acheter des obligations à échéance plus lointaine et à faibles coupons. 5.2. Les stratégies de gestion passive de portefeuille obligataire : Les deux grandes classes de stratégies de gestion passive de portefeuille obligataire sont la gestion indicielle et l'immunisation de portefeuille. 5.2.1. La gestion indicielle d’un portefeuille obligataire : Elle consiste à former un portefeuille afin de reproduire la performance d’un indice obligataire 34 . On distingue différentes techniques de réplication, la plus simple implique 33 Lors de la détermination du prix d’équilibre de l’obligation D, l’actualisation de chacun des cash-flows a été effectuée moyennant un taux d’actualisation (taux spot) différent. Ces différents taux pourraient être remplacés par un taux unique appelé taux actuariel. 100 (1.1111)-1 + 100 (1.1143)-2 + 1100 (1.1132)-3 = 969.41 = 100 (1+k) -1 + 100 (1+k) -2 + 1100(1+k) -3. → k = 11.28% 34 Un indice d'obligations est une valeur composite pour un panier d'obligations ayant des caractéristiques similaires, telles que la maturité (court, moyen ou long terme), le type d'émetteur (gouvernement ou entreprise) 70 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ de reproduire de manière précise l’indice cible35 et de détenir tous les titres de cet indice dans leurs exactes proportions. Une fois la réplication achevée, il est nécessaire de procéder à des transactions dans le portefeuille chaque fois que la composition de l’indice change36. Beaucoup de titres de l’indice sont insuffisamment liquides et la composition de l’indice change régulièrement au fur et à mesure que des titres arrivent à maturité. C’est pourquoi, cette approche pose un double problème, celui du risque de réplication et de risque de suivi. Les erreurs de réplication peuvent découler: Du grand nombre d'obligations qui composent les principaux indices obligataires ; D’une pondération différente des titres par rapport à l’indice ciblé ; De l’indisponbilité de certains titres et des problèmes de liquidité liés au niveau de développement du marché secondaire des obligations ; Des différences entre les prix utilisés pour calculer la valeur de l'indice et ceux auxquels l'investisseur peut acquérir ces titres sur le marché. Des multiples modifications de l'indice du fait de nouvelles émissions, de la disparition d’obligations qui arrivent à échéance (en dépit du fait que généralement, celles qui arrivent à échéance dans moins d'un an sont éliminées dès le début de la plupart des indices), etc… ; Des différences entre les taux de réinvestissement des coupons utilisés dans le calcul du rendement de l'indice et ceux auxquels l'investisseur a réellement accès ; De la réallocation retardée comparativement à l’indice ou de l’”Indexing” enrichi lorsque le gestionnaire veut tenter de «déjouer» le marché ; Des frais de gestion. ou la qualité de crédit. Ces indices servent à mesurer la performance globale du marché obligataire et de ses sous-sections. La valeur d'un indice représente la valeur composite des obligations qui constituent l'indice, pondérées conformément à la capitalisation du marché. Les taux de variation de cette valeur, à la hausse ou à la baisse dans le temps, peuvent renseigner sur les tendances et les conditions du marché. Le rendement total d'un indice obligataire peut servir de référence aux investisseurs et aux gestionnaires de fonds obligataires pour mesurer les performances d'un portefeuille similaire d'obligations. 35 Il existe plusieurs indices obligataires qui peuvent être répliqués. Certains sont connus, d’autres le sont beaucoup moins. Des maisons de courtage rivalisent d'ardeur pour produire et mettre sur le marché des indices obligataires. Aux États-Unis, les trois indices obligataires les plus connus et qui couvrent l'ensemble du marché obligataire sont : - L'indice agrégé de Lehman Brothers (il compte plus de 6500 obligations) - L'indice obligataire BIG (Broad Investment-Grade) de Salomon Brothers (il compte plus de 5000 obligations) - Merrill Lynch Domestic Market Index. On distingue également plusieurs indices spécialisés dans des compartiments ou soussecteurs précis du marché obligataire. Par exemple, il y a l'indice des obligations gouvernementales de Lehman Brothers, l'indice des obligations Yankee de Lehman Brothers, l'indice des obligations Brady de Salomon Brothers et l'indice des obligations convertibles 100 de Goldman Sachs. En Europe, il y a l’indice EuroMTS des emprunts d’Etat de la zone euro. 36 Ce type d’approche convient mieux aux actions étant donné que les changements que connait un portefeuille obligataire sont plus nombreux. En effet, contrairement aux actions les obligations ont généralement des durées de vie limitées et parfois très courtes. 71 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Le risque de suivi ou « tracking error » est une mesure relative de la déviation du portefeuille de réplication par rapport à l’indice de référence. Cette mesure indique le risque de voir la performance du portefeuille dévier de celle de l’indice de référence37. Une alternative naturelle à l’approche simple décrite ci-dessus, est l’échantillonnage stratifié (ou la réplication des attributs de l’indice). Pour répliquer un indice selon cette méthode, il s’agit de pouvoir représenter toutes ses caractéristiques importantes avec moins de titres38. Au lieu d’acheter tous les titres de l’indice, on se limite à quelques titres représentants ses caractéristiques essentielles. Enfin, les modèles de risque nous permettent de répliquer des indices en créant des portefeuilles de “tracking error” minimale (réplication des rendements de l’indice). Cette technique de réplication implique deux étapes séparées qui sont l’estimation de la matrice de covariance des rendements des titres et l’utilisation de cette matrice pour l’optimisation de la “tracking error”. La procédure d’optimisation consiste à : – Créer un portefeuille de N titres individuels, – Choisir les poids de ces titres wi dans le portefeuille de façon à répliquer aussi étroitement que possible le rendement de l’indice cible. n n 2 Min Var (Rp – RB) = ∑ wi wJ σij + 2∑ wi σiB + σB w ,.., w i n i, j=1 i=1 S/C n Rp = ∑ wi Ri I=1 Avantages et inconvénients de la gestion indicielle : La gestion indicielle est complexe. Elle comporte des avantages et des inconvénients : 37 La « tracking error » ou erreur de suivi représente l'écart type de la série des différences entre les rendements du portefeuille et ceux de l'indice de référence. En effet, le but d’un fonds indiciel est de réaliser exactement la même performance que son indice de référence, que celle-ci soit positive ou négative. Une erreur de suivi faible signifie que la performance du fonds reste à chaque moment très proche de celle de l’indice. L'erreur de suivi est élevée en cas d'optimisation et très faible si la méthode d'indexation retenue est la réplication totale. 38 Exemples de caractéristiques : Duration (inférieure à 5 ans, comprise entre 5 et 10 ans et supérieure à 10 ans) ; Secteurs (dette publique, dette privée) ; Notation (AAA, AA, A, BBB) ; ainsi, le nombre total de cellules dans cet exemple est égal à 3 x 2 x 4, soit 24. 72 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 5.2.2. L’immunisation de portefeuille Contrairement à la gestion indicielle qui vise à répliquer un indice obligataire dont la performance n’est aucunement reliée aux engagements et besoins de l’investisseur, l’immunisation est la protection du portefeuille contre les variations du taux d’intérêt 39 . L’immunisation de portefeuille consiste à adopter une stratégie visant à gérer un portefeuille de façon à satisfaire les engagements de l’investisseur, c’est-à-dire, à sélectionner des titres générant des cash-flows supérieurs ou égaux à ses engagements. En d’autres termes, ce sont des stratégies d’immunisation où l’engagement du client sert de référence pour évaluer la performance du portefeuille obligataire. On distingue généralement trois types de stratégies d’immunisation : - L'immunisation pour satisfaire un seul engagement ; L’immunisation multi-périodique ; L’appariement des flux d’encaisse lorsqu'il y a une multitude d’engagements à honorer. 5.2.2.1. L’immunisation de portefeuille afin de satisfaire un seul engagement : 39 C'est dans les années 80 que l'immunisation, un concept apparu dans les armées 30, est revenu à la page. En effet, le contexte économique des années 80, caractérisé par un niveau élevé des taux d'intérêt et leur grande volatilité, a réaffirmé la nécessité pour les gestionnaires de portefeuille de mener un contrôle plus strict de ces taux afin de ne pas être pris au dépourvu en cas de variation substantielle. C'est un tel état de fait qui explique le passage à la stratégie de contrôle des durations qui s'est rapidement développée compte tenu du fait qu'elle évite aux gestionnaires d'être exposé aux risques liés aux variations de taux. Ces derniers se fixent donc un objectif de duration qu'il s'agira pour eux de respecter, les déchargeant quelque peu du fastidieux travail de prévision des taux. Ce faisant, les gestionnaires ont plus de temps à consacrer à l'analyse des secteurs dans lesquels investir et des valeurs à privilégier. Le souci principal du gestionnaire d'un portefeuille est d'éviter que la valeur de son portefeuille ne soit érodée par un mouvement des taux d'intérêt, l'empêchant ainsi d'honorer les paiements auxquels il est astreint. 73 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Certains investisseurs tels que des compagnies d’assurance, des gestionnaires de fonds de pension, etc. peuvent avoir des échéances précises de règlement de sommes importantes. La stratégie la plus simple, et communément utilisée consiste à acheter une obligation dont l’échéance correspond à celle de l’engagement de l’investisseur. Par exemple, si on a un engagement dans 10 ans, on achète une obligation à échéance 10 ans. En supposant que le risque de défaut est nul, on recevra le montant promis à la date prévue. Cette stratégie permet d’obtenir avec certitude le montant nécessaire au moment où on prévoit en avoir besoin. Toutefois, même lorsqu’on connaît la valeur nominale (ou de remboursement), il y a toujours un risque lié au réinvestissement des coupons. En effet, le rendement que réalisera un investisseur sur une obligation dépend des coupons, du taux auquel ces coupons sont réinvestis et du gain en capital réalisé à la fin de l’horizon d’investissement. Par conséquent: - - Lorsque l’horizon d’investissement (échéance de l’obligation) correspond à l’échéance de l’engagement, il n’y a aucun risque de prix, mais le risque concerne le réinvestissement des coupons. Par contre, lorsque l’horizon d’investissement est plus long que l’échéance de l’engagement, il y a un risque de prix et un risque de réinvestissement des coupons. L’investisseur fait donc face à deux types de risque : le risque de réinvestissement des coupons et le risque de prix. Illustration : Pour simplifier l’analyse, les 3 hypothèses suivantes sont considérées : • Les taux d’intérêt ne varient qu’une seule fois et cette fluctuation survient immédiatement après la date d’achat du titre ; • La courbe des taux est initialement plate ; • Le déplacement de la courbe des taux se fait de façon parallèle. La compagnie d’assurance vie ABC Inc. vend une police qui garantit au détenteur un taux d’intérêt semestriel de 6,06 % tous les 6 mois (équivalent à un rendement annuel de 12,5 %) pour une période de 5,5 années (11 périodes de 6 mois). Le prix de cette police, payé aujourd’hui par son détenteur est de 8 820 262 DT. À l’échéance, la compagnie d’assurance garantit au souscripteur une valeur de : 8 820 262 * (1,125)5.5 = 17 183 033 DT. Donc en investissant les 8 820 262 DT dans des obligations, la compagnie doit viser une valeur finale d’au moins 17 183 033 DT après 5,5 années (ce qui est équivalent à un TRE minimum de 12,5 % sur une base d’investissement en obligations). La compagnie d’assurance peut adopter l’une des stratégies suivantes : 74 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Stratégie 1 : Achat d’une obligation de coupon semestriel 12,5 %, d’échéance 5,5 ans, de TRE 12,5 % et de duration 4,17 années, inférieure à l’échéance de l’engagement (5.5 années). Si juste après l’acquisition, les taux d’intérêt augmentent, la valeur accumulée à l’échéance augmente. Cette augmentation s’explique par le rendement plus élevé issu du réinvestissement des coupons. Il n’y aucune perte en capital due à l’augmentation des taux d’intérêt car l’investissement dans l’obligation va se poursuivre jusqu’à l’échéance de cette dernière mais le réinvestissement des coupons se fait à un taux plus élevé (donc plus profitable). Si juste après l’acquisition les taux d’intérêt baissent, la valeur accumulée à l’échéance diminue. Cette baisse s’explique par le rendement moins élevé issu du réinvestissement des coupons. Il n’y a aucun gain en capital due à la baisse des taux d’intérêt car l’investissement dans l’obligation va se poursuivre jusqu’à l’échéance de cette dernière et de l’engagement pris par la compagnie envers son client. Ainsi, lorsque le taux d’intérêt varie, il n’y a que l’effet du réinvestissement des coupons qui joue (en supposant que l’obligation ne comporte pas de clauses de rachat). Stratégie 2 : Achat d’une obligation de coupon 12,5 % payable semestriellement, d’échéance 15 ans, de TRE 12,5% et de duration 7.25 années, supérieure à l’horizon de placement. Si les taux d’intérêt augmentent subitement après l’investissement, la valeur accumulée à l’échéance de l’engagement diminue. La diminution de la valeur accumulée se produit du fait que la dépréciation de la valeur de l’obligation (perte en capital) est plus importante que le revenu supplémentaire issu du réinvestissement des coupons à un taux plus élevé. Si les taux d’intérêt diminuent subitement après l’investissement, la valeur accumulée à l’échéance de l’engagement augmente du fait que l’appréciation du prix de l’obligation ou le gain en capital est plus important que le manque à gagner lié au réinvestissement des coupons à un taux moins élevé. Ainsi, lorsque l’échéance de l’engagement est inférieure à la duration du portefeuille, en cas de variation des taux d’intérêt, l’effet de l’appréciation ou de la dépréciation en capital dépasse toujours l’effet sur le revenu du réinvestissement des coupons. Inversement, l’effet du réinvestissement des coupons l’emporte sur l’effet de l’appréciation ou de la dépréciation en capital lorsque l’échéance de l’engagement est supérieure à la duration du portefeuille. Stratégie 3 : Achat d’une obligation de coupon 10,25 %, d’échéance 8 ans et de TRE 12,5%. La duration de cette obligation est de 5,5 années, égale à l’échéance de l’engagement. La valeur accumulée à l’échéance de l’engagement sera la même, peu importe la variation initiale du TRE. On est donc assuré d’avoir le rendement initialement visé de 12,5 % quelle que soit la fluctuation subite de taux d’intérêt. Ce phénomène est dû au fait que : Suite à une hausse du TRE, on subit une perte en capital mais on peut réinvestir les coupons à un taux plus élevé. Le temps requis pour compenser la perte en capital 75 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ avec les excédents de revenu du réinvestissement des coupons correspond à la duration des obligations. Suite à une baisse du TRE, on obtient un gain en capital mais les coupons seront réinvestis à un taux plus faible. Le temps requis pour que le gain en capital soit annulé par la diminution des revenus issus du réinvestissement des coupons correspond à la duration. Ainsi, quelle que soit la variation du taux d’intérêt, le montant accumulé à l’échéance de l’engagement est le même puisque le gain ou la perte en capital est compensé par la réduction ou l’excédent de revenu lié au réinvestissement des coupons. Exemple 22 : La compagnie C doit construire une nouvelle usine dans 10 ans. Le coût de l'usine est estimé à 1 million de dinars. Pour financer la construction, cette entreprise va compter sur le produit du placement de son épargne actuelle dans des obligations. Aucune obligation zéro coupon n’est disponible pour cette échéance et elle doit choisir entre les trois obligations suivantes qui sont de valeur nominale égale à 100 : Obligation 1 2 3 Tableau n° 40 : Caractéristiques des obligations disponibles Coupon Echéance Prix TRE 6% 30 69,179 9% 11% 10 112,835 9% 9% 20 100 9% Duration 11,88 6,745 9,61 Peut-on utiliser les obligations 2 et 3 pour construire le portefeuille d’immunisation ? La réponse est non, car il n’est pas possible d’obtenir avec ces deux obligations une duration pondérée de 10 ans. Puisque l’obligation 1 a une duration plus longue que 10, elle doit faire partie du portefeuille. Il y a lieu d’utiliser les deux premières obligations seulement ou les trois ensemble40. La valeur actualisée de l’engagement est : 422 411DT La duration de l’engagement est de 10 ans. Pour immuniser le portefeuille, il faut égaliser : 1. La valeur actualisée du portefeuille avec celle de l’engagement ; 2. La duration du portefeuille avec celle de l’engagement. La valeur totale investie dans les obligations, 1 et 2, doit être égale à la valeur actuelle de l’engagement : 69,179 X + 112,835 Y = 422 411DT La duration du portefeuille doit être égale celle de l’engagement : 11,88 * (69,179 * X) / 422 411 + 6,745 * (112,835 * Y) / 422 411 = 10 40 En fin de compte, comme on le verra plus loin la meilleure solution consiste à combiner les deux premières obligations. C’est elle qui minimise le risque de réinvestissement. 76 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ La résolution de ce système de deux équations à deux inconnues donne : X = 3869,584 obligations 1 Y = 1371,174 obligations 2 Bien sûr, en pratique, on doit arrondir ces nombres. Supposons qu’il y a soudainement une variation du TRE de 9% à 8% ou 10%. La valeur du portefeuille d’obligations et celle de l’engagement seront comme suit : Tableau n° 41 : Evolution de la valeur du portefeuille et de l’engagement en fonction des variation du taux d’intérêt Taux Valeur du portefeuille Valeur actuelle de l’engagement Ecart 8% 464 552 464 193 +359 10% 386 588,2 385 543 +1045,2 Remarque : La convexité impose que le portefeuille vaudra toujours plus que l’engagement. Récapitulation : Le caractère immunisé ou non d’un portefeuille obligataire dépend de l’évolution du gain en capital et du revenu de réinvestissement des coupons en fonction de la variation des taux d’intérêt sur le marché. Si le gain en capital augmente, celui tiré du réinvestissement des coupons diminue et vice-versa. Le résultat global dépend de la nature des obligations (avec ou sans coupon) et de la comparaison entre l’horizon d’investissement, l’échéance du portefeuille et sa duration. Tableau n° 42 : Evolution des revenus du portefeuille en fonction de sa duration et des variation du taux d’intérêt Augmente 1 Sans coupon avec horizon = échéance = duration Evolution du revenu lié au réinvestissement des coupons Demeure Inchangé Baisse Demeure inchangé 0 0 Standard avec horizon = duration Augmente augmente Perte 0 2 Baisse diminue gain 0 Standard avec horizon = échéance > duration Augmente Augmente 0 Positif Baisse Diminue 0 Négatif Standard avec horizon < duration Augmente Augmente Perte Négatif Baisse diminue gain positif Cas 3 4 Obligation Evolution des taux Gain ou perte en capital Résultat global 0 0 Le portefeuille est-il immunisé ? Oui Oui Conclusion : 77 Non Non Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Pour immuniser une valeur accumulée visée (donc un rendement cible) contre les variations de taux d’intérêt, un gestionnaire doit composer un portefeuille obligataire tel que la duration soit égale à l’échéance de l’engagement et que la valeur de marché des obligations acquises (valeur actuelle du portefeuille) soit égale à la valeur actuelle de l’engagement. Le rebalancement d’un portefeuille immunisé : L’illustration faite des principes de l’immunisation suppose une seule variation des taux d’intérêt. En pratique, les taux d’intérêt varient sur toute la période d’investissement. Par conséquent, la duration changera en fonction de la variation des taux. Puisqu’un portefeuille ne peut être immunisé contre les fluctuations des taux d’intérêt que si sa duration est toujours égale à la période restante jusqu’à l’échéance de l’engagement, le gestionnaire doit donc à chaque changement de taux d’intérêt, rebalancer son portefeuille de façon à modifier la duration de son portefeuille et l'ajuster à l’échéance restante de l’engagement. Ce re-balancement implique des frais de transaction relativement élevés, d'où la nécessité d'un compromis entre une immunisation parfaite (rebalancer le portefeuille autant que possible) et des frais de transaction moins élevés (rebalancement occasionnel). Remarques : Pour immuniser un portefeuille contre les variations de taux d’intérêt, il faut que la duration du portefeuille soit égale à l’horizon de l’engagement. Toutefois, le portefeuille serait immunisé contre les fluctuations de taux d’intérêt uniquement si la courbe des taux est plate et les déplacements de la courbe des taux sont parallèles. Si les déplacements de la courbe des taux d’intérêt ne sont pas parallèles, l’utilisation d’un portefeuille dont la duration est égale à l’échéance de l’engagement ne permettra pas d'atteindre exactement la valeur ciblée. On peut constituer plusieurs portefeuilles dont la duration est égale à l’horizon de l’engagement. Le portefeuille optimal à considérer pour couvrir la valeur d'un engagement est celui qui minimise le risque de réinvestissement. Par exemples : 78 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ - - Un portefeuille bullet composé d’obligations dont les échéances sont proches de l’échéance de l’engagement comporte moins de risque de réinvestissement qu’un portefeuille barbell. Un portefeuille d’obligations zéro-coupon comporte un risque de réinvestissement nul Fong et Vasicek (1984) ont proposé la mesure suivante du risque de réinvestissement de portefeuille qui n’est rien d’autre qu’une mesure de la dispersion temporelle des flux monétaires : Ft (t – H)2 N Mesure de risque de réinvestissement = ∑ --------------------t=1 (1 + r)t où : Ft est le flux monétaire du portefeuille obligataire au temps t ; N est l’échéance du dernier flux monétaire des obligations du portefeuille ; H est l’échéance de l’engagement r le taux de rendement à l’échéance du portefeuille obligataire. Cette mesure du risque est égale à : F1(1-H)2 / (1+r) + F2(2-H)2 / (1+r)2 + F3(3-H)2 / (1+r)3 +…+ FH(H-H)2 / (1+r)H +...+ FN(N-H)2 / (1+r)N La contribution au risque de réinvestissement des flux des premières et dernières années est plus grande que celle des années intermédiaires. La contribution de l’année H est nulle. D’où, il en découle que ce risque est faible lorsque l’occurrence des flux monétaires (CFt) est concentrée autour de l’échéance de l’engagement H. Le fait d’investir dans des obligations zéro-coupon (donc, duration égale à l’échéance), dont l’échéance est égale à l’horizon, nous permet d’immuniser la valeur future du portefeuille. Toutefois, en pratique, le TRE des obligations zéro-coupon est moins élevé que celui des obligations avec coupons. Par conséquent, l’utilisation d’obligations zéro-coupon pour s'immuniser coûte plus cher que l’utilisation d’obligations avec coupons. La valeur finale visée (rendement total) ne sera pas réalisée si un ou plusieurs émetteurs d’obligations du portefeuille font défaut. On peut restreindre l’univers d’investissement aux obligations gouvernementales (sans risque de défaut). Toutefois le rendement réalisé suite à cet investissement est moins élevé que celui découlant d’obligations plus risquées. Ainsi, pour les besoins de l’immunisation, l’utilisation d’obligations gouvernementales coûte plus chère que celles d’obligations corporatives. 5.2.2.2. L’immunisation conditionnelle : Elle consiste en une combinaison de stratégies actives et passives : on immunise si la valeur du portefeuille baisse à un niveau prédéfini. En d’autres termes, le gestionnaire de portefeuille poursuivra une stratégie de gestion active jusqu’à ce que les conditions de marché conduisent la valeur du portefeuille (à l’instant t) à un niveau qui se situe en dessous 79 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ d’une valeur nécessaire (à l’instant t) afin de réaliser les objectifs du client (une certaine valeur cible à l’instant H). Le seuil minimal est égal à : Valeur cible en H Seuil = ------------------------------(1 + r) H-t Où, r est le rendement de marché en vigueur au temps t. La différence entre la valeur de marché du portefeuille obligataire et ce seuil constitue le « coussin de sécurité » qui permet de décider d'un changement de stratégie de gestion, c’està-dire, du passage d’une stratégie active à une stratégie passive si le coussin est trop mince. Exemple n° 23 : Le client d’une banque veut investir 50 000 DT, il accepte un rendement annuel de 10.25 % (capitalisation semestrielle) sur un horizon de 4 ans. En même temps, il est possible pour la banque de réaliser un rendement de 12.36% sur un portefeuille immunisé. • La valeur initiale du portefeuille est de 50 000 DT, la valeur cible minimale à atteindre dans 4 ans serait de : 50 000 DT x (1,05)8 = 50 000 DT x (1,1025)4 =73 872,8 DT. • Le taux de rendement des obligations est de 12.36% et le montant minimum à investir dans l’achat d’obligations pour réaliser le montant ciblé de 73 872,8 DT est égal la valeur actuelle de ce montant au taux de 12.36% soit : 73 872,8 DT / (1,06)8, soit 43 348,7 DT. • Puisque la valeur du portefeuille est de 50 000 DT > 43 348,7 DT, le gestionnaire du portefeuille pourrait adopter au début une gestion active. • Supposons que le gestionnaire place tous les fonds dans une obligation d’échéance 20 ans coupon 12 % (6% semestriel), se transigeant au pair. Cas 1 : Les taux baissent à 9.2025 % après une période de 6 mois • Le prix de l’obligation augmente de 1 000 DT à 1 273,40 DT. • Les 50 obligations acquises initialement valent 63 670 DT (= 50 x 1 273,4 DT). Les coupons versés sont de 3 000 DT (= 50 x 1000 DT x 0,12/2). La valeur totale du portefeuille est donc de 66 670 DT. • Le taux de rendement à ce moment est de 9.2025 %, le montant du portefeuille obligataire à détenir pour réaliser une valeur cible de 73 872,8 DT (engagement initial ou valeur cible) correspond à la valeur actuelle au taux de 9.2025 % de cette valeur cible, soit : 73 872,8 DT / (1,092025)3,5 ou un montant de 54 283,9 DT. • La valeur du portefeuille est de 66 670 DT > 54 283,9 DT : le gestionnaire du portefeuille continuera à faire de la gestion active. Le coussin de sécurité est la différence entre ces deux valeurs. Cas 2 : Les taux augmentent à 14,7684 % après une période de 6 mois ? 80 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ • Le prix de l’obligation baisse de 1 000 DT à 852,32 DT. • Les 50 000 DT (= 50 x 1 000 DT) initialement investis valent 42 615,8 DT (=50 x 852,32 DT). Les coupons versés sont de : (50 x 1 000 DT x 0,12 / 2) = 3 000 DT La valeur totale du portefeuille est donc de 45 615,8 DT. • Le taux de rendement à ce moment est de 14,7684 % et le montant du portefeuille obligataire à détenir pour réaliser une valeur cible de 73 872,8 DT correspond à la valeur actuelle au taux de 14,7684 % de cette valeur cible, soit : 73 872,8 DT / (1,147684)3,5 = 45 614,9 DT. • La valeur du portefeuille est de 45 615,8 DT ne laissant plus qu'un très faible coussin ou une marge de sécurité de 0.9 DT, le gestionnaire de portefeuille change alors de stratégie et immunise son portefeuille. Conclusion : Pour mettre en place une stratégie d’immunisation conditionnelle, il faut : identifier une valeur cible ou un rendement cible à réaliser (par exemple le coût de l’argent à investir) ; Etablir un montant initial à immuniser en fonction de ce taux cible, ainsi que sa valeur présente en fonction de l’évolution des taux ; Mettre en place des procédures de contrôle afin que la valeur du portefeuille soit toujours supérieure à la valeur actuelle (au taux du marché) de l’engagement. 5.2.2.3. Stratégie d'immunisation multi-périodique L’immunisation multi-périodique est une stratégie de gestion de portefeuille qui consiste à composer un portefeuille de façon à satisfaire plusieurs engagements futurs prédéterminés, quels que soient les mouvements des taux d’intérêt sur la période. Dans le cas spécial des mouvements parallèles des taux d’intérêt, Fong et Vasicek (1983) ont montré que les trois conditions suivantes sont nécessaires et suffisantes pour assurer l’immunisation d’un portefeuille à engagements multiples : La valeur actuelle des flux monétaires du portefeuille obligataire doit être égale à la valeur actuelle des engagements multi-périodiques ; La duration du portefeuille doit être égale à la duration des engagements ; La distribution des durations des titres composant le portefeuille doit être plus large que celle des engagements (ainsi, tous les engagements sont couverts par des flux monétaires issus du portefeuille obligataire). Cela sous-entend qu'il est nécessaire de détenir une obligation dont la duration est inférieure ou égale à celle du décaissement ayant la duration la plus courte. De même, il faudra détenir en portefeuille une obligation dont la duration est supérieure ou égale à celle du décaissement le plus lointain. Exemple n° 24 : 81 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Hypothèse : courbe de taux d’intérêt plate au niveau de r=10% - Engagements : Année (n) Engagement (1+r)n Engagement actualisé Engagement actualisé pondéré 1 100 000 1,100 90 909 90 909 2 100 000 1,210 82 645 165 289 3 110 000 1,331 82 645 247 934 256 198 504 132 Duration : 1,968 - Obligations choisies pour constituer le portefeuille immunisé : Obligation 1 : Coupon 7% (1+r)n Flux actualisé Flux actualisé pondéré 0,5 3,500 1,049 3,337 1,669 1 103,500 1,100 94,091 94,091 97,428 95,759 Duration : 0,983 Obligation 2 : Coupon 0% (1+r)n Flux actualisé Flux actualisé pondéré 1 0,000 1,100 0,000 0,000 2 100,000 1,210 82,645 165,289 82,645 165,289 Duration : 2,000 Obligation 3 : Coupon 4% (1+r)n Flux actualisé Flux actualisé pondéré 1 4,000 1,100 3,636 3,636 2 4,000 1,210 3,306 6,612 3 4,000 1,331 3,005 9,016 4 104,000 1,464 71,033 284,134 80,981 303,397 Duration : 2,876 Soient X, Y et Z, les quantités de titres à investir respectivement dans les obligations 1, 2 et 3 sont telles que : 1. La valeur actuelle du portefeuille est égale à la valeur actuelle des engagements : (256,198) : 97,428 X + 82,645 Y + 80,981 Z = 256 198 2. La duration moyenne du portefeuille est égale à la duration des engagements = 1,968 (97,428 X) 0,983 + (82,645 Y) 2 + (80,981 Z) 3,747 = 1,968 256 198 256 198 256 198 0,374 X + 0,645 Y + 1,184 Z = 1 968 3. La distribution des durations des obligations du portefeuille est plus large que celle des engagements. 82 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Nous sommes en présence d’un système de deux équations à trois inconnues. Il suffit de fixer la valeur de l’une de ces trois inconnues pour déduire celles des deux autres. Par exemple, si on fixe X à 1 000, Y et Z seront égaux respectivement à 1 292 et 642. Flux de chacune des obligations Année 0 0,5 1 Flux 1ère obligation -97,428 3,5 103,5 Flux 2ème obligation -82,645 Flux 3ème obligation -80,981 2 3 4 4 104 100 4 4 Flux de l'ensemble du portefeuille P0 Année P0 Nombre Flux 1 obligation 1 000 -97 428 Flux 2ème obligation 1 292 -106 761 Flux 3ème obligation 642 0,5 1 3500 103500 2 3 4 2569 2569 66792 106069 131750 2569 66792 3500(1,1) + 106069 =109740 9740(1,1) + 131750 =142464 42464(1,1+2 569 =49279 ère Flux max du portefeuille 129181 2569 3500 Flux accumulé / Placement Engagement à honorer 0 100000 100000 110000 Reste à placer 3500 9740 42464 -60721 = 66792(1,1)-1 Remarques : Les proportions calculées permettent d’immuniser l’engagement sur l’ensemble de l’échéancier mais pas à la fin de chaque période. Ainsi, après avoir honoré la première échéance, il faut revoir la constitution du portefeuille de telle sorte que la duration du portefeuille soit égale à celle des engagements restants. Le problème relatif à ce type d’immunisation est l’hypothèse non réaliste de variations parallèles de la courbe des taux. Plusieurs modèles ont été dérivés pour tenir compte des variations non parallèles. Toutefois, il n’y a pas de modèle général pour chaque mouvement de la courbe. Ainsi, un modèle qui protège contre un 83 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ certain mouvement de la courbe peut avoir une grande exposition pour un autre type de mouvement de la courbe des taux. 5.2.2.4. Stratégie d’appariement des flux d’encaisse : Cette stratégie consiste à acheter des obligations dont les dates et les montants des flux monétaires correspondent aux dates et aux montants des décaissements à faire. Le gestionnaire sélectionne des obligations qui procurent, à chaque période, des flux monétaires permettant de faire face aux engagements de la période. Le principe de cette stratégie est le suivant : a) Une obligation est sélectionnée avec une échéance qui coïncide avec celle de l’engagement le plus éloigné. On investit dans cette obligation un montant tel que le flux monétaire qui en découle à l’échéance (valeur nominale ou de remboursement et dernier coupon) soit égal au montant du dernier engagement. b) Les autres engagements seront réduits des paiements périodiques de coupons de l'obligation choisie plus tôt (ici, l'obligation sélectionnée au point (a) et, une autre obligation est choisie pour faire face au montant restant de l’avant dernier engagement. c) La procédure du point (b) sera répétée jusqu’à ce que tous les engagements soient couverts par les flux du portefeuille obligataire. Récapitulation : Soient E1, E2, …. En, les montants des engagements à la fin des périodes 1 à n et, V1, V2, …. Vn, les valeurs nominales des obligations à échéance 1 à n. Pour que les engagements soient parfaitement immunisés, il faut que : En = Vn + cn,n , avec Vn la valeur nominale de l’obligation dont l’échéance est n (l’échéance du dernier engagement) et cn,n le dernier coupon de cette même obligation. En-1 – (cn,n-1) = Vn-1 + cn-1,n-1 , avec cn,n-1 et cn-1,n-1 respectivement les coupons des obligations n et (n-1) versés l’année (n-1). En-2 – (cn,n-2 + cn-1,n-2) = Vn-2 + cn-2,n-2 , avec cn, n-2 , cn-1,n-2 et cn-2,n-2 respectivement les coupons des obligations n, (n-1) et (n-2) versés l’année (n-2). ... E1 – (cn,1 + cn-1,1 + cn-2,1 + … + c2,1) = V1 + c1,1 Des techniques de programmation dynamique sont généralement utilisées afin de réduire les coûts relatifs à cette procédure d’immunisation. Exemple n° 25 : 84 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Une compagnie d’assurance vie a vendu une police d’assurance et promis un rendement de 10% et trois versements annuels d’un montant égal à 12 100, 12 100 et 11200 DT. Le premier versement devant s’effectuer dans un an. Calculez le prix de vente de cette police. Cette compagnie a le choix d’investir le prix de la police dans l’acquisition des obligations suivantes : Tableau n° 43 : Caractéristiques des obligations disponibles Obligation 1 Obligation 2 Obligation 3 Valeur nominale 100 100 100 Echéance 1 2 3 Coupon 0% 9% 12% Prix actuel 89,28571 94,939 100 Duration 1 1,91535 2,69 Obligation 4 100 5 0% 56,743 5 Si la stratégie de la compagnie d’assurance est celle de l’appariement des flux d’encaisse, quelles seront les obligations à considérer et les quantités à acheter ? Solution : Ce sont les obligations 1, 2 et 3 dont les échéances correspondent à celles des engagements. Pour ce qui est des quantités : 11200 = X (100 + (12% * 100)) => X =100 obligations 1 12100 – (12% * 100 * 100) = Y (100 + 9% * 100) => Y = 100 obligations 2 12100 - (12% * 100 * 100 + 9% * 100 * 100) = Z (100) => Z = 100 obligations 3 Remarques : Cette stratégie est plus coûteuse que l’immunisation multi-périodique mais ne comporte : o Aucune exigence concernant la duration du portefeuille ; o Aucun rebalancement de portefeuille (au besoin, il suffira de changer des obligations dont la qualité a baissé) ; o Aucun risque de ne pas honorer les engagements autre que celui de défaut des obligations ; o Pas de risque d’immunisation (variations non parallèles de la courbe de taux). Les stratégies d’immunisation présentées jusqu’à maintenant sont basées sur des modèles déterministes puisque les montants et les échéances des engagements financiers ont été assumés comme connus. En réalité, les montants et les échéances des engagements financiers sont souvent incertains. Des stratégies d’immunisation basées sur des modèles stochastiques (souvent très complexes) permettent d’incorporer ces incertitudes en utilisant des distributions de probabilité pour les taux d’intérêt, les montants et les échéances. 85 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ La combinaison des stratégies appariement-immunisation : Une variante combinant l’appariement des flux d’encaisse et l’immunisation multi-périodique est souvent utilisée en pratique. Cette stratégie mixte consiste à composer un portefeuille dont la duration est égale à celle des engagements avec la contrainte d’un appariement des flux d’encaisse pour les premières années (souvent les 5 premières années). L’avantage de la combinaison des deux stratégies réside dans le fait que les besoins de liquidités sont couverts pour la période initiale d’immunisation, ce qui réduit le risque lié aux mouvements non parallèles de la courbe des taux. L’inconvénient de la combinaison des deux stratégies est lié aux coûts de transaction plus élevés. 5.3. Les stratégies hybrides ou la combinaison de stratégies active et d’immunisation : Dans la stratégie d’immunisation conditionnelle, le gestionnaire de portefeuille adopte soit une stratégie active ou une stratégie d’immunisation (lorsque la valeur du portefeuille tombe en dessous d’une certaine valeur) et donc ne peut pas poursuivre les deux stratégies en même temps. Par contre, dans une combinaison stratégie active/immunisation, une partie du portefeuille sera gérée activement et l’autre sera immunisée. L’allocation de la portion des fonds du portefeuille qui sera gérée activement est fonction : Du taux cible permettant l’immunisation ; Du rendement minimum acceptable par le client et ; De l’anticipation du plus faible rendement pouvant découler d’une stratégie active. Une formule suggérée, par Gifford Fong Associates (société américaine de services de conseil en gestion de portefeuille, créée en 1974), peut être utilisée pour déterminer la portion du portefeuille à gérer activement : Portion active = RC - RM RC - RF où : RC : Rendement cible visé par la stratégie d’immunisation RM : Rendement minimum requis par le client RF : Rendement le plus faible anticipé de la stratégie de gestion active Remarques : Puisque les rendements de la formule précédente changent dans le temps, il est nécessaire de procéder à des rebalancements périodiques de portefeuille entre les deux portions active et passive. Pour un niveau donné de rendement cible permettant l’immunisation, plus le rendement minimum acceptable par le client est faible et/ou le rendement minimum d'une stratégie active est élevé, plus grand est le pourcentage du portefeuille alloué à la gestion active. Conclusion : 86 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ La maîtrise des dimensions de risques spécifiques et systématiques des obligations permet au gestionnaire de portefeuille d’élaborer des stratégies appropriées pour tirer profit de ses anticipations de l’évolution des taux. Il est souvent admis que les gestionnaires de portefeuille achètent des obligations seulement pour les coupons qu’elles offrent et la garantie d’obtenir la valeur nominale à l’échéance dans le contexte d’une stratégie d’achat-détention (buy and hold). Cependant, plusieurs gestionnaires exploitent la volatilité des taux d’intérêt et les déplacements de la courbe des taux dans leur gestion active de portefeuille obligataire. Les stratégies de gestion active visent à tirer profit des anticipations du niveau et de la structure à terme des taux d’intérêt, des écarts de rendement estimés injustifiés entre différents segments du marché obligataire, ou tout simplement pour exploiter des anomalies de marché. La profitabilité de ces stratégies repose sur les capacités d’analyse et de prévision du gestionnaire. Plusieurs investisseurs institutionnels utilisent les placements obligataires pour faire face à des engagements spécifiques. Les stratégies d’immunisation sont utilisées à ces fins. Parmi ces stratégies, on distingue celles d’immunisation conditionnelle et l’appariement des flux d’encaisses. Les rendements de ces stratégies sont fonction des niveaux de risque qui leur sont associés. 87 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Tableau n° 44 : Récapitulation des conditions d’adoption et des résultats des différentes stratégies de gestion de portefeuille obligataire Stratégie ou groupe de stratégies Stratégie basée sur les durations Conditions concernant la courbe des taux d’intérêt Forme Détails de la stratégie Mouvements Plate Parallèle Swap d’anticipation de taux : opter pour une obligation ou un portefeuille obligataire à duration plus élevée en cas d’anticipation de baisse de taux et vice-versa. Plate Parallèle Roll-over Sans Stratégies basée sur les anticipations de taux Ascendante Riding the yield curve changement Parallèle Non plate Aplatissement Basée sur les mouvements de la courbe de taux (pentification ou l’aplatissement des taux) Stratégies d’arbitrage Plate ou non Forte variation : Barbell Faible variation : Bullet ou barbell Barbell Raidissement Fable variation : bullet Forte variation : Barbell Parallèle ou non Butterfly à décaissement nul () : L’acquisition des titres à duration extrème est financée par la vente de titres à duration intermédiaire. L’investissement net est nul et la duration pondérée du portefeuille est nulle. Ecart de notation Swap inter marchés : profiter des écarts de crédit qui s’allongent en période de crise et se rétrécissent en temps de stabilité. Sur devises Pari sur les devises en hausse : investir dans les devises en appréciation pour tirer un rendement additionnel. Titres sous évalués et titres surévalués Acheter les titres sousévalués et liquider les titres sur-évalués 88 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Dupliquer le portefeuille du marché. Stratégie de gestion indicielle - Faire face à un seul engagement Plate Parallèle - - - Stratégies d’immunisation Immunisation multipériodique - Duration du portefeuille égale à celle de l’engagement. Valeur actuelle du portefeuille égale à la valeur actuelle de l’engagement Duration actuelle du portefeuille égale à celle des engagements Valeur actuelle du portefeuille égale à celle de l’engagement Distribution des durations des obligations du portefeuille plus large que celle des échéances des engagements Appariement des flux d’encaisse Faire correspondre les encaisses issues du portefeuille obligataire aux décaissements liés aux engagements. Immunisation conditionnelle Stratégie active tant que la valeur du portefeuille est supérieure à la valeur actuelle de l’engagement, sinon immunisation 89 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 6. Mesure et attribution de performance d’un fonds obligataire __________________________________________________________________________ Analyser la performance d’un portefeuille obligataire implique de calculer la rentabilité réalisée (performance « absolue »), d’évaluer la performance relativement à une référence ou un benchmark, de décomposer la performance selon les sources de rentabilité, d’identifier la performance liée aux décisions de gestion et d’apprécier la performance par rapport au niveau du risque pris. 6.1. La mesure de la rentabilité d’un fonds obligataire : On distingue trois méthodes pour le calcul de la rentabilité d’un fonds obligataire qui sont le taux de rentabilité interne (TRI), le taux de rentabilité pondéré par les capitaux (TRPC) et le taux de rentabilité pondéré par le temps (TRPT). a) Le taux de rentabilité interne (TRI) : Le TRI est le taux d’actualisation qui rend la valeur initiale du portefeuille égale à la somme de sa valeur finale actualisée et des flux nets actualisés de capitaux survenus durant la période. Le flux net de chaque sous période se calcule en faisant la différence entre le flux entrant dû au réinvestissement des coupons et aux apports des clients et le flux sortant résultant des versements effectués au profit des clients. n V 0 + ∑ Ft t=1 + Vn (1+r)t (1+r)n avec, r : le TRI recherché ; V0 : la valeur initiale du portefeuille ; Vn : la valeur finale du portefeuille ; Ft : le flux net de la période t Les inconvénients de cette méthode résident dans : Sa lourdeur, lorsque les flux sont très fréquents durant la période d’investissement ; L’impossibilité dans certains cas de déduire un seul TRI (changements fréquents du signe des flux nets périodiques) et l’obtention de plus d’un TRI non significatifs. - b) Le taux de rentabilité pondéré par les capitaux (TRPC) : C’est le rapport entre la variation de la valeur du portefeuille et la moyenne des capitaux investis durant la période. 90 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ n Vn - (V0 + ∑ Ft ) t=1 r = ---------------------------n V0 + ∑ (n – t) Ft t=1 n Cette méthode tient compte dans la mesure de performance du montant des capitaux effectivement gérés au cours de la période de mesure. Elle signifie implicitement que les apports ou retraits effectués entre deux valorisations sont placés à la performance moyenne réalisée pendant l’ensemble de la période. c) Le taux de rentabilité pondérée par le temps (TRPT) : Cette méthode, qui ne tient pas compte des apports ou retraits, permet de calculer une rentabilité pour chaque sous-période entre deux flux. D’où, La rentabilité sur toute la période est égale à la moyenne géométrique des rentabilités correspondant aux sous périodes. n Rrg = ∏ (1 + rs) - 1 S =1 Contrairement à la méthode précédente (TRPC) qui mesure la performance du fonds, celleci (TRPT), faisant abstraction des flux qui affectent le fonds, mesure plutôt la performance du gérant du fonds. Exemple n° 26 : Soit un portefeuille obligataire d’une valeur initiale en début d’année d’une valeur de 10 000 et qui a subi les flux suivants en termes d’apport et de retrait : Tableau n° 45 : Evolution des flux du portefeuille Apport en fin de Mois Retrait en fin de mois mois Janvier 1000 Février 1800 Mars 500 Avril 1300 Mai 1000 Juin 900 Juillet 2000 Août 800 Septembre 400 Octobre 300 Novembre 1200 Décembre Déterminez : 91 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Le taux de rentabilité moyenne arithmétique de ce portefeuille, Le taux de rentabilité interne Le taux de rentabilité pondérée par les capitaux Le taux de rentabilité pondérée par le temps - Tableau n° 46 : Calcul préliminaire à la détermination des différents taux de rentabilité Mois Apport / Retrait en début de mois (Ft) J F M A M J J A S O N D 10 000,00 1 000,00 1 800,00 - 500,00 1 300,00 - 1 000,00 900,00 - 2 000,00 800,00 - 400,00 300,00 -1 200,00 Valeur en début de mois Valeur en fin de mois Taux de rendement mensuel n-t Ft(n-t)/t 10 000,00 12 200,00 16 074,00 14 288,08 13 873,51 13 567,19 16 230,92 14 717,85 16 842,45 14 758,21 14 025,13 13 105,64 11 200,00 14 274,00 14 788,08 12 573,51 14 567,19 15 330,92 16 717,85 16 042,45 15 158,21 13 725,13 14 305,64 14 416,20 12% 17% -8% -12% 5% 13% 3% 9% -10% -7% 2% 10% 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 916.7 1500 -375 866,7 -583.3 450 -833.3 266.7 -100 50 -100 1 000.00 2058,5 Calcul des différents taux de rentabilité : 1) Rentabilité arithmétique = 14416,2 / 10000 – 1 = 44,16% 2) Taux de rentabilité interne = r tel que : -10000 – 1000 (1+r)-1 - 1800 (1+r)-2 + 500 (1+r)-3 - 1300 (1+r)-4 + 1000 (1+r)-5 - 900 (1+r)-6 + 2000 (1+r)-7 - 800 (1+r)-8 + 400 (1+r)-9 - 300 (1+r)-10 +1200 (1+r)-11 + 14416,2 (1+r)-12 r = 28,34% 3) Rentabilité pondérée par les capitaux = (14416,2 – (10000 + 1000)) / (10000 + 2058,5)= 28,33% 4) Rentabilité pondérée par le temps = (1,12 x 1,17 x 0,92 x 0,88 x 1,05 x 1,13 x 1,03 x 1,09 x 0,90 x 0,93 x 1,02 x 1,10) – 1 = 32,72% Remarques : La performance du portefeuille devrait être diminuée du montant des frais de transaction et des taxes prélevés lors de chaque opération. Contrairement au premier taux de rentabilité, les trois autres sont beaucoup plus proches et on peut conclure que le rendement de ce portefeuille est aux alentours de la moyenne de ces trois taux, à savoir 30%. 6.2. L’analyse de la performance d’un fonds : 92 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Après avoir traité de la performance absolue d’un fonds, on va dans ce qui suit traiter de sa performance relativement à une référence. a) La référence à un benchmark et la sur-performance : C’est la comparaison de la performance du fonds à une référence que l’on appelle benchmark, qui est, généralement, un indice de marché41 ou une combinaison de plusieurs indices. On désigne par surperformance (sous-performance) l’excédent (déficit) de la rentabilité du portefeuille par rapport au benchmark. b) L’attribution de performance : L’attribution de performance a pour objectif de décomposer l’écart de performance obtenu par rapport à une référence selon plusieurs facteurs explicatifs42. 6.2.1. Les modèles spécifiques d’attribution de performance obligataire : 1) La droite de marché obligataire : Wagner et Tito (1977) ont tenté d’appliquer la technique du MEDAF à l’évaluation de la performance obligataire43. Ainsi, la duration remplace le bêta comme mesure de risque. La droite de marché est construite sur la base des points définis par le rendement des Treasury Bills et de l’indice Lehman Brothers Government Corporate. Ce dernier indique le taux de rendement annuel moyen du marché durant une certaine période avec comme duration la somme des durations des titres individuels pondérées par leurs poids respectifs. Une fois cette droite tracée, l’écart entre le rendement du portefeuille géré et celui se trouvant sur la droite pour la même duration peut être décomposé en : 41 En dépit du fait que les titres composant le portefeuille peuvent ne pas être tous représentés dans l’indice (cas de gestion active où le gérant a tendance à dynamiser sa gestion par l’introduction de titres hors indice) par opposition à la gestion indicielle 42 L’attribution de performance doit être clairement distinguée de la mesure de performance des fonds. Cette dernière vise à identifier les gérants de fonds les plus performants par la simple lecture de classements réalisés sur la base de critères de performance plus ou moins sophistiqués notamment quant à la prise en considération du risque que le gérant fait supporter à son client pour atteindre un niveau de rentabilité. L’attribution de performance est véritablement un outil de gestion pour le gérant et (ou) son client qui souhaite identifier et expliquer les causes de la sur (sous)-performance obtenue par rapport à un portefeuille de référence. 43 Tito, D.A. & W.H. Wagner, Is Your Bond Manager Skillful ?, Pension World, June 1977, pp. 10-16. 93 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Rendement 8% Droite de marché obligataire (Bond Market Line) 6% x Lehman Brothers Bond Index (LBBI) 4% 2% x Treasury Bills Duration (ans) 3 6 8 9 10 12 Graphique n° 4 : Droite de marché obligataire Effet stratégie (Policy effect) : C’est la différence de rendement attendu due à une différence de stratégie concernant la duration du portefeuille comparée à celle de l’indice (LBBI). Une duration élevée suggère que le portefeuille devrait avoir un rendement plus élevé. Ainsi, en considérant que la duration et le rendement du LBBI sont respectivement de 7.5 ans et 5.5%, si le portefeuille géré a une duration de 8 3/4 années, selon la droite de marché obligataire son rendement devrait être d’environ 6%. La policy effect est donc de 1 1/4 années et 0.5% (50 points de base). b) Effet anticipation des taux d’intérêt : C’est l’effet d’un changement dans la duration du portefeuille pendant la période comparée à la duration de long terme. En période de baisse des taux d’intérêt, le gérant a tendance à augmenter la duration pour profiter davantage de l’appréciation des prix et vice-versa en période de hausse des taux afin de limiter l’impact en termes de baisse des prix. En considérant que la duration de long terme du portefeuille est de 8 3/4 années, elle implique que le rendement du portefeuille soit de 6%. Si le portefeuille avait une duration de 9 depuis le début d’année (anticipation de baisse de taux), en utilisant la droite de marché le rendement de ce portefeuille devrait être de 6,25%, l’effet d’anticipation de taux durant la période est 0,25%. a) c) Effet analyse : C’est l’écart de rendement attribuable à l’acquisition, en cours de période, d’obligations temporairement sous-évaluées par rapport à leur niveau de risque. d) Effet trading : il est le résultat des changements de cours des obligations durant la période, indépendamment de l’effet de variation du taux d’intérêt (effet anticipation de taux). Cet effet n’intègre pas non plus les augmentations de prix liées au fait que les titres étaient initialement sous-évalués (effet analyse). Pour mesurer l’effet combiné d’analyse et de trading, il y a lieu de comparer le rendement escompté pour le portefeuille géré depuis le début de la période (en utilisant la droite de marché) par rapport au rendement réel de ce même portefeuille. 94 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Un rendement réel supérieur au rendement attendu (en se situant sur la droite de marché) implique que le gérant a acquis des titres dont les prix ont augmenté (entre autres parce qu’ils étaient sous-évalués). Par exemple, un portefeuille ayant en début de période une duration de 9 ans, a un rendement anticipé de 6,25%. Si en réalité le rendement de ce portefeuille est de 6,5%, cela indiquerait un effet combiné d’analyse et de trading de 25 points de base. Ainsi, pour un effet analyse estimé à 0,15% par exemple, l’effet de trading sera de 0,10%. Pour récapituler, le rendement réel de ce portefeuille, 6.5%, comparé à celui de l’indice obligataire, 5.5%, fait apparaître un excédent total de rendement de 1% qui se décompose comme suit : 0,5% de « policy effet » dû à la duration plus élevée du portefeuille de long terme ; 0,25% d’ « anticipation effect » dû à l’augmentation de la duration du portefeuille en cours de période par rapport à celle du portefeuille de long terme ; 0,15% d’ « analysis effect » qui est l’impact d’une bonne sélection de titres individuels dans le portefeuille de début ; 0,10% de « trading effet ». Conclusion : Cette méthode décompose le rendement basé sur la duration comme mesure de risque, mais, elle ne traite pas du risque de défaut (risque de spread). En d’autres termes, elle ne distingue pas entre une obligation notée AAA et une autre BBB. Pour une même duration, la performance pourrait être significativement différente d’une obligation à l’autre. 2) La décomposition de Dietz, Fogler et Hardy (1980)44 : Dietz, Fogler et Hardy ont développé une technique pour décomposer la performance d’un portefeuille à travers trois effets : la maturité, le secteur et la qualité : Le rendement total d’une obligation durant une période est composé d’un : a) effet revenu connu (jusqu’à la maturité). C’est le rendement que l’investisseur recevrait si la courbe de taux reste inchangée durant la période. b) effet changement de prix lui-même inconnu dû à : un effet taux d’intérêt : il permet de mesurer ce qui est arrivé à chaque titre à cause de changements dans la structure par terme des taux d’intérêt au cours de la période. Exemple : supposons un spread de 40 points de base et que le rendement des Treasury Bills, de maturité correspondant à celle de l’obligation, passe de 3,4% à 3,7%. L’effet taux d’intérêt correspond à l’écart entre la valeur de ladite obligation 44 Dietz, Fogler, and Hardy, ‘The challenge of analyzing bond portfolio returns’, Journal of Portfolio Management, 1980. 95 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ déterminée sur la base d’un rendement de 3.8% (= 3,4% + 0,4%) et celle sur la base de 4,1% (= 3,7% + 0,4%). un effet secteur/qualité : C’est l’impact sur le rendement du portefeuille d’une prise de position sur un secteur d’activité ou une qualité de titre. Pour isoler cet effet, il faut déterminer l’excès (ou la réduction) de rendement, après prise en compte de l’effet revenu et de l’effet taux d’intérêt. Exemple : Durant une période, on peut trouver qu’en moyenne les titres d’entreprises de la nouvelle économie, notés A, affichent un excès de rendement de 0,3%. c) effet résiduel : C’est ce qui reste après la prise en compte des autres effets. 3) La décomposition de Fong, Pearson et Vasicek (1983)45 : Ces auteurs ont développé une technique de décomposition selon les sources de rendement. Le premier niveau de décomposition a pour but de distinguer : l’effet de l’environnement financier extérieur, qui est indépendant du contrôle du gestionnaire (I), mesuré par l’indice de performance pondéré de l’ensemble des émissions du Trésor américain, et la contribution du processus de gestion qui représente la valeur ajoutée du gérant (C). R=I+C L’effet de l’environnement financier extérieur peut, à son tour, être décomposé en deux sources, le rendement lié aux mouvements des taux d’intérêt et celui qui ne l’est pas. L’idée est de séparer le rendement anticipé du marché obligataire (E) de celui qui ne l’est pas (U), qui est fonction des changements des taux d’intérêt. Pour ce qui est des éléments ayant un effet sur la contribution du processus de gestion, on distingue : La gestion de la maturité (M) : c’est l’élément ayant le plus grand impact sur la performance. Détenir un portefeuille avec une duration longue durant une période de baisse de taux ou un portefeuille avec une duration courte durant une période de hausse de taux impliquerait un effet positif sur la performance du portefeuille ; La gestion des spreads (S) : c’est la répartition du portefeuille entre les différents secteurs et groupes de qualité du marché obligataire. Par exemple, la concentration du portefeuille dans le secteur de l’énergie en période de hausse du prix du carburant, augmentera le rendement du portefeuille. Pour mesurer cet effet, les auteurs proposent de réévaluer avec un spread moyen le prix des obligations. 45 Fong, Gifford, Charles Pearson and Oldrich Vasicek, 1983. “Bond performance : Analyzing sources of return”, Journal of Portfolio Management 9, pp. 46-50 96 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ la sélection des titres (B) : c’est l’effet de la sélection de titres spécifiques à un secteur donné dans le but d’améliorer le rendement du portefeuille. En effet, les titres individuels affichent des rendements supérieurs ou inférieurs à la performance moyenne de leur secteur, d’où l’objectif de la sélection est de mettre l’accent sur un segment d’obligations dont les rendements sont les plus avantageux. 4) Les modèles multi-factoriels d’attribution de performance : Les modèles qu’on vient de présenter se basent sur une décomposition additive de la performance d’un portefeuille obligataire. Cette approche est tout à fait acceptable pour l’analyse mono-périodique mais inappropriée dans un contexte multi-périodique. Le modèle additif rend difficile la conciliation de la décomposition de la performance avec l’apport des différents facteurs sur les différentes sous-périodes. Par ailleurs, ces modèles ne permettent pas de distinguer avec suffisamment de détails les différents domaines d’expertise du gestionnaire en vue de donner une idée claire sur sa contribution à la valeur ajoutée du portefeuille. Ils constituent, néanmoins, des bases solides afin de comprendre les facteurs influençant le rendement d’un portefeuille obligataire. Parmi les modèles multifactoriels, on va se limiter à la présentation de celui d’Elton, Gruber et Blake (1995)46. Ces trois auteurs ont, d’abord, étudié en 1993 la performance de 223 fonds obligataires américains sur la période 1987-91. Ils ont comparé la performance de ces fonds par rapport à un indice passif. Le but était donc de trouver l’alpha des portefeuilles (la part du rendement non attribuable à l’indice) sur la base d’un modèle multifactoriel du type : K Rit = αi + ∑ βij Ijt + εit j=1 avec, Rit : la rentabilité du fonds i sur la période t ; αi : la rentabilité non expliquée du fonds i ; Ijt : la rentabilité de l’indice j sur la période t ; βij : la sensibilité du fonds i au facteur j ; K : le nombre d’indice utilisés ; εit : la rentabilité résiduelle, et βij = Dij . Xij Dj avec, Dij: la duration des titres du fonds i appartenant à la classe d’actifs j ; 46 Elton, Edwin J.; Gruber, Martin J.; and Blake, Christopher R. (1995). Fundamental variables, APT, and bond fund performance. Journal of Finance 50:1229-1256. 97 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Dj : la duration de l’indice utilisé pour la classe d’actif j ; Xij : la proportion d’obligations dans le fonds i investie dans la classe d’actif j Dans leur modèle, Elton, Gruber et Blake (EGB) ont utilisé six indices représentatifs des obligations d’Etats à long terme, des obligations privées à long terme, des obligations d’Etats à moyen terme, des obligations privés à moyen terme, des obligations à haut rendement et des fonds communs de créances. A l’issue de cette étude, ils ont conclu que la performance des fonds obligataires était fortement corrélée aux indices pris en compte et qu’il n’existait pratiquement pas de gérant réalisant une performance supérieure à celle des autres. Etant donné que cette étude ne renseigne pas l’observateur sur les facteurs influençant la performance des fonds, EGB ont développé une seconde étude plus détaillée. Son originalité réside dans l’utilisation de variables économiques aussi bien pour expliquer la performance de l’indice que pour expliquer le rendement réel et anticipé des portefeuilles obligataires. Ils sont partis du principe que des études antérieures ont montré que certains facteurs étaient significatifs pour expliquer le rendement réel et anticipé des actions : - Le rendement du marché des actions en tant que mesure d’anticipation des conditions économiques générales ; - Le risque de défaut (ou risque de spread) ; - Le risque à terme (ou risque de taux) ; - Les changements non anticipés de l’inflation ; - Les changements non anticipés dans la croissance économique. Ces deux dernières variables mesurent les influences macro-économiques. En effet, un changement de ces variables fondamentales va affecter le niveau des taux d’intérêt (et donc le rendement des obligations) mais pourrait aussi impacter la certitude des flux futurs sur différents types d’obligations (titres d’entreprises ou immobiliers). Le canal de propagation étant les taux à court terme. A ces variables, ils ont rajouté deux autres : un indice de rendement immobilier ainsi qu’un indice global de la rentabilité des titres obligataires (indice agrégé). Le nombre total des facteurs est sept dont certains sont des indices négociés sur les marchés alors que les autres sont des facteurs mesurant les variations non anticipées des variables économiques. La rentabilité d’un titre est donc donnée par : J K Rit = E(Ri) + ∑βij λj + ∑ γik λk j=1 (1) k=1 avec, Rit : la rentabilité de l’actif i au temps t ; 98 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ βij : la sensibilité de l’actif i au j-ème portefeuille ; γik : la sensibilité de l’actif i au k-ème facteur économique ; λj : la prime de risque de l’indice j ; λk : la prime de risque de la k-ème variable économique. J : le nombre d’indice utilisés ; K : le nombre de facteurs. Un raisonnement par arbitrage permet d’écrire : J K E(Ri) = λ0 + ∑βij λj + ∑ γik λk j=1 (2) k=1 avec, λ0 : la rentabilité de l’actif sans risque ; Lorsque les variables sont des indices utilisés sur les marchés, la prime de risque s’écrit : λj = E(Rj) - Rf J K E(Ri) = Rft + ∑βij (E(Rj) - Rft) + ∑ γik λk j=1 (3) k=1 En reportant cette expression dans l’équation (1), on obtient : J K Rit = Rft + ∑ βij (Rjt - Rft) + ∑ γik (λkt + gkt) + ŋit j=1 (4) k=1 avec, Rjt : la rentabilité d’un portefeuille j négociable au temps t ; gkt : le changement non anticipé de la kème variable économique au temps t avec E(git) = 0, ŋkt : le rendement au temps t de l’actif i, non expliqué par les facteurs et les indices avec E(ŋ it) =0 Ce qui peut encore s’écrire : J K Rit - Rft = αi+ ∑ βij (Rjt - Rft) + ∑ γik (λkt + gkt) + ŋit j=1 (5) k=1 avec, K αi = ∑ γik λk k=1 Une fois le modèle paramétré, il peut être utilisé pour évaluer la performance des portefeuilles obligataires. Il pourrait être d’un grand intérêt pour mesurer l’aptitude du gérant à anticiper les changements dans la prévision des variables fondamentales ou pour expliquer aux gérants (et non seulement aux clients) les raisons de l’échec ou de la réussite de leur stratégie. 99 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 6.2.2. Les modèles simples de décomposition de la performance d’un fonds d’investissement : Le marché de la gestion d’actifs financiers pour compte de tiers s’est beaucoup développé47. Plus de la moitié est gérée de façon collective (OPCVM : SICAV et FCP) et le reste sous forme de mandat et concerne la plupart du temps des clients institutionnels (compagnie d’assurance, caisse de retraite, etc.). L’essor qu’a connu ce métier au cours des dernières années s’est accompagné d’une demande accrue d’information de la part de la clientèle, notamment en matière de mesure de performance et, depuis peu, d’attribution de performance. La demande croissante d’information émanant de la clientèle, surtout institutionnelle, a rendu nécessaire de dépasser les mesures globales de la performance. Un client peut légitimement se questionner sur les faits générateurs de la sur ou sous-performance du fonds dans lequel il a investi. Dès lors, il s’agit d’être capable, pour répondre à cette attente, de décomposer la sur ou sous-performance en ses principaux éléments constitutifs ; c’est le rôle de ce qu’il est convenu d’appeler l’attribution de performance. Remarquons que l’information délivrée par cette analyse est également riche d’enseignements pour le gérant du fonds ainsi que pour les différents intervenants dans le processus de gestion. Le modèle de Brinson, Hood et Beebower (1986) 48 : est le modèle d’attribution de performance couramment utilisé. Il décompose la performance en fonction des étapes du processus de gestion. Portefeuille benchmark Portefeuille réel Rendement de l’allocation stratégique du Benchmark : ∑(Wpi . Rpi) avec Wpi: le poids de la classe de risque i dans le benchmark et Rpi : rendement de la classe i dans le benchmark III Rendement provenant de l’allocation et de la sélection des titres : ∑(Wpi . Rai) avec Wpi: le poids de la classe de risque i dans le benchmark et Rai : le rendement de la classe i dans le portefeuille réel I 47 Le marché français, par exemple, figure parmi les leaders mondiaux. Il représente aujourd’hui près de 2000 milliards d’euros d’actifs dont plus de la moitié est gérée sous forme de gestion collective avec un total de plus de 10000 OPCVM (SICAV et FCP). 48 Brinson, Gary P; Hood, L Randolph; Beebower, Gilbert L Financial Analysts Journal; Jan/Feb 1995; 51, 1; ABI/INFORM Global pg. 133 100 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ II IV Rendement de l’allocation stratégique et tactique ∑(Wai . Rpi) avec Wai: le poids de la classe de risque i dans le portefeuille réel et Rpi : le rendement de la classe i dans le benchmark Rendement du portefeuille réel ∑(Wai . Rai) avec Wai: le poids de la classe de risque i dans le portefeuille réel et Rai : le rendement de la classe i dans le portefeuille réel a. L’effet allocation tactique (active asset allocation) : C’est l’effet d’une sur (ou sous) pondération d’une classe ou d’un secteur par rapport à son poids dans le benchmark. II – I = ∑(Wai . Rpi) - ∑(Wpi . Rpi) = ∑(Wai - Wpi) . Rpi b. L’effet sélection d’actif (security selection) : c’est le résultat du timing du gérant dans sa sélection de titres comparativement à leur poids dans le benchmark. III – I = ∑(Wpi . Rai) - ∑(Wpi . Rpi) = ∑Wpi . (Rai - Rpi) c. L’effet interaction : C’est l’effet combiné des décisions de gestion sur la performance du portefeuille et la contribution supplémentaire, ou au contraire, la réduction de performance qui en résulte. IV – II + III – I = ∑(Wai - Wpi) (Rai - Rpi) d. L’effet total (ou la sur-performance) : IV – I = ∑(Wai . Rai) - (Wpi . Rpi) Conclusion : Les modèles simples de décomposition suivant les étapes du processus de gestion sont basés sur le même principe, à savoir la distinction entre la performance provenant du risque pris et celle provenant de la sélection de titres. En outre, ces modèles considèrent que le principal facteur influençant la performance d’un fonds est l’indice de marché, d’où la limite de leur pouvoir explicatif, les fonds obligataires étant affectés par des facteurs plus complexes. Toutefois, la simplicité de ces modèles en fait leur force, car ils permettent assez clairement d’expliquer pour les fonds investis en actions la stratégie mise en place par le gérant et ses résultats. Toutefois, concernant les fonds obligataires, des lacunes sérieuses existent dans ces modèles. En effet, l’appréciation des deux risques définis plus haut, constitue la valeur ajoutée du gérant obligataire, chose que permettent d’expliquer les modèles d’attribution 101 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ de base de manière plus ou moins simpliste. Toutefois, se pose le problème de décomposition de la part de rendement attribuable à la bonne anticipation de mouvement de la courbe de taux. De plus, comment calculer la contribution d’une classe à la performance quand les caractéristiques des obligations changent au cours du temps (sensibilité, duration, …) ? Comment gérer le passage d’une classe à l’autre pour une obligation qui change de maturité à une autre inférieure ? Depuis les années 70, des auteurs se sont penchés sur ce problème et ont tenté de développer des modèles alternatifs tenant compte des particularités des fonds obligataires. Les premiers modèles spécifiques n’ont commencé à voir le jour qu’au début des années 80. 102 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ BIBLIOGRAPHIE _________________________________________________ Brinson, Gary P; Hood, L. Randolph; Beebower, Gilbert L., (1995), « Financial Analysts Journal »; Jan/Feb; 51, 1; ABI/INFORM Global pg. 133 De la Baume C., (1994), « Gestion du risque de taux d’intérêt », Economica. Daouas M., Mamaghli C. et Dhib K., (1994), « Mathématiques financières », Centre Natinal Pédagogique, Tunis. Daouas M., Zenaidi Chennoufi A. et Traabelsi Gharbi M., (2007), « Techniques financières internationales et couverture contre le risque de change », Centre de Publication Universitaire, Tunis. Dietz, Fogler, and Hardy, (1995), « The challenge of analyzing bond portfolio returns », Journal of Portfolio Management, 1980.FISHER, Irving, The Theory of Interest (1930), New York : A.M. Kelley, 1955. Elton, Edwin J.; Gruber, Martin J.; and Blake, Christopher R., (1995), « Fundamental variables, APT, and bond fund performance ». Journal of Finance 50:1229-1256. 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SUTCH (1966), « Innovations in Interest Rate Policy », The American Economic Review, Papers and Proceedings, vol. 56, May, pp. 178-97. 103 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ MODIGLIANI F. and R. SUTCH, (1967), « Debt Management and the Term Structure of Interest Rates: an Empirical Analysis », Journal of Political Economy, vol. 75, August, pp. 56989. Morissette D., (1993), « Valeurs mobilières et gestion de portefeuille », Les Editions SMG, Trois-Rivières, Québec, Canada. Navatte P., (1992), « Eléments de Gestion Obligataire », Sirey. O’Shaughnessy W., (1978), « Introduction aux mathématiques financières », 2e édition, Les éditions SMG, Trois-Rivières, Québec, Canada. Tito, D.A. & W.H. Wagner, (1977), « Is Your Bond Manager Skilful ? », Pension World, June, pp. 10-16. 104 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ APPENDICE NOTIONS DE MATHEMATIQUES FINANCIERES 1. L’intérêt simple : Dans un placement ou un emprunt de courte durée (moins d’un an), les intérêts sont calculés de manière simple. Ils sont déterminés proportionnellement au capital placé ou emprunté, au taux d’intérêt et à la durée du placement. Le montant de l’intérêt se mesure donc par : - Intérêts = I = V0 i n 360 Avec, V0 : le capital placé ou emprunté, i : le taux annuel d’intérêt et n : le nombre de jours de placement ou d’emprunt49. 1.1. Valeur acquise, valeur actuelle Pour comparer ou additionner des sommes versées ou reçues à des dates différentes, il est nécessaire au préalable de les actualiser afin de les ramener en théorie à la même date. L’actualisation consiste soit à calculer leurs valeurs à une date future, que l'on appelle valeurs futures ou valeurs acquises, soit à calculer leurs valeurs aujourd’hui, (ou leurs valeurs actuelles). Le taux d'intérêt qui permet de passer d’une valeur future à une valeur actuelle et inversement s’appelle taux d’actualisation. Concrètement, ce taux est soit un taux d’emprunt, soit un taux de placement, suivant la situation que l’on envisage. 1.2. Intérêts post-comptés et précomptés : Lorsque l'intérêt est versé à la fin de l’opération (prêt ou emprunt), ce qui est le cas le plus courant, il est dit post-compté ou à terme échu. Ainsi, une somme V0 placée ou empruntée pendant n jours au taux i post-compté donnera lieu n jours plus tard à un remboursement de : Vn = V0 + I. C’est le cas de la plupart des opérations financières à court terme (découvert bancaire, compte sur livret, placement à terme…). Lorsque l'intérêt est versé au début de l’opération, il est dit précompté. Ainsi, une somme V0 empruntée sur n jours au taux i précompté ne donne lieu au début de l'opération qu'à un versement de V0 – I. A l'échéance, l'emprunteur devra rembourser V0. C'est le cas notamment de l'escompte commercial, de certains certificats de dépôts ou de certains billets de trésorerie. L'intérêt précompté avantage le prêteur puisqu'il reçoit l'intérêt plus tôt, au début de la période de placement. Par contre, l'intérêt post-compté avantage l'emprunteur qui verse l'intérêt plus tard, à la fin de la période d'emprunt. Cas des intérêts post-comptés : 49 Par convention, le taux d’intérêt pour une période de moins d’un an est calculé sur la base d’une année de 360 jours (12 mois de 30 jours). 105 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ - Valeur acquise ou future d’un capital : La valeur acquise ou future d’un capital V0 placé au taux post compté i pendant n jours est égale à la valeur initiale de ce capital augmentée de la valeur des intérêts. Vn = V0 x (1 + i x n /360). Exemple n° 1 : Un capital de 5.000 DT a été placé à intérêt simple au taux de 5,5 % le 1er octobre. Quelle est sa valeur acquise le 10 novembre ? Solution : Il y a 40 jours entre le 1er octobre et le 10 novembre50. Vn = 5.000 x (1 + 5,5 % x 40/360) = 5 030,56 DT. - Valeur actuelle d’un capital : Pour calculer la valeur actuelle d’un capital, on utilise un procédé inverse à celui utilisé pour calculer la valeur future : Vn = V0 x (1 + i x n /360), donc : V0 = Vn / (1 + i x n /360) Exemple n° 2 : Quelle est la valeur actuelle, au taux d’actualisation de 5 %, d’un capital de 500 DT à recevoir dans 25 jours ? Solution : V0 = 500 / (1 + 5% x 25/360) = 498,27 DT. Cas des intérêts précomptés : - Valeur actuelle d’un capital : La valeur actuelle d’un montant Vn à recevoir ou à payer dans j jours au taux i précompté est égale à la valeur de cette somme diminuée de la valeur des intérêts. V0 = Vn x (1 - i x n /360) Exemple n° 3 : Une entreprise émet sur le marché des billets de trésorerie d'un montant nominal de 150 mille DT, d'échéance 90 jours et de taux facial 3,5% précompté. Quel est le prix d'émission du billet de trésorerie ? 50 La durée est calculée en nombre de jours exacts (sur une année de 365 ou 366 jours). 106 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Solution : V0 = 150 000 x (1 - 3,5 % x 90 / 360) = 148 687,50 DT - Valeur acquise d'un capital : Pour calculer la valeur acquise d'un montant V0 placée ou emprunté à taux précompté, on utilise un procédé inverse de celui utilisé pour calculer la valeur actuelle : V0 = Vn x (1 - i x n /360), donc : Vn = V0 / (1 - i x n /360) Exemple n° 4 : Une entreprise a besoin d'un financement d'au moins 30 000 000 DT et souhaite émettre sur le marché des billets de trésorerie de valeur nominale 150 000 DT, d'échéance 180 jours et de taux facial 4,5 % précompté. Combien de billets de trésorerie doit-elle émettre ? Solution : Si l'entreprise émet 200 billets de trésorerie (30 000 000 / 150 000), elle n'obtiendra qu'un financement de : 30 000 000 (1 - 4,5 % x 180 /360) = 29 325 000 DT. Pour obtenir au moins 30 000 000 DT, elle doit donc emprunter un montant correspondant à la valeur future des 30 000 000 DT dont elle a besoin aujourd'hui : Vn = 30 000 000 / (1 4,5 % x 180 /360) = 30 690 537,08 DT. Les billets de trésorerie étant d'une valeur nominale de 150 000 DT, il faut que cette entreprise émette 205 billets pour obtenir un peu plus de 30 millions DT. Passage du Taux post-compté au taux précompté : Démonstration : Considérons : D = n/360 L’intérêt précompté est égal à : Ipré = Vn Tpré D = (Vn - Ipré) D Tpost , donc : Vn Tpré D = (Vn – Vn Tpré D) D Tpost . D’où : Tpré = Tpost / (1 + Tpost D) et Tpost = Tpré / (1 - Tpré D) Taux précompté = Taux postcompté / [1 + (taux postcompté x nbre de jours) / 360] 107 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Taux postcompté = Taux précompté / [1 – (taux précompté x nbre de jours) / 360] Remarque : Le taux post-compté est appelé aussi taux de rendement ou taux « in fine » car il permet de calculer les intérêts réellement perçus pour un capital placé. 2. Intérêt composé et notion de capitalisation : En opérations financières à moyen ou long terme, un prêt ou un placement peut durer plusieurs années. Il semble naturel que le prêteur, au bout d’un an, considère l’intérêt produit par son capital comme un nouveau capital qui, ajouté au capital initial, portera intérêt à son tour. Ainsi, 100 DT placés à 10% produiront à la fin de la première année 10 DT d’intérêts simples qui porteront le capital placé à 100 + 10 = 110 DT. Ce capital de 110 DT fournira à la fin de la deuxième année à 10%, 11 DT d’intérêts, qui capitalisés à leur tour, porteront le capital placé à 110 + 11 = 121 DT qui produiront des intérêts au cours de la troisième année et ainsi de suite jusqu’à la fin de la durée du placement. La capitalisation des intérêts (le fait de les ajouter au capital) à la fin d’une période convenue (généralement l’année) est la caractéristique des placements à intérêts composés. 2.1. Valeur acquise d’un capital : En reprenant l’exemple précédent et en calculant le capital obtenu à la fin de chaque année : Année Capital placé en début d’année Intérêts 1 2 3 100 110 121 100 x 0.1 = 10 110 x 0.1 = 11 121 x 0.1 = 12.1 Capital accumulé en fin de chaque année 110 121 133.1 Le capital obtenu à la fin de chaque année s’appelle « valeur acquise » par le capital placé en début d’année. Généralisation : Considérons : V0 : le capital placé en début de la première période, i : le taux d’intérêt nominal, n : le nombre de période de placement. Tableau n° 1 : Valeur acquise d’un capital 1 V0 V0 i Capital accumulé en fin de chaque période V1 = V0 (1+i) 2 V0 (1+i) V0 (1+i) i V2 = V0 (1+i)2 3 V0 (1+i)2 V0 (1+i)2 i V3 = V0 (1+i)3 Période Capital placé en début de période Intérêts 108 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ … … … … n V0 (1+i)n-1 V0 (1+i)n-1 i Vn = V0 (1+i)n Remarques : - La capitalisation des intérêts peut être discontinue (annuelle, semestrielle, trimestrielle, mensuelle, quotidienne, …) ou continue. - Plus la capitalisation est fréquente, plus le capital accumulé au bout d’une même période est élevé. - Le taux d’intérêt i est nominal. C’est un taux simple par an. Il peut être périodique. Dans ce cas, il est égal à i/m, soit i/2 par semestre, i/4 par trimestre et i/12 par mois, etc. Mais : Vn = V0 (1+i)n < V0 [1+(i/m)]nm - La formule Vn = V0 (1+i)n n’est applicable que si le taux d’intérêt i et la durée n sont homogènes, c’est-à-dire exprimés dans la même unité de temps que la période de capitalisation convenue. Exemple n° 5 : Un capital de 8500 DT placé à intérêts composés au taux de 11.4% pendant 10 ans. Calculez sa valeur acquise. V0 = 8500 DT, i = 11,4%, n = 10 V10 = 8500(1,114)10 = 8500 x 2,943578 = 25020,413 DT Exemple n° 6 : Un capital de 15000 DT est placé à intérêts composés au taux de 12% l’an. Calculer sa valeur acquise au bout de 7 et 8 mois. V7+8/12 = 15000 (1,12)7+8/12 (1,12)7+8/12 = 2,210681 + 0,265282 x 8 = 2,3875356 12 V7+8/12 = 35813,034 DT Exemple n° 7 : Calculer la valeur acquise par un capital de 13500 DT placé au taux de 10,8% pendant 6 ans et 7 mois. V6+7/12 = 13500 (1,108)6+7/12 = 13500 x 1,9668826 = 26552,915 DT 2.2. Taux proportionnels et taux équivalents : Taux proportionnels : le taux proportionnel au taux annuel i et relatif à une période k fois plus petite que l’année est égale à i/k. Ainsi, le taux mensuel proportionnel au 109 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ taux annuel 9% est 0,09/12 = 0,75%. Le taux semestriel proportionnel à ce même taux annuel est 0,09/2 = 4,5%. Taux équivalents : En intérêts composés, plus la période de capitalisation est courte, plus la valeur acquise par le même capital au bout de la même période est grande. Pour que la valeur acquise du même capital soit la même quelle que soit la durée de placement, il faut appliquer des taux équivalents. Deux taux sont dits équivalents si, appliqués à un même capital pendant la même durée, donnent la même valeur acquise. V0 (1+ia)n = V0 [1+(im)]nm (1+ia)n = [1+(im)]nm ia = [1+(im)]m - 1 im = [1+ia]1/m - 1 Exemple n° 8 : Quelle banque faut-il choisir pour placer son argent si les conditions se présentent comme suit : Banque A : taux nominal : 8% l’an, capitalisation annuelle. Banque B : taux nominal : 8% l’an, capitalisation semestrielle. Considérons une durée de placement d’une année, la valeur accumulée par un capital V0 étant données les conditions de chacune des deux banques s’élève à : Banque 1 : V0 (1+ia)n = V0 (1,08)1 Banque 2 : V0 (1+is)2n = V0 (1+is)2x1 Pour que les conditions des deux banques soient équivalentes, il faut que : V0 (1,08)1 = V0 (1+is)2x1 (1,08)1 = (1+is)2x1 is = 3,92% Conclusion : les conditions de la banque B sont plus intéressantes. Remarques : - Les taux équivalents correspondant à une période plus courte sont inférieurs aux taux proportionnels. - Les taux équivalents correspondant à une période plus longue sont, par contre, supérieurs aux taux proportionnels. - Dans le cas où la fréquence de versements ne correspond pas à celle de la capitalisation, on applique la formule ci-après : Taux nominal 110 Nombre de capitalisations durant l’année ----------------------------------------Nombre de versements durant l’année Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Taux périodique 1 + --------------------------------------équivalent = Nombre de capitalisations durant l’année Tableau n° 2 : Taux périodiques équivalents Versement annuel Taux annuel équivalent : ia Versement semestriel Taux semestriel équivalent : is Versement trimestriel Taux trimestriel équivalent : it [1+(i/1)]1/2 - 1 [1+ (i/1)]1/4 - 1 [1+(i/1)]1/12 - 1 Semestrielle [1+(i/1)]1/1 – 1 =i [1+(i/2)]2/1 - 1 [1+(i/2)]2/4 - 1 [1+(i/2)]2/12 - 1 Trimestrielle [1+(i/4)]4/1 - 1 [1+(i/2)]2/2 – 1 = i/2 [1+(i/4)]4/2 – 1 [1+(i/4)]4/12 - 1 Mensuelle [1+(i/12)]12/1 - 1 [1+(i/12)]12/2 - 1 [1+(i/4)]4/4 – 1 = i/4 [1+(i/12)]12/4 - 1 Capitalisation Annuelle Versement annuel Taux mensuel équivalent : im [1+(i/12)]12/12 – 1 = i/12 2.3. Valeur actuelle d’un capital : A partir de la formule de la valeur acquise Vn = V0 (1+i)n, il est possible de calculer le capital initial placé. Cette valeur s’appelle valeur actuelle de Vn. V0 = Vn (1+i)-n 3. Equivalence de capitaux : a. Equivalence de deux capitaux : Deux capitaux sont équivalents si le montant placé à une certaine date pour donner ce capital est égal à la valeur actuelle au même taux et à la même date de l’autre capital. Date d’équivalence n1 n2 Vn1 Vn2 Considérons deux capitaux de nominal Vn1 et Vn2, payables respectivement dans n1 et n2 périodes. Nous choisissons la date d’origine comme date d’équivalence. Vn1 est équivalent à Vn2 si Vn1(1+i)-n1 = Vn2(1+i)-n2 Exemple n° 9 : Un commerçant ayant une dette de 20.000 DT exigible dans 10 ans, use de son droit au remboursement par anticipation et décide de s’acquitter de sa dette 7 ans après la date de son émission. Calculer le capital à rembourser en considérant un taux d’intérêt de 8%. Vn1(1+i)-n1 = Vn2(1+i)-n2 111 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Vn1(1.08)-7 = 20.000(1.08)-10 Vn1= 20.000(1.08)-10 + 7 Vn1= 15.876,638 b. Equivalence d’un capital et d’un groupe de capitaux : Un capital est équivalent à un groupe de capitaux si le montant placé à une date donnée pour donner ce capital est égal à la somme des valeurs actuelles des autres capitaux au même taux et à la même date. Date n1 n n2 n3 V1 V V2 V3 d’équivalence Considérons V la valeur nominale du capital de remplacement payable dans n périodes et V1, V2 et V3 les valeurs nominales respectives des autres capitaux venant à échéance dans n 1, n2 et n3 périodes. V(1+i)-n = V1(1+i)-n1 + V2(1+i)-n2 + V3(1+i)-n3 La même formule s’applique aussi bien pour calculer la valeur nominale du capital de remplacement connaissant son échéance, que pour calculer l’échéance du capital de remplacement connaissant la valeur nominale. 4. Les annuités : Généralement, on désigne par annuités une série de versements effectués à intervalles de temps régulier. C’est alors qu’on peut parler d’annuités, de semestrialités, de trimestrialités, de mensualités lorsque la période séparant deux versements successifs est respectivement une année, un semestre, un trimestre ou un mois. Plusieurs classifications des annuités sont possibles. On distingue : - les annuités de placement et de remboursement : - les annuités constantes et variables ; - les annuités de début et de fin de période : - les annuités certaines dont le nombre est connu à l’avance et viagères dont le nombre est en rapport avec la durée de vie de la personne qui va effectuer les versements ou en bénéficier. 112 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ 4.1. Valeur future (ou acquise) d’une suite d’annuités : La valeur future ou acquise d’une suite d’annuités est égale à la somme des valeurs futures de ces annuités : 0 1 a1 2 a2 3 a3 … n-1 an-1 n Périodes an a1(1+i)n-1 a2(1+i)n-2 a3(1+i)n-3 … an-1(1+i) an Soient : - Vn : la valeur future d’une série de n annuités à la date du dernier versement ; - i : l’intérêt de 1 dinar pendant une période. Vn = a1(1+i)n-1 + a2(1+i)n-2 + a3(1+i)n-3 + … + an-1(1+i) + an 4.1.1. Cas d’annuités constantes : a1 = a2 = a3 =… = an-1 = an = a Vn = a1(1+i)n-1 + a2(1+i)n-2 + a3(1+i)n-3 + … + an-1(1+i) + an Vn = a(1+i)n-1 + a(1+i)n-2 + a(1+i)n-3 + …… + a(1+i) + a Vn = a (1+i)n-1 + (1+i)n-2 + (1+i)n-3 + ……… + (1+i) + 1 Vn = a (1+i)n - 1 i 4.1.2. Cas d’annuités en progression arithmétique : a1 = a1 a2 = a1 + r a3 = a2 + r = a1 + 2r … an = an-1 + r = a1 + (n-1)r Vn = a1(1+i)n-1 + a2(1+i)n-2 + a3(1+i)n-3 + … + an-1(1+i) + an 113 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ = a1(1+i)n-1 + (a1 + r) (1+i)n-2 + (a1 + 2r) (1+i)n-3 + … + (a1+ (n-2)r) (1+i) + a1 + (n-1)r = a1(1+i)n-1 + a1 (1+i)n-2 + a1 (1+i)n-3 + … + a1 (1+i) + a1 + r (1+i)n-2 + 2r (1+i)n-3 + … + (n-2)r (1+i) + (n-1)r = a1 (1+i)n-1 + (1+i)n-2 + (1+i)n-3 + … + (1+i) + 1 + r (1+i)n-2 + 2(1+i)n-3 + … + (n-2) (1+i) + (n-1) S Vn = a1 (1+i)n – 1 + r S i avec : S = (1+i)n-2 + 2(1+i)n-3 + … + (n-2) (1+i) + (n-1) Multiplions par (1+i) les deux membres de l’égalité, on obtient : (1+i) S = (1+i)n-1 + 2(1+i)n-2 + … + (n-2) (1+i)2 + (n -1) (1+i) Faisons (1+i)S – S : (1+i)S – S = Si = (1+i)n-1 + (1+i)n-2 + … + (1+i)2 + (1+i) + 1 – n = (1+i)n – 1 - n I D’où : Vn = a1 (1+i)n – 1 + r (1+i)n – 1 + nr i i i i 4.1.3. Cas d’annuités en progression géométrique : a1 = a1 a2 = a1 . q a3 = a2 . q = a1 . q2 … an = an-1 . q = a1 . qn-1 Vn = a1(1+i)n-1 + a2(1+i)n-2 + a3(1+i)n-3 + … + an-1(1+i) + an = a1(1+i)n-1 + a1. q (1+i)n-2 + a1 . q2 (1+i)n-3 + … + a1 . qn-2 (1+i) + a1 . qn-1 = a1 (1+i)n-1 + q (1+i)n-2 + q2 (1+i)n-3 + … + qn-2 (1+i) + qn-1 Somme d’une suite géométrique de 1er terme : ((1+i)n-1 de raison : q.(1+i)-1 et de n termes 114 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Vn = a1(1+i)n-1 1 – [q (1+i)-1]n 1 – [q (1+i)-1] Vn = a1(1+i)n-1 1 – [q n (1+i)-n] 1 – [q (1+i)-1] En multipliant par (1+i) le numérateur et le dénominateur, on obtient après simplification : Vn = a1 (1+i)n – qn (1+i) – q 4.2. Valeur actuelle d’une suite d’annuités : La valeur actuelle d’une suite d’annuités est égale à la somme des valeurs actuelles de ces annuités : Soient : - V0 : la valeur actuelle d’une série de n annuités à la date 0 (une période avant le premier versement) ; - i : l’intérêt de 1 dinar pendant une période. 0 1 a1 a1 2 3 a2 n-1 a3 … an-1 (1+i)-1 a2(1+i)-2 a3(1+i)-3 … an-1(1+i)-n+1 an(1+i)-n V0 = a1(1+i)-1 + a2(1+i)-2 + a3(1+i)-3 + … + an-1(1+i)–n+1 + an (1+i)–n 4.2.1. Cas d’annuités constantes : V0 = a (1+i)-1 + a (1+i)-2 + a (1+i)-3 + … + a (1+i)–n+1 + a (1+i)–n =a (1+i)-1 + (1+i)-2 + (1+i)-3 + … + (1+i)–n+1 + (1+i)–n 115 n Périodes an Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ = a 1 - (1+i) –n i Remarques : - La valeur actuelle d’une suite d’annuités à la date 0 est égale à la valeur actuelle à cette même date de la valeur acquise de cette série d’annuités à la date du dernier versement. n périodes 0 1 2 3 n V0 Vn V0 = a 1 - (1+i)–n = a (1+i)n – 1 (1+i)–n = Vn (1+i)–n i i V0 = Vn (1+i)–n et, Vn = V0 (1+i)n - La valeur d’une suite d’annuités à une date quelconque (comprise entre la date 0 et la date du dernier versement) est égale à la valeur actuelle à cette date de la valeur acquise de cette série d’annuités calculée à la date du dernier versement, ou à la valeur acquise à cette date de la valeur actuelle de cette suite d’annuités obtenue à la date 0. Si cette date est m avec 0<m<n : n périodes 0 1 2 3 m V0 n Périodes Vn Vm m périodes (n-m) périodes Vm = V0 (1+i)m = Vn (1+i)–(n-m) - La valeur d’une suite d’annuités à une date quelconque (antérieure à la date 0) est égale à la valeur actuelle à cette date de la valeur acquise de cette série d’annuités calculée à la date du dernier versement, ou de sa valeur actuelle obtenue à la date 0. Si cette date est q : q périodes n périodes 116 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ q 0 1 2 3 n Vq V0 Vn Périodes Vq = V0 (1+i)-q = Vn (1+i)–(n+q) - La valeur d’une suite d’annuités à une date quelconque (postérieure à la date 0) est égale à la valeur future à cette date de la valeur acquise de cette série d’annuités calculée à la date du dernier versement, ou de sa valeur actuelle obtenue à la date 0. Si cette date est p : n périodes 0 1 2 3 n p V0 Vn Vq Vp = V0 (1+i)n+p = Vn (1+i)p 4.2.2. Cas d’annuités en progression arithmétique : V0 = Vn (1+i)–n Vn = a1 (1+i)n – 1 + r (1+i)n – 1 + nr i i i i V0 = a1 { (1+i)n – 1 + r (1+i)n – 1 + nr } (1+i)-n i i i i V0 = a1 + r + nr i i p périodes 1 - (1+i)-n - nr i i 4.2.3. Cas d’annuités en progression géométrique : V0 = Vn (1+i)–n Vn = a1 (1+i)n – qn (1+i) – q V0 = a1 (1+i)n – qn (1+i) – q (1+i)-n V0 = a1 1 - qn (1+i)-n (1+i) – q 5. Les opérations de prêt ou d’emprunt : 117 Périodes Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Quatre instruments de crédit se distinguent par la manière dont les flux de paiements se répartissent dans le temps - Le prêt simple : il s’agit du prêt d'un principal qui est remboursé à l'échéance avec des intérêts. - Le crédit à versements périodiques (à annuité constantes ou variables) : des montants incluant à la fois le remboursement du principal et les intérêts, sont versés périodiquement par l'emprunteur. - L'obligation classique : elle donne lieu au paiement périodique (annuel, semestriel ou mensuel) d'un intérêt ou coupon jusqu'à sa maturité, date à laquelle est effectué le remboursement. Le coupon correspond à la valeur faciale ou nominale multiplié par le taux nominal, ou taux du coupon. La prime de remboursement est égale à la différence entre le montant remboursé à maturité et la valeur faciale (ou nominale). La prime d'émission est égale à la différence entre la valeur faciale et le montant effectivement versé à l'emprunteur au moment de l'émission (prix d’émission). - L'obligation zéro-coupon : elle est émise à un prix inférieur à la valeur faciale, ne verse pas de coupon, et est remboursée à l'échéance à sa valeur faciale. 6. L’emprunt obligataire : 6.1. Définitions : L’emprunt obligataire suppose généralement l’existence de plusieurs prêteurs, d’où son montant est divisé en plusieurs parts égales appelées obligations. Le recours à cette forme d’emprunt s’explique par l’importance des sommes que l’émetteur veut collecter. Le remboursement de l’emprunt obligataire s’effectue par le rachat des obligations sur toute la durée de l’emprunt ou in fine. Cela signifie qu’à la fin de chaque période, généralement l’année, l’émetteur va déterminer le nombre d’obligations (ou titres) qui seront tirées au sort et remboursées (amorties). Chaque obligation se caractérise par trois valeurs qui sont les suivantes : - La valeur nominale (VN) : il s’agit de la valeur imprimée sur la face de l’obligation. Elle est, pour cette raison, appelée également valeur faciale de l’obligation. - Le prix d’émission (P0) : c’est le prix auquel l’obligation sera vendue au public. L’émission peut se faire au pair (P0 = VN), à escompte (P0 < VN) ou à prime (P0 > VN). - La valeur de remboursement (VR) : c’est le prix auquel l’émetteur va racheter les obligations. Elle peut être supérieure ou égale (cas général) à la valeur nominale. Les obligations peuvent être avec ou sans coupon (zéro coupon). Lorsque qu’elles sont avec coupon et le remboursement n’est pas in fine, à la fin de chaque période, et en plus du remboursement d’une partie des obligations en circulation, l’émetteur verse, à toutes les obligations non remboursées, des intérêts (coupons). La valeur du coupon (c) est déterminée par l’application du taux nominal (i) à la valeur nominale de l’obligation. 118 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ L’annuité totale versée à la fin de chaque période par l’émetteur aux porteurs d’obligations, se décompose en : - Intérêts dont le montant est déterminé en multipliant le montant du coupon par le nombre de titres en circulation au cours de la période en question ; - Un amortissement dont le montant est égal à la valeur de remboursement multipliée par le nombre d’obligations tirés au sort. 6.2. Tableau d’amortissement : Considérons : N0 : le nombre total d’obligations émises ; V0 : la dette initiale de l’émetteur vis-à-vis de l’ensemble des porteurs d’obligations. Cette dette est égale au nombre total de titres émis multiplié par la valeur de remboursement des titres. V0 = N0 x VR NP-1 : le nombre de titres en circulation au début de la période p. Vp-1 : la dette vivante au début de la période p. Vp-1 = Np-1 x VR np : le nombre d’obligations amorties, c’est-à-dire, rachetées à la fin de la période p. Ap : l’amortissement effectué à la fin de la période p. Ap = np x VR D’où, le capital restant dû après l’amortissement de la période p = Vp = Vp-1 - Ap = Vp-1 - VR.np ap : l’annuité versée par l’émetteur à la fin de la période p. ap = Ap + Np-1c , c étant le coupon par obligation. Récapitulation : 0 Nombre d’obligations amorties Nombre d’obligations vivantes Amortissements Annuités 1 2 3 p n-1 n n1 N1 A1 a1 n2 N2 A2 ap n3 N3 A3 a3 np Np Ap ap nn-1 Nn-1 An-1 an-1 nn Nn An an Tableau n° 3 : Tableau d’amortissement 119 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Dette ou capital Nombre de titres Nombre Intérêts Périodes restant dû en en circulation en Amortissement de titres (coupon Annuités début de période début de période amortis total) 1 V0 N0 A1 n1 N0 c a1 = A1 + N0c 2 V 1 = V0 - A 1 N1= N0 - n1 A2 n2 N1 c a2 = A2 + N1c … … … … … … P Vp-1 = Vp-2 – Ap-1 Np-1= Np-2 – np-1 Ap np NP-1 c ap = Ap + Np-1c … … … … … … N Vn-1 = Vn-2 – An-1 N1= N0 - n1 An nn Nn-1 c an = An + Nn-1c Ce tableau appelle trois remarques importantes : - La somme des amortissements est égale au montant de la dette initiale : n V 0 = ∑ Ap p=1 - Le nombre total des titres amortis sur la durée de l’emprunt est égal au nombre total des titres émis : n N0 = ∑ n p p=1 - Dans la mesure où après le paiement de An la dette vis-à-vis des porteurs d’obligations devient nulle (Vn = 0), il est possible d’écrire : An = Vn-1 6.3. Relations entre les différents paramètres de l’emprunt : cas des annuités constantes Il est possible d’envisager différentes relations entre les annuités et les amortissements. 6.3.1. Loi de succession des nombres de titres amortis : Considérons les annuités de rangs p et (p+1) qui sont toutes les deux égales à l’annuité constante « a », nous avons alors : ap = Ap + Np-1c ap+1 = Ap+1 + Npc Les deux annuités étant égales à « a », nous pouvons écrire : Ap + Np-1c = Ap+1 + Npc ou bien, Ap+1 = Ap + Np-1c - Npc d’où : Ap+1 = Ap + (Np-1 - Np) c (1) 120 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ La parenthèse représente ici la différence entre le nombre de titres en circulation au début de la période p et celui en début de période (p+1). Cette différence représente le nombre de titres amortis ou remboursés à la fin de la période p. Ce nombre est égal à np. Np = Np-1 - np , donc : Np-1 - Np = np L’équation (1) devient alors : Ap+1 = Ap + np c Par définition, nous avons : Ap = np VR Nous pouvons donc écrire : np+1 VR = np VR + np c En divisant les deux membres par VR, nous obtenons : np+1 = np + np (c/VR) En remplaçant (c/VR) par r, l’équation ci-dessus devient : np+1 = np (1+ r) (2) Ainsi, lorsque les annuités sont constantes, les nombres de titres amortis à la fin de chaque période sont en progression géométrique de raison (1+r). 6.3.2. Loi de succession des amortissements : Il est possible d’établir cette loi en multipliant les deux membres de l’équation précédente par VR. Nous obtenons alors : np+1 VR = np VR (1+ r) or, comme Ap = np x VR, nous pouvons écrire : Ap+1 = Ap (1+ r) (3) En d’autres termes, lorsque les annuités sont constantes, les amortissements sont en progression géométrique de raison (1+r). Nous pouvons par ailleurs remarquer que lorsque le remboursement de l’emprunt obligataire est effectué au pair, c’est à dire lorsque VR = VN, nous avons : R = c/VR = c/VN = i VN/VN = i La loi de succession des amortissements devient alors : Ap+1 = Ap (1+ i) 6.3.3. Relation entre le nombre total de titres émis N0 et le nombre de titres amortis à la fin de la première période n1 : Nous savons que par définition le nombre total de titres émis est égal au total des titres amortis à la fin des différentes périodes : 121 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ N0 = n1 + n2 + n3 + … + np + … + nn-1 + nn D’après la relation (3), il est possible d’écrire : N0 = n1 + n1 (1+r) + n1 (1+r)2 + … + n1 (1+r)p-1 + … + n1 (1+r)n-2 + n1 (1+r)n-1 N0 = n1 1 + (1+r) + (1+r)2 + … + (1+r)p-1 + ……… + (1+r)n-2 + (1+r)n-1 N0 = n1 (1+ r)n - 1 r (4) En généralisant ce même raisonnement, il est possible de déterminer le nombre d’obligations remboursées après le pème tirage Xp = n1 (1+ r)p - 1 r Le nombre d’obligations vivantes après ce même pème tirage, c’est à dire Np, est égal à : N0 - n1 (1+ r)p - 1 = n1 (1+ r)n - (1+ r)p r r 6.3.4. Relation entre le montant total de la dette et le premier amortissement : Cette relation est facile à établir. Il suffit, en effet, de multiplier les deux termes de l’équation (4) par VR. Cela nous donne : N0 VR = n1 VR (1+ r)n - 1 r V0 = A1 (1+ r)n - 1 r (5) 6.3.5. Relation entre l’annuité constante « a » et le premier amortissement (A1): D’une façon générale, nous avons : ap = Ap + Np-1c et an = An + Nn-1c or, comme Nn-1 = nn et An = nn x VR, nous pouvons écrire : an = nn (VR + c) Cette égalité peut encore s’écrire sous la forme : an = nn VR (VR/VR + c/VR) 122 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ an = An (1 + r) Puisque l’annuité est constante : a = An (1 + r) (6) Cette dernière égalité décrit la relation qui lie l’annuité constante au dernier amortissement. Il est possible d’en déduire, en la combinant avec l’équation (5), la relation qui lie cette même annuité constante au premier amortissement A1. En effet d’après la loi de succession des amortissements, nous avons : Ap+1 = Ap (1 + i) Et donc, An = A1 (1 + r)n-1 En remplaçant An par sa valeur en fonction de A1 dans l’équation (6), celle-ci devient : a = A1 (1 + r)(1 + r)n-1 a = A1 (1 + r)n (7) En inversant l’équation, il est possible d’exprimer A1 en fonction de a. A1 = a (1 + r)-n (8) 6.3.6. Relation entre l’annuité constante « a » et la dette initiale (V0) : Il est possible d’établir cette relation en combinant les relations (5) et (8). En effet, en remplaçant dans l’équation (7), A1 par sa valeur dans l’équation (8), nous obtenons : V0 = a (1 + r)-n (1+ r)n - 1 r Cette équation devient après transformation : V0 = a 1 – (1+ r)-n r (9) a = V0 _____r____ 1 – (1+ r)-n (10) 123 Gestion obligataire ______________________________________________________________________________________ Page Préambule : Notions de Mathématiques financières 1. L’intérêt simple 1.1. Valeur acquise, valeur actuelle 1.2. Intérêt post-comptés, intérêt précompté 2. Intérêts composés et notion de capitalisation 2.1. Valeur acquise d’un capital 2.2. Taux proportionnel et taux équivalents 2.3. Valeur actuelle d’un capital 3. Equivalence de capitaux 4. Les annuités 4.1. Valeur future d’une suite d’annuités 4.2. Valeur actuelle d’une suite d’annuités 5. Les opérations de prêt et d’emprunt 6. L’emprunt obligataire 7.1. Définitions 7.2. Tableau d’amortissement 7.3. Relations entre les différents paramètres d’un emprunt n 124 4 4 4 4 7 7 8 9 9 11 11 13 16 17 17 18 19