Rapport arabe sur le développement humain 2009
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Rapport arabe sur le développement humain 2009
Rapport arabe sur le développement humain 2009 Les défis de la sécurité humaine dans les pays arabes Programme des Nations Unies pour le développement Bureau régional pour les États arabes © 2009 Programme des Nations Unies pour le développement Bureau régional pour les États arabes 1 UN Plaza, New York 10017, USA. Tous droits réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée dans un système d’extraction ou transférée sous n’importe quelle forme et par n’importe quel moyen, électronique, mécanique, électrique ou autre, sans autorisation écrite préalable du PNUD/BREA. Disponible à travers : United Nations Publications 2 UN Plaza DC2 – Room 853 New York, NY 10017 USA Téléphone : 212 963 8302 et 800 253 9646 (à partir des États-Unis) Email : [email protected] Web : https://unp.un.org/ Web : www.undp.org/rbas et www.arab-hdr.org La couverture est imprimée sur papier couché 350 g sans chlore et répond aux directives de l’Initiative pour une forêt durable. Les pages de texte sont imprimées sur papier blanc 100 g. La couverture ainsi que les pages de texte sont imprimées avec des encres végétales et produites grâce à une technologie compatible avec l’environnement. Maquette de la couverture : Rima Rifai Mise en page et production : Alarm sarl, Beyrouth, Liban Impression : Karaky Printing Press, Kraitem, Beyrouth, Liban ISBN : 978-92-1-054477-1 Imprimé dans la République libanaise Les analyses et recommandations relatives aux politiques contenues dans ce rapport n’expriment pas nécessairement les points de vue du Programme des Nations Unies pour le développement, de son Comité Exécutif ou des pays membres. Le rapport est une publication indépendante, commandée par le Programme des Nations Unies pour le développement. Il est le fruit du travail commun d’une équipe de consultants et de conseillers de renommée et de l’Équipe du Rapport arabe sur le développement humain chargée par le Bureau régional pour les États arabes de le préparer. Avant-propos de l’administratrice du PNUD Depuis sa première parution en 2002, le Rapport arabe sur le développement humain suscite des débats et attire l’attention sur les défis et les possibilités de promotion du développement humain dans la région arabe. Cet impact est dû, en partie, à la thèse principale qui le sous-tend, celle de la nécessité des réformes dans la région arabe, lesquelles ne peuvent aboutir que si elles sont menées de l’intérieur. Cette thèse est confortée par le fait que le rapport est le produit d’intellectuels arabes indépendants, appartenant à l’élite des penseurs, des chercheurs et des acteurs préoccupés par la chose publique. Le premier Rapport arabe sur le déve loppement humain a mis en évidence trois « déficits » qui entravaient le processus du développement dans la région arabe. Ces déficits concernent l’acquisition des connaissances, l’exercice des libertés politiques et les droits de la femme. Quant au Rapport sur le développement humain 2009 : Les Défis de la sécurité humaine dans les pays arabes, il traite du développement humain sous un autre aspect. Ce Rapport invite les concepteurs de la politique et les autres parties concernées à réexaminer le concept traditionnel état-centrique de sécurité, pour se concentrer sur la sécurité des individus, leur protection et leur habilitation. Il incite les gouvernements et d’autres partenaires à donner la priorité à « la libération des êtres humains des menaces intenses, extensives, persistantes, et compréhensives auxquelles leur vie et leur liberté sont vulnérables ». Aussi est-il nécessaire d’adopter une approche solidaire qui intègre promotion du développement, sécurité, bonne gouvernance et droits de l’homme. En 1994, l’Assemblée générale des Nations Unies tenait à affirmer que le Rapport sur le développement humain n’était « pas un document officiel émanant des Nations Unies ». Il s’agit d’un rapport régional préparé dans un esprit d’indépendance et focalisé depuis 1990 sur des questions sensibles et essentielles, liées dans le monde entier au développement humain sur le plan global, régional et national. Comme indiqué en introduction aux rapports précédents, il convient de rappeler que « nous avons choisi délibérément de ne pas mettre ce rapport sous la houlette officielle des Nations Unies ou du PNUD, ni de le considérer comme le réceptacle de leurs points de vue. L’intention est plutôt d’amorcer une nouvelle discussion qui soit dynamique à travers le monde arabe et audelà. Il convient donc de préciser que ni le PNUD ni l’ONU n’ont été associés à l’expression des points de vue exposés par les rédacteurs de ce rapport ». Ce rapport offre une plateforme à des débats constructifs qui mettent en relief des défis majeurs, relatifs au développement humain, tels qu’ils sont perçus par ceux qui les vivent au quotidien. À cet égard, il peut jouer un rôle crucial quant à la définition des priorités et des orientations en matière de développement humain dans la région arabe, tout au long des années à venir. Il reste à ajouter, enfin, que le PNUD nourrit l’espoir que les gouvernements, la société civile, les organismes internationaux et régionaux ainsi que la communauté interna tionale considèrent ce rapport comme un moyen utile et efficace pour stimuler des discussions dans un esprit de liberté et de rigueur autour des questions du développement dans le monde arabe. Helen Clark Administratrice du PNUD Préface par la Directrice régionale – PNUD Bureau régional pour les États arabes Le présent Rapport se veut une contribution au débat en cours sur le déve loppement dans la région arabe. Intitulé Rapport arabe sur le développement humain 2009 : Les défis de la sécurité humaine dans les pays arabes, il s’inscrit dans la fameuse série des Rapports arabes sur le dé veloppement humain (RADH) qui a, depuis 2002, rassemblé d’éminents académiciens et conseillers de la région arabe pour effectuer des analyses franches, réalistes, des défis du développement dans la région. En effet, le premier rapport a pu déterminer les lacunes du développement humain en matière de connaissance, de liberté et d’habilitation de la femme, en les considérant comme les trois déficits cruciaux, et un suivi de trois rapports en a approfondi tour à tour l’analyse. Leurs recherches et analyses retentirent dans les pays arabes et partout dans le monde, fournissant une plate-forme pour le dialogue et le débat et recentrant fermement l’agenda du développement sur le bien-être des gens. Le présent rapport vise à soutenir cette focalisation dans une vue nouvelle et indépendante sur la région, à travers la lentille de la sécurité humaine. Malgré la diversité des sujets traités depuis 2002 par les RADH, une thématique principale les réunit, celle du dévelop pement humain, une manière de concevoir le développement au-delà d’une simple question d’augmentation ou de baisse du produit national. Il s’agit de créer un environnement où les individus peuvent exploiter toutes leurs énergies et leurs potentialités de telle sorte qu’ils puissent mener une vie productive et créative qui réponde à leurs besoins et corresponde à leurs intérêts. Il s’agit de comprendre que les individus constituent la véritable richesse des nations et que l’investissement dans l’élément humain est la voie la plus sûre vers une croissance économique durable et stable. Ce rapport part du fait que les dysfonctionnements relatifs au développement humain se sont aggravés profondément dans certains cas, durant la période qui le sépare du premier volume de cette série de rapports. Malgré une certaine amélioration sur le plan qualitatif de la vie dans certains pays, un grand nombre de personnes dans la région arabe vivent encore dans l’insécurité, souffrent toutes sortes de pressions qui inhibent leurs potentialités en tant qu’êtres humains et sont exposés à des événements traumatisants qui raccourcissent les vies. Dans certains pays arabes, plus de la moitié de la population vit dans la faim et le besoin, sans moyens pour subvenir aux besoins de leurs familles ou préserver leur propre qualité de vie. Par ailleurs, les fluctuations internationales récentes qui ont touché aux prix des produits alimentaires et la dernière crise économique mondiale ont augmenté le nombre de personnes qui vivent dans la pauvreté et la malnutrition. Les systèmes sanitaires sont loin de couvrir un grand nombre de personnes. La pénurie d’eau se profile à l’horizon comme une menace existentielle. Et les conflits armés raflent leurs lourdes rançons en destruction de vies humaines. L’analyse de ces facteurs, et d’autres encore, qui menacent la sécurité humaine dans la région arabe, élargit le champ du présent Rapport. Cependant, tous les aspects de l’analyse sont reliés les uns aux autres par un fil conducteur. Le RADH 2009 avance la thèse selon laquelle la méthodologie adoptée depuis toujours en matière de sécurité consiste à se focaliser bien plus sur la sécurité de l’État que sur la sécurité humaine. L’attachement à cette conception traditionnelle a assuré, dans bien des cas, la continuité de l’État mais a réduit les opportunités de garantir la sécurité de la personne humaine et rendu le lien entre l’État et le citoyen plus faible qu’il n’aurait dû l’être. Cette conception a également été un obstacle au développement de la diversité dans la région arabe : possibilités limitées d’intégration des populations d’origines et de tendances diverses dans le projet national. Il en résulte un sentiment intense et fortement partagé d’opportunités limitées et d’insécurité personnelle, avec les taux de chômage les plus élevés au monde, de profondes et litigeuses formes d’exclusion et, au bout du compte, des appels persistants, de l’intérieur, à la réforme. Effectivement, la focalisation sur la sécurité de l’État au détriment de la sécurité humaine a conduit à des résultats qui sont loin d’être satisfaisants tant pour l’État que pour le citoyen. Sur le long terme, un gouvernement qui cherche à renforcer la sécurité de l’État sans s’investir dans la sécurité humaine ne réalise ni l’une ni l’autre. Le Rapport soutient que l’inverse est également vrai ; que la sécurité de l’État et la sécurité humaine sont les deux faces d’une même médaille. Garantir la sécurité humaine n’aboutit pas seulement à plus d’opportunités pour le développement humain, mais permet à l’État de tirer profit durablement de l’environnement, d’acquérir plus de légitimité au regard des gouvernés, de tirer bénéfice de la diversité, de renforcer l’économie contre les vicissitudes mondiales, d’inonder les sociétés de santé et, enfin et surtout, permet de faire face aux conflits à leur naissance et peut-être de les prévenir. Grâce à cette approche et à ce concept de la sécurité humaine, le présent Rapport a pu déterminer un grand nombre de dimensions qui affectent la vie des gens : la sécurité de l’environnement, la performance de l’État en matière de garantie de la sécurité humaine, la sécurité humaine des groupes vulnérables, la sécurité économique, la nutrition et la sécurité alimentaire, la santé et la sécurité sanitaire, et l’impact de l’intervention militaire étrangère et de l’occupation sur la sécurité humaine. Tout en faisant incomber la responsabilité de la sécurité humaine à l’État, VI Rapport arabe sur le développement humain 2009 le Rapport soutient que les politiques des forces étrangères n’ont pas joué un rôle favorable. Les interventions militaires et étrangères ont eu un impact dévastateur sur la sécurité humaine dans la région, au sens le plus immédiat de l’expression, et ont fait échouer les possibilités de progrès sur le long terme. À l’instar des RADH précédents, le présent Rapport est le fruit d’un travail indépendant ; il a été rédigé par des experts bien enracinés dans la région arabe et ses dynamiques de développement. Comme tous les rapports du PNUD sur le développement humain, il n’est ni un document consensuel de l’ONU ni une articulation de la politique du PNUD ni un document officiel d’un quelconque gouvernement. Dans une région pleine d’agendas, voici un document qui n’en favorise aucun. Il s’agit, au contraire, d’un regard autocritique dans le miroir, saisi dans des textes écrits et distribués à un large public pour stimuler un débat instruit et constructif. Tout le monde n’approuvera pas l’ensemble des messages que contient le Rapport, mais une lecture exhaustive y révélera des analyses bien équilibrées, avec des messages offerts dans un esprit constructif pour enrichir la réflexion de tous les acteurs soucieux de promouvoir la sécurité humaine des peuples de la région arabe. Le RADH 2009 est le fruit d’efforts de recherche déployés durant deux ans par un grand nombre de dévoués qui ont travaillé avec persévérance. Je félicite et remercie toutes les personnes qui ont contribué à sa préparation. La plus grande partie des analyses a été effectuée par une équipe principale constituée de chercheurs et d’auteurs auxquels j’adresse l’expression de ma gratitude pour l’engagement indéfectible et l’exigence inquisitive. Un comité consultatif distingué, constitué d’académiciens arabes et d’anciens décideurs politiques de haut niveau, a fourni des conseils stratégiques et thématiques. Je remercie tous les membres pour leurs sages orientations et leur dévouement à l’analyse impartiale. Le Rapport a également bénéficié des points de vue d’une centaine de jeunes gens originaires de toute la région. Nous avons appris beaucoup sur la sécurité humaine à partir de leur propre perspective. J’apprécie leur engagement et j’ai grand espoir dans leur avenir. Je suis également redevable à Kemal Derviş, ex-administrateur du PNUD pour l’encouragement et le soutien qu’il a apportés à ce travail. J’ai le plaisir, à cette occasion, de souhaiter la bienvenue à la nouvelle administratrice du PNUD, Madame Helen Clark, et la remercier vivement d’avoir bien voulu apporter son soutien à ce rapport. Je me vois également redevable à mes collègues du département des programmes régionaux au bureau régional des États arabes du PNUD pour leur soutien entier et fort ainsi que pour le travail immense et persévérant qu’ils ont accompli. Enfin, il me reste à espérer que ces efforts importants seront récompensés par un dialogue vif et stimulant qui puisse servir l’intérêt de tous les peuples des pays arabes en matière de sécurité humaine et de développement humain. Amat Al Alim Alsoswa Sous-Secrétaire générale, Administratrice Assistante du PNUD, Directrice du Bureau régional pour les États arabes, Programme des Nations Unies pour le développement VII Équipe du Rapport Les participants à la préparation du rapport (selon l’ordre alphabétique) Comité consultatif Comité de lecture Amat Al Alim Alsoswa (Présidente), Georges Abi-Saab, Ahmed Kamal Aboulmagd, Mohsin Alaini, Aziz Al-Azmeh, Bader Malallah (Fonds arabe pour le développement économique et social), Jebrin Aljebrin (Programme arabe du Golfe pour les organismes de développement des Nations Unies), Farida Allaghi, Sheikha Abdulla Al-Misnad, Abdul Rahman Al-Rashed, Hanan Ashrawi, Yadh Ben Achour, Rahma Bourqia, Lakhdar Brahimi, Georges Corm, Rola Dashti, Abdul-Kareem El-Eryani, Munira Fakhro, Rafia Obaid Ghubash, Mehdi Hafedh, Bahia Hariri, Mansour Khalid, Clovis Maksoud, Thoraya Obaid, Mona Rishmawi, Leila Sharaf. (Arabe) Ali Abdel Gadir Ali, Khalid Abu-Ismail, Abdenasser Djabi, Islah Jad, Bassma Kodmani, (feu) Salim Nasr*, Naila Sabra, Sherine Shawky. Équipe centrale Madawi Al-Rasheed, Sabah Benjelloun, Mustapha El-Sayyid (Consultant en chef), Walid Khadduri, Bahgat Korany, Khadija Moalla, Marlene Nasr, Boshra Salem, Yezid Sayigh. Les auteurs ayant contribué à la préparation Mahmoud Abdel-Fadil, Lubna Abdul Hadi, Abdallah Alashaal, Abdul Monem Al-Mashat, Salah Al-Nasrawi, Ibrahim Awad, Mohsen Awad, Azmi Bishara, Hafidha Chekir, Mohammed Fathi Eid, Jalila El-Ati, Heba ElLaithy, Ibrahim El-Nur, Dia El-Din El-Quosy, Lafteya El-Sabae, Mohamed Nour Farahat, Ali Ghazi, Mohammed Gomaa, Sari Hanafi, Rasmia Hanoun, Saif El-Din A. Ismail, Samer Jabbour, Ayed Radi Khanfar, Eileen Kuttab, Maryam Sultan Lootah, Samir Morcos, Nevine Mossaad, Ahmed Said Nufal, Iman Nuwayhid, Idil Salah, Paul Salem, Abd El-Hussein Shaban, Alaa Shalaby, Batir Wardam, Thamer Zaidan. Équipe des statistiques et des études sur le terrain Zeinab Khadr, Feisal Yunis. Équipe du PNUD/Bureau régional pour les États arabes Amat Al Alim Alsoswa (Directrice régionale). Adel Abdellatif (Coordinateur du rapport), Maya Abi-Zeid, Hani Anouti, Arkan El-Seblani, Lina Himani, Mary Jreidini, Theodore Murphy, Zein Nahas, Nathalie Tawil. Conseiller principal Zahir Jamal. Équipe de traduction Version arabe : Fayiz Suyyagh. Version anglaise : Humphrey Davies. Version française : Ahmed Siraj. Comité d’édition Jacques Aswad, Abdelouahab Rezig, Shukri Ruhayem. Conception de la couverture Rima Rifai. Conception du rapport Alarm SARL. * Salim Nasr : Sociologue distingué, politologue et auteur, dont l’influence sur la réforme de la gouvernance arabe a dépassé le Liban, son pays natal, et dont la précieuse collaboration avec l’Équipe du rapport a été associée à un long et courageux combat contre la maladie. IX Acronymes et abréviations AFED AI AMF ANP AOAD APD APLS BIM BWC CCG CEDAW CEI CESAO CICR CSNU DAES DALY DOTS DPA EAU FADES FAO FMI FNUAP GFt HCDH HCNUR HRW IBC IDH IPF IPH ISDH IWM JAER JEM KUNA LEA MANUI MENA MGF X Forum arabe pour l’environnement et le développement Amnesty International Arab Monetary Fund (Fonds monétaire Arabe) Autorité nationale palestinienne Arab Organization for Agricultural Development(Organisation arabe pour le développement agricole – OADA) Aide publique au développement Armée populaire de libération du Soudan Bureau International Maritime Convention sur les armes biologiques et toxiques Conseil de coopération du Golfe Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes Communauté d’États indépendants Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale Comité international de la Croix-Rouge Conseil de sécurité des Nations Unies Département des affaires économiques et sociales L’année de vie ajustée sur l’incapacité Directly Observed Treatment Short Course (méthode de détection et de traitement de la tuberculose) (Traitement de brève durée sous surveillance directe) Accord de paix au Darfour Émirats Arabes Unis Fonds arabe de développement économique et social Food and Agriculture Organization of the United Nations (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) Fonds monétaire international Fonds des Nations Unies pour la population Gouvernement fédéral de transition (de la Somalie) Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés Human Rights Watch Iraq Body Count Indicateur du développement humain Indicateur de la participation des femmes Indicateur de pauvreté humaine (pour les pays en voie de développement) Indicateur sexospécifique de développement humain Integrated Water Management (Gestion intégrée de l’eau) Joint Arab Economic Report Justice and Equality Movement (Mouvement pour la justice et l’égalité du Soudan) Agence de presse koweïtienne Ligue des États arabes Mission d’assistance des Nations Unies en Irak Moyen-Orient et Afrique du Nord Mutilation génitale féminine Rapport arabe sur le développement humain 2009 MINUAD NISS OADH OAT OCDE OCHA OIT OLP OMD OMM OMS ONG ONU ONUDC ONUSIDA OPEP OUA PAM PCBS PDI PIB PMD PNUD PNUD–POGAR PNUE PPA RADH RDH RSI TMM SAF SEDAC SIDA SIPRI SRAS TDS TFT TPES TPO UCI UICN UNCCD UNCHS Mission des Nations Unies et de l’Union africaine au Darfour National Intelligence and Security Services of Sudan (Services de renseignement et de sécurité nationale du Soudan) Organisation arabe des droits de l’homme Organisation arabe du travail Organisation de coopération et de développement économiques Bureau de la coordination des affaires humanitaires – Nations Unies Organisation internationale du travail Organisation libération de la Palestine Objectifs du Millénaire pour le développement Organisation météorologique mondiale Organisation mondiale de la santé Organisations non gouvernementales Nations Unies Office des Nations unies contre la drogue et le crime Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida Organisation des pays exportateurs de pétrole Organisation de l’unité africaine Programme alimentaire mondial Bureau central palestinien de statistique Personnes déplacées internes Produit intérieur brut Pays les moins développés Programme des Nations Unies pour le développement Programme des Nations Unies pour le développement – Programme sur la gouvernance dans la région arabe Programme des Nations Unies pour l’environnement Parité de pouvoir d’achat Rapport arabe sur le développement humain Rapport sur le développement humain Règlement sanitaire international Taux de mortalité maternelle Sudan Armed Forces (Forces armées du Soudan) Centre de données et applications socio-économiques Syndrome d’immunodéficience acquise Stockholm International Peace Research Institute Syndrome respiratoire aigu sévère Total des solides dissous Taux de fertilité total Total primary energy supply (Approvisionnements totaux en énergie primaire) Territoire palestinien occupé Union des cours islamiques Union internationale pour la conservation de la nature United Nations Convention to Combat Desertification (Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification) Commission des Nations Unies sur la sécurité humaine Acronymes et abréviations XI UNESCO UNICEF UNIFEM UNRWA VHC XII United Nations Educational, Scientific, and Cultural Organization (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) United Nations Children’s Fund (Fonds des Nations Unies pour l’enfance) Fonds de développement des Nations Unies pour la femme Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient Virus de l’hépatite C Rapport arabe sur le développement humain 2009 Table des matières Avant-propos de l’administratrice du PNUD III Préface par la Directrice régionale – PNUD Bureau régional pour les États arabes Équipe du Rapport V IX Acronymes et abréviations X Le rapport en bref 1 L’insécurité humaine aux niveaux mondial et régional 1 Le concept 2 Les sept dimensions de la menace 1. Les populations et leur environnement précaire 2. L’État et l’insécurité des citoyens 3. La vulnérabilité des groupes marginalisés 4. Volatilité de la croissance, chômage élevé et persistance de la pauvreté 5. La faim, la malnutrition et l’insécurité alimentaire 6. Les défis posés à la sécurité sanitaire 7. L’occupation et l’intervention militaire 3 3 4 8 10 13 15 16 Les sept piliers de la sécurité humaine dans les pays arabes 17 Chapitre 1 Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes 19 Pourquoi la sécurité humaine ? 19 Le concept à un niveau global 20 La relation avec d’autres concepts 22 Vers des points de vue arabes sur la sécurité humaine Écrits arabes sur le sujet La sécurité humaine telle qu’elle est définie dans ce rapport Profils des menaces probables 23 23 26 27 Mesure des niveaux de sécurité humaine 29 Sondage sur la sécurité humaine La perception de la jeunesse arabe sur la sécurité humaine – Forums des jeunes 31 31 Conclusion 32 Chapitre 2 E nvironnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes 35 Heur et malheur 35 Les défis les plus importants 36 Pressions de la population et tendances démographiques 36 Pénurie d’eau Atténuation de la pénurie d’eau 39 41 XIII XIV La désertification Lutter contre la désertification 42 45 Pollution : aucune raison de se complaire Pollution de l’eau Pollution de l’air 46 47 49 Le changement climatique – Une menace internationale Changement climatique – Les menaces dans les pays arabes 49 51 Conclusion 53 Chapitre 3 L’État arabe et la sécurité humaine – Performance et perspectives 57 Introduction 57 1re partie : La performance de l’État pour garantir la sécurité humaine 58 1. L’acceptation de l’État par ses propres citoyens Identité et diversité 58 58 2.La conformité aux conventions internationales et régionales et aux cadres constitutionnels Les conventions internationales et régionales Les constitutions arabes et les cadres juridiques Les états d’urgence et les droits de l’homme La violation du droit à la vie à travers la torture et la maltraitance La détention illégale et la violation du droit à la liberté L’autonomie de la justice – L’écart entre le texte et la pratique 61 61 62 65 66 66 66 3.Le monopole de l’État sur l’usage de la force et de la coercition 68 4.Les contrôles institutionnels pour la prévention des abus de pouvoir La crise du Darfour : exemple tragique de l’échec de l’État Échec à gagner l’acceptation de tous les citoyens Échec à préserver le droit de la population du Darfour à la vie et à la sécurité Échec à se conformer aux conventions internationales des droits de l’homme Abus du pouvoir dans l’exercice du droit au monopole de l’usage de la force et de la coercition Échec à opérer dans le cadre d’un système de poids et contrepoids 69 70 71 71 72 2e partie : La voie de la réforme 74 1. Les efforts des gouvernements pour la réforme 75 2.Demandes de réforme : Les groupes sociétaux Les forces de l’opposition politique et les mouvements islamistes Les organisations de la société civile Les gens d’affaires Le rôle des citoyens arabes 70 76 77 78 79 3.Les pressions extérieures 80 Conclusion 82 Chapitre 4 L’insécurité personnelle des groupes vulnérables 87 La violence à l’égard des femmes : impunité et insécurité Mutilation génitale féminine Le mariage précoce des mineures La violence physique Les lois du mariage Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes Les crimes d’honneur Le viol et la société 87 89 90 90 92 La traite des êtres humains 96 Les femmes et les enfants pris dans les scènes des conflits 97 Rapport arabe sur le développement humain 2009 72 73 92 93 94 Le viol comme arme dans les conflits Le viol des enfants en période de conflit armé Des enfants enrôlés dans la guerre 97 99 100 Situation des réfugiés et des personnes déplacées internes Les réfugiés Les personnes déplacées internes 103 103 105 Conclusion 106 Chapitre 5 Défis pour la sécurité économique. 109 Introduction 109 Vulnérabilité économique régionale Exportations du pétrole, croissance et fluctuations Fragilité structurelle des économies arabes 110 110 113 Nouvelles et vieilles questions de politique pétrolière Du troisième boom de courte durée à la crise financière Types de chômage Dynamiques de la pauvreté et de l’inégalité au cœur d’une croissance instable • Pauvreté de revenu • Pauvreté humaine • Inégalité dans le revenu 116 116 119 123 123 125 127 Des fractures dans les politiques adoptées 128 Conclusion 131 Chapitre 6 Faim, alimentation et sécurité humaine 133 Les effets de la faim sur la sécurité humaine Sur le plan individuel Sur le plan collectif 133 133 135 Faim et carence nutritionnelle dans les pays arabes Tendances depuis 1990-1992 L’obésité, un problème grandissant dans les pays arabes 135 137 138 Causes de la faim et de la malnutrition dans les pays arabes 139 A. Causes immédiates Insuffisance de la part alimentaire individuelle • Baisse de la part individuelle en apport alimentaire par rapport aux besoins quotidiens • Le caractère limité du ravitaillement alimentaire et son effet sur les types de régime et de nutrition • Déséquilibre alimentaire • Contribution relative des importations et des exportations des produits alimentaires dans la composition de la part alimentaire individuelle 140 140 B. Causes indirectes La pauvreté et la faim L’occupation, les conflits civils et la faim Politiques économiques et mondialisation 146 146 147 149 140 141 143 144 Effets de la sous-nutrition sur la sécurité humaine dans les pays arabes Réflexions sur la sécurité alimentaire dans les pays arabes 150 152 Conclusion Éradication de la faim et de la sous-alimentation Réalisation de la sécurité alimentaire 156 156 158 Chapitre 7 La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite 161 La santé dans la politique publique sur le plan international Santé et sécurité humaine Santé et sécurité stratégique 161 162 163 La sécurité sanitaire dans le contexte arabe 164 Table des matières XV La situation sanitaire dans les pays arabes Les indicateurs de santé Les changements depuis 2002 Les principaux problèmes de santé La santé dans les zones de conflit Les facteurs qui interagissent avec la sécurité sanitaire Premièrement : la santé et le revenu Deuxièmement : connaissance, croyances et comportements en relation à la santé Troisièmement : l’incidence des us et coutumes sur la santé de la femme • Le garçon avant la fille • Les traditions avant la santé des femmes Quatrièmement : la gestion des systèmes sanitaires 1.Conceptions étroites 2.Des services sanitaires inéquitables, de niveau inférieur et parfois adossés sur une approche purement technique 3.Le financement de la santé est généralement insuffisant 4.Les systèmes de santé publique souffrent de l’insuffisance des ressources et de la baisse du niveau de performance 5.Problématique de l’administration dans les systèmes sanitaires 6.Manque de visibilité concernant les facteurs déterminants et fondamentaux de la santé 7.Répartition inégale des professionnels et des aides-soignants dans le domaine de la santé XVI 165 166 170 170 170 171 171 171 172 172 173 173 174 174 175 176 176 176 177 Le syndrome d’immunodéficience acquise (sida) : une menace qui préoccupe tout le monde Un danger tenace, imminent et mal compris Réévaluation des données 177 177 178 Voies de transmission du VIH dans les pays arabes 179 Une bonne santé est une condition sine qua non de la sécurité humaine Priorités des systèmes sanitaires dans les pays arabes 180 180 Chapitre 8 Occupation, intervention militaire et insécurité humaine 185 Origines et raisons 186 L’impact de l’intervention militaire sur la sécurité humaine I. Menace à la vie A.L’Irak B.Le Territoire palestinien occupé C.La Somalie II. Menace pour la liberté A.L’Irak B.Le Territoire palestinien occupé C.La Somalie III. Menace pour les conditions économiques et les moyens de subsistance A.L’Irak B.Le Territoire palestinien occupé C.La Somalie IV. Menace pour le droit à l’alimentation, à la santé et à l’instruction A.L’Irak B.Le Territoire palestinien occupé C.La Somalie V. Menace contre l’environnement A.L’Irak B.Le Territoire palestinien occupé C.La Somalie 187 187 187 191 193 194 194 196 196 197 197 199 201 202 203 204 206 207 207 207 208 Conclusion 208 Rapport arabe sur le développement humain 2009 Chapitre 9 Conclusions 213 La sécurité des personnes d’abord Environnement : c’est aujourd’hui qu’on protège demain L’État : solution ou problème ? Assurer la sécurité des groupes vulnérables Redéfinir la sécurité économique Réduire l’insécurité alimentaire et sanitaire Mitigation des menaces externes et résolution des conflits Note finale 213 216 218 220 222 226 229 233 Table des matières XVII Encadrés 1-1 1-2 1-3 1-4 1-5 1-6 2-1 2-2 2-3 2-4 2-5 2-6 2-7 3-1 3-2 3-3 3-4 3-5 3-6 3-7 3-8 3-9 4-1 4-2 4-3 4-4 4-5 4-6 4-7 4-8 4-9 5-1 5-2 5-3 5-4 5-5 6-1 6-2 6-3 6-4 6-5 7-1 7-2 7-3 XVIII Mohamed El-Baradei – Sécurité humaine et recherche de la paix Aziz Al Azmeh – Les Arabes et la sécurité humaine Sondage sur la sécurité humaine – Résultats généraux Sondage sur la sécurité humaine – Est-on satisfait de la situation individuelle actuellement ? Sondage sur la sécurité humaine – Jusqu’à quel point les citoyens se sentent-ils en sécurité ? Sondage sur la sécurité humaine – Qu’est-ce qui donne le plus aux citoyens un sentiment d’insécurité ? MOSTAFA KAMAL TOLBA* – Les principaux défis de l’environnement dans les pays arabes Partage de la source de vie Coût de la non-collaboration dans la gestion des eaux transfrontalières L’Ouest du Soudan : les coûts économiques et sociaux de la désertification La désertification en Algérie Objectifs du Millénaire pour le développement, septième objectif, cible n° 10 : baisse du taux des personnes qui n’accèdent pas à l’eau améliorée propre à la moitié au terme de 2015 Le transport terrestre – Émission des polluants de l’air Bahiya Al-Hariri – L’État puissant et équitable : conditions pour la sécurité humaine au Liban La Charte arabe des chaînes satellite Radwan Ziyadeh – L’État et les droits de l’homme dans le monde arabe SONDAGE SUR LA SÉCURITÉ HUMAINE – Jusqu’à quel point l’État respecte-t-il vos droits fondamentaux ? La domination du pouvoir exécutif aux prises avec la réforme dans le secteur de la sécurité La deuxième déclaration d’indépendance : Vers une initiative de réforme politique dans le monde arabe Le secteur privé dans le monde arabe – Plan d’action : feuille de route pour une réforme Enquête sur la sécurité humaine – La participation politique par rapport à l’abstentionnisme Azmi Bishara – Les droits de l’homme et la citoyenneté : la première pierre de la construction d’une nation L’étendue de la violence et sa portée contre la femme dans les pays arabes Au Yémen, une mariée enfant a eu recours à la Cour pour obtenir justice Les droits légaux de la femme dans le cadre des lois du statut personnel Le Maroc lève ses réserves relatives à la CEDAW Sondage sur LA sécurité HUMAINE – Comment se comporte-t-on avec une « femelle égarée » ? Le viol collectif Des cris dans le désert – Les femmes du Darfour L’histoire d’une fille nommée Abir Briser le silence autour de la violence contre la femme Walid Khadduri – Fondements de la politique pétrolière arabe Dangers de la crise financière sur les grands pays producteurs du pétrole Chômage, sécurité humaine et émigration enquête sur la sécurité humaine – La perception du chômage et de la discrimination sur le marché du travail dans 4 pays arabes Importance des politiques sociales intégrées Retard dans la réalisation de l’objectif 1 du Millénaire pour le développement. Cible 2 enquête sur la sécurité humaine – Accès à la nourriture dans 4 pays arabes Sondage sur la sécurité humaine – Les habitudes alimentaires dans 4 pays arabes Deux initiatives pour la réduction de la pauvreté – Le Brésil et le Mexique L’eau virtuelle et le commerce des aliments Les termes employés dans le discours sur la santé et la sécurité humaine Les États arabes sur la bonne voie pour améliorer la santé maternelle et réaliser le cinquième Objectif du Millénaire pour le développement Les pays ont besoin de fournir plus d’efforts pour lutter contre la malaria et la tuberculose Rapport arabe sur le développement humain 2009 24 25 28 29 29 31 36 39 40 43 44 46 48 59 61 63 64 68 77 78 80 81 88 89 91 93 94 95 98 99 106 111 117 119 121 129 134 137 138 149 154 164 168 169 7-4 7-5 7-6 7-7 8-1 8-2 8-3 8-4 8-5 9-1 9-2 9-3 9-4 9-5 9-6 9-7 L’hépatite C en Égypte La première apparition de la femme sur la scène de la vie Garantir la sécurité dans le domaine de la santé publique – Les fonctions fondamentales d’un système efficace Sondage sur la sécurité humaine – Impressions répandues et prise de conscience générale du VIH/sida Le cas particulier du Liban Le compte des morts n’est jamais le même en Irak Nombre des bâtiments endommagés dans le TPO entre 2000 et 2007, selon la gravité des dommages AbdelQawi A. Yusuf – La Somalie : un État assiégé La piraterie en Somalie Rami G. Khouri – Une autre année s’est écoulée Les dirigeants arabes s’engagent à faire progresser la réforme politique GeorgeS Corm – Les Arabes dans l’ère de l’après-pétrole Les priorités de la santé publique Discours du Secrétaire général des Nations Unies sur le besoin vital de la création d’un État palestinien et de l’instauration d’une paix équitable, permanente et globale L’Initiative de paix au sommet arabe de Beyrouth, 2002 Mohamed El Baradei – La recherche de la paix au Moyen-Orient 171 172 177 181 187 190 192 193 202 214 217 224 228 230 231 232 Figures 1-1 Intersection entre sécurité humaine et développement humain – Seuil et interférences 2-1a Les moyennes annuelles du taux de croissance démographique ont baissé dans la plupart des pays arabes depuis les années 1980 2-1b Cependant, la croissance démographique est en augmentation constante 2-2 Moyennes annuelles de la croissance urbaine (%) selon les pays, 2000-2005 2-3 Projection de la population arabe de 15-24 ans en 2050 2-4 Les ressources en eau douce des pays arabes sont souvent en deçà du seuil de pénurie et de la moyenne mondiale, 2005 2-5 L’utilisation des eaux usées dans les pays arabes (%) répartie selon les secteurs, 1999-2006 2-6 Ampleur de la désertification dans 9 pays arabes concernés (%), 1996 2-7 Pourcentage des populations qui n’ont accès ni à l’eau saine ni aux services sanitaires dans 15 pays arabes, 2007 2-8 Augmentation des moyennes d’émission du dioxyde de carbone dans les pays arabes, 1990 et 2003 3-1 Taux d’homicides volontaires (pour 100 000 de la population) dans les régions du monde, 2002 3-2 L’État de droit – Les pays arabes comparés à d’autres régions, 1998 et 2007 4-1 Pourcentage des femmes de 20-24 ans mariées avant l’âge de 18 ans dans 15 pays arabes, 1987-2006 4-2 Endroits des réfugiés palestiniens enregistrés chez l’UNRWA (en milliers) 2008 5-1 Fluctuation des prix du pétrole : croissance du PIB régional (sur la base de l’USD fixe en 1990) et croissance nominative des prix du pétrole 1976-2007 5-2 a Distribution régionale des niveaux du PIB en catégories de pays, 2007 5-2 b Répartition de la population régionale : en catégories de pays, 2007 5-3 Les exportations des pays arabes et la croissance du PIB (variation annuelle moyenne (%) en USD fixe de 1990) 5-4 Structure du PIB des pays arabes selon le secteur économique (A) et la nature de dépense (B), 1970-2007 des pays arabes et des pays à haut, moyen et bas revenus, respectivement 5-5 (A) Variabilité dans le taux de la valeur ajoutée du PIB (%), 1970-2000, selon le pays. (B) Part de la valeur ajoutée dans le PIB du côté des producteurs (%). (C) Part du PIB du côté des producteurs (%), 1970, 1990 et 2007, selon la catégorie de pays. (D) Part des secteurs productifs non pétroliers (%) 1970, 1990 et 2007, selon la catégorie de pays 5-6 (A) Taux de chômage chez les jeunes arabes et (B) la part de la jeunesse arabe dans le chômage total (%), pour l’année 2005/2006 5-7 Pourcentage des employés dans le secteur informel (% de l’emploi 23 37 37 38 38 40 41 43 47 48 67 69 90 104 110 110 110 112 114 115 120 Table des matières XIX non-agricole) selon le sexe, dans 5 pays arabes, 1994-2003 Incidence de la pauvreté humaine en 2006 et sa chute, par pays (%), depuis 1996 6-1 Recensement des affamés à l’échelle internationale, dans une perspective comparative durant trois périodes 6-2 Recensement des affamés dans 15 pays arabes, 1990-1992 et 2002-2004 6-3 Changements dans la prévalence de la sous-alimentation, 1990-2004 6-4 La propagation de l’obésité dans les pays arabes, à Nauru et au Japon, selon le sexe, la catégorie d’âge des moins de 15 ans, 2005 6-5 Moyenne de l’apport calorique quotidien par habitant dans 11 pays arabes, 1990-1992 et 2002-2004 6-6 Consommation individuelle quotidienne en grammes des diverses ressources alimentaires, 1990-2004, 11 pays arabes et la Grèce 6-7 L’apport calorique quotidien et sa répartition suivant les principes nutritifs de base, 11 pays arabes 1990-1992 et 2002-2004 6-8 Production des céréales, 21 pays arabes 1990-2005 6-9 Taux régionaux d’autosuffisance en matière des principales denrées alimentaires (%), par type, 1990-2004 6-10 Dépendance aux produits alimentaires importés, 15 pays arabes, 2005 6-11 Association de la pauvreté et de la faim 6-12 Déclin de la valeur ajoutée de l’agriculture dans la production économique, 12 pays arabes, 1990 et 2005 7-1 Tendances régionales de l’espérance de vie (en années), 1960-2005 7-2 Tendances régionales dans les taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) 1960-2005 7-3 Espérance de vie à la naissance, 22 pays arabes, 2005 7-4 Taux de mortalité maternelle (pour 100 000 naissances vivantes) 21 pays arabes, 2004 7-5 Taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes), 19 pays arabes, 2005 7-6 Taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans (pour 1 000 naissances vivantes), 19 pays arabes, 2005 7-7 Différences des conditions de santé dans les pays arabes, taux de mortalité infantile et des enfants de moins de cinq ans (pour 1 000 naissances), 2005 7-8 Différences des conditions de santé dans les pays arabes, taux de mortalité maternelle (pour 100 000 naissances vivantes), 2005 7-9 Charges des maladies transmissibles et non transmissibles et des blessures, 21 pays arabes, 2002 7-10 Disparités dans les dépenses sanitaires dans les pays arabes, 2004 7-11 La part des dépenses sanitaires publiques par rapport au total des dépenses publiques (%) dans 20 pays arabes, 2005 7-12 La part individuelle des dépenses sanitaires par rapport aux dépenses sanitaires privées (%) dans 20 pays arabes, 2005 8-1 Nombre de morts violentes par jour en Irak, 2003-2006, selon trois sources 8-2 Estimations du taux de mortalité (pour 1 000), toutes causes confondues, selon la tranche d’âge, le sexe, avant et après l’invasion, 2002-2006 8-3 Estimations du taux de mortalité à cause de la violence en Irak (pour 1 000) selon deux enquêtes de terrain, 2003-2006 8-4 Morts à cause de la violence dans le TPO et en Israël, en fonction de la nationalité des victimes et des agresseurs, 2000-2008 8-5 Tendances de la production de pétrole (en millions de barils par jour) 2000-2007 8-6 Comment Israël contrôle les routes palestiniennes, novembre 2004 8-7 Le bouclage dans le Territoire palestinien occupé 1993-2004 8-8 Le chômage dans le Territoire palestinien occupé 1996-2004 8-9 Pauvreté et dépendance de l’aide alimentaire, Cisjordanie et Gaza, 2007 8-10 Diminution du nombre d’enfants pouvant aller à l’école, 2000-2005 5-8 XX Rapport arabe sur le développement humain 2009 123 127 135 136 136 139 140 141 142 144 144 144 146 151 166 166 167 167 167 167 169 169 170 175 176 176 188 189 189 191 198 199 200 200 205 206 Tableaux 1-1 2-1 2-2 2-3 2-4 3-1 3-2 3-3 4-1 4-2 4-3 4-4 4-5 4-6 4-7 5-1 5-2 5-3 5-4 5-5 5-6 5-7 5-8 6-1 6-2 7-1 7-2 8-1 8-2 8-3 La sécurité de l’État face à la sécurité humaine Niveaux de stress hydrique dans 13 pays arabes, 2006 Les précipitations dans les pays arabes, taux annuels à long terme Niveaux de la pollution de l’eau par les polluants organiques dans 15 pays arabes et deux pays industrialisés, 1990-2003, (par ordre décroissant des niveaux de pollution en 1990) Projections du changement climatique – Les eaux et l’agriculture Les pays arabes où un état d’urgence était encore en vigueur en 2008 Les détenus politiques dans cinq pays arabes, 2005 et 2007 La participation électorale dans 18 pays arabes entre 2003 et 2008 Estimation de la prévalence des mutilations génitales féminines (MGF), 6 pays arabes Estimation de la prévalence de la violence sur les femmes (violence physique), 7 pays arabes Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) – Vue d’ensemble des ratifications par les pays arabes, 2009 Crimes d’honneur dénoncés, 5 pays arabes Cas de dénonciation de la traite des personnes selon les registres de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) Le nombre global des réfugiés selon l’HCNUR et l’UNRWA selon le pays d’origine et de résidence, 2007 Estimation des nombres de Personnes déplacées internes dans les pays arabes, 2007 Volatilité de la part de l’individu de la croissance réelle du PIB dans les pays arabes, 1961-2006 (coefficient de variation) Valeur des exportations de pétrole des pays producteurs de pétrole, 2003 et 2006 (en millions d’USD en prix courants) Les dépenses militaires dans 4 pays arabes (en millions d’USD en prix constants de 2005) Incidence de la pauvreté du revenu – Comparaison entre les régions du monde, 1981-2005 (pourcentage de personnes vivant avec moins de 2 USD par jour) Incidence de la pauvreté (extrême) calculée sur la base du seuil national (1991-1999 et 1999-2006) Incidence de la pauvreté par rapport au seuil national supérieur de pauvreté, 9 pays arabes 2000-2006 La population rurale dans les pays arabes, 2007 Incidence de la pauvreté humaine dans 18 pays arabes, 2006 Aide alimentaire aux zones de conflit dans les pays arabes, 2000-2008 Effets de la faim sur les enfants – Les pays arabes par rapport aux autres régions et groupes de pays Estimation du nombre de personnes atteintes du VIH, 12 pays arabes, 2007 Taux comparatifs d’accès aux traitements du VIH/sida dans les pays à bas et moyen revenu, décembre 2003-juin 2006 Nombre de morts suite aux affrontements dans le Territoire palestinien occupé et en Israël 2000-2008 Nombre total des détenus à travers l’Irak et des détenus par les forces multinationales, 1er janvier 2006-30 juin 2008 Nombre des bâtiments endommagés dans le Territoire palestinien occupé entre 2000 et 2007, selon la gravité des dommages 21 41 42 47 50 65 66 79 89 90 92 95 96 103 105 112 112 116 125 125 126 126 127 148 151 178 179 191 195 199 Bibliographie et références 239 Annexe I : Indicateurs du développement humain dans les pays arabes 259 Annexe II : Indicateurs de la gouvernance dans les pays arabes 293 Annexe III : Sondage sur la sécurité humaine 297 Table des matières XXI Le Rapport en bref Ce rapport est une publication indépendante L’absence généralisée de sécurité humaine dans les pays arabes a freiné le progrès Il s’agit du cinquième volume de la série de Rapports arabes sur le développement humain parrainés par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et rédigés de manière indépendante par des intellectuels et des académiciens des pays arabes. À l’instar de ses précédents, ce Rapport fournit à d’éminents penseurs arabes une plate-forme pour articuler une analyse compréhensive de leur propre milieu contemporain. Il ne s’agit pas d’un rapport conventionnel produit par les Nations Unies, mais d’une publication indépendante qui permet à un groupe représentatif d’intellectuels arabes d’exprimer leurs évaluations à la fois mesurées et autocritiques qui n’auraient autrement pas pu être entendues étant donné les circonstances particulières de la région. Les opinions des auteurs sont complétées par un sondage mené dans quatre pays arabes – la Jordanie, le Koweït, le Liban, le Maroc et le Territoire palestinien occupé – qui présentent une diversité politique et culturelle utile pour les analyses du Rapport. Un forum spécial de la jeunesse organisé spécialement pour ce rapport donne également une idée des opinions de la jeunesse arabe. Inspirée du Rapport mondial sur le développement humain 1994 traitant de la sécurité humaine (PNUD), la présente étude adapte ce même sujet à la situation des pays arabes1. L’idée sous-jacente est que, sept ans après la publication du premier Rapport arabe sur le développement humain, les lignes de faille de la région, telles que tracées alors, se seraient accentuées2. La question suivante se pose alors : pourquoi les obstacles au développement humain dans la région se sont-ils avérés aussi tenaces ? Ce nouveau Rapport suggère que les réponses sont à trouver dans la fragilité des structures politiques, sociales, économiques et environnementales de la région, dans l’absence de politiques de développement axées sur la population et dans la vulnérabilité de la région aux interventions extérieures. Toutes ces caractéristiques réunies portent atteinte à la sécurité humaine – le socle matériel et moral qui garantit la vie, les moyens de subsistance et une qualité de vie acceptable à la majorité. La sécurité humaine est une condition préalable au développement humain, et son absence généralisée dans les pays arabes a freiné le progrès en matière de développement humain. L’insécurité humaine aux niveaux mondial et régional L’ordre mondial qui a suivi la fin de la guerre froide s’est avéré instable. Les défis externes et internes à l’intégrité des États se sont multipliés. La pollution de l’environnement, le terrorisme international, d’importants mouvements de population, l’effondrement du système financier mondial et la montée d’autres menaces La sécurité humaine met l’accent sur l’aptitude des peuples à contenir ou à éviter les menaces qui pèsent sur leur vie, leurs moyens de subsistance et leur dignité humaine transfrontalières telles que les pandémies, le trafic de stupéfiants et la traite des êtres humains ont menacé les notions traditionnelles de sécurité. Au sein même des pays, l’aggravation de la pauvreté, le chômage, les guerres civiles, les conflits confessionnels et ethniques et la répression exercée par les régimes autoritaires ont révélé les limites de nombreux États en termes de garantie des droits civiques et des libertés de leurs citoyens. Alors que la préservation de l’intégrité des États reste une priorité principale en matière de sécurité nationale, une nouvelle préoccupation, à savoir la protection de la vie des individus qui y résident, a pris le pas sur la question de l’intégrité. Le concept de sécurité humaine qui est complémentaire à celui de sécurité nationale met l’accent sur ce changement de perspective. Dans les pays arabes, l’insécurité humaine – largement répandue, souvent intense et affectant un grand nombre d’individus – constitue un frein au déve loppement humain. Elle est révélée par l’impact de l’occupation militaire et du conflit armé en Irak, au Soudan, en Somalie et dans le Territoire palestinien occupé. Elle est également répandue dans des pays qui jouissent d’une certaine stabilité et où un État autoritaire, soutenu par des constitutions défectueuses et des lois injustes, prive souvent les citoyens de leurs droits. L’insécurité humaine est accentuée par les changements climatiques rapides qui représentent une menace pour les moyens de subsistance, les revenus ainsi que l’accès à la nourriture et à l’eau de millions d’Arabes. Elle se reflète dans la vulnérabilité économique d’un cinquième de la population de certains États arabes, et de plus de la moitié de la population dans d’autres, qui s’appauvrissent et meurent de faim et de besoin. L’insécurité humaine est rendue palpable dans l’aliénation du nombre croissant de jeunes chômeurs dans la région et dans la mauvaise situation des femmes exploitées et des réfugiés démunis. Le concept La sécurité humaine est « l’arrière-garde du développement humain ». Alors que le développement humain est lié au renforcement des capacités et des chances de 2 Rapport arabe sur le développement humain 2009 l’individu, la sécurité humaine met davantage l’accent sur l’aptitude des peuples à contenir ou à éviter les menaces qui pèsent sur leur vie, leurs moyens de subsistance et leur dignité humaine. Les deux concepts appréhendent la condition humaine à partir des deux pôles d’un même continuum. Amartya Sen assimile le développement humain à une « expansion avec équité » et la sécurité humaine à une « régression avec sécurité ». Les cadres conceptuels de ces deux concepts se complètent et se renforcent mutuellement. En outre, la sécurité humaine est liée aux droits de l’homme puisque le respect des droits fondamentaux des individus crée les conditions favorables à la sécurité humaine. À partir de ces idées, le rapport retient la classification globale des menaces qui pèsent sur la sécurité humaine, init ia lement établie par le PNUD, et définit la sécurité humaine comme étant « la libéra tion des êtres humains des menaces intenses, extensives, persistantes, et compréhensives auxquelles leur vie et leur liberté sont vulné rables ». Les chapitres du rapport mettent l’accent sur : • Les pressions sur les ressources environnementales. • La performance de l’État en termes de garantie ou d’atteinte à la sécurité humaine. • L’insécurité spécifique des groupes vulnérables. • La vulnérabilité économique, la pauvreté et le chômage. • La sécurité alimentaire et la nutrition. • La santé et la sécurité humaine. • L’insécurité généralisée liée à l’occupation et à l’intervention militaire étrangère. La sécurité humaine peut être à la fois mesurée en termes objectifs et subjectifs, et en termes quantitatifs et qualitatifs. Le Rapport estime qu’un seul indicateur composite de la sécurité humaine ne peut être ni valable, ni fiable, ni suffisamment sensible aux différents niveaux de sécurité humaine et aux différentes circonstances inhérentes à chaque région. Ce Rapport défend plutôt l’utilisation d’indicateurs quantitatifs distincts et d’enquêtes d’opinion au niveau de la région, de ses sousrégions et groupes de pays. Les sept dimensions de la menace 1.Les populations et leur environnement précaire La région arabe est confrontée à des pressions environnementales croissantes portant atteinte à la sécurité des populations. Les conflits potentiels liés au contrôle des ressources naturelles en diminution peuvent affecter fortement les relations entre les communautés, les populations et les États arabes ou non arabes. Ces défis découlent des pressions de la population et de la démographie, de la surexploitation des terres, des pénuries d’eau, de la désertification, de la pollution et des changements climatiques. La pression de la population : Selon les estimations des Nations Unies, la population des pays arabes s’élèvera à près de 385 millions de personnes d’ici 2015 (contre environ 331 millions en 2007, et 172 millions en 1980). Dans une région où l’eau et les terres arables sont en diminution, ces taux de croissance démographique bien qu’en baisse, continuent d’exercer une forte pression sur la capacité de production des terres des pays arabes et menacent la durabilité environnementale. La croissance urbaine pose des problèmes particuliers. L’accélération de l’exode rural met à rude épreuve des infrastructures fonctionnant déjà à la limite de leurs capacités, et crée des problèmes de surpopulation, d’insalubrité et d’insécurité dans de nombreuses villes arabes. En 1970, 38 % de la population arabe était urbaine. En 2005, ce pourcentage est passé à 55 %, et est susceptible de dépasser les 60 % d’ici 2020. Les pressions démographiques : La proportion élevée de jeunes est l’aspect le plus évident et le défi le plus problématique du profil démographique de la région. Les jeunes représentent le segment de la population des pays arabes qui enregistre la plus forte croissance. Près de 60 % de la population est âgée de moins de 25 ans, ce qui en fait l’une des régions les plus jeunes du monde, avec une moyenne d’âge de 22 ans contre une moyenne mondiale de 28 ans. La pénurie d’eau : Les ressources totales des eaux de surface disponibles dans les pays arabes sont estimées à 277 milliards de mètres cubes par an3, dont seulement 43 % sont originaires des pays arabes. Les ressources en eau de surface partagées avec les pays voisins situés hors de la région représentent environ 57 % du total des besoins en eau de la région. Des années d’efforts ont abouti à la mise en place d’accords formels (tels que l’Initiative du Bassin du Nil) sur la gestion des ressources en eau partagées. Toutefois, la plupart de ces accords sont partiaux, inefficaces et inéquitables en ce qui concerne l’ensemble des droits riverains. À l’échelle régionale et interrégionale, la coopération en matière d’utilisation et de gestion de l’eau est fortement affectée par les tensions politiques qui prévalent et les conflits en cours. Les réserves aquifères renouvelables sont exploitées plus rapidement qu’elles ne peuvent être reconstituées La surexploitation des eaux souterraines est souvent le seul moyen d’acquérir l’eau douce dans la région. Pourtant, les réserves aquifères renouvelables sont exploitées plus rapidement qu’elles ne peuvent être reconstituées. Les conflits transfrontaliers, une mauvaise répartition, ainsi qu’une utilisation massive, notamment des ressources du sol, caractérisent l’utilisation de l’eau dans la plupart des pays arabes. De ce fait, la majeure partie de la population souffre d’un manque d’accès à l’eau salubre et d’importantes quantités d’eau sont gaspillées dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et du tourisme. La désertification constitue un danger pour la région. Elle est officiellement définie dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), comme étant « la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides, subhumides sèches, par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines ». Une étude du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) estime que le désert a englouti plus des deux tiers de la superficie totale de la région (9,76 millions de kilomètres carrés de désert, soit 68,4 % de la superficie totale des terres). La Péninsule arabique représente le ratio le plus élevé de désert sur superficie totale (neuf dixièmes ou 89,6 %). Elle est suivie par l’Afrique du Nord (plus des trois-quarts du territoire, Le Rapport en bref Le désert a englouti plus des deux tiers de la superficie totale de la région 3 soit 77,7 %), la vallée du Nil et la Corne de l’Afrique (moins de la moitié, soit 44,5 %) et par le Moyen-Orient (35,6 %). La désertification en cours menace près de 2,87 millions de kilomètres carrés, soit un cinquième de la superficie totale des pays arabes. La pollution de l’eau dans les pays arabes constitue un sérieux défi. Elle est principalement due à l’utilisation croissante d’engrais chimiques, de pesticides, et de traitements horticoles et vétérinaires dont les traces de longue durée se retrouvent dans l’eau. Le manque d’accès suffisant à l’eau potable menace la sécurité humaine de nombreuses manières. Il peut conduire à la propagation de maladies chez les enfants, telles que la dysenterie, et affecter l’assiduité et les résultats scolaires. Il prive les femmes de longues heures au cours desquelles elles pourraient se consacrer à des activités personnelles, génératrices de revenus, plutôt que d’aller chercher de l’eau pour leur famille. En outre, la pénurie d’eau et la pollution menacent la production agricole et alimentaire et déclenchent des rivalités intestines sur le contrôle des rares ressources en eau. La pollution de l’eau dans les pays arabes constitue un sérieux défi À l’inverse, les niveaux de pollution de l’air dans les pays arabes, en général, sont parmi les plus bas du monde. En 2004, les émissions de dioxyde de carbone ne dépassaient pas 1 348,4 tonnes contre 12 162,9 tonnes dans les pays à revenu moyen et 13 318,6 tonnes dans les pays de l’OCDE. Il est à noter cependant que si les pays arabes ont des taux d’émission de dioxyde de carbone relativement faibles c’est principalement parce que la plupart d’entre eux n’ont pas beaucoup progressé en matière d’industrialisation. Pourtant, les émissions de dioxyde de carbone en Afrique du Nord et au Moyen-Orient augmentent à un rythme plus rapide que dans n’importe quelle autre région du monde, à l’exception de l’Asie du Sud (avec l’Inde en tête) et de l’Asie de l’Est (avec la Chine en tête). De 1990 à 2004, le taux annuel moyen de croissance était de 4,5 %, ce qui signifie que les émissions de dioxyde de carbone ont presque doublé au cours de cette période. La région risque de devenir bientôt une victime directe des changements climatiques Les changements climatiques : Les pays arabes sont parmi les moins responsables 4 Rapport arabe sur le développement humain 2009 de l’effet de serre. Selon le RDH 2008 et les Indicateurs du développement mondial pour 2007, la part de la région dans les émissions de dioxyde de carbone, qui contribuent à ce phénomène, ne dépassait pas 4,7 % – elle est plus faible que dans toute autre région, sauf l’Afrique subsaharienne. Toutefois, la région risque de devenir bientôt une victime directe des changements climatiques qui l’affecteraient en termes de : a) pénurie d’eau ; b) réduction de la production agricole ; c) flux migratoires importants vers l’étranger (réfugiés environnementaux) ; d) ralentissement de l’activité économique ; e) menaces contre la sécurité nationale. Le réchauffement de la planète : Selon le Rapport mondial sur le développement humain 2007/2008 publié par le PNUD, l’Égypte, le Liban, le Soudan et les pays d’Afrique du Nord pourraient être les pays de la région les plus touchés par les changements climatiques. Une augmentation de la température de la Terre de trois ou quatre degrés augmenterait le niveau de la mer d’environ un mètre, provoquant l’exode de 6 millions de réfugiés en Égypte, et l’inondation de 4 500 km2 de terres agricoles dans le delta. Même si le niveau de la mer ne devait augmenter que d’un demi-mètre, cela pourrait entraîner l’afflux de 2 millions de réfugiés et provoquer des pertes économiques de plus de 35 milliards d’USD. Dans la région de Kordofan, au Soudan, une augmentation de la température d’1,5 degré Celsius entre 2030 et 2060 réduirait la moyenne des précipitations de 5 %, provoquant une baisse générale de la production agricole et une diminution de la production de maïs de 70 % par rapport aux niveaux actuels. Une augmentation d’1,2 degré Celsius d’ici 2020 réduirait l’eau disponible au Liban de 15 % et, dans certaines régions du Maroc de plus de 10 %. 2. L’État et l’insécurité des citoyens Concernant les niveaux de sécurité humaine parmi les citoyens, l’État arabe représente-t-il une solution ou bien un problème ? Pour répondre à cette question, le Rapport compare les performances des États arabes avec les normes associées à la bonne gouvernance. Il cherche à comprendre si oui ou non les citoyens des États arabes reconnaissent la légitimité de ces États, et si ces États défendent et garantissent les droits à la vie et à la liberté de leurs citoyens et les protègent contre les agressions. Son analyse s’appuie sur 4 critères : 1) l’acceptation de l’État par ses propres citoyens ; 2) le respect par l’État des conventions internationales relatives aux droits de l’homme ; 3) la manière dont l’État exerce le monopole de l’usage de la force et de la coercition ; 4) la mesure dans laquelle les contrôles et les équilibres institutionnels préviennent les abus de pouvoir. Le rapport conclut que les principales et récurrentes lacunes dans ces domaines fusionnent souvent pour transformer en une menace contre la sécurité humaine, l’État qui devait en être le principal soutien. Identité, diversité et citoyenneté Les États sont des créations artificielles. Les frontières de nombreux États arabes reflètent souvent cette réalité, rassemblant des groupes ethniques, religieux et linguistiques incorporés au sein de ces États en tant que minorités au cours de la période postcoloniale. Peu de pays arabes ont connu une transition en douceur vers l’intégration après l’indépendance. Une forte tendance nationaliste s’est plutôt développée avec pour objectif de gommer la diversité de la population et de soumettre l’hétérogénéité des diversités culturelles, linguistiques et religieuses à l’autorité des structures de commande. La majorité des États n’ont pas réussi à mettre en place une gouvernance démocratique et des institutions représentatives assurant l’intégration, la répartition équitable des richesses entre les différents groupes et le respect de la diversité culturelle. L’une des conséquences a été que des groupes identitaires dans certains pays arabes ont cherché à se libérer du joug de l’État-nation à l’ombre duquel ils vivaient. Ce rejet de la légitimité de ce type d’État, que les pays arabes contemporains ont hérité et perpétué, s’est accompagné de conflits menaçant la sécurité humaine et auxquels certains États ont réagi en imposant des contrôles autoritaires. Dans l’histoire politique occidentale, le concept normatif qui a le plus contribué à la gestion de la diversité ethnique, culturelle et linguistique est celui de citoyenneté. Les États arabes suivent une évolution politique similaire assez lente et, par conséquent, un nombre limité d’entre eux a un niveau de conscience civique permettant aux citoyens de résoudre leurs différends d’une manière pacifique, sans l’intervention de l’État. L’observation confirme que, dans les pays arabes, les différences ethniques, religieuses, confessionnelles et linguistiques peuvent s’accompagner de luttes incessantes, surtout dans les pays où la population n’est pas homogène. Dans des pays comme l’Irak, le Liban, la Somalie et le Soudan, les appartenances ethniques, religieuses et tribales sont devenues l’axe autour duquel les communautés se sont mobilisées pour exiger l’intégration ou la séparation. Cette mobilisation a été destructrice et déstabilisatrice, portant atteinte à la sécurité et à l’intégrité des États. Malheureusement, ces conflits ont engendré le plus grand nombre de pertes humaines dans les pays arabes. Le Rapport soutient que l’identité, en soi, n’est pas nécessairement la cause d’un conflit ni même la principale source de tension entre les différents groupes d’une région. Les affrontements qui semblent être liés à des questions d’identité sont en réalité souvent dus à l’accès inégal au pouvoir politique ou à la richesse, à l’absence de canaux de participation politique représentative, et à la répression de la diversité culturelle et linguistique. Le plus souvent, ces conflits commencent avec l’exploitation par les dirigeants politiques, à des fins idéologiques, des liens entre les groupes qui partagent des sentiments d’exclusion, de privation et de discrimination. De grandes et récurrentes lacunes peuvent transformer l’État en une menace contre la sécurité humaine La majorité des États n’ont pas réussi à mettre en place une gouvernance démocratique et des institutions représentatives Respect des conventions internationales La plupart des États arabes ont signé les principales conventions internationales relatives aux droits de l’homme qui stipulent à la fois le droit à la vie et le droit à la liberté. La signature et la ratification impliquent l’obligation pour les États arabes concernés de mettre leur législation et les pratiques nationales en conformité avec ces conventions, une obligation plutôt transgressée qu’observée. À l’échelle régionale, les droits de l’homme adoptés par les États et reflétés dans la Charte arabe des droits de l’homme (2004) sont incompatibles avec les normes internationales. En Le Rapport en bref Les différences ethniques, religieuses, confessionnelles et linguistiques peuvent s’accompagner de luttes incessantes 5 Les droits individuels sont souvent violés au nom de l’idéologie officielle ou de la foi dans les pays arabes Les lois antiterroristes ont conféré aux organismes gouvernementaux chargés de la sécurité de vastes pouvoirs 6 effet, la peine de mort, abolie dans plus de la moitié des pays du monde et condamnée par les Nations Unies, est largement mise en pratique dans plusieurs pays arabes, qui ne la limitent pas aux crimes les plus graves ou n’en écartent pas l’usage en cas de crime politique. Manquements constitutionnels Les constitutions ne sont généralement pas conformes aux normes internationales prévues dans les conventions signées par les pays arabes. Cela compromet sérieusement les niveaux de sécurité humaine dans les pays concernés. Les constitutions de nombreux pays arabes retiennent des formules idéologiques ou doctrinales qui vident les dispositions relatives aux droits et libertés de tout contenu et autorisent la violation des droits individuels au nom de l’idéologie officielle ou de la foi. D’autres réagissent de manière ambiguë à la liberté d’opinion et d’expression, tendant à la restreindre plutôt qu’à l’autoriser. Les constitutions des pays arabes confient régulièrement à l’État le soin de définir les droits. Elles permettent ainsi la violation des libertés et des droits individuels au moment de les traduire dans une loi ordinaire. Bien que les lois et constitutions arabes en général ne prescrivent pas de discrimination entre les citoyens sur la base de la langue, de la religion, de la croyance, ou de la confession, la discrimination contre les femmes est évidente dans les lois de plusieurs États. Restrictions légales des libertés Dans la région arabe, six pays continuent d’interd ire la formation de partis politiques. Dans de nombreux autres cas, il existe différents degrés de répression et de restriction liés à la création et au fonctionnement des partis politiques, notamment des partis d’opposition, pouvant aller jusqu’à leur interdiction. À une exception près, tous les pays arabes soutiennent le droit de formation des associations civiles. Toutefois, la plupart des régimes juridiques et des règlements qui régissent et réglementent le secteur de la société civile comprennent un large éventail de mesures restrictives qui entravent l’exercice de ce droit. La création et le fonctionnement des associations de la société civile sont astreints à des restrictions. Ces associations, ou leurs conseils d’administration, Rapport arabe sur le développement humain 2009 peuvent être sommairement dissoutes par l’État, et leurs affiliations ou sources de financement sont soumises à des contrôles rigoureux. Mesures de sécurité nationale De nombreux pays arabes ont connu de très longues périodes de loi martiale ou d’état d’urgence, transformant des mesures provisoires en une conduite permanente de la vie politique. Les déclarations de l’état d’urgence sont souvent un simple prétexte pour suspendre les droits fondamentaux et exempter les dirigeants de toute limitation constitutionnelle, fût-elle faible. La plupart des pays arabes ont adopté après le 11 septembre des lois de lutte contre le terrorisme sur la base d’une définition large et imprécise du terme « terrorisme ». Ces initiatives ont conféré aux organismes gouvernementaux chargés de la sécurité de vastes pouvoirs qui, bien qu’efficaces dans certains cas, peuvent aussi constituer une menace pour les libertés fondamentales. Ces lois ont autorisé des périodes indéfinies de détention préventive et multiplié les cas de recours à la peine de mort. Elles ont également limité la liberté d’expression et étendu les pouvoirs de la police en matière d’investigation, d’écoute et d’arrestation. Dans certains cas, elles augmentent le recours aux tribunaux militaires. En général, ces lois n’ont pas réussi à trouver l’équilibre nécessaire entre la sécurité de la société et celle de l’individu. Parrainées par l’État, les violations des droits du citoyen à la vie et à la liberté sont commises à travers la pratique de la torture et de la détention illégale. Entre 2006 et 2008, l’Organisation arabe des droits de l’homme (OADH) a dénoncé des cas de pratique officielle de la torture dans 8 États arabes. Au cours de la même période, l’OADH a révélé la pratique plus généralisée de la détention illégale dans 11 pays de la région. Obstructions à la justice L’indépendance du pouvoir judiciaire est nécessaire à tout système étatique de contrôles et d’équilibres. Les menaces qui pèsent sur l’indépendance de la justice dans les États arabes ne proviennent pas des constitutions, qui défendent généralement le principe, mais du pouvoir exécutif. Tous les systèmes judiciaires arabes souffrent, d’une manière ou d’une autre, d’atteintes portées à leur indépendance, dues à la domination par l’exécutif des deux pouvoirs législatif et judiciaire. En outre, l’indépendance de la justice est sapée par la multiplication des Cours de sûreté de l’État et des tribunaux militaires qui constituent une négation de la règle de justice naturelle et portent atteinte aux garanties d’un procès équitable. Il en résulte un écart considérable entre les textes constitutionnels et la pratique juridique réelle en matière de protection de la sécurité personnelle du citoyen arabe. Dans certains pays arabes, des juges ont lutté en faveur de l’indépendance de la justice, mais leurs efforts sont entrepris dans un environnement très difficile. Une sécurité imposée par l’État La sécurité humaine est renforcée lorsque l’État est le seul à utiliser les moyens de coercition et les utilise pour mener à bien son engagement, à savoir celui de faire respecter les droits des individus, ceux des citoyens et des non-citoyens. Lorsque d’autres groupes s’emparent des moyens de coercition, les résultats vont rarement dans le sens de la sécurité des citoyens. Les autorités publiques dans certains pays arabes se sont révélées incapables d’imposer la sécurité lors de leur confrontation avec des groupes armés, et d’autres ont souffert de la violence armée, dans laquelle certains de leurs citoyens, ou ceux d’autres États arabes, ont été impliqués. D’autre part, alors que beaucoup d’Arabes vivent sous différentes « nonlibertés », qui les privent effectivement du droit d’expression et de représentation, et alors que la menace de violence initiée par l’État contre eux continue de peser, la région offre un degré de protection contre la criminalité inégalé dans d’autres régions en développement. Mis à part les cas d’occupation étrangère et de guerre civile, un taux relativement faible de criminalité violente reste la norme pour les pays arabes. Selon les statistiques de 2002, la police avait enregistré le plus faible taux d’homicide et de voies de fait, non seulement parmi toutes les régions du Sud, mais aussi par rapport aux pays en développement et développés. Les pouvoirs exécutifs, les armées et les forces de sécurité qui ne sont pas soumis au contrôle public représentent de sérieuses menaces potentielles à l’encontre de la sécurité humaine. Nombre de gouvernements arabes exercent un pouvoir absolu, et maintiennent leur emprise sur le pouvoir en laissant au service de sécurité de l’État une très grande marge de manœuvre, au détriment des libertés et des droits fondamentaux des citoyens. Les services arabes de sécurité opèrent en toute impunité, car ils sont indispensables au chef d’État et ne sont tenus de rendre des comptes qu’à ce dernier. Leurs pouvoirs sont renforcés par l’interférence de l’exécutif avec le pouvoir judiciaire, par la domination (dans la plupart des États) d’un parti immuable au pouvoir sur la législature, et par le musellement des médias. À la lumière des critères précédents, la relation entre l’État et la sécurité humaine dans la région n’est pas simple. Alors que l’État est supposé garantir la sécurité humaine, il a été, dans plusieurs pays arabes, une source de menace sapant les conventions internationales et les dispositions des constitutions nationales. Le rapport considère que la nature et l’étendue des échecs de l’État sont responsables de la crise du Darfour, qui illustre la façon dont la performance de l’État affecte la sécurité humaine. La mise en place d’un État de droit et d’une bonne gouvernance dans les pays arabes reste une condition préalable à un État légitime et à la protection de la sécurité humaine. Beaucoup d’Arabes vivent sous différentes « non-libertés » Appels à la réforme de l’État Les réformes récentes parrainées par l’État pour renforcer les droits des citoyens ont été bien accueillies mais se sont révélées inefficaces quant à changer la nature du contrat social ou le fondement structurel du pouvoir en place dans la région. La société civile de plus en plus active et engagée dans la région a clairement ouvert la voie à la réforme. Les exigences de cette société civile portent principalement sur : • Le respect du droit de tous les peuples à l’autodétermination. • L’adhésion aux principes des droits de l’homme, et le rejet de tous les arrangements fondés sur les spécificités culturelles et la manipulation du sen timent national. • La tolérance à l’égard des différentes religions et doctrines. • Des systèmes parlementaires sains. Le Rapport en bref La relation entre l’État et la sécurité humaine dans la région n’est pas simple 7 Certains groupes d’individus marginalisés ne bénéficient d’aucune forme de sécurité personnelle • L’intégration au sein des constitutions des pays arabes des garanties du pluralisme politique et intellectuel, et du multipartisme, avec des partis politiques fondés sur le principe de la citoyenneté. Les demandes de changement des citoyens portent notamment sur : la fin de la loi martiale ; l’abolition des lois et tribunaux d’urgence ; la fin de la pratique de la torture ; la réforme des législations des pays arabes incompatibles avec la liberté de pensée et d’expression ; ainsi que la mise en œuvre complète et l’instauration du règne de la loi. 3.La vulnérabilité des groupes marginalisés La sécurité personnelle des citoyens dans les pays arabes est compromise par des lacunes juridiques ; elle est aussi supervisée et réglementée par des institutions coercitives et basée sur la confiscation des libertés. Toutefois, certains groupes d’individus marginalisés – les femmes maltraitées et exploitées, les victimes de la traite des êtres humains, les enfants soldats, les réfugiés et les personnes déplacées internes – ne bénéficient d’aucune forme de sécurité personnelle. Il est difficile d’évaluer la prévalence de la violence contre les femmes dans les sociétés arabes 8 La violence contre les femmes De nombreuses femmes arabes sont toujours soumises à des schémas patriarcaux de parenté, à une discrimination légalisée, à une subordination sociale et à une domination masculine profondément enracinée. Étant donné le faible pouvoir des femmes dans le processus décisionnel au sein de la famille, leur situation les expose en permanence à des formes de violence familiale et institutionnalisée. Les femmes arabes, comme beaucoup de femmes dans d’autres régions du monde, font l’objet d’une violence à la fois directe et indirecte. En matière de violence directe, elles subissent diverses formes d’agressions physiques, depuis le passage à tabac, jusqu’au viol ou le meurtre. En matière de violence indirecte, elles sont victimes de pratiques culturelles et sociales leur causant des dommages physiques, par exemple la mutilation génitale féminine (MGF) et le mariage des mineures. Bien que certains États aient interdit la pratique de la MGF, Rapport arabe sur le développement humain 2009 elle continue d’être répandue dans plusieurs pays arabes, à cause du poids des croyances surannées. Des personnalités influentes ainsi que des forces politiques ou sociales conservatrices défendent également cette pratique. Les pays arabes n’ont pas encore adopté de lois interdisant le mariage avant l’âge de la majorité, à savoir 18 ans. Pourtant, des études indiquent que le mariage précoce et les grossesses des adolescentes mettent en danger la santé des mères et des enfants, et accroissent la vulnérabilité des femmes à la violence. Les mariages précoces conduisentsouvent à des divorces, à l’éclatement de la famille et à une mauvaise éducation des enfants. Ils encouragent généralement les grossesses précoces et un taux élevé de fécondité, ce qui comporte des risques de santé pour les très jeunes mères et leurs nouveau-nés. Bien que le mariage précoce soit en baisse dans les pays arabes, le nombre d’adolescentes mariées reste important dans certains d’entre eux. Selon les données les plus récentes disponibles pour la période 1987-2006, l’UNICEF estime que la proportion de femmes âgées de 20 à 24 ans mariées avant l’âge de 18 ans était de 45 % en Somalie, 37 % au Yémen et en Mauritanie, 30 % dans les Comores, et 27 % au Soudan. Ces proportions étaient de 10 % en Tunisie, 5 % à Djibouti, et 2 % en Algérie. Il est difficile d’évaluer la prévalence de la violence contre les femmes dans les sociétés arabes. Le sujet est tabou dans une culture masculine du déni. Une grande partie de cette violence est invisible, puisqu’infligée à la maison aux épouses, sœurs et mères. La sous-déclaration des infractions est très répandue. Les lois matrimoniales contribuent au problème étant donné que la plupart d’entre elles consacrent les droits de garde du mari sur sa femme. Les lois de l’état civil consacrent la suprématie des hommes au sein de la famille puisqu’en vertu de ces lois, la majorité des femmes dans les pays arabes n’ont pas le droit de demander le divorce ou de s’opposer à la polygamie. Des mesures ont été prises pour la réforme des lois de l’état civil, notamment dans les pays du Maghreb, toutefois, des mesures supplémentaires sont nécessaires. Les soi-disant « crimes d’honneur » constituent la forme la plus notoire de violence contre les femmes dans de nombreuses sociétés arabes. Là aussi, la sous-déclaration rend la prévalence de ces crimes difficile à établir, mais il est certain que la pratique se poursuit. La sanction infligée aux femmes peut aller jusqu’à la condamnation à mort, surtout si l’acte incriminé conduit à une grossesse. Dans certains pays arabes, la loi est du côté des auteurs de ces crimes par la réduction des peines. Le viol est une forme de violence contre les femmes plus commune que ne laissent suggérer les incidents signalés à la police, ou couverts par les médias. Dans les pays arabes, où les lois sur le viol sont équivoques ou prennent activement parti contre les femmes, et où la famille et la société s’unissent pour nier les événements, préserver l’image de virginité et minimiser le crime, peu de cas sont portés devant les tribunaux. Ainsi, l’une des menaces les plus violentes, intrusives et traumatisantes contre la sécurité personnelle des femmes se poursuit alors que la société continue de détourner les yeux. En temps de guerre, les agressions contre les femmes interviennent dans un contexte d’anarchie, de déplacement et d’affrontements armés, comme c’est le cas en Irak, au Soudan (Darfour) et en Somalie où les rôles dévolus aux deux sexes sont polarisés. Dans ce genre de conflit, les hommes compensent souvent leur propre insécurité et perte de domination par une intensification des agressions contre les femmes. En juin 2008, le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) a adopté à l’unanimité la résolution 1820 exigeant « de toutes les parties à des conflits armés qu’elles mettent immédiatement et totalement fin à tous actes de violence sexuelle contre des civils ». La résolution souligne que « les femmes et les filles sont particulièrement victimes de la violence sexuelle utilisée notamment comme arme de guerre ». La traite des êtres humains La traite des êtres humains est un secteur d’activité transnational de plusieurs milliards d’USD qui se répand à travers les pays arabes. Dans la région, cette activité clandestine présente certaines spécificités. La première est que les États arabes jouent des rôles divers et parfois multiples. Ils peuvent constituer des destinations pour la traite, agir comme un point de transit pour ce commerce ou être le pays d’origine de ses victimes. En tant que destination, les pays arabes reçoivent les victimes de ce trafic, venues de différentes régions du monde, telles que l’Asie du Sud-Est, l’Asie du Sud, l’Europe de l’Est, l’Asie Mineure, l’Asie centrale et l’Afrique subsaharienne. Pour les hommes, la traite signifie le travail forcé dans des conditions inhumaines violant le droit du travail. Pour les femmes, cela signifie généralement un service domestique souvent peu différent de l’esclavage ou de l’exploitation sexuelle, alors que pour les enfants, il mène à travailler comme mendiants, vendeurs ambulants ou méharistes, ou à l’abus sexuel. Pour toutes les victimes, la servitude par la traite signifie une vie avilissante d’insécurité permanente. Les enfants sont des proies faciles aux pratiques qui portent atteinte à leur sécurité. Non seulement ces pratiques nuisent à leur liberté, mais elles les exposent à des dommages extrêmes, tels un retard de développement psychologique, des blessures corporelles, voire la mort. La plus cruelle de ces pratiques est le recru tement d’enfants soldats. On observe deux formes différentes d’implication d’enfants dans les activités militaires des pays arabes. La première est celle observée en Somalie et au Soudan, où le recrutement d’enfants soldats est largement signalé. La deuxième est celle observée dans d’autres zones de conflit dans la région – comme dans le Territoire palestinien occupé et l’Irak – où les enfants, volontairement ou sous la contrainte, jouent des rôles de support, alors qu’ils souffrent de manière disproportionnée dans le cadre des conflits armés de ces régions. La région arabe représente à la fois le lieu de la plus ancienne question de réfugiés Le sort des réfugiés et des personnes déplacées internes La région arabe représente à la fois le lieu de la plus ancienne question de réfugiés, celle des Palestiniens, et de la plus récente, celle du Darfour. Poussés à fuir en raison de conditions de grave insécurité – dans le meilleur des cas, la perte de travail et de revenus et, dans le pire, la perte de la vie aux mains des armées d’occupation ou des milices rivales – les réfugiés continuent de vivre avec les insécurités associées à leur statut. Ils sont à la merci des conditions de vie dans les camps ou des événements politiques et économiques dans leurs pays Le Rapport en bref 9 Réduire l’insécurité des groupes les plus vulnérables de la région commence par la reconnaissance de l’ampleur des injustices dont ils sont victimes La fabuleuse richesse pétrolière des pays arabes donne une image trompeuse de leur situation économique, et en masque les faiblesses structurelles d’accueil, qui peuvent soudainement se retourner contre eux. L’expérience de réfugiés peut ne jamais prendre fin, une personne peut mourir réfugiée et transmettre ce statut à la deuxième génération. Alors que les statistiques sur les réfugiés sont souvent difficiles à vérifier, il est estimé que les pays arabes regroupent près de 7,5 millions de réfugiés, sous la forme de réfugiés enregistrés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR) et l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le ProcheOrient (UNRWA), pour l’année 2008. Cela représente 46,8 % des 16 millions de réfugiés dans le monde enregistrés par l’HCNUR et l’UNRWA en 2008. Le plus grand nombre de ces réfugiés, principa lement des Palestiniens et des Irakiens, se trouve en Jordanie, en Syrie, et dans le Territoire palestinien occupé. Dans les pays arabes, les personnes déplacées internes (PDI) sont plus répandues géographiquement que les réfugiés qu’ils surpassent en nombre, avec un total d’environ 9,8 millions de déplacés. La plupart se trouvent dans six États arabes – l’Irak, le Liban, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen – où le Soudan, à lui seul, en compte jusqu’à 5,8 millions. Les PDI partagent la plupart des insécurités des réfugiés, à savoir la perte des moyens de subsistance, de statut, de familles, de racines et, parfois, de la vie elle-même. Ce rapport conclut que l’État et la société ne peuvent pas protéger ce qu’ils ne voient pas. Réduire l’insécurité des groupes les plus vulnérables de la région commence par la reconnaissance à la fois de la réalité et de l’ampleur des injustices dont ils sont victimes, ainsi que des causes politiques, sociales et développementales de leur exclusion. 4.Volatilité de la croissance, chômage élevé et persistance de la pauvreté La fabuleuse richesse pétrolière des pays arabes donne une image trompeuse de leur situation économique, et masque les faiblesses économiques structurelles de nombre d’entre eux ainsi que l’insécurité qui en découle pour les pays et les citoyens. Ce rapport traite de la 10 Rapport arabe sur le développement humain 2009 sécurité économique telle qu’initialement identifiée par le Rapport mondial sur le Développement Humain 1994 traitant de la sécurité humaine (PNUD) : les niveaux du revenu réel par habitant et leur modèle de croissance, les opportunités d’emploi, la pauvreté, et la protection sociale. Il souligne l’irrégularité de la croissance imputable au pétrole dans les pays arabes, la fragilité du modèle économique qui lui est associé et le changement de tendances des retombées intra-régionales émanant des pays producteurs de pétrole. Il identifie également les lacunes politiques qui ont des conséquences sur la sécurité économique de millions d’individus, à savoir un chômage aigu et une pauvreté persistante. La vulnérabilité économique La grande volatilité de la croissance économique des pays arabes est un signe évident de sa vulnérabilité. Liée aux marchés pétroliers capricieux, la sécurité économique de la région a été – et demeure – otage de tendances exogènes. Les hauts et les bas des pays arabes, à savoir la forte croissance dans les années 1970, la stagnation économique dans les années 1980 et le retour à une croissance exceptionnelle au début des années 2000, reflètent de manière directe les cycles de turbulence du marché pétrolier. La forte baisse des revenus pétroliers au cours des années 1980 a eu des impacts importants sur les pays producteurs de pétrole (l’Arabie saoudite, par exemple, a vu son PIB diminuer de moitié entre 1981 et 1987 en prix courants). Un certain nombre d’autres pays ont connu une croissance économique négative, notamment le Koweït, où le PIB a enregistré une baisse de près de 18 % en 1981 et 1982. Les chocs ont été ressentis dans les pays arabes non producteurs de pétrole dont les recettes provenant des transferts de fonds ont chuté. La Jordanie et le Yémen ont tous deux enregistré une croissance négative durant quelques années. Pendant près de 25 ans après 1980, la région a connu une faible croissance économique. Les données de la Banque mondiale montrent que le PIB réel par habitant dans les pays arabes n’a augmenté que de 6,4 % sur une période de 24 ans, entre 1980 et 2004 (soit une croissance annuelle de moins de 0,5 %). La croissance liée au pétrole est responsable de la faiblesse structurelle des économies arabes. Beaucoup de pays arabes se transforment en économies de plus en plus orientées vers l’importation et basées sur les services. Les services offerts dans la plupart des pays arabes sont au plus bas de l’échelle des valeurs ajoutées, contribuent très peu au renforcement des connaissances locales et maintiennent les pays dans des positions inférieures sur les marchés mondiaux. Cette tendance s’est développée au détriment de l’agriculture et de la production industrielle et manufacturière. La fragilité structurelle des économies arabes liées au pétrole se traduit par une baisse notable de la part des secteurs non producteurs de pétrole (agriculture et manufacture) dans le PIB de tous les pays arabes à l’exception des pays à haut revenu. Globalement, les pays arabes étaient moins industrialisés en 2007 qu’en 1970, quatre décennies auparavant. Au cours du dernier épisode de prospérité dans la région, la fluctuation des taux de croissance s’est atténuée quelque peu dans tous les groupes de pays. Si cette évolution est rassurante, il ne faut pourtant pas faire acte de complaisance puisque la chute actuelle des prix du pétrole va annuler les perspectives de croissance et provoquer une fois de plus une grande volatilité. Les pays arabes producteurs de pétrole ont choisi de placer une grande part de leurs gains imprévus dans des investissements étrangers, des réserves de change internationales et des fonds de stabilisation pétroliers, et de rembourser leurs dettes. Ils ont également effectué d’importants investissements nationaux dans l’immobilier, la construction, le raffinage du pétrole, le transport, les commu nicat ions et les services sociaux. Cette approche se démarque clairement des modèles du passé, qui mettaient l’accent sur les importations et la consommation. Certains pays arabes exportateurs de pétrole ont également été en mesure d’allouer d’importants flux de revenus à leurs forces armées et services de sécurité. Toutefois, ces nouveaux modèles d’investissement exposent plus que par le passé les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) aux récessions économiques mondiales, dont la dernière en date pose de sérieux défis à leur modèle de croissance à forte intensité capitalistique. Les nouveaux chocs extérieurs pour les pays arabes sont liés à la récession mondiale actuelle. Les principaux producteurs de pétrole ont effectué d’importants placements aux États-Unis et ailleurs à l’étranger, et ne sont pas en mesure de mettre leur économie à l’abri de la crise internationale actuelle. Les répercussions d’un ralentissement prolongé de l’investissement et des flux de capitaux en provenance des pays du CCG sur le reste des pays arabes seraient considérables. En réalité, d’autres pays arabes ont peut-être moins profité du troisième boom éphémère que des deux premiers. Bien que la richesse pétrolière continue de traverser les frontières, et que plusieurs pays riches aient orienté un certain nombre de leurs investissements étrangers vers les marchés régionaux à la suite du 11 septembre, les flux intra-régionaux sont de moins en moins abondants et ont moins d’impact que par le passé. Tout d’abord, l’accroissement de la population dans les pays non producteurs de pétrole annule une grande partie de ces flux. Deuxièmement, les envois de fonds des travailleurs en provenance des États producteurs de pétrole ont été touchés par la politique de « nationalisation de l’emploi » et, troisièmement, les pays non producteurs de pétrole subissent des coûts d’énergie plus élevés en raison de la hausse des factures d’importation de pétrole et des subventions coûteuses aux carburants. Globalement, les pays arabes étaient moins industrialisés en 2007 qu’en 1970 Le problème du chômage Le chômage est une source majeure d’insécurité économique dans la plupart des pays arabes. Selon des données recueillies auprès de l’Organisation arabe du travail (OAT), le taux de chômage moyen global dans les pays arabes en 2005 a été d’environ 14,4 % contre 6,3 % pour l’ensemble du monde. Le taux de croissance moyen pondéré du chômage dans les pays arabes (en utilisant le nombre de chômeurs en 2005) était d’environ 1,8 %. Alors que le taux de chômage national varie considérablement d’un pays à l’autre, allant d’environ 2 % à Qatar et au Koweït, à près de 22 % en Mauritanie, le chômage des jeunes constitue un défi sérieux commun à de nombreux pays arabes. Ces tendances en matière de chômage, associées aux taux de croissance Le Rapport en bref 11 Les pays arabes auront besoin de 51 millions de nouvelles opportunités d’emploi en 2020 Le nombre d’Arabes vivant dans la pauvreté pourrait être estimé à 65 millions. 12 démographique, indiquent que les pays arabes auront besoin de près de 51 millions de nouveaux emplois d’ici 2020. La plu part de ces emplois seront indispensables pour absorber les jeunes entrants sur le marché du travail qui se retrouveront autrement sans avenir. Selon les estimations de l’OAT pour l’année 2005-2006, le taux de chômage des jeunes dans la région varie entre un maximum de près de 46 % en Algérie, et un minimum de 6,3 % dans les Émirats arabes unis. À l’exception de ce dernier, les pays arabes à haut revenu souffrent d’un taux de chômage des jeunes à deux chiffres. Ce taux est également élevé dans les pays à moyen et bas revenu. Globalement, le taux de chômage des jeunes dans les pays arabes est presque deux fois supérieur au taux mondial. Le chômage touche également beaucoup les femmes. Le taux de chômage des femmes dans les pays arabes est plus élevé que celui des hommes, et compte parmi les plus élevés au monde. Cela reflète non seulement l’échec des économies arabes à générer suffisamment d’emplois, mais aussi les préjugés sociaux bien ancrés à l’égard des femmes. Trois principaux facteurs expliquent la tendance à la baisse de l’emploi dans la région : d’abord, la contraction due aux réformes structurelles dans le secteur public qui emploie plus d’un tiers de la main-d’œuvre ; deuxièmement, la petite taille, la performance entravée et la faible capacité à générer des emplois du secteur privé qui n’a pas pris le relais ; troisièmement, la qualité et le type de l’enseignement généralement offert, qui ne met pas l’accent sur les compétences techniques ou professionnelles requises. Les politiques arabes doivent se concentrer sur la refonte de l’ensei gnement en vue de pallier les lacunes en matière de compétences, répondre aux signaux du marché du travail et renforcer les capacités fondées sur la connaissance pour se saisir des opportunités à l’échelle mondiale et régionale. L’épargne nationale devra être convertie efficacement dans d’importants investissements pour développer la santé, le logement et le marché du travail afin de répondre aux besoins de la main-d’œuvre jeune et de lui fournir les moyens d’augmenter sa productivité. Un effort particulier est nécessaire pour lever les barrières sociales entravant l’accès des Rapport arabe sur le développement humain 2009 femmes à des emplois à forte productivité. Dans beaucoup de ces changements de politiques, les partenariats entre les secteurs privé et public offrent la meilleure option pour la mobilisation des ressources, le transfert des compétences et la création de nouveaux emplois. Cumuls de la pauvreté Le rapport appréhende l’insécurité économique associée à la pauvreté à partir de deux perspectives : la pauvreté de revenu (définie en termes d’accès aux biens et services, en prenant en compte les dépenses réelles de consommation par habitant) et la pauvreté humaine (définie par le revenu ainsi que par d’autres dimensions fondamentales de la vie, telles que l’éducation, la santé et la liberté politique). Son analyse de la pauvreté de revenu prend en compte à la fois le seuil de pauvreté international fixé à 2 USD par jour et les seuils de pauvreté nationaux. Les pays arabes sont généralement considérés comme ayant une incidence relativement faible de pauvreté de revenu. En 2005, près de 20,3 % de la population arabe vivait au-dessous du seuil de pauvreté international de 2 USD par jour. Cette estimation est basée sur 7 groupes arabes à revenu moyen et bas, dont la population représente environ 63 % de la population totale des pays arabes qui ne sont pas en conflit. L’utilisation du seuil international indique qu’en 2005, près de 34,6 millions d’Arabes vivaient dans l’extrême pauvreté. Toutefois, le seuil des 2 USD par jour n’est peut-être pas la meilleure mesure pour appréhender la pauvreté dans les pays arabes. L’application du seuil national de pauvreté, supérieur, montre que le taux global de pauvreté varie d’un minimum de 28,6-30 % au Liban et en Syrie à un maximum de 59,5 % au Yémen, contre environ 41 % en Égypte. En extrapolant à partir d’un échantillon de pays représentant 65 % de la population de la région, le Rapport estime que le taux de pauvreté global effectif selon la limite supérieure du seuil de pauvreté est de 39,9 % et que le nombre d’Arabes vivant dans la pauvreté pourrait être estimé à 65 millions. L’extrême pauvreté est particulièrement aiguë dans les pays arabes à bas revenu, où près de 36,2 % de la population vit dans l’extrême pauvreté. La pauvreté de revenu, et l’insécurité qui y est associée, est plus répandue au sein des populations rurales. Un autre angle d’analyse de la pauvreté est la pauvreté humaine qui se réfère à la privation des capacités et des opportunités, et peut être mesurée grâce à l’Indicateur de pauvreté humaine (IPH), un indice composite, construit à partir de trois éléments : a) longévité, b) instruction et c) niveau de vie. L’utilisation de cet indicateur montre que les pays arabes à faible revenu présentent le taux de pauvreté le plus élevé de la région, avec un IPH moyen de 35 % par rapport à une moyenne de 12 % dans les pays à haut revenu. Cet indicateur montre que l’insécurité compromet la santé, l’éducation et le niveau de vie, ce qui remet en question l’efficacité de l’État à offrir et garantir l’accès aux besoins fondamentaux de la vie. La pauvreté humaine affecte en particulier le taux d’assiduité à l’école primaire et les niveaux de poursuite de l’enseignement secondaire. Les faibles taux d’achèvement du cycle d’en seignement scolaire perpétuent l’insécurité des plus pauvres. Les pays arabes qui enregistrent un IPH de 30 % ou plus comprennent trois pays à bas revenu et un pays à revenu moyen-inférieur : le Soudan (avec un IPH de 34,3 %), le Yémen (36,6 %), la Mauritanie (35,9 %) et le Maroc (31,8 %). Dans presque tous ces pays, une importante insécurité (soit une valeur de plus de 30 %) est enregistrée pour la composante « instruction », représentée par le taux d’analphabétisme des adultes. De plus, en Mauritanie, au Soudan et au Yémen, l’insécurité liée à l’absence d’accès à l’eau potable et à la malnutrition des enfants est également importante. Malgré des niveaux modérés d’inégalité de revenus dans la plupart des pays arabes, l’exclusion sociale a augmenté au cours des deux dernières décennies. De plus, il est prouvé que l’inégalité de richesse s’est accentuée de façon plus significative que la détérioration des revenus. Dans de nombreux pays arabes, par exemple, la concentration des terres et des biens est manifeste, et provoque un sentiment d’exclusion au sein des autres groupes, même si la pauvreté absolue n’a pas augmenté. Les modèles d’insécurité économique illustrés dans ce rapport sont le résultat de nombreuses lacunes en matière de politiques. Premièrement, la fragilité structurelle croissante des économies des pays arabes est une conséquence évidente de la tendance continue à compter sur la croissance volatile liée au pétrole. La croissance économique a elle-même été irrégulière et faible. De même, la performance des secteurs productifs (notamment de l’industrie) a été faible et non compétitive. Deuxièmement, ce modèle de croissance a eu un effet négatif sur le marché du travail, et les pays arabes souffrent actuellement du taux de chômage le plus élevé au monde. Troisièmement, la pauvreté globale, définie comme le pourcentage de la population vivant sous le seuil supérieur national de pauvreté, est sensiblement plus élevé que celui obtenu en utilisant le seuil international de pauvreté fixé à 2 USD par jour. Par conséquent, la pauvreté dans les pays arabes est un phénomène plus important qu’il n’est communément admis. L’inégalité de richesse s’est accentuée de façon plus significative que la détérioration des revenus 5.La faim, la malnutrition et l’insécurité alimentaire En dépit des ressources importantes et de la faible incidence de la faim dans les pays arabes en comparaison avec d’autres régions, la faim et la malnutrition au sein de la population des pays arabes sont en hausse. Bien que les taux de prévalence et les nombres absolus dans les différents pays varient de manière assez significative, la région dans son ensemble, est à la traîne en ce qui concerne la réduction de la faim qui est l’un des objectifs du développement du millénaire (OMD). En outre, Les séquelles de la faim et de la malnutrition héritées du passé persistent. Conformément aux chiffres de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), parmi les pays en développement, les pays arabes présentent une faible proportion de personnes sous-alimentées par rapport à la population totale. Ils sont seulement dépassés dans ce domaine par les pays en transition d’Europe orientale et l’exUnion soviétique. Pourtant, c’est l’une des deux régions du monde – l’autre étant l’Afrique subsaharienne – où le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté depuis le début des années 1990 – passant d’environ 19,8 millions en 1990-1992 à 25,5 millions en 2002-2004. Le Rapport en bref Les modèles d’insécurité économique sont le résultat de nombreuses lacunes en matière de politiques 13 Les pays arabes sont davantage auto-suffisants en produits alimentaires appréciés par les populations aisées qu’en produits susceptibles d’être consommés par les populations défavorisées La pauvreté n’est pas nécessairement associée à la sousalimentation 14 D’importantes disparités existent entre les pays arabes en matière de lutte contre la faim. Les pays qui ont enregistré le plus grand progrès en matière de réduction de la malnutrition entre 1990 et 2004, sont Djibouti, le Koweït et la Mauritanie. Le Soudan a également enregistré des progrès mais continue de connaître de sérieux problèmes liés à la faim. D’autre part, l’Arabie saoudite, l’Égypte, le Liban, la Jordanie, le Maroc et le Yémen ont enregistré des hausses à la fois en termes de chiffres absolus et de prévalence de la malnutrition, alors que la Syrie et l’Algérie ont réalisé de très faibles réductions en termes de prévalence et non pas de chiffres. Les causes directes de la faim dans la région sont liées à l’insuffisance de l’apport nutritionnel quotidien, laquelle insuffisance est due à un accès limité aux différents aliments et aux déséquilibres qui en résultent en matière de régime alimentaire. La disponibilité de la nourriture est liée à son tour, aux logiques de l’offre – fonction elle-même de facteurs tels la production agricole, l’accès aux marchés mondiaux, la croissance des industries agroalimentaires, et l’importance de l’aide étrangère – et de la demande, qui est notamment liée aux niveaux de revenu par habitant. En termes de production alimentaire locale, certains pays arabes ont le plus faible taux de production de céréales au monde ; de plus, entre 1990 et 2005, la production a diminué dans 7 pays. Selon le Rapport, les pays arabes sont davantage auto-suffisants en produits alimentaires appréciés par les populations aisées (viandes, poissons et légumes) qu’en produits susceptibles d’être consommés par les populations défavorisées (céréales, graisses et sucre). De manière paradoxale, alors que la malnutrition est en hausse en termes absolus et relatifs dans certains pays arabes, l’obésité constitue un risque croissant pour la santé dans la région. En réalité, les deux sont liées en raison de leurs origines communes, à savoir une mauvaise alimentation. L’obésité et le surpoids sont plus fréquents chez les femmes que chez les hommes dans les pays arabes, contrairement à la situation aux États-Unis par exemple, où ces problèmes sont plus fréquents chez les hommes. Dans la région arabe, l’obésité est généralement attribuée Rapport arabe sur le développement humain 2009 à la surconsommation d’aliments riches en gras, conjuguée à une activité physique limitée, qui peut expliquer en partie sa prévalence parmi les femmes arabes victimes de certaines coutumes qui leur interdisent souvent la pratique des sports et des autres exercices physiques. L’obésité contribue au développement de maladies chroniques non contagieuses comme le diabète, l’hypertension, les maladies coronaires, les maladies dégénératives, les maladies psychologiques, et certains types de cancer. Ces affections sont en augmentation régulière dans les pays arabes. Les principales causes indirectes de la faim dans la région sont la pauvreté, l’occupation étrangère, les conflits internes et les politiques économiques menées pour faire face à la mondialisation. Alors que la pauvreté et la malnutrition coexistent souvent dans les pays arabes, ce Rapport montre que la pauvreté n’est pas nécessairement associée à la sous-alimentation lorsque le modèle de consommation des populations défavorisées tend vers des aliments peu coûteux mais riches en éléments nutritifs, et quand ces aliments sont facilement accessibles en vertu de programmes gouvernementaux ciblés. Inversement, lorsque les conflits per turbent l’approvisionnement alimentaire, comme en Irak, dans le TPO, en Somalie et au Soudan, il s’ensuit un niveau élevé de malnutrition et d’insécurité alimentaire. L’accessibilité de la nourriture est fortement influencée par la politique économique des gouvernements et par l’ouverture aux marchés mondiaux. La subvention des denrées alimentaires visant à les rendre plus abordables pour le public est une politique ; la levée des subventions en est une autre. La plupart des gouvernements arabes ont adopté des politiques d’approvisionnement alimentaire dans le cadre d’un contrat social fondé sur la prise en charge par l’État des besoins essentiels en échange de la loyauté du peuple. Toutefois, depuis les années 1980, les politiques économiques et de déréglementation des marchés, adoptées par les gouvernements nationaux ont rendu les prix des produits alimentaires sensibles aux fluctuations des prix internationaux. Les pays arabes, comme tous les autres, ont récemment souffert de la flambée des prix des denrées alimentaires dues à des causes diverses, y compris aux changements climatiques qui ont eu une incidence sur la production des pays exportateurs de céréales, l’épuisement significatif des réserves de céréales, et la hausse de la consommation de viande et de produits laitiers dans les économies émergentes, notamment en Chine. Une autre cause majeure est la demande croissante des États-Unis et de l’Europe en biocarburants issus des céréales, en réponse à la hausse des prix du pétrole et du transport. Le rapport compare la façon dont les politiques économiques arabes ont réussi à faire face à ces pressions avec la réussite relative de pays comme le Brésil et le Mexique, qui ont simultanément suivi une politique économique libérale et assuré un niveau minimum de nourriture pour les pauvres. Le Rapport étudie comment pourraient être atteintes la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire dans les pays arabes. Il conclut que la sécurité alimentaire doit être poursuivie, non pas en termes de souveraineté absolue de la production alimentaire – un objectif irréaliste compte tenu de la pénurie d’eau au niveau régional – mais plutôt en termes d’accès suffisant de tous les membres de la société aux produits de base. Dans ce contexte, le faible taux d’autosuffisance de la région en produits alimentaires de base est l’une des plus sérieuses lacunes en matière de développement. 6.Les défis posés à la sécurité sanitaire La santé est à la fois un objectif vital de sécurité humaine influencé par des facteurs non liés à la santé, et une aptitude fondamentale qui affecte de manière significative d’autres aspects de la sécurité humaine. Au cours des 40 dernières années, les pays arabes ont enregistré des progrès considérables en matière de longévité et de prévention des décès, comme en témoignent la baisse des taux de mortalité infantile et la hausse de l’espérance de vie. Pourtant, la santé est loin d’être assurée pour tous les citoyens des pays arabes, et les femmes continuent de souffrir le plus de négligence et de préjugés sexistes. Les systèmes sanitaires sont souvent caractérisés par une inefficacité bureaucratique, des capacités professionnelles limitées, et un manque de financement ; et les risques pour la santé provenant des nouvelles maladies infectieuses sont en hausse. Situation générale Malgré des améliorations en matière de santé dans la région, • L’état de santé des populations arabes, en général, est moins bon que celui des citoyens des pays industrialisés. • Si la longévité a augmenté et la mortalité infantile a diminué entre 2000 et 2005, d’autres indicateurs de santé ont stagné. • Les disparités sont manifestes à la fois entre les pays et au sein des pays. • Les données sur la santé sont insuffisantes, incomplètes et souvent peu fiables, ce qui rend difficile de développer des politiques sanitaires efficaces ou d’atteindre les gens qu’il faut. • Des pratiques sanitaires dangereuses, profondément ancrées dans la culture, continuent d’abaisser les niveaux de santé, notamment chez les femmes. Limites des systèmes sanitaires Les systèmes de soins sanitaires dans la région sont limités par : • Un modèle biomédical étroit, basé sur l’hôpital et les soins curatifs, et concentré sur le traitement des maladies. • L’absence de liens intersectoriels qui aideraient à intégrer des critères sanitaires vitaux mais indirects au sein de l’équation. Les systèmes sanitaires arabes ne reconnaissent pas le rôle de ces facteurs tels que la qualité et la couverture de l’enseignement, l’habilitation des femmes, et la justice sociale et économique. De même qu’ils ne manifestent pas l’état d’esprit nécessaire pour traiter de facteurs clés tels que les spécificités sexuelles, la classe sociale, l’identité et l’appartenance ethnique, qui ont tous des effets évidents sur la santé et la sécurité humaine. • Les disparités en matière de soins de santé et de financement. • Des hôpitaux rentables à la pointe de la technologie qui fournissent les traitements les plus avancés à une petite minorité de citoyens riches. • Des services de santé publique qui fonctionnent à la limite de leurs capacités, et qui sont souvent de qualité médiocre. Le Rapport en bref Le faible taux d’autosuffisance de la région en produits alimentaires de base est l’une des plus sérieuses lacunes en matière de développement La santé est loin d’être assurée pour tous les citoyens des pays arabes 15 Le VIH/sida représente un danger tenace, immédiat et mal compris dans la région Un grand nombre des menaces pesant sur la sécurité humaine discutées dans le rapport s’accompagnent de situations d’occupation, de conflits et d’intervention militaire 16 Financement de la santé Le financement du système sanitaire doit relever le défi de : • La hausse des coûts des soins sanitaires. • L’insuffisance des dépenses publiques allouées à la santé dans les pays à revenu bas et moyen. • L’inefficacité des systèmes sanitaires dans les pays à haut revenu, où les fonds considérables alloués à la santé ne se traduisent pas par une amélioration des soins. • L’augmentation des menues dépenses de santé qui pèsent sur les individus et les familles. • Un manque généralisé d’assurancemaladie et de prestations sociales fournies par les employeurs. Menaces émergentes pour la santé Le VIH/sida représente un danger tenace, immédiat et mal compris dans la région. En 2007, plus de 31 600 adultes et enfants sont morts du sida dans les pays arabes (dont 80 % au Soudan). Selon les estimations, le nombre de nouveaux cas d’infections par le VIH dans les pays arabes entre 2001 et 2007 s’est élevé à 90 500 dont 50 000 au Soudan. Selon les estimations de l’OMS et de l’ONUSIDA, 435 000 personnes vivaient avec le VIH dans les pays arabes en 2007, dont 73,5 % au Soudan. Il convient de signaler le pourcentage relativement élevé de femmes séropositives au Soudan. En comparaison avec une moyenne mondiale de 48 % en 2007, 53 % des adultes porteurs du VIH sont des femmes au Soudan. Le pourcentage est de 30,4 % dans les autres pays arabes pour la même année, ce qui est comparable à la situation en Europe occidentale. Selon les estimations, près de 80 % des cas d’infections de femmes dans la région se produisent au sein du mariage, où la position subalterne et la faible capacité de négociation des femmes les exposent aux comportements à haut risque de leurs époux. Le pouvoir destructeur de la maladie ne réside pas uniquement dans la puissance du virus qui la provoque mais aussi dans la stigmatisation sociale qui l’accompagne. Les personnes atteintes du virus sont souvent privées de leurs moyens de subsistance et se voient refuser, avec leurs familles, l’accès aux opportunités sociales dans un climat de honte. Rapport arabe sur le développement humain 2009 Bien que la malaria ait été pratiquement éradiquée de la plupart des pays arabes, elle reste très endémique dans les moins avancés d’entre eux où un taux moyen d’incidence de 3 313 cas pour 100 000 a été enregistré en 2005. Djibouti, la Somalie, le Soudan et le Yémen ont représenté 98 % des cas signalés dans la région. Le Soudan représente à lui seul près de 76 % de la charge régionale. La réalisation de l’un des OMD, à savoir arrêter et faire reculer la malaria dans la sous-région et dans l’ensemble de la région, est donc fortement tributaire des progrès réalisés en Somalie, au Soudan et au Yémen. 7.L’occupation et l’intervention militaire Un grand nombre des menaces pesant sur la sécurité humaine discutées dans le rapport s’accompagnent de situations d’occupation, de conflits et d’intervention militaire. En Irak, dans le TPO et en Somalie, les droits fondamentaux des peuples à l’autodétermination et la paix ont été annulés par la force. La vie, la liberté, les moyens de subsistance, l’éducation, l’alimentation, la santé et l’environnement physique des citoyens sont menacés de la part de forces extérieures dont la présence leur inflige une violence institutionnelle, structurelle et physique quotidienne. Le Rapport évalue en détail les atteintes à la sécurité humaine qui découlent d’un non-respect des droits de l’homme, et met l’accent sur les impacts de l’intervention américaine en Irak, la poursuite de la mainmise israélienne sur le TPO, y compris sa récente offensive contre la bande de Gaza, et expose les circonstances particulières de la population assiégée de Somalie. Les méfaits de l’intervention militaire et de l’occupation ne s’arrêtent pas à la violation du droit international et à l’abrogation des droits des peuples dans les pays touchés. Elles déclenchent une résistance et un cycle de violence et de contre-violence dans lesquels sombrent aussi bien les occupés que l’occupant. L’occupation et l’intervention militaire réduisent la sécurité humaine dans d’autres pays arabes et dans les pays voisins de plusieurs manières. Premièrement, elles déplacent les peuples à travers les frontières, et créent ainsi des problèmes humanitaires pour les États touchés et sèment des tensions entre eux. Deuxièmement, servant de prétexte à des groupes extrémistes qui ont recours à la violence, elles renforcent le recours militaire de ceux qui perpétuent le cycle de destruction dans la région et dont les actes ont des répercussions sur les droits des citoyens et leurs libertés. Enfin, sous prétexte de menace contre la souveraineté, l’occupation et l’intervention militaire permettent aux gouvernements arabes, au nom de la sécurité nationale, d’arrêter ou de reporter le processus de démocratisation et de poursuivre l’oppression. L’occupation et l’intervention militaire sont donc responsables de la création de conditions d’insécurité générale dans la région. Le rapport fait remarquer que la longue période d’occupation et d’intervention militaire dans la région révèle sa vulnérabilité aux politiques de parties étrangères. Les perspectives de règlement des conflits majeurs dans les pays touchés dépendent très fortement de la volonté de parties non arabes. Cela met l’accent sur la grande responsabilité de l’ONU comme seul garant impartial de la sécurité humaine et nationale dans les pays occupés ; rôle que les puissances qui l’ont marginalisée l’ont empêchée de jouer de façon efficace. Les sept piliers de la sécurité humaine dans les pays arabes L’analyse menée dans ce Rapport montre que le concept de sécurité humaine fournit le cadre approprié pour le recentrage du contrat social dans les pays arabes sur les priorités principales, mais négligées, qui affectent le plus le bien-être des citoyens des pays arabes. Alors que l’état de la sécurité humaine n’est pas uniforme dans l’ensemble des pays arabes, aucun pays ne peut prétendre être à l’abri de la peur ou du besoin, et de nombreux pays arabes sont touchés par les conséquences de l’insécurité dans les pays voisins. Les différents chapitres du Rapport abordent les diverses orientations en matière de politiques que l’État, la société civile, les citoyens et les acteurs internationaux peuvent adopter dans leurs domaines de compétences respectifs, suggérant des mesures spécifiques pouvant être prises pour atténuer les menaces liées aux différentes dimensions de ce concept. Ainsi, le rapport souligne l’importance de : 1. La préservation et la valorisation de la terre, de l’eau, de l’air et de l’environnement pour permettre la préservation de l’existence même des peuples arabes à l’ombre des pressions environnementales, des pressions de population et des pressions démographiques à l’échelle nationale, régionale et mondiale ; 2. Les garanties des droits fondamentaux, des libertés et des opportunités, sans discrimination aucune que seul peut assurer un État bien gouverné, responsable et réceptif, régi par des lois justes ; et le règlement des conflits identitaires enracinés dans la lutte pour le pouvoir et la richesse, ce qui devient possible quand un État gagne la confiance de tous les citoyens ; Le concept de sécurité humaine fournit le cadre approprié pour le recentrage du contrat social dans les pays arabes sur les priorités principales 3. La reconnaissance par l’État et la société des abus et de l’injustice perpétrés tous les jours contre les femmes, les enfants et les réfugiés vulnérables dans toute la région, et la détermination d’améliorer leurs conditions légales, économiques, sociales et personnelles ; 4. La volonté de s’attaquer aux racines de la faiblesse économique structurelle des pays arabes producteurs de pétrole, de réduire la pauvreté de revenu et de s’orienter vers des économies axées sur la connaissance, équitables et diversifiées, susceptibles de générer des emplois et de protéger les moyens de subsistance desquels dépendront les générations futures dans l’ère de l’après-pétrole ; 5. Mettre fin à la persistance de la faim et de la malnutrition dans toutes les sousrégions, notamment les plus pauvres, qui continuent d’éroder les capacités humaines, de mettre fin à des millions de vies et de retarder le développement humain. L’aspect économique de la sécurité alimentaire dans l’économie mondiale pourrait appeler à un nouveau réalisme dans la définition de la sécurité alimentaire qui serait définie moins en termes absolus de souveraineté alimentaire et davantage en Le Rapport en bref 17 termes d’accès suffisant aux produits de base pour tous les membres de la société. L’occupation et l’intervention militaire ont porté atteinte au fragile progrès réalisé en matière de réforme politique dans la région 6. La promotion de la santé pour tous comme un droit humain est une condition préalable à la sécurité humaine et constitue un rôle catalyseur fondamental. Le progrès significatif enregistré par les pays arabes dans ce domaine est atténué par les échecs politiques et institutionnels qui produisent des disparités en termes d’accès, de coûts et de qualité, et par les menaces croissantes qui pèsent sur la santé telles que les maladies graves comme la malaria, la tuberculose et le VIH du sida. 7. Les longues violations des droits de l’homme à l’encontre des peuples arabes ainsi que la violation de la souveraineté et des vies arabes par les puissances régionales et mondiales à travers l’occupation et l’intervention militaire doivent être reconnues par les politiques étrangères comme étant vouées à l’échec et inacceptables pour l’opinion publique internationale et régionale. Ces violations ont occasionné des dommages considérables en raison de l’usage disproportionné de la force et du mépris total de la vie des civils, comme l’a révélé la récente offensive israélienne contre Gaza. Ces violations ont provoqué des souffrances humaines indescriptibles et du chaos ; elles ont terni l’image des puissances impliquées et porté atteinte au fragile progrès réalisé en matière de réforme politique dans la région en renforçant les forces extrémistes et en écartant les voix modérées de l’espace public. Notes 1 2 3 4 18 PNUD 1994. PNUD 2002. PNUD/RADH calculs fondés sur la base de données AQUASTAT de la FAO. PNUD 2007. Rapport arabe sur le développement humain 2009 Chapitre 1 Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes L’insécurité humaine résulte de menaces étendues, récurrentes ou intenses, qui produisent des effets consécutifs complexes Dans ce chapitre, nous définissons la sécurité humaine comme étant « la libération des êtres humains des menaces intenses, extensives, persistantes, et compréhensives auxquelles leur vie et leur liberté sont vulnérables ». Cette définition repose sur l’analyse largement reconnue du concept de « sécurité humaine », proposée par le RDH de 1994 patronné par le PNUD, et prend en considération la situation actuelle des pays arabes. Le chapitre premier contextualise cette définition. Il met en évidence les facteurs qui ont présidé au choix du concept de sécurité humaine pour lancer une nouvelle série de rapports arabes sur le développement humain. Ensuite il traite de son développement et de son champ à un niveau global, de ses relations avec d’autres concepts similaires, tels que le développement humain, les droits de l’homme, les systèmes de mesure utilisés pour en exprimer les dimensions. Il présente ensuite dans les grandes lignes les points de vue arabes sur la sécurité humaine et qui émanent de la pensée arabe relative au sujet et de la réalité de la région arabe. En opérant ainsi, ce chapitre fonde la méthodologie du rapport ainsi que son approche de la mensuration dans le contexte arabe. Il s’achève sur les résultats du sondage effectué dans quatre pays arabes et sur les points de vue d’un groupe de jeunes arabes, reflétant leur compréhension et leur évaluation de la sécurité humaine dans leurs pays respectifs. Pourquoi la sécurité humaine ? L’insécurité humaine, largement répandue, sape sans répit le développement humain L’insécurité humaine résulte de menaces étendues, récurrentes ou intenses, qui propagent des effets touchant de grands nombres. Dans les pays arabes, l’insécurité humaine, largement répandue, sape sans répit le développement humain. Elle découle de l’appauvrissement des ressources naturelles soumises à mainte pression, de la croissance démographique dont les taux sont très élevés et du changement climatique rapide. Autant de facteurs qui peuvent menacer les moyens de subsistance, le revenu, l’alimentation et l’abri de millions d’êtres humains dans les pays arabes. Cette insécurité est enracinée dans les difficultés vécues par un cinquième de la population dans certains pays arabes, et plus que la moitié dans d’autres dont la vie s’appauvrit et s’expose à la mort prématurée du fait de la faim et du besoin. Elle retentit dans l’occupation militaire et dans les conflits armés qui touchent le TPO, le Soudan, la Somalie et l’Irak. Elle commence à poindre même dans les pays qui jouissent d’une stabilité relative et où les forces de sécurité sont dotées de pouvoirs élargis Ce concept détourne l’attention des questions relatives à la sécurité de l’État 20 pour restreindre les droits des citoyens et les transgresser. Cette situation est encore plus grave lorsqu’on compare la vie des citoyens arabes minée par le manque à celle de leurs voisins dans leur propre pays ou dans d’autres, dont les maux proviennent souvent de l’excès. Rien d’excessif dans cette comparaison ! Car les habitants du Darfour, les Somaliens, les Irakiens et les Palestiniens vivent la peur au quotidien, hantés par le fantôme de la violence arbitraire et de la destruction tous azimuts. Cette peur envahit même des sociétés plus chanceuses qui, sans avoir subi ni conflits armés ni occupation, vivent sous l’emprise étouffante des pouvoirs autoritaires. Dans certains pays arabes, une personne ordinaire entre avec beaucoup d’appréhension dans un centre de police, car elle sait qu’elle court le risque d’être incarcérée pour la moindre suspicion de délit ou d’agitation publique. En cas de dissension, des citoyens risquent d’être jetés en prison pour avoir exercé leur droit civique de critiquer ouvertement la répression de l’État. Beaucoup trop d’Arabes vivent dans une peur permanente des préjudices qu’ils pourraient subir autant de la part de leurs concitoyens que des forces étrangères, en raison des conflits et des lois injustes. Situation qui ôte tout espoir, inhibe l’esprit d’initiative et évacue de l’espace public la motivation pour un changement pacifique et consensuel. Ainsi, il apparaît qu’il n’y a pas de sujet plus approprié que celui de la sécurité humaine pour commencer cette série de rapports qui vise à réexaminer l’état du développement humain durant la première décennie du nouveau millénaire. Premièrement, ce concept détourne l’attention des questions relatives à la sécurité de l’État – dont on a souvent exagéré l’importance dans les discours politiques et à laquelle on a donné la priorité parfois au détriment de la sécurité des citoyens – vers celles qui ont trait à la question de la sécurité des personnes sans laquelle celle de l’État aurait peu de valeur. Cette perception conduit ainsi à considérer la sécurité humaine comme une condition à la réalisation de la sécurité de l’État. En effet, les citoyens libérés de la peur et du besoin sont plus susceptibles de reconnaître la légitimité politique, économique et sociale d’un État responsable qui les protège. Ils seront également engagés Rapport arabe sur le développement humain 2009 à œuvrer ensemble pour affronter tout danger pouvant les menacer ; ils résisteront mieux à la tentation de collaborer avec des forces étrangères contre les intérêts de l’État. Deuxièmement, considérée de manière correcte, la sécurité humaine peut contribuer à rééquilibrer la préoccupation par le terrorisme et la soi-disant guerre contre le terrorisme qui a dominé les politiques internationales et régionales. Cette préoccupation, qui s’est répandue dans le contexte de l’après 11 septembre 2001, a de nouveau focalisé l’attention sur les questions de la sécurité nationale, du recours étatique à la force et des solutions militaires. La manière dont cette soi-disant guerre a été menée a conduit à des effets de boomerang et contribué à mettre en étau la sécurité et les droits des citoyens comme individus. En Irak et dans d’autres pays, elle a même conduit à la destruction, causé la mort d’habitants arabes et étrangers et violé les droits de l’homme à une échelle telle qu’elle a donné lieu, selon ses nombreux critiques, à un monde plus divisé et moins sûr que dans le passé. Troisièmement, ce sujet permet de présenter un cadre pour analyser et affronter les risques et dangers qui continuent, au moment de la rédaction de ce Rapport, à guetter la région. Ils ne se manifestent pas seulement dans la menace directe de la vie, comme dans le cas du TPO, du Soudan, de la Somalie et de l’Irak, mais également dans les menaces indirectes représentées par la faim, la pauvreté et les pressions de l’environnement. Ces dernières englobent les conséquences dramatiques dues à la concurrence régionale et internationale autour du pétrole arabe, les pressions croissantes sur les ressources en eau en raison de la démographie galopante, l’impact des sécheresses fréquentes, la désertification expansive et la détérioration des conditions climatiques. Le concept à un niveau global Dans l’ordre du monde perturbé qui a suivi la fin de la guerre froide, les défis intérieurs et extérieurs à la paix des États se sont multipliés. De l’extérieur, les défis de la pollution, le terrorisme international, les grands mouvements de la population, le système financier mondial arrogant, en plus d’autres menaces transnationales telles que les pandémies et le trafic de drogues et d’êtres humains ont mis en difficulté les idées traditionnelles relatives au concept de sécurité. De l’intérieur, il y eut la propagation de la pauvreté, du chômage, des guerres civiles, des conflits confessionnels et ethniques, de la répression de l’État ; toute une réalité qui a mis à nu le rôle faible et négatif joué par l’État dans la sécurisation de la vie et des moyens de subsistance de ses citoyens. Il n’est pas étonnant alors que l’attention se soit réorientée de la protection de la sécurité de l’État vers la protection de la vie de ses habitants. C’est de cette réorientation qu’est né le concept de sécurité humaine. À la différence du développement humain, il n’y a pas d’unanimité sur la définition de la sécurité humaine. Bien que le terme ait été intégré au discours diplomatique et développemental durant les deux dernières décennies, le champ qui le soustend varie d’un contexte à un autre. On devait bien s’y attendre. De fait, les dangers qui menacent les gens sont presque illimités. Selon la définition adoptée, une chose peut être considérée ou pas comme une menace à la sécurité humaine. Les définitions de la sécurité humaine variant selon le contexte, le point commun qui les réunit toutes, c’est l’individu, non l’État. L’orientation de ce changement de paradigme se résume comme suit. Voici, en gros, les différences entre la sécurité de l’État et la sécurité humaine : • L’origine de la menace de la sécurité de l’État est militaire en général, alors que les origines de celle de la sécurité humaine sont variées ; elles incluent l’environnement, l’économie et l’État lui-même. • Les acteurs qui menacent la sécurité de l’État tendent à être localisés à l’extérieur du territoire de l’État concerné. Ainsi, il s’agit en général d’autres États ou d’organisations opposées installées dans d’autres États. • L’objet de la menace de la sécurité de l’État est l’État lui-même, dans sa cohésion, son pouvoir et son territoire, alors que l’objet de la sécurité humaine est la vie des individus et leur liberté ou les deux en même temps. De manière générale, les études sur la sécurité de l’État supposent que « la règle fondamentale » de la vie humaine et des Tableau 1-1 La sécurité de l’État face à la sécurité humaine Genre de sécurité Partie concernée Objet de protection Menaces possibles Sécurité de l’État L’État Sécurité de l’État et intégrité territoriale Guerres entre États et ingérence étrangère Prolifération nucléaire Troubles civils Sécurité humaine L’individu Sécurité et liberté de l’individu Pauvreté Maladies Appauvrissement de l’environnement Atteintes aux droits de l’homme Conflits, violence, répression Source : Équipe du rapport. entités étatiques est basée sur la lutte et le conflit. Les études sur la sécurité humaine individuelle supposent, quant à elles, que les gens sont enclins de manière naturelle à la coopération mutuelle, vu les intérêts qui les réunissent. Les principales entrées en matière des études sur la sécurité de l’État ont traditionnellement leur place dans les sciences politiques, alors que celles qui portent sur la sécurité humaine recourent à un système de références puisées dans les sciences politiques, la sociologie, l’économie, la psychologie et l’environnement. À défaut d’une définition de la sécurité humaine, internationalement adoptée par toutes les parties concernées, plusieurs tentatives ont été faites pour délimiter le champ de ce concept. En gros, deux écoles d’interprétation sont apparues qui englobent la majorité des définitions actuelles et correspondent à deux visions de la sécurité humaine, dont l’une est minimaliste et l’autre maximaliste. Aussi peut-on comparer lesdites définitions d’un bout à l’autre de ce spectre. Focalisée sur l’individu, la limite minimaliste de ce spectre réduit la portée du concept aux menaces violentes, celles présentées par exemple par les mines antipersonnel, par la prolifération des armes légères et les atteintes excessives aux droits de l’homme. Les mouvements normatifs qui ont donné naissance à la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, ainsi qu’à la Cour Pénale Internationale et le lancement de campagnes internationales contre la prolifération des armes à feu, Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes Les origines de la sécurité humaine sont variées ; elles incluent l’environnement, l’économie et l’État lui-même L’objet de la sécurité humaine est la vie des individus et leur liberté ou les deux en même temps 21 La sécurité humaine ne se limite plus à la question de la survie. Il s’agit désormais de remettre les personnes exposées aux menaces sur une voie plus sûre La sécurité humaine peut être considérée comme « un pilier fondamental » du développement humain 22 le commerce de la drogue et la violence contre les femmes, sont autant d’exemples d’actions politiques qui s’appuient sur l’approche minimaliste de la sécurité humaine. Cette approche continue d’influencer les initiatives internationales visant la consolidation de la paix et la prévention des conflits ainsi que les interventions entreprises sous la rubrique encore problématique de la « responsabilité de protéger ». L’approche maximaliste, elle, établit une longue liste de menaces possibles allant des menaces traditionnelles, telles que la guerre, à celles qui touchent au développement, telles que la santé, la pauvreté et l’environnement. Ce classement adopté par le PNUD dans son Rapport sur le Développement Humain, 1994, est considéré comme un exemple pionnier de ladite approche. Ce rapport avance sept dimensions de la sécurité humaine : • La sécurité économique menacée par la pauvreté et le chômage ; • La sécurité alimentaire menacée par la faim et la famine ; • La sécurité sanitaire menacée par les blessures et la maladie ; • La sécurité environnementale menacée par la pollution, la dégradation environnementale et la déplétion des ressources ; • La sécurité personnelle menacée par le crime et la violence ; • La sécurité politique menacée par la répression politique ; • La sécurité communautaire menacée par les conflits sociaux, ethniques et confessionnels. En comparaison avec la vision traditionnelle de la sécurité humaine, la classification du PNUD se distingue remarquablement par l’extension de son champ, l’intégration de la liberté et de la vie humaines en tant que valeurs centrales, la détermination des causes et effets interférant dans les dimensions de la sécurité humaine ; et par sa focalisation sur l’individu. Il est extrêmement important que l’approche du PNUD ait reconnu dans la relation de l’individu avec l’État une autre menace possible pour la sécurité humaine. Le RDH de 1994 laisse entrevoir l’engagement des Nations Unies dans un ordre mondial « libéré de la peur, libéré du besoin », tel que cet ordre a été présenté dans le rapport du millénaire émis par le Secrétaire général1 de l’ONU, et qui a débouché, à son tour, sur la constitution de Rapport arabe sur le développement humain 2009 la « Commission sur la sécurité humaine » (CHS) en 2001. La CHS a défini dans un premier temps la sécurité humaine comme étant la protection de « l’essentiel vital de tout être humain » de manière à « libérer la personne humaine » et « permettre son épanouissement », en élaborant également des critères-seuils dont la transgression est considérée comme une menace à la sécurité humaine. La définition originale de la Commission stipule que « l’essentiel vital de tout être humain » se concrétise dans ce qui lui assure la survie. Par la suite, la Commission devait élargir cette définition au-delà de la question de la survie ; elle dépasse désormais le simple renfor cement des capacités des gens à affronter les menaces pour englober la défense de leurs droits humains fondamentaux, la protection des moyens de subsistance, la dignité humaine, ainsi que le renforcement des capacités de prévention et de lutte contre les régressions et les menaces. Aussi la sécurité humaine ne se limite-t-elle plus, selon cette définition, à la question de la survie. Il s’agit désormais de remettre les personnes exposées aux menaces sur une voie plus sûre dans l’objectif de leur faire atteindre une vie meilleure, sur des fondements ancrés dans les domaines politiques, économiques, sociaux et culturels2. La relation avec d’autres concepts Selon cette conception plus globale, la sécurité humaine peut être considérée comme « un pilier fondamental » du développement humain. Ce dernier, se préoccupe d’élargir les compétences des individus ainsi que les opportunités qui s’offrent à eux, alors que la sécurité humaine s’intéresse au renforcement des capacités des peuples à contenir les risques qui menacent leur vie, leurs moyens de subsistance et leur dignité, ou à éviter ces risques. Le développement humain, de par sa nature, ne s’arrête pas à des frontières précises. Il peut être étendu à plusieurs niveaux d’aspirations relatives à des situations différentes et avec des capacités différentes. Il n’en demeure pas moins vrai que dans les situations à grand risque, il convient que la totalité des gens puissent jouir d’un niveau minimum de sécurité pour protéger leur vie et leurs moyens de subsistance, et pouvoir ainsi aller de l’avant. Quant à la sécurité humaine, elle repose de manière prioritaire sur les droits, les capacités et les actions préventives nécessaires en cas de graves dangers menaçant la vie. Ainsi, les deux concepts permettent d’appréhender la condition humaine à partir de deux pôles d’un continuum. C’est ce qu’Amartya Sen a résumé par les termes « expansion avec équité », (le développement humain), « régression avec sécurité » (la sécurité de l’homme)3. Il est évident que les concepts se complètent, se rencontrent et s’interpénètrent sur une ligne qui s’étend du désespoir humain aux aspirations humaines, comme l’illustre la figure simplifiée 1-1. D’une part, la sécurité humaine est une nécessité fondamentale pour la réalisation du développement humain, attendu que l’ensemble des choix offerts aux gens ne peut être élargi que si la survie et la liberté leur sont garanties. D’autre part, l’élévation du niveau d’éducation des gens, l’amélioration de leur situation sanitaire, l’augmentation de leurs revenus et la garantie de leurs libertés seront à même de consolider leur développement humain, qui débouchera, à son tour, sur une sécurité humaine plus grande. Ainsi la sécurité humaine et le développement humain se renforcent mutuellement. Certains penseurs ont étendu le concept de sécurité humaine à tous les aspects liés aux droits de l’homme. Cependant la sécurité humaine ne peut se superposer au concept des droits de l’homme. Il est plus juste de la considérer plutôt comme une résultante d’un ensemble de conditions, dont le respect de tous les droits de l’homme – qu’il s’agisse des droits civiques, politiques, économiques, sociaux, culturels, individuels ou collectifs. Lorsque ces droits sont respectés, un autre degré de sécurité humaine est atteint. Mais il se peut que cela ne soit pas suffisant. Car le respect de ces droits ne protège pas les gens, par exemple, des changements climatiques ou des catastrophes naturelles dont les effets peuvent priver d’abri et de travail des millions de personnes. En effet, les pertes de vie peuvent se compter par milliers dans de telles catastrophes, comme dans le cas des tsunamis qui ont envahi certains pays du sud de l’Asie en 2004. En plus, certains de ces droits, celui par exemple de la constitution d’associations, ne s’avèrent pas nécessaires pour la réalisation de la Figure 1-1 Intersection entre sécurité humaine et développement humain – Seuil et interférences Aspirations Opportunités Développement humain Centre vital Droits fondamentaux Vie et moyens de subsistance Renforcement Sécurité humaine Capacités et droits Menaces Désespoir sécurité humaine, telle qu’elle est définie dans ce Rapport. D’où le fait que le respect de nombreux droits humains fondamentaux, particulièrement les droits civiques et certains droits économiques et sociaux, tels que le droit au travail, à l’alimentation et à la protection sociale, est une condition nécessaire mais non suffisante à l’établissement de la sécurité humaine. La sécurité humaine et le développement humain se renforcent mutuellement Vers des points de vue arabes sur la sécurité humaine De quelle manière les écrits arabes, aussi rares qu’ils puissent être, traitent-ils de sécurité humaine ? Comment doit-on définir ce concept dans le contexte arabe ? Quelles sont, dans la région, les grandes menaces auxquelles se référer ? Les dimensions présentées dans le RDH mondial de 1994 recouvrent-elles celles qui sont les plus éclairantes et les plus significatives pour les pays arabes ? Écrits arabes sur le sujet Seules quelques rares études arabes ont été consacrées directement au traitement du concept de sécurité humaine. Cependant, les avertissements contre plusieurs menaces humaines, y compris non militaires, reviennent souvent dans le patrimoine écrit et la culture populaire de quelques pays arabes. Ces références traditionnelles abordent tout au plus certaines dimensions induites par ce concept moderne, sans pour autant l’égaler en exhaustivité et en multidimensionnalité. Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes Seules quelques rares études arabes ont été consacrées directement au traitement du concept de sécurité humaine 23 Le terme « sécurité humaine » s’est frayé un chemin dans les travaux des auteurs arabes Encadré 1-1 Elles ne sont pas inscrites non plus dans le contexte de la culture dominante. Par ailleurs, on constate que le terme « sécurité humaine » s’est frayé un chemin dans les travaux des auteurs arabes de langues étrangères et ceux qui écrivent dans leur arabe natal. Des écrits en arabe sur le concept de sécurité humaine sont apparus dans le contexte des recherches entreprises dans les universités étrangères, ou dans le cadre de discours et de publications adressés à l’opinion occidentale, ou encore utilisés dans des sommets arabes ayant abordé ce sujet. Les thèmes les plus importants traités par des auteurs arabes se rapportent à la relation entre la sécurité humaine et la sécurité de l’État, au champ de la sécurité humaine et à ses domaines ainsi qu’aux liens entre ces questions. La plupart des écrivains arabes modernes pensent qu’il existe une relation solidaire entre la sécurité humaine de l’individu et la sécurité nationale, d’une part, Mohamed El-Baradei* – Sécurité humaine et recherche de la paix La perception actuelle de la sécurité est caractérisée par un paradoxe. Selon la formulation intelligente d’un chroniqueur du Financial Times, « Le monde a rarement été en même temps plus sûr et plus insécurisant ». Selon un rapport récent sur la sécurité humaine, on constate depuis le début des années 1990 un déclin aigu des guerres civiles et d’autres formes de conflits armés, une diminution du nombre des réfugiés et une régression des atteintes aux droits de l’homme. Les statistiques montrent que le monde est devenu plus pacifié. Cependant, le sentiment collectif d’insécurité s’est en même temps accru plus qu’il ne l’a jamais été dans le passé. Car les forces qui œuvrent à la déstabilisation de la sécurité sont encore persévérantes et largement répandues. Ces forces qui sont à l’origine de l’insécurité relèvent de quatre catégories : la première, c’est la pauvreté qui touche, avec tous les aspects d’insécurité qui lui sont liés, des milliards de personnes qui sont dans l’incapacité de subvenir à leurs besoins en alimentation, en eau potable, en protection sociale appropriée et en ressources énergétiques nouvelles. C’est la plus cruelle des manifestations d’insécurité, et qui s’applique à la réalité vécue par 40 pour cent des gens à la limite de la survie, c’est-à-dire avec moins de deux dollars par jour. La deuxième catégorie est liée à l’absence de la bonne gouvernance – non sans rapport avec la pauvreté – allant de la corruption aux régimes sévèrement répressifs, et marquée par les atteintes scandaleuses aux droits de l’homme. La démocratie a remporté récemment de grandes victoires, particulièrement dans les pays d’Europe de l’Est et l’Amérique latine. Cependant, beaucoup de tyrans tiennent encore les rênes du pouvoir au Moyen-Orient et dans d’autres régions. Le troisième facteur d’insécurité consiste dans le sentiment d’injustice qui résulte du déséquilibre entre « ceux qui possèdent » et « ceux qui ne possèdent pas » – dans le contraste tranchant entre le Nord et le Sud en matière de richesse et de pouvoir. Ce sentiment d’injustice s’agrandit lorsqu’on prend conscience que la sacralité de la vie n’est pas mesurée sur un pied d’égalité et que la société compatit à la perte de vie dans le monde développé beaucoup plus qu’elle ne le fait à celle en grand nombre dans certains endroits, par exemple au Darfour et en Irak… La quatrième catégorie consiste dans la polarisation artificielle fondée sur le fait religieux et ethnique. Ce phénomène, apparu depuis plusieurs siècles, continue d’émerger de temps à autre ces dernières années et pousse certains à s’inquiéter du « choc des civilisations » entre musulmans et Occidentaux. De mon point de vue, c’est une faute flagrante de considérer que ces tensions résultent d’un affrontement entre les valeurs religieuses. Il est facile pour ceux qui souffrent de grandes inégalités – et qui sont nombreux dans le monde musulman – de se persuader que leur souffrance est due aux préjudices religieux et ethniques, au lieu de revenir aux causes véritables bien enracinées dans l’histoire, les guerres entre peuples et le combat pour le contrôle du pouvoir et des ressources. Cette croyance peut les amener à se réfugier dans des conceptions déformées de la religion et de l’identité ethnique afin qu’il leur soit possible de déverser toute leur colère sur une partie bien déterminée ou de compenser les injustices qu’ils ressentent. Cette figure de l’insécurité humaine serait incomplète si l’on n’y intégrait pas les effets de la mondialisation. La société moderne est en effet constituée d’éléments qui s’interpénètrent. Elle est fondée sur l’interdépendance. Et cette interdépendance est une arme à double tranchant ; elle offre des opportunités pour affronter ces problèmes avec plus d’efficacité, mais peut, d’un autre côté, les aggraver. Il appert de ce qui précède que ces conceptions traditionnelles de la sécurité humaine ne sont plus ni valables ni appropriées, conceptions qui trouvent leur origine dans la protection des frontières nationales et les concepts anciens de souveraineté. C’est que les facteurs d’insécurité que j’ai cités ne connaissent pas de frontières. Alors, si un nouveau groupe extrémiste apparaît au Moyen-Orient, je serai pris d’inquiétude, et si une guerre civile éclate dans un pays africain, je serai pris d’angoisse. Cela n’est pas dû seulement au fait que nous sommes tous des membres de la même famille humaine, mais également au fait qu’il est probable que chacun de ces événements va nous affecter tôt ou tard. Autrement dit, l’époque moderne exige que nous pensions en termes de sécurité humaine – concept centré sur les gens, sans frontières et qui confirme les liens étroits entre le développement économique et social, le respect des droits de l’homme et la paix. * Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Source : El-Baradei 2006. 24 Rapport arabe sur le développement humain 2009 et entre la sécurité humaine et la menace militaire extérieure, d’autre part. D’autres pensent que l’État autoritaire constitue la menace la plus importante pour la sécurité humaine dans la région (Abdul Monem Al-Mashat, en arabe, document de base pour le rapport). Les uns et les autres ne croient pas qu’il y ait opposition entre sécurité humaine et sécurité de l’État. Toutefois, ils soutiennent que la réalisation de la sécurité humaine individuelle aura un impact sur la transformation de l’État autoritaire en État respectueux du droit. Cette transformation nécessite, entre autres, la réforme des appareils actuels de sécurité et, Encadré 1-2 peut-être même, la création de nouvelles institutions de sécurité4. Par ailleurs, les points de vue des penseurs arabes divergent sur la portée du concept de sécurité humaine. Certains pensent que l’individu constitue et le centre de la sécurité humaine et sa finalité. C’est le cas d’El-Baradei qui dit : « L’époque moderne exige de nous que nous réfléchissions en termes de sécurité de l’individu ; car c’est un concept centré sur les gens et ne souffre pas de bornes. C’en est un qui confirme les liens inhérents entre le développement humain et social, le respect des droits de l’homme et la paix »5. D’autres affirment également que Les points de vue des penseurs arabes divergent sur la portée du concept de sécurité humaine Aziz Al Azmeh* – Les Arabes et la sécurité humaine Le fait de restreindre le concept de sécurité humaine au lieu de l’élargir n’est pas sans rapport avec deux notions intimement liées, ayant influencé les concepts en usage dans les sciences et les théories politiques modernes, et dont l’une est positive et l’autre négative. Elles illustrent deux visions solidaires qui marquent encore de leurs empreintes les conceptions des sciences sociales manifestées actuellement dans les programmes des ONG locales et internationales. Ces conceptions tendent à déplacer le centre d’intérêt de l’État et l’entité nationale vers les entités ethniques, religieuses et locales. Elles font prévaloir l’individu sur le groupe, que celui-ci soit national ou infranational. Lorsque je dis que ces notions sont intimement liées, je veux dire par là qu’elles sont le résultat du discours démocratique pluraliste, lui-même intimement lié à l’application des libertés de marché au domaine de la liberté politique. Sans aucun doute, ces conceptions sont le fruit de la mondialisation actuelle. Aussi, le déplacement d’attention loin de l’État et de la communauté nationale est-il justifié par l’impasse de la réforme structurelle des régimes arabes. Toutefois, à suivre cette tendance jusque dans sa logique ultime, sans aucune considération de l’intérêt national voire panarabiste, nous nous verrons engagés dans un gouffre imprévu. Nous aurons capitulé ainsi, de manière irréfléchie, devant une phraséologie séduisante et attirante, au lieu de réfléchir aux possibilités qui correspondent à la réalité changeante du monde arabe. Cela dit, il devient possible de parler de « sécurité humaine dans le monde arabe » si l’on prend en compte deux principes, l’un négatif, l’autre positif. Le premier appelle à la prudence de ne pas omettre la qualité d’objectivité et de subjectivité qui caractérisent la communauté nationale mise sous le pouvoir de chaque État arabe dont on attend qu’il construise les fondements de la citoyenneté, et non celles du provincialisme et du confessionnalisme, ni celles du clanisme et du tribalisme. Car la sécurité humaine et la sécurité de l’entité nationale sont inséparables objectivement et politiquement de toute perspective de développement humain. Quant au principe positif, il englobe tous les constituants de la sécurité humaine en un concept exhaustif qui indique des orientations dépassant le sens abstrait et lâche assigné traditionnellement à la sécurité. Il opère une mise en cohésion précise de tous ces constituants. Certes, un tel cadre global est nécessaire pour traiter la question de la sécurité des citoyens arabes dont la survie est menacée par toutes sortes de dangers (en raison du dysfonctionnement et de la dislocation des structures économiques suite à l’atrophie qui a touché le développement économique et social global, appliqué dans les années 1960, 1970 et 1980). Leur sécurité individuelle est menacée également (du fait de la tyrannie des appareils du pouvoir, de la terreur de groupes islamistes qui veulent imposer à la société leur vertu et leur foi, du fait de la violence physique et symbolique qui sévit en famille et en société). Les citoyens arabes sont menacés dans leur sécurité nationale et panarabe (en raison des conflits identitaires, des guerres, de l’occupation étrangère et des impasses des réformes politiques). Leur sécurité culturelle et éducative se réduit également (ce qui exige de nous réapproprier le développement culturel au lieu d’adopter les points de vue qui dominent dans nos sociétés, lesquelles se prennent pour des communautés fondées sur le civisme, le conservatisme social et la pureté civilisationnelle). Leur sécurité sociale s’est effondrée (en raison de l’érosion des systèmes de protection sociale, de l’insuffisance accrue des systèmes législatif et juridique). Leur sécurité environnementale est également vacillante du fait de la pression économique mondiale. Si nous voulons combiner ces éléments, dégager leurs points communs et en faire un concept général, susceptible d’orienter la notion de sécurité humaine et de lui donner plus de cohésion, nous devrons l’enrichir en le mettant dans le cadre des mouvements sociaux arabes, en prise avec la réalité, non avec l’abstraction et le flottement spéculatif, sans perdre de vue que l’objectif principal visé à travers la sécurité humaine c’est le développement humain et national. * Professeur (de nationalité syrienne), Études historiques arabes et islamiques, Université d’Europe centrale, Budapest, Hongrie. Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes 25 La distinction entre la sécurité de l’État et la sécurité humaine des individus ne signifie pas qu’elles s’opposent forcément l’une à l’autre la sécurité humaine est la sécurité individuelle, et en tant que telle, elle est centrée sur l’individu, sur ses droits, son bien-être, ses libertés et sa dignité6. Par ailleurs, on considère que la sécurité de l’État et la sécurité humaine sont complémentaires. C’est-à-dire que la première doit être considérée comme un des moyens de réaliser la seconde7. De ce point de vue, le concept de sécurité humaine devient intimement lié aux droits de l’homme en général, et plus spécialement, aux droits de la femme qui, à ce propos, s’appuient sur des conventions et des traités internationaux. Les écrivains arabes divergent sur les domaines de la vie couverts pas le concept de sécurité humaine. Certains en élar gissent l’étendue et refusent de le réduire aux dimensions militaires. D’autres, au contraire, ont restreint le concept. Parmi les représentants du premier courant, Korany et al-Mashat. Korany, par exemple, pense que la sécurité humaine est liée au fait de se libérer de la peur et au respect de la dignité humaine8. Al-Mashat, lui, pense que le concept de sécurité humaine au sens le plus large est tributaire de la prospérité matérielle, de l’équilibre et de l’harmonie dans la société. Ainsi il divise les pays en trois catégories, à savoir : 1) les pays sûrs où domine la société civile, 2) les pays non sûrs qui sont gouvernés pas les militaires, 3) les pays qui se trouvent dans une situation intermédiaire. D’autres auteurs arabes limitent le concept à une seule dimension, par exemple, le fait d’être libéré du besoin, ou à une seule catégorie sociale (les pauvres) à un seul genre (les femmes), à une seule catégorie d’âge (les enfants). Cependant, dans tous ces cas, ils insistent sur l’interdépendance et la complémentarité entre les différents domaines couverts par la sécurité humaine, à savoir, les domaines économiques, politiques, nationaux et internationaux (Abdul Monem Al-Mashat, en arabe, document de base pour le rapport). La sécurité humaine telle qu’elle est définie dans ce rapport En se basant sur l’approche maximaliste proposée par le PNUD et sur les réflexions des penseurs arabes, ce rapport définit la sécurité humaine comme étant « la libéra tion des êtres humains des menaces intenses, 26 Rapport arabe sur le développement humain 2009 extensives, persistantes, et compréhensives auxquelles leur vie et leur liberté sont vul nérables ». La liberté dans cette définition est une valeur centrale de l’individu, tant que, dans le contexte arabe, elle est menacée de l’intérieur et de l’extérieur, par des forces locales et étrangères. Cette définition implique également une gamme bien définie de préoccupations humaines. Elle englobe l’emploi, le revenu adéquat pour subvenir aux besoins fondamentaux, l’alimentation, la protection sociale, la pacification des relations entre groupes d’identités différentes, l’accomplissement par l’État de son devoir essentiel consistant à protéger ses citoyens des agressions intérieures et extérieures et la sécurité de l’individu contre les menaces personnelles. Le degré de gravité des menaces est déterminé selon quatre facteurs : 1) l’intensité, 2) la portée, 3) la durabilité, 4) la compréhension ou l’étendue de son champ d’application. L’intensité d’une menace se manifeste dans sa capacité à porter atteinte à la survie des gens et à les priver du seuil minimum de liberté qui correspond aux libertés humaines fondamentales. Quant à la portée d’une menace, elle est déterminée par rapport au nombre de vies humaines qu’elle touche. De la même manière, la gra vité d’une menace s’accroît lorsque celle-ci s’étend sur une longue durée. Enfin, plus le champ de la menace s’étend à l’ensemble des activités humaines, plus sa gravité augmente. La faim et la pauvreté, par exemple, affectent la santé des individus, leur comportement par rapport à l’environnement, leur participation à la politique et leur rentabilité individuelle. En insistant sur la sécurité des citoyens arabes comme individus, le Rapport ne néglige pas les menaces qui pèsent sur la région arabe dans son ensemble ou, individuellement, sur les pays qui s’y trouvent. La distinction entre la sécurité de l’État et la sécurité humaine des individus ne signifie pas qu’elles s’opposent forcément l’une à l’autre, ni que la réalisation de l’une exclut celle de l’autre. La vérité, c’est que la sécurité de l’État est nécessaire à la sécurité de l’individu. Lorsqu’un État est victime de l’occupation étrangère et qu’il perd son indépendance et sa souveraineté, il y a un impact négatif sur la sécurité humaine de l’individu. L’occupation militaire ne peut absolument advenir de manière pacifique. Les dispositions prises par les forces d’occupation pour garantir la sécurité de leurs soldats impliquent, dans la plupart des cas, la restriction des libertés des citoyens dans le pays occupé. Souvent, ces dispositions transgressent avec une légèreté scandaleuse les normes reconnues des procès équitables. En même temps, la sécurité de l’État peut être réalisée au détriment de la sécurité des individus, qu’ils soient citoyens ou ressortissants. C’est le cas lorsque les autorités de l’État concerné cherchent à atteindre « la sécurité absolue », en érigeant des dispositions exceptionnelles en « loi et ordre » et en restreignant les libertés des personnes soupçonnées de constituer une menace à l’État. Ces restrictions peuvent à la longue constituer une menace à la sécurité de l’État lorsque les efforts des citoyens se conjuguent à ceux des forces étrangères animées par des visées territoriales pour renverser les pouvoirs en place. En agissant de la sorte, ils facilitent l’occupation étrangère et la dislocation interne de leur pays. Est-il besoin de rappeler que la sécurité de l’individu ne peut être assurée que dans le cadre d’un État fort et soumis au contrôle et à la bonne gouvernance ? La protection des gens du chômage, de la pauvreté, de la faim, de la détérioration de la santé ne peut être couronnée de succès que dans un État capable de gérer son économie, ses institutions et ses infrastructures de manière à garantir aux citoyens un travail digne, un revenu adéquat et un niveau d’alimentation et de santé convenable. Une « bonne gouvernance » se doit également d’assurer la paix et la fraternité entre les différentes catégories ethniques et culturelles du pays. C’est ainsi que l’État sera capable d’assumer sa responsabilité dans l’établissement de la sécurité et le renforcement du régime, de préserver son autonomie politique et la sécurité de ses territoires. Sans doute, le succès de tout État dans l’accomplissement de ses missions de manière contrôlable constitue-t-il le fondement de sa légitimité et du soutien durable de ses citoyens. Autrement dit, un tel État sera plus à même de protéger la sécurité et le bien-être individuels de ses citoyens. Profils des menaces probables Toute tentative de détermination des menaces de la sécurité humaine aux pays arabes doit refléter la situation de la région en tant que très diversifiée et ayant été l’objet, tout au long de son histoire, de conflits entre les grands pays du monde. En fait, c’est une région qui n’a pas adhéré à la mouvance mondiale en matière de pratiques de bonne gouvernance, de démocratie et de cohésion sociale. Ainsi, en exposant les dimensions de la sécurité humaine, reconnues mondialement, telles qu’elles ont été définies par le RDH de 1994 émis par le PNUD, ce rapport aborde des menaces précises à la sécurité humaine dans les pays arabes. Parmi ces menaces, il y a l’occupation étrangère, l’ingérence des pays régionaux et étrangers, la violence qui résulte de l’exacerbation d’identités ancrées dans l’histoire et des pratiques répressives des États qui sapent les fondements de la sécurité humaine. Attendu que ce rapport concerne un cadre régional, la présente étude va aborder les menaces affrontées par les pays arabes de la manière suivante : Dans une première étape, le rap port jette la lumière sur les domaines de menaces imminentes dans lesquels les pays arabes peuvent, pour l’essentiel, prendre des initiatives eux-mêmes. Ces domaines comprennent les menaces qui touchent les gens suite aux préjudices subis par les ressources naturelles, celles qui naissent essentiellement avec l’apparition d’un État, ou sapent ses fondements, y compris les conflits claniques pour le pouvoir et le contrôle des ressources et celles qui touchent disproportionnellement les catégories faibles. Les menaces imminentes comprennent également les dangers causés par la vulnérabilité économique, du chômage, du manque de protection sociale et d’autres circonstances économiques ; et par des niveaux adéquats d’alimentation et de santé. De telles menaces relèvent principalement du champ d’action des pays arabes eux-mêmes, bien que certaines aient des intersections mondiales et des répercussions importantes sur la société internationale. Voilà donc les menaces et les questions sur lesquels la majorité des chapitres vont se focaliser. Cependant, le dernier chapitre abordera l’origine du danger principal qui menace la sécurité humaine, à savoir, l’occupation étrangère des territoires arabes. Il est évident que la responsabilité du changement incombe de façon directe aux pouvoirs concernés. Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes La sécurité de l’individu ne peut être assurée que dans le cadre d’un État fort et soumis au contrôle et à la bonne gouvernance Le rapport jette la lumière sur les domaines de menaces imminentes dans lesquels les pays arabes peuvent, pour l’essentiel, prendre des initiatives eux-mêmes 27 Et tout débat arabe sur ce sujet doit être adressé aux parties qui détiennent encore l’initiative de la décision. Ainsi, le rapport sera clos avec le traitement de ce sujet important. Les sujets traités dans le rapport sont disposés de la manière suivante : • Les pressions sur les ressources environnementales ; • La performance de l’État et la sécurité humaine ; Encadré 1-3 • L’insécurité des groupes vulnérables ; • La vulnérabilité économique, la pauvreté et le chômage ; • La sécurité alimentaire et la nutrition ; • La santé et la sécurité humaine ; • La sécurité humaine, l’occupation et les interventions militaires étrangères. Le Rapport avance, en début de son analyse des pressions exercées sur les ressources naturelles, que la gestion de l’en vironnement dans la région est devenue Sondage sur la sécurité humaine – Résultats généraux Afin de sonder les différentes dimensions de la sécurité humaine, telle qu’elle est perçue par les citoyens arabes, il a été demandé aux sondés de préciser quelles sont, parmi les 21 menaces potentielles à la sécurité humaine, celles qui le sont effectivement, compte tenu de leurs contextes. Les réponses étaient très contrastées dans les quatre sondages. Au Koweït, ce sont les pollutions de l’environnement qui ont été considérées comme les menaces les plus dangereuses. Alors que les Libanais ont considéré que l’agression sur l’individu et la propriété privée est la plus dangereuse ; vient ensuite la faim. Quant à la majorité des Palestiniens, ils pensent que l’occupation étrangère constitue la menace la plus grande à leur sécurité. Les Marocains, eux, considèrent que la pauvreté et le chômage représentent la cause principale de l’insécurité. Par ailleurs, les Palestiniens et les Libanais s’accordent sur le danger de certaines menaces, par exemple, l’impuissance relative des gouvernements à protéger la vie des citoyens, l’insuffisance de l’eau, la lenteur des procédures juridiques, la difficulté d’exercer leurs droits fondamentaux. Ils ont insisté également sur les relations tendues entre clans rivaux, la corruption, la désintégration familiale, l’occupation étrangère ; sans, cependant, classer ces menaces dans le même ordre d’importance. Principales menaces perçues à la sécurité humaine (%) Pays Menaces Liban Koweït Maroc TPO Polluants de l’environnement 77,8 91,2 74,9 .. Pénuries d’eau 80,5 73,5 76,9 82,3 Détérioration des terres agricoles .. .. .. 78,4 Occupation et influence étrangère 85,1 .. .. 96,2 87 .. .. 86,9 Arbitraire du gouvernement 80,1 .. .. .. Manque de protection sociale 73,4 .. .. 71 Services de santé déficients 80,9 .. 72,3 73,4 Incapacité gouvernementale à protéger les citoyens Mauvaise qualité des services éducatifs .. .. .. .. 86,3 .. .. 89,4 Lenteur des procédures légales et difficulté d’obtenir des droits 73,2 .. .. 73,7 Faiblesse de la solidarité entre les membres de la société 70,2 .. .. .. Relations tendues entre les différents groupes 80,8 .. .. 83,7 Extrémisme religieux 79,9 .. .. .. Désintégration de la famille 74,7 .. .. 75,2 Manque d’accès aux services de base 81,1 .. .. 75,4 Maladies transmissibles et épidémies 86,2 .. 70 75,6 La propagation de la corruption Chômage 86,5 .. 81,2 91 Pauvreté 86,4 .. 86 90,6 Faim 88,7 .. 75,9 85,4 Agressions sur les personnes et la propriété privée 89,1 .. .. 80,4 .. = Non disponible 28 Rapport arabe sur le développement humain 2009 désormais un défi important. Durant les années précédentes, des pays, tels que le Soudan et la Somalie, ont souffert de périodes de grande sécheresse mortelle. Le changement climatique pourrait menacer la survie, l’emploi et les possibilités de revenus pour des millions d’Arabes, d’autant que les taux de croissance démographique sont parmi les plus élevés dans le monde. La détérioration de l’environnement durant les dernières décennies a affecté, par exemple, les conditions de santé de millions de personnes en Égypte. Il faut ajouter à cela que cette question est liée à l’importance géostratégique de la région – plus précisément à sa richesse pétrolière – qui a exposé certains pays arabes à l’influence et l’ingérence extérieures. Une autre ressource précieuse, l’eau, se trouve de plus en plus à l’origine de conflits violents qui pourraient porter de graves préjudices à de nombreux peuples et communautés. Pour toutes ces raisons, la réduction des ressources humaines dans la région est devenue l’une des causes d’insécurité ; situation qui incite à revoir de manière fondamentale les politiques actuelles. En effet, les caractéristiques de la localisation des ressources dans la région et les modes de développement qu’elles ont induits jettent leur ombre sur les situations économiques dans le monde arabe. La différence flagrante entre pays arabes riches et pays arabes pauvres reflète la distribution inégale des richesses naturelles. Les situations économiques affectent la sécurité humaine eu égard à la disponibilité des opportunités de travail, à la facilité ou la difficulté d’accéder aux ressources alimentaires et aux services sanitaires. Cela affecte de la même manière les relations entre les différentes catégories sociales, par exemple, entre celle des agriculteurs et celle des pasteurs au Darfour. Mesure des niveaux de sécurité humaine Peut-on mesurer la sécurité humaine ? Plusieurs tentatives de réponse ont été proposées. Après avoir pointé la complexité de la question, les concernés9 par cette problématique avancent qu’il y a deux approches principales. La première est appelée « approche objective » parce qu’elle s’efforce d’élaborer des indicateurs quantitatifs Encadré 1-4 Sondage sur la sécurité humaine – Est-on satisfait de la situation individuelle actuellement ? % 60 50 40 30 20 10 0 Koweït Liban Non satisfait Maroc TPO Plutôt satisfait Très satisfait Les réponses des personnes interrogées dans les quatre pays arabes et qui seront fréquemment évoquées à travers ce rapport se répartissent en trois types : 1) la majorité écrasante des Koweïtiens a exprimé sa satisfaction totale de sa situation par rapport à ces menaces ; 2) la majorité des Marocains sondés étaient partiellement satisfaits ; 3) Quant aux personnes sondées dans le Territoire palestinien occupé et au Liban, elles ne sont pas satisfaites de leurs situations par rapport à ces menaces. Ce diagramme reflète clairement le degré de sécurité humaine dans les quatre pays au moment du sondage, c’est-à-dire pendant l’hiver et le printemps de l’année 2008. Encadré 1-5 Sondage sur la sécurité humaine – Jusqu’à quel point les citoyens se sentent-ils en sécurité ? % 60 50 40 30 20 10 0 Koweït Liban Maroc TPO Pas sûr du tout Sûr Assez sûr Très sûr Les circonstances actuelles permettent-elles aux citoyens de se sentir en sécurité ? Ce diagramme présente des réponses à cette question pour les quatre pays. Les résultats du sondage montrent que le Koweït se trouve à l’extrême limite du spectre, le Territoire palestinien occupé et le Liban à l’extrémité opposée, alors que les Marocains occupent une place intermédiaire. Plus de 50 % de Koweïtiens interrogés disent qu’ils se sentent bien en sécurité, le 1/4 moyennement sécurisé. À l’opposé, près de 50 % des personnes sondées dans le Territoire palestinien occupé et le Liban disent qu’ils ne se sentent pas en sécurité. La majorité des Marocains a une opinion mitigée ; à noter que le 1/5 d’entre eux disent qu’ils ne se sentent absolument pas en sécurité. Ceux qui se sentent totalement en sécurité constituent une minorité qui ne dépasse guère le ¼ des sondés au Maroc et 5 % en Territoire palestinien occupé et au Liban. Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes 29 Il n’y a pas d’étude effectuée au niveau international sur la perception que les gens se font de la mesure de la sécurité humaine, autrement dit, à partir d’une approche subjective de la sécurité humaine 30 aux différentes dimensions de la sécurité humaine dans un certain nombre de pays et à différentes périodes. L’exemple le plus illustratif de cette méthodologie est celui des mesures mises au point par le Comité du Centre de sécurité humaine, (Uppsala, Suède), publiées en 2005 sous le titre « Audit de la sécurité humaine ». Cette publication fait partie, d’un rapport plus large émis par le Centre du développement humain de l’Université British Columbia, Canada, sous le titre « Guerre et paix au xxie siècle », dont la deuxième partie aborde la question de mesurer la sécurité humaine10. L’approche objective a été illustrée par une étude publiée dans la revue Politique étrangère par la Fondation Carnegie pour la paix internationale qui définit et classe ce qu’elle appelle « les pays en échec »11. Bien que cette étude ne s’intéresse pas directement au sujet des mesures de la sécurité humaine, on y trouve beaucoup d’indicateurs pertinents à ce sujet. Jusqu’à présent, il n’y a pas d’étude effectuée au niveau international sur la perception que les gens se font de la mesure de la sécurité humaine, autrement dit, à partir d’une approche subjective de la sécurité humaine. Cependant, bon nombre de questions utilisées dans la plu part des études reconnues sur les valeurs et les orientations dans le monde sont inti mement liées à la sécurité humaine. Ces études englobent Pew Global Attitudes Project12 et World Value Survey par l’Université de Michigan13. Au-delà des différences d’approches, toutes les tentatives internationales de mesure montrent que les niveaux de sécurité humaine dans les pays arabes se sont détériorés ces dernières années, fût-ce à des degrés variés. Toutefois, il faut noter que soit la plupart de ces études n’étaient pas directement liées à la sécurité humaine, soit elles ne couvraient pas tous les pays arabes, soit elles contenaient des jugements de valeur dont la validité est discutable, soit elles sont dépassées, car effectuées avant les derniers événements majeurs intervenus dans les pays arabes. Ainsi, il serait nécessaire de mettre au point une nouvelle approche pour évaluer la sécurité humaine dans la région à l’époque présente. Est-il possible d’arriver à un indicateur général et combiné de la sécurité humaine ? Alors que l’indice du développement humain, basé sur des variables Rapport arabe sur le développement humain 2009 fondamentales, générales et quantitatives qui peuvent être vérifiées, constitue un indicateur composé puissant et viable, l’indice de la sécurité humaine, satisfaisant et universellement accepté, est encore hors d’atteinte. Les études statistiques faites dans ce domaine montrent combien ce sera complexe et difficile d’y arriver. Premièrement, il n’y a pas de définition de la sécurité humaine unanimement acceptée. Les approches minimalistes se focalisent sur deux dimensions, celle de la survie et les autres formes de préjudice graves (comme la mort, la violence excessive et les handicaps qui menacent la vie, etc.). Les approches maximalistes proposent une liste importante d’indicateurs du développement et des droits de l’homme. Deuxièmement, la sécurité humaine est, d’une part, liée aux dimensions matérielles et morales, et d’autre part, déterminée par ses contextes. Il est mieux illustré aussi bien par les indicateurs qualitatifs qui dénotent la perception des dangers que par les indicateurs quantitatifs des menaces objectives. Combiner ces deux types en un seul indice est très problématique et relève d’une démarche qui peut être taxée de subjective. Troisièmement, la valeur de tout indicateur réside dans sa capacité d’orienter les concepteurs des politiques publiques et les organisations de la société civile vers les domaines prioritaires. Quant au type d’indicateurs généraux qui assignent à chaque pays une moyenne arithmétique, il n’est d’aucune utilité dans la révélation des domaines qui nécessitent l’intervention, car cette moyenne arithmétique passera à la trappe les circonstances et les conditions qui nécessitent une telle intervention. Enfin, l’indicateur combiné pose dans ce domaine des problèmes réels de compa raison et de pondération. Il est difficile, par exemple, de combiner les menaces qui résultent de la détérioration de l’environnement et celles qui sont le fait des guerres civiles. S’il était décidé de peser les menaces de la sécurité humaine de manière différente, il serait presque impossible de convenir des valeurs précises pour chacune d’elles ; ce qui déboucherait sur des résultats arbitraires. C’est pour de telles raisons que l’équipe du rapport a mis fin à sa tentative d’élaborer un seul indicateur composite pour la sécurité humaine dans le monde arabe. Elle a opté plutôt pour une évaluation des différentes dimensions de la sécurité humaine telles qu’elles sont appliquées dans chaque pays arabe en vue de dégager les différences importantes entre les pays arabes. Encadré 1-6 Sondage sur la sécurité humaine – Qu’est-ce qui donne le plus aux citoyens un sentiment d’insécurité ? % 30 25 Sondage sur la sécurité humaine 20 15 En vue de compléter les évaluations qualitatives, le rapport a effectué un sondage sur les points de vue personnels des citoyens arabes concernant la sécurité humaine par le biais d’un questionnaire conçu et distribué par plusieurs institutions de sondage d’opinions dans quatre pays arabes présentant différents contextes politiques et culturels par rapport à ce sujet. Ces pays sont : 1) le TPO toujours étranglé par la violence de l’occupation israélienne, 2) le Koweït, avec sa culture remarquable, et dont les citoyens jouissent d’un des niveaux les plus élevés de bienêtre dans le monde arabe, 3) le Liban, caractérisé tout à la fois par l’ouverture politique et par les divisions claniques aiguës qui ont abouti dans plusieurs cas à des guerres civiles, 4) le Maroc, dont on estime qu’il a pris plusieurs longueurs d’avance par comparaison avec les autres pays arabes sur le plan de l’émancipation politique. Le questionnaire a été soumis dans chacun des quatre pays à un panel de mille personnes, non seulement représentatives de toutes les catégories d’âge et de tous les niveaux économiques et éducatifs, mais qui reflètent également certains aspects subsidiaires, tels que le genre, l’ethnie et l’emplacement géographique. Les questions tournaient autour de la perception que les personnes interrogées avaient de la sécurité humaine, l’origine des menaces pesant sur cette sécurité, la gravité et l’importance de ces menaces, et de leurs avis sur les efforts déployés par les États en vue d’affronter ces défis et ce qu’il convient selon eux d’accomplir à ce propos. Le questionnaire aborde huit aspects de la sécurité humaine14 : le concept, la sécurité de l’environnement, les dimensions de la sécurité politique et internationale, la sécurité dans la société (relations entre groupes), la sécurité économique, la sécurité alimentaire, la sécurité de la santé, la sécurité personnelle. 10 5 0 Koweït Liban Maroc Détérioration de la moralité Pollution environnementale Guerres Accidents de la route Chômage Pauvreté TPO Occupation Santé Politique Sécurité Économie/Inflation Pour mesurer le degré de sécurité chez les citoyens, il a été demandé aux personnes interrogées de préciser quelles étaient les menaces les plus importantes à leurs yeux. Les situations économiques des quatre pays ont été considérées comme des menaces à la sécurité. Dans le Territoire palestinien occupé, l’occupation a été considérée comme étant le défi le plus dangereux, viennent ensuite respectivement la dégradation des situations économiques, celle des situations politiques et le manque de sécurité personnelle. Au Liban, l’appréhension due à la situation économique occupe la première place, suit l’insécurité humaine, enfin la dégradation de la situation politique. Au Maroc, les menaces sont moins reliées à la situation politique. Ce sont plutôt les conditions de santé qui occupent la première place ; ensuite la pauvreté et le chômage, enfin les accidents de la route. Les Koweïtiens interrogés ont mis la guerre et les menaces extérieures en tête de liste, suivies par la pollution de l’environnement et la régression morale. À noter que la malnutrition n’a pas été citée directement comme l’une des menaces ressenties par les citoyens dans les quatre pays, bien qu’elle puisse être induite lorsqu’il est fait référence à la pauvreté et au chômage qui affaiblissent la capacité d’acquisition de la nourriture. La perception de la jeunesse arabe sur la sécurité humaine – forums des jeunes L’équipe du Rapport a organisé trois forums de discussion15 pour les jeunes arabes âgés de 18 à 25 ans, tous ayant une expérience d’acteurs dans le domaine de la société civile. Ces jeunes ont pu contribuer de manière importante aux discussions qui seront évoquées dans les chapitres suivants. Un des résultats les plus importants de cette enquête, c’est l’opportunité donnée aux jeunes d’exposer la manière dont ils conçoivent le concept de sécurité humaine, Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes Le rapport a effectué un sondage sur les points de vue personnels des citoyens arabes concernant la sécurité humaine 31 Le concept de sécurité humaine revêt dans cette conjoncture une importance particulière pour les pays arabes 32 déterminer les priorités en termes de menaces à la sécurité humaine dans la région arabe. La plupart des participants, qu’ils soient du Mashreq ou du Maghreb, pensent que le concept de sécurité humaine est un concept global qui implique plusieurs dimensions, y compris celles se rapportant à la politique, l’économie, l’environnement, la nature, et dont la teneur diffère d’un contexte à un autre. Les contributions se sont révélées d’un haut niveau de prise de conscience de la complexité du concept de l’interdépendance des différents aspects y afférents. Ainsi les participants ont-ils pu mettre le doigt sur les relations entre les différents niveaux et dimensions de la sécurité humaine. De la même manière, les jeunes ont compris la nécessité de distinguer entre les dimensions subjectives et objectives du concept. Selon eux, ce concept implique une double notion qui englobe une relation équilibrée entre les dimensions morales et les dimensions matérielles. Les points de divergence entre les participants étaient centrés sur la question de savoir si le concept couvrait l’individu, l’État ou l’environnement extérieur. Une partie d’entre eux considère que la sécurité humaine est un concept personnel lié au droit des individus à exercer leurs droits civiques et à être en situation d’acquérir le logement et l’alimentation et ce, dans un climat imprégné de démocratie. Faisant part des nouvelles tendances chez les jeunes, d’autres participants considèrent que la sécurité humaine dans les pays arabes doit signifier la capacité de choisir et de s’approprier les opportunités pour agir dans la société sans être soumis aux pressions sociales ou politiques. D’autres pensent que la sécurité humaine est liée à l’État, eu égard au rôle de celui-ci dans la protection et le respect des droits de l’individu en assurant l’éducation, l’emploi et la garantie de sécurité au bénéfice des participants aux actions politiques. D’autres pensent que cette sécurité participe d’un modèle universel qui ne concerne pas uniquement les pays arabes mais tous les gens où qu’ils soient. Ce modèle se distingue principalement par son souci de garantir la liberté humaine dans un cadre de responsabilité. Par ailleurs, certains participants ont jugé que l’aspect subjectif de la sécurité humaine est plus important que ses Rapport arabe sur le développement humain 2009 dimensions objectives. D’autres pensent le contraire. Un autre groupe de jeunes pense qu’il n’est pas possible de séparer les dimensions morales des dimensions matérielles, en évoquant, à titre d’exemple, d’un côté, la relation entre la dignité humaine, la prise de conscience par l’individu de ses droits et la jouissance de la liberté, et d’un autre côté, les systèmes légaux fiables et les situations économiques stables. Ce même groupe avance également que la sécurité psychologique de l’individu influence sa sécurité sur le plan social, culturel et intellectuel et qu’elle est influencée à son tour par la satisfaction ou la non-satisfaction de ses besoins fondamentaux. La sécurité a été liée aussi à d’autres valeurs, comme la liberté, la dignité, la paix et aux effets que celles-ci ne manquent d’avoir sur l’éducation, la santé et l’économie. Un consensus général s’est dégagé sur l’idée que tous les gens doivent être capables de vivre dans un environnement libéré des menaces, qui leur procure dignité, liberté et niveau de vie convenable. La plupart des participants ont eu des difficultés à hiérarchiser les menaces à la sécurité humaine. Par ailleurs, ils ont exprimé, lors des trois forums, l’idée que la vie entière abonde en possibilités de menaces dans les pays arabes et que tous les aspects de la sécurité humaine sont reliés et interdépendants. Conclusion Comme le confirme ce chapitre, le concept de sécurité humaine revêt dans cette conjoncture une importance particulière pour les pays arabes. Cependant, aussi important qu’il soit, il n’est pas exempt d’ambiguïtés, en raison notamment de considérations liées à la question de la sécurité de l’État et qui peuvent conduire à des interprétations douteuses. Le concept peut être utilisé – en fait, il l’a déjà été – comme prétexte à l’ingérence étrangère, y compris l’ingérence militaire dans les affaires d’autres pays souverains, comme dans le cas de l’Irak, et d’une certaine façon, dans celui de la Somalie. La soi-disant guerre contre le terrorisme a procuré parfois de fausses justifications à de telles ingérences. Après avoir réexaminé les Rapports nationaux sur le développement humain et le cadre de la sécurité humaine, deux chercheurs de renommée internationale ont discuté la manière dont les principes de la sécurité humaine peuvent être détournés en faveur d’intérêts personnels. Ces deux chercheurs avancent en conclusion de leur réexamen : « Dans l’environnement sécuritaire qui suivit les événements du 11 septembre, ce concept a été complètement chamboulé… car, si en effet le but de la sécurité humaine était de renforcer les capacités des gens et des communautés, cela n’est plus vrai pour certaines initiatives prises après cette date au nom du même concept16. » Un concept ne doit pas être jugé selon les abus qui en sont faits, mais selon la contribution positive qu’il favorise au service de l’intérêt général et particulier. La sécurité humaine procure un cadre solide qui permet d’agir contre les menaces auxquelles fait face le développement humain, en promouvant le fait de se libérer de la peur et du besoin17. On ne peut que partager l’opinion de Jolly et Ray selon laquelle « Lorsque la sécurité humaine est très ignorée dans d’autres pays, cette approche doit être jugée comme pâtissant d’un grave dysfonctionnement et bien éloignée du fondement du concept. La sécurité de l’homme, au vrai sens du terme, n’est pas une équation arithmétique dont un des termes peut équivaloir à zéro, autrement dit, le fait d’assurer la sécurité à une partie ne peut se faire au détriment de l’autre partie »18. À la lumière de la perception de la sécurité humaine discutée dans ce chapitre, ce Rapport ne vise pas le simple inventaire des différentes menaces qui peuvent rendre les Arabes vulnérables. L’objectif est plutôt de sonder les racines de ces menaces et de proposer des stratégies d’affrontement. En plus, cette analyse prétend à la neutralité et l’objectivité en s’adressant à la fois à tous les gouvernements arabes, sans intention d’éreinter les uns ou de favoriser les autres, et à l’opinion arabe éclairée. Étant donné l’importance cruciale de ce sujet pour le bien des peuples arabes, il faut bien espérer que cette analyse sera prise en considération, discutée et appliquée autant par les concepteurs des politiques que par la société civile. Les chapitres suivants abordent les défis qu’affronte la sécurité humaine dans les pays arabes dans leurs contextes historiques, en reconnaissant qu’ils sont le résultat de conditions bien déterminées actuellement à l’œuvre dans la région. Toutefois, rien ne laisse croire que ces conditions sont permanentes et fatales. Bien au contraire, elles peuvent sans aucun doute être changées si les forces arabes agissantes sont déterminées à élaborer leurs conceptions, exercer leurs prérogatives et leur pouvoir dans le cadre des circonstances qui leur sont propres et des situations dominantes sur le plan régional et international. Ce rapport puise son inspiration également dans l’expérience d’autres peuples à travers le monde, particulièrement dans celle des pays en développement qui ont eu à affronter des conditions similaires à celles qui constituent une gageure pour les pays arabes dans la première décennie du xxie siècle. Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes Le fait d’assurer la sécurité à une partie ne peut se faire au détriment de l’autre Le rapport s’adresse à la fois à tous les gouvernements arabes et à l’opinion arabe éclairée 33 Notes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 34 Annan 2000. CHS 2003 (en arabe). CHS 2003 (en arabe). Korany 2005a, 2005b. El-Baradei 2006. Abdel Samad 2004. Abdel Samad et Zeidan 2007. Korany 2005a, 2005b. Bajpi 2000. Bajpi 2000. Foreign Policy Magazine 2008. The Pew Global Project Attitudes 2007. Ingleart et al. 2008. Voir annexe III. Le premier forum, tenu au Caire les 15-16 décembre 2007, a réuni 30 jeunes hommes et femmes originaires de Djibouti, d’Égypte, du Soudan et de la Somalie. Le deuxième, tenu à Amman les 11-12 janvier 2008 a réuni 31 jeunes hommes et femmes originaires de Bahreïn, d’Irak, de Jordanie, du Liban, du TPO, de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Yémen. Le troisième forum organisé au Caire les 8-9 février 2008, a réuni un nombre de jeunes hommes et femmes originaires d’Algérie, de Libye, de Mauritanie, du Maroc et de Tunisie. Les participants ont été choisis par le Bureau du PNUD à Beyrouth. L’équipe du rapport a veillé à équilibrer la représentation en termes de genre, de nationalité, de capitales principales, de villes régionales et de milieu professionnel. Les tranches d’âge se situaient entre 20 et 25 ans. Les discussions avaient pour objet également les 5 axes sur lesquels portaient les sondages effectués dans les quatre pays cités. Jolly et Basu Ray 2006. Dans ce cadre, le rapport évoque le discours du président américain Franklin Delano Rooswelt en 1941, lorsqu’il a parlé de quatre libertés : la liberté d’expression, la liberté du culte religieux, la libération des gens du besoin et leur libération de la peur. Ces formulations ont inspiré les concepteurs du traité des Nations Unies et de la déclaration universelle des droits de l’homme. En effet, les deux libertés citées en dernier sont à la base de l’approche de la sécurité humaine. Jolly et Basu Ray 2006. Rapport arabe sur le développement humain 2009 Chapitre 2 Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes La relation entre les pressions sur les ressources, la durabilité de l’environnement et la sécurité humaine est une question de prime importance Ce chapitre s’efforce de montrer que la relation entre les pressions sur les ressources, la durabilité de l’environnement et la sécurité humaine dans les pays arabes est une question de prime importance. C’est que le pétrole, ressource longtemps associée à la région arabe, a généré pour certains pays une richesse et une puissance sans limites. Cependant, il a conduit à l’affaiblissement de plusieurs autres pays en rendant des sociétés entières vulnérables à la géopolitique. Malgré cette richesse, la région aura à affronter de plus en plus de défis extraordinaires qui menaceront la survie des populations, en termes d’emploi, d’alimentation, de revenu et de services sanitaires. Les relations entre groupes, populations et États, arabes ou non arabes, seront difficiles à cause des conflits potentiels dus à la concurrence pour les ressources naturelles qui vont en s’appauvrissant. Ces défis ont été générés par les pressions démographiques, la surexploitation de la terre, la pénurie de l’eau, la désertification, la pollution, les changements climatiques et la diminution de la biodiversité. Ces défis peuvent paraître moins dangereux que ceux abordés dans d’autres chapitres. Leurs effets s’avèrent, néanmoins, souvent irrévocables, plus pernicieux et plus répandus. Aussi constituent-ils un point de départ tout à fait approprié à l’analyse de ce rapport. Heur et malheur L’environnement naturel des pays arabes est à la fois béni et damné L’environnement naturel des pays arabes est à la fois béni et damné. Il est béni parce que la position stratégique de la région et ses richesses naturelles lui ont permis de jouer un rôle pionnier dans les civilisations du passé. C’est de là que les trois religions monothéistes se sont répandues partout, donnant à leurs peuples la possibilité d’entrer en communication et en interaction profondes avec les autres civilisations. En plus, cet environnement dispose de l’une des plus grandes réserves de pétrole au monde. Son exploitation a facilité un transfert extraordinaire de richesses dans certaines sociétés arabes, notamment dans les pays du Golfe, affectant ainsi les aspects matériels, sociaux et culturels de la vie. Cependant, cet environnement offre toujours des possibilités de promotion du développement humain arabe à condition que les Arabes le gèrent avec prudence, c’est que, largement aride, cet environnement souffre d’un déficit grave en ressources hydriques ; il est exposé par ailleurs aux pressions démographiques, à la surexploitation et à l’urbanisation rapide, autant de facteurs qui participent à sa détérioration. Les défis les plus importants Les menaces environnementales incluent la pénurie d’eau, la désertification, la pollution et les changements climatiques Encadré 2-1 L’exposé suivant aborde les menaces environnementales les plus importantes dans les pays arabes. Les pressions de la population et de la démographie y sont considérées comme une question intersectorielle, présente dans toutes ces menaces : la pénurie d’eau, la désertification, la pollution et les changements climatiques. La caractéristique principale partagée par ces menaces consiste dans la relation dynamique et interactive qui les relie les unes aux autres. La pénurie d’eau, par exemple, contribue à la désertification, pendant que le changement climatique conduit aux inondations dans certaines régions, à la pénurie d’eau, la sécheresse et la désertification dans d’autres. De même, la pollution de l’air est l’une des causes sous-jacentes du changement climatique. Pressions de la population et tendances démographiques Durant presque toute la seconde moitié du xxie siècle, les pays arabes ont eu l’un des taux les plus élevés de croissance démographique dans le monde1. Entre 1975 et 1980, le taux de fertilité total (TFT) était de 6,5 dans la région, ce qui signifie que le nombre d’enfants que mettrait au monde une femme arabe qui vivrait jusqu’à la fin de ses années de procréation était de 6 à 7. Ce taux a baissé à 3,6 durant la période 2000-2005 et reste plus élevé que le taux de remplacement de la population qui est de 2,1. Le taux de fertilité élevé a contribué à l’augmentation du taux de croissance démographique, bien qu’il ait baissé de 2,3 % par an durant la période 1970-1975 à 2,1 % par an durant la période 2000-2005. Par ailleurs, une augmentation annuelle de Mostafa Kamal Tolba* – Les principaux défis de l’environnement dans les pays arabes Nous voici, à l’entrée du xxie siècle, face à la plupart des défis environnementaux de haute priorité auxquels nous étions confrontés dans la seconde moitié du xxe siècle, seulement avec des différences d’intensité et de priorité. Ces questions incluent la pénurie de l’eau et la détérioration de sa qualité, les limitations du sol, la désertification, l’effet environnemental de la production et la consommation croissantes de l’énergie, la pollution des régions littorales, le déboisement, la consommation non rationnelle des richesses naturelles, la détérioration de l’environnement urbain et la propagation de la pollution due aux dangereux déchets solides et liquides. Un nouveau problème a émergé, à savoir le manque de rigueur dans l’utilisation des outils économiques modernes tels que l’économie et la comptabilité basées sur l’environnement et la richesse naturelle. À cela nous devons ajouter les effets négatifs aigus des problèmes mondiaux de l’environnement dont, en premier lieu, le changement climatique et le réchauffement planétaire. La pénurie d’eau, aggravée par l’infiltration de la pollution, est l’un des défis majeurs, dans les pays arabes. Des efforts intensifiés sont alors requis, à défaut de moyens d’optimisation dans l’utilisation de l’eau, en surface et sous terre et des eaux pluviales, par l’augmentation du retour économique produit par unité d’eau utilisée, par la déconcentration des responsabilités dans l’application des politiques de gestion de l’eau. Car cette responsabilité est largement partagée par plusieurs institutions et ministères divers. Il faut veiller également à la création d’une instance indépendante et responsable de la gestion des ressources en eau. Seule cette institution est capable de réaliser l’équilibre entre l’offre et la demande sur une base économique et sociale. Aussi est-il nécessaire d’œuvrer sérieusement à la mise au point d’une technologie de dessalement de l’eau dans le monde arabe, particulièrement dans la production locale des membranes d’osmose inverse et des méthodes d’utilisation de l’énergie solaire dans le processus de dessalement de l’eau. Reste un autre défi pour nous : le manque de ressources en terres, 54,8 % des terres de la région étant désertiques. Les domaines pastoraux représentent 26,8 %, les terres cultivables ne font que 14,5 %, les forêts à peu près 3,9 %. Les terres cultivées représentent 29 % des terres cultivables et environ 4,2 % de la superficie globale de la région arabe. Les forêts, dont plus de 80 % se trouve au Soudan, en Algérie et au Maroc, couvrent approximativement 3,9 % de la totalité des terres arabes. Ces forêts sont exposées à des pressions croissantes et perdent 1,59 % de leur superficie chaque année. Les activités économiques sont en augmentation constante dans les régions littorales. C’est pourquoi les régions côtières qui abritent 40 à 50 % de la population sont menacées par la pollution au pétrole et aux éléments lourds. En termes de changement climatique, la part de la région dans l’émission des gaz à effet de serre est encore négligeable, malgré l’augmentation de la moyenne d’émission per capita, notamment dans les villes à grande densité humaine. Cependant, les pays arabes auront à souffrir de nombreux résultats négatifs dus au changement climatique. Par ailleurs, il est impossible de faire face à toutes les questions environnementales sans le recours à la recherche scientifique et au développement technique de pointe. Un État ne peut à lui seul entreprendre ces réalisations. C’est pourquoi il faut commencer sérieusement à mettre en place des réseaux de centres de recherche spécialisés dans chaque domaine en vue de se partager les tâches et les expertises pour arriver enfin à des solutions alternatives parmi lesquelles les décideurs de chaque État pourront faire leurs choix. * Ex-Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). 36 Rapport arabe sur le développement humain 2009 la croissance démographique de 2 % est prévue pour la région entre 2005 et 2010, et une augmentation de 1,9 % durant la période 2010-2015. Ces taux sont presque le double de la moyenne mondiale pour les mêmes périodes, à savoir, respectivement, 1,2 et 1,12. Les estimations des Nations Unies prévoient, compte tenu de la densité démographique actuelle, que les pays arabes auront une population d’environ Figure 2-1a 385 millions en 2015 (contre environ 331 millions en 2007 et 172 millions en 1980)3. Dans une région caractérisée par la rareté croissante de l’eau et des terres cultivables, la croissance démographique exercera de fortes pressions sur les capacités productives des terres arables et menacera davantage la viabilité environnementale. Avec plus de bouches à nourrir, la balance commerciale et les options de Les estimations des Nations Unies prévoient que les pays arabes auront une population d’environ 385 millions en 2015 Les moyennes annuelles du taux de croissance démographique ont baissé dans la plupart des pays arabes depuis les années 1980 La croissance démographique exercera de fortes pressions sur les capacités productives des terres arabes 10 8 6 4 2 Maroc Tunisie Liban Algérie Oman Égypte Djibouti Libye Soudan Bahreïn Comores Somalie Irak Arabie saoudite Mauritanie Yémen Jordanie TPO Syrie EAU Koweït -2 Qatar 0 1980-1985 Taux de croissance démographique (%) 2000-2005 Taux de croissance démographique (%) Source : DAESNU 2008. Figure 2-1b Cependant, la croissance démographique est en augmentation constante milliers 80 000 70 000 60 000 50 000 40 000 30 000 20 000 10 000 1980 Population (en milliers) Comores Bahreïn Qatar Djibouti Oman Koweït Mauritanie TPO EAU Liban Libye Jordanie Somalie Tunisie Syrie Yémen Irak Arabie saoudite Maroc Algérie Soudan Égypte 0 2005 Population (en milliers) Source : DAESNU 2008. Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes 37 Environ 60 % de la population arabe est au-dessous de vingt-cinq ans croissance économique des pays arabes importateurs de produits alimentaires, à cause de la raréfaction de l’eau et du développement de l’urbanisation, seront affectées de manière constante. L’extension des villes arabes pose des défis particuliers puisque la mutation urbaine galopante dans la région alourdit davantage l’infra structure déjà dans un état critique. Cette mutation crée également des conditions de vie frappées par la promiscuité et l’insécurité. En 1970, 38 % de la population arabe Figure 2-2 vivait dans les centres urbains ; en 2005, cette population urbaine représentait déjà 55 %, elle dépassera probablement les 60 % en 20204. L’aspect le plus évident et le plus défiant de la démographie dans cette région se manifeste dans « l’augmentation du taux de la catégorie des jeunes », catégorie dont la croissance est la plus rapide, puisqu’environ 60 % de la population est au-dessous de 25 ans. Ce qui en fait une des régions les plus jeunes avec une moyenne d’âge Moyennes annuelles de la croissance urbaine (%) selon les pays, 2000-2005* 6 5 4 3 2 1 Taux annuel moyen de croissance de la population urbaine (%) Oman Pays arabes Liban Tunisie Maroc Égypte Irak Bahreïn Libye Comores Algérie Djibouti Arabie saoudite Jordanie Syrie Mauritanie TPO Koweït Somalie EAU Soudan Qatar Yémen 0 * PNUD/RADH calculs pour un chiffre global. Source : DAESNU 2006-2007. Figure 2-3 Projection de la population arabe de 15-24 ans en 2050* milliers 18 000 16 000 14 000 12 000 10 000 8 000 6 000 4 000 2 000 Année 2000 Année 2010 Source : DAESNU 2008. 38 Rapport arabe sur le développement humain 2009 Année 2050 Yémen EAU Tunisie Syrie Soudan Somalie Qatar Arabie saoudite Oman OPT Maroc Mauritanie Libye Liban Koweït Jordanie Irak Égypte Djibouti Comores Bahreïn Algérie 0 * Estimation de la variante moyenne. de 22 ans contre 28 ans comme moyenne mondiale5. Les jeunes consomment des ressources et nécessitent des investissements très importants avant qu’ils ne deviennent des producteurs économiques. Ils sont les représentants des générations à venir détentrices d’un droit à un environnement qui n’ait pas été épuisé, ni endommagé ni mal géré par leurs prédécesseurs. Pénurie d’eau Les pays arabes souffrent de la pénurie des ressources en eau car la plupart d’entre eux se trouvent dans des régions arides et semi-arides. L’acuité de ce déficit s’aggrave du fait de l’augmentation constante de l’épuisement des ressources en raison de la croissance démographique et économique. Les fleuves constituent dans les pays arabes la première ressource d’eau de surface, suivis par les sources, les lits de rivières et les cours d’eau saisonniers. Le volume global des ressources en eau disponibles dans les pays arabes est estimé à 300 milliards de mètres cubes par an6. Le volume global de l’eau de surface est d’environ 227 milliards de mètres cubes par an7, dont 43 % proviennent des pays arabes, le reste de l’extérieur. Les ressources en eau partagées avec d’autres pays voisins hors de la région constituent 57 % de la totalité des eaux de surface disponibles dans la région arabe. Les fleuves internationaux sont partagés par plusieurs pays se trouvant à l’intérieur et à l’extérieur de la région. Parmi ces fleuves, le Tigre et l’Euphrate partagés entre la Turquie, l’Irak et la Syrie, l’Oronte, partagé entres la Turquie, la Syrie et le Liban, le Jourdain (y compris al-Yarmouk), partagé entre la Jordanie, le TPO, Israël et la Syrie ; quant au fleuve du Nil, il est partagé entre neuf pays dont deux arabes seulement. Plusieurs années d’efforts ont conduit à la signature d’accords officiels (l’Initiative du Bassin du Nil, par exemple) pour la gestion commune des ressources hydriques partagées tout au long du Nil. Cependant, la plupart de ces accords sont partiels, inefficaces et inéquitables quant à l’ensemble des droits riverains. Aux niveaux régional et interrégional, la coopération à l’utilisation et la gestion des eaux est affectée par les tensions politiques et les conflits permanents. Par ailleurs, les Encadré 2-2 Partage de la source de vie Les régions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord n’ont pas été frappées uniquement par le manque d’eau, mais également par d’anciennes tensions politiques. Au moment où la nécessité appelle à la coopération et à la collaboration entre les pays de la région dans d’autres domaines que ceux de l’eau et l’environnement, l’eau apparaît comme l’outil du renforcement des relations pacifiées entre les parties concernées. Il est essentiel de faire baisser la demande d’eau par le biais de la gestion de la croissance démographique, l’application des mesures de préservation de l’environnement, la promotion de la prise de conscience, l’adoption de techniques de préservation de l’eau et des techniques de fixation des prix, particulièrement dans le domaine agricole. Le secteur privé, les ONG, les agences internationales et les instances nationales peuvent jouer un rôle principal aussi bien dans la gestion que dans l’investissement. En fait, la contribution à la recherche de solutions dans ce domaine relève de la responsabilité des différents acteurs de la société, hommes d’affaires, gouvernements, universitaires, chercheurs et individus. Source : Karyabwite 2000. tensions relatives au partage des ressources sont apparues avec l’augmentation des besoins des pays riverains8. La réserve souterraine d’eau douce est estimée dans les territoires arabes à 7 734 milliards de mètres cubes, alors que le volume d’eau qui réalimente ces réserves ne dépasse pas 42 milliards de mètres cubes dans toutes les différentes régions ; la capacité utilisable, elle, ne dépasse pas 35 milliards par an. La réserve souterraine la plus grande qui se renouvelle le plus se trouve au nord et à l’est de l’Afrique (Algérie, Égypte, Libye, Maroc, Somalie, Soudan et Tunisie)9. Les nappes aquifères sont des systèmes d’eau souterraine qui représentent souvent la seule source d’eau potable, particulièrement dans les régions dominées par un climat aride ou semi-aride (comme c’est le cas dans certains pays arabes). Elles constituent une garantie vitale à la sécurité en matière d’eau sur le plan national et régional. Certaines nappes sont renouvelables à une échelle régionale, dont celles des eaux souterraines situées dans les régions limitrophes de la Turquie et de la Syrie, d’Israël et du Liban, de la Jordanie et de la Syrie, de l’Irak et de la Syrie, d’Israël et de la Cisjordanie. D’autres nappes aquifères ne sont pas renouvelables et contiennent de l’eau « fossile » ; parmi elles, les roches de sable de Numidie qui se trouvent entre le Tchad, la Libye et l’Égypte, le basalte qui se trouve dans les frontières Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes La pénurie des ressources en eau s’aggrave Les tensions relatives au partage des ressources sont apparues avec l’augmentation des besoins des pays riverains 39 Coût de la non-collaboration dans la gestion des eaux transfrontalières Encadré 2-3 Comme l’eau devient rare par rapport à la demande, la concurrence transfrontalière pour les cours d’eau partagés et d’autres ressources hydriques devient rude. De même, en l’absence de dispositifs institutionnels répondant aux problèmes transfrontaliers, il est probable que cette concurrence débouche sur des conflits violents. À noter que la férocité de cette concurrence a déjà provoqué des polémiques générales qui ont conduit dans certains cas à des polarisations. De ce fait, certains prédisent un avenir en proie aux « guerres de l’eau » lorsque les pays en viendront à la revendication d’un droit à la concurrence pour l’eau. D’autres font savoir qu’il n’y a pas eu de guerres pour l’eau depuis près de quatre mille ans – les dernières auraient eu lieu au sud de l’Irak – et que les pays arrivent d’habitude à gérer cette concurrence dans le cadre d’une certaine collaboration plutôt que dans le conflit. À partir de ce point de vue optimiste, la concurrence accrue est perçue comme le catalyseur d’une collaboration plus importante dans l’avenir… Ainsi, la concurrence pour l’eau peut devenir un élément aggravant dans les grands conflits mais également offrir des passerelles de collaboration. Source : PNUD 2006b. Figure 2-4 Les ressources en eau douce des pays arabes sont souvent en deçà du seuil de pénurie et de la moyenne mondiale, 2005 7 500 7 000 6 500 6 000 5 500 5 000 4 500 4 000 3 500 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 EAU Égypte Seuil de pénurie Monde Qatar Arabie saoudite Libye Jordanie Yémen Mauritanie Syrie Algérie Oman Djibouti Tunisie Soudan Somalie Liban Maroc Comores 0 Ressources internes en eau douce renouvelables par habitant (en m3) Source : Banque mondiale 2008. 40 Rapport arabe sur le développement humain 2009 jordano-saoudiennes, ou aux confins de la péninsule arabique partagé par la Jordanie, l’Irak et la Syrie. Il y a également des nappes profondes non renouvelables en Jordanie, Arabie saoudite, Syrie, Irak et Koweït. Si parfois ces nappes s’avèrent suffisantes pour répondre partiellement aux besoins en eau douce, la qualité de l’eau varie beaucoup en fonction des taux de salinité dans les régions sèches à ressources hydriques renouvelables peu profondes et en fonction des variations du total des solides dissous (TDS) dans les nappes aquifères profondes et non renouvelables. Toute perturbation des ressources transfrontalières peut générer des effets nocifs aux ressources en eaux souterraines dans les pays limitrophes, en termes de qualité et/ou de quantité. Ses conséquences transfrontalières peuvent ne pas apparaître immédiatement, elles n’en seront pas moins irrévocables. Le pompage excessif d’eaux souterraines résulte souvent de la croissance démographique, du développement agricole et des besoins industriels. Cela affecte la capacité productive et la durabilité des nappes aquifères. Par ailleurs les réserves peuvent être affectées dans les régions littorales du fait de l’infiltration de l’eau de mer suite à la formation de canaux profonds. La mauvaise distribution et la demande intensive prédominent également dans l’utilisation de l’eau, particulièrement des eaux souterraines, dans les pays arabes. Cela a pour effet de priver une grande partie de la population des eaux propres et d’en faire un usage excessif par ailleurs dans les secteurs agricoles, industriels et touristiques10. Plusieurs sources évoquent les dimensions de la crise de l’eau dans la région. Le Rapport conjoint sur l’économie arabe de 200111 (JAER) confirme que la région est entrée effectivement dans la phase de la pauvreté en eau la plus critique au monde à cette date et à la lumière de la quotité de l’individu en ressources hydriques renouvelables. Le Rapport estime ces ressources à 265 milliards de mètres cubes, l’équivalent d’environ 1 000 m3 par individu, alors que la moyenne mondiale dépasse de sept fois cette quantité. Le Rapport estime éga lement que la demande de la population conduira à la baisse de la part de l’individu en 2025 à 460 m3 ; c’est-à-dire en deçà du niveau de la pauvreté extrême en eau selon les classements internationaux. Ce qui est Figure 2-5 Tableau 2-1 L’utilisation des eaux usées dans les pays arabes (%) répartie selon les secteurs, 1999-2006* 7% 8% Niveaux de stress hydrique dans 13 pays arabes, 2006 Stress critique (plus de 10 000 personnes par m3) Stress grave (entre 5 000 et 10 000 personnes par m3) Koweït Émirats arabes unis Stress significatif (entre 2 500 et 5 000 personnes par m3) Stress léger (moins de 2 500 personnes par m3) Bahreïn Jordanie Égypte Irak Arabie saoudite Liban TPO Oman Qatar Syrie Yémen 85% L’usage agricole des eaux (pourcentage du total de la consommation d’eau douce) L’usage ménager des eaux (pourcentage du total de la consommation d’eau douce) L’usage industriel des eaux (pourcentage du total de la consommation d’eau douce) * Ces informations correspondent aux données les plus récentes fournies durant la période mentionnée sur les 22 pays arabes Source : Calculs du PNUD/RADH basés sur les données statistiques du système mondial d’information sur l’eau et l’agriculture (AQUASTAT) de la FAO. encore plus préoccupant, c’est que ces taux auraient été plus précis si ces quantités d’eau étaient utilisables. Cependant, la plus grande quantité d’eau se trouvant loin des régions de consommation, le coût de son stockage et son transport comme eau potable ou pour l’agriculture et l’industrie est dissuasif sur le plan économique. De son côté, le RDH 2006 confirme également cette situation en relevant l’aggravation du problème de l’eau dans les pays arabes du fait de la baisse des eaux disponibles de plus du quart12. Ce rapport s’accorde avec le JAER pour affirmer que la part de l’individu dans les pays arabes connaîtra une diminution de près de 500 m3 et 90 % de la population de la région vivra dans des pays affectés par la pénurie d’eau. Le rapport établit aussi que la baisse de la moyenne du déficit dans la région arabe était la plus lente en comparaison avec d’autres parties du monde où elle s’est faite relativement vite entre 1994 et 2004. Dans un avenir proche, la plupart des populations arabes seront affectées par la pénurie d’eau dont la moyenne sera en deçà de 1 700 m3 par an et en deçà d’un Source : CESAO 2007. mètre cube par an pour beaucoup d’entre elles13. Dans l’un de ses rapports, la Commission économique et sociale de l’ONU pour l’Asie occidentale (CESAO)14 traite de cette question à l’échelle nationale dans les pays arabes15. Le rapport a distingué 4 niveaux de pression sur l’eau en comparant le pourcentage de la population à la quantité d’eau douce renouvelable : léger, significatifs, grave et critique. Le rapport montre, comme on peut le voir sur le tableau 2-1, que le stress hydrique est « léger » dans 4 pays, « significatif » dans 2 pays, « grave » dans 5 pays et « critique » dans 2 pays, à savoir le Koweït et les Émirats arabes unis. La plupart des populations arabes seront affectées par la pénurie d’eau Atténuation de la pénurie d’eau Les gouvernements arabes ont, sans aucun doute, fourni de grands efforts dans le but de procurer à leurs citoyens l’eau potable ainsi que des eaux destinées aux usages économiques. Ces efforts ont abouti à l’élargissement de la couverture des besoins de la population arabe de 83 % en 1990 jusqu’à 85 % en 2004, sachant qu’entre-temps la population s’est accrue de 180,1 millions à 231,8 millions16. Bien qu’il n’existe pas de solution magique au problème de la pénurie d’eau qui ne cesse de s’aggraver dans les pays arabes, les études esquissent les traits généraux des procédés à même de pallier cet éventuel danger, dont17 : 1. L’optimisation de la consommation des eaux dans les trois domaines (agriculture, industrie, usage domestique) ; 2. La mise en pratique d’une stratégie pour la réalisation de la productivité optimale d’eau virtuelle permettant Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes Les études esquissent les traits généraux des procédés à même de pallier cet éventuel danger 41 3. 4. 5. La désertification constitue une menace pour la région 6. 7. la récupération de l’eau réelle utilisée dans le processus de production18 ; L’adoption d’approches holistiques et intégrées dans la planification et la gestion de l’offre et la demande des ressources en eau ; Le renforcement des capacités des parties concernées et le développement de leur niveau technique ; La sensibilisation à toutes les échelles, des utilisateurs finaux jusqu’aux décideurs ; Concevoir et mettre en œuvre des politiques durables en matière d’eau, basées sur les points mentionnés ci-dessus ainsi que sur les données et les recherches actuelles et prospectives sur l’eau ; Développer des modèles de gestion des ressources en eau à même de promouvoir différents scénarios créatifs pour résoudre de tels problèmes et donc choisir les meilleures approches possibles. Tableau 2-2 Les précipitations dans les pays arabes, taux annuels à long terme20 Pays Précipitations en m3/individu Mauritanie 31 099,60 Soudan 27 678,10 Somalie 21 322,30 Libye 16 311,60 Oman 10 446,40 Algérie 6 341,60 Djibouti 6 230,80 Arabie saoudite 5 355,00 Maroc 4 918,60 Yémen 4 064,40 Tunisie 3 554,50 Comores 3 259,40 Syrie 2 406,30 Jordanie 1 793,00 Liban 1 701,50 Émirats arabe unis 1 536,80 Qatar 987,4 Koweït 830,9 Égypte 693 Bahreïn 79,8 Source : Calculs du PNUD/RADH sur la base des données de l’UNSD 2007. NB : Les précipitations signifient le volume total de l’eau retenue dans l’air et qui tombe sous forme de pluies, neige, grêle ou rosée, etc. sur la terre d’un pays donné durant une année en millions de mètres cubes. 42 Rapport arabe sur le développement humain 2009 La désertification À travers les différentes ères géologiques, le climat dans les pays arabes a basculé entre sécheresse et humidité. La sécheresse a causé l’élargissement du grand Sahara au nord de l’Afrique et du Quart vide dans la péninsule arabique. Avec la fin de l’ère de l’humidité depuis des milliers d’années, la région a été affectée par un climat sec ayant conduit à la désertification. Ce climat est caractérisé, entre autres, par la succession de longues ou de courtes périodes d’aridité, par la baisse des taux des précipitations, la rupture des précipitations et des pluies torrentielles, la hausse des températures, les vagues de chaleur fréquentes, la hausse des températures pour de longues durées, quotidiennement et annuellement, des vents forts consistant essentiellement en vents continentaux sur les vents maritimes dominants. Ces changements, anciens et récents, ont contribué à l’apparition de systèmes écologiques précaires dans les régions arides et semi-arides marquées par une végétation pauvre et la prépondérance d’une mince couche de terre brute exposée aux dangers d’érosion dus aux vents et aux eaux19. Le tableau 2-2 récapitule les taux de précipitations annuelles par individu dans la région. La désertification constitue une menace pour la région. Elle est définie formel lement comme : « la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches en raison de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et la surexploitation des ressources par les hommes ».21 Cette définition est à la base de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD). Les écologistes distinguent deux degrés de désertification sur deux types de terres : une terre jadis cultivée et verdoyante devenue complètement déserte, et une terre cultivée et verdoyante menacée par la désertification à cause de la mauvaise qualité du sol, tant que des mesures préventives ne sont pas prises. Une étude réalisée conjointement par la Ligue arabe et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE)22 estime que le pourcentage le plus élevé du désert par rapport à la superficie totale de la Terre se trouve dans la péninsule arabique (neuf dixièmes, soit 89,6 %), en Afrique du nord (plus des trois quarts, soit 77,7 %), Figure 2-6 Ampleur de la désertification dans 9 pays arabes concernés (%), 1996 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 Koweït Soudan Arabie saoudite Mauritanie Maroc Yémen Libye Algérie Qatar 0 Source : LEA et PNUE 2004. à la vallée du Nil et la Corne de l’Afrique (moins que la moitié, soit 44,5 %), puis au Mashreq (35,6 %). La désertification menace près de 2,87 millions m2, soit le cinquième de la superficie totale des pays arabes. Sur ce plan, les taux prennent un tout autre sens par rapport aux chiffres mentionnés auparavant ; 48,6 % de la superficie du Mashreq est en péril, 28,6 % de la vallée du Nil et la Corne de l’Afrique, 16,5 % de l’Afrique du Nord et 9 % de la péninsule arabique23. La superficie des terres désertifiées ou menacées par la désertification varie largement d’un pays à l’autre dans ces régions. En Afrique du Nord, par exemple, le taux le plus élevé est enregistré en Libye et le moins élevé en Tunisie ; à la vallée du Nil et la Corne de l’Afrique, c’est l’Égypte et le Djibouti qui sont les plus menacés tandis que la Somalie l’est moins ; au Mashreq, la Jordanie l’est plus et la Syrie moins. Dans la péninsule arabique, le Bahreïn, le Koweït, Le Qatar et les Émirats arabes unis (EAU) sont les pays les plus affectés et constituent ensemble la zone la plus désertifiée dans la région arabe en opposition à la Syrie qui représente la zone la moins désertifiée. Les répercussions les plus apparentes de la désertification sont l’aridité due à l’épuisement de l’eau des nappes phréatiques ou souterraines, la diminution des zones forestières et leur dégradation à cause de l’abattage des arbres, du pâturage, de l’embrasement et de la détérioration de la fertilité et de la composition des sols dans les régions arides. La grande proportion de zones désertes dans les pays arabes est essentiellement due à la nature aride de la région. Toutefois, les facteurs naturels n’en sont pas l’unique cause. La désertification est également le résultat des activités des hommes qui, en général, ne sont pas conscients des impacts néfastes de leurs activités sur l’environ nement naturel. Une étude conduite par l’Organisation arabe pour le dévelop pement agricole (AOAD) attribue les causes de la désertification dans les pays arabes aux facteurs suivants : 24 L’explosion démographique : L’énorme croissance de la population, ses besoins grandissants, l’usage des technologies et méthodes modernes dans ses activités agricoles et la surexploitation des différentes ressources de la terre ont énormément affaibli les capacités de régénération des écosystèmes de la région, altéré l’équilibre environnemental, le poussant vers la dégradation. Encadré 2-4 La désertification est également le résultat des activités des hommes L’Ouest du Soudan : les coûts économiques et sociaux de la désertification Au Darfour et à Kordofan, provinces de l’Ouest du Soudan, la compétition pour les pâturages a pris la forme d’une guerre tribale nécessitant une intervention internationale. Parmi les facteurs principaux ayant exacerbé le combat dans cette région, la pluviométrie déficitaire, l’explosion démographique et la transition du système social dominant du pastoralisme nomade ou de la récolte à l’agriculture sédentaire. Ces facteurs ont augmenté les taux de la dégradation des sols et de la désertification. De plus, les terres cultivées se sont répandues au détriment du pâturage naturel tandis que les outils et les équipements modernes sont employés dans le labourage, le transport et d’autres processus agricoles, entraînant la décomposition, la désintégration et l’érosion de la structure des sols. S’ajoute à cela la destruction de la végétation naturelle à travers l’abattage des arbres, l’arrachage des arbustes pour servir de carburant et à des fins industrielles, l’irrigation outrancière gaspillant l’eau, et l’usage non durable des terres dans l’agriculture irriguée ou non irriguée. Tous ces facteurs, individuellement ou associés, donnent lieu à des facteurs de désertification tels que l’érosion due à l’eau ou au vent, l’exposition des strates de la roche sous-jacente et la salinisation ou la sursaturation des sols. Source : Dia el-Din El-Quosy, en arabe, document de base pour le rapport. Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes 43 Encadré 2-5 La désertification en Algérie Près de 44 %, soit plus de 9 millions d’hectares, des terres cultivées en Algérie, risquent aujourd’hui un degré primaire ou secondaire de désertification. Ce danger est attribué principalement à la transition des modes traditionnels d’élevage et d’agriculture aux systèmes modernes. Dans le passé, par exemple, en cas de sécheresse sévère, une mortalité importante des bêtes est enregistrée, ce qui permettait le délestage de la steppe et diminuait ainsi les pressions sur les parcours. Cette période est également celle des labours mais seulement au niveau des dépressions (Dhayas) et terrasses d’Oueds où les sols sont profonds et humides. Des siècles durant, la gestion des terres a fonctionné avec des règles sociales bien établies où chaque communauté connaît ses droits coutumiers de génération en génération. Ce système de gestion « équilibrée » n’est plus ce qu’il était sous l’influence de mutations sociales, économiques et politiques dont les causes principales sont : • La démographie galopante de la population qui est passée de moins d’un million dans les années 1960 à plus de trois millions dans les années 2000, ce qui entraîne des besoins plus importants donc une pression plus forte sur le milieu. L’urbanisation accélérée depuis l’indépendance, a également créé un marché très spéculatif, par la forte demande en viandes, ce qui a provoqué une croissance démesurée des terres cultivées pour satisfaire un cheptel de plus en plus important au demeurant très rentable économiquement. • Les moyens techniques inadéquats utilisés pour exploiter les terres se sont avérés destructeurs, à l’exemple de la charrue à disques utilisée pour les labours qui effrite les sols et favorise le travail néfaste de la dynamique éolienne toujours efficace dans ces vastes espaces, contrairement aux moyens utilisés dans le passé où l’araire permet de labourer les sols, tout en sauvegardant les plantes pérennes (post-culturales) qui jouaient le rôle de protecteurs des sols (à l’exemple de l’armoise champêtre). • L’impossibilité d’assurer un délestage de la steppe, ne serait-ce que temporairement, même en cas de disette sévère et ce, grâce aux aliments de bétails disponibles et parfois soutenus. Cette forme d’aide, certes louable pour éviter la ruine des pasteurs, provoque malheureusement des conséquences nuisibles sur le tapis pastoral qui n’a plus le temps de se régénérer sous la pression d’un troupeau toujours plus important. Nous assistons ainsi, au maintien d’un troupeau sur pieds nourri par les apports extérieurs d’aliments industriels (concentrés, orges…). À cause de telles conditions, l’Algérie perd 7,000 hectares par an en raison de la désertification. Et tant que des mesures correctives urgentes ne sont pas prises, les taux de pertes doubleront ou tripleront. Source : Ali Ghazi, document de base pour le rapport. Les systèmes sociaux en changement : Jadis, une grande partie de la population dans les pays arabes, et plus particuliè rement dans les zones arides et semiarides, adoptait des styles de vie pastoraux, nomades ou semi-nomades et basé sur la récolte. Cependant, depuis le xixe siècle dans certains pays et le xxe siècle dans d’autres, ces populations sont devenues de plus en plus sédentaires. Cette transition d’un style de vie à un autre a engendré le surpâturage, l’abattage des arbres et l’exploitation irrégulière des sols dans les terres cultivées, irriguées et non irriguées. Ces facteurs contribueraient à la destruction de la flore et à la dégradation et l’érosion des sols. Changements au niveau du mode de la production agricole : Comme les modes traditionnels de production ne parvenaient plus à satisfaire les besoins de la population en expansion, on eut largement recours aux outils et techniques agricoles modernes. La plupart de ces technologies, notamment de 44 Rapport arabe sur le développement humain 2009 labourage, ne conviennent pas aux terres arides et semi-arides causant la décomposition, la désintégration et l’érosion des sols. L’encadré 2-5 illustre la manière dont ces orientations ont causé la désertification en Algérie (Ali Ghazi, document de base pour le rapport). En outre, l’étude du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) résume l’impact des activités humaines sur la désertification dans la région comme suit : 25 • Dégradation et désertification des pâturages ; • Détérioration des forêts ; • Dégradation du sol à cause de la mauvaise gestion des terres. • Épuisement des souterrains ; • Pénurie et gaspillage de l’eau ; • Pollution du sol ; • Systèmes d’irrigation inadéquats. Lutter contre la désertification Malgré la nature difficile de la région et les facteurs aggravants des activités humaines, la désertification continue n’est pas une fatalité. Si les gouvernements arabes se dotent des informations nécessaires sur les causes spécifiques de la désertification dans chaque région écologique climatique arabe, ils pourront adopter les politiques appropriées pour y remédier. En s’appuyant sur les documents de base réalisés pour ce rapport, la série de visées, ci-après, serait à même de fournir des orientations pour lutter contre la désertification dans les trois zones principales de la région : Dans les pays où l’agriculture dépend de l’irrigation et de l’eau pluviale, les politiques doivent cibler : • La consolidation de l’infrastructure par le biais de la construction des barrages, des réservoirs, des canaux, des dispositifs de drainage et des réseaux routiers et électriques ; • L’arrêt du surpâturage et de l’abattage des arbres dans les zones forestières ; • La réduction au minimum de l’usage des pesticides non biodégradables comme le DDT ; • L’encouragement à l’usage des méthodes conventionnelles et non conventionnelles pour prévenir la progression des dunes de sables ; • L’installation d’appareils de mesure des précipitations à travers tout le pays et à l’extérieur, ainsi que l’importation et l’installation des systèmes d’alerte précoce pour permettre aux gens de prévenir les fortes inondations et de prendre les précautions nécessaires à cet effet ; • La désignation de frontières permanentes et inviolables pour les lits de rivières et leurs principaux cours et l’interdiction de l’exploitation des plaines inondables à l’intérieur de ces frontières durant les saisons d’inondations faibles, moyennes et fortes ; • L’engagement des organisations de la société civile dans la conception et la mise en pratique de projets de lutte contre la désertification et dans le recrutement de bénévoles pour apporter de l’aide aux instances gouvernementales en cas d’urgence ; • La formation et le renforcement des compétences des acteurs du domaine de la lutte contre la désertification et la promotion des capacités des gens en général tout en tirant profit du savoir et de l’expertise locaux. Les pays où l’agriculture est basée sur l’irrigation uniquement, doivent viser les domaines suivants : • Freiner les effets des vents porteurs de sable en utilisant des barricades sous forme d’arbres ou de matières solides, et stabiliser les dunes de sables par le biais de barrières en sable arborées, des pulvérisateurs pétrochimiques et des barrières en caoutchouc ; • Freiner l’urbanisation sur les terres destinées à l’agriculture en consacrant des sites particuliers à la construction des édifices publics et privés, notamment dans les villes adossées au désert ; • Promouvoir des projets de drainage agricole. L’attention doit se porter, audelà de la réalisation de tels projets, sur le contrôle continu et la maintenance ; • Développer de nouvelles ressources en eau pour accompagner la croissance exponentielle de la population et de sa demande en eau propre pour l’usage ménager et public, et pour répondre aux besoins de l’industrie, de la navigation locale, du tourisme, de la génération d’électricité et de la préservation de l’environnement. Une attention particulière devrait être accordée aux projets collectifs de la vallée du Nil en vue de minimiser le gaspillage d’eau dans le Haut Nil et de développer les aquifères souterrains, les technologies de la collecte des eaux pluviales ainsi que les technologies et les recherches sur le dessalement de l’eau ; • Prendre les précautions nécessaires contre les effets anticipés de l’élévation du niveau de la mer sur la terre et sur les ressources en eau souterraine dans le Delta. Des scénarios doivent être envisagés pour anticiper toutes les possibilités et donc pour que le pays ne soit pas forcé d’affronter ce phénomène sans y être préparé. (Dia el-Din El-Quosy, en arabe, docu ment de base pour le rapport) La désertification continue n’est pas une fatalité Les pays qui dépendent de l’agriculture pluviale, doivent veiller à l’instauration : • d’une politique d’aménagement du territoire rigoureuse et continue à travers l’élaboration de différents plans d’utilisation des sols ; Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes 45 La pollution constitue une grande menace pour la sécurité humaine • L’intensification des activités de lutte contre l’érosion des sols notamment au niveau des bassins versants de barrage et des zones steppiques ; • Une prise en charge dynamique des populations doit être entreprise par Objectifs du Millénaire pour le développement, septième objectif, cible n° 10 : baisse du taux des personnes qui n’accèdent pas à l’eau améliorée propre à la moitié au terme de 2015 Encadré 2-6 Malheureusement, les pays arabes sont encore loin d’atteindre la finalité n° 10 de l’objectif n° 7 du Millénaire pour le développement. Le taux des populations qui utilisent des sources d’eau potable améliorée a légè rement augmenté entre 1990 et 2004, passant de 83 à 85 %, par ailleurs il est passé de 65 à 68 % dans les pays arabes les moins développés. Ce taux qui se trouve en deçà de la moyenne régionale ne comprend pas la Somalie où seulement 29 % ont pu accéder à l’eau saine en 2004. Dans les trois autres régions, ce taux atteint 86 % au Maghreb, 94 % au Conseil de Coopération du Golfe et 86 % au Moyen-Orient. Taux des populations qui utilisent des sources d’eau potable améliorée dans les régions urbaines et rurales (%) Les régions développées Les pays arabes Les pays arabes les moins développés Les pays du CCG Les pays du Maghreb Les pays du Mashreq 0 20 Rural (1990) Rural (2004) 40 60 80 100 Urbain (1990) Urbain (2004) Source : CESAO 2007. Cette légère amélioration montre la nécessité d’efforts significatifs à déployer en vue d’atteindre cette finalité, qui reste, de manière générale, encore loin de la portée de la région arabe. Les pays arabes auront besoin de 27 ans supplémentaires après 2015 pour atteindre la cible relative à l’eau Date de la cible Pays arabes 2042 Afrique sub-saharienne Asie de l’Est et le Pacifique 2040 2018 Monde 2016 Asie du Sud Objectif atteint Amérique latine et les Caraïbes Objectif atteint 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050 2015 Source : PNUD 2006. Source : CESAO 2007a. 46 Rapport arabe sur le développement humain 2009 l’instauration d’un assolement agricole adéquat, la pratique de techniques adaptées et la disponibilité d’un matériel spécialisé ; • La maîtrise de la planification à moyen terme en matière de réalisation de grandes retenues d’eau est nécessaire pour permettre aux services spécialisés de traiter les bassins versants au moins 5 à 10 ans avant la construction de la digue du barrage ; • Poursuivre la diversification des espèces par la sélection et la production de plants de qualité à partir du matériel végétal local. Ceci passe également par la modernisation du réseau pépinière ; • Détermination des zones fragiles et menacées pour que les dispositions prioritaires soient prises ; • Poursuite des études d’aménagement des forêts et leur application en vue d’abord d’assurer leur pérennité et d’exploiter d’une manière rationnelle leur produit ; • Intensifier les activités de reboisement notamment dans le cadre des Plans Nationaux de Reboisement ; • Consolider la protection des forêts notamment par des moyens adéquats. (Ali Ghazi, document de base pour le rapport). Pollution : aucune raison de se complaire Avec la démographie galopante et l’aggravation des pressions sur l’environnement fragile de la région arabe, la pollution est devenue source d’inquiétude autant pour les décideurs politiques que pour la société civile. Plus qu’une simple nuisance, elle constitue une grande menace pour la sécurité humaine, particulièrement lorsqu’elle participe à la détérioration de l’air, de l’eau et du sol dont dépend la vie humaine. Alors même que la pollution est considérée par tous comme une menace pour la région, la précision des données sur ses niveaux et ses tendances fait défaut. Les statistiques disponibles à ce sujet se limitent aux niveaux nationaux sans prendre en considération les différences énormes entre les régions urbaines et rurales, ou d’une ville à l’autre. De fait, la pollution constitue une menace pour l’eau, l’air et le sol dans la région arabe. Étant donné l’impossibilité de collecter les données relatives à la situation du sol, le Rapport se focalisera dans cette section sur les deux premiers domaines, à savoir, l’eau et l’air. Figure 2-7 Pourcentage des populations qui n’ont accès ni à l’eau saine ni aux services sanitaires dans 15 pays arabes, 2007 % 80 Pollution de l’eau 70 60 50 40 30 20 10 Pays arabes Qatar Liban EAU Jordanie Algérie Syrie Tunisie Djibouti Maroc TPO Égypte Yémen Mauritanie Soudan 0 Comores La pollution de l’eau constitue actuel lement un défi sérieux dans la région. La cause en est attribuée principalement à l’utilisation des engrais chimiques, des insecticides ainsi que des traitements utilisés dans l’horticulture et la médecine vétérinaire qui laissent des traces qui perdurent et finissent par s’infiltrer dans l’eau. Les eaux usées des usines et des habitations ont contribué également à l’augmentation de la pollution de manière sensible. La pollution de l’eau affecte plusieurs régions en raison de la difficulté d’accéder aux eaux propres qui font partie, comme montré dans l’analyse précédente, des ressources dont la pénurie affecte de manière générale les populations. Le manque d’accès à l’eau pure en quantité suffisante constitue particulièrement une menace pour la sécurité humaine à plus d’un titre. Il peut aider à la propagation des maladies infantiles, telles que la dysenterie, et affecte leur scolarité et leur rendement. Il conduit également la femme, par exemple, à consacrer plusieurs heures à la recherche de l’eau pour sa famille plutôt qu’à des activités personnelles ou génératrices de revenus. Il convient d’y ajouter que la pénurie d’eau et la pollution menacent la production agricole et alimentaire et génèrent aussi bien la rivalité interne pour les ressources en eau, telle que les conflits hérités des temps anciens entre paysans et pasteurs à Darfour, que les tensions entre pays voisins. L’accès aux eaux propres à des fins domestiques ou économiques reflète les rapports de force des parties concernées. Les pauvres, en général, n’y ont pas accès, alors que les riches en consomment une quantité énorme et n’ont aucune difficulté à s’en procurer autant qu’ils désirent. Il n’est donc pas surprenant que les populations affectées par les plus grandes difficultés d’accès à l’eau dans n’importe quel pays soient celles qui peuplent les régions rurales et les quartiers les plus pauvres dans les villes26. Les indicateurs mondiaux du développement humain, émis par la Banque mondiale, Pas d’accès aux services d’assainissement Pas d’accès à l’eau potable Source : PNUD 2007. Tableau 2-3 Pays Niveaux de la pollution de l’eau par les polluants organiques dans 15 pays arabes et deux pays industrialisés, 1990-2003, (par ordre décroissant des niveaux de pollution en 1990) Émission des polluants organiques de l’eau (en tonnes par jour) en 1990 Émission des polluants organiques de l’eau (en tonnes par jour) en 2003 Émission des polluants organiques de l’eau (en tonnes par jour) en 1990 Émission des polluants organiques de l’eau (en tonnes par jour) en 2003 Égypte 211,5 186,1 0,2 0,2 Algérie 107 .. 0,25 .. Tunisie 44,6 55,8 0,18 0,14 Maroc 41,7 72,1 0,14 0,16 Irak 26,7 .. 0,19 .. Syrie 21,7 15,1 0,22 0,2 Arabie saoudite 18,5 0,15 Koweït 9,1 11,9 0,16 0,17 Jordanie 8,3 23,5 0,19 0,18 Yémen 6,9 15,4 0,27 0,23 EAU 5,6 Oman 0,4 5,8 Soudan .. Liban .. Libye 0,14 .. 0,11 0,17 38,6 .. 0,29 14,9 .. 0,19 .. .. .. .. États-Unis 2 565,2 1 805,2 0,15 0,13 Fédération de Russie 1 991,3 1 388,1 0,13 0,18 Source : Banque mondiale 2007. Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes 47 Figure 2-8 Augmentation des moyennes d’émission du dioxyde de carbone dans les pays arabes, 1990 et 2003 Par million de tonnes 350 300 250 200 150 100 50 Mauritanie Soudan Yémen Jordanie Liban Tunisie Oman Maroc Syrie Libye Irak Koweït EAU Égypte Algerie Arabie saoudite 0 1990 Émission de CO2 par millions de tonnes 2003 Émission de CO2 par millions de tonnes Source : Banque mondiale 2008. Encadré 2-7 Le transport terrestre – Émission des polluants de l’air La pollution est due, entre autres, au secteur du transport routier, particulièrement dans les zones urbaines et dans les moments d’embouteillages. Le transport routier produit un ensemble d’effets variés sur la santé et l’environnement. Malgré l’utilisation croissante du gaz naturel dans ce secteur, nous observons que les niveaux de pollution ont augmenté en raison de certains phénomènes assez répandus dans la région, tels que le grand nombre de véhicules privés, comme à Qatar, au Koweït et au Liban, la vétusté des véhicules (en Égypte, par exemple, 65 % des véhicules ont dépassé au moins 10 ans de fonctionnement, 20 % ont plus de 20 ans). Toutefois, on prévoit la baisse du niveau des émissions de polluants suite aux efforts entrepris à une échelle régionale et visant à appliquer des stratégies pour la circulation et la régulation des combustibles dans la majorité des pays arabes. Nombre des véhicules par unité de 1 000 personnes (2002-2004), 16 pays arabes Égypte Yémen Jordanie Syrie Irak Maroc Tunisie Algérie Oman EAU Libye Bahreïn Arabie saoudite Koweït Qatar Liban 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 Source : AFED 2008. Source : CESAO 2005c. 48 Rapport arabe sur le développement humain 2009 fournissent des informations concernant la pollution de l’eau dans 15 pays arabes. Ils montrent, comme dans le tableau 2-3, que l’Algérie, l’Égypte, l’Irak, la Tunisie et le Maroc sont à la tête des pays arabes les plus pollués en termes d’augmentation de la moyenne quotidienne des émissions de matières organiques polluantes dans l’eau. Mais les données montrent également que les moyennes de ces pays restent bien en deçà de celles de certains autres comme les États-Unis où la moyenne quotidienne absolue en 2003 dépassa de plus de 10 fois celles des pays arabes les plus polluants, ou encore la Fédération russe qui les dépasse pour la même année de sept fois et demie. Cependant, ces comparaisons ne doiventpas pousser à l’autosatisfaction, car l’index de pollution par travailleur demeure un peu plus élevé dans les pays arabes que dans les pays industrialisés. La Tunisie est le seul pays arabe avec les États-Unis qui a pu réduire ce taux de 0,18 kg en 1990 à 0,14 kg en 2003. La Syrie et le Yémen ont réussi à réduire respectivement ce taux de 0,22 kg et de 0,27 kg par travailleur-jour en 1990 à respectivement 0,20 et 0,23 kg par travailleur-jour en 200327. La baisse des niveaux de pollution de l’eau reflète les efforts entrepris par certains gouvernements arabes à cette fin. Toutefois, ces pays doivent faire preuve de prudence pour éviter que leurs politiques d’industrialisation n’entraînent une augmentation des niveaux de pollution aux niveaux que connaissent les pays développés et les pays nouvellement industrialisés de l’Asie du Sud et de l’Est. En Égypte, par exemple, les matières organiques jetées dans l’eau sont constituées des éléments suivants : l’alimentation et les boissons (environ 50 %), en plus des produits chimiques, du papier, de la pierre et du bois en moindres quantités28. Également lié à la pollution de l’eau, le progrès inégal et cumulativement décalé de la région dans l’octroi à sa population d’un accès à des services d’assainissement. La figure 2-7, contenant les données les plus récentes, montre que plus de 60 % des habitants des pays les moins développés dans la région arabe (Les Îles Comores, le Soudan et la Mauritanie) n’ont pas accès à des services sanitaires améliorés. Elle indique également que près de 30 % des populations au niveau régional n’ont pas accès auxdits services. L’absence de tels services ne constitue pas seulement une atteinte à la santé et à la dignité humaines, mais c’est également l’un des facteurs générateurs de pollution de l’eau et de ce qui en découle comme conséquences considérables sur la sécurité humaine. Le RDH 2006 fait observer qu’en Égypte, pour ne prendre qu’un exemple, les niveaux de pollution dont l’augmentation affecte les eaux de vidange de la région du Delta du Nil sont susceptibles de « saper les avantages sanitaires potentiels de l’accès universel à la proximité de l’eau ». Pollution de l’air Bien que les pays arabes figurent parmi les plus grands producteurs des ressources énergétiques basées sur le pétrole, le niveau de pollution de l’air y demeure parmi les moins élevés au monde. En 2003, les émissions du dioxyde de carbone n’ont pas dépassé 1 012,5 millions de tonnes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en face de 10 753,5 millions de tonnes dans les pays à revenu moyen et 12 738 millions de tonnes dans les pays à haut revenu. Les seuls pays qui ont enregistré la moyenne la plus basse en émission du dioxyde de carbone, à savoir 531,9 millions de tonnes, sont les pays africains subsahariens29. Cependant, ce qui ternit cet optimisme apparent, c’est que cette baisse relative de la moyenne des émissions du dioxyde de carbone dans les pays arabes est due fondamentalement au fait qu’ils n’ont pas, pour la plupart, tellement progressé en termes d’industrialisation. Même ainsi, les émissions de dioxyde de carbone en Afrique du Nord et au Moyen-Orient augmentent à l’une des allures les plus rapides au monde. Durant la période 1990-2003, le pourcentage d’augmentation était de 4,5 %, ce qui signifie que ces émissions ont presque doublé à la fin de cette période. La seule région qui a dépassé les pays arabes dans ce domaine, c’est l’Asie du Sud qui a atteint 4,9 % par an. Il faut prendre éga lement en considération que le volume des émissions varie parmi les pays arabes où le niveau le plus élevé est atteint, en général, dans les pays producteurs et exportateurs de pétrole, particulièrement dans les pays du Golfe et les pays à grandes économies également. Les pays arabes qui connaissent les niveaux d’émission les plus élevés sont l’Algérie, l’Arabie saoudite et l’Égypte. Il convient d’ajouter à cela les différences des taux d’émission du dioxyde de carbone de manière sensible à l’intérieur de chaque pays ; la différence est nette entre les zones rurales et les centres urbains principaux. Ce fait s’applique également aux émissions du méthane et de l’oxyde nitrique30. Au niveau international, les efforts visant à la réduction du niveau des émissions de polluants de l’air, ou du moins à sa stabilisation, ont relativement abouti, à commencer par l’application d’instructions et de politiques rigoureuses se rapportant à l’environnement, et ce depuis les années 1970. Mais en ce qui concerne la région arabe, le développement économique et social, la croissance démographique, la pénurie d’eau et l’expansion de l’industrie pétrolière ont tous conduit à l’utilisation croissante des combustibles lourds pour répondre aux besoins du développement, y compris dans la production de l’électricité et du ciment, le raffinage du pétrole et le dessalement. En plus des exigences du déve loppement, les moyens de transport constituent un facteur principal de pollution de l’air dans la région. Le trafic aérien est en pleine croissance dans la région arabe qui constitue un passage aérien obligé. Les flottes aériennes qui opèrent exclusivement dans son espace aérien ne répondent pas aux standards en vigueur qui doivent caractériser les moteurs d’avions, d’où le non-respect des normes internationales de la protection de l’environnement qui régissent les niveaux des émissions des avions et l’amélioration des systèmes de régulation du trafic aérien31. Par ailleurs, l’extension des véhicules privés a eu une influence déterminante à cet égard, comme le montre l’encadré 2-7. Le changement climatique – Une menace internationale Le système climatique est composé d’éléments interdépendants et interactifs. Il y a l’atmosphère, la surface de la terre, la glace, la neige, les océans et d’autres surfaces de l’eau, ainsi que les êtres vivants. Le changement climatique signifie une altération dans le climat de la terre en Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes 49 La production industrielle et l’utilisation humaine de la terre et des animaux sont les causes humaines les plus significatives du changement climatique Tableau 2-4 entier ou de certaines régions déterminées et qui s’opère au fil du temps. Le terme s’applique aux derniers changements climatiques d’origine humaine. La production industrielle, en particulier celle du ciment, la combustion des carburants, les particules portées dans l’air et l’utilisation humaine de la terre et des animaux sont les causes humaines les plus significatives du changement climatique. L’intérêt universel porté au problème du changement climatique est apparu lorsque les « trous d’ozone » ont attiré l’attention des spécialistes pour la première fois en 1974. Le premier sommet international a été tenu avec le concours de l’Organisation mondiale de la météorologique (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisationdes Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, les sciences et la culture (UNESCO). Toutes ces organisations ont fait prévaloir des résultats qui indiquent la nette augmentation des gaz à effet de serre. En se focalisant sur cette question, l’OMM a résolu d’examiner les émissions des gaz et d’en mesurer les effets sur la couche d’ozone entre 1974 et 1982. Cette couche, dont l’épaisseur varie entre 15 et 20 km, empêche les rayons ultraviolets, considérés comme nocifs aux êtres humains, aux animaux et à la végétation, d’atteindre la terre. L’Instance intergouvernementale des Nations Unies concernée par le chan gement climatique avance que la température de la terre a augmenté de 0,75 degré Celsius par rapport à la période précédant la révolution industrielle et estime qu’au terme de 2050, la moyenne de la température aura augmenté de 2 degrés par rapport Projections du changement climatique – Les eaux et l’agriculture Scénario de changement Type de changement Effets sur la sécurité humaine Régions affectées Ressources en eau Hausse de la température de la terre de 2° C 1 à 1,6 milliard d’habitants sont affectés par la pénurie d’eau Afrique, Moyen-Orient, sud de l’Europe, Parties de l’Amérique centrale et du Sud Hausse de la température de la terre de 3° C Augmentation du besoin en eau pour un nombre supplémentaire de 155 à 600 millions d’habitants Afrique du nord Changement climatique Répétition des risques de la sécheresse des dernières années avec des effets sur l’économie et la politique Mauritanie, Somalie, Soudan Changement climatique Baisse de la moyenne des précipitations Égypte, Jordanie, TPO, Liban Augmentation du niveau des mers Risques d’inondation et menaces sur les villes côtières Littoral du Golfe dans la péninsule arabique Changement climatique Baisse des eaux renouvelées disponibles de 50 % Syrie Hausse de la température de la terre de 1,2° C Baisse des eaux disponibles de 15 % Liban Hausse de la température de la terre de 1° C Baisse des précipitations de 10 % Maroc Changement climatique Baisse continue des eaux Yémen Changement climatique Baisse du flux des eaux de 40-60 % Fleuve du Nil Hausse de la température de la terre de 3° C Multiplication des risques des marées et de l’inondation des villes Caire Hausse de la température des régions tropicales de 2°-3° C Baisse de la production des récoltes de 25-35 % (avec une alimentation faible en carbone) et de 1520 % (avec une alimentation riche en carbone) Afrique, ouest de l’Afrique (y compris la région arabe) Hausse de la température de la terre de 3° C Baisse de la productivité agricole et des récoltes non durables Afrique du Nord Hausse de la température de la terre de 1,5° C Baisse des récoltes des betteraves rouges de 70 % Soudan (Kordofan du Nord) Changement climatique Inondation d’une superficie de 4 500 km2 des terres agricoles et déplacement de 6 millions de personnes Basse Égypte AGRICULTURE Source : PNUD 2006 ; Stern 2006. 50 Rapport arabe sur le développement humain 2009 au début de la révolution industrielle. Suite à l’augmentation de la température, les modes de précipitation des pluies changeront partout dans le monde, conduisant ainsi à la baisse du niveau de production alimentaire mondiale. Par ailleurs, l’augmentation des températures augmentera les moyennes de la fonte des neiges, provoquant l’augmentation du niveau de la mer et faisant disparaître des îles entières dans les océans Pacifique et Indien et dans toutes les régions situées en dessous du niveau de la mer. Ces changements peuvent affecter la sécurité humaine, en général, de la manière suivante : • Augmentation du nombre des vagues de chaleur et augmentation graduelle de la température de la terre ; • Tendances pluviométriques extrêmes, les zones pluvieuses connaîtront encore plus de précipitations et les zones arides encore plus de sécheresse ; • Augmentation des tempêtes dans la région nord atlantique et dans les régions océaniques tropicales ; • Augmentation du niveau de la mer suite à la chaleur de l’eau, et fonte de la couverture de glace et de neige ; • Augmentation du taux de l’acide carbonique dans l’eau de mer menaçant ainsi bon nombre d’organismes marins à cause de l’effet nocif sur la calcification nécessaire à leur protection ; • Affectation de la production alimentaire. Car lorsque la température augmente modérément, elle fait augmenter la production agricole dans certaines régions ; mais si l’augmentation continue, la production sera en danger dans d’autres régions, particulièrement l’Afrique qui sera affectée par des famines fréquentes ; • Diminution de la diversité biologique et réduction des régions forestières dont 20 % aura disparu selon certains rapports ; • Augmentation substantielle des effets sur la santé. Les rapports de l’OMS avancent que le changement climatique a causé, en 2000, 2,4 % des cas de dysenterie dans le monde et 6 % des cas de malaria dans certains pays à revenu moyen. En fait, même si l’augmentation des températures a des effets positifs sur les régions froides, du fait qu’elle réduit le nombre de décès dus au froid, les effets globaux relatifs à la santé resteront négatifs, étant donné les dangers constitués par l’insuffisance alimentaire, la déshydratation, la malaria et les inondations. Changement climatique – Les menaces dans les pays arabes Les pays arabes, à l’instar d’autres régions, seront affectés dans une large mesure par les changements climatiques durant les prochaines décennies. Certains d’entre eux participent directement ou indirectement à des activités qui provoquent le changement climatique, du fait qu’ils constituent une source principale du pétrole et sont de grands producteurs. Ce pétrole fait parie par ailleurs des combustibles qui augmentent la température de l’atmosphère. En réalité, plus que toute autre région, la région arabe est la plus dépendante du pétrole. Elle utilise le pétrole et le gaz pour subvenir à ses besoins à hauteur respectivement de 54,5 % et 40,2 %. Il est vrai que cette dépendance a baissé en 2005 par comparaison avec l’année 1990 (à l’exception du Soudan, Qatar, Koweït et Libye). Toutefois, elle reste élevée par rapport aux autres nations du monde ; Malgré tout cela, la région arabe endosse le moins de responsabilité dans la production directe des effets de serre. Selon les estimations du RDH 2007/2008 et selon les indicateurs du développement mondial de 2007, la part de la région dans les émissions du dioxyde de carbone qui contribue à l’effet de serre ne dépasse pas 4,7 %, un des taux les moins élevés dans le monde, à l’exception de l’Afrique subsaharienne. Les émissions du méthane et de l’oxyde nitrique, qui augmentent également l’effet de serre, sont les moins élevées par rapport au reste du monde en raison du niveau relativement bas du développement industriel dans la région. En fait, la région arabe est considérée comme la victime potentielle la plus vulnérable au changement climatique en termes de : • pénurie d’eau ; • réduction de la production agricole ; • migration de masse vers les pays étrangers (les réfugiés écologiques). • baisse des niveaux des activités économiques ; Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes La région arabe endosse le moins de responsabilité dans la production directe des effets de serre 51 La protection de l’environnement n’occupe qu’une place dérisoire dans les agendas des gouvernements arabes 52 • menaces à la sécurité nationale. • La section suivante vise à développer les dimensions du changement climatique dans les pays arabes. Selon le Rapport Stern, l’augmentation de la température de deux ou trois degrés aura des conséquences qui affecteront la région comme suit : La propagation des sécheresses, la baisse des niveaux de l’eau dans les fleuves, la diminution de la production agricole et l’immersion dans l’eau de mer contraindront un grand nombre de populations à l’émigration, particulièrement dans le delta du Nil et les régions littorales du Golfe arabe, qui deviendront « des réfugiés écologiques ». Les impacts de tels développements ne se limiteront pas à la sécurité humaine au niveau social, mais toucheront également la sécurité nationale et la sécurité régionale. Ces changements sévères affecteront également la stabilité politique et augmenteront les tensions locales. Ainsi, le Soudan a connu, par exemple, un conflit interne, au Darfour, entre les agriculteurs et les pasteurs pour l’accès à l’eau. Les tensions se sont aussi exacerbées entre le Sénégal et la Mauritanie lorsque le fleuve du Sénégal a disparu sous les plaines d’alluvions qui bordaient ces rives. D’un autre côté, les agriculteurs palestiniens continuentde souffrir de la monopolisation par les colons israéliens de la plupart des nappes phréatiques. Le RDH 2007/200832 indique que le Soudan, le Liban, l’Égypte et les pays de l’Afrique du Nord seront les plus vulnérables au changement climatique dans la région, en raison de l’effet de serre résultant de l’augmentation des températures de trois ou quatre degrés. Ces températures augmenteront le niveau de la mer d’environ un mètre, faisant 6 millions de réfugiés en Égypte et provoquant des inondations sur 4 500 km2 de terres agricoles dans le delta. Si par ailleurs le niveau de mer s’élevait d’un demi-mètre, cela ferait deux millions de réfugiés et provoquerait des dégâts économiques estimés à 35 milliards de dollars. En outre, la capacité de la production d’hydroélectricité en sera également affectée. Même les mesures préventives contre les inondations ne seront pas à même de protéger les millions de personnes qui en seront affectées. Dans la province de Kordofan au Soudan, l’augmentation des températures Rapport arabe sur le développement humain 2009 d’un degré et demi entre 2030 et 2060 sera à l’origine de la diminution de la pluviométrie à hauteur de 5 %, et par conséquent à la baisse générale de la production agricole et à celle de la production du maïs de 70 % par rapport à aujourd’hui. Par ailleurs, une augmentation de 1,2 °C réduirait de 15 % l’eau disponible au Liban du fait du changement de structure des précipitations et de l’évaporation. Si la température de la terre s’élevait d’un degré Celsius, la diminution de l’eau sera de 10 % au terme de 2010 dans certaines régions du Maroc. La société internationale a pris conscience des effets de ces changements. Aussi a-t-elle constitué des commissions à cette fin et permis l’adoption de plusieurs accords, dont le Protocole de Kyoto et l’Accord-cadre des Nations Unies sur le changement climatique qui engage les pays arabes. Toutefois, les efforts déployés par les États arabes en vue d’affronter ces effets ne sont pas à la mesure de la gravité des risques encourus. Il n’existe pas une seule institution concernée par les effets du changement climatique dans la région. Le premier exemple d’une collaboration à ce sujet est illustré par la dotation de 750 millions d’USD par l’Arabie saoudite, les EAU, le Koweït et le Qatar à un nouveau fonds créé par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) pep le 18 novembre 2007, en vue de faire face aux effets du climat sur les pays membres. L’Arabie saoudite y a contribué avec 300 millions d’USD les trois autres pays avec chacun 150 millions d’USD. Le fonds vise à utiliser la technologie la plus pointue sur le plan environnemental et la plus efficiente pour protéger l’environnement local, régional et mondial. Il veillera également au soutien du développement des technologies d’élimination et de séquestration du carbone ainsi qu’à la facilitation du transfert de ces technologies à partir des pays développés vers les pays de l’Opep et de tous les pays en développement. Ces efforts représenteraient un changement louable. Et il y a bon espoir qu’ils ouvrent de nouvelles perspectives dans une région qui n’a pas su accorder jusqu’à ce jour un intérêt suffisant aux questions de l’environnement. La protection de l’environnement n’occupe qu’une place dérisoire dans les agendas des gouvernements arabes. Le Guide de la viabilité de l’environnement qui comprend 146 pays (dont 16 pays arabes) et classe les États selon leurs planifications en matière de ressources naturelles, de baisse de la densité démographique et de gestion efficace des affaires de l’environnement et du développement, place plusieurs pays arabes parmi les derniers. En 2005, l’Irak a été classé 143e, le Soudan, 140e, le Koweït 138e, le Yémen 137e, l’Arabie saoudite, 136e, le Liban 129e, la Libye 125e, la Mauritanie 124e, la Syrie 118e, l’Égypte 115e et les Émirats 110e. Les pays les mieux classés étaient la Tunisie (55e), Oman (83e) et la Jordanie (84e). Les premières places dans le classement du Guide reviennent à la Finlande, la Norvège, l’Uruguay, la Suède et l’Islande33. Conclusion Ce chapitre développe les caractéristiques des ressources naturelles dans la région par rapport à la sécurité humaine et ce qu’elles induisent comme risques en cas de mauvaise gestion, d’exploitation injuste, de négligence et de détérioration. Il insiste aussi bien sur les risques que sur les opportunités qui accompagnent ses modes de croissance et son jeune profil démographique. Dans un proche avenir, les dangers potentiels des chocs environnementaux dans les pays arabes seront de loin plus graves que la rançon de la violence armée, que celle-ci soit due à l’occupation étrangère ou aux conflits internes. Le nombre des victimes de la sécheresse qui a frappé l’est de l’Afrique depuis quelques années a été estimé à plusieurs centaines de milliers. De même, le conflit du Darfour, lié par certains aspects à la sécheresse et la lutte pour les ressources en eau rares et les pâturages, a porté préjudice à 4,27 millions de personnes nécessiteuses, dont 2,5 de PDI34. La polémique autour du nombre des victimes des conflits dus à l’origine à des situations environnementales locales suscite une interrogation plus profonde, à savoir, la difficulté de déterminer de manière précise l’impact de la détérioration de l’environnement sur la sécurité humaine. Un tel impact ne se manifeste pas de manière directe dans la plupart des cas. Il est traversé par des variables telles que le degré de sagesse dans l’interaction avec l’environnement et par le degré de récupération politique des conflits qui s’originent dans des circonstances environnementales. À cela s’ajoute le fait que la détérioration environnementale est le résultat d’un cumul dont un effet n’est que l’étincelle qui déclenche un autre. D’où les différences entre les impacts des changements environnementaux d’un pays à l’autre selon les nécessités des variables médianes et la nature du processus cumulatif des réactions et de leurs portées. Toutefois, la régression environnementale due au changement climatique, la pénurie d’eau, la désertification, les pertes de la diversité biologique et la déforestation ne manquera pas d’engendrer une série d’effets, dont : 1. La réduction des surfaces des terres cultivables et, par voie de conséquence, l’amoindrissement de la production alimentaire et des produits agricoles bruts ; 2. La propagation du chômage et de la pauvreté dans les régions rurales suite, surtout, à la réduction des surfaces des terres cultivables et à la baisse de la qualité du sol en raison de la sécheresse et la désertification ; 3. La baisse des niveaux de la santé publique à cause de l’augmentation prévue des températures et de l’échec à endiguer la pollution de l’eau, de l’air et du sol ; 4. L’augmentation des tensions dans les sociétés agricoles et entre agriculteurs et pasteurs à cause de la concurrence pour le contrôle des ressources en eau ; 5. L’aggravation des différends entre pays se partageant le bassin d’un même fleuve. Naturellement, il est impossible qu’un État affronte à lui seul tous ces défis sur les plans national et régional. Les questions de l’environnement sont fondamentalement de nature universelle. Il est donc nécessaire que les tentatives de les résoudre soient également universelles. Les pays arabes partagent l’inquiétude mondiale par rapport aux questions de l’environnement. Aussi, ont-ils adopté la plupart des accords s’y rapportant. En plus, la pression de la responsabilité immense concernant certaines questions liées à l’environnement, particulièrement le changement climatique, doit être assumée par les grandes puissances industrielles qui sont à l’origine de la majorité de ces problèmes. Au niveau régional, les pays arabes se doivent d’associer leurs efforts pour faire Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes Dans un proche avenir, les dangers potentiels des chocs environnementaux dans les pays arabes seront de loin plus graves que la rançon de la violence armée 53 Les pays arabes se doivent également d’accélérer la mise en place d’une instance arabe dédiée à la coordination des réseaux spécialisés dans les questions de l’environnement 54 face aux défis générés par la détérioration de l’environnement, surtout la baisse de l’eau, la désertification et la pollution. Les pays arabes se doivent également d’accélérer la mise en place d’une instance arabe dédiée à la coordination des réseaux spécialisés dans les questions de l’environ nement, à la collecte des informations dont disposent les institutions régionales arabes, la mutualisation des expériences et la conception des alternatives nécessaires au traitement de ces questions. Au niveau national, les gouvernements arabes ont plusieurs moyens pour garantir, en premier lieu, l’implication de forces sociales influentes et les gens d’affaires dans les actions visant à la protection de l’environnement. Parmi ces moyens, il y a le système fiscal, l’incitation à l’utilisation de technologies respectueuses de l’environnement, les initiatives visant à l’utilisation de l’énergie propre renouvelable (énergie solaire), les politiques qui encouragent à économiser l’énergie, les campagnes de Rapport arabe sur le développement humain 2009 sensibilisation à l’utilisation du transport en commun au lieu des véhicules privés, enfin la définition de mesures rigoureuses pour lutter contre la désertification et le déboisement. De toute évidence, aucune disposition n’est en mesure de lutter contre la détérioration de l’environnement si elle n’est pas fondée sur des données fiables et globales et sur une bonne compréhension des situations environnementales changeantes. C’est pourquoi, il convient d’apporter, d’une part, un soutien total aux institutions existantes qui prennent en charge actuellement les questions se rapportant à la protection de l’environnement et, d’autre part, l’aide nécessaire pour consolider leurs capacités, procéder à leur équipement, leur permettre d’effectuer les études nécessaires et de collecter les données. Si de telles instances n’existaient pas dans certains pays, il faudrait prendre l’initiative de les mettre en place. Notes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 CESAO 2008. ONU – Division de la population du Département des affaires économiques et sociales (DAESNU) 2007a. ONU – Division de la population du Département des affaires économiques et sociales (DAESNU) 2007a. ONU – Division de la population du Département des affaires économiques et sociales (DAESNU) 2007b. FNUAP 2009. Calculs du PNUD/RADH basés sur les données de la FAO AQUASTAT 2008. Calculs du PNUD/RADH basés sur les données de la FAO AQUASTAT 2008. AOAD 2003 (en arabe). AOAD 2003 (en arabe). AOAD 2003 (en arabe). FMA, FADES, LEA et OPAEP 2001 (en arabe). PNUD 2006a. PNUD 2006b. CESAO 2007b. Les pays membres du CESAO sont l’Arabie saoudite, Bahreïn, les EAU, l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Liban, Oman, Qatar, la Syrie, le TPO et le Yémen. PNUD 2009b. AFED 2008b. L’eau utilisée dans le processus de production des produits agricoles est appelée l’eau virtuelle contenue dans le produit. Pour plus d’information, voir Tableau 6,5, chap. 6 de ce rapport. AFED 2008b La moyenne annuelle sur le long terme est la moyenne du calcul sur les 20 dernières années. UNCCD 1994a. LEA et UNEP 2004 (en arabe). LEA et UNEP 2004 (en arabe). AOAD 2003 (en arabe). LEA et UNEP 2004 (en arabe) PNUD 2006b. Banque mondiale 2007b. Banque mondiale 2007b. Banque mondiale 2007b. Banque mondiale 2007b. AFED 2008b. PNUD 2007. SEDAC 2005. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008k. Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes 55 3 Chapitre L’État arabe et la sécurité humaine – Performance et perspectives Le rôle traditionnel de l’État consiste à conquérir l’allégeance de ses citoyens et à défendre leur droit à la vie et à la liberté. Il les protège contre les agressions et met en place des règles qui garantissent l’exercice des libertés fondamentales. L’État assumant ce rôle est donc un « État légitime » qui impose la primauté du droit et qui sert l’intérêt public et non celui d’un groupe particulier. En revanche, l’État qui n’adhère pas à ces règles représente une source de danger menaçant la vie et la liberté ; il devient lui-même un danger pour la sécurité humaine au lieu d’en être le garant. Dans l’ensemble, la performance des États arabes dans ce domaine varie d’un pays à l’autre. Néanmoins, il importe de noter qu’elle présente des défauts préjudiciables à la sécurité humaine. Bien que la majorité de ces pays aient adhéré à des conventions internationales et inséré dans leurs constitutions des clauses et des articles imposant le respect de la vie, des droits de l’homme, de la justice, de l’égalité devant la loi et du droit à un procès équitable, leur performance accuse un grand écart entre la théorie et la pratique. Les faibles restrictions institutionnelles sur les pouvoirs de l’État, la fragilisation et la fragmentation de la société civile, le dysfonctionnement des conseils élus, locaux et nationaux, le pouvoir absolu des systèmes de sécurité, sont autant de facteurs qui font de l’État une menace à la sécurité humaine au moment où il est supposé en être le défenseur principal. Introduction Dans l’ensemble, la performance des États arabes dans ce domaine varie d’un pays à l’autre Ce chapitre procède à l’évaluation de la performance des États arabes en matière de sécurité humaine selon quatre critères : 1. L’acceptation de l’État par ses propres citoyens 2. Le degré de conformité de l’État aux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme 3. La gestion par l’État de son pouvoir de force et de coercition 4. La capacité du contrôle institutionnel à freiner les abus de pouvoir. La deuxième partie de ce chapitre traite des perspectives et limites de la réforme politique, juridique et institutionnelle par rapport à cette performance. Elle examine le lancement de ladite réforme à travers trois composantes : les gouvernements, les catégories sociales et les forces étrangères. 1re partie : La performance de l’État pour garantir la sécurité humaine 1. L’acceptation de l’État par ses propres citoyens Le projet d’homogénéisation des États arabes n’a jamais constitué une transition aisée vers l’inclusion de la population Les identités collectives et individuelles constituent des composantes naturelles de la vie sociale 58 Les États sont des structures artificielles dont les frontières ne représentent aucunement des espaces naturellement définis pour des groupes ethniques, linguistiques et religieux homogènes. La grande Bretagne, la France et l’Espagne, pour ne citer que ces trois États plus anciens que les États arabes, abritent des populations hétérogènes. Leur genèse en tant qu’États a coïncidé avec le développement des institutions, de la démocratie, de la participation populaire et du respect de la diversité culturelle. Le progrès politique et institutionnel a permis à ces États de contrebalancer les tendances séparatistes sans en garantir pour autant la neutralisation. La majorité des États stables ont dû affronter, à plusieurs reprises, le défi de groupes qui cherchent à acquérir leur autonomie locale ou à se détacher d’un pouvoir central. Ce défi, avec ses conséquences évidentes sur la stabilité, la paix et la sécurité à l’intérieur des frontières d’un État donné, prend de plus en plus d’importance dans certains pays arabes. La consolidation de l’État arabe n’a pas pris en considération la profondeur et l’étroitesse des liens parentaux et ethniques entre les communautés humaines constituant les unités administratives des pays qui par la suite sont devenus des États à part entière1. Aussi les frontières de ces pays semblentelles souvent être des frontières artificielles comprenant divers groupes ethniques, religieux et linguistiques devenus des minorités dans les États postcoloniaux. Le projet d’homogénéisation des États arabes n’a jamais constitué une transition aisée vers l’inclusion de la population. Il a plutôt conduit à l’émergence d’un courant nationaliste fort ayant pour objectif de masquer la diversité de la population et d’assujettir son hétérogénéité culturelle, linguistique et religieuse à un seul et unique pouvoir. La plupart des États arabes n’ont pas réussi à introduire la gouvernance démocratique et les institutions de représentation à même d’assurer l’inclusion des populations, la répartition équitable des richesses entre les Rapport arabe sur le développement humain 2009 différents groupes ou encore le respect de la diversité culturelle. Les échecs politiques et économiques des gouvernements ont poussé les groupes identitaires dans certains États arabes à se libérer de la captivité des États-nations dans lesquels ils vivent. Le rejet de la légitimité de cette forme d’États héritée et perpétuée par les pays arabes contemporains s’était accompagné de conflits menaçant la sécurité humaine. Certains États ont tenté d’y remédier en imposant des contrôles autoritaires. Toutefois, la suppression des canaux à travers lesquels la population participait et exprimait son opinion n’a fait qu’accentuer davantage le rejet de ces États par plusieurs communautés. Le vide politique qui a résulté de cette situation a été comblé par des groupes politiques et religieux militants, dont certains ont pu se forger une légitimité historique, grâce à la mise en place de services sociaux jouissant, auprès des populations, d’une crédibilité dépassant parfois même celle du gouver nement auquel ils s’opposent. Identité et diversité Qu’elles fassent partie du conflit ou non, les identités collectives et individuelles constituent des composantes naturelles de la vie sociale. En effet, toute personne peut avoir des identités multiples. Un Marocain peut être à la fois arabe ou berbère, musulman ou juif, africain ou méditerranéen, et membre de la famille humaine. Un Soudanais peut être arabe ou africain, musulman ou chrétien, et membre de la famille humaine. Un Libanais, tout en étant arabe dans tous les cas, peut être également maronite, chiite, sunnite ou druze, et, encore une fois, membre de la famille humaine. La perception que la personne se fait de son identité est en réalité l’un des facteurs qui aident à renforcer les liens entre les hommes et à soutenir la sécurité humaine. Plus une personne possède d’identités multiples, plus confortable est sa circulation entre les communautés auxquelles elle appartient, bien qu’elle n’ait qu’une seule identité principale. Certains chercheurs en sciences politiques affirment que ce ne sont pas les traits hérités ou attribués qui comptent le plus dans la définition d’un groupe donné, mais plutôt ses bases construites, telles que Encadré 3-1 son idéologie, ses affiliations politiques ou les opinions intellectuelles qu’il forme à travers l’interaction entre ses propres membres, d’une part, et, de l’autre, entre eux et leur environnement social. Bahiya al-Hariri* – L’État puissant et équitable : conditions pour la sécurité humaine au Liban Les Rapports sur le développement humain ont renouvelé la vitalité intellectuelle dans le monde arabe, en jetant une lumière sur plusieurs problèmes qui diffèrent d’un pays à l’autre et dont souffrent les pays arabes, ainsi que sur d’autres questions et thématiques telles que la liberté, la société du savoir et la question de la femme. Chaque sujet traité débouchait sur d’autres questions du même ordre. Toutefois, l’accent a toujours été mis sur l’être humain dans le monde arabe. Et si l’on devait déterminer un seul trait distinctif et absolument objectif de ces rapports, on aurait tout de suite fait ressortir l’adoption d’une approche spécifiquement arabe en matière de développement ; sachant que, dans leurs publications sur les droits de l’homme, sur les obligations sociales, économiques, sanitaires et environnementales, les Nations Unies ont eu, jusque-là, l’habitude de traiter de l’être humain d’une manière globale et générale. Grâce à ces rapports, il est devenu possible de poser les jalons d’un débat arabe sur les défis et les entraves d’une renaissance arabe et de se rendre compte de l’importance de la spécificité arabe. Cependant, on découvrira alors que chaque pays arabe, au-delà des caractéristiques communes à toutes les sociétés constitutives du monde arabe, possède une spécificité qui lui est propre. À partir de cette définition, il importe d’approcher différemment la situation de la sécurité humaine au Liban – dont les citoyens ont vécu durant plus de trois décennies une série d’expériences qui ont impacté de manière profonde l’infrastructure humaine et la conscience humaine individuelle et sociétale. Au cours des décennies où la population du Liban a subi toutes sortes de menaces, la sécurité, au sens traditionnel et moderne, s’est complètement effondrée. Ces menaces ont affecté le droit à la vie, le droit à l’éducation ainsi que le droit à la vie décente. Elles ont ciblé, par-dessus tout, les conditions essentielles de la vie digne, comme l’eau, l’électricité, la liberté de mouvement, la liberté de croyance et la liberté d’affiliation. Chaque individu s’est vu ciblé dans les composantes de sa personnalité, ses besoins et ses ambitions. Ceci a conduit à l’effondrement de l’État, le garant naturel de la sécurité dans ses formes les plus cruciales, telles que le progrès et le développement. Ces derniers ne peuvent être atteints que sur une base de stabilité qui assurerait la sécurité à tous les niveaux, une sécurité que seul un État capable, équitable et protecteur pourrait assurer de façon optimale. Il n’y a que ce type d’État hautement performant qui puisse vraiment garantir le cadre fondamental à la sécurité humaine et à toutes ses composantes et dimensions. Toutefois, cet État ne pourra voir le jour que si les individus sont libres de conclure un contrat social définissant un cadre qui puisse leur garantir liberté et stabilité, sachant que cet État ne pourra garantir ces deux droits primordiaux que s’il réussit à les maintenir. Le Liban qui a tenté de garantir la sécurité pour les individus, la société et l’État, n’a pas pu instaurer la sécurité et la stabilité dans sa zone d’opération. À présent, les Libanais se trouvent face à deux types de souvenirs : le premier, plein de réminiscences de leur sécurité prise pour cible, et le second, plus proche, empreint des efforts qu’ils ont fournis pour instaurer leur sécurité et stabilité et pour reconstruire leur État. Quant à la réalité d’aujourd’hui, elle leur rappelle les assauts contre leurs structures, leur humanité, leur liberté et leur État. Durant la période de convalescence au début des années 1990, nous avons tenté d’oublier les tragédies vécues par les Libanais sur les plans individuel et collectif en appelant à la tolérance et à la réconciliation et en renforçant la sécurité humaine pour chaque individu au Liban – et j’ai l’intime conviction que chaque Libanais, homme, femme ou enfant, peut rédiger une thèse sur les dangers qui ont menacé sa sécurité, son humanité ainsi que sa conscience et sa liberté. Malgré tout, dans l’espoir de vivre une renaissance et de retrouver la liberté, la stabilité et le progrès, les Libanais ont pu surmonter ces calamités. Ils ont dépassé l’adversité, repris le cours normal de leur vie et fourni à l’humanité la preuve exemplaire de la possibilité de retrouver la vitalité, reconstruire l’État, réaliser la renaissance et la reprise de la vie politique, économique et sociale. Le paradigme libanais peut constituer un modèle Arabe de détermination sincère et de volonté ambitieuse visant à la renaissance et au développement, dépassant à pas de géant une réalité délabrée. Ceci exige de partir d’un postulat qui représente le fondement nécessaire à la compréhension de la sécurité humaine, la nécessité d’admettre que les Arabes sont des créatures humaines dotées de toutes les composantes de leur humanité, avec tous leurs potentiels et leurs besoins. Ainsi tout rapport avec l’homme arabe fondé sur des systèmes de représentation préconçus ou falsifiés sur ce qu’il est ou devrait être, ou sur ce qui lui manque, serait une flagrante violation de son humanité. C’est condamner d’avance cette humanité et ses potentiels que de créer une image stéréotypée de ce qu’elle devrait être. Ce phénomène risque d’être la cause principale de l’extrémisme, du fanatisme et du rejet d’une telle image. Nous devons tirer des leçons de nos expériences avec ceux qui prétendent œuvrer pour le progrès et le développement dans nos sociétés, alors qu’ils mènent souterrainement leurs combats d’arrière-garde confirmant leur veulerie, comme ce fut le cas dans les époques de tutelle et de mandat où furent forgés les concepts coloniaux dont nous voyons aujourd’hui le retour, sous de nouveaux aspects certes, mais à partir des mêmes bases et de la même attitude outrancière envers nos sociétés et l’homme en elles. * Ministre de l’Éducation et de l’enseignement supérieur du Liban, 2008. L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 59 L’identité n’est pas une propriété fixe de l’individu ou de la communauté ; elle constitue plutôt un choix flexible Le premier pas vers la gestion de la diversité est d’adopter et d’assurer l’application du concept de citoyenneté par la loi et la pratique 60 Il importe de souligner que l’identité n’est pas une propriété fixe de l’individu ou de la communauté ; elle constitue plutôt un choix flexible parmi tant d’autres. Ce choix, qui peut varier selon les circonstances, exprime la volonté de l’individu ou de la communauté ; et non une disposition prédéterminée. La vision de « soi » que l’on choisit parmi d’autres, qu’elle soit héritée ou adoptée, détermine notre identité et notre réaction dans une situation donnée. Dans l’histoire de la pensée politique occidentale, le concept de citoyenneté est un concept normatif qui a contribué à la gestion de la diversité ethnique, culturelle et linguistique. L’évolution de ce concept a été partie intégrante de l’essor de la démocratie et de la gouvernance démocratique relative à l’émergence de l’État européen moderne. Il existe aussi un débat essentiel sur la question de la citoyenneté dans la tradition européenne soulevé par T. H. Marshall dans son recueil d’essais Class, Citizenship and Social Development (Classe, citoyenneté et développement social), où il considère l’expérience européenne comme étant l’expansion graduelle portant d’abord sur les droits de la citoyenneté, passant ensuite par les droits civils pour aboutir aux droits politiques et sociaux2. Les citoyens sont des porteurs de droits, égaux devant la loi de l’État envers lequel ils ont des obligations. La citoyenneté est donc la participation active ou passive des individus à l’identité générale que ces droits et obligations universels leur confèrent. Quelles que soient les identités qu’un individu ou un groupe peut avoir, celle de la citoyenneté demeure le dénominateur commun entre tous les membres de la société. Même dans les démocraties mûres, le concept de citoyenneté est toujours en phase de formation. Il évolue dans les formes les plus éclairées pour inclure les complexités des droits des minorités dans les sociétés multiethniques et multiculturelles. Cette évolution représente une sorte d’équilibre, éventuellement marqué de tension, entre les droits de la majorité et ceux des minorités dont les réclamations n’auraient pu autrement être traitées sur un pied d’égalité. Toutefois, les États arabes ont toujours du mal à parfaire leur transition vers la bonne gouvernance et encore moins vers une vraie démocratie ou vers le raffinement d’une démocratie qui respecterait les droits des minorités. Le premier Rapport arabe sur le développement humain 2009 pas vers la gestion de la diversité, franchi déjà par quelques pays arabes, est d’adopter et d’assurer l’application du concept de citoyenneté par la loi et la pratique. L’un des éléments clés dans le développement de la citoyenneté est de comprendre qu’elle ne représente pas uniquement une relation « verticale » entre le citoyen et l’État, mais aussi une relation « horizontale » entre les citoyens eux-mêmes. Être « citoyen » signifie, nécessairement, être concitoyen avec tout ce que cela implique en terme de responsabilités, d’interactions et de consentements relevant du « comportement civique » 3. Inculquer cette vision de la citoyenneté aux nouvelles générations devient alors l’une des principales missions de l’éducation et de l’enseignement ; il importe de ne pas la confondre avec l’inculcation des notions rudimentaires et limitées du patriotisme, mais plutôt de mettre l’accent sur la transmission des valeurs civiques de coopération, de coexistence et de bon voisinage. Ainsi quand les citoyens partagent un haut niveau de conscience civique, la résolution pacifique des conflits au niveau local devient possible dans la majorité des cas et sans l’intervention de l’État. Les événements actuels qui ont lieu dans les pays arabes montrent que les questions d’identité qui font surface dans les conflits internes à des niveaux différents, et qu’elles ne prennent pas une forme unique. Dans certains cas par exemple, le point central du conflit pourrait être l’identité, tandis que le désaccord pourrait porter sur l’identité nationale (la nation est-elle arabe ou musulmane, ou bien y a-t-il une autre identité qui serait plus prioritaire ?) Ainsi, les parties en conflit n’appartiennent pas forcément à des communautés de races ou d’allégeances culturelles différentes, et leur conflit ne porte pas nécessairement sur les rapports de force entre ces communautés. Le conflit serait plutôt en rapport avec la divergence des visions politiques de l’entité politique à laquelle ils appartiennent. Le débat autour de l’identité dans certains pays arabes entre l’État et des groupes islamiques en est un exemple. Ce débat concerne largement l’imposition d’une identité politique particulière à ces États, et non les identités héritées des parties adverses qui n’appartiennent pas nécessairement à des groupes raciaux ou ethniques différents. Par ailleurs, les données recueillies corroborent le fait que, dans les États arabes, les divergences ethniques, religieuses, confessionnelles et linguistiques peuvent être associées à des conflits inhérents entre les groupes, surtout dans les pays où la population n’est pas homogène. Dans des pays tels que l’Irak, le Liban, la Somalie et le Soudan, les allégeances ethniques, religieuses et tribales sont devenues les motifs autour desquels les communautés se sont mobilisées pour appeler à l’inclusion ou à l’exclusion. Cette mobilisation a eu des impacts destructifs et déstabilisants qui ont affecté la sécurité humaine et l’intégrité des États. D’une manière dramatique, ces conflits ont donné lieu à un plus grand nombre de dégâts humains dans les pays arabes, dépassant celui enregistré par l’occupation étrangère. Le point de vue adopté par ce Rapport soutient que l’identité, en soi, n’est pas nécessairement la cause d’un conflit et encore moins la source principale de tension entre les différents groupes. Les conflits qui semblent découler de la question de l’identité, s’originent en fait dans l’accès difficile au pouvoir politique ou à la richesse, dans l’absence de canaux de participation à la représentativité politique et dans la répression de la diversité culturelle et linguistique. De la manière la plus générale, de tels conflits sont dus à l’exploitation, par les leaders politiques, pour leurs propres fins idéologiques, des liens fondamentaux reliant les groupes qui partagent les sentiments d’exclusion, de privation et de discrimination. Cette exploitation qui donne la priorité à ce type de liens au détriment des intérêts de la société devient possible quand l’État ne parvient pas à garantir tous les droits de citoyenneté pour tout le monde. Conformément à ce critère, les pratiques de bon nombre d’États arabes s’avèrent décevantes. 2. La conformité aux conventions internationales et régionales et aux cadres constitutionnels Les conventions internationales et régionales La majorité des pays arabes ont adhéré aux principales conventions relatives aux droits de l’homme. L’adhésion à ces conventions et leur ratification impliquent l’engagement des États arabes concernés à modifier leurs législations et leurs comportements conformément aux règles de ces conventions. Cependant, comme le souligne le RADH 2004, Vers la liberté dans le monde arabe, ces États semblent se satisfaire de ratifier certaines conventions internationales des droits de l’homme sans reconnaître le rôle joué par les mécanismes internationaux dans la mise en œuvre de ces droits. Sur le plan des conventions régionales, et jusqu’à la mi-mai 2009, seuls dix pays arabes ont ratifié la Charte arabe des droits de l’homme – entrée en vigueur en 2008 – à savoir, l’Algérie, l’Arabie saoudite, Bahreïn, les EAU, la Jordanie, la Libye, Qatar, la Syrie, le TPO et le Yémen4. Cela ne signifie pas que les États qui adhèrent à ces conventions montrent nécessairement plus de respect à ces droits que ceux qui n’y ont pas adhéré. Mais l’adhésion à ces Encadré 3-2 L’identité, en soi, n’est pas nécessairement la cause d’un conflit et encore moins la source principale de tension entre les différents groupes Les conflits identitaires sont dus à l’exploitation par les leaders politiques des liens fondamentaux La Charte arabe des chaînes satellite Au moment où les voix dans le monde arabe s’élevaient pour réclamer la liberté d’opinion et d’expression ainsi que la liberté de la presse et des médias, et où proliféraient les cyberespaces – refuge principal des chaînes indépendantes et privées pour la libre expression des idées et l’échange sans censure d’informations et d’opinions –, les États arabes se sont mis d’accord au début de 2008 pour supprimer cet exutoire par le biais de la charte intitulée « Principes pour l’organisation de la diffusion de la radio et de la télévision par satellite dans le monde arabe ». En dépit de ses points positifs, cette charte vise, en réalité, à faire taire les voix et à restreindre la marge de liberté disponible. La Charte est parue, par stratagème, sous forme de « déclaration » et non de « convention » ou « traité », d’une part pour éviter sa soumission aux parlements arabes pour discussion et approbation, et d’autre part, parce que Qatar et le Liban ont exprimé leurs réserves par rapport à ce document, qui ne peut devenir traité ou convention, car ceci requiert une approbation unanime. La Charte a été approuvée par les ministres de l’information arabes, le 13 février 2008. Elle contient plusieurs clauses restrictives couvrant toutes formes de programmations audiovisuelles émises par des chaînes satellites, dans les domaines de l’art, de la politique, de la littérature et du divertissement, en plus de l’imposition de pénalités pour toute infraction. La charte stipule que les autorités dans chaque pays arabe doivent donner leur consentement à la création des chaînes de télévision satellite et à la retransmission de programmes produits par d’autres stations. Toutefois, elle ne définit pas clairement les normes de ce consentement, ce qui laisse libre cours aux gouvernements d’accorder les licences ou non. Ceci représente une sorte de censure préalable sur le contenu des informations à transmettre. Ces statuts sont en flagrante contradiction avec l’article 32 de la Charte arabe des droits de l’homme qui garantit le droit à l’information et à la liberté d’expression et qui est adoptée par le Conseil des Ministres de la Ligue des États arabes en 2004. Elles violent également l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par plusieurs gouvernements de la région. Source : L’Organisation arabe pour les droits de l’homme 2008. L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 61 Ce que garantissent les constitutions arabes, les lois arabes le limitent conventions et leur ratification restent une preuve formelle de l’acceptation par l’État d’un degré de responsabilité vis-à-vis du monde5. Outre la question du nombre des pays qui ont ratifié la Charte arabe des droits de l’homme, il y a celle de savoir si ce document est conséquent avec les normes internationales. Parmi ses défauts, on note son attitude par rapport à la peine de mort. Bien que la Charte mentionne, dans sa version modifiée et adoptée par la Ligue des États arabes (LEA) en 2004, le droit à la vie (article 5) et le droit à la liberté (article 14), elle permet de les limiter selon les règles de la loi nationale. Plus précisément, la Charte est la seule parmi les chartes régionales et internationales, traitant de la peine de mort, à ne pas interdire la peine capitale pour les mineurs d’une manière absolue (articles 6-7). On peut noter que, même abolie par plus de la moitié des pays dans le monde et condamnée par les Nations Unies, la peine de mort demeure librement appliquée dans plusieurs pays arabes sans que ceux-ci la limitent aux crimes les plus graves ou en excluant l’application aux cas de crimes politiques. Les constitutions arabes et les cadres juridiques Bon nombre de constitutions arabes délèguent la définition des droits aux systèmes étatiques 62 La ratification des chartes et des conventions internationales n’implique pas assurément l’intégration de leurs dispositions dans les constitutions et les lois. Et même quand ceci arrive, comme l’indique le RADH 2004, Vers la liberté dans le monde arabe, ce que garantissent les constitutions arabes, les lois arabes le limitent. Et ce que ces lois rendent légal, la pratique l’enfreint. Le contenu des droits, la portée des libertés et la protection stipulée par chaque constitution arabe varient selon la philosophie politique adoptée par l’État (Mohamed Nour Farahat, en arabe, document de base pour le rapport). D’autre part, ces constitutions divergent dans leur défense des droits de l’homme entre brièveté laconique et exposition détaillée. Et bien qu’elles soient unanimes au sujet du besoin de maintenir l’inviolabilité du domicile et la liberté d’expression dans toutes ses formes, certaines d’entre elles ont manqué de défendre d’autres droits, sinon ils les abordent de manière ambiguë. Rapport arabe sur le développement humain 2009 Les constitutions des pays arabes adoptent très souvent des formules idéologiques ou doctrinales qui dénuent les stipulations relatives aux droits et aux libertés publiques de leurs contenus, et qui permettent la violation des droits individuels au nom de l’idéologie ou de la confession officielle. Prenons l’exemple de la constitution syrienne qui présente dans son préambule le socialisme et le nationalisme arabe comme étant la seule voie de la lutte nationale et proclame le rôle pionnier du Parti socialiste arabe du Baath. L’article 38 de cette constitution subordonne la liberté d’expression à l’idéologie de l’État et de la société en la rendant conditionnelle à « ce qui garantit la conservation de la structure nationale et nationaliste et la consolidation du système socialiste ». D’autres constitutions arabes traitent de la liberté d’opinion et d’expression de façon ambiguë, tendant à restreindre au lieu de permettre. Par exemple, l’article 39 de la loi fondamentale de l’Arabie saoudite stipule que « les médias, les moyens de publication et autres moyens d’expression… doivent jouer un rôle dans l’éducation des masses et le soutien de l’unité nationale. Tout ce qui entraînerait la séparation et la discorde, compromettrait la sécurité de l’État et son image publique ou offenserait la dignité et les droits de l’homme, est interdit. La manière de faire sera expliquée par des réglementations appropriées ». Bon nombre de constitutions arabes délèguent la définition des droits aux systèmes étatiques. Ce faisant, elles se donnent le droit de limiter les libertés et d’empiéter sur les droits de l’individu, par le biais de restrictions légales introduites dans la loi ordinaire. En Irak, selon la nouvelle constitution, toutes les lois en vigueur, y compris celles élaborées sous le règne de Saddam Hussein, sont supposées prendre effet jusqu’à ce qu’elles soient annulées ou amendées (article 130). Par conséquent, plusieurs lois très restrictives sont toujours en vigueur. L’article 226 incrimine l’insulte de n’importe quelle institution publique ou officielle. Il est également considéré comme crime, selon l’article 227, d’insulter publiquement un pays étranger ou une organisation internationale ayant un bureau en Irak6. Il existe d’autres façons à travers lesquelles les constitutions arabes violent les droits fondamentaux. Les constitutions et lois dans les États arabes n’autorisent pas en général la discrimination entre les citoyens sur la base de la langue, la religion, la doctrine ou la confession. Pourtant, la discrimination à l’encontre des femmes est bel et bien manifeste dans les lois de certains pays. Les lois de la majorité des États arabes contiennent des discriminations à l’égard des femmes par rapport au statut de la famille, aux sanctions criminelles, à Encadré 3-3 l’emploi et à la nationalité des enfants nés de pères étrangers. Et au moment où les femmes dans la plupart des pays arabes ont acquis leurs droits politiques, les femmes en Arabie saoudite ne jouissent toujours pas du droit de vote. Il est à souligner également que plusieurs États arabes ont souvent introduit des réserves contre des dispositions en faveur de l’égalité des genres dans le Pacte international sur les droits civils et Radwan Ziyadeh* – L’État et les droits de l’homme dans le monde arabe La relation de l’État arabe aux droits de l’homme est essentiellement problématique, du fait que le concept des droits de l’homme, dans son sens légal, ne peut être conçu que dans le cadre d’une confrontation avec l’État. Ce qui donne à cette question un caractère complexe : comment l’État, avec la totalité de ses institutions exécutives, législatives et judiciaires, peut-il être à la fois responsable des violations des droits de l’homme, et capable d’y mettre un terme ? C’est là où l’on trouve les plus importantes zones de divergence politique sur la question de l’État et des droits de l’homme. L’État moderne s’est axé sur l’assujettissement du pouvoir à un nombre de préceptes qui défendent les droits de l’homme contre l’État lui-même. De là, les garanties principales et les plus importantes des droits de l’homme résident dans le fait que l’État est lui-même assujetti à la loi. Il s’agit donc d’une condition essentielle pour parler d’un droit donné, car si l’État n’est pas assujetti à la loi, il n’y aurait pas lieu de parler d’un droit quel qu’il soit. Ainsi, l’amélioration des conditions des droits de l’homme dans un pays quelconque est tributaire du développement de ses organisations juridiques et judiciaires et de la solidité de ses institutions politiques et démocratiques. Il en découle aussi qu’il n’est possible d’aborder le sujet des droits de l’homme que dans un régime qui adhère à des principes particuliers basés sur la séparation des pouvoirs, l’autonomie du système judiciaire et une constitution garantissant les libertés publiques, politiques et constitutionnelles. L’État arabe moderne a tiré ses aspirations du modèle de la légitimité moderne, patriotique ou nationale. Mais en réalité, l’exercice du pouvoir ne se base sur aucun fondement clair et ce à cause du conflit entre les valeurs opposées et l’incohérence entre désirs et aspirations. Les éléments de pouvoir, d’appropriation et de renversement se sont, à travers toute la région et à des échelles différentes, mêlés à des éléments puisés dans la légitimité islamique, monarchique ou tribale. Il était donc naturel dans ces conditions que l’État arabe réagisse délibérément pour assurer à la fois sa légitimité et son régime. Pour ce faire il adopte les modèles occidentaux modernes, en mettant l’accent sur la forme structurale des institutions de l’État plutôt que sur le contenu fondamental de leur rôle. Il a supposé que cet accent mis sur l’aspect extérieur lui garantirait la reconnaissance et la légitimité à l’échelle internationale plus que ne le ferait son intérêt pour les questions des droits de l’homme à l’intérieur du pays, alors que seuls ces droits sont à même d’accorder à l’État la légitimité effective interne en tant qu’exécutant des aspirations et des intérêts de la société C’est pourquoi les concepts des droits de l’homme restent secondaires dans l’État arabe moderne comparé aux aspirations au progrès et au développement. Bien que des dispositions constitutionnelles arabes concernant les droits de l’homme et les libertés fondamentales existent, elles diffèrent dans le niveau des garanties prévues pour ces derniers et dans le champ d’application autorisé. Dans la plupart des catégories de droits, ce sont les constitutions qui donnent à l’État son rôle et sa justification. Ceci est valable pour les droits civils et politiques, y compris les droits de l’individu à l’égalité sans discrimination, à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, à la liberté de logement et de mouvement, le droit d’avoir une nationalité et de ne pas en être privé, les droits à la vie privée, à la propriété privée et à l’égalité devant la loi, le droit au recours à la justice, à la liberté de croyance et de pratique et aux libertés fondamentales relatives à l’opinion, au rassemblement et à la participation publique. L’État joue également un rôle dans les domaines des droits économiques et sociaux. La plupart des constitutions arabes ont suivi l’exemple des droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels garantis par les deux pactes internationaux proclamés par l’Assemblée Générale des Nations Unies, en 1966. Toutefois, tous ces droits, procurés à des degrés différents par les constitutions arabes, sont abolis en cas d’état d’urgence publique appliqué dans plus d’un pays arabe. Ils sont également niés à cause de l’absence des conventions légales garantissant le respect de la loi et de ses institutions, lesquelles se consolident par les relations politiques et sociales et qui sont enracinées dans la culture et les comportements. Les stipulations des constitutions s’estompent dans la pratique à cause des restrictions légales et des mesures exceptionnelles, et en l’absence des garanties de ces droits. La situation est pareille par rapport aux chartes et aux conventions internationales. Et il paraît dans la majorité des cas, que les États arabes ont ratifié ces traités dans le dessein d’améliorer leur image vis-à-vis de la société internationale sans pour autant introduire les modifications nécessaires à leurs législations nationales et sans que cette ratification n’ait des résultats positifs tangibles sur le citoyen arabe. *Activiste et chercheur syrien dans le domaine des droits de l’homme, fondateur du Centre de Damas pour les études des droits de l’homme. L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 63 Encadré 3-4 Sondage De La Sécurité Humaine – Jusqu’à quel point l’État respecte-t-il vos droits fondamentaux ? Dans quatre pays arabes – le Koweït, le Liban, le Maroc et le Territoire palestinien occupé – on a demandé aux personnes interrogées de décrire leur relation à l’État auquel ils appartiennent et à ses institutions. Leurs réactions ont divergé quant à leur confiance dans les organisations civiques, les assemblées représentatives et les conseils locaux. Ceux qui mettent une grande confiance dans les institutions de l’État sont minoritaires dans les quatre pays ; la confiance de la majorité est limitée. Le niveau de confiance le plus élevé a été enregistré au Koweït, suivi par le TPO, le niveau le plus bas a été enregistré au Maroc puis au Liban. C’est un résultat surprenant du fait qu’il reflète leur déception à l’égard des institutions représentatives dans deux pays arabes qui ont traversé un long chemin dans la procuration des libertés politiques aux citoyens. Par ailleurs, et à l’exception du Koweït, les citoyens dans les trois autres pays ont exprimé un niveau plus élevé de confiance dans les associations de bienfaisance. Est-ce dû au fait que les institutions de l’État dans ces pays ne procurent pas les libertés publiques ? Les réponses à cette question par les quatre échantillons sont montrées dans le diagramme suivant : Liban TPO Maroc Koweït Jusqu’à quel point l’État respecte-t-il vos droits fondamentaux ? Justice équitable Liberté d’organisation Liberté d’expression Liberté de croyance Justice équitable Liberté d’organisation Liberté d’expression Liberté de croyance Justice équitable Liberté d’organisation Liberté d’expression Liberté de croyance Justice équitable Liberté d’organisation Liberté d’expression Liberté de croyance % 0 20 Dans une large mesure 40 60 80 100 Dans une certaine mesure Les réactions des personnes interrogées dans les quatre pays divergent similairement quant à l’évaluation du niveau des libertés publiques dans leurs pays. Le pourcentage de ceux qui pensent que les libertés de la croyance, de l’expression et du jugement équitable sont largement accessibles est très élevé au Koweït. Les Koweïtiens pensent que le droit syndical a peu d’importance dans leur pays, et qu’il est beaucoup moins accessible que les autres droits. Les Libanais interrogés ont suivi les Koweïtiens dans leur affirmation que ces droits-là leur sont accessibles : pour une majorité (40 %) d’entre eux, les droits à la croyance, à l’expression et à l’organisation sont largement préservés au Liban, beaucoup plus que leurs homologues au Maroc et au TPO. Exception faite de la liberté de croyance au TPO – où 40 % de l’échantillon pensent qu’elle est garantie dans une large mesure et 38 % trouvent qu’elle l’est jusqu’à un certain niveau. Une minorité d’interrogés inférieure au quart de l’échantillon, au Maroc et au TPO, fait savoir que les libertés d’expression et d’organisation sont préservées. Un faible pourcentage (inférieur au cinquième de l’échantillon), au TPO et au Liban et au dixième au Maroc estime que le droit au jugement équitable est pratiqué dans ces pays, alors que la majorité soutient le contraire. 64 Rapport arabe sur le développement humain 2009 politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes, pour éviter, d’après eux, tout conflit avec la charia islamique. Néanmoins, un progrès significatif au niveau des lois relatives au statut de la famille dans trois pays maghrébins, à savoir l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, est à saluer. Ces pays ont parcouru un long chemin vers la réalisation de l’égalité des sexes dans le code de la famille. Les pays arabes adoptent des positions variables envers le droit à la création d’un parti politique ou de le soutenir et la marge de manœuvre de ces partis. Dans la région arabe, six pays, l’Arabie saoudite, les EAU, le Koweït, la Libye, Oman et Qatar continuent de prohiber par principe la création de partis politiques. Bahreïn est le seul parmi les six États du Golfe à procurer la liberté de la création d’« associations politiques », tandis que la majorité des pays arabes continuent d’exercer des restrictions à degrés variables sur la création de partis politiques et sur leurs actions, surtout les partis d’opposition dont les membres peuvent être victimes d’actions répressives. Malgré cela, la marge de la liberté politique connaît un progrès considérable dans des pays tels que le Liban et le Maroc. À l’exception de la Libye, tous les pays arabes prônent le droit à la création d’associations civiles. Mais dans toute la région, les systèmes légaux et les réglementations régissant et régulant le secteur de la société civile comprennent une multitude de mesures restrictives qui entravent la mise en pratique de ce droit. Les organisations de la société civile dans les pays arabes font face à un nombre de restrictions, d’obstacles et de pratiques qu’on peut classer en trois catégories principales. Premièrement, des restrictions sur leur création et leur capacité d’opérer. Deuxièmement, le pouvoir autoritaire absolu de l’État pouvant dissoudre, suspendre ou résilier les associations ou leurs directoires. Et troisièmement, les restrictions très sévères sur leurs ressources de financement, plus particulièrement celles provenant de l’étranger et sur leur affiliation à d’autres fédérations et réseaux internationaux. Ces restrictions varient largement d’un pays à l’autre et d’une période à l’autre. Mais en général, le contrôle excessif de l’État et son empiétement sur les fonctions des organisations de la société civile demeurent les traits les plus dominants de la relation entre l’État et la société civile dans la région arabe. Le danger le plus sérieux qui menace la sécurité du citoyen dans quelques pays arabes est que, dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, l’État se donne des prétextes pour violer les droits et les libertés de l’individu sans avoir recours à la loi. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 1373 qui invite tous les pays membres à coopérer pour prévenir et réprimer les actes terroristes et pour modifier leurs législations et mettre en pratique les conventions internationales relatives à la lutte contre le terrorisme. La résolution réclame de ces pays que « ces actes de terrorisme soient érigés en crimes graves dans la législation et la réglementation nationales et que la peine infligée soit à la mesure de la gravité de ces actes ». Cette résolution, adoptée sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, n’a pas donné une définition au terme « terrorisme ». Il importe dans ce contexte de noter que selon le pacte international sur les droits civils et politiques, même en état d’urgence, nulle dérogation n’est permise concernant le droit à la vie, la prohibition de la torture, la prohibition de la condamnation d’un individu en raison d’actes ou d’omissions qui, au moment où ils ont été commis ne constituaient pas une infraction, le droit à la reconnaissance en tant qu’individu devant la loi, et la liberté de pensée, de conscience et de religion. Cependant, la plupart des États arabes ont adopté des lois antiterroristes en employant des définitions vagues et imprécises du concept de « terrorisme » et en donnant aux corps gouvernementaux de larges prérogatives pour remédier aux crimes du terrorisme, ce qui constitue un danger pour les libertés fondamentales. De telles lois permettent la détention avant jugement pour des durées indéterminées, élargissent la marge d’application de la peine de mort, menacent la liberté d’expression, étendent le pouvoir de la police à perquisitionner les propriétés, à espionner les appels téléphoniques et à intercepter tout type de communication. Dans certains cas, ces lois augmentent le recours aux tribunaux militaires. En général, les lois antiterroristes ont manqué dans la majorité des pays arabes à l’instauration de l’équilibre escompté entre la sécurité de la société d’une part, et la préservation des droits et des libertés individuelles d’autre part. La revue des rapports des organisations internationales et régionales des droits de l’homme (l’Organisation arabe des droits de l’homme, Amnesty International et Human Rights Watch) révèle des violations de l’obligation de défendre les droits de l’homme commises par des pays ayant ratifié les conventions internationales en question et ayant intégré des dispositions sur le respect de ces droits dans leurs constitutions, ainsi que par des pays qui n’ont pas ratifié ces conventions. Nous considérons ci-après des indicateurs relatifs aux pratiques des pays arabes sans reprendre les détails évoqués par le RADH 2004 qui traitait de la liberté. Les états d’urgence et les droits de l’homme Beaucoup d’États arabes ont connu des périodes exceptionnellement longues de lois martiales ou d’états d’urgence transformant les mesures provisoires en une manière permanente de mener la vie politique. L’état d’urgence donne au gouvernement le pouvoir de suspendre la validité de certaines clauses constitutionnelles et légales relatives aux droits de l’homme confor mément au Pacte international sur les droits civils et politiques. Toutefois, certains de ces droits – tels que la liberté de croyance, la prohibition de la torture et la nonrétroactivité des lois – doivent continuer Tableau 3-1 Les pays arabes où un état d’urgence était encore en vigueur en 2008 État Année de déclaration de l’état d’urgence TPO Soudan 2007 2005 (dans la région du Darfour) étendu à l’ensemble du pays en mai 2008 Irak 2004 Algérie 1992 Égypte 1981 Syrie 1963 Source : OADH 2008 (en arabe). L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 65 Tableau 3-2 Les détenus politiques dans cinq pays arabes, 2005 et 2007 Pays Nombre des détenus politiques 2005 Nombre des détenus politiques 2007 Irak 26 000 (réduit à 14 000) 24 661 Égypte 10 000 -- Liban -- 5 870 TPO 9 000 11 000 Yémen 1 000 -- Source : OADH 2008 (en arabe). Certains États arabes tendent à déclarer de longues périodes d’états d’urgences sans qu’il y ait de véritables raisons pour leur maintien à être respectées. Un état d’urgence est également supposé être temporaire et doit être imposé uniquement en cas de danger pour l’indépendance de l’État, son intégrité territoriale ou le fonctionnement normal de ses institutions constitutionnelles. Mais certains États arabes tendent à déclarer de longues périodes d’états d’urgences sans qu’il y ait de véritables raisons pour leur maintien. Ils sont souvent et simplement des prétextes pour suspendre les droits fondamentaux et pour exempter les chefs d’États de la moindre limitation constitutionnelle. D’après l’Organisation arabe des droits de l’homme (OADH), l’état d’urgence déclaré depuis plus ou moins longtemps était encore en vigueur dans six pays arabes en 2008. La violation du droit à la vie à travers la torture et la maltraitance Les dangers menaçant l’autonomie judiciaire ne proviennent pas des constitutions mais du pouvoir exécutif 66 Cette violation implique l’État directement dans la mesure où elle est généralement perpétrée à l’intérieur des établissements de l’État et par ses agents publics. Dans le rapport précité de 2008, l’OADH cite des exemples de la violation du droit à la vie dans huit pays arabes : l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Maroc, la Syrie et le TPO, 7. Les rapports du Haut-commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme (HCDH) indiquent que des cas de torture ont eu lieu en Algérie, à Bahreïn, au Maroc et en Tunisie. Le Commissariat s’est appuyé à cet égard sur les rapports des organisations régionales et internationales des droits de l’homme8. Rapport arabe sur le développement humain 2009 La détention illégale et la violation du droit à la liberté La violation du droit à la liberté est une pratique encore plus répandue dans les pays arabes. Elle est perpétrée dans plusieurs États et le nombre des victimes atteint des milliers dans certains cas. La prépondérance de cette pratique dans certains États est liée à ce qu’on appelle « la guerre contre le terrorisme ». Cependant, les victimes de cette pratique dans la plupart des autres pays sont des membres de l’opposition politique. Le rapport de l’OADH nomme 11 États ayant limité les libertés des citoyens par des détentions extrajudiciaires : l’Arabie saoudite, Bahreïn, l’Égypte, la Jordanie, le Liban, la Libye, la Mauritanie, le Soudan, la Syrie, la Tunisie et le Yémen. Bien qu’il n’existe pas de statistiques officielles sur le nombre des détenus dans ces pays, le nombre fourni par le rapport de l’OADH donne une idée sur l’ampleur de cette violation. Selon le rapport, le nombre des détenus dépasse parfois les dix mille. Le rapport de l’OADH de 2008 indique que les autorités concernées dans certains États arabes ont commencé à relâcher quelques détenus9. L’autonomie de la justice – L’écart entre le texte et la pratique Les dangers menaçant l’autonomie judiciaire ne proviennent pas des constitutions qui, en général, prônent ce principe, mais du pouvoir exécutif. Tous les systèmes judiciaires arabes souffrent, d’une manière ou d’une autre, d’atteintes à leur autonomie dues à la domination du pouvoir exécutif sur les pouvoirs législatif et judiciaire. Parmi les résultats de ces pratiques l’écart considérable entre les textes constitutionnels d’une part et la pratique d’autre part. Les réglementations ne sont pas uniquement stipulées et mises en œuvre au nom du chef de l’État, mais on lui a également confié la présidence des organes chargés de la supervision et du contrôle de la justice. Inutile de rappeler les prérogatives du pouvoir exécutif pour nommer les magistrats, leur accorder des promotions, les charger de missions extracurriculaires, les contrôler et les discipliner. Par ailleurs, dans plusieurs pays arabes, la violation la plus importante de l’autonomie institutionnelle du pouvoir judiciaire est la présence de plusieurs formes de juridiction extraordinaire avec tout ce que cela implique en terme de violation de la protection juridique des droits des individus dans des tribunaux non indépendants, surtout dans le domaine pénal. Les formes les plus connues de juridiction extraordinaire – tribunaux militaires et Cours de sûreté de l’État – représentent une négation du concept naturel de la justice et une réduction des garanties du jugement équitable. Les tribunaux militaires, dont les compétences s’étendent dans quelques pays arabes au jugement des civils pour des crimes politiques en particulier, sont soutenus par la loi ordinaire. L’exemple le plus clair en est la Loi n° 25/1966 en Égypte dont l’article 6 étend les compétences de la justice militaire, surtout en état d’urgence, en lui permettant de statuer dans n’importe quel crime stipulé par le code pénal que le président de la république lui transférerait. Mais le plus important est que la très large portée de prérogatives dont jouit la juridiction militaire est confirmée explicitement par les constitutions arabes. Les autres formes de juridiction extraordinaire qui sont très répandues dans bon nombre de pays arabes, à savoir les Cours de sûreté de l’État, manquent des garanties du droit au jugement équitable. En Jordanie, les tribunaux spéciaux pour la sécurité de l’État ont été constitués par la Loi n° 17/1959 et ses amendements et ont été dotés des prérogatives nécessaires pour statuer dans certains crimes dont ceux contre la sécurité intérieure et extérieure de l’État et les crimes de drogue. En Syrie, le décret législatif n° 47 du 28 mars 1968 approuve la création de la Cour suprême pour la sécurité de l’État. Le premier article du décret, paragraphe (a), stipule que « ces tribunaux mènent leurs fonctions par ordre du gouverneur militaire », alors que l’article 7, paragraphe (a), décrète que « les tribunaux de la sécurité de l’État ne sont pas limités par les réglementations procédurales stipulées par les législations en vigueur à n’importe quelle phase et procédure de la poursuite, de l’investigation ou du jugement ». Dans certains pays arabes, les juges ont lutté pour instaurer le principe de l’autonomie judiciaire. Il importe à cet égard de saluer les réformes qui ont eu lieu en Algérie notamment après la réforme juridique de 2006 qui a imposé que la majorité des membres du Conseil Supérieur de la Magistrature soit accordée à des magistrats élus (Mohamed Nour Farahat, en arabe, document de base pour le rapport). Taux d’homicides volontaires (pour 100 000 de la population) dans les régions du monde, 2002 Figure 3-1 Proche et Moyen-Orient et Sud-ouest de l’Asie Afrique du Nord Europe orientale et centrale Océanie Europe sud-orientale Asie du Sud Amérique du Nord Afrique de l’Est Asie centrale et pays transcaucasiens Europe de l’Est Amérique centrale Asie du Sud et du Sud-est Amérique du Sud Afrique centrale, du Sud et de l’Ouest Caraïbes 0 5 10 15 20 25 30 Source : ONUDC 2005. L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 67 3. Le monopole de l’État sur l’usage de la force et de la coercition Quand des groupes non étatiques prennent le contrôle des moyens de force, il en résulte à peine de quoi servir la sécurité des populations Encadré 3-5 Il est de notoriété publique que la sécurité humaine est renforcée quand seul l’État détient les moyens de force et de coercition et les utilise pour préserver les droits des individus, qu’ils soient citoyens ou non, et pour défendre ces droits. Mais quand des groupes non étatiques prennent le contrôle des moyens de force, il en résulte à peine de quoi servir la sécurité des populations10. Certains pays arabes ont dû faire face à ce problème durant les deux dernières décennies. En plus du Soudan, de l’Irak, du Liban et de la Somalie qui ont été pris dans des guerres civiles où des slogans identitaires se sont élevés, d’autres pays arabes ont affronté les défis de la rébellion armée menée par une tranche de citoyens. Mais quand la question de l’identité fut évoquée dans ces cas de rébellion, il était question de l’identité politique de l’État beaucoup plus que de la réclamation des droits d’un groupe particulier. Les autorités de l’État ont prouvé dans certains pays leur incapacité à imposer la sécurité dans leur lutte contre la rébellion armée, comme ce fut le cas dans quelques pays arabes dans les années 1990. Aussi des États arabes se sont-ils engagés dans des guerres secondaires contre des groupes rebelles durant les dernières années, tandis que d’autres ont plus ou moins pâti d’une violence armée à laquelle ont participé certains de leurs citoyens et d’autres appartenant à d’autres pays arabes. L’une des principales questions sur la sécurité humaine dans les pays arabes relève de la relation des États avec les mouvements politiques islamiques. Les États justifient souvent leurs atteintes aux droits politiques et civils par les dangers que pourraient représenter ces mouvements. Alors que la stratégie la plus prometteuse pour préserver la stabilité et la sécurité des citoyens serait d’intégrer les mouvements pacifiques dans le cadre de l’activité politique légitime11. Il est clair que la capacité de l’État à instaurer la sécurité sur ses territoires La domination du pouvoir exécutif aux prises avec la réforme dans le secteur de la sécurité Comme c’est le cas dans de nombreux véritables systèmes démocratiques, les chefs des États arabes sont définis institutionnellement comme étant les commandants suprêmes des forces armées nationales. Seulement, la différence principale dans la région arabe consiste en l’absence de tout contrepoids pouvant responsabiliser le chef suprême. Les parlements arabes ne jouissent d’aucun contrôle effectif sur le secteur de la sécurité. En effet, les parlements arabes se sont habitués à traiter les questions de sécurité et de défense en tant que tabous. Les conseils législatifs n’ont souvent pas de mandat constitutionnel leur permettant d’interroger le chef exécutif sur ces questions ou de lui demander de fournir un rapport général sur le budget de la défense (encore moins des détails sur les dépenses et les acquisitions). Même les très rares parlements autorisés par la constitution à contrôler les budgets, comme il est le cas au Koweït, au Liban, en Égypte, au Maroc et au Yémen, préfèrent ne pas exercer cette autorité. Dans les pays arabes qui manquent complètement de conseils législatifs, rares sont les régulateurs publics, et l’exécutif y possède le pouvoir ultime de mettre en place les politiques, les plans opérationnels et les budgets. Le pouvoir exécutif a prouvé son efficacité dans l’anticipation des séances d’audit au parlement ou dans leur détournement même si cela lui est nominativement permis. Le Koweït est un cas considérable mais unique à cet égard. Les ministres de la défense et de l’intérieur sont interrogés par le Conseil de la Umma, alors que le Comité des affaires de l’intérieur et de la défense interroge les ministres et les plus grands responsables dans les organes de sécurité, y compris les responsables des services secrets, et des rapports annuels continuent d’être publiés depuis 2002 sur l’état des droits de l’homme. Le contrôle exclusif du pouvoir exécutif sur le secteur de la sécurité a eu des conséquences problématiques sur la capacité de ce dernier et a conduit à l’absence du bon planning budgétaire, de l’audit fiscal et de la transparence. De plus, malgré l’absence du contrôle parlementaire effectif, les pouvoirs exécutifs dans bon nombre de pays arabes ont porté les questions de sécurité loin du débat public, et ce en instituant des conseils de sécurité nationale responsables uniquement devant le chef d’État. La prolifération des organes de sécurité a été naturel lement accompagnée d’une inflation remarquable au niveau du nombre de personnel, d’une différentiation médiocre entre les divers services, d’une duplication des rôles, d’un refus structurel de la coordination entre les services et de bulletins de paie gonflés. Ces facteurs mènent à l’inefficacité au niveau de la performance et à l’inefficience financière. Tout cela aboutit à une dégression sévère du niveau des capacités du secteur de la sécurité dans toute la région. Source : Sayigh 2007. 68 Rapport arabe sur le développement humain 2009 est l’aboutissement de plusieurs facteurs qui ne dépendent pas uniquement des moyens matériels et organisationnels tels que l’ampleur des forces de la police et des forces armées et la qualité des armes et de l’entraînement. Aucun État, aussi grand et bien armé qu’il puisse être, ne peut garantir la sécurité absolue sur ses territoires. L’État peut imposer sa volonté par la force pour une courte durée, mais celui qui préserve les droits de ses citoyens et qui est perçu comme étant légitime, digne de confiance et ouvert à la participation au pouvoir, aurait plus de chances à prévaloir. Quoique les citoyens de certains pays arabes soient dépourvus de leurs libertés, notamment celles de l’expression et de la représentativité, et malgré l’usage de la violence par l’État contre ses citoyens, il existe des pays qui garantissent la protection contre le crime à un degré plus élevé que celui enregistré dans d’autre pays en voie de développement. À l’exception des cas d’occupation étrangère et de guerre civile, la fréquence des crimes conventionnels est relativement basse dans les pays arabes. L’indicateur le plus utile dans la compa raison des pays arabes aux pays d’autres régions est le taux des homicides. Les données, ci-après, fournies par L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) comparent plusieurs régions du monde par le biais de cet indicateur12. Selon ces données, les taux les plus bas des homicides dans le monde sont enregistrés dans les pays arabes. Il faut dire que ces statistiques remontent à l’an 2002, c’est-à-dire avant l’invasion de l’Irak et l’intensification du conflit au Soudan et à Gaza. Et pourtant, ces pays, présentés dans la figure 3-1 en tant que deux sousrégions (l’Afrique du Nord et le Proche et Moyen-Orient/le sud-ouest de l’Asie, qui comprend aussi Israël, l’Iran et la Turquie), ne marquent pas les taux d’homicides les plus bas enregistrés par la police dans l’ensemble des régions du Sud seulement, mais aussi dans tous les pays du monde, développés et en voie de développement. 4. Les contrôles institutionnels pour la prévention des abus de pouvoir Les forces de la sécurité et les forces armées qui ne sont pas soumises au contrôle public Figure 3-2 L’État de droit – Les pays arabes comparés à d’autres régions, 1998 et 2007 OCDE Caraïbes Asie de l’Est Europe de l’Est et pays Baltes Amérique latine Pays arabes Afrique sub-saharienne -2 -1,5 2007 -1 -0,5 0 0,5 1 1,5 2 1998 Source : Calculs du PNUD/RDHA basés sur les données de la Banque mondiale 2008. Note : Le taux de l’indicateur de l’État de droit varie entre -2,5 et 2,5 ; le plus haut est le meilleur. Il s’agit d’un indicateur subjectif regroupé de sources variées et de différentes perceptions des concepts suivants : l’impartialité juridique et le respect populaire de la loi. représentent un sérieux danger pour la sécurité humaine, c’est ce dont témoigne l’expérience de plusieurs États arabes. La majorité des gouvernements arabes détiennent des pouvoirs absolus qu’ils préservent en laissant aux systèmes de sécurité des marges de manœuvre plus élargies, au détriment des libertés des citoyens et de leurs droits fondamentaux. Ces violations sont enregistrées par les organisations locales, régionales et internationales pour les droits de l’homme et par les bureaux des Nations Unies qui suivent ces questions – quand les gouvernements arabes le permettent13. Les agences de sécurité arabes opèrent avec impunité car elles sont instrumentalisées par le chef de l’État et travaillent directement pour le compte de celui-ci. Leur énorme pouvoir est renforcé par l’interférence du pouvoir exécutif dans l’autonomie de la justice, par l’autorité qu’exerce le parti au pouvoir, dans la plu part des pays, sur le pouvoir législatif et en muselant les médias. Dans de telles circonstances, la censure législative et populaire perd son poids. En réalité l’absence de contrôle varie d’un État à l’autre : en Égypte, les magistrats ont réussi à acquitter plusieurs de ceux qui ont été accusés d’actes terroristes par des organes de sécurité et les parlementaires égyptiens ont demandé au ministère de l’Intérieur des informations sur le nombre L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives Les forces de la sécurité et les forces armées qui ne sont pas soumises au contrôle public représentent un sérieux danger pour la sécurité humaine Les agences de sécurité arabes opèrent avec impunité 69 La situation au Darfour continue d’être caractérisée par les violations systématiques, et sur une grande échelle, des droits de l’homme 70 des détenus et les conditions de leur détention. Le gouvernement marocain, quant à lui, a présenté ses excuses au peuple marocain pour la violation de l’État des droits de l’homme durant les trois dernières décennies du xxe siècle et le roi Mohammed VI a révoqué le premier ministre dont le nom est associé à ces actes. De plus, dans certains pays arabes, les facultés de police ont intégré la culture des droits de l’homme dans leurs cursus et les autorités se sont chargées d’organiser des cycles de formation pour les inspecteurs de police à ce sujet14. Mais tout cela ne représente qu’une petite fissure au niveau de la muraille solide qui protège les forces de sécurité dans presque tous les pays arabes. L’évaluation de la performance des pays arabes sur la base des normes précédentes confirme que la relation entre l’État et la sécurité humaine est une relation ambiguë. Au moment où l’État est supposé garantir les droits de l’homme, il représente dans plusieurs pays arabes une source de danger sapant et les conventions internationales et les clauses des constitutions nationales. Ainsi, l’instauration de l’État de droit et de la bonne gouvernance dans les pays arabes reste une condition sine qua non de la fondation de l’État légitime, qui est censé après tout prendre en charge la protection de la vie et des libertés humaines et de limiter toutes les formes de coercition incontrôlée et de discrimination. En attendant que ce développement se réalise, les citoyens devront continuer à souffrir de toutes sortes d’exclusion et d’insécurité politique indiquées dans la figure 3-2. La crise du Darfour : exemple tragique de l’échec de l’État Le conflit actuel au Darfour est sans doute l’un des plus sérieux dans la région. L’ampleur de cette crise humaine, à laquelle ont contribué les politiques précédentes du gouvernement soudanais et ses approches actuelles dans le traitement des événements, fournit l’exemple parfait du rôle de l’État dans l’aggravation de l’insécurité humaine. Même si l’État soudanais menace la sécurité des citoyens dans d’autres régions du pays, son rôle au Darfour reste l’exemple le plus marquant de l’échec de l’État selon les normes du comportement de l’État citées dans ce rapport (le Tribunal Rapport arabe sur le développement humain 2009 pénal a émis un mandat d’arrêt, le 4 mars 2009, contre le président soudanais Omar el-Bachir pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour). Dans son rapport présenté au Secrétaire général des Nations Unies en janvier 2005, la Commission d’enquête internationale sur le Darfour a indiqué que les forces du gouvernement ainsi que les milices alliées ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité sur une grande échelle, à savoir les meurtres, la torture, les viols collectifs, les exécutions sommaires et les détentions arbitraires15. La commission a considéré que, techniquement et juridiquement, le terme « génocide » n’était pas applicable vu l’absence de l’élément de l’intention génocidaire. Cependant, elle a confirmé que les violations massives des droits de l’homme et de la loi humanitaire qui « ne sont sans aucun doute ni moins graves, ni moins abominables que le crime de génocide » 16, continuaient d’être perpétrées. La Commission a également établi que les milices Janjaweed opéraient aux côtés des forces armées du gouvernement avec l’appui de celles-ci. La situation au Darfour continue d’être caractérisée par les violations systématiques, et sur une grande échelle, des droits de l’homme et du droit international humain. Le combat entre les forces du gouvernement soudanais, les parties signataires et non-signataires de l’accord de paix du Darfour de 2006, et d’autres groupes a occasionné des dégâts humains parmi les civils, des vastes destructions de propriétés civiles, telles les habitations et les marchés, la perte des sources de survie et les déplacements massifs des populations affectées. De plus, l’insécurité croissante affecte négativement l’espace humanitaire et la sécurité de la population civile. Sur tout le territoire du Darfour, les actes de violence et les abus sexuels à l’encontre des femmes et des enfants continuent à être commis par des agents de l’État ou par d’autres parties privées comme les groupes criminels et les bandits. Tout cela se déroule dans des conditions d’impunité, puisque l’État néglige d’investiguer et de punir et poursuivre en justice les auteurs de ces violations des droits de l’homme17. L’État a, certes, pris des mesures de prévention et de protection de la population civile contre les attaques, mais les rapports affirment que la population civile est toujours exposée à une série de dangers. En juillet 2008, 4,27 millions de gens affectés, selon les sources des Nations Unies18, avaient besoin d’assistance, 2,5 millions d’entre eux ont été déplacés à l’intérieur du Darfour et 250 000 se sont réfugiés aux Tchad. Et les bouleversements affectant des milliers de civils continuent. 150 000 civils ont été déplacés dans les 4 premiers mois de 2008 et 780 000 depuis la signature de l’accord de paix du Darfour de 200619. Échec à gagner l’acceptation de tous les citoyens Le conflit du Darfour est souvent décrit comme étant un affrontement entre les Africains « arabes » et « non arabes », néanmoins ce sont les manières à travers lesquelles les mouvements rebelles, et en premier lieu le gouvernement soudanais, ont manipulé les tensions ethniques qui ont servi à polariser la population du Darfour sur des bases ethniques. Ces tensions créent des alliances instables entre le gouvernement, les tribus arabes et non arabes et les groupes rebelles, et nourrissent les conflits entre les communautés arabes et les groupes rebelles en compétition. Human Rights Watch indique dans son rapport « Darfour 2007 : Chaos délibéré » 20 le rôle de l’État dans l’alimentation du chaos et, dans certaines zones, son exploitation des tensions intercommunales sur la base du principe de « diviser pour régner » pour maintenir la domination militaire et politique sur le Darfour. Le rapport de ladite organisation montre que les institutions de l’État n’ont pas réussi à protéger la population assiégée du Darfour, mais se sont plutôt transformées en des outils d’exécution des politiques répressives. Échec à préserver le droit de la population du Darfour à la vie et à la sécurité Dans sa résolution 9/17 du 18 septembre 2008, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a insisté sur « la responsabilité première qui incombe au Gouvernement soudanais de protéger tous les citoyens, y compris les groupes vulnérables »21. Le gouvernement a, certes, pris quelques mesures, mais les rapports certifient que la majorité de la population du Darfour n’est pas protégée. L’État au Soudan n’a pas seulement échoué à assumer sa principale responsabilité de garantir la vie et la sécurité à ses citoyens au Darfour, mais les forces aériennes et les forces au sol du gouvernement ont également mené répétitivement des attaques hasardeuses dans des zones d’activité des rebelles, faisant de nombreux morts et blessés civils22. Absence de la protection des civils : Des sources des Nations Unies indiquent que de janvier à juillet 2008, des villages civils, plus précisément à l’ouest et au nord du Darfour, ont été victimes de bombardements aériens23. Les attaques ont causé des morts ; le pillage et la destruction de propriétés civiles sur une grande échelle, dont des centaines d’habitations ; le vol et la mort d’une très grande quantité de bétail ; ainsi que le déplacement de milliers de personnes. Les couloirs nord-ouest du Darfour ont été le théâtre d’une vaste opération militaire engagée par le gouvernement et à laquelle ont participé les milices armées et les forces armées du Soudan (SAF) avec le soutien des attaques aériennes, pour regagner le contrôle sur les zones qui ont été saisies par les groupes armés du Mouvement pour la justice et l’égalité du Soudan (JEM). Au cours de cette opération, le gouvernement n’a pas distingué les civils des combattants des groupes armés. Aux mois d’avril et de mai 2008, au nord du Darfour, dix villages civils et des champs cultivés ont été victimes de bombardements aériens, ce qui a constitué une violation du principe de la distinction entre les cibles civiles et les cibles militaires. 4,27 millions de la population civile avaient besoin d’assistance au Darfour en Juillet 2008 Les mouvements rebelles, et en premier lieu le gouvernement soudanais, ont manipulé les tensions ethniques Faible réaction de la police soudanaise24 : L’échec systématique du gouvernement soudanais à remédier à ces abus est reflété par son indisposition à doter la police du Darfour du minimum de compétences. L’État a manqué d’investir dans ses propres forces de police et encore moins de désarmer les Janjaweed ou de protéger la population des viols, des vols et d’autres crimes. Certains membres de la police commettent eux-mêmes ce genre de crimes avec impunité. Ainsi, les forces des milices, qui ont soumis le Darfour à la violence, restent actives et incontestées. Certains miliciens ont même été intégrés dans les forces de la défense civile, comme L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 71 la force centrale de la police de réserve qui se charge de la protection des déplacés et des autres civils. Échec à se conformer aux conventions internationales des droits de l’homme Les violations du droit au jugement équitable sont largement répandues Des individus sont souvent arrêtés et séquestrés secrètement dans des « maisons fantômes » 72 Dans sa résolution 9/17 du 24 septembre 2008, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, « exprime sa vive préoccupation devant les violations graves du droit de l’homme et du droit international humanitaire au Darfour »25. Exécutions sommaires, détentions arbitraires, disparitions, torture : D’après des sources des Nations Unies, les systèmes de sécurité du gouvernement continuent de perpétrer des violations des droits de l’homme, dont les arrestations arbitraires, les détentions arbitraires, la torture et la maltraitance des détenus26. Parmi les individus ciblés, des leaders de communautés locales et des gens soupçonnés d’avoir des liens avec les mouvements rebelles. Les violations du droit au jugement équitable sont largement répandues. Des individus sont souvent arrêtés et séquestrés secrètement pour de longues périodes par le système des Services de renseignement et de sécurité national du Soudan (NISS), souvent dans des centres de détention non officiels connus sous le nom de « maisons fantômes ». Les détenus y sont généralement internés sans inculpation, ce qui les prive de contester légalement leur détention27. À titre d’exemple, et selon les sources des Nations Unies28, les attaques perpétrées le 10 mai 2008 par le Mouvement pour la justice et l’équité sur Omdourman et Khartoum ont été suivies de centaines d’arrestations à Khartoum par les services secrets soudanais, visant principalement les Darfouriens. D’après les statistiques de la police, 481 personnes ont été arrêtées puis relâchées immédiatement après les attaques. Il a également été rapporté qu’une centaine de civils ont été arbitrairement arrêtés et détenus sans charges, en plus des combattants des mouvements rebelles, 90 d’entre eux sont des présumés enfants soldats. En fin juillet, deux mois et demi après les attaques, on craignait que 500 personnes soient encore détenues par les services secrets soudanais dans des endroits Rapport arabe sur le développement humain 2009 inconnus. D’autres sources mentionnent des statistiques encore plus élevées concernant des détenus soupçonnés d’avoir des liens avec l’attaque, parmi eux des activistes dans le domaine des droits de l’homme, des journalistes, des membres de famille des coupables et des femmes. Tant que les Nations Unies n’ont toujours pas accès aux endroits de détentions à Khartoum, il est impossible de vérifier le nombre exact des détenus. Mais il paraît que la plupart d’entre eux sont des Darfouriens et il existe des preuves certifiant que leur arrestation était fondée sur leur appartenance ethnique29. Le 20 août, 50 membres présumés du Mouvement pour la justice et l’égalité ont été condamnés à mort par les tribunaux anti-terroristes établis par le ministère de la Justice après les attaques du 10 mai 2008. Les procès judiciaires dans ces cours ne sont pas conformes aux normes internationales du jugement équitables. La plupart des accusés n’ont eu droit à un avocat qu’après le commencement de leurs procès et certains ont prétendu être forcés aux aveux sous la torture et d’autres formes de maltraitance30. Abus du pouvoir dans l’exercice du droit au monopole de l’usage de la force et de la coercition La violence s’est gravement répandue parce que l’État du Soudan échouait continuellement à protéger la population civile du combat, à distinguer entre les combattants et les civils, et dans l’usage disproportionné de la force au cours des conflits et des opérations militaires31. L’usage disproportionné de la force : Plusieurs rapports ont fait mention d’attaques aériennes par les forces du gouvernement ayant occasionné plusieurs blessés parmi les civils, y compris les attaques contre des civils à Saraf Jidad, Sirba, Silea et Abu Suruj à l’ouest du Darfour aux mois de janvier et février 2008 et le bombardement de plusieurs villages au nord du Darfour, telles que les attaques aériennes sur le village de Helif le 29 avril et sur les villages de Ein Bissar et de Shegeg Karo le 4 mai 200832. Rien qu’au mois de mai, ces raids aériens ont causé 19 morts et 30 blessés civils, dont des femmes et des enfants. Les informations laissent croire que les raids sur ces villages ont été effectués à l’aveuglette et que leur impact disproportionné sur les communautés civiles ne pouvait justifier les avantages qu’une opération militaire pouvait en tirer33. La riposte de l’État aux attaques du Mouvement pour la justice et l’égalité sur Omdurman le 10 mai : le 10 mai 2008, des membres armés du Mouvement pour la justice et l’égalité du Darfour ont lancé des attaques sur Khartoum. Le Secrétaire général des Nations Unies a condamné ces attaques et a exprimé sa préoccupation quant à ses effets éventuels sur la vie et les propriétés des civils34. Le combat qui a eu lieu au quartier d’Omdurman à Khartoum a entraîné des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international commises par les deux parties. La réplique du gouvernement des semaines après les attaques a engendré de sérieuses violations des droits civils et politiques35. Des rapports ont été dressés sur des atteintes gravissimes commises par les deux parties ; des assassinats ciblés de civils, des coups de feu indiscriminés, l’usage disproportionné de la force et l’exécution de combattants blessés ou captivés de l’ennemi36. Le gouvernement a également mené des attaques aériennes et des raids d’artilleries contre des villages soupçonnés d’héberger des combattants du JEM, occasionnant des blessures graves parmi les civils. Ce genre d’attaques imprécises de zones peuplées représente une violation à la prohibition par le droit humanitaire international des attaques qui ne font pas la distinction entre les cibles militaires et les cibles civiles. Les personnes perpétrant ces attaques ou les ordonnant sont considérées comme étant des criminels de guerre37. Échec à opérer dans le cadre d’un système de poids et contrepoids L’impunité des auteurs des violations des droits de l’homme : L’un des obstacles majeurs qui entravent l’amélioration de la situation des droits de l’homme au Darfour c’est l’impunité des auteurs des violations. Ceci se manifeste dans l’absence de suivi des incidents qui n’ont pas été soumis à des investigations pour identifier les auteurs et les poursuivre en justice, comme c’était le cas de l’attaque de la police de réserve centrale sur Tawilla. Selon les sources des Nations Unies, aucune poursuite judiciaire n’a été engagée contre les auteurs, y compris les responsables, et aucune indemnisation n’a été accordée aux victimes38. La prévalence de l’impunité des criminels et des effets négatifs de leurs actes est très manifeste à travers les incidents de violence sexuelle ou relative au genre au Darfour, ainsi qu’à travers d’autres violations aussi graves prohibées par le droit international39. Le renforcement de l’immunité légale pour les agents de l’État : la loi soudanaise continue d’attribuer des immunités légales aux agents armés de l’État. La nouvelle loi de la police qui traite justement de l’immunité du personnel de la police stipule dans l’article 45 : « 1) Aucune poursuite judiciaire ne doit être engagée contre un agent de police ayant commis un acte considéré comme criminel lors de l’accomplissement de ses missions officielles ou à cause de celles-ci, son jugement ne peut avoir lieu que par autorisation du ministre de l’Intérieur ou d’un délégué. 2) L’État prend en charge l’indemnisation (ou le prix du sang) pour un agent de police au cas où il commettrait un acte considéré criminel lors de l’accomplissement de ses missions officielles ou à cause de celles-ci. 3) Un agent de police faisant face à des procédures juridiques nécessitant sa garde à vue doit rester dans sa caserne, jusqu’à ce qu’il soit statué au sujet des mesures qui doivent être prises à son égard. » Le gouvernement a confirmé que ladite loi attribue au personnel de la police l’immunité contre les procédures légales et que cette immunité peut être levée automatiquement à la demande de la personne contre laquelle le préjudice a été porté. Elle stipule éga lement des procédures en responsabilité dans le cas de violations40. L’un des obstacles majeurs qui entravent l’amélioration de la situation des droits de l’homme au Darfour c’est l’impunité des auteurs des violations Malgré quelques mesures prises par l’État pour réformer les lois, la situation des droits de l’homme reste concrètement effroyable L’insuffisance des réformes de l’État : Malgré quelques mesures prises par l’État pour réformer les lois41, la situation des droits de l’homme reste concrètement effroyable et des rapports continuent à affluer sur les détériorations des conditions dans le pays. Toutes les parties portent atteinte aux droits de l’homme et violent le droit humanitaire international. Il est essentiel que des investigations impartiales, L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 73 transparentes et globales soient entamées pour vérifier les allégations, identifier les auteurs et les punir. Le Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l’homme au Soudan a réitéré sa demande au gouvernement de l’unité nationale de publier les rapports des comités d’enquête pour mettre terme à l’impunité et pour promouvoir le règne de la loi42. Malheureusement, la justice au Darfour est déficiente à cause de l’absence de ressources et de volonté politique. Dans le premier quart de l’an 2006, il y avait un seul procureur dans l’ensemble de l’Ouest du Darfour et il n’y avait pas plus de deux ou trois procureurs pour de longues périodes. Des rapports établissent qu’en juillet 2007, plusieurs procureurs sont arrivés à la région. Cependant, la majorité d’entre eux résidaient dans les grandes villes loin des détenus et des plaignants dans les villages lointains, depuis longtemps privés d’un système de justice équitable, accessible et fonctionnel43. Après avoir traité des obstacles entravant la capacité de l’État à garantir la sécurité humaine, la partie suivante s’intéressera aux possibilités d’instaurer le règne de la loi dans l’avenir. Le premier pas dans ce long chemin serait la réforme des systèmes de gouvernance dans le dessein de mettre fin aux actes discriminatoires et aux violations de la sécurité humaine. 2e partie : La voie de la réforme Les gouvernements arabes ont tenté à plusieurs reprises, durant la dernière décennie, de traiter la question de la réforme. Simultanément, le rôle des mouvements politiques et de la société civile s’est remarquablement accru. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, plusieurs pays arabes ont été poussés par les forces occidentales à mettre en œuvre une réforme politique. Ces trois facteurs ont joué différents rôles dans les tentatives de réforme dans les pays arabes. Les Forums de la jeunesse arabe, dont la tenue a coïncidé avec l’établissement de ce rapport, ont vivement condamné les aspects de faiblesse politique dans la région, tout en critiquant sévèrement le parcours politique général sur plusieurs échelles. Dans leur analyse de l’absence de sécurité dans les pays arabes, les participants ont insisté sur l’exclusion de la société civile de la prise des décisions ; l’absence des libertés politiques ; la politisation de l’islam ; l’absence des fondements principaux de la bonne gouvernance ; le terrorisme ; l’absence de la dévolution pacifique du pouvoir ; la répression du pluralisme ; les obstacles auxquels les jeunes font face pour accéder aux postes étatiques ; la répression des minorités ; la bureaucratie suffocante et la prévalence 74 Rapport arabe sur le développement humain 2009 de la corruption au niveau des organismes gouvernementaux. Beaucoup ont signalé que les formes de démocratie présentes dans les pays arabes ne sont que des prétentions et des présomptions. Par ailleurs, certains ont affirmé que la démocratie ne peut être importée de l’extérieur, mais doit être encouragée et développée dans le cadre de la culture arabe. Les jeunes du Mashreq arabe ont abordé la question de la faiblesse des groupes de l’opposition politique qui, à leur avis, ne jouent aucun rôle. La même critique a été reprise par les jeunes du Maghreb arabe. L’unanimité s’est établie autour du fait que le plus grand danger qui menace la sécurité humaine dans le monde arabe provient des régimes autoritaires, des restrictions des libertés fondamentales et des déficiences au niveau de l’institutionnalisation, de la transparence et de la responsabilisation. Les jeunes libanais convinrent avec leurs pairs au Maghreb arabe du fait que l’intervention étrangère a exacerbé les conflits politiques internes dans la région. Quant aux participants égyptiens et soudanais, ils ont approché les dangers de la détention arbitraire et de la torture que les citoyens, et surtout les étudiants et les membres des groupes de l’opposition, encourent. 1. Les efforts des gouvernements pour la réforme Des initiatives de réformes politiques prises par des leaders dans les pays arabes se sont succédé au cours des dernières années. Elles ont débouché, entre autres, sur la mise en place d’assemblées représentatives élues aux Émirats arabes unis, à Oman et à Qatar ; le retour d’un parlement élu à Bahreïn ; le déroulement des élections présidentielles à candidatures multiples en Égypte en 2005 et l’organisation d’élections partielles des conseils municipaux en Arabie saoudite en 2006 (bien qu’elles soient limitées aux hommes). Ces initiatives de réformes ont également abouti à la promulgation du code de l’état civil en Algérie et au Maroc ainsi qu’à la mise en place de la « commission de l’équité et de la réconciliation » au Maroc. Les motivations de ces réformes sont largement débattues. Pour certains, les gouvernements obéissent à la nécessité : le malaise et les agitations populaires ont poussé les gouvernements à apporter du changement et à prévenir d’éventuels troubles à l’ordre public. D’autres y voient un « conseil » donné par les alliés stratégiques de ces gouvernements et qui consiste à faire des concessions aux demandes populaires au lendemain de la guerre du Golfe en 1991 ou de l’invasion de l’Irak en 2003. Quelles qu’en soient les motivations et aussi significatives qu’elles puissent être, ces réformes n’ont rien changé aux bases structurales du pouvoir dans les États arabes où l’exécutif domine toujours et n’est soumis à aucun contrôle. Certainement, la valeur des réformes introduites par les gouvernements a diminué du fait des amendements constitutionnels et législatifs restreignant les droits des individus dans d’autres domaines, en particulier leur droit à l’organisation et la participation à des élections libres et impartiales. La nouvelle constitution irakienne a été accompagnée d’une extension de l’état d’urgence qui permet la suspension des dispositions constitutionnelles relatives aux libertés. En Égypte, l’amendement de l’article 76 de la constitution sur les élections présidentielles, permettant les candidatures multiples, a été suivi de la promulgation d’une loi limitant le droit à la candidature aux chefs de partis déjà existants au moment de la mise en application de la loi. L’état d’urgence a été prorogé en mai 2008 pour deux années supplémentaires ou jusqu’à la promulgation d’une loi antiterroriste. Ceci a été suivi d’une approbation d’amendements constitutionnels autorisant le transfert des civils aux tribunaux militaires et interdisant la création de tout parti se réclamant d’une religion ou d’une classe sociale, et l’organisation d’une activité politique quelconque sur un fondement religieux. Dans le même contexte, en Algérie, l’approbation de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui traite des effets des confrontations violentes des années 1990, a été suivie de l’extension de deux années du mandat présidentiel, de l’annulation de la limitation du nombre de mandats présidentiels et de la continuation de la dissolution du Front islamique du salut. De même, en Tunisie, la constitution a été amendée pour prolonger l’âge maximum du président et pour annuler la limitation du nombre de mandats présidentiels. Quant au Parti de la renaissance, de tendance islamique, il n’est toujours pas reconnu légalement. L’Arabie saoudite, les EAU, Qatar et le Soudan ont tous suivi le même chemin : le gouvernement des Émirats a proclamé les élections du Conseil national de l’unité, sauf qu’il a limité les membres élus à la moitié et les électeurs à deux mille seulement, choisis par les gouverneurs des sept émirats. L’Arabie saoudite a autorisé la constitution d’une organisation pour les droits de l’homme, mais le processus électoral n’a eu lieu que dans quelques villes et uniquement au niveau des conseils municipaux. Le gouvernement soudanais a annoncé la promulgation d’une nouvelle constitution après la ratification de l’accord de Nivasha, et a ensuite établi une loi par laquelle il s’accorde de larges prérogatives quant à l’acceptation et la dissolution des associations politiques. Enfin, Qatar a mis au point une constitution appelant aux élections du Conseil de l’État, puis il a provisoirement privé quelque six mille citoyens de la nationalité sous prétexte qu’ils n’avaient pas de preuves justifiant leur appartenance à la nation44. Les journalistes et les académiciens pensent souvent qu’il existe plusieurs courants au sein des élites au pouvoir dans les États arabes. Certains vont plus loin dans la description de ces courants – entre L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives Des initiatives de réformes politiques prises par des leaders dans les pays arabes se sont succédé au cours des dernières années Les motivations de ces réformes sont largement débattues 75 Les lignes séparatrices les plus importantes au sein des élites au pouvoir reflètent apparemment un écart entre les générations Les gouvernements arabes ont suivi différentes politiques avec les mouvements islamiques 76 fondamentalistes rigides et réformistes – et associent l’adoption des réformes à ce qu’ils croient être la montée en force du courant réformiste. Il est vrai que certains membres des élites au pouvoir, et même leurs institutions, ne convergent pas toujours sur tous les détails de la politique publique. Toutefois, rien ne dit que ces divergences portent sur la transition à une démocratie meilleure. En réalité, les lignes séparatrices les plus importantes au sein des élites au pouvoir dans les États arabes – celles qui sont visibles aux observateurs extérieurs – reflètent, apparemment, un écart entre les générations, entre les centres de pouvoirs institutionnels et entre les affiliations idéologiques. Les divisions idéologiques au sein des élites au pouvoir dans les pays arabes sont également considérées comme un obstacle à la réforme. Leur trait principal est la division entre les mouvements islamiques, qui envisagent de restructurer le système politique dans leurs pays selon leur conception de la charia islamique, et entre la majorité des membres des élites au pouvoir, qui montrent leur respect envers les principes de la charia mais qui sont ouverts à d’autres sources qui les guident dans le développement du système politique. Cette division est beaucoup plus apparente dans les États qui permettent aux mouvements islamiques de participer à l’activité politique, bien qu’ils ne soient pas reconnus en tant que partis politiques. Alors que les mouvements islamiques en opposition demandent plus de liberté politique, la principale différence entre eux et les élites au pouvoir est sur la manière d’adopter des lois islamiques et la façon dont chaque partie en conçoit l’application. 2. Demandes de réforme : les groupes sociétaux La transformation peut-elle se réaliser par la mobilisation politique des groupes sociétaux qui considèrent que leurs intérêts et ceux de l’État convergent vers le règne de la loi ? Dans les pays arabes, quatre pouvoirs peuvent jouer un rôle à cet égard, les groupes d’opposition politique (à leur tête les mouvements islamiques), les organisations de la société civile, les gens d’affaires et enfin les citoyens, quand la chance se présente à eux pour participer aux Rapport arabe sur le développement humain 2009 élections. Quelles sont donc les possibilités de changement que ces parties peuvent apporter dans l’avenir ? Les forces de l’opposition politique et les mouvements islamistes Dans la plupart des pays arabes qui mani festent des formes de multipartisme, tels que l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, la Tunisie et le Yémen, ou dans les pays arabes où le multipartisme est instauré depuis l’indépendance, tels que le Liban et le Maroc, le mouvement islamique représente l’élément le plus important de l’opposition politique. De plus, les mouvements islamiques font partie des groupes principaux au pouvoir depuis la chute de Saddam Hussein en Irak, le coup d’État d’août 1989 au Soudan et les élections de 2006 dans le Territoire palestinien occupé. Certains mouvements islamiques de l’opposition soutiennent la réclamation du droit à la création de partis politiques, du droit syndical, de la liberté de la pensée, des élections justes et de la limitation du pouvoir exécutif. Les gouvernements arabes ont suivi différentes politiques avec les mouvements islamiques. Ils ont, entre autres, adopté certaines de leurs demandes et leur ont accordé le droit syndical et le droit à la participation politique côte à côte avec les autres partis comme c’est le cas dans le Territoire palestinien occupé, au Yémen et, dans une certaine mesure, au Maroc. Les associations islamiques technocrates existent également à Bahreïn et au Koweït. Par contre, en Égypte et en Tunisie les mouvements islamiques sont carrément interdits et le gouvernement algérien a banni l’aile principale de ce mouvement. Et pourtant, le gouvernement égyptien donne le droit aux membres des Frères musulmans de participer aux élections en tant que candidats indépendants. Dans tous les cas où les gouvernements arabes font des concessions pour le pluralisme politique, ils prennent, néanmoins, des précautions contre une victoire éventuelle des mouvements islamiques aux élections parlementaires et recourent à des voies juridiques (en utilisant leur majorité dans les assemblées représentatives) et administratives pour les empêcher d’arriver au pouvoir. Malgré leur positionnement sur la scène politique, la transition vers la démocratie n’est pas la demande stratégique des mouvements islamiques. C’est plutôt leur chemin vers le pouvoir, qui leur permettra de mettre en œuvre leur but stratégique qui n’est autre que la reconstruction des sociétés arabes sur leur vision de l’islam. Sans commentaire sur les intentions de leurs leaders, elles constituent à juste titre l’objet de doute de certains groupes dans les pays arabes et ailleurs. La préoccupation majeure au sujet de ces mouvements est qu’une fois arrivés au pouvoir, ils annuleraient les mêmes libertés dont ils avaient besoin pour y accéder. La liberté de croyance, d’opinion et d’expression ainsi qu’une panoplie de libertés personnelles ont été, à plusieurs occasions, considérées par quelques leaders de l’opposition islamique comme étant incompatibles avec ce qu’ils croient être le vrai islam. Les manifestes de certains de ces mouvements, tels que le programme des Frères musulmans en Égypte, n’ont pas dissipé ces doutes45. D’autre part, vu la réputation populaire des mouvements islamiques, il n’est pas concevable de continuer à empêcher les groupes qui refusent d’utiliser la violence de constituer des partis politiques légalement reconnus. Encadré 3-6 Les organisations de la société civile Les mouvements de la société civile sont actifs dans plusieurs pays arabes où ils ont développé une identité politique et commencé à exprimer leurs attitudes envers les questions d’actualité. Alors que la résistance aux appels ardents des organisations de la société civile à la transparence et davantage de liberté d’expression en Tunisie et en Syrie ont abouti à la suspension de leur activité dans ces deux pays, les mouvements au Liban, en Égypte et au Maroc ont réalisé un très grand progrès. Les méthodes adoptées par le mouvement « Kifaya » en Égypte ont poussé les citoyens à profiter des rassemblements de contestation pour imposer leurs demandes au gouvernement. Ceci a été reflété par une vague sans précédent de contestations populaires auxquelles ont participé différentes classes et tranches sociales notamment en 2007 et 2008. Les réactions des gouvernements arabes aux pressions des organisations de la société civile appelant à l’octroi des droits sont divergentes. Certains interdisent l’activité de ces organisations, d’autres la tolèrent Il n’est pas concevable de continuer à empêcher les groupes qui refusent d’utiliser la violence de constituer des partis politiques légalement reconnus La deuxième déclaration d’indépendance : Vers une initiative de réforme politique dans le monde arabe Plusieurs organisations arabes de la société civile ont saisi l’occasion du Sommet arabe de Tunis qui a eu lieu en mai 2004 pour réitérer l’appel fait en dehors du cadre officiel lors d’une conférence organisée à Beyrouth en mars 2004. Cinquante-deux organisations venant de treize pays arabes ont assisté à cette conférence. Cette rencontre a eu lieu grâce à l’initiative de l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme, Human Rights Watch, et l’Organisation palestinienne des droits de l’homme. La conférence a donné naissance à un document intitulé « la deuxième déclaration d’indépendance », qui résumait les revendications de la société civile pour un changement politique, tout en rejetant les propositions de réforme provenant de l’extérieur, soulignant que ces propositions ne refléteraient pas l’intérêt arabe. La déclaration a fixé les principes de la réforme politique dans la région arabe. Elle a appelé : • Au respect du droit à l’autodétermination pour tous les peuples • À l’adhésion aux principes des droits de l’homme, et le rejet de toutes les interprétations basées sur le particularisme culturel et la manipulation du nationalisme. • Au rejet de la fragmentation des droits de l’homme et la hiérarchisation de certaines catégories de droits par rapport à d’autres. • À la tolérance entre les différentes religions et écoles de pensée. • À l’établissement de structures parlementaires solides. • À l’intégration des garanties dans les Constitutions arabes pour le pluralisme politique et intellectuel. • Au rejet de la violence dans la vie politique. • À l’opposition à l’état d’urgence sauf en cas de guerre ou de catastrophe naturelle. Source : Institut du Caire pour l’Étude des droits de l’homme 2004. L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 77 Les organisations de la société civile jouent un rôle cardinal dans la mise en lumière des questions des droits de l’homme Encadré 3-7 tout en la rendant difficile au maximum par les procédures routinières, en mettant des obstacles à l’opération de leur enregistrement et en imposant un audit très strict sur leur financement, surtout s’il provient de l’étranger. La majorité de ces organisations s’est habituée à ces restrictions et essaye de leur faire face. Pour la plupart d’entre elles, la promotion du développement démocratique dans les pays arabes peut se faire via des canaux principaux comme l’élaboration de déclarations qui expriment l’attitude envers les questions de liberté, la sensibilisation par le biais de la publication de rapports sur la situation des droits de l’homme dans les pays en question et l’organisation de cycles de formation et de congrès sur les questions relatives aux Le secteur privé dans le monde arabe – Plan d’action : feuille de route pour une réforme Le secteur public et le secteur privé n’ont pas un rôle distinctif et indépendant au Moyen-Orient, la ligne de démarcation entre ce qui est public et ce qui est privé n’est pas clairement définie. Il faudrait oublier la notion du secteur privé telle qu’elle est connue dans les pays occidentaux où le système juridique est très développé, et où la transparence et la responsabilisation du gouvernement et des entreprises de façon équitable nous donne une idée claire sur la division entre les deux. Ces mesures-là ne s’appliquent pas aux pays du Moyen-Orient/Golfe puisque l’État détient toujours les dix plus grandes entreprises du Conseil de coopération du Golfe (CCG) (ex. : SABIC, Emirates Bank Group, Qatar Telecom). Le secteur privé est également dominé par les affaires de familles qui ont des relations étroites avec l’État. Ce sont ces relations qui définissent la position du secteur vis-à-vis de la réforme politique. Il ne s’agit pas d’un fait inhabituel ou surprenant : dans tous les pays industrialisés, les grandes familles en affaires essayent de nouer des relations étroites avec les centres du pouvoir politique, et courent parfois après des postes importants. La demande pour une plus grande transparence ainsi que pour une réforme politique est le résultat de l’élargissement progressif des classes d’entrepreneurs, et la concurrence croissante entre les groupes d’affaires. Dans certains cas, cela a conduit à des exigences claires pour une plus grande transparence et à la responsabilisation des décisions gouvernementales, surtout en ce qui concerne les intérêts commerciaux. À la lumière de ce qu’a été dit, le secteur privé joue un rôle réformateur lorsque les gouvernements sont dans la plupart des cas incapables de planifier et d’entretenir une réforme politique. Le secteur privé devrait aller au-delà de ses limites naturelles pour encourager les gouvernements à prendre des mesures réformistes ayant une influence directe sur ses intérêts ; c’est le cas de la réforme judiciaire. Le secteur privé pourrait commencer par la création d’associations non-politiques ou de groupes de travail représentant la société civile. Il pourrait donc prendre des initiatives et agir en tant que partenaire du gouvernement pour effectuer des mesures réformistes efficaces. Source : Sager 2007. 78 Rapport arabe sur le développement humain 2009 droits de l’homme. Certaines organisations recourent à la loi lorsque l’occasion se présente pour mettre terme aux violations à travers les tribunaux. Les organisations de la société civile jouent un rôle cardinal dans la mise en lumière des questions des droits de l’homme et dans la sensibilisation du public à travers leurs interventions à ce sujet. Toutefois, l’image générale de ces organisations est souvent faussée par les gouvernements qui les accusent d’être des agents des États étrangers et de dépendre du financement de ces derniers. Ces organisations affrontent également beaucoup de complications, d’obstacles et de harcèlements imposés par l’État pour limiter l’adhésion à ces organisations. De plus, les efforts de ces organisations pour instaurer le règne de la loi dans les sociétés arabes ont été entravés par la réticence des partis politiques à coopérer avec elles. Les gens d’affaires Le secteur privé ne joue pas un rôle politique indépendant dans les pays arabes, même si son émergence a eu lieu dans la vie politique des économies du marché en pleine croissance dans la région. Jusqu’à présent, les gens d’affaires n’ont été que des partenaires secondaires de la bureaucratie de l’État. La raison principale qui empêche les gens d’affaires de devenir une force influente est le poids économique important de l’État dans les pays arabes – qui dépasse celui des autres pays en voie de développement dans la région. En effet, le taux de consommation des États et leurs revenus par rapport au PIB sont supérieurs à ceux des autres pays du Sud. C’est ce qui permet aux pays arabes de contrôler la vie économique contrairement aux autres pays en développement. Ce contrôle repose en grande partie sur le pétrole, dont les revenus vont au gouvernement, et qui est la source principale des revenus directs et indirects des pays arabes exportateurs de pétrole. Dans un certain nombre de pays arabes, comme l’Algérie, l’Égypte, la Libye et le Soudan, l’État a préservé une grande partie du secteur public, dont le rôle est toujours influent dans l’économie, malgré ses actions de transfert des actifs de l’État vers le secteur privé et les entreprises étrangères. Les recettes de l’état par rapport au PIB dans les États du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) dépassent largement celles des pays du Sud en général, ce qui permettrait de clarifier ces observations. En 2005, ce taux a atteint 25,6 % dans les pays de la région MENA, et 13,0 % dans les pays à bas revenu, alors que dix ans auparavant (1995) la moyenne de ces pays était de 26,1 %, 13,3 % dans les pays à bas revenu, et 17,2 %46 dans les pays à revenu moyen. D’après le Rapport conjoint sur l’économie arabe – Joint Arab Economic Report (JAER) – 2006, ce taux a atteint son maximum en 2005 dans les pays membres de l’OPEP, avec 68,4 % en Libye, 48,62 % en Arabie saoudite et, autour de 40 %, en Algérie, Oman, Qatar, Koweït ; et entre un tiers et moins d’un cinquième dans les autres pays arabes. Le taux le plus bas a été retrouvé au Soudan où il a atteint 17,84 %. Cette augmentation pourrait être expliquée par le fait que le pétrole, dont les revenus vont en grande partie à l’État, représente 71 % du revenu total du gouvernement des pays arabes47. Ce genre d’économie politique se traduit par la domination du gouvernement sur le secteur privé dans la plupart des pays arabes. Le gouvernement reste le partenaire principal, soit parce qu’il a des structures enracinées dans le secteur privé comme c’est le cas dans les pays du Golfe, soit parce que les banques détenues par l’État sont la source d’accumulation de capitaux pour les grandes entreprises privées, soit parce que les contrats gouvernementaux représentent une source de profits pour les entreprises qui exécutent les projets48. Contrairement au rôle qu’a joué le secteur privé dans la promotion de la transition démocratique dans certains pays d’Amérique latine et d’Asie du Sud, notamment la Corée du Sud, les échelons supérieurs du secteur privé dans les pays arabes, à l’exception de quelques pays, restent les partenaires du gouvernement et leur influence ne cesse d’augmenter. Même lorsque les gouvernements arabes se dirigent vers le pluralisme politique, les gens d’affaires du secteur privé ont tendance à soutenir le parti ou la famille au pouvoir. Les partis politiques libéraux ayant une base sociale influente auprès des gens d’affaires, ou au sein de la classe moyenne progressiste, n’existent pas. Ainsi, les entrepreneurs arabes de la région n’ont pas eu un rôle dans le processus de réforme politique. Ils se sont peut-être contentés de l’influence politique et de l’espace économique qu’ils ont obtenu grâce au passage aux politiques de marché dans les pays arabes. Le rôle des citoyens arabes Les entrepreneurs arabes de la région n’ont pas eu un rôle dans le processus de réforme politique Peu de citoyens arabes pensent avoir le pouvoir, en qualité de citoyens individuels, de changer les conditions actuelles de leur pays à travers la participation politique. Ce qui explique le faible niveau de participation politique dans les États arabes les plus stables. L’augmentation du niveau de participation dans d’autres pays est liée soit à la mobilisation réussie des électeurs sur des bases confessionnelles ou tribales n’ayant généralement aucun rapport avec les questions politiques, comme c’est le cas Tableau 3-3 La participation électorale dans 18 pays arabes entre 2003 et 2008 État Parlementaire Présidentielle Locale Algérie 35,5 % (2007) 59,3 % (2004) -- -- -- 70 % (2005) Bahreïn 72 % et 73,6 % (deux tours en 2006) -- 61 % (2006) Djibouti 72,6 % (2008) 78,9 % (2005) -- 23 % (2005) -- 79,6 % (2005) -- -- 54 % (2007) -- 56 % (2007) Koweït 59,4 % (2008) -- moins de 50 % (2005) Liban 46,4 % (2005) -- -- Maroc 37 % (2007) -- 54 % (2003) 70,1 % et 67,5 % (deux tours en 2007) 73,4 et 69,4 % (deux tours en 2006) -- -- Arabie saoudite Égypte Irak Jordanie Mauritanie 31,2 % (2007) 28,1 % (2005) 73,4 % et 69,4 % (deux tours en 2006) 98,2 % et 97,9 % (deux tours en 2007) Oman 62,7 % (2007) Qatar -- -- 30 % (2007) Soudan -- 86 % (2000) -- Syrie 56 % (2007) 95,8 % (2007) 49,5 % et 37,8 % (2007) TPO 77,6 % (2006) 66,5 % (2005) -- Tunisie 91,4 % (2004) 91,5 % (2004) 82,7 % (2005) Yémen 75,9 % (2003) 65,1 % (2006) 65 % (2006) Source : PNUD/Bureau régional pour les États arabes 2008, Union interparlementaire 2008, Organisme général de l’information votre accès à l’Égypte 2008. (Voir les références statistiques.) L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 79 La région est soumise à des pressions extérieures visant la réalisation de transformations politiques Encadré 3-8 au Koweït et au Yémen, soit à l’atmosphère tendue de certaines élections, c’est le cas de l’Irak et de la Mauritanie après l’abandon provisoire du régime militaire en mai 2007. Enfin, l’augmentation des niveaux de participation dans des États comme la Tunisie ou le Yémen n’a pas nécessairement conduit à de réelles avancées dans le processus de réforme politique dans ces deux cas. La demande populaire pour une transformation démocratique et la participation des citoyens dans ce processus est un développement à la fois naissant et fragile dans les pays arabes. Ces objectifs ne figuraient pas parmi les priorités de la majorité des mouvements de protestation qui ont eu lieu ces trois dernières décennies. Historiquement, parmi les vagues de protestation publique les plus importantes dans les villes arabes, on retrouve celles qui se dressaient contre les mesures gouvernementales prises par les pays arabes en réponse aux prescriptions du Fonds monétaire international. C’est le cas de l’Égypte en janvier 1977, du Maroc en 1981 et en 1984, de la Tunisie en 1985, de l’Algérie en 1988 et de la Jordanie en 1989. Dans certains cas, comme celui de l’Algérie et de la Jordanie, ces protestations ont conduit à l’adoption d’importantes réformes politiques qui n’ont pas été toujours maintenues. Ces réformes représentaient cependant une forme de compensation donnée aux citoyens pour avoir permis à ces politiques économiques de se développer, quoique progressivement. L’absence de démocratie en tant que pierre angulaire et principale revendication des mouvements organisés de l’opposition, des mouvements de masse, et des électeurs en général, a longtemps porté les gouvernements arabes à croire qu’une réelle pression intérieure imposant une évolution démocratique n’aura pas lieu, et que la situation ne nécessite donc pas une attention particulière49. 3. Les pressions extérieures Les perspectives de transition vers une primauté de la loi à travers les forces dynamiques intérieures paraissent limitées et instables, ce qui explique la vulnérabilité de la région aux pressions extérieures visant la réalisation des transformations politiques. Les pouvoirs occidentaux ayant des intérêts stratégiques au MoyenOrient ont effectivement lancé plusieurs appels où ils revendiquent le respect des droits de l’homme, la mobilisation de la société civile et l’accélération de la réforme politique. Les initiatives les plus importantes de ce genre ont eu lieu dans le contexte du Processus de Barcelone en 1995 et du G8 de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient élargi en juillet 2004. On pourrait ajouter à ces actions les activités de l’ancienne administration américaine, Enquête sur la sécurité humaine – La participation politique par rapport à l’abstentionnisme L’enquête a révélé que l’intérêt des citoyens aux élections était relativement faible au Maroc, un de ces pays arabes qui ont progressé vers une libéralisation politique. Il est évident que la participation aux élections pour cet échantillon de personnes n’est pas considérée comme un moyen nouveau et décisif pour influencer le parcours de l’État. L’intérêt, comme l’indique le taux de participation aux élections, a été plus élevé dans deux pays où la participation politique populaire a consolidé la montée des forces confessionnelles (Liban), ou l’approfondissement du schisme politique (le Territoire palestinien occupé). Au Koweït, la petite proportion de l’échantillon intéressée par les activités de volontariat et la participation politique révèle de façon claire un certain degré d’apathie du public. % 80 60 40 20 0 Koweït Liban Participation aux activités de volontariat Participation régulière aux élections Participation occasionnelle aux élections 80 Rapport arabe sur le développement humain 2009 Maroc TPO telles que « l’Initiative de partenariat du Moyen-Orient », et les déclarations politiques de l’ex-président américain appelant à une transition démocratique dans les pays arabes. Cependant, le discours politique des États-Unis sur la réforme dans les pays arabes était contradictoire au cours de ces dernières années. En 2004, les États-Unis ont fortement préconisé l’introduction de changements démocratiques tangibles dans le « Grand Moyen-Orient ». Plus tard, la politique américaine a préféré des déclarations politiques plus prudentes puisqu’elle a jugé nécessaire de faire des alliances avec des gouvernements arabes non démocratiques mais coopératifs dans Encadré 3-9 la soi-disant « guerre contre la terreur ». Après 2006, les efforts diplomatiques des États-Unis se sont tournés vers d’autres priorités. L’objectif principal de cette diplomatie n’était plus la réforme politique au Moyen-Orient comme c’était le cas en 2004 et 2005, mais plutôt de surmonter les réserves arabes sur la conférence de paix au Moyen-Orient qui réunira les dirigeants arabes, les Israéliens, les Palestiniens et les Américains, de s’assurer le soutien des pays arabes afin de stabiliser le gouvernement irakien, et de joindre les pays arabes aux efforts internationaux visant à convaincre le gouvernement iranien à renoncer à son programme d’enrichissement de l’uranium. Azmi Bishara* – Les droits de l’homme et la citoyenneté : la première pierre de la construction d’une nation La citoyenneté est la deuxième face de la souveraineté. L’accomplissement de la souveraineté, dans son sens moderne, va de pair avec l’avènement de la pleine citoyenneté. Une société solide est une société qui garantit à ses habitants une citoyenneté stable, et ne considère pas la citoyenneté comme un cadeau à donner ou à retirer, protège son peuple des autorités arbitraires et tyranniques, prend en charge leur santé et leur éducation et les protège à un âge avancé. La création de ce genre de société est l’un des éléments les plus importants de la construction d’une nation. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des pays en voie de développement, avec leurs institutions faibles, leurs sphères publiques émaciées, profondément prises dans le processus d’autoréalisation. Beaucoup de ces États ont succombé à l’idée que la création d’une armée en uniforme, un gouvernement centralisé, un système éducatif nationalisé, une histoire officielle « unifiée », une compagnie aérienne nationale, est ce qu’il faut pour construire une nation. Le défi de former une société stable est devenu plus grand dans les conditions confessionnelles et le pluralisme ethnique qui peuvent transformer des questions politiques en questions identitaires et en conflits horizontaux entre les groupes religieux, culturels, et ethniques. La citoyenneté complète dépasse les limites du formel et empêche l’unité nationale de s’effondrer. Plus on ajoute de composantes aux droits de citoyenneté, plus son sens s’élargit. C’est cette diversité qui fait la force de la société. Au niveau arabe, on pourrait affirmer que les droits civils et politiques de la citoyenneté sont incomplets, ce qui vide la citoyenneté de son contenu. En réalité, dans plusieurs cas arabes la citoyenneté ne veut rien dire. Dans les États n’ayant pas une grande classe moyenne, où la croissance économique et la privatisation dans certains cas et la corruption dans d’autres sont accompagnés d’un appauvrissement généralisé, le discours sur les droits politiques et civils n’a pas de sens s’il n’est pas accompagné d’un débat sur les droits sociaux. Le droit au travail, le droit à un traitement médical, le droit à l’éducation et le droit à un logement convenable sont tous des exemples de droits sociaux. Ils ne sont garantis que par des institutions soutenues par l’État et financées par une économie nationale à base de revenus fiscaux. L’exception, bien sûr, c’est l’État rentier qui achète l’acceptation des gens, moyennant des dons, tout en réduisant au strict minimum leur représentativité. Ces questions sont des composantes liées et interdépendantes. Lorsque la classe moyenne est soit inexistante, soit en érosion ou en atrophie, comme c’est le cas dans la plupart des pays arabes, elle ne peut pas revendiquer ses droits sociaux. L’absence de ces droits peut polariser la nation. Les membres de la classe privilégiée reçoivent des soins médicaux dans les meilleurs hôpitaux, dans le pays ou à l’étranger, et reçoivent leur éducation dans des écoles privées. Les pauvres sont incapables de consulter un médecin, d’obtenir un traitement, de garantir une vie décente à leurs enfants ou de se protéger contre la vieillesse. Ils se dirigent vers l’enseignement public de masse dont la qualité a baissé à cause de la négligence et du sous-investissement. Cette incapacité flagrante à subvenir aux besoins essentiels et à fournir les bases fondamentales d’une vie décente se reflète sur les domaines culturel, religieux et même linguistique ; on remarque par exemple l’orientation de l’éducation privée des classes privilégiées vers la domination de l’aspect religieux conservateur sur le système d’enseignement officiel en langue arabe. Dans les deux cas, au fil du temps, la citoyenneté commune perd son sens : le pouvoir en place continue à imposer son autorité sur le pays en lançant un appel à l’unité nationale pour faire face à d’autres forces ou parties hostiles plus puissantes, ou à des complots intérieurs ou extérieurs. Les garanties sociales communes et les institutions qui les soutiennent, financées par les revenus publics dans l’intérêt du public, ne se limitent pas à différencier clairement misère et vie décente, mais constituent également de nos jours des éléments importants nécessaires à la construction d’une nation. * Ancien député du Parti national démocratique au Knesset israélien, et écrivain politique palestinien. L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 81 Ce chapitre insiste sur le grand écart entre les attentes des citoyens arabes et la réalité La réforme intrinsèque demeure le premier choix et l’idéal pour l’instauration d’une sécurité complète dans les pays arabes Il n’est pas surprenant que les victoires électorales de certains mouvements islamiques pendant ces dernières années réduisent l’enthousiasme des parties extérieures vis-à-vis de réformes qui amènent au pouvoir des groupes opposés à leurs intérêts. En 2007, le président Bush a reconnu la difficulté d’une transition démocratique qui, selon ses propres termes, a permis aux ennemis de la démocratie de se regrouper et de mener une campagne contre les démocraties nouvellement créées dans la région, en Irak et au Liban en particulier. Quelles que soient les raisons qui ont mené à l’adoption d’une réforme politique comme étant le premier objectif de la politique du « Grand Moyen-Orient », sa relégation a confirmé les craintes des réformateurs arabes. Ils ont conclu que la démocratie dans la région, du point de vue des grandes puissances, n’est importante que dans la mesure où elle réalise leur propre sécurité et objectifs, sinon elle occupe une place inférieure dans l’échelon de leurs priorités. Pour refléter cette tendance régionale, la question de la réforme n’occupe plus une place importante dans les communiqués publiés par les sommets arabes. Dans ce contexte, une comparaison pourrait être établie entre les résolutions publiées lors de la conférence de Tunis intitulée « le Sommet du développement et de la modernisation » en 2004 et celles publiées plus tard dans d’autres pays arabes. Le sommet de Tunis a abordé les questions de la société civile, les droits de la femme et les droits de l’homme, comme sujets principaux, en plus de la ratification de la Charte arabe des droits de l’homme. Les autres sommets ont cependant pris une position défensive et apologétique, en soulignant l’importance de la sécurité arabe, les dangers qui la menacent et l’importance de préserver l’identité arabe. Conclusion Ce chapitre a examiné le rôle joué par les États arabes pour garantir la sécurité humaine telle qu’elle est définie dans ce Rapport. Il a évalué la performance des États arabes selon quatre critères et conclu qu’il existe une déficience au niveau de ce que l’État présente en vue de garantir la sécurité humaine nonobstant les engagements constitutionnels des États arabes et 82 Rapport arabe sur le développement humain 2009 les chartes internationales ratifiées par la majorité d’entre eux L’État qui respecte l’autorité des lois et les droits civils et politiques est le meilleur garant de la sécurité humaine. Ce chapitre insiste sur le fait qu’un grand écart existe entre les attentes des citoyens arabes pour la protection de leurs droits et libertés, et la réalité, même si la distance entre les deux n’est pas la même dans tous les États arabes. Ce chapitre établit que la diversité ethnique, confessionnelle, tribale et religieuse ne constitue pas en elle-même un danger pour la sécurité humaine. Toutefois, il est évident que dans les pays arabes la politisation des identités conduit à la polarisation, à la violence et aux conflits armés. La tolérance active de la diversité est le seul moyen certain de pallier l’éruption potentielle de conflits communaux. La responsabilité de maîtriser les situations volatiles revient aux États arabes qui sont censés gérer leur propre diversité à travers les politiques d’insertion sociale et d’équité. La coexistence pacifique dans les sociétés multiethniques et multiconfessionnelles dépend des formes évoluées de la citoyenneté. Les répercussions catastrophiques de l’incapacité d’adopter ce comportement se manifestent dans l’effondrement de l’État tout entier. En outre, ce chapitre a analysé les limitations des facteurs contribuant au processus de réforme. Les réformes introduites par les gouvernements arabes ont généralement pour but de maintenir le contrôle sur la population au lieu de renforcer la sécurité humaine. L’État privilégie encore sa propre sécurité aux dépens de celle de la société. La société elle-même, et principalement ses élites économiques, la société civile et celle des groupes d’opposition, est faible et manque d’un agenda de réforme. Pour sa part, la communauté internationale a adopté des politiques et des initiatives intrusives qui ont entravé la réforme arabe, d’abord par la superficialité et ensuite par l’ambiguïté diplomatique. Le résultat final est que les États arabes sont toujours à la traîne des pays en voie de développement dans l’adoption de sérieuses mesures pour le renforcement de la sécurité humaine de leurs citoyens. La réforme intrinsèque demeure le premier choix et l’idéal pour l’instauration d’une sécurité complète dans les pays arabes, à commencer par les droits fondamentaux des gens. Cette réforme ne peut être imposée de l’extérieur, et les modèles de démocratie ne peuvent être importés en bloc. Les pays arabes doivent adapter les différentes formes institutionnelles au contexte de chacun d’entre eux, tant que ces formes respectent tous les droits de l’homme, préservent les libertés, garantissent la participation du peuple et assurent le règne de la majorité d’une part et les droits de la minorité d’autre part. Tous les groupes sociaux doivent être autorisés à s’organiser et à concurrencer dans l’espace public tant qu’ils respectent le droit à la différence et ne recourent ni à la violence ni à l’avortement du processus démocratique. En somme, la relation entre les réformateurs et leurs partisans internationaux doit être menée dans un esprit de partenariat et non de dépendance molle et d’ingérence rudimentaire. Dans les pays arabes et ailleurs, il doit être reconnu que, des deux côtés, les forces régressives, les intérêts particuliers et les préjugés peuvent constituer de véritables entraves à la construction de l’État arabe du xxie siècle basé sur la tolérance, la paix et la sécurité. L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 83 Notes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 84 Clapham 1985 Marshall 1977. Van Hensbroek 2007. KUNA 2009 (en arabe). PNUD 2007. PNUD et Article 19 Campagne Globale pour la Liberté d’Expression 2007. OADH 2008 (en arabe). Le Conseil des droits de l’homme. Groupe de travail pour la revue périodique universelle. Première session. Genève 7-18 avril 2008. Résumé préparé par le Haut-commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme selon le paragraphe 15 (c) de l’annexe de la décision du Conseil des droits de l’homme 1/5. Ce résumé a été publié sur quatre États arabes, l’Algérie, Bahreïn, le Maroc et la Tunisie. Voir p. 4 de chacun de ces rapports. La périodicité de la revue pour le premier cycle est de quatre ans. Par conséquent, les informations contenues dans ces rapports se basent sur les événements après le 1er janvier 2004. OADH 2008 (en arabe). Wolfe 1977 ; et Bienen 1978. Hafez 2003 ; Bayat 2005 ; Le Centre des Émirats pour les études stratégiques et la recherche 2004 (en anglais). ONUDC 2005. Voir le rapport du Conseil des Nations Unies pour les droits de l’homme sur l’Algérie, Bahreïn, le Maroc et la Tunisie. Résumé préparé par le Haut-commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme selon le paragraphe 15 (c) de l’annexe de la décision du Conseil des droits de l’homme 1/5. Le Conseil des droits de l’homme. Rapport sur Bahreïn pp. 4-5. Rapport sur la Tunisie pp. 2-3. Rapport sur l’Algérie p. 6. Rapport sur le Maroc p. 4. Kawakibi 2004 (en arabe). ONU 2005. ONU 2005. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008l. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008k. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008k. HRW 2007. ONU – Conseil des Nations Unies pour les droits de l’homme 2008h. Human Rights Watch 2007 (en anglais). ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Darfour, 2007d. HRW 2007. ONU – Conseil des Nations Unies pour les droits de l’homme 2008h. ONU – Rapport des Nations Unies pour le Secrétaire général 2008e. ONU – Rapport des Nations Unies pour le Secrétaire général 2008e. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008l. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008l. ONU – Rapport des Nations Unies pour le Secrétaire général 2008e. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008l. ONU 2007c. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008l. HCDH 2008. ONU – Rapport des Nations Unies pour le Secrétaire général 2008h. ONU – Rapport des Nations Unies pour le Secrétaire général 2008h. HRW 2007. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008l. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008l. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008k. Le gouvernement a fourni des informations sur des cas de crimes de violence à l’encontre des femmes au sud et au nord du Darfour, certains des accusés étaient des membres des forces régu- Rapport arabe sur le développement humain 2009 42 43 44 45 46 47 48 49 lières (forces armées et police) Ces efforts de combat contre l’impunité à travers les investigations, la poursuite des auteurs et l’indemnisation doivent se poursuivre. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008l. ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan, 2008l. OADH 2008 (en arabe). Brown, Hamzawi et Ottaway 2006. Banque mondiale 2007b. FMA, LEA, FADES et OPEP 2006 (en arabe). Heydemann 2004. Bayat 2003. L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives 85 Chapitre 4 L’insécurité personnelle des groupes vulnérables Le chapitre précédent a procédé à l’évaluation des efforts déployés par les pays arabes en vue de garantir la sécurité humaine aux citoyens ; il s’est alors avéré que ces performances n’étaient pas satisfaisantes en général. Dans de nombreux pays, le cadre de sécurité que l’État assure semble entaché de lacunes juridiques, d’autant plus qu’il est contrôlé et organisé par des institutions de l’Autorité, fondées sur la réquisition des libertés personnelles des citoyens en échange d’une sécurité sociale et personnelle limitée. Dans la plupart des cas, la sécurité personnelle est soumise à des règles sévères privant les citoyens de la liberté d’expression et de la participation efficace. Le présent chapitre traite de la situation des personnes originaires ou résidentes des pays arabes, et qui ne jouissent d’aucune sécurité personnelle. Ces groupes – composés de femmes contraintes et maltraitées, de victimes de la traite des humains, d’enfants soldats, de personnes déplacées internes, de réfugiés – sont vulnérables à de graves menaces dues à la discrimination, à l’exploitation et au déplacement. Ils méritent une attention particulière, parce que leurs conditions de vie se trouvent hors des regards de la société. Souvent hors de la vue du large public, ils sont exposés à la persécution dans leurs familles et leurs sociétés, traités comme des esclaves ou peu s’en faut, déracinés à l’abandon partout où la vie les a emportés, si peu à même de défendre leurs propres droits ou de leur trouver des défenseurs. Leur insécurité est en marge du corps social qui les prive presque de toute protection personnelle. La violence à l’égard des femmes : impunité et insécurité Phénomène mondial, la violence contre les femmes n’est pas limitée aux pays arabes Les estimations indiquent qu’à l’échelle mondiale, une femme sur trois est battue, violée ou subit des rapports sexuels forcés1. Phénomène mondial, la violence contre les femmes n’est pas limitée aux pays arabes. Pourtant, comme l’a montré le RADH 2005, à propos de la promotion de la femme dans les pays arabes, les femmes qui sont prisonnières de liens tels que les rapports patriarcaux, la discrimination réglementée, la subordination sociale, l’hégémonie masculine enracinée, sont continuellement exposées, dans les sociétés arabes, à la violence domestique institutionnalisée. Pire encore, l’abus contre la femme dans certains pays arabes peut aller jusqu’à l’homicide sans que le coupable soit pour autant sérieusement condamné, sinon à une peine légère, s’il vient à prouver qu’il s’agit d’un crime d’honneur. Dans les pays arabes, la femme occupe une place inférieure au sein de la famille et ne jouit que d’une protection minime dans le système juridique, notamment en ce qui concerne les violations infligées La femme arabe est exposée à la violence sa vie durant Encadré 4-1 par des membres mâles de sa famille. La femme arabe est exposée à la violence sa vie durant. Dans sa prime jeunesse, elle est confrontée à toutes sortes d’abus, à la violence physique, sexuelle et psychologique, à la mutilation génitale féminine (MGF), au mariage précoce, à la prostitution des mineurs et à la pédophilie. De tels abus peuvent s’étendre, à l’âge de l’adolescence et de la puberté, pour inclure l’abus sexuel, le viol, la prostitution, la corruption forcée, la traite des femmes, la violence et le viol maritaux. Ils peuvent même aller jusqu’à l’homicide prémédité2. La violence contre les femmes prend diverses formes. La « Déclaration sur l’éli mination de la violence contre la femme » issue d’une décision de l’Assemblée générale des Nations Unies, définit la « violence contre la femme » comme suit : « tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée 3. » L’étendue de la violence et sa portée contre la femme dans les pays arabes Malgré leur gravité et leur étendue, les cas enregistrés de violence contre les femmes ne reflètent pas la réalité dans la région arabe ; ils se réduisent aux cas observés ou dénoncés. De nombreux cas échappent aux études faites à ce sujet. À cela s’ajoute que certaines formes de violence passent sous silence et ne sont pas dénoncées, comme par exemple les cas d’injure et de violence verbale que les femmes éprouvent quelque gêne à déclarer. Certains spécialistes classent la violence qui menace la femme en deux types : la violence directe et la violence indirecte. La violence directe comprend toutes les formes de préjudice. Exemples : les coups, le viol, l’homicide et d’autres pratiques qui causent un dommage corporel à la femme. L’abus sexuel, qui va du harcèlement au viol, fait partie de ce type. Bien que les cas de violence sexuelle contre la femme dans la région arabe se multiplient, ils restent dissimulés, car en parler est considéré, au niveau social, comme un déshonneur pour la femme victime et sa famille. Quant à la violence indirecte, elle renvoie à la manière dont les institutions et l’héritage socioculturel prédominants – y compris valeurs, coutumes et lois – pratiquent activement la discrimination contre la femme. La violence verbale peut être incluse dans les formes de violence indirecte, car elle est le résultat de cette discrimination qui permet aux hommes d’exercer la violence contre les femmes. Les jeunes filles sont souvent exposées à la violence verbale, punies et mises en garde contre des types de comportements susceptibles de mettre leur chasteté en danger. À vrai dire, ce sont les femmes divorcées qui sont les plus exposées à ce genre de violence, parce que la famille considère leur liberté comme un danger probable qu’il faut limiter. Les femmes mariées souffrent de la violence verbale lorsque la relation conjugale traverse des perturbations ou lorsque le mari se défoule de ses frustrations et de ses problèmes sur des personnes plus faibles que lui (telles que son épouse, sa fille et sa sœur). Pour d’autres spécialistes le spectre de la violence inclut également la violence sociale. Ce dernier type compte la restriction de l’intégration sociale des femmes qu’on prive d’exercer leur rôle dans la communauté, ou le refus de reconnaître les droits sociaux et personnels de l’épouse pour la réduire à assouvir les penchants affectifs et intellectuels de son époux. Cela nuit sûrement au respect de soi, au développement émotionnel, à la santé psychique, à la liberté et à l’intégration sociale des femmes. La femme est confrontée à ce genre de violence sociale lorsque la famille se met à la harceler, à l’assujettir, à l’empêcher de quitter la maison sans permission, à la marier sans son consentement, à rejeter son opinion sur des questions qui touchent sa vie et son avenir. Le divorce arbitraire est à son tour une forme de violence sociale contre la femme. Par exemple, un mari peut répudier sa femme à son insu ou pour des raisons qui ne sont pas permises dans la charia islamique. La violence relative à la santé est une autre forme de violence sociale dont souffrent de nombreuses femmes. Obliger la femme à vivre dans des situations inadéquates, la priver d’une protection sanitaire convenable ou ignorer ses besoins en termes de prévention dans le domaine de la procréation – comme l’organisation des périodes de contraception, la limitation du nombre de naissances – contribue à détruire sa santé et à raccourcir sa vie. Dans la culture arabo-musulmane, les gens ont tendance à multiplier la descendance. Il est vrai que les conséquences d’une telle attitude ne constituent pas vraiment une forme de violence organisée contre la femme, mais elles illustrent une partie des préjudices que l’héritage socioculturel porte à la femme. L’essentiel ici est de voir si le désir de faire un grand nombre d’enfants est partagé par les époux et si cela ne porte pas atteinte à la santé physique de la femme. Enfin, la violence économique constitue une autre forme de violence visant souvent les femmes. Les exemples vont de la privation de la femme de son héritage à la mainmise sur ses ressources économiques. Parfois le mari oblige sa femme salariée à lui céder son salaire sous prétexte de contribuer au budget du foyer et d’assurer les besoins de la famille. À ce titre, les biens et le revenu de la femme sont confisqués sans raison. Source : Maryam Sultan Lootah, en arabe, document de base pour le rapport. 88 Rapport arabe sur le développement humain 2009 Mutilation génitale féminine Certains ont distingué deux types de violence, directe et indirecte, contre la femme. Les pratiques dont il est question dans la première catégorie regroupent toutes sortes d’abus qui vont de la maltraitance au viol et à l’homicide. Cette catégorie comprend également les autres pratiques relatives à la violence physique commise contre la femme comme la mutilation génitale féminine (MGF) qui lui causent des souffrances insoutenables dont les conséquences, aux niveaux physique et psychique, sont durables et peuvent conduire à une mort précoce, suite à une hémorragie, une infection et un choc neural. La MGF est une opération illégale très peu mentionnée dans les livres de médecine. Elle est considérée par la loi internationale comme un crime4. Une telle opération constitue un triple crime : 1) le préjudice physique ; 2) la violation de la dignité de la femme ; 3) l’exercice d’une pratique médicale non autorisée. Cependant, les positions des codes juridiques face à cette pratique oscillent entre la permission et la prohibition. Certains pays continuent même à l’autoriser. D’autant plus que l’interdiction juridique de la MGF risque de rester sans effet dans la réalité, car les convictions coutumières héritées l’approuvent et la favo risent. S’y ajoutent les efforts conjugués des personnalités publiques influentes et des forces politiques et sociales conservatrices qui s’emploient à la défendre. Il convient de signaler que l’Égypte, vers le milieu de l’année 2008, avait apporté à Encadré 4-2 Tableau 4-1 Estimation de la prévalence des mutilations génitales féminines (MGF), 6 pays arabes Pays Année Estimation du pourcentage des victimes de la mutilation génitale féminine pour la tranche d’âge 15-49 ans (%) Somalie 2005 97,9 Égypte 2005 95,8 Djibouti 2006 93,1 Soudan (Nord) 2000 90 Mauritanie 2001 71,3 Yémen 1997 22,6 Source : OMS 2008. la loi relative à l’enfant5 des amendements interdisant la MGF considérée comme un acte criminel. Elle a ainsi mis fin à la lacune juridique qui permettait aux professionnels de la santé, et à d’autres, de se livrer à cette pratique. Bien que la plupart des pays arabes où elle est pratiquée promulguent des lois l’interdisant, la lenteur du progrès dans ce domaine est révélatrice du maintien d’une pratique nuisible dans tous les sens du mot. Ce maintien est favorisé par la pauvreté, la baisse du niveau du sens hygiénique et de l’éducation sexuelle, l’expansion de la discrimination légale contre la femme et l’absence d’un discours religieux éclairé et convaincant. La violence indirecte renvoie à un grand nombre de pratiques socioculturelles, de coutumes héritées et de lois renfermant la discrimination fondée sur le genre. Certaines revendications féminines élargissent cette notion de manière à ce qu’elle couvre la violence sociale dont l’un des aspects concerne la restriction de la La MGF est une opération illégale très peu mentionnée dans les livres de médecine Au Yémen, une mariée enfant a eu recours à la Cour pour obtenir justice Au début de l’année 2008, une jeune mariée Njoud Ali, prend un taxi public et se rend à la Cour, à l’ouest d’al-Amana à Sanaa, au Yémen, et demande le divorce de son époux auquel on l’avait obligée à se marier. Son époux, trois fois plus âgé qu’elle, la violait et la battait presque chaque jour. Elle a décidé alors de mettre terme à sa situation. L’histoire de la jeune mariée, malgré son côté tragique, ne devait attirer l’attention de personne si ce n’était l’âge auquel on l’avait mariée ; elle avait à peine neuf ans. Lorsque Shaza Nasser, avocate célèbre notamment parmi les défenseurs des droits de l’homme, avait appris par hasard l’histoire de Njoud Ali, elle a décidé de plaider la cause de l’enfant, et sans honoraires. Une semaine après, un jugement historique a été rendu : le « mariage » est annulé. La souffrance de Njoud et sa révolte avaient fait un écho énorme. Pour beaucoup de gens, elle fut victime du patriarcat dans toute sa tyrannie et sa brutalité. Mais pour d’autres, c’était une source d’inspiration. Car de nombreuses victimes du mariage précoce ont élevé haut leur voix pour demander justice, au moment où les défenseurs actifs et les responsables dans le gouvernement du Yémen revendiquent que des dispositions soient prises pour arrêter cette pratique. À la suite du cas de Njoud, des législateurs se mobilisaient pour élever l’âge minimum légal du mariage de 15 à 18 ans. Source : Verna 2008 ; Kawthar 2008. L’insécurité personnelle des groupes vulnérables 89 Figure 4-1 Pourcentage des femmes de 20-24 ans mariées avant l’âge de 18 ans dans 15 pays arabes, 1987-2006* Algérie Djibouti Tunisie Liban cruciale pour son bien-être ou son avenir. Certains classent le divorce parmi les violences sociales ; c’est-à-dire lorsque le mari répudie sa femme sans l’avertir ou pour des raisons injustifiées légalement (Maryam Sultan Lootah, document de base pour le rapport). Jordanie Syrie Maroc Le mariage précoce des mineures Irak Égypte TPO Soudan Comores Mauritanie Yémen Somalie 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Source : UNICEF 2007. *Ces données se réfèrent à l’année la plus récente disponible durant la période indiquée dans le titre. Tableau 4-2 Pays Estimation de la prévalence de la violence sur les femmes (violence physique), 7 pays arabes Pourcentage des femmes victimes de l’agression Source Année de l’étude Algérie 31,4 % CDH 2008 Égypte 35 % (des femmes mariées) CESAO 2007 OMS 2006/7 2002 22,7 % (Sud/Centre) Irak 10,9 % (Kurdistan) Liban 35 % FNUAP Syrie 21,8 % UNIFEM 2005 TPO 32 % UNICEF 2000 50 % (des femmes mariées) FNUAP 2003 Yémen Source : CESAO 2007 ; FNUAP et Yemeni High Council for Women 2007 ; ONU 2008 ; UNIFEM 2005 ; FNUAP 2005 ; OMS 2007 ; UNICEF 2000. Le sujet est tabou dans une culture caractérisée par la domination masculine 90 participation de la femme à la vie publique, et l’autre concerne la privation de la femme mariée de pratiquer ses droits sociaux et personnels et son obligation à répondre aux exigences passionnelles de son mari. Une telle violence porte atteinte à la place qu’occupe la femme, car elle entrave son développement affectif et sa stabilité psychique en l’empêchant de mener une vie naturelle et d’avoir des rapports interactifs avec la société au sein de laquelle elle vit. La femme peut être confrontée à ce type de violence lorsque sa famille ou l’un de ses membres lui interdit de sortir de chez elle ou d’exprimer son opinion sur des questions ayant une importance Rapport arabe sur le développement humain 2009 Dans plusieurs endroits de la région arabe, on marie les filles à un âge précoce et, dans la plupart des cas, à des hommes plus âgés qu’elles. Le mariage précoce et la grossesse à l’âge de l’adolescence mettent en péril la santé des mères et des enfants et augmentent la vulnérabilité des femmes à la violence. Le mariage précoce mène au divorce, à la dissolution de la famille, à la mauvaise éducation des enfants, et encourage forcément la grossesse précoce et l’élévation du taux de la procréation. Ceci conduit à des risques de santé certains, pour la jeune mère et pour les bébés. La jeune mariée ignore probablement les moyens contraceptifs et les maladies sexuellement transmissibles ; aussi est-elle plus exposée à l’austérité et à la méchanceté de l’époux. Pour ces raisons, le foyer où pénètre la mariée, enfant ou adolescente, est entouré d’insécurité. Bien que les mariages précoces soient en baisse dans les pays arabes, le nombre de femmes mariées à l’adolescence est encore relativement élevé dans certains d’entre eux. Comme le montre la figure 4-1, le pourcentage des femmes entre 20 et 24 ans qui se sont mariées avant l’âge de 18 ans selon les estimations de l’UNICEF, s’élève à 45 % en Somalie, à 37 % en Mauritanie et au Yémen, à 30 % dans les Îles Comores et à 27 % au Soudan. La violence physique Il est difficile de mesurer l’étendue de la violence physique contre les femmes dans les sociétés arabes, sujet tabou dans une culture caractérisée par la domination masculine. Cette violence se pratique de manière cachée dans les foyers sur les épouses, les sœurs et les mères. Les victimes ne dénoncent probablement pas ce qu’elles subissent des membres de leur famille. Quant à l’opinion publique et les responsables de l’autorité et de la police, ils évitent de se mêler de ces questions privées, notamment de ce qui touche aux femmes. Cela est vrai particulièrement pour les groupes les plus pauvres où ce comportement est considéré comme une fatalité pour la femme. Ce qui explique que la non-dénonciation de ces crimes est très répandue, parce que les femmes savent que porter plainte ne sert à rien, et peut-être aussi parce que la plainte est considérée Encadré 4-3 en elle-même comme quelque chose de honteux. Un reportage, fait dans le cadre du Rapport national sur le développement humain en Irak en 2008, a montré que de nombreuses femmes mariées acceptent la violence de leurs maris. Cette acceptation peut se comprendre du fait que l’héritage social relatif à la supériorité des droits dont jouit l’homme tout le long des siècles est devenu un élément inhérent à la constitution de leur personnalité. La discrimination contre la femme est l’élément le plus évident dans les lois de l’État Les droits légaux de la femme dans le cadre des lois du statut personnel Si l’on observe la manière dont les différentes lois du statut personnel arabe, qui recouvrent les musulmans et les non-musulmans, sont appliquées, on repérera un exemple évident de discrimination institutionnalisée, fondée sur le genre. Cela est dû principalement au fait que les lois du statut personnel sont inspirées des interprétations juridiques religieuses et des opinions individuelles qui remontent à des périodes historiques lointaines. Depuis ce temps, la culture discriminatoire s’est enracinée. D’autant plus que l’on prête à ces interprétations et opinions une aura de sacralité et d’infaillibilité, alors que les croyances religieuses absolues et bien établies s’y mêlaient à certains aspects de la réalité historique relative aux communautés locales. Les lois du statut personnel des musulmans découlant totalement des principes de la charia (loi islamique) accordent à l’homme seul le droit de divorcer comme il le désire. Seul le mari, en cas de divorce révocable, possède le droit d’annuler le divorce, selon sa volonté et sa décision. Par contre, la femme ne peut divorcer que sur décision de la cour pour des raisons déterminées par cette dernière, telles que les préjudices causés par le mari, son absence ou sa désertion, son manquement à l’obligation alimentaire, ou son emprisonnement. Selon ces mêmes lois, seul le mari a le devoir d’entretenir sa famille indépendamment de la fortune de son épouse. En retour, celle-ci est appelée à obéir à son époux. Ainsi, l’obligation alimentaire revient au mari, en échange des contraintes imposées à la femme. À cela s’ajoute le droit à la polygamie. C’est uniquement pour préserver ces principes essentiels que des tentatives de réforme et de suppression de certains aspects de différenciation et de discrimination ont touché de nombreuses lois relatives à la famille arabe. On cite, dans ce cadre, quelques tentatives limitées à l’atténuation de certaines pratiques brutales : arrêter l’exécution de la sommation de réintégration du domicile conjugal, dite sentence de « maison d’obéissance » (ta‘a), émise par la Cour (qui force l’épouse d’obéir à son époux) ; le devoir de l’époux et du notaire d’informer la première épouse de l’intention de son mari de prendre une deuxième épouse ; restreindre le droit de l’époux au remariage en exigeant de lui une justification valable et le respect de l’équité entre les deux épouses ; accorder à l’épouse le droit de demander le divorce si son mari en épouse une autre. D’autres exemples portent sur le droit du khol‘ (qui permet à la femme de divorcer sans subir de dommages si elle renonce à ses droits financiers) et dans ce cas, les deux époux ont le droit de mettre un terme à leur mariage. À cela s’ajoute que l’époux est tenu d’informer son ex-femme s’il désire la rappeler au domicile conjugal et d’enregistrer son retour. La femme a le droit d’introduire quelques conditions dans l’acte du mariage tant que celles-ci ne s’opposent pas aux principes fixés par la charia en matière matrimoniale. L’épouse a également le droit à la garde des enfants jusqu’à la fin de la période légale de la garde, si cela est dans leur intérêt, comme elle a le droit de continuer à vivre dans le domicile conjugal pendant la durée de la garde des enfants. Quant aux lois du statut personnel des non-musulmans, elles émanent de leurs croyances confessionnelles et religieuses et, généralement, elles limitent le champ devant la femme pour ne pas dire qu’elles lui interdisent de divorcer. Par exemple, l’épouse orthodoxe ne peut divorcer que pour des raisons bien limitées et selon un jugement de la Cour chrétienne. Par contre, l’épouse catholique ne peut nullement et en aucun cas divorcer. Aussi n’obtient-elle qu’une séparation de corps. Quant aux droits des époux, il est évident que pendant le mariage, c’est le mari qui a la mainmise sur sa femme. Alors que la plupart des pays arabes appliquent des lois unifiées, en ce qui concerne l’organisation légale, certains pays ont réformé les lois à cet égard, comme Bahreïn, Qatar, le Liban et l’Égypte. Aussi est-il important de développer des règles claires, précisant le statut personnel et visant à réaliser la clarté au niveau légal. Les tentatives de mettre fin à la discrimination ne peuvent aboutir qu’en développant cette loi souhaitée. En bref, la discrimination contre la femme est l’élément le plus évident dans les lois du statut personnel dans les pays arabes où elle est plus flagrante que dans d’autres régions. Des pays tels que l’Égypte ont introduit des réformes pour alléger cette discrimination, mais ces tentatives n’arrivent pas au niveau des transformations avancées apportées aux lois dans les pays du Maghreb comme la loi du statut personnel et les réformes des codes de la famille en Tunisie, au Maroc et, à un degré moindre, de celui du statut personnel en Algérie. Il est clair, d’après les leçons tirées des lois appliquées au Maghreb, qu’il est possible de formuler des lois arabes qui préservent les fondements de la religion tout en adoptant des interprétations capables de réaliser une grande part d’égalité entre les hommes et les femmes et de contribuer à éliminer l’injustice historique à l’encontre de la femme dans les rapports familiaux. Source : Mohamed Nour Farahat, en arabe, document de base pour le RADH 2005. L’insécurité personnelle des groupes vulnérables 91 Les lois du mariage Certains pays ont réalisé un vrai progrès dans la réforme de l’état civil Tableau 4-3 Pays Algérie Arabia saouditec Dans les lois de plusieurs pays arabes, de nombreux articles et actes juridiques relatifs aux codes de la famille confirment le pouvoir de l’homme sur la femme dans le mariage. L’attitude induite par ces dispositions juridiques indique que la sécurité et le bien-être de la femme, ne peuvent être assurés que par l’homme, puisqu’elle lui est inférieure. Partant, les lois qui sont censées assurer la sécurité à la femme dans la vie conjugale, sont celles-là mêmes qui faci litent à l’homme la pratique de la discrimination contre elle et la mettent, en effet, à la merci de ses humeurs. Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) – Vue d’ensemble des ratifications par les pays arabes, 2009 Date de ratificationa Réserves sur articles et matièreb 22 mai 96 2, 9, 15, 16, 29 7 septembre 00 9, 29 Bahreïn 18 juin 02 2, 9, 15, 16, 29 Comores 2 décembre 98 Pas de réserves Djibouti 2 décembre 98 Pas de réserves 6 octobre 04 2, 9, 15, 16, 29 18 septembre 81 2, 9, 16, 29 Irak 13 août 86 2, 9, 16, 29 Jordanie 1er juillet 92 9, 15, 16 Koweït 2 septembre 94 9, 16, 29 Liban 21 avril 97 9, 16, 29 Libye c 16 mai 89 2, 16 Mauritaniec 10 mai 01 Réserves générales Maroc 21 juin 93 Pas de réserves Oman 7 février 06 9, 15, 16, 29 EAU Égypte c Ratification sur le protocole optionnel 18 juin 04 Qatar Soudan 28 mars 03 2, 9, 15, 16, 29 Tunisiec 20 septembre 85 9, 15, 16, 29 Yémen 30 mai 84 29 TPO d Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes Renforcer la sécurité personnelle de la femme arabe nécessite des transformations fondamentales dans les lois qui concernent les questions du mariage, du divorce et de la violence contre les femmes, ainsi que le code personnel de la femme. Bien que certains pays tels que la Tunisie, l’Algérie et le Maroc aient réalisé un vrai progrès dans Somalie Syrie Les lois du code personnel qui consacrent la suprématie de l’homme au sein de la famille, dévoilent une situation qui place la femme dans un état de soumission. Dans le cadre de ces lois qui prédominent dans la plupart des pays arabes, la femme n’a pas le droit de demander le divorce ni de s’opposer à la polygamie. Le divorce est considéré ordinairement comme l’un des droits de l’homme et non une solution à certains problèmes conjugaux, même lorsque ce droit est accordé officiellement à la femme. Or, un progrès s’est réalisé ces dernières années et s’est traduit dans les lois et les réformes progressistes dans certains pays arabes. Parmi ces transformations : la promulgation de la loi dite khol‘ (qui permet à la femme de prendre l’initiative de demander le divorce) en Égypte (2000), et les réformes apportées au code de la famille au Maroc (2002) et en Algérie (2005) qui ont adopté des lois semblables à celles du code de la famille appliqué en Tunisie, où la femme a le droit de se marier sans le consentement de son tuteur. Dans ces deux pays, les premiers pas vers une législation équitable se traduisent par la restriction de la polygamie, la permission à la femme de déclarer son objection à la polygamie dans l’acte du mariage, la remise du divorce à une décision de la Cour ou au consentement mutuel des époux et la possibilité pour la femme de devenir son propre tuteur à l’âge de 21 ans. Source : UN Division for the Advancement of Women 2009. Note : a/Ratification sur la convention : regroupe les travaux de la ratification, de l’accession et de la succession. b/Les réserves des pays arabes tournent principalement autour de l’opposition entre les lois nationales et la charia d’une part et d’autre part les matières 2, 9, 15, 16 et 29 qui stipulent respectivement ce qui suit : Article 2 stipule l’égalité devant la loi et interdit la discrimination contre la femme dans les constitutions et les législations nationales. Article 9 touche les droits de la nationalité. Article 15 concerne l’égalité des femmes avec les hommes du point de vue de la capacité juridique dans les questions civiles. Article 16 intéresse le mariage et les rapports familiaux. 92 Article 29 concerne l’arbitrage entre les États parties et la soumission de tout différend concernant l’interprétation ou l’application de la convention, à la Cour internationale de justice c/La déclaration montre que l’État n’est pas obligé d’appliquer des articles de la CEDAW qui s’opposent à la charia. d/Le 22 mai 1990, la République arabe du Yémen et la République démocratique populaire du Yémen se sont unies sous le nom de la République Yéménite. Le Yémen est considéré comme une partie dans les conventions qui ont été signées avant l’union, depuis la date où l’un des deux États était devenu partie dans les conventions. Concernant la CEDAW la République démocratique populaire du Yémen avait ratifié la convention le 30 mai 1984. Rapport arabe sur le développement humain 2009 la réforme du statut personnel, beaucoup d’autres sont encore à la traîne. La plupart des pays arabes ont signé « la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes » (CEDAW) et l’ont ratifiée ; ils sont donc tenus d’appliquer ses recommandations, à l’exception des articles sur lesquels ils ont émis des réserves. Mais le fond de la question demeure celui des nombreuses réserves fondamentales émises par ces pays à l’égard de la Convention, sous prétexte que certains de ses articles s’opposent à la charia, notamment l’article 2 consacré au principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Comme l’a montré le RADH 2005, l’opposition à ce principe annule en réalité l’accord de ces pays sur la convention et suscite des doutes sur l’intention de respecter ses recommandations. Les pays arabes sont tenus s’ils veulent prouver leur bonne intention et réaliser un progrès réel dans l’application des recommandations de la CEDAW de revoir leur attitude et leurs réserves. Encadré 4-4 Le Maroc lève ses réserves relatives à la CEDAW Le 11 décembre 2008, le Maroc a levé ses réserves sur la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme (CEDAW). Le Maroc a ratifié la Convention, le 21 juin 1993 mais en émettant des réserves sur trois articles incompatibles avec les enseignements de la loi islamique (charia). L’une des réserves concerne l’article 16, relatif à l’égalité entre les époux dans l’acte du mariage ou dans sa dissolution, parce que la charia n’accorde le droit de divorce à la femme que par la décision d’un juge. Mais ces réserves ne sont plus nécessaires après que le parlement avait voté « le code de la famille (moudawwana) » amendé en 2004 et qui a, de manière générale, élargi les droits de la femme. Le deuxièmelivre, notamment le quatrième chapitre de la moudawwana, évoque les droits et des devoirs concernant la question du divorce. Source : International Knowledge Network of Women in Politics 2008 ; UNIFEM – Stop Violence Against Women 2008. Les crimes d’honneur Dans plusieurs pays arabes, les crimes d’honneur sont la pire forme de violence faite aux femmes. De tels crimes s’en prennent aux seules femmes ; ils sont censés punir ce que leurs familles considèrent comme un comportement immoral. Ce peut être une relation sexuelle extraconjugale mais aussi bien une simple fréquentation mixte en dehors du cercle de la famille. Le châtiment peut aller jusqu’au meurtre ; particulièrement lorsqu’une grossesse résulte de l’acte interdit. Dans certains pays, la loi se met du côté des auteurs de ces crimes en atténuant leur condamnation. Nous attirons l’attention sur le débat soulevé en Jordanie autour des articles 98 et 340 du code pénal jordanien. L’article 98 prévoit que l’auteur du crime bénéficie d’une remise de peine si le crime était commis « sous l’effet de la colère provoquée par un acte illicite et présentant un aspect dangereux, commis par la victime ». Plus encore, l’article 340 et précisément le premier paragraphe avant son amendement en 2001 après une longue lutte législative, accorde à l’homme une exemption de peine totale, s’il tue ou blesse ou défigure sa femme ou une proche parente ou le partenaire de l’adultère. On continuetoujours de signer au nom de cette loi des remises de peine, en se référant à l’article 98 auquel les juges recourent souvent. Deux études sur l’homicide des femmes au Liban, parues en 20076 et en 20087 sous la supervision de « l’Organisation libanaise de lutte contre la violence à l’égard de la femme » et l’association Kafa, montrentque l’article 562 du code pénal libanais permet de réduire la peine pour les crimes commis dans le but de « préserver l’honneur ». La conséquence d’un tel texte juridique est la réduction des punitions pour divers crimes prémédités qui visent les femmes, ce qui ne manque pas de faciliter la perpétration de ces crimes contre elles. L’une des études faites à ce propos montre que 26 % sur 66 crimes prémédités étaient commis pour des raisons relatives à l’honneur, cependant 55 % des sentences prononcées contre les auteurs de ces crimes étaient rendues avec indulgence et tolérance, et vont de la disculpation à une condamnation qui ne dépasse pas 14 ou 15 ans d’emprisonnement. En revanche, un crime capital au Liban est passible de la peine de mort qui peut être L’insécurité personnelle des groupes vulnérables Les crimes d’honneur sont la pire forme de violence faite aux femmes Le châtiment peut aller jusqu’au meurtre 93 Encadré 4-5 La loi relative au viol est soit ambiguë, soit injuste à l’égard de la femme Sondage sur la sécurité humaine – Comment se comporte-t-on avec une « femelle égarée » ? Dans le sondage réalisé pour ce rapport sur la sécurité humaine, des questions ont été posées aux personnes interrogées dans le Territoire palestinien occupé, au Liban et au Maroc sur la manière dont réagiraient les membres de la famille si l’une de leurs femmes commettait ce qui serait considéré comme une violation des coutumes ou des traditions établies. Cette question n’était pas posée aux membres de l’échantillon koweïtien. La majorité dans le Territoire palestinien occupé préférait d’abord comprendre de quoi il s’agit et donner des conseils. Ceci est valable aussi pour le Liban, mais à un degré moindre. Au Maroc, les opinions sont partagées à égalité entre trois types de réponses (conseil, punition financière, violence physique). Les Palestiniens interrogés avaient le choix entre plusieurs réponses. 60 % d’entre eux sont d’accord pour arrêter les allocations pour les femmes et les garder à la maison et 40 % ont choisi la punition physique, alors que plus de 40 % de l’échantillon marocain est d’accord pour le châtiment physique. D’autre part, le nombre de ceux qui ont opté pour fermer complètement les yeux sur le sujet et de ceux qui ont choisi de tuer était réduit. Les réactions au sein de la famille à l’égard de celle qui viole les coutumes et les traditions. % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Laisser tranquille Liban Vérifier l’affaire Conseiller Punition financière TPO commuée en prison à perpétuité. Une étude parue en 1999 se référant aux registres des autorités libanaises entre 1995 et 1998 montre que les crimes d’honneur atteignent environ 12 crimes par an au Liban8. Il n’y a pas de statistiques de sources arabes sûres, sur l’expansion des crimes d’honneur dans les pays arabes, mais il est possible de s’en faire une idée en se basant sur des estimations limitées provenant de sources mondiales, fondées sur des cas dénoncés effectivement. Le viol et la société Il est rare que les cas de viol soient portés à la connaissance de la police ou publiés par la presse des pays arabes. Par conséquent, l’impression dominante est que les abus sexuels contre les femmes sont peu nombreux et peu fréquents. Généralement, dans les pays arabes, les femmes qui se 94 Rapport arabe sur le développement humain 2009 Confiner à la maison Frapper Tuer Maroc rendent aux tribunaux, lorsqu’elles sont victimes d’un viol, subissent des interrogatoires trop durs, se dévoilent devant tout le monde et sont marquées de déshonneur dans leur milieu familial. Les problèmes du viol arrivent rarement à la justice dans les pays arabes, parce que la loi relative à ce sujet est, soit ambiguë, soit injuste à l’égard de la femme, et parce que la famille et la société contribuent à nier et à dissimuler le viol, à préserver la virginité de la jeune fille et à sous-estimer l’importance du crime dans le but de protéger la réputation et l’honneur. La conséquence d’un tel agissement est la continuité de l’un des dangers les plus violents, les plus répugnants, pouvant avoir un impact très fort sur la sécurité personnelle de la femme, au moment où la société s’en détourne. Et si un cas est dévoilé aux yeux de tous, c’est que certaines femmes qui ne manquent pas de courage ont porté leur cause devant le tribunal pour demander leurs droits et faire Tableau 4-4 Pays Crimes d’honneur dénoncés, 5 pays arabes Crimes d’honneur dénoncés Source Égypte 52 Département de la promotion de la femme auprès des Nations Unies/Bureau des Nations Unies qui s’occupe de la drogue et du crime Année 1995 Irak (Erbil and Sulaimaniya) 34 Mission d’assistance des Nations Unies en Irak (MANUI) Avril-juin 2007 25-30 Commission économique et sociale des Nations Unies occidentale de l’Asie (CESAO) Année 2007 Save the Children (Sauver l’enfance) Année 2005 Save the Children (Sauver l’enfance) Année 1998 Jordanie TPO Liban 12 Période d’étude Sources : CESAO 2007 ; Save the Children 2007 ; MANUI 2007 ; United Nations Division for the Advancement of Women et UNODC 2005. face aux différents partis pris indélogeables qui entourent d’habitude un tel crime. Le rapporteur spécial chargé de la question de la violence contre les femmes indique l’insuffisance grave des relevés existants sur la violence à l’égard des femmes et des filles, bien que les gouvernements soient tenus d’encourager les recherches, la collecte des données et l’organisation des statistiques à propos de la violence contre les femmes et d’encourager également les études sur les raisons qui se cachent der- Encadré 4-6 rière ladite violence, et les conséquences qu’elle entraîne9. Dans les rapports des années 2006, 2 007 et 2008, le rapporteur spécial a enregistré de nombreux cas de viol dans différents pays arabes : l’Arabie saoudite, Bahreïn, l’Irak, la Libye et le Soudan. Il a également insisté sur le fait que l’omission de mentionner un pays ou une région donnée, ne doit pas amener à comprendre que ledit pays ou ladite région ne connaissent pas de problèmes de violence à l’égard de la femme10. Le viol collectif Les dernières années ont vu apparaître une reconnaissance publique croissante de l’existence de formes de violence contre la femme comme le viol collectif. Voici quelques cas dénoncés dans deux pays arabes (il s’agit de l’Algérie et de l’Arabie saoudite). Ces cas ont été enregistrés par le rapporteur spécial, chargé de la question de la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences. L’Algérie : l’incident s’est déroulé à « Hassi Messaoud » (dans le sud de l’Algérie), la nuit du 13/14 juillet 2001. Des centaines d’hommes ont lancé une attaque violente contre un groupe de 39 femmes qui vivaient seules. Ils ont abusé presque de l’ensemble des femmes, physiquement et sexuellement et ont volé ce qu’elles avaient dans leurs chambres. Plusieurs femmes ont été violées individuellement et collectivement. Après cette affaire, 30 d’entre les auteurs de cette agression ont comparu devant le tribunal de Ouargla où 20 d’entre eux ont été condamnés à des peines allant de trois mois à trois ans. Mais personne n’a été condamné pour viol. La Cour suprême a rejeté ce jugement et ordonna que le procès soit refait. En 2005, la Cour de Beskra condamne la plupart des inculpés à de longues peines et à dédommager les victimes. L’Arabie saoudite : le 22 mars 2007, une jeune fille âgée de 19 ans rencontre un ami au village d’al-Qatif. À peine se sont-ils rencontrés qu’une bande de sept hommes les enlève sous la menace des canifs. Ils battent le jeune homme puis le relâchent. Quant à la fille, les sept ravisseurs se relayent pour la violer. La Cour générale à al-Qatif condamne quatre d’entre eux à des peines de prison allant d’une année à cinq en plus de 1 000 coups de fouet. Ces sentences seront majorées le 15 novembre 2007. Les rapports ont indiqué que trois d’entre eux se sont constitués prisonniers avant la fin du procès. Mais la contradiction la plus extraordinaire c’est que lors du procès, la Cour a condamné la jeune fille victime et son ami en 2006 pour s’être rencontrés à l’écart, alors qu’ils étaient de sexes différents et n’étaient pas de la même famille. Quelque temps après, le rapporteur spécial du programme des Nations Unies affirme que le roi d’Arabie saoudite a accordé son pardon à la fille au mois de décembre 2007. Source : ONU, Rapporteur spécial chargé de la question de la violence contre les femmes 2008n. L’insécurité personnelle des groupes vulnérables 95 La traite des êtres humains La traite des êtres humains constitue une activité importante, secrète et transnationale dont la valeur totale est estimée à des milliards de dollars. Elle touche des hommes, des femmes et des enfants, victimes d’enlèvement et de pression, entraînés à exercer divers travaux dégradants au profit des trafiquants qui les exploitent. Cela signifie pour les hommes, être forcés à travailler dans des conditions inhumaines sans aucun respect pour les droits du travail. Pour les femmes, cela signifie d’habitude, le travail domestique, peu différent de l’esclavage, mais également l’exploitation sexuelle et le travail dans les boîtes de nuit. En ce qui concerne les enfants, cela signifie l’obligation de travailler comme mendiants ou comme vendeurs ambulants ou encore comme méharistes ; cela peut les mener également à l’exploitation sexuelle, et aux activités pornographiques. Pour certains enfants, tragiquement, cela commence La traite des humains constitue une activité importante, secrète et transnationale dont la valeur totale est estimée à des milliards d’USD Tableau 4-5 Pays Algérie par leur enrôlement forcé dans des armées en combat, parfois même dans l’armée officielle et souvent dans des milices qui combattentces armées. Il n’y a pas d’informations précises sur la traite des êtres humains, parce que la plupart de ces opérations criminelles se cachent derrière des activités légales et s’entremêlent dans des parcours transfrontaliers, sur lesquels il est difficile d’enquêter et dont il est difficile de suivre les mouvements. Dans les pays où le pouvoir central s’est effondré, les cercles de contrebande s’activent ouvertement. Parfois, dans d’autres pays, la traite des êtres humains se cache derrière les agences de recrutement. Derrière cette vitrine, s’effectuent des formes atroces d’exploitation. On abuse de la crédulité des victimes, en leur faisant croire que ces agences constituent un lien entre le « client » et le marché du travail ou l’employeur probable. À vrai dire, ces agences promettent à leurs victimes monts et merveilles dont la vérité ne se découvre Cas de dénonciation de la traite des personnes selon les registres de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC)11 Pays d’origine Pays de transit Pays de destination Caractéristiques des victimes But du trafic Moyen Faible Très faible Femmes et enfants Exploitation sexuelle Arabie saoudite Non mentionné Très faible Élevé Femmes et enfants (garçons et filles) Exploitation sexuelle et travail forcé Bahreïn Non mentionné Très faible Moyen Femmes et enfants (garçons et filles) Exploitation sexuelle et travail forcé Djibouti EAU Égypte Irak Jordanie Koweït Faible Non mentionné Très faible Femmes et filles Exploitation sexuelle Non mentionné Non mentionné Élevé Femmes, enfants (garçons et filles) et hommes Exploitation sexuelle et travail forcé Très faible Moyen Faible Femmes Exploitation sexuelle Faible Non mentionné Faible Femmes et enfants (garçons et filles) Exploitation sexuelle et travail forcé Faible Très faible Non mentionné Femmes Exploitation sexuelle Non mentionné Non mentionné Moyen Femmes et enfants (garçons et filles) Exploitation sexuelle et travail forcé Liban Faible Très faible Moyen Femmes et enfants (garçons et filles) Exploitation sexuelle et travail forcé Libye Non mentionné Non mentionné Faible Femmes Non mentionné Maroc Élevé Faible Très faible Femmes et filles Exploitation sexuelle et travail forcé Oman Non mentionné Non mentionné Faible Enfants (garçons et filles) Exploitation sexuelle et travail forcé Qatar Non mentionné Non mentionné Moyen Femmes et enfants (garçons et filles) Exploitation sexuelle et travail forcé Somalie Faible Non mentionné Non mentionné Femmes, enfants (garçons et filles) et hommes Exploitation sexuelle et travail forcé Soudan Faible Non mentionné Très faible Femmes, hommes et enfants (garçons en particulier) Exploitation sexuelle et travail forcé Très faible Non mentionné Moyen Femmes Exploitation sexuelle Syrie Tunisie Faible Non mentionné Non mentionné Femmes et enfants Exploitation sexuelle Yémen Très faible Non mentionné Faible Femmes et enfants Exploitation sexuelle et travail forcé Source : UNODC 2006. 96 Rapport arabe sur le développement humain 2009 que lorsque ces dernières terminent leur voyage à travers des conduits douteux et, dans la plupart des cas, entourés de dangers. C’est alors que l’image du paradis tant rêvé auquel elles espèrent arriver, en Europe ou aux pays du Golfe par exemple, s’évanouit, lorsqu’elles découvrent que les travaux qui les attendent n’ont rien à voir avec les emplois promis12. Dans les pays arabes, la traite des êtres humains présente des caractéristiques précises et claires. D’abord, ces pays jouent des rôles différents et dans certains cas, de nombreux rôles. Il se peut que l’État soit la destination de ce phénomène, comme c’est le cas dans l’ensemble des pays du Golfe et relativement en Jordanie et au Liban. Il se peut également que ces pays soient un passage comme c’est le cas pour la Jordanie, l’Algérie, le Liban, l’Égypte et le Maroc. Et il se peut encore que ces pays soient euxmêmes l’origine des victimes, comme c’est le cas pour la Jordanie, la Tunisie, l’Algérie, le Soudan, la Somalie et le Maroc. Les pays arabes ne constituent pas uniquement la source des victimes la traite des êtres humains dans la région. Ces pays sont devenus l’une des destinations majeures de la traite des personnes venues des différents coins de la terre : le sud-est de l’Asie, l’Europe de l’Est, l’Asie Mineure et l’Asie centrale. Le point d’arrivée de ce trafic dans la région c’est est en premier lieu les pays du Golfe et d’autres pays tels que la Jordanie, le Liban et l’Égypte. Les pays sub-sahariens en constituent un autre point de départ. Des nombres infinis de personnes déferlent de ces régions vers les pays nord-africains, notamment, la Libye, le Maroc et la Tunisie en vue d’aller en Europe. Il arrive que certains ne réussissent pas à passer et alors ils ratent leur opportunité et continuent d’attendre le moment propice. Pour gagner leur vie, et si la chance leur sourit, ils accom plissent des travaux manuels minables ou ils se transforment en mendiants, en vendeurs ambulants, sinon, ils se livrent à la prostitution. En plus de ces dynamiques transfrontalières, le cycle de la traite des êtres humains, peut être confiné à un seul et même pays comme c’est le cas à Djibouti, au Soudan, en Somalie, en Mauritanie et à un degré moindre en Tunisie et en Égypte. La fin la moins catastrophique qui attend les victimes c’est de servir dans les maisons. Nombre d’entre elles, par ailleurs finissent par connaître de bien pires destins lorsqu’on les oblige à vivre dans des situations très proches de l’esclavage, en tant que domestiques chez les miliciens en guerre au Soudan et en Somalie, ou pour assouvir leurs désirs. Dans d’autres cas, lorsqu’elles ne se réduisent pas à une situation voisine de l’esclavage dans les maisons au Golfe, en Mauritanie ou à Mali à titre d’exemple, elles sont exportées vers des milices, dans les pays voisins, comme « l’armée de Dieu pour la résistance » en Ouganda qui recrute les enfants et les prisonniers de guerre du sud du Soudan. Les trafiquants utilisent différentes méthodes pour intimider les victimes afin de pouvoir les contrôler. Il leur arrive de retenir tout simplement les sommes d’argent dues à certaines d’entre elles. Mais il existe d’autres méthodes encore telles que : • maintenir les victimes dans une situation de servitude et de dépendance par le biais de leur endettement ; cela inclut la rétention de leurs rémunérations sous forme de « dépôts » ; • les mettre en quarantaine en surveillant et limitant leurs contacts avec l’extérieur ; • les isoler de leur famille, leurs proches et leur communauté religieuse ; • confisquer leurs passeports, leurs visas et leurs documents d’identité ; • recourir à la violence ou à la menace d’en user contre les victimes et leurs familles ; • les menacer d’humiliation en exposant les circonstances de leur existence devant leurs familles ; • menacer les victimes d’emprison nement ou de rapatriement pour cause de violation des droits d’immigration si elles informent les autorités de leurs situations. Ces pays sont devenus l’une des destinations majeures de la traite des personnes Les trafiquants utilisent différentes méthodes pour intimider les victimes afin de pouvoir les contrôler Les femmes et les enfants pris dans les scènes des conflits Le viol comme arme dans les conflits Les guerres étendent le domaine des violences subies par les femmes en périodes de paix, tout en révélant d’autres formes, plus vives et plus distinctes, de vulnérabilité. L’OMS classe ces vulnérabilités dans des catégories qui regroupent des attentats sexuels commis indifféremment par des forces ennemies et « amies », le viol collectif L’insécurité personnelle des groupes vulnérables 97 Pour de nombreuses femmes, la transmission du VIH par leurs violeurs est vécue comme un arrêt de mort Encadré 4-7 comme stratégie de nettoyage ethnique et d’hégémonie13. Les conflits armés ont poussé les femmes partout dans le monde à l’esclavage sexuel militaire, à la prostitution forcée, au « mariage » forcé et à la grossesse par viol. Ces conflits se sont transformés en des lieux propices à la pratique du viol répété et du viol collectif. Au sein de la guerre, les femmes sont obligées de vendre leur chair pour qu’on leur épargne la vie, pour avoir à manger, pour avoir un gîte ou une « protection ». Les victimes de ces attaques sont notamment les filles et les femmes âgées, les maîtresses de familles seules et les femmes qui cherchent du bois à brûler et de l’eau potable. Les victimes du viol souffrent de maux physiques et psychiques durables. Pour de nombreuses femmes, la transmission du VIH par leurs violeurs est vécue comme un arrêt de mort. Les conflits ethniques constituent les pires spectacles de ce genre de viol collectif. Les exemples les plus abominables dans ce domaine sont ceux qu’avaient connus dernièrement l’Ouganda, la République démocratique du Congo, le Rwanda, la Yougoslavie et, dans les pays arabes, le Darfour. En périodes de guerre, les femmes sont attaquées dans un environnement caractérisé par l’absence de la loi, par l’immigration interne, par le conflit armé où les rôles attribués aux deux sexes, des femmes et des hommes, se définissent de manière ségrégative. Sur ces scènes, les hommes compensent l’insécurité qu’ils ressentent et la perte de leur domination par leur agressivité à l’égard des femmes. Lors des Des cris dans le désert – Les femmes du Darfour Après cinq ans de conflit armé dans la région du Darfour au Soudan, les femmes et les filles qui habitent dans les centres des émigrés, dans les campements, dans les villages et les régions rurales, demeurent extrêmement vulnérables aux violences sexuelles. Ces dernières continuent sur un rythme très rapide à travers toute la région dans le cadre des attaques contre les civils et même durant les moments de paix relative par ailleurs. Les responsables de tels actes sont des hommes de la force de sécurité, des miliciens et des rebelles actuels et anciens qui visent principalement (mais pas exclusivement) les femmes et les filles dans la région du Fur, de Zighawa, de Masalit, de Berti, de Tunjur et les autres groupes ethniques non arabes. Les femmes restées en vie, au Darfour, après les souffrances vécues à cause de la violence sexuelle, ne peuvent pas demander justice ni compensation, de peur des conséquences que cela puisse engendrer au cas où elles informent les autorités de ce qu’elles ont subi, d’autant plus qu’elles sont à court de ressources pour mettre les agresseurs derrière les barreaux. La police est présente effectivement, mais uniquement dans les principaux villages et dans les postes de l’État, et ne possède ni les moyens fondamentaux ni la volonté politique pour réprimer les crimes de violence sexuelle et faire des enquêtes nécessaires. Souvent, la police omet d’enregistrer les plaintes et ne fait pas non plus d’investigations sur ces cas en utilisant de bons moyens. Si certains agents de police s’engagent réellement à s’acquitter de leur fonction, la plupart, par contre, agissent avec désinvolture et hostilité à l’égard des femmes et des filles. Ces difficultés s’aggravent en raison du refus de faire des investigations sur des crimes commis par les soldats ou les miliciens, qui jouissent souvent d’immunité en vertu des lois qui les exemptent de toute juridiction civile. Le Gouvernement soudanais s’engage à lutter contre la violence sexuelle au Darfour et commence au mois de novembre 2005 à exécuter le plan national de lutte contre la 98 violence à l’encontre de la femme. Et au mois de décembre de la même année, le ministère de la Justice forme une unité de lutte contre la violence à l’égard de la femme et de l’enfant, afin de superviser l’exécution de ce plan national et de coordonner le travail visant à réaliser ses objectifs. Par ailleurs, les gouverneurs des trois États de Darfour forment des comités dans chacun de ces États – comptant des représentants des organisations et des autorités locales – pour faire face au phénomène de la violence contre les femmes. Mais ces mesures ont échoué jusqu’ici à mettre fin aux causes profondes de l’expansion large et persistante de la violence sexuelle dans tous les coins du Darfour, et à lever l’immunité des auteurs de ces crimes. Jusqu’à maintenant, l’État n’a fourni aucun effort sérieux pour empêcher les soldats et les miliciens (ou leur interdire) de pratiquer la violence sexuelle ou pour inculper les criminels. Il n’a pas non plus pris l’initiative de chercher les points faibles et les défectuosités dans les secteurs de la police et de la justice. Les femmes et les filles continuent d’être battues et violées. Le déshonneur social et les obstacles qui entravent la justice découragent les femmes et les filles lorsqu’elles décident de demander justice et compensation, alors que les membres des forces armées jouissent de l’immunité qui les protège des poursuites judiciaires. Depuis 2004, la Mission de l’Union Africaine au Soudan, dite AMIS, a fait des efforts pour protéger les femmes et les filles, victimes de la violence sexuelle. Mais le manque de ressources, en plus des défis sécuritaires et logistiques, a anéanti ces efforts. Le premier janvier 2008, une mission conjointe des Nations Unies et de l’Union africaine au Darfour (MINUAD) a pris la responsabilité de superviser la délégation de l’Union Africaine et s’est chargée de protéger les organisations de bienfaisance et les organisations humanitaires, ainsi que les habitants civils, et de poursuivre les accords de paix. Source : HRW 2008c. Rapport arabe sur le développement humain 2009 assauts donnés par les soldats, incités par leurs commandements pour se donner du « courage », le viol peut être utilisé comme un outil de guerre pour soumettre les victimes visées et les humilier. Au mois de juin 2008, le CSNU adopte à l’unanimité la résolution n° 182014 où il « exige de toutes les parties à des conflits armés qu’elles mettent immédiatement et totalement fin à tous actes de violence sexuelle contre des civils ». Le Rapport indique que la violence sexuelle vise parti culièrement les femmes et les filles et s’emploie « notamment comme arme de guerre pour humilier, dominer, intimider, disperser ou réinstaller de force les membres civils d’une communauté ou d’un groupe ethnique ». Encadré 4-8 L’histoire d’une fille nommée Abir La tuerie de Mahmoudia est survenue le 12 mars 2006, dans la maison d’une famille habitant un petit village au sud de Bagdad en Irak. Ce jour-là, cinq soldats américains de l’infanterie 502 ont successi vement violé une jeune fille irakienne âgée de 14 ans, puis l’ont tuée après avoir tiré sur sa mère Fakhria, âgée de 34 ans, et sur son père Kacem, âgé de 45 ans, et sa petite sœur Hadil âgée de cinq ans. Témoignant en échange d’une réduction de peine, un des coupables raconte qu’ils ont aperçu la jeune fille ce jour-là à un point d’inspection et l’ont suivie dans l’intention de la violer. Le 12 mars 2006, ils ont attaqué la maison de Abir, ils ont séquestré le père, la mère et l’enfant de cinq ans dans l’une des chambres de la maison et les ont tous exécutés. Ils ont violé ensuite la jeune fille, l’un après l’autre, et l’ont tuée. Dans la période comprise entre novembre 2006 et août 2007, des tribunaux militaires américains ont condamné les auteurs de ces crimes à des peines de prison allant de 90 ans à 110 ans. Source : BBC News 2007a, 2007b, 2008. Le viol des enfants en période de conflit armé Dans les situations de conflit, les cas de viol et d’abus sexuel contre les enfants continuent à être systématiques et largement répandus. Les enfants sont les plus exposés aux dangers dans les camps des réfugiés et dans les colonies des personnes déplacées internes ou dans des pays voisins. Selon le rapport du secrétaire général des Nations Unies de l’année 2008 sur les enfants et le conflit armé15, le nombre de cas dénoncés de viol et d’abus contre les enfants, a augmenté en Somalie, de 115 en 2006 à 128 pendant la période comprise entre 16 mars 2007 et 15 mars 2008. Les Centres de protection des enfants avancent que les parties compromises dans le conflit n’ont commis que quelques-uns de ces prétendus cas dénoncés, mais la continuation des combats expose les femmes et les enfants à la violence sexuelle à cause du déplacement, de la misère, de l’effondrement du règne de la loi et du retour des groupes armés et des milices qui travaillent pour leur propre compte. Certains rapports parlent des victimes âgées de 3 mois. La catégorie la plus exposée aux dangers est celle qui comprend les femmes et les filles qui vivent dans des endroits découverts et non protégés, réservés aux personnes déplacées internes (PDI) et notamment celles qui, dans leurs régions, appartiennent à des tribus minoritaires. Dans les colonies des PDI à Raf, à Raho et Tuur Jalle dans la région de Bosaso, 31 cas de viol contre enfants ont été dénoncés en un seul mois. Et dans la colonie de Boulou Manghisse à Bosaso, 25 cas de viol contre enfants ont été dénoncés au mois d’octobre 2007 et dans la première semaine de novembre de la même année, trois filles de 7, 12 et 18 ans ont été violées dans la colonie. Au cours de l’année 2007, 40 enfants ont été violés, et 12 enfants ont fait l’objet de tentatives de viol dans 5 colonies de PDI en Somalie, dont Cheikh Nour et Hargeisa. Les PDI ont avancé que dans la plupart des colonies, les auteurs de ces abus sont des déplacés comme eux, des personnes de la région d’accueil et des agents de police. Bien que les viols dénoncés soient, dans leur majorité, commis par des civils, plusieurs rapports ont indiqué que les auteurs de certains abus sexuels sont des membres appartenant aux parties en conflit, tels que les miliciens, les soldats du Gouvernement fédéral transitoire (GFT) et les troupes éthiopiennes. Les barrages sur les routes, montés par les miliciens et les bandes, constituent les endroits où les violences sexuelles dénoncées se produisent souvent. Au mois de mai 2007, les membres d’une milice ont arrêté un petit car à un point d’inspection et ont violé 8 femmes et 5 filles. D’autres cas de viol se sont produits au moment où des filles ont fui Muqdisho. Dans la première moitié de l’année 2007, il y a eu 4 cas certains de viol de jeunes filles de la part des hommes portant des costumes officiels du GFT. Souvent, ces viols sont commis par des criminels qui jouissent d’une sorte d’immunité leur permettant de L’insécurité personnelle des groupes vulnérables Dans les situations de conflit, les cas de viol et d’abus sexuel contre les enfants continuent à être systématiques et largement répandus Certains rapports parlent de victimes âgées de trois mois 99 De nombreux cas ne sont pas dénoncés de peur du déshonneur Les enfants sont une proie facile 100 déroger à la loi. Souvent aussi, les victimes sont ignorées par les institutions de justice traditionnelle et sociale qui préfèrent négocier avec la tribu des criminels en lui proposant un arrangement matériel (consistant en un nombre de chameaux ou des sommes d’argent telles que 800 USD) que le criminel ou l’un des membres de la tribu offre à la victime, ou encore l’auteur du crime lui-même épouse la victime. Ainsi, au dommage causé par le viol, la société ajoute le déshonneur dont elle affuble la victime. Selon le rapport du Secrétaire général des Nations Unies de 2007 sur les enfants et le conflit armé au Soudan16, le viol se répand à une grande échelle au Darfour comme arme de guerre. Il est clair que le problème est beaucoup plus grand que les 62 cas confirmés. Les auteurs de ces crimes sont généralement des gens armés et souvent en uniforme. Ils visent les femmes et les filles déplacées internes ou celles qui travaillent pour se nourrir. Dans la plupart des cas, la victime identifie les criminels comme étant des membres de l’armée soudanaise, de la police centrale de réserve ou des milices Janjaweed. Des rapports parlent fréquemment dans d’autres cas, d’auteurs de viol armés et inconnus. Cela montre de plus en plus que le viol vise les filles précisément. Les rapports indiquent aussi 5 cas de viol de jeunes garçons parmi les 62 cas confirmés la même année. Au sud du Soudan également, et dans les « trois régions », 6 cas de viol avérés ont été dénoncés entre le 16 juillet 2006 et le 30 juin 2007, la responsabilité est attribuée ici aux membres des forces armées agissant seuls ou en groupe. Le 15 avril 2007, deux fillettes de 10 et de 12 ans étaient sur le chemin du retour d’une ferme au nord du Darfour, lorsque deux soldats armés habillés en kaki les attaquèrent. L’un d’eux avait renversé par terre la moins jeune et l’a violée pendant que l’autre battait la plus petite. Lorsqu’un groupe de PDI s’était rapproché, les deux soldats ont pris la fuite vers le sud, comme l’avait indiqué un rapport, dans la direction d’un camp pour les forces de l’Union soudanaise tout près d’Oum Drissa. Le 15 octobre 2006, deux militaires de l’armée de libération du Soudan (Minawi) ont violé une enfant de 12 ans à Taradona au nord de Darfour, elle a été battue et violée sauvagement. Ces actes ont été confirmés et la responsabilité a été enregistrée contre Rapport arabe sur le développement humain 2009 l’armée de libération de Soudan (Minawi). Il a été confirmé aussi que 4 membres de l’Union des forces soudanaises ont violé au mois de septembre 2006 une fille de 16 ans à l’est de Djebel Marra ; l’acte a été commis devant le bébé de celle-ci âgé de 6 mois, fruit lui-même d’un viol antérieur. Les viols reflètent les malheurs quotidiens que vivent les filles, et dont la plupart surviennent lorsque celles-ci vont chercher de l’eau, ramasser du bois à brûler ou accomplir d’autres tâches domestiques. Il est rare que ces crimes de viol fassent l’objet d’une enquête ou d’une poursuite judiciaire au Darfour où les institutions représentant la loi sont presque absentes. De même que de nombreux cas ne sont pas dénoncés de peur du déshonneur. Au moment de préparer ce rapport, 3 cas ont été enregistrés, dénonçant des viols commis par 2 membres de la police centrale de réserve et un membre de l’Union des forces soudanaises ; ils ont comparu en justice pour avoir violé de jeunes garçons de 13 ans. Des enfants enrôlés dans la guerre Les enfants sont une proie facile aux pratiques qui sapent leur sécurité. Ces pratiques ne s’arrêtent pas à l’anéantissement de leur liberté, mais elles leur causent également des préjudices énormes qui vont des complexes psychiques, aux dommages physiques et même à la mort. La plus cruelle de ces pratiques est le recrutement des enfants pour la guerre. Celui-ci prend généralement trois formes : la première consiste dans leur recrutement pour le combat effectif, phénomène connu sous le nom de la militarisation des enfants, la deuxième est de les employer dans des activités « de support » comme le transport de l’équipement, l’espionnage, la surveillance, la transmission de messages et les services sexuels, la troisième à les utiliser comme boucliers humains ou pour la propagande. Dans les pays en voie de développement, la guerre civile et l’occupation étrangère créent des conditions favorables à l’exploitation des enfants. Parmi ces conditions, l’effondrement de la sécurité générale et de la stabilité politique, la perturbation du travail des institutions pédagogiques, la dislocation familiale, la pauvreté, le chômage, le déplacement des populations et leur fuite en dehors du pays. Difficile de distinguer les enfants qui s’engagent « volontai rement » dans des combats pour l’argent de ceux qui font ce service sous pression, au détriment de leur développement mental, psychique et physique. Pourtant, on peut distinguer deux cas d’engagement des enfants dans les activités militaires dans les pays arabes. Au Soudan et en Somalie les rapports parlent largement de la militarisation des enfants ; dans les autres régions de conflit, dans le Territoire palestinien occupé, au Liban, en Irak, ils parlent d’enfants, volontaires ou forcés, jouant des rôles de support pendant que leur souffrance continue à cause du conflit armé dans ces régions17. Seul un petit nombre de pays arabes s’est engagé devant la communauté internationale à interdire le recrutement des enfants pour des activités militaires. Treize pays seulement ont ratifié le protocole optionnel de la convention des droits des enfants au sujet de leur participation aux conflits armés. Ces pays sont : la Jordanie, Bahreïn, la Tunisie, le Soudan, la Syrie, l’Irak, Oman, Qatar, le Koweït, la Libye, l’Égypte, le Maroc et le Yémen. Trois autres pays (Djibouti, Somalie, Liban) ont signé le Protocole optionnel sans le ratifier. Ce protocole souligne l’engagement de ces pays à protéger les enfants contre la participation aux conflits armés et incite à congédier les enfants qui n’ont pas atteint l’âge de dixhuit ans18. Même si le recrutement des enfants dans des opérations de combat est limité à des régions de conflit dans les pays arabes, les États arabes sont tous tenus de déclarer clairement leur engagement à lutter contre ce phénomène. Cela est vrai surtout pour les pays qui ont ratifié le protocole exigeant la prise de toutes les mesures nécessaires pour mettre à exécution cet engagement. Selon le contenu du Rapport mondial sur les enfants soldats, émis par la Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats, il y avait 17 000 enfants dans les forces du gouvernement et des milices alliées et des groupes armés opposés dans les régions du nord, de l’est et du sud du Soudan au mois de mars 2004. Entre 2 500 et 5 000 enfants ont travaillé dans des groupes armés de l’opposition et de l’armée populaire de libération du Soudan au sud (APLS). Malgré les déclarations présumées de l’APLS selon lesquelles, 16 000 enfants ont été libérés de ses rangs, entre 2001 et 2004, le rapport indique que cette armée recrute encore des enfants. À cela s’ajoute que « l’Armée de résistance de Dieu » en Ouganda garde 6 000 enfants comme otages au sud du Soudan. La crise humanitaire au Darfour a généré des effets effroyables sur les enfants de la région. Au moment où les aspects de cette crise commencent à se révéler, de nombreux rapports continuent de parler d’enfants séquestrés et contraints de travailler dans les forces armées et les milices combattantes. Ces rapports mentionnent que des enfants âgés de moins de 14 ans ont été aperçus en train de servir dans les forces armées et dans la police au Darfour et également dans les rangs des milices pro-gouvernementales connues sous le nom de « Janjaweed ». Il existe des preuves sûres sur le recrutement des enfants dans les forces armées soudanaises, dans le Mouvement pour la justice et l’égalité, dans les quatre sections de l’armée de libération du Soudan, dans les forces de la défense populaire, dans les forces de Janjaweed et dans la police centrale de réserve. Bien que l’utilisation des enfants dans des activités militaires au Soudan n’ait pas encore cessé, il y a des signes d’une amélioration au sud et à l’est, ainsi qu’au Darfour. D’abord l’engagement que certaines parties en conflit ont signé au sein de l’UNICEF à démilitariser les enfants et à permettre aux organismes internationaux d’inspecter leurs camps pour s’assurer qu’ils ont respecté leur engagement. Par ailleurs, les autorités gouvernementales sont d’accord pour incriminer ces activités et allouer des fonds pour réintégrer les enfants dans le cadre d’une vie naturelle. Le gouvernement de l’Union nationale à Khartoum et le gouvernement du sud du Soudan se sont engagés à respecter ces engagements, après la visite de l’envoyé spécial du Secrétaire général au Soudan au mois de janvier 2007. Au Darfour, en juin 2007, la faction « Minni Minnawi » dans l’armée de libération du Soudan a signé un plan de travail avec l’UNICEF pour mettre fin au travail des enfants dans les opérations de combat et s’est engagée selon ce plan à libérer les enfants qui travaillaient dans ses rangs. Mais le rapport international indique que jusqu’au mois de juin 2007, cette faction n’a entamé aucune action concrète pour honorer ses engagements. Le rapport conclut que toutes les parties du conflit au L’insécurité personnelle des groupes vulnérables Seul un petit nombre de pays arabes s’est engagé devant la communauté internationale à interdire le recrutement des enfants pour des activités militaires Les autorités gouvernementales sont d’accord pour incriminer ces activités 101 Le fusil sera au lieu du livre un style de vie tout à fait habituel pour les enfants. Les activités des pirates et des brigands en Somalie s’étendent jusqu’au large 102 Soudan sont responsables des crimes contre les enfants, responsables de leur mutilation, de leur enlèvement, de leur viol et de la pratique d’autres formes de violence sexuelle lors de la période mentionnée dans le rapport jusqu’au mois d’août 200719. En Somalie, toutes les parties en conflit, y compris le gouvernement transitoire, pra tiquent la militarisation des enfants. Cette pratique a connu une grande expansion depuis la chute de l’autorité centrale, l’accroissement des milices, la fuite massive des gens et le déplacement intérieur de grand nombre d’entre eux. Le représentant du Secrétaire général pour la Somalie évalue à 200 000 le nombre des enfants – c’est-à-dire à peu près 5 % des enfants en Somalie – qui ont porté les armes ou participé un jour d’une manière ou d’une autre aux activités des milices20. De nombreux rapports font état de la participation des enfants de 14 et de 15 ans à des attaques organisées par des milices et indiquent que plusieurs d’entre eux ont rejoint les bandes criminelles nommées « Moryaan », c’est-àdire « parasites » 21. Parmi ces groupes qui recrutent les enfants dans les combats : le Gouvernement fédéral transitoire, l’Alliance de la vallée de Juba, le Conseil somalien de réconciliation et de construction à Muqdisho et l’armée Rahanwein de résistance. Selon le rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé en Somalie pour l’année 200722, il existe un défi à relever : il s’agit du recrutement et de l’utilisation des enfants au sein des forces en conflit, qui est une pratique enracinée dans la culture somalienne. Dès qu’un garçon atteint l’âge de 15 ans, on le considère comme un adulte ; il devient alors apte à porter des armes. Dans le milieu social nomade traditionnel somalien, il est tout à fait normal que les enfants prennent la défense de la famille et du clan à un âge précoce. C’est pourquoi se servir des enfants dans les conflits est un phénomène très répandu et il est difficile de lui faire face. En plus, plusieurs phénomènes, comme le déplacement, l’abandon, la négligence, la perte des parents et la pauvreté se conjuguent pour exposer de nombreux enfants au recrutement, particulièrement ceux qui vivent et travaillent dans les rues. Les rapports indiquent que le recrutement Rapport arabe sur le développement humain 2009 des enfants s’est développé sensiblement en 2006, à cause de l’éclatement du conflit à Muqdisho entre l’Union des cours islamiques (UCI) et les seigneurs de guerre de « l’Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme », et du conflit qui a éclaté dans la région centrale et le sud de la Somalie entre l’UCI et le Gouvernement fédéral de transition (GFT). Cependant, il est difficile de vérifier le nombre exact des enfants utilisés ou engagés dans ces conflits ou de connaître leur âge parce qu’il n’existe pas de registre pour les naissances en Somalie. La réalité prouve l’étendue de ce phénomène. Outre les nombreuses attestations de témoins oculaires sur l’existence d’enfants ne dépassant pas l’âge de 11 ans aux points d’inspection et dans des véhicules militaires appartenant aux différentes parties en conflits à Muqdisho en 2006, les Centres de protection de l’enfance appartenant aux Nations Unies ont interviewé 14 enfants actifs servant dans l’UCI et les groupes armés. Les dommages physiques et psychiques subis par ces enfants à cause de leur participation au conflit armé laisseront sans doute des traces visibles sur leur personnalité durant toute leur vie, encore faut-il qu’ils restent en vie après de telles souffrances. Leur privation d’une vie de famille stable ne leur laisse aucune chance de recevoir une éducation régulière et d’acquérir des qualifications pour trouver un gagne-pain normal. Aussi prennent-ils l’habitude d’utiliser la force pour résoudre les conflits et assurer leur vie, et le fusil sera au lieu du livre un style de vie tout à fait habituel pour eux. Il n’est donc pas surprenant de voir de nombreux adolescents faire partie des bandes de crime organisé ou s’adonner à la piraterie sur les côtes somaliennes. Les activités des pirates et des brigands en Somalie s’étendent jusqu’au large. Lorsque les moyens légitimes de vivre viennent à manquer, à cause de l’expansion du chômage et de la pauvreté, ces activités se transforment en sources de revenu à haut risque, certes, mais de haute rentabilité pour certains. Situation des réfugiés et des personnes déplacées internes De toutes les régions du monde, la région arabe constitue un cas particulier en ce qui concerne les situations des réfugiés. C’est la région où se rencontrent deux questions, celle des réfugiés les plus anciens dans le monde entier, c’est-à-dire la question des Palestiniens, et celle, plus récente, la question de Darfour. Il convient de distinguer ici entre deux sortes de réfugiés : ceux que l’on oblige à quitter leur lieu d’habitation d’origine mais qui restent au sein de leur pays – les Personnes déplacées internes (PDI) – et ceux qui sont forcés de quitter complètement leur pays. Cependant, le statut légal des réfugiés dans la convention relative à la situation des réfugiés telle qu’elle est définie par les Nations Unies en 1951, ne s’applique qu’à ceux qui, en raison d’une peur justifiée de la persécution à cause de leur origine, leur religion, leur nationalité, leur appartenance à un groupe social donné ou à cause de leurs idées politiques sont en dehors du pays de leur nationalité, et ne peuvent ou ne veulent, à cause de cette peur, être sous la protection de ce pays ; et toute personne n’ayant pas de nationalité et se trouvant à l’extérieur de l’ancien pays de sa résidence habituelle à cause de ces raisons et ne peut ou ne veut à cause de cette peur retourner dans ce pays. Les réfugiés La question des réfugiés est en relation avec la sécurité humaine dans trois domaines – le lieu d’origine, le progrès de l’expérience, son résultat final. Les raisons qui poussent l’être à devenir réfugié constituent en ellesmêmes de graves dangers pour la sécurité humaine et se reflètent au minimum dans la perte du travail et de la source de revenu, et au maximum dans la menace des vies humaines par l’armée de l’occupation ou les milices rivales. La vie du réfugié est entièrement entourée de dangers – tels que l’incapacité de trouver un emploi ou une source de revenu susceptible de répondre à ses besoins fondamentaux, l’exposition à la discrimination, à l’oppression et à l’exclusion sociale. L’épreuve du réfugié risque de ne jamais avoir de fin parce qu’il peut mourir comme tel et léguer sa situation à toute une génération. Il est réellement difficile de compter le nombre des réfugiés dans le monde, néanmoins, leur nombre a pu être estimé dans les pays arabes à environ 7,5 millions en 2008, selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR) et l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Cela représente 46,8 % du nombre global des réfugiés dans le monde, enregistrés par le HCNUR et l’UNRWA en 2008 et qui est estimé à 16 millions23. Le plus grand nombre de réfugiés dont la plupart sont palestiniens et irakiens résident en Jordanie, en Syrie et en TPO. La Jordanie et la Syrie accueillent chacune plus de deux millions de réfugiés, et à peu près 1,8 million de réfugiés habitent le TPO. Les Palestiniens représentent plus que la moitié du nombre global des réfugiés selon leurs pays d’origine, car ils comptaient plus de 4 millions en 2007. Viennent en deuxième lieu les Irakiens dont le nombre dépasse deux millions puis les Soudanais avec un nombre estimé à 300 000 environ, et en dernier lieu, les Somaliens dont le nombre dépasse 200 000 réfugiés. 4,6 millions de réfugiés palestiniens environ vivent dans des camps partagés entre trois pays arabes, en plus de la Cisjordanie et la Bande de Gaza. La plus grande concentration de réfugiés se trouve Tableau 4-6 Le nombre global des réfugiés selon le HCNUR et l’UNRWA selon le pays d’origine et de résidence, 2007 Le pays de provenance des réfugiés Irak Somalie Soudan TPO * (réfugiés de l’UNRWA) La vie du réfugié est entièrement entourée de dangers Pays de résidence** Syrie Jordanie Iran Liban 1 500 000 500 000 57 414 50 000 Kenya Éthiopie Djibouti Yémen 192 420 25 843 5 980 110 616 Tchad Éthiopie Égypte Érythrée 242 555 35 493 10 499 729 Jordanie TPO Syrie Liban 1 930 703 1 813 847 456 983 416 608 Source : HCNUR 2008 ; UNRWA 2008. Remarques : Les réfugiés du HCNUR comptent parmi eux ceux qui ont reçu des aides du HautCommissariat et ceux qui sont dans la même situation qu’eux, et les réfugiés de l’UNRWA sont ceux qui sont enregistrés dans les camps officiels. * Au mois de juin 2008 et selon la définition utilisée par l’UNRWA, les réfugiés palestiniens sont des gens dont la Palestine était leur lieu de résidence entre juin 1946 et mai 1948, et ceux qui ont perdu leurs maisons et sources de revenu à cause du conflit arabo-israélien. ** Le nombre des résidents dans les principaux pays de destination des réfugiés. L’insécurité personnelle des groupes vulnérables 103 Figure 4-2 Endroits des réfugiés palestiniens enregistrés chez l’UNRWA (en milliers) 2008 5 000 4 500 4 000 3 500 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 0 Liban Syrie Cisjordanie Gaza Jordanie Total Source : UNRWA 2008. Les sentiments de la plupart des réfugiés sont à jamais entachés de souvenirs d’humiliation 104 en Jordanie, puis à l’intérieur du TPO et en dernier lieu en Syrie et au Liban. Les situations des réfugiés varient suivant le temps passé en réfugiés, le pays dans lequel ils se sont réfugiés et les ressources dont ils disposaient ou pouvaient escompter lorsqu’ils ont quitté le lieu de leur résidence originaire. Ces ressources peuvent être, le niveau d’éducation, les compétences, les épargnes, les amis et les connaissances capables d’aider. Ceux qui vivent la première étape de leur exil ou de leur déplacement et ne possèdent aucune ressource, courent les risques économiques communs à travers la perte de l’emploi et d’un revenu correct, de l’habitat et des conditions alimentaires et hygiéniques convenables. À mesure que la durée de l’exil se prolonge, la capacité d’adaptation aux conditions difficiles se renforce, et c’est exac tement le cas des Palestiniens à l’intérieur et à l’extérieur du TPO. Sauf que la réception d’aide et l’adaptation aux conditions difficiles ne mettent pas fin à la souffrance (Sari Hanafi, en anglais, document de base pour le rapport). Les sentiments de la plu part des réfugiés sont à jamais entachés de souvenirs d’humiliation, de persécution et de la conviction d’avoir perdu leur patrie24. Dans certains pays d’accueil, les camps des réfugiés palestiniens se sont transformés en quartiers d’habitation. Dans d’autres pays tels que la Jordanie et la Syrie, les réfugiés palestiniens ont le droit au travail et le droit de profiter des services sociaux25. Par contre, les réfugiés palestiniens au Liban rencontrent d’énormes difficultés à trouver un emploi, et ils sont privés des droits Rapport arabe sur le développement humain 2009 de posséder une maison en leur nom ; ils vivent par conséquent dans des camps pauvres et surpeuplés. Certaines informations montrent que les réfugiés irakiens en Jordanie se sont installés principalement en familles dont le pourcentage du sexe féminin dépasse celui du sexe masculin, et les personnes ayant reçu une éducation en constituent une grande proportion. 70 % d’entre eux ont l’âge de travailler (au-dessus de 15 ans), mais seuls 30 % travaillent effectivement et alors la plupart d’entre eux dépensent leurs épargnes ou reçoivent des transferts d’argent de l’Irak. Le retour d’un petit nombre d’entre eux en Irak à la fin de 2007 reflète parfois le manque d’épargnes plus qu’il ne reflète l’amélioration de la situation de sécurité. Les agences des réfugiés indiquent que des nombres croissants de réfugiés demandent asile auprès des pays industrialisés avancés. (Sari Hanafi, en anglais, document de base pour le rapport). Un sondage réalisé récemment indique qu’un grand nombre d’Irakiens n’ont pas le permis de séjour nécessaire pour tout étranger vivant en Jordanie. Il semble que le revenu joue un rôle important dans l’obtention de ce permis. Car 80 % de personnes aisées le possèdent alors que le pourcentage des réfugiés pauvres qui ont réussi à l’avoir ne dépasse pas 20 %. Plus d’un tiers (35 %) ayant répondu au sondage, disent qu’ils désirent s’inscrire au HCNUR, mais le pourcentage de ceux qui se sont effectivement inscrits était plus élevé parmi les chrétiens pauvres – seuls 15 % des riches se sont inscrits en comparaison avec les 50 % de pauvres (Sari Hanafi, en anglais, document de base pour le rapport). Une autre étude montre que les Irakiens en Syrie ne vivent pas dans les camps des réfugiés mais dans des appartements. Certains d’entre eux sont venus en Syrie volontairement fuyant la mort et l’enlè vement, dans l’attente de leurs familles qui ne sont pas sûres de pouvoir les suivre. Leurs soins de santé dépendent de leur revenu : consulter un médecin est à la portée de ceux qui le peuvent matériellement, quant aux pauvres, ils se rendent dans des centres de soins premiers en cas d’urgence, pour recevoir de simples services médicaux. Ils peuvent également se rendre aux centres du croissant rouge palestinien qui ne sont pas d’habitude fréquentés par les Syriens. Ces centres fonctionnent bien malgré leur surcharge. Bien que des établissements éducatifs syriens aient ouvert leurs portes aux Irakiens, une étude a montré que le nombre des Irakiens qui se sont inscrits dans des écoles syriennes a atteint environ 30 000. Selon cette étude, cela est dû au fait que les enfants sont obligés de négliger leurs études pour aller travailler et subvenir aux besoins de leur famille. L’étude indique ainsi que les Irakiens venus en Syrie ne ramènent avec eux que peu d’argent de peur d’être attaqués sur la route par les brigands. Une fois en Syrie, ils comptent sur le transfert d’argent que leur font leurs proches si toutefois ces derniers sont dans la capacité de leur rendre ce service, sinon, les réfugiés sont obligés de chercher un emploi dans ce pays d’accueil qui n’arrive même pas à en assurer à ses propres citoyens26. La situation des réfugiés soudanais et somaliens est assurément plus catastrophique, car les réfugiés fuient ces deux pays pauvres d’origine vers des pays non moins pauvres comme le Tchad et le Yémen. D’autant plus que la situation dans laquelle ils vivent est plus récente et surtout pour ceux qui ont fui Darfour et pour les victimes du conflit armé entre l’UCI et leurs ennemis, les seigneurs de la guerre et les forces éthiopiennes. Un rapport établi par le Programme alimentaire mondial (PAM) indique que 670 000 personnes ont fui dès que la guerre a éclaté à Muqdisho en 200727. La situation s’est détériorée en Somalie au point que les gens ont pris le risque de traverser la mer. 30 000 parmi ces réfugiés sont arrivés au Yémen au cours de l’année 2007 après avoir traversé le golfe d’Aden alors que 1 400 sont soit tués sur la route, soit considérés comme disparus28. Pour ceux qui trouvent asile en Jordanie, au Tchad ou en Syrie, rester en vie ne réduit pas pour autant leur sentiment qu’un danger imminent les guette. Les graves dangers et l’insécurité ont poussé ces réfugiés à fuir. Cependant, ces dangers inhérents à leur situation de réfugiés les accompagnent et continuent de constituer pour eux, une source permanente de menaces. Ils sont devenus maintenant dans le pays d’accueil à la merci des événements et des évolutions politiques et économiques qui peuvent se retourner contre eux à n’importe quel moment, surtout si l’opinion publique relie leur présence dans le pays à l’inflation ou la rivalité pour les emplois et les services publics. Si des États comme la Jordanie et la Syrie traitent les réfugiés irakiens et palestiniens décemment, cela n’est pas le cas des réfugiés soudanais et somaliens dans leurs pays d’accueil. Les gens deviennent principalement réfugiés à cause des dangers qui menacent leur sécurité, et la continuation d’une telle situation constitue une autre menace qui augmente leurs souffrances. Les graves dangers et l’insécurité ont poussé ces réfugiés à fuir Les personnes déplacées internes En plus des réfugiés, il y a les Personnes déplacées internes (PDI). Les raisons dif fèrent d’un cas à l’autre, mais ils ont des traits en commun. Ils sont tous des victimes de conflits locaux ou internationaux, des victimes de l’occupation ou des attaques des milices en conflit. Le nombre de PDI est de 9,86 millions au moins29. Une bonne partie d’entre eux se trouve dans 6 pays arabes : le Soudan, la Syrie, la Somalie, Irak, le Liban et le Yémen. La majorité se trouve au Soudan, et elle s’estime selon l’IDMC30 entre 4,5 millions et 5,8 millions de personnes. L’Irak vient en deuxième position avec 2,4 millions, puis la Somalie avec un million environ. En Somalie, deux années de guerre anarchique et de violations graves des droits ont généré une crise humanitaire qui va en s’aggravant. Le rapport du Secrétaire général à propos de la situation en Somalie31 indique qu’environ 750 000 personnes parmi les habitants de Muqdisho, c’est-à-dire les Tableau 4-7 Le nombre de PDI est de 9,86 millions au moins Estimation des nombres de Personnes déplacées internes dans les pays arabes, 2007 Pays Nombre des PDI Nombre global (chiffres arrondis, hautes estimations) Les déplacés ayant reçu la protection/assistance du HCNUR Soudan 5 800 000 1 250 000 Irak 2 480 000 2 385 865 Somalie 1 000 000 1 000 000 Syrie 430 000 - Liban* 390 000 200 000 TPO 115 000 - Yémen 35 000 - Source : HCNUR 2008 ; IDMC 2008. * Relevés du HCNUR, les données pour le Liban se réfèrent à 2006. L’insécurité personnelle des groupes vulnérables 105 deux tiers de la population, l’ont fui entre le 15 mars et le 15 juillet 2008, ce qui a élevé le nombre global de ceux qui ont fui la ville depuis l’éclatement du conflit actuel à environ un million de personnes, 300 000 d’entre elles vivent dans un camp monté en dehors de la capitale. Les populations des centres urbains sont tenues de faire des choix difficiles : priver leurs enfants des écoles, se passer des soins médicaux et se contenter d’un seul repas par jour pour pouvoir faire face à la pénurie alimentaire. Si la situation humanitaire continue ainsi à se détériorer, 3,5 millions de personnes auront besoin d’aide vers la fin de 2008. Selon un rapport de l’organisation Human Rights Watch émis en 200832, 1,1 million de Somaliens ont été déplacés loin de leurs lieux de résidence, dans la région du centre et du sud de la Somalie, au moment où des centaines de milliers de PDI vivent tout le long de la route entre Muqdisho et Afgooye dans des camps déplorables qui sont devenus eux aussi une scène de combat féroce. Encadré 4-9 Briser le silence autour de la violence contre la femme Le silence autour des actes de violence contre la femme constitue le principal obstacle à la limitation de ces pratiques et de ces violations, parce qu’il est difficile de déterminer les faits et leurs conséquences. Ce qui rend les choses plus difficiles encore, c’est que les programmes culturels qui aideraient à traiter ce problème sont coûteux et inscrits dans le long terme. Mais ce phénomène commence à se révéler au grand jour grâce aux rapports émis par les organisations, nationales et internationales, des droits de l’homme et des droits de la femme, et à travers les études faites par les Centre d’études et les Refuges pour femmes, d’autant plus que les médias commencent dernièrement à briser les tabous qui entourent ce sujet. Tous les pays arabes ont besoin d’une série de lois qui incriminent clairement les actes de violence contre les femmes. Mais changer les lois n’est pas suffisant pour changer la culture de l’irresponsabilité qui perpétue les menaces contre la sécurité personnelle de la femme arabe. Cela demande un changement profond dans les orientations pour lutter contre la discrimination enracinée à l’encontre de la femme. Car, des questions complexes à propos de la culture, des habitudes héritées et de la société se cachent derrière les tentatives de réforme nécessaires, visant à promulguer des lois, à les appliquer et à les expliciter. Dans l’environnement du XXIe siècle, d’énormes défis attendent les pays arabes pour accélérer la création des changements qui se sont fait tellement attendre dans les domaines socioculturels, visant à renforcer la sécurité personnelle des femmes. Il est nécessaire de prendre une position décisive contre les partis pris fondés sur le genre dans tous les domaines de la vie, à commencer par des valeurs consolidées par le système éducatif pour en arriver aux pratiques discriminatoires et aux stéréotypes régnant dans les lieux du travail, dans les médias, et dans la société en général. Source : L’équipe du rapport. 106 Rapport arabe sur le développement humain 2009 Alors que les milices travaillant pour leur propre compte se livrent à des opérations de vol, de viol et d’homicide à l’encontre des PDI, sur la route du sud dans la direction du Kenya. Au Soudan, 30 000 personnes ont été déplacées à la suite des combats dans la ville d’Abyei33. Selon le HCNUR34, la protection reste un besoin essentiel pour les PDI au Soudan car leurs colonies manquent de sécurité, de services de base et d’opportunités de gérer les ressources matérielles. Au Darfour, l’insécurité représente une contrainte majeure pour les PDI, pour les réfugiés revenus et les travailleurs humanitaires, pendant que les attaques et les guerres tribales dans les villages continuent, causant ainsi d’autres déplacements. Les travailleurs humanitaires trouvent des difficultés à accéder aux personnes qui souffrent de ces situations, d’autant plus que les attaques sont de plus en plus fréquentes contre les ONG et les organisations internationales sur la route. Par conséquent, les hélicoptères restent le seul moyen de transport, ce qui rend les opérations coûteuses. Quant aux déplacés à Khartoum, ils ont des besoins précis, relatifs à leur situation, comme les documents d’identité, la possession d’un terrain agricole et la sécurité physique, en plus de la nécessité de chercher des informations sur leurs pays d’origine. Avec l’absence de ressources matérielles et d’offres d’emploi, les risques d’exploiter les femmes et les enfants augmentent et, selon le HCNUR, les besoins des PDI n’avaient pas reçu la priorité nécessaire à cause des défis humanitaires imposés. Dans ce cadre, le HCNUR insiste sur la nécessité d’attribuer une attention particulière à la prévention de la violence sexuelle et de la violence fondée sur le genre répandues entre les PDI. Conclusion Les sociétés peuvent être évaluées d’après leur manière de traiter les catégories vulnérables. C’est pourquoi ce chapitre a essayé d’illustrer les étapes que les pays arabes doivent parcourir pour pouvoir comprendre et aborder les situations critiques des catégories ne jouissant pas d’une attention suffisante. Il s’agit des femmes régulièrement offensées et violées au moment où l’attention de l’opinion publique est portée ailleurs, des esclaves qui font l’objet de traite en vue de leur utilisation dans les usines, dans les maisons et dans les maisons closes, d’enfants militarisés et conduits au métier de la mort, de PDI qui se jettent dans des voyages entourés de dangers, fuyant les guerres sévissant dans leurs régions et souffrant du manque de liberté et de la réduction des moyens de survie. Il n’est pas dans le pouvoir de l’État ni de la société de protéger ce qu’ils ne voient pas. Il est nécessaire donc de chercher des solutions à ce niveau d’insécurité trop élevé, et ce, en partant de la reconnaissance de l’existence de ces catégories vulnérables et de la connaissance de la gravité et de l’origine de la menace qui les guette. Notes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 UNICEF et le Centre de recherche Innocenti 2000. Décision de l’Assemblée générale des Nation unies 1994b. ONU – Division de la population du Département des affaires économiques et sociales (DEASNU) 2007a. UNICEF 2009a. La mutilation génitale féminine « est une violation fondamentale des droits des filles. C’est une pratique discriminatoire contraire aux droits à l’égalité des chances, à la santé, au droit de ne pas être exposé à la violence, aux blessures, aux sévices, à la torture et aux traitements cruels, inhumains ou dégradants, au droit à la protection contre les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé, et au droit de faire librement des choix en matière de reproduction. Ces droits sont protégés en droit international ». République Arabe de l’Égypte 2008 (en arabe). Hoyek, Sidwi, and Abou Mrad 2005. Beydoun 2008. Moghaizel et Abd El-Satar 1996. ONU – Rapport du rapporteur spécial de la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences 2008m. ONU – Rapport du rapporteur spécial de la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences 2006. L’index montre le nombre de sources qui rapportent une information variable à propos d’un pays, selon une échelle de cinq degrés allant de « très bas » à « très élevé » en comparaison avec tous les autres pays (comme les informations qui indiquent si le pays ou la région est le lieu d’origine ou le pays de transit où se pratique la traite des êtres humains). OMS 2008a. OMS 1997. ONU – Résolution du Conseil de sécurité 2008g. ONU – Rapport du Secrétaire général des Nations Unies 2008g. ONU – Rapport du Secrétaire général des Nations Unies 2007g. McManimon 1999. Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats 2004 ; 2008. Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats 2004 ; 2008. Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats 2004. Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats 2008. ONU – Rapport du Secrétaire général 2007b. Calculs fondés sur les PNUD/RADH fondés sur les données du HCNUR 2008 et UNRWA 2008. Abou Ziad 2008. L’UNRWA informe que les réfugiés palestiniens en Jordanie reçoivent un passeport jordanien temporaire qui ne leur accorde pas les droits d’une citoyenneté entière, comme le droit de voter et l’accès à la fonction publique [http:// www.unrwa/refugees/Jordan.html]. Al-Khalidi, Hoffman, and Tanner 2007. PAM 2008a. UNOCHA 2008b. IDMC 2008 (en anglais). IDMC 2008 (en anglais). ONU – Rapport du Secrétaire général 2008i. HRW 2008a (en anglais). Mission des Nations Unies au Soudan 2008. HCNUR 2009. L’insécurité personnelle des groupes vulnérables 107 Chapitre 5 Défis pour la sécurité économique1 La sécurité économique constitue la voie principale pour se libérer du besoin Le premier Rapport arabe sur le développement humain (RADH 2002) a caractérisé la région arabe comme étant plus riche que développée. Cette caractérisation confirme l’existence d’une fracture entre les richesses de la région d’une part, et les niveaux réels de son développement humain, d’autre part. C’est là un fait qui montre les échecs accumulés par les politiques suivies, lesquels échecs ont souvent été passés sous silence par les analyses traditionnelles de l’époque. En fait, La fabuleuse richesse pétrolière des pays arabes est trompeuse car elle dissimule les points de faiblesse structurelle et l’insécurité qui en résulte aussi bien pour les États que pour les citoyens. Ce chapitre traite de certains types de vulnérabilité économique dans les pays arabes, partant du fait que la sécurité humaine implique que les gens sont capables d’exercer librement et en toute sécurité leurs choix, qu’ils peuvent être relativement sûrs de ne point perdre demain les opportunités dont ils disposent aujourd’hui2. Comme l’a montré le premier chapitre, le fait de se libérer à la fois de la peur et du besoin est considéré comme fondamental dans cette conception de la sécurité humaine. À cet égard, la sécurité économique constitue la voie principale pour se libérer du besoin. Introduction Les lacunes des politiques adoptées ont des conséquences sur la sécurité économique Ce chapitre traite de la notion de sécurité économique de l’homme à partir des dimensions les plus importantes définies, à l’origine, par le RDH 1994 du PNUD, à savoir : les niveaux du revenu réel de l’individu et ses différents types de croissance, les options du travail, la pauvreté et la protection sociale. C’est dans ce cadre que le présent chapitre considère le parcours confus de la croissance des pays arabes basée sur le pétrole, la précarité du modèle économique y afférent et les tendances fluctuantes des retombées de la production pétrolière dans la région. Il procède à l’identification des lacunes des politiques adoptées et qui ont des conséquences sur la sécurité économique en termes de chômage et de baisse persistante des revenus. Il suggère également que l’apport de solutions globales est d’abord tributaire de l’adoption de politiques sociales et économiques saines, intégrées et à long terme et de son exécution de façon coordonnée. Ces politiques doivent inclure la relance de l’industrie et la mise en place efficace de filets de protection sociale. Figure 5-1 Fluctuation des prix du pétrole : croissance du PIB régional (sur la base de l’USD fixe de 1990) et croissance nominative des prix du pétrole 1976-2007 Prix du pétrole % Distribution régionale des niveaux du PIB en catégories de pays, 2007 PIB % 12 10 8 6,3 % 42,8 % 42,5 % 8,4 % 6 4 2 1976 1977 1978 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 70 60 50 40 30 20 10 0 -10 -20 -30 -40 Figure 5-2 a 0 -2 -4 Prix du pétrole PIB Revenu élevé Revenu moyen supérieur Revenu moyen inférieur Revenu faible Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de la DSNU 2008 ; British Petroleum 2008. Notes : Les données de 1979 et 1986 ont été exclues du graphique pour non-harmonie avec la ligne générale d’une manière concrète. Vulnérabilité économique régionale La sécurité économique reste dépendante de facteurs exogènes 110 L’histoire des économies arabes depuis les années 1970 est largement liée à celle du pétrole. À cette période, les pays producteurs de pétrole ont réalisé les plus grands bénéfices et amassé des richesses mirifiques. Mais les pays non producteurs ont substantiellement bénéficié à leur tour des services liés au pétrole, des transferts de fonds des travailleurs émigrés, du flux d’investissements émanant des pays pétroliers, des retours en investissement du tourisme régional et des différentes formes d’aides. Tant que la situation liée au bond pétrolier était confortable, le pétrole était une bonne ressource pour la région. Mais la sécurité économique, liée aux fluctuations des marchés pétroliers, était et reste dépendante de facteurs exogènes. Le premier boom pétrolier, qui a réanimé les pays arabes à la fin des années 1970, s’est réduit à néant lors des années 1980 et au début des années 1990, vu les fluctuations aiguës des prix du pétrole dans le monde. L’analyse qui va suivre adopte la classification que la Banque mondiale a donnée des pays arabes selon les catégories de revenus, à savoir le bas revenu, le revenu moyen-inférieur, le revenu moyen supérieur et le haut revenu3. À la lumière de cette classification, la catégorie des pays à haut revenu comprend l’Arabie saoudite, Bahreïn, les EAU, le Koweït et Qatar. La catégorie des pays à bas revenu englobe les Comores, la Mauritanie, le Soudan et le Yémen. Le reste des pays arabes appartient Rapport arabe sur le développement humain 2009 Source : PNUD/RADH calculs basés sur le FMI 2007 ; Banque mondiale 2008. Figure 5-2 b Répartition de la population régionale : en catégories de pays, 2007 4,6 % 11,8 % 22,5 % 61,1 % Revenu élevé Revenu moyen-supérieur Revenu moyen-inférieur Revenu faible Source : PNUD/RADH calculs basés sur le FMI 2007 ; Banque mondiale 2008. à la catégorie du revenu moyen. Les pays à revenu moyen-supérieur sont le Liban, la Libye et Oman. L’Algérie, Djibouti, l’Égypte, le Maroc, la Tunisie et la Syrie sont des pays à revenu moyen-inférieur4. Exportations du pétrole, croissance et fluctuations Depuis les années 1970, le produit intérieur brut (PIB) des pays arabes est intimement lié à l’augmentation de la recette des exportations dominées par celle du carburant. Cela représente 75 ; 72,6 et 81,4 %5 des marchandises exportées respectivement des pays à haut, à moyen et à bas revenu depuis l’année 2006. Cette disproportion, qui oscille entre la hausse et la baisse depuis la haute croissance des années 1970 à la croissance Encadré 5-1 Walid Khadduri* – Fondements de la politique pétrolière arabe Les recettes pétrolières arabes ont entraîné une richesse exceptionnelle et une évolution des infrastructures et des autres domaines de développement dans les douze pays producteurs, pour lesquels le pétrole représente 90 % environ des budgets publics annuels. Ce sont ces mêmes recettes qui renforcent, par la même occasion, la croissance des industries d’accompagnement, les opportunités d’emploi, le revenu ainsi que les transferts d’argent des citoyens des autres pays arabes. De ce fait, le pétrole constitue une force motrice principale pour la sécurité économique arabe. Il est donc nécessaire de comprendre les fondements politiques essentiels qui orientent le parcours de cette ressource stratégique. La politique pétrolière arabe considère le pétrole comme une marchandise à la fois stratégique et vitale pour l’économie mondiale et reconnaît que les pays producteurs assument la responsabilité de pourvoir les marchés mondiaux en pétrole d’une manière sûre, sans interruption ni difficultés et à des prix raisonnables. Ce sont ces mêmes postulats stratégiques qui régissent la pensée et le processus de la décision politique. Une telle responsabilité demande l’investissement de dizaines de milliards de dollars en vue de renforcer les capacités susceptibles de répondre à la demande galopante sur le pétrole. Elle exige également la compensation de tout manque d’approvisionnement majeur sur les marchés mondiaux qu’il soit dû à des raisons industrielles, politiques ou à des catastrophes naturelles. Pour répondre aux urgences, l’entretien de la capacité de production de réserve englobe un coût estimé à plusieurs millions dans la mesure où cette capacité reste souvent gelée et entre ainsi dans le cadre du revenu perdu. Les Arabes devaient s’acquitter de cette responsabilité pendant au moins trois crises au cours des cinq dernières années : à la fin de 2002 et au début de 2003 lorsque la grève observée par les travailleurs du secteur pétrolier au Venezuela a stoppé presque totalement l’exportation du pétrole de ce pays ; lors de l’invasion de l’Irak en 2003 lorsque les exportations se sont arrêtées pendant des mois ; à l’issue des dégâts que l’ouragan Katrina a infligés aux installations de production dans le Golfe du Mexique et les raffineries au Texas et en Louisiane. Les efforts des pays arabes producteurs de pétrole se sont alors conjugués pour compenser le manque d’approvisionnement, empêcher tout manque éventuel au niveau du ravitaillement des marchés et éviter toute perturbation dans l’économie mondiale. La vitesse et la flexibilité ayant caractérisé la réaction des producteurs durant ces différentes occasions sont dues à leurs politiques visant à sauvegarder la capacité de production de réserve pour répondre aux urgences. Elle reste très coûteuse car elle consiste à garder le pétrole facile d’accès dans les champs pétroliers pour l’utiliser seulement en cas d’urgence au lieu de l’utiliser pour financer les projets sociaux. Dans la mesure où le pétrole reste une marchandise mondiale, la politique pétrolière arabe nécessite une forte coopération et un suivi continu avec les pays consommateurs pour conserver l’équilibre entre l’offre et la demande. Cette politique demande également la coopération avec les compagnies pétrolières mondiales en vue d’un transfert d’expertise et de technologie. À travers une assurance de ravitaillement pour les marchés mondiaux et la garantie du renouveau accru de la technologie de production, cette politique réalise en fait deux objectifs substantiels : l’intérêt international et l’intérêt propre des pays producteurs eux-mêmes, et surtout ceux disposant d’énormes gisements pétrolifères et visant à prolonger l’âge du pétrole aussi longtemps que possible. La plupart du temps, une série de mythes et d’assomptions erronées enveloppe la politique pétrolière arabe, dont l’illusion que la hausse des prix est le fait des pays arabes. Or, ce sont les marchés libres qui les déterminent notamment à New York et à Londres. Souvent, les spéculations qui ont lieu dans ces marchés amènent l’augmentation ou la baisse des prix. Il y a aussi un discours largement répandu sur « la sécurité pétrolière » dans la tourmente des craintes de voir les Arabes faire de la rupture des approvisionnements en pétrole une arme politique. Un tel discours est fréquent dans les milieux internationaux, mais il prend de l’ampleur pendant les campagnes électorales et politiques dans les pays industrialisés. Cela est instrumentalisé pour soutenir l’argument des voix appelant à trouver des alternatives énergétiques durables au « pétrole arabe ». En fait, parmi les raisons de poursuivre les efforts déployés afin de trouver des alternatives énergétiques à long terme, le « problème de l’instabilité du pétrole arabe » serait la raison la moins rationnelle. Pour placer ces craintes dans leur cadre réel, on doit se rappeler que les États-Unis, par exemple, consomment quotidiennement environ 21 millions de barils et importent entre 9 et 10 millions autres par jour dont seulement 2,5 millions des États arabes. Récemment, les théoriciens du « pic pétrolier » ont argué du fait que les réserves prouvées dans les pays arabes ne pourront pas répondre à la demande mondiale et que les probabilités de découverte de nouveaux gisements dans la région restent minimes. En fait, les pays arabes ont alloué annuellement plus de 100 milliards d’USD pour renforcer leurs capacités. Ils ont également commencé à exécuter de multiples projets pour avoir sous la main d’autres ressources que la production pétrolière. Mais une telle politique demande une coordination avec les pays consommateurs qui sont appelés à être plus transparents et plus francs en ce qui concerne leurs besoins futurs en pétrole. Alors que le pétrole arabe alimente l’économie mondiale, il représente également la plus importante industrie locale de la région et contribue largement à la richesse nationale. L’utilisation et la répartition de cette richesse font l’objet de controverse. Elle est, par moments, considérée comme une arme à double tranchant. De telles réserves se sont confirmées par l’absence de transparence au niveau des budgets publics et l’absence de la bonne gouvernance dans les pays producteurs de pétrole. Le pétrole a également causé le déclenchement de guerres et de conflits armés. Néanmoins, ce sont les recettes pétrolières qui ont abouti, depuis le début de son exportation dans la région, à promouvoir les différents aspects du développement sur les plans social, éducationnel et sanitaire, comme sur le plan du niveau de vie en général. Les pays arabes non producteurs de pétrole continuent de bénéficier, par le biais des offres d’emploi, des transferts d’argent et des investissements dans les domaines de l’infrastructure et à travers l’aide économique. Beaucoup d’efforts restent à fournir pour que le pétrole devienne une force qui influe positivement sur le processus du développement humain dans les pays arabes. Il est indéniable que cette ressource joue un grand rôle dans ce sens. *Ancien rédacteur en chef et rédacteur exécutif du Middle East Economic Survey (MEES). Défis pour la sécurité économique 111 Figure 5-3 Les exportations des pays arabes et la croissance du PIB (variation annuelle moyenne (%) en USD fixe de 1990) % 10 8 6 4 2 0 1970-1979 1980-1989 1990-1999 2000-2007 1970-2007 -2 -4 -6 Exportations (biens et services) PIB Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de la DSNU 2008. Tableau 5-1 Groupe de revenu (nombre de pays) Volatilité de la part de l’individu de la croissance réelle du PIB dans les pays arabes, 1961-2006 (coefficient de variation) Quote-part dans le PIB total (%) Coefficient de variation du PIB par habitant (1961-2000) Bas revenu (4) 6,3 4,05 1,25 Revenu moyeninférieur (6) 42,5 3,12 0,61 Revenu moyensupérieur (3) 8,4 4,74 1,45 Haut revenu (5) 42,8 5,9 1,36 100 4,51 1,04 Total (18) Coefficient de variation du PIB par habitant (2000-2006) Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de la Banque mondiale 2008. Note : Il s’agit d’une mesure normalisée de la dispersion d’une distribution de probabilité. Techniquement, le coefficient de variation est calculé en divisant l’écart-type par la moyenne. Le coefficient de variation est utile pour comparer le degré de variation d’une série de données à une autre, même si les moyennes sont très différentes les unes des autres. Tableau 5-2 Valeur des exportations de pétrole des pays producteurs de pétrole, 2003 et 2006 (en millions d’USD en prix courants) Pays 2003 2006 Pourcentage d’augmentation entre 2003 et 2006 Algérie 16 476 38 342 132,7 Irak 7 519 27 500 265,7 Koweït 19 005 53 178 179,8 Libye 13 567 36 950 172,3 Qatar 8 814 24 290 175,5 Arabie saoudite 82 271 188 468 129 EAU 25 153 69 810 177,5 Source : OPEP 2007. 112 Rapport arabe sur le développement humain 2009 exceptionnelle de la première décennie du xxie siècle, en passant par la récession économique des années 1980, reflétait les fluctuations intenses ayant ravagé le marché du pétrole. La Figure 5-1 montre effectivement la relation intime entre le cours du pétrole à l’échelle mondiale et la croissance du PIB sur le plan régional. La Figure 5-3 montre la moyenne de la croissance des exportations en comparaison avec celle du PIB pour différentes périodes de prospérité et de récession. La chute des recettes pétrolières pendant les années 1980 a eu un lourd impact sur les pays producteurs (à titre d’exemple, l’Arabie saoudite a connu, avec les prix de l’époque, une chute de 50 % de son PIB entre 1981 et 1987). D’autres pays ont connu une croissance économique déficitaire. Le Koweït, où le PIB a baissé de 18 % en 1981 et 1982, était notamment le pays le plus touché. Les chocs se sont alors propagés aux économies des pays non producteurs de pétrole et dont les transferts d’argent reçus ont dégringolé. Des pays comme la Jordanie et le Yémen ont éga lement connu une croissance économique négative pendant certaines années. Après 1980 et durant toutes les étapes de récession et de relance que les deux dernières décennies et demie ont connues, le revenu individuel n’a presque enregistré aucune augmentation propor tionnellement à la croissance économique dans la région. Selon les données de la Banque mondiale, la croissance de la part réelle de l’individu du PIB dans les pays arabes n’a pas dépassé les 6,4 % pendant 24 ans entre 1980 et 2004 (c’est-à-dire moins de 0,5 % par an). Depuis les années 1990, le taux de croissance du revenu individuel a fluctué d’une manière aléatoire, tendant le plus souvent vers la baisse. Le tableau 5-16 montre cette carac térist ique propre aux pays arabes en réunissant tous les indices sur les fluctuations des taux de croissance du revenu réel de l’individu par rapport au PIB. De ce fait, le même tableau montre le coefficient de disproportion entre différentes catégories de revenus arabes en se basant sur les indicateurs de développement mondial définis par la Banque mondiale. La croissance du PIB durant la période s’étalant de 1961 à 2000 a montré un haut degré de fluctuation comme il est clair dans le tableau précité. Généralement, la fluctuation dans la croissance du PIB est considérée comme élevée une fois que le coefficient de la variation dépasse un. Quand ce chiffre est inférieur à 1, la variation est considérée basse. De ce fait, il paraît que la région arabe a enregistré de très hauts degrés de fluctuation concernant les quatre types de revenus. Au niveau des pays arabes eux-mêmes, Bahreïn a enregistré le plus grand pourcentage de variation avec un coefficient de 11,3. Djibouti, où le taux de fluctuation a été seulement de 0,57, a enregistré le plus bas pourcentage. Comme le montre le tableau 5-1, cette fluctuation au niveau des taux de croissance s’est relativement allégée pendant la dernière étape de prospérité dans les pays arabes et pour toutes les catégories. Si cette évolution est source de réconfort, elle ne doit en aucun cas justifier l’autosatisfaction ou le relâchement car la récente chute aiguë des prix du pétrole inhibera sans doute la croissance future et causera de nouveau la fluctuation et l’instabilité. À cet égard, l’histoire n’offre rien d’encourageant. En effet, si on combine les deux périodes illustrées dans le tableau 5-1, il est clair que le degré de fluctuation entre 1961 et 2006 reste très élevé (le coefficient de variation étant de 4,05). Selon les données disponibles, les poussées de croissance que les pays arabes ont connues appartiendraient, surtout, à ce modèle fluctuant. À l’aube de cette première décennie du xxie siècle, les prix du pétrole ont augmenté pour atteindre des niveaux record. Une telle situation fait que les économies de certains pays arabes récoltent des recettes inégalables depuis les années 1970. Selon les estimations de la Banque mondiale7, la région du MoyenOrient et de l’Afrique du Nord a réalisé entre 2000 et 2006 un taux de croissance annuelle de 6,2 %. C’est le taux le plus élevé depuis 30 ans. Ce taux frappant est semblable au bond extraordinaire des prix du pétrole. La fourchette des prix de l’OPEP a oscillé entre 24 et 29 USD en 2003 et 51 à 66 USD en 2006, avant que le baril n’atteigne le prix sans précédent de 147,20 USD en juillet 2008. Entre-temps, les exportations du pétrole ont plus que doublé entre 2003 et 2006. Mais les chocs extérieurs qui ont touché les pays arabes sont liés à l’actuelle récession mondiale qui a commencé en 2007 avec la crise du marché de l’hypothèque immobilière aux États-Unis. Cette dépression mondiale va sûrement laisser sa trace au niveau des pays arabes. Elle pourrait même aboutir à un trouble aigu dans les modèles de croissance des principaux pays producteurs de pétrole. Ces pays ont des investissements substantiels aux États-Unis, et ne peuvent donc pas protéger leurs économies de l’impact de la crise internationale qui prend de l’ampleur. Cette même vague va se prolonger aux autres pays arabes qui vont forcément être touchés par les répercussions de la dépression sur les investissements et les transferts d’argent des travailleurs dans les pays du CCG. Certains analystes prédisent que ces derniers, qui sont soutenus par leur liquidité financière et la force de leurs fonds souverains de richesse, pourraient éviter les conséquences de la tempête en réduisant leur production du pétrole afin de maintenir la stabilité des prix et empêcher ainsi leur chute à des niveaux inférieurs. Alors que ce rapport est en cours d’élaboration et malgré la déclaration de l’OPEP, datant du 17 décembre 2008, sur une réduction aiguë de la production de l’équivalent de 2,2 millions de barils par jour, les prix continuent leur baisse. En réalité, cela revient à dire que le pétrole brut a perdu pendant les cinq derniers mois tous les acquis réalisés durant les quatre dernières années. La dépression économique mondiale va sûrement laisser sa trace au niveau des pays arabes Fragilité structurelle des économies arabes La croissance reposant uniquement sur le pétrole a engendré la faiblesse des fondations structurelles des économies arabes. En effet, plusieurs pays arabes se sont de plus en plus orientés vers une économie basée sur l’importation et les services. Or les types de services disponibles dans les pays arabes se trouvent en bas de la chaîne de la valeur ajoutée. Leur contribution au développement de la connaissance locale est minime. Ils cantonnent ainsi les pays arabes dans des positions inférieures sur le marché mondial. De ce fait, la continuité de cette tendance, qui se développe au détriment de l’agriculture et de l’industrie, reste préoccupante. Si la part des services au niveau du PIB a sensiblement diminué de plus de 60 % Défis pour la sécurité économique La croissance reposant uniquement sur le pétrole a engendré la faiblesse des fondations structurelles des économies arabes 113 Figure 5-4 Structure du PIB des pays arabes selon le secteur économique (A) et la nature de dépense (B), 1970-2007 des pays arabes et des pays à haut, moyen et bas revenus, respectivement. Construction Services Exploitation minière (principalement le pétrole) Agriculture Consommation 2004 2006 2002 1998 Exportations Investissement 2000 1996 1992 1994 1990 1988 1984 Importations (A) Haut revenu % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1986 1982 1978 Industrie 1980 1974 1976 1972 1970 2004 2006 2002 2000 1996 1998 1992 (B) Pays arabes % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1994 1990 1988 1984 1982 1978 1980 1974 1976 1972 1970 1986 (A) Pays arabes % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 (B) Haut revenu 2005 2004 2006 2004 2007 2003 2002 2002 1999 Consommation 2001 Exportations Investissement 2000 1997 1995 1993 1991 1989 1987 Importations (B) Revenu moyen (A) Revenu moyen % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1985 1983 1981 1979 1977 1975 1972 1970 2007 2005 Industrie Services Agriculture Exploitation minière (principalement le pétrole) 2003 1999 2001 1997 1995 1993 1991 1987 Construction 1989 1985 1983 1981 1979 1977 1975 1972 1970 % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Services Agriculture 2000 1996 1998 1994 1992 1990 Consommation Industrie Rapport arabe sur le développement humain 2009 Importations Exportations Investissement Consommation 2006 1998 1996 1994 1992 1990 1988 1986 1982 1980 1978 1976 1974 1972 1970 2006 2004 2002 2000 1998 1996 % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de la DSNU 2008. 114 1988 Exportations Investissement (B) Bas revenu 1994 1992 1990 1988 1986 1984 1982 1978 1980 1976 1974 1972 1970 Construction Exploitation minière (principalement le pétrole) 1986 Importations (A) Bas revenu % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1984 1982 1978 1980 1976 1974 1972 1970 2006 2004 2002 2000 1998 1994 1992 1990 1996 Industrie Services Agriculture Exploitation minière (principalement le pétrole) 1984 Construction 1988 1986 1984 1982 1978 1980 1976 1974 1972 1970 % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Figure 5-5 (A) Variabilité dans le taux de la valeur ajoutée du PIB (%), 1970-2000, selon le pays. (B) Part de la valeur ajoutée dans le PIB du côté des producteurs (%). (C) Part du PIB du côté des producteurs (%), 1970, 1990 et 2007, selon la catégorie de pays. (D) Part des secteurs productifs non pétroliers (%) 1970, 1990 et 2007, selon la catégorie de pays (A) (B) % 15 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 0 -5 -10 -15 Pays arabes Irak Libye Somalie Syrie Djibouti Comores Mauritanie Algérie Yémen Qatar Koweït Soudan Arabie saoudite Oman Bahreïn Liban EAU Maroc Jordanie Égypte Tunisie 5 Bahreïn Soudan Comores Maroc Arabie saoudite Koweït Qatar Jordanie Tunisie Oman EAU 10 Pays arabes Syrie Irak Algérie Égypte Djibouti Somalie Liban Libye Mauritanie % -20 (C) (D) % % 16 60 14 50 12 40 10 8 30 6 20 4 10 2 0 2004 2006 2002 2000 1996 1998 1992 1994 1990 1988 1984 1986 1982 1978 1980 1974 1976 1972 1970 0 Pays arabes Pays à revenu moyen Pays à haut revenu Pays à bas revenu Pays arabes 1970 Pays à haut revenu Pays à revenu moyen 1990 2007 Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de la DSNU 2008. en 1968 à 45 % en 2007, la cause en est essentiellement l’augmentation de la part du pétrole. La part des services a globalement dépassé 50 % dans les pays arabes non producteurs de pétrole. Elle est allée au-delà de 65 %, à Bahreïn, Djibouti, en Jordanie, au Liban et au Maroc. En plus, ce secteur représente 50 % de la maind’œuvre globale dans la majorité des pays arabes. La figure 5-4 (A) montre la domination croissante des deux secteurs de l’extraction minière (avec le pétrole en priorité) et les services au niveau régional et au niveau des différentes catégories de pays. Elle montre également la diminution de la part du secteur agricole. On remarque au niveau de la figure 5-4 (B) le sens général ascendant de l’expansion de l’importation et de la consommation que compense l’augmentation des exportations. Or, la consommation et le niveau des exportations ont diminué au milieu des années 1980. Entre-temps, la part de l’investissement est relativement restée stable depuis le milieu des années 1970. Il n’était pas étrange que la majorité des pays arabes connussent durant les quatre dernières décennies un haut degré de ralentissement et de dépression dans le domaine de l’industrialisation (figure 5-5, A). En fait, les pays arabes étaient moins industrialisés en 2007 qu’en 1970 ; ce qui revient à environ quatre décennies. Cela englobe les pays à revenu moyen et les autres pays dont la base économique était relativement variée sur le plan des ressources dans les années 1960 comme l’Algérie, l’Égypte, l’Irak et la Syrie. Il est vrai que les EAU, la Jordanie, Oman et la Tunisie ont réalisé un progrès notoire dans le domaine du développement industriel. Mais la part de l’industrie dans le PIB Défis pour la sécurité économique 115 Pays à bas revenu Avec les turbulences qui secouent de nouveau la région arabe, deux pressantes questions s’imposent demeure globalement très maigre même dans les pays qui ont connu un développement industriel rapide (figure 5-5 B) en comparaison avec les économies du Sud-Est asiatique. Pour la majorité des pays arabes, les marchandises manufacturées représentaient moins de 11 % de la totalité des marchandises exportées en 2006/20078. Il paraît que toutes les catégories de pays s’approchent de la modeste moyenne régionale qui était de moins de 10 % en 2007 en comparaison avec une base industrielle initiale diversifiée pour chaque pays en 1970 (figure 5-5 G). Les fondements structurels fragiles des économies arabes, dont le développement compte essentiellement sur le pétrole, se manifestent finalement de manière très claire dans la diminution aiguë de la part des secteurs productifs non pétroliers (l’agriculture et l’industrialisation) dans le PIB au niveau de tous les pays arabes à l’exception de la catégorie à haut revenu. Il convient de signaler que l’industrialisation rapide dans cette dernière catégorie s’explique, partiellement, par le bas niveau d’où ces pays sont partis dans les années 1970 et par la recrudescence rapide de la valeur ajoutée des industries pétrochimiques. Nouvelles et vieilles questions de politique pétrolière Avec les turbulences qui secouent de nouveau la région arabe, deux pressantes questions s’imposent : les pays arabes vont-ils glisser de nouveau vers un cycle de prospérité et de récession comme dans les années 1970 et 1980 ? Les pays pétroliers et non pétroliers vont-ils se partager les bénéfices de la poussée que les recettes pétrolières ont connue récemment comme cela s’est produit durant cette même Tableau 5-3 Pays Les dépenses militaires dans 4 pays arabes (en millions d’USD en prix constants de 2005) 1998 2003 2004 2005 2006 20 500 18 944 21 060 25 372 29 032 Algérie 1 801 2 453 2 801 2 925 3 014 EAU 3 036 2 853 2 629 2 559 - Libye 414 536 699 749 741 Arabie saoudite Source : SIPRI 2008. 116 Rapport arabe sur le développement humain 2009 période ? Une troisième question concerne un ancien défi : comment faire face, d’un côté, aux effets sur les pays arabes du phénomène du chômage et de la pauvreté et, de l’autre côté, au ralentissement des efforts fournis pour limiter l’insuffisance cumulée dans ces deux domaines. Les réponses à ces questions se reflètent directement sur la durabilité des économies arabes et leur capacité à contribuer à la sécurité humaine en termes d’emploi, de revenu et d’équité. Du troisième boom de courte durée à la crise financière Pour la première question, il paraît que les pays arabes producteurs de pétrole ont choisi, en adoptant une stratégie prudente, de distribuer l’énorme manne qui vient de s’abattre sur eux entre investissements étrangers, réserves extérieures et avoirs de garantie pour la réalisation de la stabilité pétrolière et le remboursement des dettes. Ils ont également entrepris de gros investissements locaux dans le domaine de l’immobilier, des constructions, du raffinage du pétrole, du transport, des communications et des services sociaux9. Cette approche diffère clairement des modèles qui ont régné dans le passé et qui se sont concentrés sur l’importation et l’exportation. Les organismes financiers internationaux se sont précipités pour louer les niveaux d’amélioration nette plausibles et reflétés par les indices de la macroéconomie dans le PIB, le commerce et l’investissement étranger direct. Mais ce nouveau modèle peut exposer, plus que jamais, les pays du CCG aux crises de dépression de l’économie mondiale dont le dernier anneau constitue un défi pénible pour le modèle de développement du Golfe centré sur la densité capitaliste. Les énormes recettes réalisées par ces pays ont permis, pour certains d’entre eux, comme l’Algérie et l’Arabie saoudite, de rembourser leurs dettes extérieures tout en conservant une réserve considérable de devises. Dans son rapport intitulé « Perspective économique régionale : le Moyen-Orient et l’Asie centrale », le Fonds monétaire international (FMI) constate que cette poussée de prospérité a abouti à une augmentation des réserves des pays du Moyen-Orient pour passer de 163,9 milliards d’USD en 2002 à 198,3 milliards l’année suivante avant d’atteindre 476 milliards d’USD en 2006 et 591,1 milliards en 2007. Ces données englobent l’Iran et quelques pays arabes qui ne sont pas principalement producteurs de pétrole ou ceux qui dépendent de l’importation comme l’Égypte et la Jordanie. Elles n’englobent pas les pays arabes producteurs de pétrole en Afrique. Mais la part du lion de cette énorme augmentation de réserves revient, sans aucun doute, aux pays du Golfe. En plus de l’investissement dans le domaine du développement et le remboursement des dettes, les pays producteurs de pétrole ont orienté une grande part de leurs recettes aux secteurs militaire et sécuritaire. Selon les estimations de l’Institut de Stockholm des recherches sur la paix (SIPRI), l’Arabie saoudite est le pays arabe qui dépense le plus dans les deux secteurs militaire et sécuritaire. Ce pays occupe le neuvième rang mondial devançant ainsi l’Espagne, l’Australie, le Brésil, l’Inde, la Corée du Sud et le Canada. Viennent ensuite, avec une très grande marge, l’Algérie et les EAU qui ont toutefois réduit la fourchette de l’armement. L’Irak occupe la quatrième place, suivi par la Libye, dont les dépenses de défense sont de moitié par rapport à l’Irak. À l’exception de l’Arabie saoudite, la dépense militaire ne constitue pas un pourcentage élevé du PIB dans ces pays. Il est vrai que les pourcentages ont diminué en Arabie saoudite pendant cette période en comparaison à ce qu’ils étaient dans les années 1980 (15,2 % en 1988, 13,4 % en 1998) et, de nouveau, à la fin des années 1990 (14,3 % en 1998, 11,4 % en 1999). Mais malgré la chute de cette tendance, la dépense militaire de l’Arabie saoudite en 2005 est restée à la limite de 8,2 %. Elle est ainsi très élevée par rapport à celle des EAU, de l’Algérie et de la Libye. En 2005, le pourcentage de la dépense militaire a oscillé entre 2,9 % en Algérie et 2 % aux Émirats et à la Libye. Certains observateurs notent que tant que les pays arabes demeurent le théâtre de raids armés et d’interventions militaires de la part des puissances régionales ou extérieures, les gouvernements arabes continueront à justifier ces dépenses au nom de la sécurité régionale. Encadré 5-2 Dangers de la crise financière sur les grands pays producteurs de pétrole En janvier 2009, le Conseil des relations extérieures a publié une étude sur le volume des fonds souverains de richesse et les probabilités de leur croissance dans les pays du Conseil de Coopération du Golfe. Les auteurs de l’étude ont abouti aux estimations suivantes : La valeur des capitaux du portfolio dans les Fonds souverains et les Banques centrales des pays du CCG a diminué de 1,3 à 1,2 milliard d’USD entre 2007 et 2008. Les pertes des actions au niveau des échanges entre les marchés et le reste des capitaux ont, en effet, absorbé l’énorme augmentation des recettes pétrolières qui ont atteint à ce moment leur paroxysme. La situation des pays producteurs les moins importants était la plus mauvaise vis-à-vis de cette baisse. Selon les auteurs de l’étude, les capitaux externes des gouvernements des EAU, du Koweït et de Qatar ont diminué d’à peu près mille milliards à 700 milliards d’USD entre 2007 et 2008. Les auteurs de l’étude prévoient que les pays du Golfe vont tendre à augmenter les quotas de leurs portfolios en termes de capitaux liquides en 2009 quels que soient les cours du pétrole. Les grands pays du Golfe devront alors donner plus de liquidité en devises aux institutions locales pour leur permettre de maintenir les niveaux de dépense. Si le pétrole se maintient à moins de 50 USD le baril, la plupart des pays finiront par s’appuyer sur leurs fonds pour soutenir les niveaux actuels de dépenses, sans avoir que les intérêts et les dividendes pour contribuer à la croissance des actifs sous gestion. Source : Setser et Ziemba 2009. D’un autre côté, le regain de prospérité a poussé certains gouvernements à jouer un rôle actif dans la recherche de la paix dans la région. L’Arabie saoudite prit la tête des États arabes en proposant l’Initiative de paix arabe fondée sur le principe de la terre contre la paix pour un compromis historique avec Israël. Elle est également intervenue pour réaliser une réconciliation entre les deux factions de la Résistance palestinienne et elle a fourni des efforts actifs au niveau du Liban. La Libye a joué, de son côté, un rôle d’importance dans la tentative d’un compromis pacifique pour la crise du Darfour. Qatar était actif en 2008 dans plusieurs initiatives autour de la crise libanaise, de la situation palestinienne et de la crise du Darfour. Même si ces efforts diplomatiques n’ont pas abouti à des résultats concrets, des signes encourageants indiquent qu’une nouvelle responsabilité régionale par rapport aux questions de paix et de stabilité dans la région est possible. Cela nous conduit à la deuxième question autour de tous les pays arabes. Ceux d’entre eux qui sont riches vont-ils utiliser leurs nouvelles richesses dans le cadre d’une mise en adéquation du concept de sécurité avec les exigences du développement humain Défis pour la sécurité économique La part du lion de cette énorme augmentation de réserves revient, sans aucun doute, aux pays du Golfe Le regain de prospérité a poussé certains gouvernements à jouer un rôle actif dans la recherche de la paix dans la région 117 La crise financière et économique mondiale qui a suivi celle de l’énergie et de l’alimentation présente des signes de la régression de la croissance économique Plusieurs pays n’ont pas les moyens de mettre en application des politiques globales et efficaces au niveau de la macroéconomie 118 et de leur consolidation dans leurs sociétés et dans la région arabe entière ? Les initiatives n’étaient pas totalement absentes. Il est possible de saluer ici la création de l’Université du Roi Abdallah des Sciences et des technologies qui offre aux lauréats arabes, hommes et femmes confondus, des bourses d’études pour faire des recherches scientifiques tout en les soutenant avec des facilités et des ressources des plus hauts niveaux. Il y a aussi la Fondation Mohammed Bin Rashid Al Maktoum qui a apporté soutien et assistance en vue de hausser le niveau de la connaissance et des capacités humaines dans la région arabe et L’Université arabe ouverte financée par le prince Talal Bin Abdul Aziz. Ces initiatives constituent des efforts considérables pour renforcer le développement humain dans la région. Toutefois, les premiers signes laissent entrevoir que les pays non producteurs de pétrole auraient moins profité du troisième boom qu’ils ne l’avaient fait des deux premiers. Quoique la richesse pétrolière soit encore transfrontalière, et même si plusieurs pays riches ont transféré une partie de leurs investissements aux marchés régionaux à l’issue des événements du 11 septembre, les flux financiers à l’intérieur des pays arabes sont devenus moins abondants et n’ont plus le même impact que par le passé. Premièrement, la croissance démographique dans les pays non producteurs a consommé une large part de ce flux financier. Deuxièmement, les transferts d’argent des travailleurs dans les pays pétroliers ont été affectés négativement par l’application des mesures de la « nationalisation de l’emploi », par le recours à la main-d’œuvre asiatique, moins coûteuse, au lieu des travailleurs arabes immigrés. Par ailleurs, il convient d’ajouter les restrictions sécuritaires qui ont affecté l’accès à l’emploi dans les pays du Golfe et, en premier lieu, les conditions des travailleurs palestiniens, égyptiens et yéménites. Les pays non producteurs ont finalement commencé à subir un coût énergétique élevé suite à l’augmentation du prix du pétrole importé et les coûteuses subventions aux carburants. Malgré tout, le pétrole est candidat à rester la principale force motrice du développement dans la région même à travers des canaux autres que celui utilisé par le passé. Rapport arabe sur le développement humain 2009 Au moment de l’élaboration de ce rapport, l’économie mondiale connaît la plus mauvaise crise financière depuis la Grande dépression. Ce qui paraissait, au premier abord, un état de difficulté parmi d’autres dont souffre le marché de l’hypothèque immobilière et de l’habitat aux ÉtatsUnis, à l’été 2007, a pris de l’ampleur pour se transformer en plus fortes pressions sur la totalité du système financier mondial et aboutir, en fin de compte, à l’écroulement de plusieurs institutions bancaires, à des chutes spectaculaires des cours boursiers et des gels de crédits. Au début de 2009, ces fissures avaient déjà déclenché une crise économique mondiale qui s’est traduite par la récession des économies les plus développées au monde et l’apparition des signes de détérioration rapide des économies émergentes et des autres en voie de développement, y compris celles qui avaient enregistré une forte performance économique dans ces derniers temps. Selon le Rapport des Nations Unies, paru en janvier 2009, sur l’Économie mondiale : situation et perspectives, le scénario de base prédit un pourcentage de croissance qui ne dépasse pas 1,0 % dans le monde entier pour l’année 2009. Le scénario le plus pessimiste dévoile, lui, un pourcentage de développement négatif dans tous les coins du monde pour cette année et pour la première fois depuis 1930. La crise financière et économique mondiale qui a suivi celle de l’énergie et de l’alimentation présente des signes de la régression de la croissance économique réalisée entre 2003 et 2006. La situation est particulièrement grave pour plusieurs pays qui n’ont pas les moyens de mettre en application des politiques globales et efficaces au niveau de la macroéconomie en vue d’affronter les conjonctures difficiles. Alors que les gouvernements des pays producteurs de pétrole dans le Golfe ont répondu à la crise par une série de stimulations financières, les pays arabes à bas et moyen revenu ne pourront pas le faire. Les dirigeants arabes ont fait preuve d’efficacité dans la mise en place d’un plan d’action régional pour affronter la crise. Ils ont notamment affirmé, au Sommet arabe de développement économique et social, qui a eu lieu au Koweït en janvier 2009, leur détermination à coopérer pour consolider les relations arabes et à réaliser les objectifs communs, surtout en ce qui concerne le renforcement du développement humain et économique y compris dans les domaines liés à la mise à niveau des jeunes et des femmes dans le traitement des questions de l’alimentation et de l’eau. La déclaration du sommet de Koweït, datée du 20 janvier 2009, a également appelé à la coopération en vue de renforcer les capacités des pays arabes à affronter les retombées de la crise financière mondiale et à contribuer aux efforts internationaux visant à garantir la stabilité financière mondiale. Types de chômage Le chômage est une source majeure d’insécurité économique dans la majorité des pays arabes. Selon les données de l’Organisation arabe du travail (OAT), le taux global du chômage dans les pays arabes Encadré 5-3 était de 14,4 % en 2005 en comparaison avec 6,3 % sur le plan mondial10. Alors que les taux de chômage local varient sensiblement d’un pays à l’autre, oscillant entre 2 % à Qatar et au Koweït et 22 % en Mauritanie, le chômage dans le milieu des jeunes représente dans tous les cas un défi sérieux commun pour bon nombre de pays arabes. En examinant les tendances du chômage dans les pays arabes, il est impératif de distinguer entre la catégorie du haut revenu, à l’exception de l’Arabie saoudite, et les autres catégories. Malgré leur lourde dépendance de la main-d’œuvre étrangère, les pays à haut revenu n’ont pas connu un taux élevé de chômage, vu la nature de leurs économies qui sont essentiellement pétrolières. Les données de l’OAT indiquent que le taux du chômage dans la dernière catégorie se situait entre 1,7 % de la population active, dans Le chômage est une source majeure d’insécurité économique Chômage, sécurité humaine et émigration La relation entre l’émigration et la sécurité humaine a de multiples facettes. Elle se manifeste aussi bien dans toutes les étapes de l’émigration que dans ses résultats. À l’origine de la décision, se trouve la conscience d’une certaine absence de sécurité humaine qui motive les travailleurs à quitter leur pays d’origine dans l’aspiration à un emploi et un revenu meilleurs. Ces facteurs de motivation s’articulent essentiellement autour du chômage, du sous-emploi et de la pauvreté. Ils englobent aussi la propagation des conflits et l’instabilité politique. La sécurité humaine est la plupart du temps exposée au danger une fois cette décision d’émigrer entre en application avec la détermination du moyen d’atteindre le pays d’accueil en vue d’y trouver un emploi. Chaque pays a un droit indéniable de souveraineté de définir et d’appliquer sa propre politique d’immigration. Mais les politiques d’immigration trop restrictives peuvent pousser les candidats à l’immigration à recourir à des réseaux criminels pour les transiter irrégulièrement au sud de l’Europe où ils espèrent améliorer leur qualité de vie et leur sécurité humaine. Autrement dit, la restriction excessive des politiques d’immigration pourrait faciliter les opportunités d’action rentable pour les bandes criminelles actives dans la traite des êtres humains. Les accidents récents des embarcations, où quelques Nord-Africains, de l’Égypte au Maroc, ont trouvé la mort en essayant d’émigrer en Europe, confirment l’ampleur de ce problème et sa gravité. Ils incarnent bien le problème de la sécurité humaine dans ses manifestations les plus mauvaises. Loin de se limiter uniquement aux dépenses financières coûteuses, ce risque peut aller jusqu’à coûter la vie aux candidats à l’immigration. Les médias focalisent leur attention sur les embarcations d’émigrés clandestins alors que certains des candidats à l’immigration prennent le haut risque de conclure des accords pour obtenir des visas touristiques et de faux papiers. D’autres encore se cachent dans des camions ou des ferry-boats. D’autres enfin escaladent ou tentent de contourner, à la nage, les barrières entourant l’enclave espagnole de Ceuta. Une autre voie de contrebande humaine mérite bien l’attention. Un nombre inestimable de personnes provenant de l’Afrique subsaharienne entre en Afrique du Nord pour tenter d’entrer au sud de l’Europe. Le transit est leur principal objectif. Ceux d’entre eux, échouant à passer les frontières où le contrôle est de plus en plus serré, s’ajoutent aux communautés grandissantes d’immigrants en Afrique du Nord. Plusieurs estimations indiquent que plus de 100 mille immigrants résident actuellement en Algérie et en Mauritanie et 1 million à 1,5 million en Libye. Des millions d’immigrants, particulièrement des Soudanais, sont en Égypte. La Tunisie et le Maroc accueillent un nombre moins important, mais en augmentation continue, de ces émigrants d’Afrique subsaharienne. Certains d’entre eux se retrouvent dans des situations précaires dans de vastes territoires des pays de l’Afrique du Nord. Ces émigrants représentent des cas tragiques de ce manque d’insécurité dans leurs pays d’origine avant d’être confrontés à une même situation dans les pays d’accueil. Cette voie contribue au tarissement des ressources déjà insuffisantes des pays arabes de l’Afrique du Nord ; faisant ainsi obstacle à leur capacité de répondre aux exigences du développement et de créer des conditions de sécurité humaine et de vie décente pour leurs citoyens. Source : Ibrahim Awad, en anglais, document de base pour le Rapport. Défis pour la sécurité économique 119 Figure 5-6 (A) Taux de chômage chez les jeunes arabes et (B) la part de la jeunesse arabe dans le chômage total (%), pour l’année 2005/2006 (A) % 50 45 40 35 30 25 20 15 10 TPO Djibouti Jordanie Soudan Somalie Mauritanie Irak Algérie Égypte Arabie saoudite Tunisie Libye * Yémen EAU Maroc Qatar Oman Syrie Bahreïn Liban Koweït 0 Pays arabes Monde 5 (B) % 80 70 60 50 40 30 20 10 Algérie Jordanie Irak Tunisie Djibouti Somalie Égypte Arabie saoudite Soudan Mauritanie * Yémen Syrie Liban Bahreïn EAU Libye Qatar Koweït Maroc Monde TPO Pays arabes 0 Source : OAT 2008 (en arabe). * Les données pour le Yémen ont pour source la Banque mondiale et du Fonds social pour le développement, 2009. son niveau le plus bas au Koweït, et 3,4 % dans son niveau le plus haut à Bahreïn. Entre ces deux cas, se place Qatar avec 2 %, les EAU avec 2,3 %. Mais les pressions croissantes sur le marché de l’emploi dans ces pays indiquent que les sérieux problèmes du chômage parmi les citoyens pourraient devenir un défi majeur dans l’avenir le plus immédiat. En contraste avec ces taux bas de chômage, la situation 120 Rapport arabe sur le développement humain 2009 de l’Arabie saoudite constitue déjà un réel défi à la sécurité économique avec un taux de 6,1 % enregistré en 200511. Durant les années 1980, le taux de chômage dans les pays non producteurs de pétrole se situait entre 16,5 %, comme étant le taux le plus élevé en Algérie, et 4,5 % en Syrie comme le taux le plus bas. Avec ses 14,2 %, le Maroc avait le 2e plus grand taux de chômage, suivi de la Tunisie avec 13,6 %, de l’Égypte avec 7,6 % et finalement de la Jordanie avec 6,2 %. Durant les années 1980, la moyenne cumulée du taux de chômage pour cette catégorie de pays arabes était de 10,6 %. Durant les années 1990, le taux le plus élevé est en Algérie avec 25,3 %, puis au Maroc avec 13,6 %. La Jordanie et la Tunisie étaient classées troisièmes avec 15,5 %. Le 4e rang était celui de l’Égypte avec 9,6 %, puis de la Syrie avec un taux de 8,1 %. Quant à la moyenne cumulée du taux de chômage en cette décennie, elle était de 14,5 %. De cette façon, le taux de chômage durant ces deux décennies a augmenté dans tous les pays considérés. Les indices initiaux de l’OAT montrent qu’en 2005 la moyenne cumulée du taux de chômage dans les pays arabes a atteint 15,5 %12 ; ce qui revient à dire qu’il a augmenté de 1 % par rapport à sa moyenne dans les années 1990. Le taux annuel d’augmentation du chômage entre 1980 et 2002 (l’année la plus récente sur laquelle les données sont disponibles) oscillait entre 6,6 % en Jordanie, comme haute limite, et 0,8 % en Tunisie comme basse limite. Le taux d’augmentation du chômage a atteint 2,8 % en Algérie, suivi de la Syrie avec 2,4 % et de l’Égypte avec 2,2 %. Pour la totalité des pays arabes, la moyenne cumulée d’augmentation a atteint 1,8 %13 (en prenant en considération le nombre des chômeurs en 2005). Une situation préoccupante si l’on prend en considération que les pays arabes auront besoin de 51 millions de nouvelles opportunités d’emploi en 202014. La plupart des opportunités d’emploi visent l’absorption dans le marché de l’emploi d’une jeunesse qui risque, dans le cas contraire, de faire face à un avenir incertain. Les estimations de l’OAT pour l’année 2005/2006 indiquent la disproportion des taux de jeunes chômeurs dans la région. Ces taux atteignent leur limite extrême en Algérie (46 %) et leur basse limite aux EAU (6,3 %). À l’exception enquête SUR la sécurité humaine – La perception du chômage et de la discrimination sur le marché du travail dans 4 pays arabes Encadré 5-4 1) Existe-t-il un chômeur de ta famille en quête d’emploi ? % 70 60 50 40 30 20 10 0 Liban TPO Maroc Koweït En prenant en considération la moyenne du volume de la famille, les réponses positives de la première question indiquent que les taux de chômage oscillent entre 30-50 % au Maroc et le Territoire palestinien occupé et 15-20 % au Liban. 2) Le chômage affecte des groupes particuliers dans la société ? 3) L aquelle des catégories sociales subit les plus mauvaises conditions de travail à son embauche ? Koweït Personnes âgées Immigrants Minorités Jeunes Pauvres Femmes Maroc Personnes âgées Immigrants Minorités Jeunes Pauvres Femmes TPO Personnes âgées Immigrants Minorités Jeunes Pauvres Femmes Personnes âgées Immigrants Liban de ce dernier pays, les pays à haut revenu connaissent des taux de chômage dépassant les 10 % parmi les jeunes : l’Arabie saoudite (26 %) ; Bahreïn (21 %) ; le Koweït (23 %) ; Qatar (17 %). Des taux de chômage relativement élevés dans les milieux des jeunes ont été enregistrés dans la catégorie des pays arabes à revenu moyen : la Jordanie (39 %), la Libye et la Tunisie (27 %) ; l’Égypte (26 %) ; le Liban (21 %) ; Oman et la Syrie (20 %) ; le Maroc (16 %). Les taux sont également élevés dans les pays à bas revenu : la Mauritanie (44 %) ; le Soudan (41 %), Djibouti (38 %) ; le Yémen (29 %)15. En général, le taux de jeunes chômeurs dans les pays arabes a dépassé le double de la moyenne mondiale avec un taux de 30 % comparé à 14 %. Dans les pays arabes, le chômage atteint les jeunes d’une manière disproportionnée sachant que les filles restent les plus touchées par le chômage. En effet, le taux de chômage pour les jeunes filles est plus élevé que celui des jeunes garçons et demeure le plus élevé dans le monde entier. Les données de l’OAT pour l’année 2005 montrent que le taux de chômage des garçons est de 25 % de la population active alors que celui des jeunes filles est de 31,2 %. Ce dernier atteint sa plus haute limite en Jordanie avec 59 % environ (en comparaison avec 35 % pour les jeunes garçons). La limite la plus basse revient aux EAU avec 5,7 % (en comparaison avec 6,4 % pour les jeunes garçons). Mais il reste un nombre limité d’exceptions où le taux de chômage des jeunes filles est inférieur à celui des jeunes garçons. Selon les données de la même organisation, ces exceptions englobent Bahreïn (18 % pour les filles et 28 % pour les garçons), la Tunisie (20 % contre 29 %), la Mauritanie (41 % contre 49 %), le Yémen où les deux taux sont égaux (14 %) pour les deux sexes16. Des signes flagrants de discrimination contre les femmes sur le marché du travail se manifestent dans les nombreuses difficultés auxquelles les jeunes diplômées sont confrontées et la concentration d’une grande proportion de femmes dans le secteur agricole où les salaires restent très dérisoires et dans des emplois sans sécurité sociale ni autres bénéfices supplémentaires. En fait, les pays arabes constituent la seule région au monde où le nombre de femmes travaillant dans le secteur agricole a augmenté. Selon l’Organisation Minorités Jeunes Pauvres Femmes % 0 10 20 30 40 50 60 Mauvaises conditions de travail 70 80 90 100 Au chômage En répondant à la deuxième question sur la discrimination contre des groupes particuliers, les interviewés ont vu que les pauvres, les jeunes, les personnes âgées et les femmes sont ceux qui affrontent les plus grands obstacles et que les jeunes sont ceux qui en souffrent le plus. Puisque la pauvreté est à la fois parmi les résultats et les causes du chômage et que la catégorie des pauvres englobe aussi d’autres groupes, la situation fâcheuse subie par les jeunes reste la plus dramatique et la plus aiguë. Les réponses à la troisième question montrent dans la majorité des cas la forte relation entre la discrimination et les mauvaises conditions de travail. Ces mêmes réponses révèlent que la catégorie qui affronte les plus mauvaises conditions de travail est celle des jeunes au Koweït, les immigrés au Liban et les femmes au Maroc. Défis pour la sécurité économique 121 La création d’emplois, spécialement pour les jeunes, est d’une extrême importance 122 internationale du travail (OIT), ce nombre s’est légèrement accru entre 1997 et 2007 pour passer de 31,2 à 32 % dans les pays du Maghreb et de 28,4 à 31 % dans les pays du Mashreq. Le taux d’emploi dans l’industrie, lui, a diminué de 19,1 à 15,2 % au Maghreb, de 20 à 18,8 % au Mashreq. Les taux de chômage dans le milieu des femmes ne confirment pas seulement l’échec des économies arabes à trouver de nouvelles opportunités d’emploi mais ils indiquent aussi des attitudes sociales défavorables enracinées contre l’embauche des femmes. Les niveaux de chômage, qui sont d’ailleurs en eux-mêmes préoccupants, ne donneraient peut-être pas une image complète de la nature sérieuse de ce problème dans les pays où les citoyens feraient recours à n’importe quel moyen pour garantir leur survie quand ils ne trouvent pas un emploi permanent. Pour cette raison, les définitions qui s’appliquent aux pays en voie de développement ne seraient pas appropriées aux pays arabes où il suffit de quelques heures de travail par semaine pour rayer le nom de l’individu du registre du chômage. De là, quand il est question d’étudier les conditions de la main-d’œuvre instable dans la région, il convient de prendre en considération les données, quoique très limitées, sur le pourcentage et le volume des conditions des travailleurs du secteur informel où ils manquent de contrats de travail et des bénéfices qui en découlent. Les chiffres les plus récents dont dispose le PNUD ind iquent que l’Algérie, l’Égypte, le Maroc et la Tunisie ont un secteur informel tellement large qu’il englobe entre 40 et 50 % de l’emploi non agricole. La majorité des travailleurs dans ce secteur sont des femmes en Égypte et au Maroc et des hommes en Algérie, en Syrie et en Tunisie. Les tendances à la baisse de l’emploi dans les pays arabes sont souvent justifiées par trois facteurs principaux. Vient en tête le repli qui a touché le large secteur public employant plus du tiers de la population active dans le cadre des réformes et des plans de réajustements structurels. Le deuxième facteur n’est que la nature limitée du secteur privé avec sa modeste performance et son incapacité sur le plan de la génération d’emplois. La troisième explication réside dans les formes et la qualité de l’enseignement général dispensé Rapport arabe sur le développement humain 2009 et qui n’est pas centré sur les compétences techniques et professionnelles demandées. Dans un tel contexte, la création d’emplois, spécialement pour les jeunes, est d’une extrême importance pour les pays arabes, surtout que le chômage masqué vient sérieusement approfondir ce défi. La transition entre l’école et le marché de l’emploi est rarement facile à cause du manque d’emplois et du hiatus qui sépare les qualifications acquises par les jeunes diplômés et les exigences du marché de l’emploi. Conséquemment, 40 % d’entre eux, âgés de 15 à 25 ans, ne trouvent pas d’emploi ; ce qui augmente le taux du chômage même parmi les personnes éduquées. Mais une démographie majori tairement jeune représente aussi des horizons prometteurs d’opportunités ouvertes devant les pays arabes quoique dans un cadre temporel limité. Elle représente aussi une richesse qui peut ouvrir la voie à ces groupes pour se transformer en population active fraîche, engagée, économiquement dynamique, jouissant d’une bonne santé, avec moins de charges familiales et avec la capacité de revenu, d’épargne et d’investissement. Pour ce faire, le politique, le social, et l’économique doivent être gérés dans le sens de la mobilisation du potentiel de cette population active ; ce qui est loin de s’accomplir maintenant avec une vitesse suffisante. Plusieurs études montrent que les politiques de l’État ont à se centrer sur la restructuration du système éducatif pour combler les lacunes en termes de qualification professionnelle, répondre aux indices du marché de l’emploi et motiver les capacités cognitives convenables aux perspectives de l’économie régionale et mondiale17. Les épargnes nationales ont besoin d’être converties efficacement en d’importants investissements pour l’expansion des services de la santé et de l’habitat et pour renforcer le marché de l’emploi en vue de subvenir aux besoins de cette population active et lui permettre ainsi d’augmenter sa productivité. Un effort spécial est requis pour déloger certaines barrières sociales qui se dressent devant l’accès des femmes aux emplois à haute productivité. Au niveau de plusieurs cas de transformations politiques préconisées, le partenariat entre le secteur public et privé se présente comme le meilleur scénario pour mobiliser les ressources, réaliser le transfert des compétences et créer des emplois. La composante essentielle de cette équation n’est que l’amélioration de l’environnement institutionnel nécessaire pour un secteur privé viable et basé sur les petits et moyens projets commerciaux en plus des affaires indépendantes. Autrement, la rançon serait d’insupportables pressions sur les ressources naturelles et économiques de la part d’une large et improductive population mécontente. Ce coût sera également très visible dans l’insécurité personnelle et l’exclusion des jeunes chômeurs. Chose qui va vite se réincarner dans des mouvements de protestation avant d’atteindre, parfois, les signes de l’extrémisme. Cela pourrait mener en fin de parcours vers un sabotage de la sécurité de la société tout entière. Figure 5-7 Pourcentage des employés dans le secteur informel (% de l’emploi non-agricole) selon le sexe, dans 5 pays arabes, 1994-2003 % 70 60 50 40 30 20 10 0 Maroc 1995 Femmes Algérie 1997 Égypte 2003 Syrie 2003 Hommes Tunisie 1994-1995 Les deux sexes Source : PNUD 2007. Dynamiques de la pauvreté et de l’inégalité au cœur d’une croissance instable En examinant la relation entre pauvreté et chômage, il est important de se rendre compte que le fait de disposer d’un emploi n’implique pas forcément le fait de se libérer de la pauvreté. Bien que la situation varie d’un pays arabe à l’autre, cet état de fait reste valable dans la mesure où l’obtention d’un emploi est loin de garantir la subvention aux besoins fondamentaux de l’individu. Les données disponibles sur chaque pays indiquent que le nombre de pauvres dépasse d’un certain pourcentage celui des chômeurs, indépendamment de la nature des critères utilisés pour mesurer la pauvreté. Même lorsque les chômeurs forment une grande part de ceux qui prennent en charge les familles pauvres, comme c’est le cas en Jordanie (21,5 %) et au Yémen (24,9 %), la majorité des familles, qui vivent l’insécurité économique dans les deux pays, sont prises en charge par des personnes ayant un emploi (Heba El-Laithy, en anglais, document de base pour le rapport). L’insécurité économique associée à la pauvreté peut être mesurée selon deux perspectives. La première concerne la pauvreté de revenu qui évalue le bien-être des individus en se basant sur leurs revenus (on y définit le bien-être à travers ce dont la personne peut disposer en termes de marchandises et de services en se basant sur sa dépense de consommation réelle). La deuxième concerne la pauvreté humaine qui va au-delà du PIB pour englober une conception plus large où le bien-être des individus est défini en fonction non seulement du revenu, mais aussi d’autres valeurs comme l’éducation, la santé et la liberté politique. Alors que la pauvreté de revenu est l’échelle la plus adoptée par les concepteurs des politiques dans le monde entier, le concept de pauvreté humaine donne, avec tous les indices qui s’y rapportent, une image plus globale de la relation complexe et à multiples facettes entre le revenu et le bien-être. Autrement, la rançon serait d’insupportables pressions sur les pays arabes Pauvreté de revenu L’approche de la pauvreté en termes de revenu est la plus largement adoptée au niveau de l’ingénierie politique. La mesure la plus utilisée sur une grande échelle est l’approche qui adopte le pourcentage chiffré ; ce qui veut dire le pourcentage du total des habitants vivant en dessous d’un niveau de vie conventionnellement défini comme seuil de pauvreté. De ce fait, le pourcentage chiffré est un critère pour mesurer la propagation de la pauvreté ou la portée qu’elle a atteinte dans une société donnée. Il est possible de l’adopter aussi comme mesure relativement claire de l’instabilité économique. La Banque mondiale a vulgarisé les seuils internationaux de pauvreté de 1 et 2 USD par jour et par personne. Le tableau 5-4 compare Défis pour la sécurité économique Le nombre de pauvres dépasse d’un certain pourcentage celui des chômeurs 123 En 2005, 34,6 millions d’Arabes vivaient au-dessous du seuil international de pauvreté de 2 USD La pauvreté de revenu sera plus répandue parmi les populations du milieu rural 124 l’application des 2 USD dans la région arabe et dans quelques autres régions en voie de développement. Relativement et généralement, le degré de pauvreté de revenu dans les pays arabes est bas, malgré la différence des niveaux de revenu, la volatilité de la vraie croissance par habitant et l’augmentation des taux de chômage. En 2005, 20,37 % de la population arabe vivait au-dessous du seuil de pauvreté de 2 USD par jour. Puisque cette estimation est basée sur les chiffres relatifs à l’Algérie, Djibouti, l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, la Tunisie et le Yémen, dont les populations représentent 63 % de la population totale des pays arabes non en conflit, on peut conclure qu’en 2005, 34,6 millions d’Arabes vivaient au-dessous du seuil de pauvreté. Ces estimations reflètent le degré de pauvreté selon son seuil international. On peut aussi considérer les tranches des populations en dessous du seuil national de la pauvreté avec ses niveaux les plus bas (c’est-à-dire le plus bas seuil de pauvreté). Le tableau 5-5 contient une comparaison entre les taux de l’extrême pauvreté et leurs tendances dans neuf pays arabes sur la base des seuils nationaux bas de la pauvreté. Premièrement, toutes les estimations de la pauvreté dans cette comparaison ont utilisé la dépense comme critère de bien-être. Certains pays comme le Soudan, où les sondages ont utilisé des mesures non monétaires, ont été exclus. Deuxièmement, toutes les estimations de la pauvreté sont dérivées des évaluations faites aussi bien par la Banque mondiale que par le PNUD, qui appliquent uniformément la même méthodologie. Troisièmement, les rapports de tous les pays ont été émis par une seule équipe consultative qui a utilisé une méthodologie commune : a) tous les rapports ont estimé le seuil national de la pauvreté sur la base du coût des aliments et des autres besoins essentiels non alimentaires, b) les différences de prix entre les pays ont été prises en considération, c) les besoins sont méthodiquement définis de manière détaillée selon les différentes tranches d’âge, d) tous ont pris en considération le volume des économies productives. Le tableau 5-5 montre que le taux de l’extrême pauvreté entre 2000 et 2005 a atteint 18,3 %. Il est un peu supérieur à Rapport arabe sur le développement humain 2009 celui des années 1990 (17,6 %). Le plus significatif est que ce même taux représente plus que le double quand on compare les pays à bas revenu (36,2 %) avec ceux à revenu moyen (15,9 %). Pour les objectifs de notre analyse, il est à noter que l’application du seuil international de pauvreté, de 2 USD par jour, et le seuil national bas, donne respectivement une image identique du niveau de l’extrême pauvreté dans la région. Si telle est l’image de l’extrême pauvreté dans les pays arabes à la limite de son seuil le plus bas, il est raisonnable de prévoir qu’un taux élevé de la population vit à la limite du seuil le plus bas ou le plus haut de la pauvreté. En fait, le taux total de la pauvreté, selon ce seuil, oscille entre 28,6 % au Liban, 30 % en Syrie, comme seuil limite le plus bas, et 59,9 % au Yémen comme seuil limite le plus haut. Par contre, il atteint 40,9 % en Égypte. Dans la mesure où les pays soumis à l’analyse dans le tableau 5-6 représentent 65 % de la population arabe globale, il est raisonnable de prédire que le taux total des moyennes de la pauvreté peut atteindre 39,9 %. En vertu de cette échelle, on peut estimer le chiffre des Arabes pauvres à 65 millions, soit le double de ce qui est indiqué dans les tableaux 5-4 et 5-5 qui mesurent respectivement la pauvreté en fonction du seuil international de la pauvreté équivalent à 2 USD par jour et du seuil national bas de la pauvreté. Il est prévisible que la pauvreté de revenu et l’insécurité qui lui est associée seront plus répandues parmi les populations du milieu rural. La population rurale des 18 pays arabes analysés dans le tableau 5-7 est d’environ 128 millions répartis entre les groupes de pays, comme illustré. La prévalence de la pauvreté dans le milieu rural est évidente dans 6 pays à bas revenu et à revenu moyen-inférieur : l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, la Mauritanie, la Syrie et le Yémen. Cette sous-catégorie compte environ 64,4 % de la population rurale dans la région. Ces données sont groupées et résumées dans Ali (2008) où sont démontrées les estimations de la pauvreté sur la base du seuil national supérieur de pauvreté18. Selon les années des sondages sur le budget de la famille, le pourcentage des pauvres dans le Tableau 5-4 Incidence de la pauvreté de revenu – Comparaison entre les régions du monde, 1981-2005 (pourcentage de personnes vivant avec moins de 2 USD par jour) Région 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 Asie de l’Est et du Pacifique 92,6 88,5 81,6 79,8 75,8 64,1 61,8 51,9 38,7 Y compris la Chine 97,8 92,9 83,7 84,6 78,6 65,1 61,4 51,2 36,3 Europe orientale et Asie centrale 8,3 6,5 5,6 6,9 10,3 11,9 14,3 12 8,9 Amérique latine et des Caraïbes 22,5 25,3 23,3 19,7 19,3 21,8 21,4 21,7 16,6 Moyen-Orient et Afrique du Nord 26,7 23,1 22,7 19,7 19,8 20,2 19 17,6 16,9 Asie du Sud 86,5 84,8 83,9 82,7 79,7 79,9 77,2 77,1 73,9 Y compris l’Inde 86,6 84,8 83,8 82,6 81,7 79,8 78,4 77,5 75,6 74 75,7 74,2 76,2 76 77,9 77,6 75,6 73 69,2 67,4 64,2 63,2 61,5 58,2 57,1 53,3 47 32 28,52 26,51 22,45 24,42 24,59 23,23 20,8 20,37 Afrique subsaharienne Total Pays arabes (MENA sans l’Iran) Source : Chen et Ravallion 2007. Note : Les données globales sur les pays arabes couvrent l’Algérie, Djibouti, l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, la Tunisie et le Yémen. Tableau 5-5 Pays Incidence de la pauvreté (extrême) calculée sur la base du seuil national (1991-1999 et 1999-2006) Année de l’enquête Incidence de la pauvreté (%) Pop. moyenne (1995-2000) en millions Estimation du nombre de pauvres (millions) Année de l’enquête Incidence de la pauvreté (%) Pop. moyenne (2000-2005) en millions Estimation du nombre de pauvres (millions) Liban 1997 10 3,6 0,4 2005 7,97 3,9 0,3 Égypte 1999 16,7 63,6 10,6 2005 19,6 69,7 13,7 Jordanie 1997 15 4,6 0,7 2002 14,2 5,2 0,7 Syrie 1997 14,3 15,6 2,2 2004 11,4 17,7 2,1 Algérie 1995 14,1 29,4 4,1 2000 12,1 31,7 3,8 Maroc 1991 13,1 27,9 3,7 1999 19 29,7 5,6 Tunisie 1995 8,1 9,3 0,8 2000 4,1 9,8 0,4 14,6 153,9 22,4 15,9 167,6 26,6 Pays à revenu moyen Mauritanie 1996 50 2,4 1,2 2000 46 2,8 1,3 Yémen 1998 40,1 16,9 6,8 2006 34,8 19,6 6,8 Pays à revenu bas 41,4 19,2 8 36,2 22,4 8,1 Total 17,6 173,1 30,4 18,3 190 34,7 Source : PNUD/RADH calculs basés sur PNUD 2005, 2007, 2008 ; Banque mondiale 2007, 2008. (Cf. les références statistiques.) milieu rural était entre 17,8 % en Jordanie (2002) et 59 % en Mauritanie (2004). Les autres pays ont enregistré également des moyennes très élevées : 64 % au Yémen (2005) ; 52 % en Égypte (2005) ; 32 % en Syrie (2004) ; 27 % au Maroc (2000). Parmi les aspects significatifs dans toutes les périodes des sondages concernant les 6 pays sans exception, on trouve que le degré de pauvreté dans le milieu rural dépasse significativement celui du milieu urbain19. Pauvreté humaine Il est possible de mesurer la pauvreté humaine, concept dont l’usage a été vulgarisé par le PNUD en vue de rendre compte de l’état de privation dans lequel se trouve l’individu en termes de capacités et d’opportunités, en utilisant l’Indicateur de pauvreté humaine (IPH). Il s’agit d’un complexe de critères basé sur trois composantes : longévité, connaissance et niveau de vie. La première composante est liée aux probabilités de survie et se mesure Défis pour la sécurité économique 125 Tableau 5-6 L’incidence de la pauvreté par rapport au seuil national supérieur de pauvreté, 9 pays arabes 2000-2006 Année de l’enquête Seuil de la pauvreté Taux de la pauvreté Population (millions) Nombre de pauvres (millions) Égypte 2004/5 PPA 2,7 USD/jour 40,93 72,8 29,8 Syrie 2003/4 NUPL 30,1 18,3 5,5 Liban 2004/5 NUPL 28,6 4 1,1 Jordanie 2006 PPA 2,7 USD/jour 11,33 5,5 0,6 Maroc 2000 PPA 2,7 USD/jour 39,65 28,4 11,3 Tunisie 2000 PPA 2,7 USD/jour MIC 23,76 9,56 2,3 36,52 138,56 50,60 Yémen 2005 PPA 2,43 USD/jour 59,95 21,1 12,6 Djibouti 2002 PPA 2,43 USD/jour 52,6 0,76 0,4 Mauritanie 2000 PPA 2,43 USD/jour 53,95 2,5 1,3 Pays à bas revenu 59,10 24,36 14,40 Total 39,90 162.92 65.00 Source : Banque mondiale 2008. Tableau 5-7 La population rurale dans les pays arabes, 2007 Population rurale (en millions) Taux de la population rurale par rapport au total (%) Taux de la tranche de revenu de la population rurale (%) Bas revenu (4) 39,1 61,8 30,1 Revenu moyeninférieur (6) * 83,2 47,6 64 Revenu moyensupérieur (3) 2,1 16,9 1,6 Groupe de revenu (nombre de pays) Haut revenu (5) 5,6 17,6 4,3 Total (18) 130 46,3 100 Source : PNUD/RADH calculs basés sur PNUD 2007. * L’Égypte représente la majorité de la population rurale de la catégorie du revenu moyen, avec un taux de 50 % du total de la population. La pauvreté humaine affecte les enfants au niveau de leur accès à l’école primaire 126 par le taux d’habitants dont l’espérance de vie est inférieure à 40 ans. La deuxième composante se réfère au non-apprentissage de la lecture et de la communication et se mesure par le pourcentage de l’illettrisme parmi les adultes. La troisième est une valeur complexe qui se mesure par le taux de la population n’ayant pas accès à l’eau potable et celui des enfants de moins de cinq ans souffrant de sous-poids. En fonction de l’IPH, les pays obtenant moins de 10 % se situent au plus bas de l’échelle de la pauvreté humaine. Ceux qui obtiennent plus de 30 % sont classés dans un rang supérieur. Les taux se situant entre ces deux critères indiquent un certain degré de pauvreté humaine moyenne. Rapport arabe sur le développement humain 2009 Les résultats précités sont en forte liaison avec ceux qui sont déduits sur la base de la pauvreté de revenu. Les pays arabes à bas revenu connaissent le plus haut niveau de la pauvreté humaine avec un IPH moyen de 35 %. L’insécurité est un préjudice qui porte atteinte au niveau de la santé, de l’éducation et du niveau de vie ; ce qui remet en question l’efficacité de la performance de l’État quant à la garantie des nécessités de base de la vie. La pauvreté humaine affecte particulièrement les enfants au niveau de leur accès à l’école primaire et, par voie de conséquence, entrave la poursuite de leurs études post-élémentaires. En Égypte, le taux d’enfants pauvres à l’école primaire est 7 % inférieur à celui des riches, 12 % à l’école complémentaire et 24 % aux classes secondaires. Au Maroc, le quart des enfants entre 10 et 15 ans environ n’ont pas pu terminer leurs études primaires à cause de la pauvreté. Un grand nombre d’entre eux abandonne l’école pour travailler à un âge précoce dans le but d’aider leurs familles. Dans tous ces cas, le taux de scolarisation inférieur joue un rôle essentiel dans le prolongement de l’état d’insécurité pour les pauvres. Les pays arabes, enregistrant 30 % ou plus en référence aux critères de l’IPH incluent trois cas de la catégorie de bas revenu et un de celle du revenu moyeninférieur : le Yémen (36,6 %), la Mauritanie (35,9 %), le Soudan (34,3 %) et le Maroc (31,8 %). Dans la presque totalité de ces pays, le plus haut degré d’insécurité est enregistré dans la composante éducation avec un taux d’illettrisme de 30 % parmi les adultes. En plus, le non-accès à l’eau potable joue un rôle déterminant au Soudan, au Yémen et en Mauritanie. La diminution des moyennes de l’extrême pauvreté a comme effet direct celle de l’insécurité émanant de la pauvreté humaine. Entre 1996-1998 et en 2005, le résultat de l’IPH a décliné d’un tiers environ passant de 33 à 22,2 %. Sur ce plan, le tableau 5-8 reflète les performances de chaque pays et leur contribution dans cette tendance régionale. Comme le montre le même tableau, ce sont les pays appartenant à la catégorie du haut revenu et du revenu moyen-supérieur qui ont réalisé la baisse la plus importante. En comparaison avec les autres pays en développement, les pays arabes auraient pu avoir une meilleure performance en ce qui concerne l’IPH proportionnellement à leur PIB et à leur niveau de développement humain. À titre d’exemple, les Émirats arabes unis sont classés 31e sur l’indicateur de développement humain (IDH) ; mais ils se débrouillent trois fois moins bien que la Hongrie dans le domaine de la pauvreté humaine sachant bien que celle-ci occupe le 38e rang sur le plan du développement humain. Cela s’applique à tous les pays arabes à l’exception de la Jordanie, du Liban et de la Syrie. Cette performance relativement faible des pays arabes, en comparaison avec d’autres pays, est attribuée au taux élevé de l’analphabétisme chez les adultes et, jusqu’à un certain degré, à la sous-alimentation parmi les enfants de moins de cinq ans. Tableau 5-8 Incidence de la pauvreté humaine dans 18 pays arabes, 2006 Valeur de l’IPH (%) Probabilité de nonsurvie jusqu’à l’âge de 40 ans (%) Taux d’analphabétisme des adultes (15 ans et plus) (%) Taux d’habitants n’ayant pas accès à l’eau potable (%) Taux des enfants en sous-poids pour leur âge (%) Bas (4) 35,0 22,8 40,5 31,7 42,1 moyeninférieur (7) 20,4 7,2 28,9 8,3 6,8 moyensupérieur (3) 12,0 5,0 11,0 18,0 8,0 Groupe de revenu (nombre de pays) Haut (4) 11,7 5,1 14,7 8,2 13,7 Total (18) 22,3 10,4 29,1 13,9 15,4 Source : PNUD/RADH calculs basés sur le PNUD 2007. Note : les valeurs de l’IPH contenues dans ce chapitre ont été basées sur les valeurs du PNUD de l’année 2009. Inégalité dans le revenu Les données sur l’inégalité dans le revenu dans les pays arabes sont minimes. Cette inégalité se mesure par référence au coefficient Gini20. Seuls 7 des 11 pays arabes, dont les indications sont disponibles sur la répartition des dépenses de consommation21, offrent des données sur le coefficient Gini pour l’an 2000 ou pour les années suivantes. Ces pays sont l’Égypte (0,32 en 2004-2005), la Jordanie (0,359 en 2002), le Liban (0,360 en 2005), la Mauritanie (0,391 en 2000), la Syrie (0,375 en 2004), la Tunisie (0,408 en 2000), le Yémen (0,366 en 2005). Dans les sept pays, la moyenne du coefficient Gini atteint dans Figure 5-8 cet échantillon 0,365 ; ce qui confirme que les pays arabes font preuve d’un degré de modération d’inégalité par rapport aux moyennes mondiales qui, elles-mêmes, indiquent un pourcentage modéré d’inégalité atteignant 0,3757 dans la première décennie du xxie siècle. Cela peut être considéré comme un parachèvement cumulatif des performances des contrats sociaux depuis l’indépendance. Vu la rareté des données dans les pays arabes, il est difficile d’analyser, dans un temps limité, les changements dans le degré d’inégalité dans le revenu. Mais d’après les preuves livrées par les deux Les pays arabes auraient pu avoir une meilleure performance en ce qui concerne l’Indicateur de pauvreté humaine Incidence de la pauvreté humaine en 2006 et sa chute, par pays (%), depuis 1996 Valeur de l’IPH en 2006 Yémen Mauritanie Soudan Maroc Djibouti Comores Égypte Algérie Tunisie Oman Libye Syrie Arabie saoudite Liban EAU Qatar Jordanie % 50 40 30 20 10 0 -10 -20 -30 -40 -50 -60 Les pays arabes IPH en 2006 Déclin depuis 1996 Source : PNUD 1996, 1998, 2007. Défis pour la sécurité économique 127 L’inégalité au niveau de la richesse s’est significativement accrue La marginalisation est visible dans les ceintures urbaines d’habitat insalubre dernières décennies, le pourcentage de ce même degré a augmenté au Maroc, en Syrie et au Yémen. Par contre, il a diminué en Algérie, en Égypte, en Jordanie et en Tunisie. Les deux pays ayant connu le plus d’augmentation dans ce domaine restent la Syrie et le Yémen. La plus grande baisse concerne, elle, l’Algérie où le coefficient Gini a diminué de 13,7 % entre 1988 et 1995. L’Égypte a connu aussi une diminution concrète d’inégalité au cours de cinq ans. Les autres pays ont eux-mêmes connu de légers changements. Malgré les niveaux modérés d’inégalité dans le revenu, l’exclusion sociale a augmenté durant les deux dernières décennies dans la majorité des pays arabes. En plus, des indices indiquent que l’inégalité au niveau de la richesse s’est significativement accrue. Il est très clair que la concentration de la propriété foncière et des capitaux est tellement remarquable qu’elle provoque le sentiment d’exclusion chez les autres catégories sociales même si leur pauvreté absolue ne s’est pas accentuée. Une telle exclusion s’aggrave par le surpeuplement de ruelles manquant d’hygiène, d’eau saine, de services de loisirs, d’électrification fiable et d’autres services. Ces conditions se combinent avec le taux élevé du chômage pour créer une dynamique de marginalisation visible dans les ceintures urbaines d’habitat insalubre atteignant 42 % en 200122 ; ce qui augure d’une mauvaise situation. Des fractures dans les politiques adoptées Les types d’insécurité économique illustrés dans ce chapitre sont les résultats des différentes lacunes des politiques adoptées. Premièrement, la faiblesse structurelle des économies arabes est l’un des résultats clairs d’une croissance volatile mue uniquement par le pétrole. La croissance économique elle-même était trébuchante et en chute. En parallèle, les secteurs productifs, notamment l’industrialisation, étaient de faible performance et non compétitifs. Deuxièmement, ce modèle de croissance a négativement affecté le marché de l’emploi, si bien que les pays arabes connaissent les plus hauts taux de chômage dans le monde entier. En plus, ce 128 Rapport arabe sur le développement humain 2009 modèle n’est plus convenable dans un environnement mondialisé où la connaissance constitue, plus que le capital ou la population active, le plus grand pilier de la valeur ajoutée des économies compétitives comme le montre le RADH 2004. La majorité des pays arabes n’ont pas réagi avec la vitesse suffisante pour améliorer la qualité de l’enseignement, accroître les fonds de leur connaissance, motiver l’innovation locale et le passage à des modèles de développement basés sur la technologie. Par conséquent, ces pays sont incapables d’offrir des opportunités d’emploi suffisantes, satisfaisantes et avec des salaires convenables à des millions d’Arabes dont la majorité sont des jeunes. Troisièmement, le degré de pauvreté, défini comme étant la part des habitants en dessous du haut seuil national de pauvreté, est largement plus haut que le niveau reflété par le seuil mondial équivalent à 2 USD par jour ou le seuil national bas de pauvreté. Même si ce chapitre a étudié les effets résultant de l’utilisation du haut seuil de pauvreté dans 9 pays arabes, il est tout à fait raisonnable de prédire, après examen des données, que le taux global des moyennes est dans la limite de 39,9 %. Malgré les moyennes relativement élevées de la dépense individuelle dans ces pays, on peut conclure que la pauvreté dans les pays arabes est un phénomène plus important qu’il n’est communément supposé. Une telle situation a une simple explication : la plus grande majorité des pauvres se concentre dans des pays comme l’Égypte, l’Irak, le Maroc, la Mauritanie, la Somalie, le Soudan, la Syrie, et le Yémen. Il s’agit là de pays à forte densité démographique et à bas taux de dépense individuelle. Abstraction faite du seuil de pauvreté choisi, qu’il soit national ou mondial, la région arabe n’a pas réalisé un progrès significatif sur le plan de la réduction de la pauvreté dans la première décennie du xxie siècle si l’on prend, comme période de base, les années 1990. Les pays arabes les moins développés sont encore loin d’atténuer l’intensité de ce phénomène. Il est incertain que l’un d’entre eux puisse réaliser le premier objectif de dévelop pement du nouveau millénaire, à savoir la réduction de moitié du taux de pauvreté avec l’échéance de 2015. En premier lieu, cette lacune émane de politiques sociales obsolètes et déphasées qui se font au Encadré 5-5 Importance des politiques sociales intégrées En comparaison avec les autres pays sous-développés, les pays arabes n’ont que récemment adopté des politiques sociales intégrées visant le traitement de la pauvreté, de l’inégalité et du développement économique et social comme des questions intimement imbriquées. Ils ont aspiré, quoique tardivement, à appliquer les leçons des études faites sur le développement moderne louant les politiques sociales basées sur l’investissement et la production et non sur la redistribution et la consommation. Cette approche ne néglige pas l’intervention de l’État dans le bien-être social. Mais elle revendique encore un rôle plus large pour les acteurs non gouvernementaux dans la formulation et l’exécution des politiques et des services sociaux. Politiques : Dans les pays arabes, les politiques pluridimensionnelles visent simultanément à traiter l’insécurité économique pour atteindre les objectifs suivants : • Pousser les taux de croissance économique au-delà de celles de la croissance démographique dans le but de créer un impact direct et positif sur les niveaux de revenu et ce en donnant la priorité au soutien financier des petits projets commerciaux. Une telle mesure ayant comme horizon une grande amélioration de l’avenir économique des pauvres. • Permettre à toutes les couches sociales de participer à la marche du développement à travers l’égalité des chances et la répartition équitable des bénéfices. • Viser la pauvreté dans toutes les mesures liées à la sécurité économique et promouvoir les conditions de vie des pauvres à travers le développement de l’infrastructure matérielle et sociale de l’environnement où ils évoluent. • Faciliter l’accès aux bienfaits des programmes scolaires, éducationnels et de sensibilisation. • Réduire le clivage entre les sexes aux deux niveaux social et économique en dotant la femme de compétences, de connaissance, des facilités d’assurance, de technique et de technologie dans le but de renforcer sa capacité à réaliser ses choix en termes d’activités productives. • Renforcer la prise en charge médicale élémentaire et en élargir la couverture. • Fournir plus d’efforts en vue réduire les taux de croissance démographique dans les pays arabes. • Procéder aux investissements économiques dans les domaines offrant plus d’opportunités d’emploi pour les pauvres et présenter des programmes de stages professionnels en pleine activité pour aider à leur intégration dans le marché de l’emploi. • Augmenter le financement et minimiser les complications bureaucratiques dans les filets de protection sociale et dans l’offre des services sociaux. Obstacles : • Les conflits et les occupations avec tout ce qu’ils induisent en termes de dépenses militaires au détriment du domaine social. • L’échec du système d’enseignement dans la construction des qualifications professionnelles et scientifiques. • La faiblesse des systèmes de services sociaux et la baisse de leur niveau pour absence d’éléments dirigeants convenables, de compétence administrative et à cause de la réticence à l’habilitation des couches ciblées, de l’insuffisance et de l’inadéquation des procédures d’audit et de financement, de l’étroitesse de la base financière et des ressources humaines, du manque d’expertise, de qualification et d’engagement chez les employés en général. • L’insuffisance des fonds pour la reproduction à grande échelle des projets réussis. • Le déploiement déséquilibré de l’attention politique entre les zones urbaines et rurales. • L’expertise limitée de la société civile dans l’exécution des opérations du développement et de ses programmes. • La centralisation bureaucratique et l’absence de la coordination entre les instances gouvernementales et entre elles et les parties actives de la société civile. • La domination des politiques sociales par une gestion à court terme des crises au lieu d’une vision intégrée et à long terme. Source : El-Laithy et Mcauley 2006. détriment de politiques de développement soutenant les pauvres. Finalement, les efforts d’instauration et de mise en œuvre de filets de protection sociale, nécessaires pour minimiser l’impact des marasmes économiques sur les couches vulnérables, ne sont pas équilibrés entre les différentes catégories de pays arabes. En général, on distingue entre les arrangements formels ou traditionnels, où le soutien social est échangé en cas de besoin entre proches parents et membres du même clan, et les programmes officiels habituellement pris en charge par les gouvernements ou, ces derniers temps, par les ONG. Les réseaux formels de sécurité sociale fournissent généra lement les secours en argent liquide ou en nature, le soutien aux nécessités de base (spécialement la nourriture) et l’emploi dans les projets publics. Une définition plus large des filets de protection sociale, englobe généralement la sécurité sociale moderne et les programmes de la sécurité sociale répandus dans les pays en voie de développement. La sécurité sociale Défis pour la sécurité économique 129 Les pressions de la vie moderne démolissent de façon accrue les réseaux traditionnels de sécurité sociale Les moyens traditionnels dans la politique de la lutte contre la pauvreté ne sont pas adéquats aux cas de pauvreté largement répandus La pauvreté généralisée pose de graves défis aux concepteurs des politiques 130 « est généralement associée, quoique sans exclusivité, à l’offre d’un revenu aux pauvres alors que l’assurance sociale est liée, elle, à l’épargne qui est, par essence, contributive »23. Vu leur culture arabo-musulmane, les pays arabes connaissent un large et solidaire réseau traditionnel de systèmes de sécurité sociale. Mais les pressions de la vie moderne le démolissent de façon accrue24. Un grand nombre de pays arabes a commencé à mettre en place des mesures quasi modernes de sécurité et d’assurance sociales. Le succès de telles mesures dépend des ressources publiques que l’État octroie à ces réseaux. Par contre, les pays à haut revenu ont instauré de réseaux formels relativement larges et profonds pour la sécurité sociale sans bousculer par la force des choses les arrangements traditionnels hérités de l’époque prépétrolière. Ces derniers sont fréquemment révisés dans le but d’améliorer leur performance et l’ampleur de leur couverture. Les réseaux formels de sécurité se ressemblent au niveau de leur champ d’action25. En effet, ils présentent leur soutien aux veuves, aux femmes divorcées, aux malades, aux personnes âgées, aux femmes en chômage et non mariées, aux familles des détenus et aux étudiants. Une étude réalisée par Abdel Samad et Zeidan (2008)26 résume les aspects d’insuffisance des réseaux formels de sécurité sociale dans les pays arabes à moyen revenu. Protection incomplète contre les risques, traitement inégal des individus, couverture limitée pour les habitants, bas niveau de bénéfices, administration coûteuse et incompétente et financement non durable sont parmi ces insuffisances essentielles. Dans les pays arabes à bas revenu, il n’est pas surprenant que les réseaux formels de sécurité sociale soient récents et fondés, à titre d’exemple au Yémen en 1996, après l’application des politiques du réajustement structurel. Ces mesures ont stipulé la création d’un Fonds pour les services sociaux, un autre pour encourager la production dans les domaines de l’agriculture et la pêche et un troisième pour le développement social. Ils ont également Rapport arabe sur le développement humain 2009 initié un projet pour les travaux publics, un programme pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté, un programme pour la sécurité alimentaire et une initiative spécifique aux régions du Sud. Les réseaux de sécurité sociale peuvent être un moyen efficace pour la lutte contre la pauvreté dans les pays à revenu haut et moyen-supérieur où les pauvres repré sentent relativement une petite tranche de la population. Mais ces moyens traditionnels dans la politique de la lutte contre la pauvreté ne sont pas adéquats aux cas de pauvreté largement répandus. Selon le PNUD (2006), la pauvreté généralisée, c’est-à-dire celle qui touche la majorité de la population, pose de graves défis aux concepteurs des politiques. Elle peut, en effet, affecter le comportement des acteurs économiques et la méthode avec laquelle réagissent les institutions aux stimulations politiques sur le plan microéconomique. Elle limitera amplement aussi le champ et l’efficacité des politiques offertes aux gouvernements sur l’autre plan macroéconomique27. Souvent, la pauvreté généralisée est également liée à de plus larges conditions économiques. À titre d’exemple, la majorité des pauvres dans les pays arabes les moins développés font partie des habitants des zones rurales où l’activité agricole et les autres activités à basse production représentent la première ressource de subsistance et où les niveaux du capital humain sont très bas. Paradoxalement, ces mêmes zones connaissent une croissance démographique galopante, d’où la multiplication de la main-d’œuvre non qualifiée. De telles économies se meuvent généralement dans un cercle fermé où se conjuguent la croissance démographique, la détérioration écologique et l’épuisement des ressources naturelles. Par conséquent, cela aboutit, en fin de parcours, à la déstabilisation du système social et politique. Au Yémen et au Soudan, la découverte et la production du pétrole, avec tout ce que cela implique en termes d’augmentation des recettes pétrolières, ont ouvert un champ, quoique limité, pour sortir de ce cercle vicieux. Mais ce domaine ne fait malheureusement pas encore l’objet d’une exploitation complète. Conclusion Ce chapitre a montré que la dépendance des économies arabes des recettes pétrolières a affaibli leur ossature et les a laissées à la merci des aléas et fluctuations des marchés mondiaux. De ce fait, la croissance économique a tellement pris une trajectoire sinueuse durant les trois dernières décennies qu’elle a été éga lement caractérisée par une baisse relative de la part de l’individu du PIB. Le niveau de performance des secteurs productifs, particulièrement dans le domaine de l’industrialisation, a parallèlement diminué au point que le niveau d’industrialisation des pays arabes est devenu plus bas qu’il ne l’était il y a 40 ans. Pour les pays producteurs de pétrole, la récession économique mondiale actuelle constitue un danger pour les nouveaux modèles innovés et ouverts en matière d’investissement et de commerce ainsi que pour les projets de développement locaux qui représentaient l’espoir d’une croissance durable. L’expansion économique basée sur le pétrole a également eu des impacts négatifs sur le marché de l’emploi. Certains pays arabes connaissent, en effet, le taux le plus élevé de chômage dans le monde, notamment dans les rangs des jeunes. Une telle donne n’est pas sans avoir de très graves retombées sur la sécurité humaine. Même si la pauvreté ne représente pas un grave défi pour la région arabe, comme c’est le cas dans les autres pays en voie de développement, les pays les moins développés de cette même région sont encore devancés par leurs homologues qui ont, eux, échoué en tant que groupe dans la réalisation de performances sur le plan de la réduction de la pauvreté depuis 1990. Dans leur globalité, ces tendances dévoilent les foyers de la grande vulnérabilité économique et l’insécurité chronique dans le marché de l’emploi sans oublier l’exclusion accrue des couches vulnérables. Défis pour la sécurité économique 131 Notes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 132 Ce chapitre s’inspire essentiellement d’une contribution personnelle présentée par Ali AbdelGadir et Khaled Abu-Ismail en se basant sur leur étude : Development Challenges for the Arab Region : A Human Development Approach 2009 (Les Défis du développement pour les pays arabes : du point de vue du développement humain). L’étude a été faite avec le concours du PNUD et de la Ligue arabe. Heba El-Laithy et Ahmed Moustafa ont également présenté une louable contribution. PNUD 1994. PNUD 1994. En 2008, les pays arabes ont été classés selon les catégories de revenu sur la base de la part de l’individu du PIB sur la référence de la valeur de l’USD en 2007. La moyenne de la part de l’individu du PIB pour ces catégories est : le bas revenu (2 152 USD), le revenu moyen-inférieur (5 343 USD), le revenu moyen-supérieur (14 045 USD), le haut revenu (27 934 USD). Ce chapitre ne traite pas la situation dans le Territoire palestinien occupé, l’Irak et la Somalie pour absence de données fiables sur les tendances économiques dans ces pays. Mais leurs situations particulières sont discutées dans d’autres chapitres du présent Rapport. Calculs du PNUD/RADH fondés sur les données statistiques du commerce des marchandises de première nécessité, 2008 (UN Comtrade) et la Banque mondiale 2008 (en anglais). Le tableau 5-1 montre le coefficient de variation des catégories de revenus arabes comme il a été assemblé sur la base des données des Indicateurs du développement mondial émises par la Banque mondiale. Sur cette base, on veut que les indices de variation soient descriptifs et non représentatifs. Pour les pays arabes, les pesées moyennes ont été utilisées pour le coefficient de variation de sorte que les poids soient les parts réelles du PIB en 2007. Banque mondiale 2006. UNCTAD 2008. Islam et Chowdhury 2006. Dans cette section, les données assemblées sur le chômage dans les pays arabes font référence, selon les estimations de l’Organisation arabe du travail, aux tableaux statistiques de la maind’œuvre. Voir www.alolabor.org. Des résultats similaires étaient contenus dans un récent rapport émis par la Banque mondiale en 2007. Les taux du chômage de 2004 étaient de 1,9 % à Bahreïn, 3 % aux EAU, 1,7 % au Koweït, 2,1 % à Qatar, alors qu’il était de 7 % de la population active en Arabie saoudite. OAT 2008. L’équivalent de la tendance temporelle en Algérie atteint 0,0279 (avec une valeur de courbe qui atteint 7,2 et une déviation critériée estimée à 0,69). Pour les autres pays, l’équivalent – en plus de la valeur de courbe, du degré de déviation critériée – a atteint 0,0223 (3,9/0,4) en Égypte, 0,0655 (6,2/0,63) en Jordanie, 0,0082 (1,4/0,08) au Maroc, 0,024 (6,2/0,52) en Syrie, 0,0082 (6,3/0,65) en Tunisie. Voir les détails in Ali et Abu-Ismail 2009. Ce chiffre est nettement supérieur aux 34 millions d’emplois selon l’estimation de la Banque mondiale 2007a. Des résultats similaires étaient contenus dans le Rapport de la Banque mondiale 2007a et qui estime la moyenne du chômage dans les rangs des jeunes approximativement à 46 % en Jordanie, 33 % au Maroc et 41 % en Tunisie. Des résultats similaires étaient contenus dans le Rapport de la Banque mondiale 2007a. Rouidi Fahimi et Kent 2007. Ali et Abu-Ismail 2008. La plus haute incidence de la pauvreté urbaine est enregistrée au Yémen avec 49 % de la population, la Mauritanie et la Syrie viennent en seconde position avec 29 % pour chacun des deux pays, l’Égypte perche au troisième rang avec 25 %, la Jordanie et le Maroc ont respectivement un taux de 13 et 12 %. L’indice GINI est un chiffre entre 0 et 1. Il mesure le degré d’inégalité dans une société donnée. Le chiffre 0 représente le sommet de l’égalité dans la répartition du revenu, alors que le chiffre 1 indique la parfaite inégalité. Ali et Abu-Ismail 2009. CESAO 2007a. Cf., à titre d’exemple, la Banque mondiale 2008a. Des contributions charitables à référence religieuse sont institutionnalisées d’une manière accrue sous forme d’aumônes légales (zakat et sadaqa) dans les pays de la région. CESAO 2005. Nasr 2001 ; Abdel Samad et Zeidan 2007. PNUD/SURF-AS 2006. Rapport arabe sur le développement humain 2009 Chapitre 6 Faim, alimentation et sécurité humaine La faim constitue la menace la plus répandue et la plus dangereuse pour la sécurité humaine La région arabe est marquée par un inquiétant ralentissement des efforts à accomplir en vue d’atteindre le premier objectif du millénaire pour le développement La faim constitue la menace la plus répandue et la plus dangereuse pour la sécurité humaine. En effet, sans alimentation suffisante lui permettant d’exercer les fonctions essentielles de la vie, l’homme se sent privé de sécurité personnelle et réduit à l’incapacité totale. Malgré l’abondance des ressources alimentaires et le recul des proportions de la faim dans les pays arabes en général, par comparaison aux autres régions du monde, on remarque tout de même une certaine hausse du taux de malnutrition parmi les populations arabes ; et bien que les pays arabes ne soient pas atteints au même degré par la faim et ne comptent pas les mêmes nombres d’affamés, la situation globale de la région est marquée par un inquiétant ralentissement des efforts à accomplir en vue d’atteindre le premier objectif du millénaire pour le développement par rapport à l’année 1990. Ces pays ne sont donc pas habilités à réduire de moitié les taux d’affamés à l’horizon de 2015, comme prévu. À ce phénomène, s’ajoute la permanence des effets cumulatifs de la faim hérités du passé. Dans certains pays, ce sont les enfants nés avec un poids corporel défectueux qui continuent à endurer les plus lourdes suites de cette situation, notamment dans les milieux miséreux, vivant avec moins de deux dollars par jour. Ce chapitre expose, dans un premier temps, les principales caractéristiques des effets de la faim sur la sécurité humaine. Il présente, ensuite, les situations de faim, leurs causes et leurs diverses manifestations dans la région arabe, en prenant en considération de nombreux facteurs dont, entre autres, l’insuffisance des aliments. Le chapitre examinera, enfin, les mesures susceptibles d’assurer l’autonomie alimentaire aux pays arabes, et ce à travers l’entraide, le développement des rapports de complémentarité régionaux et l’exploitation des politiques de lutte contre la pauvreté expérimentées par d’autres pays. Les effets de la faim sur la sécurité humaine1 Sur le plan individuel La faim attaque la santé : Elle entrave et handicape la croissance physique et l’évolution intellectuelle chez les enfants en affaiblissant, d’un côté, leur capacité de concentration mentale et leur compétence d’apprentissage et, de l’autre, en limitant leur fréquentation régulière de l’école. Par ailleurs, il s’est avéré impossible de remédier aux séquelles pathologiques consécutives à la carence nutritionnelle, notamment celle Retard dans la réalisation de l’objectif 1 du Millénaire pour le développement. Cible 2. Encadré 6-1 Cible 2 : Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population souffrant de la faim Dans la région arabe les moyennes de malnutrition ont baissé à un rythme lent accusant un dangereux déséquilibre dans les efforts de développement déployés. En effet, entre 1990 et 2000, les nombres d’enfants âgés de moins de 5 ans et de poids insuffisant, n’ont enregistré aucune diminution notable, passant de 12,7 % à 13,2 % seulement. Ceci s’explique par la lenteur du rythme des déterminismes socio-économiques de l’indice : modestes prestations accomplies pour le développement de la région considérée dans sa totalité, taux très élevés de l’analphabétisme surtout parmi les femmes, dans les pays les moins développés, incapacité des plus démunis d’accéder aux services sanitaires élémentaires, les sanctions totales imposées alors à l’Irak et les conflits vécus par la Somalie, le Soudan et le TPO. Les sous-régions et les pays montrent de grandes différences en matière de réduction du taux d’enfants de poids insuffisant, âgés de moins de 5 ans. En effet, au Mashreq et au Maghreb arabes, le taux d’enfants en question a baissé respectivement, entre 1990 et 2000, de 10,8 % à 9,1 % et de 8,4 % à 7,5 %. Tandis que les pays arabes les moins développés ont continué à souffrir des plus hautes moyennes d’affamés dans la région, à savoir 27,4 % en 2000, sachant que ce taux s’élevait, en 1995, à 37,6 %. Pourcentage des habitants vivant en deçà du seuil minimum de consommation de énergétique alimentaire Pays arabes Les pays arabes les moins développés Les pays du CCG Pays du Maghreb Pays du Mashreq % 0 5 2002 10 1996 15 20 25 30 1991 Source : CESAO 2007. En 1991, la privation d’aliments menaçait de façon inquiétante le bien-être global de toute la région ; situation qui a persisté jusqu’à l’an 2000. Les personnes qui vivaient en deçà du niveau minimal en consommation d’énergie alimentaire constituaient, en 1991, environ 8,8 % de l’ensemble des habitants arabes de ladite région et 8,9 % en 2002. Conformément à ces moyennes, le nombre de personnes privées de nourriture est passé, lors de la période 1991-2002, d’à peu près 20 millions à 23,3 millions. Ce qui signifie qu’il est très peu probable que l’on puisse réaliser la 2e cible du 1er des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), à l’échéance de 2015. La faible baisse du nombre d’individus en proie à la faim dans la région arabe résulte de la stagnation des moyennes au Mashreq et au Maghreb arabes, et dans les pays arabes les moins développés. En outre, les hauts niveaux de privation connus par les pays les moins développés ont haussé la moyenne territoriale à un degré supérieur aux moyennes enregistrées par les trois autres sous-régions. Au Mashreq et au Maghreb arabes, en 1991 et 2002, la différence enregistrée entre les taux de ceux vivant en deçà du seuil minimal de consommation d’énergie alimentaire était basse. Et les pays arabes les moins développés n’ont réalisé aucun progrès remarquable dans cette perspective. Le résultat en est que le nombre d’affamés a atteint les 26,5 % de la population en 1991 et 26,3 % en 2002. Seuls les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont pu réaliser sur ce front un bon progrès, bien qu’il n’ait été complètement atteint qu’aux 5 premières années. D’ailleurs, les rapports disponibles montrent que le taux des personnes privées de nourriture dans les pays membres du CCG a régressé de 5,5 % à 3,4 % entre 1991 et 1996. Mais ce taux a connu par la suite une certaine stagnation. Source : CESAO 2007a. 134 Rapport arabe sur le développement humain 2009 datant du stade de l’allaitement ; et même en cas d’amélioration des conditions de vie, les enfants ayant souffert de malnutrition à ce stade seront accablés, tout au long de leur existence, par les traces morbides de la faim infantile, telles que l’arrêt de la croissance, l’atrophie et la débilité. Autant de conséquences néfastes qui se répercuteront négativement sur leur santé physique et mentale et entraîneront inéluctablement la perte de toute chance d’acquisition du savoir et d’accès à la vie active et, par conséquent, au revenu. La faim transforme les affections infantiles normalement curables en maladies mortelles : La malnutrition et la carence en vitamines ou en aliments nutritifs (vitamine A, zinc, iode, fer) affaiblissent le corps de l’enfant et nuisent considéra blement à son système immunitaire ; ce qui accentue le risque de mort, notamment en cas de maladies contagieuses, comme la malaria et les inflammations pulmonaires. Les rapports disponibles indiquent que ces causes sont à l’origine du décès de près des trois quarts de nourrissons dans la plupart des pays arabes, et de 50 % de la même tranche d’âge dans les pays « riches ». La faim rend la grossesse dangereuse : Chez la femme enceinte, la faim augmente les risques de complications, voire de décès à l’accouchement. La malnutrition provoque plusieurs dysfonctionnements critiques en période de procréation maternelle, telles que l’hémorragie et l’intoxication sanguine. Quant aux nouveau-nés issus de mères affamées, ils sont de poids suffisant et encourent la mort lors de la période d’allaitement. De surcroît, ils sont menacés, pendant leur enfance, de redoutables dégradations, comme l’atrophie physique et mentale et la baisse extrême, à l’âge d’adolescence, des capacités dynamiques et de la productivité. Par ailleurs, la fille née avec un corps chétif donnera, à son tour, naissance à des enfants de poids insuffisants. Cette espèce de transmission morbide perpétue le processus de la carence alimentaire, instaurant ainsi une reproduction spontanée de la faim. Sur le plan collectif La faim affaiblit la société, en augmentant les taux de maladie, de mortalité et de d’infirmité : En s’attaquant au système immunitaire de l’organisme humain, la faim altère dangereusement la résistance des individus aux maladies contagieuses, telles que la dysenterie, la rougeole, la malaria et les infections pulmonaires aiguës. Aussi augmente-t-elle les risques de décès dus aux maladies liées au sida. De même, en accroissant la moyenne de mortalité, la faim affecte la pyramide démographique, car elle se reflète sur les « années de vie ajustées sur l’infirmité » (DALY), vu les années perdues à cause des décès prématurés, des maladies et de l’invalidité. En général, 6 parmi les 10 facteurs occasionnant cette perte sont liés à la faim. Ces facteurs sont : la maigreur, la carence en protéines et en sources d’énergie, le défaut d’iode, de fer et de vitamine A. La faim impose des fardeaux financiers et diminue la productivité : Les États concernés par ce fléau se voient contraints à des dépenses indispensables au traitement des maux liés à la faim, comme les maladies infantiles répandues et récidivantes, les maladies contagieuses, telles que le sida et la tuberculose. Les économies réalisées doivent également faire face au coût indirect occasionné par l’absentéisme forcé du lieu de travail et la baisse de la productivité, par la montée de la mortalité et de l’invalidité prématurées et par le déclin de la rentabilité du système scolaire. La faim mine la stabilité sociale : Si la faim s’aggrave et se transforme en problème collectif, elle devient une menace pour l’organisation sociale et politique. En effet, considérés d’un point de vue historique, les groupes affamés ont toujours eu le plus de tendance à la sédition ou à entrer en conflit avec d’autres collectivités, ou encore à émigrer vers les grandes concentrations urbaines. Cet exode soumet l’infrastructure des villes concernées à un surcroît de pression et contribue à l’augmentation de la criminalité et à la prolifération des petits délits de corruption, dans ces milieux où les hommes sont prêts à tout pour ne pas mourir de faim. Il faut remarquer également que lorsque Figure 6-1 Recensement des affamés à l’échelle internationale, dans une perspective comparative durant trois périodes Millions 900 800 700 600 500 400 300 200 100 0 Monde en développement 1990-1992 Asie et Pacifique Amérique latine Proche-Orient et et Caraïbes Afrique du Nord 1995-1997 Afrique subsaharienne 2003-2005 Source : FAO 2008. Note : Dans ce graphique, la région du Moyen-Orient et celle de l’Afrique du Nord englobent l’Afghanistan, l’Iran et la Turquie et 13 pays arabes : l’Algérie, l’Arabie saoudite, les EAU, l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Liban, la Libye, le Maroc la Syrie, la Tunisie et le Yémen. certains pays en recourent à d’autres pour nourrir leurs affamés. Ils risquent d’exposer leur politique intérieure à des pressions étrangères. Évidemment, la sous-nutrition et la carence alimentaire ne constituent guère les causes principales de la mortalité prématurée et de l’invalidité dans les pays développés. Toutefois les problèmes en rapport avec l’alimentation n’y manquent pas pour autant. Parmi ces problèmes, on trouve l’obésité qui se répand comme une épidémie, et constitue, après le tabagisme, la seconde cause de décès. Faim et carence nutritionnelle dans les pays arabes En l’an 2000, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Le premier de ces objectifs stipule qu’au début de 2015 le nombre de pauvres et d’affamés devrait être réduit à la moitié par rapport à la situation qui prévalait en 1990. Mais où en sont actuellement les pays arabes quant à la réalisation de cet objectif ? Selon les statistiques du PAM, les pays arabes se caractérisent, parmi les pays en développement, par le plus bas taux d’individus sous-alimentés, relat ivement au nombre total d’habitants. Ne les dépassent dans ce taux que les pays émergents Faim, alimentation et sécurité humaine 135 La région arabe est l’une des deux seules au monde qui aient connu un accroissement des nombres de sousalimentés depuis les années 1990 Figure 6-2 d’Europe centrale et ceux de l’ex-Union soviétique. Cependant, la région arabe est l’une des deux seules au monde qui aient connu un accroissement des nombres de sous-alimentés depuis les années 1990, puisque le nombre de personnes atteintes de sous-nutrition, dans les pays en question, est passé approximativement de 19,8 millions d’individus, enregistrés dans la période 1990-1992, à 25,5 millions d’individus pour la période 2002-20042. Recensement des affamés dans 15 pays arabes, 1990-1992 et 2002-2004 Milliers 1990-1992 Koweït Liban Djibouti Jordanie Mauritanie Comores TPO Syrie Arabie saoudite Algérie Maroc Égypte Yémen Soudan EAU 10 000 9 000 8 000 7 000 6 000 5 000 4 000 3 000 2 000 1 000 0 2002-2004 Source : FAO 2008 (en anglais). Figure 6-3 Changements dans la prévalence de la sousalimentation, 1990-2004 Population % 70 60 50 40 30 20 10 1990-1992 Tunisie * Libye EAU Liban Syrie Arabie saoudite Égypte Algérie Koweït Maroc Jordanie Mauritanie TPO Djibouti Soudan Yémen Comores 0 2002-2004 Source : FAO 2008 (en anglais). * Les données sur la Libye < 2,5 136 Rapport arabe sur le développement humain 2009 Les rapports de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) adoptés en l’occurrence couvrent 15 pays arabes sur 22 au total3. Ont été exceptés de cet ensemble de pays la Somalie et l’Irak, étant donné que l’Occupation et les conflits armés vécus par ces deux derniers pays ont rendu inaccessibles les informations précises sur leur situation alimentaire et sanitaire, et ce depuis 1990-1992. Les 25,5 millions d’affamés de la région arabe représentent environ 10 % du nombre global de la population de cette région, sachant que ce nombre représente 3 % seulement du nombre des sujets souffrant de malnutrition à l’échelle mondiale. Or ce niveau relativement bas, par rapport à la population de la planète, s’explique par les hauts niveaux de revenus des États producteurs de pétrole ou bien par le pouvoir d’achat que viennent renforcer les transferts de devises effectués par la main-d’œuvre arabe expatriée et/ou par les politiques d’approvisionnement que pratiquent certains gouvernements. Le Soudan est le pays arabe qui regroupe le plus grand nombre d’affamés, soit plus de 8 millions d’individus, vu que ce pays est déchiré par les guerres intestines et subi des sanctions internationales. Le Yémen, l’un des pays les moins développés (PMD) et trop dépendant de l’importation des aliments occupe la deuxième position, après le Soudan, avec 8 millions d’affamés. Mais le plus étonnant c’est l’existence, dans les pays arabes riches, comme l’Arabie saoudite, les EAU et le Koweït, de tranches de population incapables d’acquérir la nourriture en quantités suffisantes. Les nombres d’affamés calculés non pas en fonction des effectifs absolus, mais en fonction du nombre d’habitants de chaque pays, montrent que la faim n’a pas encore dégénéré en drame humanitaire. En effet, aux EAU, en Tunisie et en Libye, le nombre de personnes mal nourries était inférieur à 2,5 % du nombre total d’habitants dans la période allant de 2002 à 2004. À l’opposé, on relève aux Comores, au Soudan, et au Yémen, pays où domine l’insécurité alimentaire et où sévit la faim, des taux respectifs de : 60 %, 26 % et 38 % de la population. Tandis qu’en d’autres pays les moyennes varient entre 2,5 % et 4 %, à l’exception de la Jordanie et du Maroc (6 %), du Koweït (5 %) et de la Mauritanie (10 %). Les dénombrements disponibles à l’échelle nationale ne sont pas centrés sur le rapport entre la faim et des catégories précises d’habitants de ces sociétés. Toutefois, le PAM indique que la déficience alimentaire est plus répandue dans les populations rurales déshéritées, touchant plus particulièrement les femmes et les enfants4. Par ailleurs, bien qu’on ne dispose pas de statistiques détaillées sur la plupart des pays arabes, une étude sur le Yémen – pays arabe classé deuxième en matière de propagation de la sous-nutrition – a délimité avec une grande précision les groupes les plus exposés à la faim. Ces derniers regroupent les familles possédant ou exploitant de petits lopins de terre, ou bien celles entretenues par des femmes, ou encore celles à faible niveau d’instruction. L’étude en question montre également que le facteur le plus lié à la sousalimentation est le degré d’instruction. Ainsi, les familles où domine l’analphabétisme représentent le cinquième des familles affamées. En revanche, ce taux baisse jusqu’en deçà du dixième au sein des foyers dont les membres ont reçu un enseignement universitaire. Ce phénomène s’explique généralement par le fait qu’au Yémen les revenus dépendent étroitement de l’instruction5. Tendances depuis 1990-1992 La figure 6-3 expose la situation des pays arabes en ce qui concerne la réalisation du 1er OMD, visant à réduire à hauteur de 50 % le taux des individus affamés, au titre de la période 1990-2015. La figure montre qu’aucun progrès n’a été réalisé en vue d’atteindre la 2e cible de l’objectif en question, à l’échelle de toute la région arabe. Cependant, Il est à préciser que cette tendance générale ne manifeste pas la grande disproportion existant entre les différentes situations des pays concernés, considérés séparément. Cette figure montre, en effet, l’écart sensible distinguant les pays arabes en matière de lutte contre la faim, durant les deux périodes susmentionnées, exception faite de Djibouti, du Koweït et de la Mauritanie (le taux relativement élevé d’expansion de la faim au Koweït, Encadré 6-2 Enquête sur la sécurité humaine – Accès à la nourriture dans 4 pays arabes La question posée aux individus interrogés était de savoir si, selon eux, l’obtention de la nourriture était facile ou difficile ou bien s’ils considéraient que cela ne constituait absolument pas un défi. Le taux le plus bas de personnes ayant jugé l’affaire difficile était au Koweït. Dans ce même pays, se trouve également le taux le plus élevé de personnes ayant trouvé l’affaire facile. Les réponses enregistrées dans les autres pays différaient de celles relevées au Koweït, mais se ressemblaient dans les 3 pays. En effet, environ 40 % des individus interrogés, dans ces échantillons, étaient d’accord sur le fait qu’ils obtenaient facilement la nourriture, alors qu’un taux d’interrogés allant de 56 % à 59 % jugeaient l’affaire difficile. Ceux qui estimaient que l’accès à la nourriture était, pour eux, une affaire sans importance ne représentaient qu’une minorité de 3 % de l’échantillon en question. Ce qui est remarquable est le fait qu’au Koweït aucun des interrogés n’a dit que l’acquisition de la nourriture était une affaire sans importance pour lui. Peut-être parce que, pour ces derniers, les deux constats : affaire sans importance et affaire facile désignent la même réalité. Est-ce que l’obtention de la nourriture est une opération facile ou difficile, ou bien ne constitue absolument pas un défi ? % 100 80 60 40 20 0 Liban Facile TPO Difficile Maroc Koweït Pas un problème Lorsque les interviewés ont été sondés sur le degré d’accessibilité de la nourriture pour eux durant les six derniers mois, une minorité d’entre eux au Koweït (20 %) et environ le tiers au Maroc ont répondu qu’il leur a été difficile d’obtenir les produits alimentaires, ou bien qu’ils ont été contraints de réduire la consommation de certains types au cours de ces six mois. Toutefois, 56 % des Palestiniens et plus de la moitié des Libanais interrogés ont indiqué qu’ils avaient éprouvé des difficultés en général. Leurs réponses reflètent sans aucun doute le fait que la période en question a coïncidé avec la détérioration de la situation à Gaza à l’hiver 2008 et l’atmosphère de tension à Beyrouth à l’époque. Pourcentage des interrogés ayant trouvé difficile d’obtenir de la nourriture dans les 6 mois précédant l’enquête % 60 50 40 30 20 10 0 Liban TPO Faim, alimentation et sécurité humaine Maroc 137 Koweït Encadré 6-3 Sondage sur la sécurité humaine – Les habitudes alimentaires dans 4 pays arabes Les types d’alimentation au Liban, au Koweït, au Maroc et en TPO se ressemblent, mais le type palestinien en diffère sensiblement. En effet, les Palestiniens consomment les plus faibles quantités d’aliments essentiels, excepté les légumes et les œufs. Ils mangent plus de légumes que les Koweïtiens, plus d’œufs que les Libanais et les Marocains. Cependant, ils diffèrent des quatre échantillons par leur consommation de la plus basse quantité de viandes et de poissons. Ils consomment du poisson moins d’une fois par semaine et de la viande moins de deux fois par semaine. Ceci peut être dû à la rareté des poissons et au coût de la viande dans le TPO. En général, les poissons et les viandes sont les moins consommés par les gens interrogés, dans les trois autres pays. Les Koweïtiens se distinguent de cette tendance dominante car ils mangent du poisson 2 fois par semaine et de la viande 4 fois par semaine. 8 6 4 2 0 Viande Poisson Liban Œufs TPO Produits laitiers Maroc Légumes Fruits Koweït L’écart le plus net apparaît si on compare la consommation alimentaire de la bande de Gaza et la Cisjordanie. Bien que les gens consomment des légumes, en moyenne, 6 fois par semaine leur consommation des autres espèces d’aliments diffère. En effet, le sondage montre qu’à Gaza on consomme moins d’œufs, de produits laitiers, de légumes, de viande et de poissons. Moyennes qui spécifient le niveau d’alimentation dominant dans cette région. D’ailleurs, la situation alimentaire de la majorité des Palestiniens s’est, en général, considérablement dégradée. Mais les habitants de Gaza sont les plus touchés en raison de l’embargo et des restrictions imposées par Israël à la circulation des personnes et des marchandises. 7 6 5 4 3 2 1 0 la déficience alimentaire a accusé plutôt une légère baisse. À travers ce passage en revue, transparaît une douloureuse vérité : le nombre d’individus sous-alimentés, comme nous l’avons déjà mentionné, a augmenté de 5,7 millions entre les deux périodes 19901992 et 2002-2004. Ceci signifie que toute la région arabe s’éloigne considérablement du « 1er objectif » plutôt qu’elle ne s’en approche. Le tableau s’assombrirait davantage si l’on prenait en considération, dans ce diagnostic, la situation d’autres pays arabes au sujet desquels on ne dispose pas de rapports crédibles, comme l’Irak et le Soudan, pays plongés dans l’insécurité totale et où les opérations de secours échouent à cause des conflits civils et de la violence armée. Il est du devoir de tous les pays arabes de remédier à cette situation qui ne cesse de se dégrader depuis la période 19901992. Pour ce faire, il leur faut d’abord surmonter les obstacles empêchant l’éradication de la faim. Mais cette entreprise nécessite de trouver les moyens efficaces de lutte contre le fléau et la généralisation des programmes susceptibles d’assurer la mise en œuvre méthodique et responsable de ces moyens. Dans ce cadre, il convient d’accorder une importance particulière aux composantes démographiques les plus vulnérables, telles que les femmes, les enfants et les personnes âgées. L’obésité, un problème grandissant dans les pays arabes Viande Cisjordanie Poisson Œufs Produits laitiers Légumes Fruits Bande de Gaza entre 1990 et 1992, s’explique par la guerre du Golfe durant cette période). À ces derniers pays, il convient d’ajouter le Soudan qui a réalisé un certain progrès. Cependant, la faim y est encore dangereusement répandue. Quant à l’Arabie saoudite, l’Égypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc et le Yémen, leur situation s’est aggravée, non seulement en nombres d’affamés, mais aussi en degré de propagation de la faim. L’Algérie et la Syrie, en revanche, ont vu s’élever le nombre de personnes affamées, mais l’expansion de 138 Rapport arabe sur le développement humain 2009 De prime abord, obésité et malnutrition semblent contradictoires. Or, un facteur commun les assemble : les mauvaises habitudes alimentaires. Comme l’a remarqué la directrice générale de l’OMS, dans son discours du mois d’octobre 20086, il est étonnant de voir les rapports télévisés sur la malnutrition montrer aux spectateurs des enfants atteints de déficience alimentaire soignés par des personnes adultes souffrant d’obésité. Ce paradoxe choquant s’explique par le simple fait suivant : les aliments bon marché et de qualité médiocre privent les enfants d’aliments nutritifs de base, mais engraissent les adultes. Ce n’est donc pas la satiété qui provoque l’obésité. Cette dernière, comme le montre la figure 6-4, n’est pas spécifique des pays « riches » ; elle se répand largement dans les pays à bas revenus, tels que l’Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Syrie, autant que dans les pays riches du Golfe. Elle peut toucher aussi bien les pauvres que les riches. Il n’est pas sans intérêt que l’obésité et le surpoids touchent plus de femmes que d’hommes dans les pays arabes, alors qu’inversement, aux États-Unis, par exemple, ces problèmes sont plus communschez les hommes. D’une façon générale, l’obésité, dans les pays arabes, s’explique par la consommation excessive d’aliments riches en graisses et en sucre. Cet excès s’accompagne d’un affaiblissement de l’activité physique. L’expansion de ce fléau parmi les femmes s’explique partiellement par certaines coutumes qui leur interdisent, dans la plupart des cas, la pratique des sports et des autres exercices physiques. L’obésité contribue au déclenchement de nombreuses maladies non contagieuses, comme le diabète, l’hypertension artérielle, les pathologies cardio-vasculaires, l’arthrose, les troubles psychiques et certains types de cancer. Il faut signaler que ces phénomènes morbides connaissent un accroissement continu et constant dans les pays arabes. Par ailleurs, de nombreuses études démontrent que la déficience du poids à la naissance et la carence alimentaire endurée pendant l’enfance entraînent l’obésité à l’âge d’adolescence, si cette dernière coïncide avec l’abondance des aliments. Il est à noter également que dans les milieux ouvriers, il arrive souvent que la baisse de productivité soit liée à l’obésité. Causes de la faim et de la malnutrition dans les pays arabes Nombreux sont les facteurs qui contribuent aux problèmes de déficience alimentaire. Parmi les facteurs les plus directs et les plus décisifs, on trouve : le manque de moyens indispensables à l’achat en quantités suffisantes des aliments destinés à la consommation quotidienne, et le défaut d’approvisionnement en denrées nécessaires. Quant aux facteurs indirects, résultant à la fois, de l’effet cumulé des causes et des conséquences, ils regroupent la pauvreté, l’ignorance, la maladie, le chômage et l’inégalité entre les sexes. D’autres facteurs tout Figure 6-4 La propagation de l’obésité dans les pays arabes, à Nauru et au Japon*, selon le sexe, la catégorie d’âge des moins de 15 ans, 2005 Nauru Japon Somalie Soudan Comores Djibouti Maroc Mauritanie Algérie Irak Oman Syrie Libye Liban Qatar Tunisie Jordanie Bahreïn Arabie saoudite EAU Égypte Koweït % 0 10 20 Femmes 15 + 30 40 50 60 70 80 90 Hommes 15 + Source : OMS 2005. Notes : Nauru est le pays qui enregistre le plus haut taux de propagation de l’obésité. Le Japon en présente le plus bas. * Évaluée en fonction de l’Indice de masse corporelle (IMC) ≥ 30 kg/m2 qui est un oléomètre basé sur la hauteur et le poids du corps. IMC > 30 signifie l’obésité, tandis qu’un IMC de 25 à 30 signifie le surpoids. aussi importants concourent indirectement à la perpétuation du cercle de la misère, de la faim, de la maladie et de la souffrance. Il s’agit des conditions climatiques, des catastrophes naturelles, de l’échec des politiques de développement, de l’absence de stabilité politique et des conflits armés. Pas plus que l’indigence et le chômage ne sauraient être des phénomènes purement économiques, la sous-alimentation et l’inanition ne sont pas nécessairement des phénomènes naturels et inéluctables. Ces dernières sont toujours le résultat d’une intervention ou d’une non-intervention humaine. En effet, les pays arabes les plus exposés à la sous-nutrition sont ceux qui endurent les conflits ou les guerres civiles ou encore l’occupation. Dans d’autres pays arabes, c’est la propagation de l’indigence qui est la cause essentielle de la hausse des taux d’affamés. Bref, on peut regrouper les causes de la sous-alimentation en 3 catégories fondamentales : la faiblesse du pouvoir d’achat requis pour l’obtention Faim, alimentation et sécurité humaine La sousalimentation et l’inanition ne sont pas nécessairement des phénomènes naturels et inéluctables 139 de la nourriture, la pénurie des aliments et la persistance de ces deux conditions. Les développements suivants discutent ces causes de façon plus détaillée. A. Causes immédiates Insuffisance de la part alimentaire individuelle La FAO effectue annuellement une évaluation de la part d’aliments disponibles pour chaque individu en utilisant les « Bilans alimentaires ». Cet instrument de mesure se présente sous forme de colonnes de chiffres et est conçu pour le calcul des quantités alimentaires produites dans un pays donné en une année. On ajoute à ces quantités celles qui sont importées ou stockées pendant la même année. De la somme totale ainsi obtenue, on retranche les quantités perdues suite aux dégâts résultant de l’emmagasinage ou du transport et celles utilisées comme fourrage, ou encore celles employées à des fins autres que la consommation humaine. Ensuite, la quantité restante est divisée par le nombre d’habitants du pays. Le nombre total des produits alimentaires disponibles est finalement converti en son équivalent Figure 6-5 Calories par jour Moyenne de l’apport calorique quotidien par habitant dans 11 pays arabes, 1990-1992 et 2002-2004 Prévalence de la faim > 20 % Prévalence de la faim 5-19 % Prévalence de la faim 2,5-4 % 4 000 3 500 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 Syrie Algérie Égypte Liban Koweït 1990-1992 Arabie saoudite 2002-2004 Mauritanie Jordanie Maroc Yémen Soudan 0 Source : FAO 2008. 140 Rapport arabe sur le développement humain 2009 en calories7. Ainsi on peut déterminer la provision de chaque individu en énergie alimentaire. Par ailleurs, afin d’évaluer l’assistance alimentaire et les modes de nutrition dans la région, en s’appuyant sur des données disponibles, les pays arabes ont été répartis en trois catégories, en fonction du taux de propagation de la faim et de la sous-nutrition dominant en chacun d’eux, entre 2002 et 2004. La première catégorie est celle constituée de pays où le taux d’expansion de la faim varie entre 2,5 % et 4 % du nombre global d’habitants. C’est le cas de l’Algérie, de l’Arabie saoudite, de l’Égypte, du Liban et de la Syrie. La deuxième catégorie est celle où le taux en question se situe entre 5 % et 19 %. C’est le cas de la Jordanie, du Koweït, du Maroc, et de la Mauritanie. Quant à la troisième catégorie, elle englobe le Soudan et le Yémen, où le taux atteint 20 % et plus. Cette évaluation ne couvre pas les EAU, la Libye et la Tunisie, où la faim et la sousnutrition ne constituent pas des problèmes significatifs. On peut cependant ajouter une quatrième catégorie dont il s’agira par la suite dans ce rapport et qui comprend les pays éprouvés par les conflits tels que l’Irak, la Somalie, le Soudan et le TPO. • Baisse de la consommation alimentaire au-dessous des besoins quotidiens La figure 6-5 montre la part en unités calorifiques dont s’approvisionne l’individu dans les pays arabes, et ce dans une perspective comparant les deux périodes 1990-1992 et 2002-2004. On constate une disparité évidente entre les trois groupes de pays en matière de disponibilité en énergie alimentaire. Cette dernière est à son plus bas niveau au Soudan et au Yémen (la plus haute prévalence de la faim) Et à son plus haut niveau dans les pays de la première catégorie (la plus basse prévalence de la faim). Les niveaux des parts individuelles en calories enregistrés, qui varient entre 2 000 calories (au Yémen) et 3 100 calories (en Égypte), montrent un total global supérieur au minimum requis dont a besoin une personne pour préserver son poids et un niveau d’activité normal. Pourtant, la figure révèle que la véritable raison de la haute prévalence de la faim dans la région arabe réside dans la disproportion, au sein de chacune des sociétés, des moyennes de disponibilité des calories à la portée des individus, et par conséquent, dans la répartition inéquitable des produits alimentaires disponibles. Si nous considérons la variation des moyennes de disponibilité des calories, entre celles enregistrées lors de la période 1990-1992 et celles enregistrées lors de la période 2002-2004 selon l’OMD, nous ne remarquons aucun changement au Liban, au Maroc et au Yémen et nous constatons une légère augmentation dans les autres pays, à l’exception du Koweït qui a connu une importante augmentation en part individuelle, ayant atteint 700 calories depuis 1990-1992. les niveaux analogues enregistrés dans un pays développé : la Grèce. La figure montre qu’entre les trois catégories de pays arabes, au titre de l’année 2004, une différence nette des niveaux relatifs aux parts individuelles en aliments disponibles, mais globalement, elle ne montre pas le même écart entre les pays relevant de la même catégorie. Ces niveaux sont en rapport proport ionnel lement inverse avec l’expansion de la faim et la malnutrition. La première catégorie occupe le 1er rang dans le domaine de la disponibilité de la nourriture pour tout individu. La quantité globale varie, par exemple, entre 2 200 g par jour au Liban où l’expansion de la faim atteint 3 % de la population et 1 500 g par jour en Arabie saoudite où 4 % de la population sont privés d’aliments nutritifs. Dans la 3e catégorie, les moyennes des parts individuelles varient entre 850 g par jour au Yémen, où plus d’un tiers de la population souffre de faim et 1 150 g par jour au Soudan où plus du quart de la population est la proie de la faim et de la sous-nutrition. La deuxième • Le caractère limité du ravitaillement alimentaire et son effet sur les types de régime et de nutrition La figure 6-6 expose la part individuelle quotidienne (qui se mesure par grammes/ personne/jour) de chaque ressource alimentaire disponible, dans les pays arabes, tout en comparant les niveaux de 2004 à ceux de 1990 et en les confrontant avec Figure 6-6 Grammes par personne par jour Les niveaux relatifs aux parts individuelles en aliments disponibles sont différents entre les trois catégories des pays arabes Consommation individuelle quotidienne en grammes des diverses ressources alimentaires, 1990-2004, 11 pays arabes et la Grèce Prévalence de la faim > 20 % Prévalence de la faim 5-19 % Prévalence de la faim 2,5-4 % Comparateur 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 Haricots Sucre Œufs et produits laitiers 1990 2004 Grèce 1990 2004 Arabie saoudite 1990 2004 Syrie 1990 2004 Algérie 1990 2004 Égypte 1990 2004 Liban 1990 2004 Koweït 1990 2004 Mauritanie 1990 2004 Jordanie 1990 2004 Maroc 1990 2004 Yémen 1990 Soudan 2004 0 Légumes et fruits Féculents Légumineuses Huiles et graisses Viande rouge Poisson Source : FAO 2008. Faim, alimentation et sécurité humaine 141 catégorie a enregistré des niveaux intermédiaires entre ceux enregistrés par la première et la troisième. Néanmoins, les niveaux enregistrés par ces pays, toutes catégories confondues, restent sensiblement inférieurs par rapport aux niveaux des parts individuelles atteintes dans des pays développés, comme la Grèce. Dans les quatre pays, les céréales constituent l’aliment le plus disponible et l’une des plus importantes sources d’énergie de protéines et du groupe des vitamines B. Le blé est la céréale la plus consommée dans les pays arabes, à l’exception du Soudan où domine la consommation du sorgho. L’orge occupe la deuxième place dans les pays d’Afrique du Nord. Par contre, en Orient, ce sont le riz et le maïs qui occupent cette position. Au Soudan et au Yémen, les pays les moins développés, le maïs et le millet sont les plus consommés. Aucun de ces pays, du reste, n’a réalisé l’autosuffisance en matière de céréales, étant donné qu’ils comptent plus ou moins tous, sur l’importation. Le blé, produit des climats tempérés exporté surtout par les pays industrialisés, est la Figure 6-7 plus importée des céréales. Il est suivi par l’orge et, à un degré moindre, le maïs. Dans les pays arabes, on note aussi que les quantités de céréales consommées ont un peu diminué au cours des quelques années écoulées, sauf en Arabie saoudite, en Égypte, au Maroc, et en Mauritanie où les quantités consommées se sont stabilisées puis ont augmenté par rapport à la moyenne générale d’approvisionnement en calories. Les fruits et les légumes constituent la seconde plus importante composante alimentaire dans la plupart des pays arabes, excepté la Mauritanie, le Soudan et le Yémen où la moyenne d’approvisionnement de l’individu de ces aliments enregistre une baisse variant entre 60 g et 200 g par jour. Les produits laitiers et les œufs comptent également parmi les principaux constituants alimentaires, surtout en Mauritanie, au Soudan et au Yémen. Bien mieux, les moyennes d’approvisionnement individuel des quantités de produits laitiers disponibles dans ces pays équivalent à leurs homologues dans les pays développés. L’abondance de tels produits dans ces pays L’apport calorique quotidien et sa répartition suivant les principes nutritifs de base, 11 pays arabes 1990-1992 et 2002-2004 Prévalence de la faim > 20 % Calories par jour 3 500 Prévalence de la faim 5-19 % Prévalence de la faim 2,5 %-4 % 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 Protéine Source : FAO 2008. 142 Rapport arabe sur le développement humain 2009 2004 1990 Arabie saoudite 2004 1990 Syrie 1990 2004 Algérie 1990 2004 Égypte 2004 1990 Liban 2004 1990 Glucides Mauritanie 1990 2004 Koweït 2004 1990 Graisse Jordanie 2004 1990 Maroc 2004 1990 Yémen Soudan 1990 2004 0 arabes relativement au bas revenu s’explique par la prolifération qu’y ont connue récemment les fermes laitières. Les viandes constituent un aspect limité de l’ensemble des aliments disponibles dans les pays arabes. L’Arabie saoudite, le Koweït et le Liban occupent des positions avancées en consommation des viandes avec une part individuelle se situant entre 135 et 190 g par jour. Les poissons et autres produits alimentaires marins constituent une petite partie de la consommation alimentaire dans tous les pays arabes. Depuis la période 1990-1992, les modes d’alimentation ont changé dans la plupart des pays arabes. En effet, si les céréales forment encore la première composante du repas arabe, on y trouve à présent de plus grandes quantités de fruits, de légumes, de produits laitiers, d’œufs, d’huiles végétales, de sucre, et à un modeste degré, de viande et de poissons. Malgré cette tendance à la diversification alimentaire, qui reflète les préférences des consommateurs capables d’acheter de plus grandes quantités d’aliments chers et de haute valeur nutritive, le mode d’alimentation arabe, comparé à celui des pays développés, demeure globalement pauvre en aliments préservateurs des maladies et riches en sels minéraux et en vitamines comme les fruits, les légumes, les produits laitiers et les poissons. • Déséquilibre alimentaire La sous-nutrition peut être causée par une consommation insuffisante ou non équilibrée de l’énergie alimentaire ou bien par une carence d’aliments toutes sortes confondues. Comme indiqué précédemment, le manque des principes nutritifs fondamentaux dans la nourriture, éléments qui dotent l’organisme d’énergie (par exemple, les protéines, les matières grasses, les féculents) provoque des problèmes de santé, tels que la cachexie, l’atrophie musculaire, la déficience du poids, la myopathie. Ces phénomènes morbides sont possibles, même si la quantité d’approvisionnement globale requise en calories est suffisante. Néanmoins les quantités des aliments nutritifs fondamentaux provenant des exigences calorifiques totales indispensables à la sécurité de l’état de santé s’échelonnent relativement sur une vaste étendue : 55 %-75 % pour les féculents, 15 %-35 % pour les matières grasses et 10 %-15 % pour les protéines8. La figure 6-7 résume la quantité d’approvisionnement global quotidien en aliments fondamentaux par rapport à l’approvisionnement de l’individu en calories et la manière dont varient les moyennes durant la période de 1990-1992 et celle de 2002-2004. Ces données s’appliquent aux pays arabes au sujet desquels on dispose des rapports, y compris les pays où la faim ne constitue pas un problème humanitaire. Les taux des principaux aliments nutritifs dans l’alimentation arabe se caractérisent en général par l’équilibre, abstraction faite du volume d’énergie disponible. Par ailleurs, ces taux n’ont guère changé depuis la période 1990-1992. On observe également que les sources d’aliments d’origine animale constituent des taux variant entre le tiers et le quart des approvisionnements en protéines et en matières grasses et entre 7 % et 13 % des approvisionnements en énergie alimentaire disponible dans l’ensemble de ces pays, à l’exception du Koweït, du Liban, de la Mauritanie et du Soudan, étant donné que dans ces pays les aliments d’origine animale représentent environ 50 % des sources de protéines et de matières grasses disponibles et un cinquième de l’énergie, sachant bien que ces taux équivalent à ceux enregistrés dans les pays développés. Cependant, si les aliments d’origine animale assurent un apport nutritionnel riche en protéines de haute qualité, elles causent en revanche la hausse des niveaux de triglycérides saturés nuisibles à la santé des consommateurs. Ceci étant le résultat de la consommation en quantités relativement élevées d’œufs et de produits laitiers, mais avec de faibles quantités de fruits et de légumes (comme c’est le cas au Soudan et en Mauritanie) ; et à la consommation de quantités relativement élevées de viandes, d’œufs et de produits laitiers (comme au Koweït et au Liban). Il convient toutefois de considérer avec prudence ces chiffres qui semblent, de prime abord, encourageants. En effet, ils ne reflètent pas forcément le degré d’équité sociale en matière de répartition des ressources alimentaires. Aussi n’indiquent-ils pas non plus le niveau de consommation effectif ou le degré d’équilibre alimentaire réel caractéristique des milieux indigents. Ils font plutôt état des tendances générales Faim, alimentation et sécurité humaine Malgré la tendance à la diversification alimentaire, le mode d’alimentation arabe demeure globalement pauvre La sous-nutrition peut être causée par une consommation insuffisante ou non équilibrée de l’énergie alimentaire 143 Figure 6-8 Production des céréales, 21 pays arabes 1990-2005 Kilogrammes par hectare relatives à la situation alimentaire de chacune des catégories sociales constitutives des sociétés du monde arabe. 12 000 10 000 8 000 6 000 4 000 2 000 1990 Rendement des céréales Somalie Moyenne mondiale Libye Soudan Maroc Yémen Irak Mauritanie Comores Algérie Djibouti Tunisie Jordanie TPO Syrie Liban Koweït Oman EAU Égypte Arabie Saoudite Qatar 0 2005 Rendement des céréales Source : Banque mondiale 2008. Figure 6-9 Taux régionaux d’autosuffisance en matière des principales denrées alimentaires ( %), par type, 1990-2004 SSR (%) 120 100 80 60 40 20 1990 Légumes Poisson Viandes Lait et produits laitiers Céréales Légumineuses Sucre Graisses et huiles 0 2004 Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de l’AOAD 2008 (en arabe). Note : Le taux d’autosuffisance alimentaire est calculé, dans la base de données de l’OADA, en divisant les denrées alimentaires produites par les aliments disponibles pour la consommation (mesurée en mégatonnes). Dépendance aux produits alimentaires importés, 15 pays arabes, 2005* Figure 6-10 % 25 20 15 10 5 Bahreïn Moyenne mondiale Qatar Tunisie Mauritanie Maroc Oman Soudan Jordanie Arabie saoudite Liban Libye Syrie Algérie Égypte Yémen 0 2005, les importations alimentaires (% des importations de marchandises) Source : Banque mondiale 2008. *Les valeurs pour le Liban et la Libye sont relatives à 2004. 144 Rapport arabe sur le développement humain 2009 • Contribution relative des importations et des exportations des produits alimentaires dans la composition de la part alimentaire individuelle. La quantité d’aliments disponibles d’un pays reflète le degré d’évolution de ses secteurs de production alimentaire et sa dynamique d’échange des marchandises avec le monde extérieur. Bref, la disponibilité de la nourriture est liée aux capacités d’offre ; laquelle offre dépend, à son tour, d’un ensemble de facteurs, tels que la production agricole, l’accès aux marchés internationaux, le dévelop pement des industries agroalimentaires et le volume d’aide étrangère. Cette offre dépend également de la demande qui est, elle-même, fonction du niveau de revenu des individus. La figure 6-8 montre que les récoltes céréalières dans certains pays sont inférieures à la moyenne internationale et que la production a baissé, entre 1990 et 2005, dans sept pays. La figure 6-9 montre de façon précise l’étape parcourue par la région dans son entreprise visant à la réalisation de l’autonomie alimentaire en produits essentiels, au cours de la période de 1990-2004. Cette figure précise, entre autres, que tous les pays arabes jouissent relativement d’une certaine autonomie en ce qui est des produits alimentaires consommés par les riches (comme les viandes, les poissons et les légumes) en quantités plus grandes que celles des denrées que consomment les pauvres (comme les céréales, les graisses et les glucides). La figure 6-10 présente globalement le degré de dépendance des pays arabes, en 2005, de l’importation des produits alimentaires. On constate que le taux de dépendance de tous ces pays, excepté Bahreïn, est supérieur à la moyenne internationale. Cette grande dépendance est due à plusieurs facteurs (Jalila El-Ati, en arabe, document de fond pour le rapport) : • Au Yémen, par exemple, l’un des pays les moins développés, 80 % des habitants vivent à la campagne, et 50 % des forces actives travaillent dans le secteur agricole. On remarque également que la pénurie d’eau et la rareté des terres arables occasionnent la baisse de la production agricole. La contribution de cette dernière au PIB ne dépasse pas 15 % et ne peut répondre aux besoins de la galopante croissance démographique de ce pays (3,6 % par an, contre 2,6 dans les autres pays arabes, en général). Il en résulte, entre autres problèmes, l’accroissement du nombre d’individus atteints de carence nutritionnelle. • En Jordanie, l’un des pays à revenu moyen, souffrant de pénurie d’eau et d’autres, la production agricole représente juste 2 % du PIB et fournit de l’emploi à 10 % seulement des forces actives. Par conséquent, le recours à l’importation des produits alimentaires est primordial pour répondre aux besoins de la population. Néanmoins, il faut reconnaître que l’exercice économique du pays subit les retombées négatives de facteurs externes, notamment ceux de la fluctuation des prix du pétrole et l’aggravation des conflits que connaît la région. La faiblesse économique consécutive aux effets de ces facteurs a contribué à la dégradation des moyennes d’approvisionnement individuel en calories, de 2 820 calories/jour durant la période 1990-1992, à 2 670 calories durant la période 2002-2004. Réduction qui a aggravé l’expansion de la carence alimentaire. • En Arabie saoudite, l’un des pays à haut revenu, l’agriculture représente 5 % seulement du PIB et n’occupe que 7 % des forces actives. L’une des conséquences de cette situation est le fait que ce pays compte quasi tota lement sur l’importation des produits alimentaires étrangers. Par ailleurs, malgré le développement économique qu’a connu l’Arabie saoudite grâce à la récente augmentation des prix du pétrole, les tentatives d’élimination de la faim sont restées infructueuses. En vérité, le nombre de personnes sous-alimentées s’est accru depuis la période 1990-1992. Autant de problèmes qui incitent à remettre en question les politiques préconisées en matière de répartition des aliments, d’équité sociale et d’orientations démographiques. • D’un autre côté, en Syrie, l’un des pays à revenu moyen, 33 % des habitants travaillent dans le secteur agricole ; lequel contribue au quart du PNB, et occupe le tiers du territoire national. En outre, grâce aux investissements dans ce secteur et aux efforts récemment déployés pour son développement, la Syrie a dépassé le seuil requis pour s’assurer l’autonomie alimentaire dans la plupart des plus importants produits alimentaires. Ainsi ce pays a pu améliorer son activité dans le domaine de l’exportation des fruits, des légumes, des légumineuses, des céréales et de l’huile d’olive. L’essor du secteur agricole a contribué au renforcement de la moyenne d’approvisionnement en énergie alimentaire disponible, en lui procurant 200 calories supplémentaires par jour, par rapport à la situation qui prévalait depuis la période 1990-1992. Cette augmentation est susceptible d’atténuer l’expansion de la sous-alimentation de 5 à 4 %. Mais elle ne suffit pas à réduire le nombre d’individus sous-alimentés qui découle de la croissance démographique (en moyenne 3,1 %). L’analyse conduite jusqu’ici confirme les résultats auxquels ont abouti la plupart des études, à savoir que l’effet du développement sur l’atténuation de la gravité de la faim dépend aussi bien de la nature du progrès économique en question que de l’étendue de ce progrès et de la manière de le réaliser. Il est cependant certain que les efforts de développement de l’agriculture sont d’une plus grande efficacité dans l’extirpation de la faim et de la malnutrition que ceux accomplis dans l’industrialisation des centres urbains. Dans les pays arabes, les périls de la dépendance excessive vis-à-vis des marchés internationaux en vue de satisfaire la demande alimentaire se sont aggravés au printemps 2008, lorsque les cours des produits alimentaires se sont soudainement élevés dans le monde entier. En effet, au milieu de cette année, ces prix ont enregistré une hausse de 40 %, par rapport à ce qu’ils valaient, à la même saison, l’année précédente. Presque tous les habitants des pays arabes ont ressenti cette hausse, y compris ceux des pays riches du Golfe, tels que les EAU et l’Arabie saoudite. La sagesse veut donc que les pays arabes Faim, alimentation et sécurité humaine Les efforts de développement de l’agriculture sont d’une plus grande efficacité dans l’extirpation de la faim que ceux accomplis dans l’industrialisation des centres urbains 145 La pauvreté et l’indigence constituent un véritable cercle vicieux tentent de tirer profit des ressources aquatiques et des terres disponibles, en vue d’atteindre l’autosuffisance alimentaire espérée. Ce sujet sera débattu dans la dernière partie de ce chapitre. B. Causes indirectes La pauvreté et la faim La pauvreté et l’indigence constituent un véritable cercle vicieux. En effet, la faim prolonge la durée de la pauvreté parce qu’elle réduit la productivité. La pauvreté, elle, handicape les capacités de production de l’individu et l’empêche d’acquérir la nourriture dont il a besoin. Les personnes indigentes ne sont pas exposées aux seuls dangers de la faim ou de la pénurie des aliments, mais aussi aux maladies chroniques liées au mode d’alimentation, aux usages et mœurs, aux contraintes et pressions de leurs accablantes conditions de vie. Les pauvres et les analphabètes ont tendance, plus que d’autres, à adopter des comportements chargés de risques pour la santé, tels que la consommation du tabac ou d’aliments gras, frits et prêts-à-consommer, à haute teneur en calories et peu coûteux ou à prix modique. Pire, ces personnes sont privées d’assistance médicale et Figure 6-11 Association de la pauvreté et de la faim % 70 60 50 40 30 20 10 Arabie Saoudite Koweït EAU Yémen Égypte Syrie Jordanie Liban Maroc Algérie Tunisie Soudan Mauritanie 0 Revenu inférieur à 1 USD par jour 1990-2005 Indice de la pauvreté humaine Seuil de pauvreté national 1990-2004 % Faim 2004 Revenu de moins de 2 USD par jour 1990 à 2005 Source : PNUD 2007. Note : Les moyennes générales du Produit national et de la pauvreté relatives aux seuils internationaux citées dans cette discussion sont basées sur la parité du pouvoir d’achat (PPA), conformément au Programme de comparaison international concernant la période 1993-1996 ICP. Par comparaison, la PPA des taux de pauvreté présentés dans le chapitre 5 se rapportent à l’année 2005. 146 Rapport arabe sur le développement humain 2009 dépourvues de conscience sanitaire. Elles sont exposées ainsi, à cause de la privation, au surmenage social à la fois physique et psychique. La révision des 144 études sur l’obésité dans les pays développés montre qu’il existe une relation inversement pro port ionnelle entre l’obésité et la condition socio-économique. La même étude fait remarquer que les indigents sont souvent obligés de prendre des repas rapides et n’ont point conscience de l’importance que peut revêtir un régime alimentaire salubre et hygiénique9. Ceci indique que le taux d’obésité et ses effets dangereux sur la santé augmenteront dans les pays où la malnutrition s’intensifie en synergie avec le développement urbain. La lutte contre ce double fardeau que représentent la faim chronique et la propagation des maladies non contagieuses nécessite l’instauration de politiques alimentaires spéciales centrées sur les catégories vulnérables parmi les pauvres des zones rurales et urbaines. Cependant, l’indigence n’est pas nécessairement liée à l’insuffisance nutritionnelle. Certes, les produits alimentaires que les milieux indigents tendent à consommer sont bon marché, mais ils sont nutritifs et facilement accessibles. Les statistiques disponibles nous apprennent que les deux indices d’indigence et de sousnutrition, ne coïncident pas. En effet, le nombre de sous-alimentés peut dépasser le nombre des pauvres, dans certains cas où l’incapacité de se procurer la nourriture n’est pas due à la faiblesse des revenus. La crise alimentaire peut être due à d’autres facteurs, tels que les obstacles opposés au déplacement ou les troubles politiques. Il se peut même que le nombre d’individus souffrant de déficience alimentaire soit inférieur à celui des indigents. C’est le cas des régions où sont adoptées des politiques d’approvisionnement alimentaire en faveur des pauvres, ou bien lorsque l’alimentation dominante est composée d’aliments peu coûteux mais satisfaisant, quand même, les besoins de l’organisme en énergie. L’observation de la propagation de la pauvreté et sa liaison avec la propagation de la faim et la sous-nutrition dans les pays arabes au sujet desquels on dispose de rapports (figure 6-11), montre que les plus sévères moyennes de pauvreté (soit le nombre d’individus vivant avec moins d’un USD par jour) et de privation d’un ou de plusieurs services fondamentaux sont concentrées dans les pays où le taux de propagation de la sous-nutrition est élevé, c’est-à-dire dans les pays à bas revenu, à savoir le Soudan, la Mauritanie et le Yémen. Plus de 60 % des habitants de la Mauritanie, plus de 45 % des habitants du Yémen et plus de 40 % des habitants de l’Égypte vivent avec moins de 2 USD par jour. On peut être tenté d’établir une comparaison. En Égypte, la part de l’individu en PNB (calculé sur la base de la valeur du pouvoir d’achat) équivaut presque à son homologue au Maroc (respectivement 4 337 USD et 4 555 USD, en 2005) et pourtant le niveau de pauvreté (calculé sur la base du pourcentage des habitants vivant avec moins d’un USD par jour) et le niveau atteint par la faim en Égypte sont nettement inférieurs (respectivement 20 % et 4 %) à ceux du Maroc (respect i vement 34 % et 6 %). Ceci s’explique par le fait qu’en Égypte les types d’alimentation et les programmes gouvernementaux pour le renforcement de l’alimentation ont contribué à la limitation de la propagation de la sous-alimentation. Comme le montre la figure 6-11, dans les pays arabes, d’après les rapports disponibles, le nombre de pauvres est supérieur au nombre de personnes sous-alimentées. En effet, en Algérie, en Arabie saoudite, en Égypte, en Jordanie, au Koweït, au Liban, au Maroc, en Mauritanie, au Soudan et en Syrie, le taux d’individus vivant avec moins de 2 USD par jour dépasse le taux d’affamés. Tandis qu’au Yémen, les moyennes de pauvreté et de faim s’équivalent. Par ailleurs, les statistiques de la Banque mondiale confirment qu’en Tunisie, aussi bien qu’ailleurs au Maghreb et au Mashreq, la propagation de l’indigence, en général, est supérieure à celle de la sous-nutrition. Cependant, on observe qu’en Algérie, en Jordanie et au Maroc, le pourcentage des affamés est supérieur à celui des individus vivant dans le dénuement total, c’est-àdire avec moins d’un USD par jour. D’autres comparaisons instructives peuvent être établies dans cette perspective. Ainsi la part de l’individu en PIB est à peu près la même, en Jordanie et au Liban (respectivement avec : 5 530 USD et 5 584 USD). Dans ces deux pays, le taux de propagation de la pauvreté et de la faim est également presque le même. D’autre part, l’Arabie saoudite, l’un des pays à haut revenu, n’est pas pour autant en meilleur état que la Syrie, pays à revenu moyen, en ce qui concerne le taux de propagation de la faim (4 % du nombre total d’habitants dans les deux pays, d’après les rapports de la Banque mondiale)10. Ceci démontre, encore une fois, que la disponibilité des ressources, à elle seule, ne suffit ni à réaliser le développement de la société, ni à assurer une évolution économique permanente. Il est dans le pouvoir de tout État, dût-il ne disposer que de ressources relativement limitées, de relever le défi de réduire la faim et la pauvreté. Ce défi requiert l’établissement de politiques de développement étudiées, bien planifiées et globalisantes de par leur contenu. Il exige également l’instauration de réformes structurelles tant économiques que financières, susceptibles de garantir le développement équitable de tous les secteurs sociaux et un traitement particulier des conditions de vie des couches sociales les plus démunies. L’occupation, les conflits civils et la faim En dépit de l’indisponibilité de rapports crédibles et actualisés sur les pays arabes souffrant de l’occupation et de conflits civils (ce qui empêche de les comparer aux autres pays arabes), les données avancées par le PAM donnent une idée générale de l’ampleur du problème (voir la figure 6-1). Les pays vivant ces conditions particulières voient se dégrader leurs situations alimentaires, et ce pour diverses raisons dont la plus importante est peut-être la perturbation du mode de vie quotidien, en vertu duquel les gens se sont habitués à un rythme de déplacement et à un style d’achat journalier des produits élémentaires. Ces troubles entraînent également la perte de la sécurité personnelle. Cette insécurité comporte nombre de périls pour ceux qui vivent dans les régions concernées par les conflits. En effet, ces perturbations peuvent causer la mort de milliers de cultivateurs et d’autres gens employés dans le cycle de la production, du transport, et de la distribution des denrées alimentaires. De surcroît, ces pays pratiquent le recrutement de milliers de leurs citoyens pour l’armée, au lieu de les employer dans les secteurs de la production agro-alimentaire. On y assiste Faim, alimentation et sécurité humaine Il est dans le pouvoir de tout État de relever le défi de réduire la faim et la pauvreté 147 aussi à la fuite massive de producteurs et de distributeurs d’aliments vers des zones moins dangereuses et plus sécurisées. À ceci s’ajoute le fait que ces émigrés ne sont guère à l’abri d’extrêmes difficultés, puisque trahis par les circonstances, ils ne trouvent généralement point de ressources leur permettant de vivre dans la dignité. Par ailleurs, l’effet de ces perturbations empire, quand les conflits armés provoquent la destruction des routes, des systèmes d’irrigation, des réseaux d’électricité et d’autres services infrastructurels, l’arrêt de la production et de la distribution des aliments, l’incapacité de faire face aux catastrophes naturelles, telles que les inondations et la sécheresse. Dans ces conditions extrêmes, la pénurie des aliments ne conduit pas seulement à leur cherté, mais aussi à la déstabilisation des opérations de transport qui dégénèrent en entreprises périlleuses guettées par les milices et les bandes de malfaiteurs. Dans ces conditions, il n’est nullement étonnant que ces crises transforment les pays concernés en foyers de catastrophes humaines dont les répercussions s’étendent aux pays voisins et suscitent l’inquiétude Tableau 6-1 des milieux internationaux, et nécessitent ainsi l’intervention des forces étrangères, vu le grand nombre de victimes de la misère et de la faim. Le tableau suivant montre comment ces crises ont entravé la capacité des habitants de ces régions de se procurer les produits alimentaires nécessaires. La FAO a arrêté une liste faisant état des 36 pays les plus exposés aux dangers consécutifs à la hausse des cours des denrées alimentaires sur les marchés internationaux, et qui ont, par conséquent, besoin de l’aide étrangère. Cette liste comprend 4 pays arabes dont 3 vivent sous l’occupation étrangère ou bien la guerre civile ou encore les deux à la fois. Au bilan final statuant sur l’opération production/approvisionnement alimentaire, la Somalie et l’Irak ont été qualifiés de pays souffrant d’insuffisance exceptionnelle. La Mauritanie, quant à elle, fait face à une grave incapacité dans l’acquisition de la nourriture. Le Soudan, enfin, a été considéré comme un pays dont certaines régions souffrent de déséquilibre aigu en matière de sécurité alimentaire11. Aide alimentaire aux zones de conflit dans les pays arabes, 2000-2008 Pays Population touchée par les pénuries alimentaires Bénéficiaires de l’aide alimentaire du PAM Autres effets de la crise Somalie Le nombre de personnes ayant besoin d’aide alimentaire fut estimé, début décembre 2008, à près de 3,5 millions, soit la moitié de la population. Le nombre de bénéficiaires du Programme alimentaire international est passé de 700 000, en août 2006, à 1,4 million, en mai 2008. En janvier 2008, les taux de malnutrition aiguë dans les régions du Puntland Shabelle, Hiran et du centre et du sud Nugal étaient supérieurs au seuil d’urgence de 15 %. Irak En 2005, 39 % des ménages ont été confrontés à des problèmes alimentaires en Irak En 2005, plus de 4 millions de personnes (soit 15 % de la population) souffraient d’insécurité alimentaire même s’ils recevaient des repas distribués. Si la distribution de ces repas en vient à disparaître, 8,3 millions de personnes (soit 31,8 % de la population) vivront dans l’insécurité alimentaire totale. En 2005, la prévalence de la malnutrition aiguë chez les enfants dans six gouvernorats (Wassit, Salah al-Din, Najaf, Qadissia, Muthana et Thiqar) a été supérieure à 10 % soit le degré qualifié de « dangereux ». À Qadissia, elle a atteint le seuil « critique » de 17 %. Soudan En 2005, 53,8 % des familles déplacées à l’intérieur du Darfour souffraient d’insécurité alimentaire. En 2005, le nombre de bénéficiaires d’aides alimentaires au Grand Darfour a atteint 1 936 554 personnes. En septembre 2004, 25,7 % des enfants âgés de 6 à 59 mois souffraient de graves taux de malnutrition aiguë. TPO En 2008, 53 % de la population de la bande de Gaza et 21 % de celle de la Cisjordanie ont été confrontés à l’insécurité alimentaire Entre mars et mai 2008, 39,33 % de foyers ont bénéficié d’aides alimentaires En 2005, il s’est avéré que 9,9 % des enfants âgés de moins de 5 ans étaient atteints d’atrophie, et que ce taux était en accroissement, comparé aux données de 1996 et 2000. Source : PAM 2008 (voir les références statistiques). 148 Rapport arabe sur le développement humain 2009 Politiques économiques et mondialisation La possibilité d’obtention de la nourriture subit, dans une large mesure, l’impact des politiques économiques préconisées par les gouvernements et de leur degré d’ouverture sur les marchés internationaux. L’une de ces politiques consiste à subventionner les marchandises afin d’en atténuer le coût pour le consommateur. Mais il est une autre politique qui consiste à annuler cette aide et cette subvention. La plupart des pays arabes ont pratiqué cette politique d’aide subventionnelle en tant Encadré 6-4 qu’élément de base du pacte social qui est fondé sur le principe stipulant que l’État doit veiller à la satisfaction des besoins essentiels des citoyens en échange de leur allégeance. Dans les années 1960 et 1970, cette espèce de contrat social était l’un des traits fondamentaux caractéristiques des régimes gouvernementaux de certains pays arabes où les programmes de développement étaient fondés sur le modèle socialiste. Cette politique était, de même, la méthode suivie par les gouvernements de certains pays arabes exportateurs de pétrole, afin de sauvegarder le régime dirigeant. C’est probablement la raison qui L’obtention de la nourriture subit dans une large mesure, l’impact des politiques économiques et de leur degré d’ouverture sur les marchés internationaux Deux initiatives pour la réduction de la pauvreté – Le Brésil et le Mexique L’expérience du Brésil pour le soutien des pauvres, à l’époque du président Lula da Sylva Programme mexicain pour réduire la pauvreté et la sous-nutrition Le président du Brésil, Luis Iñacio Lula Da Sylva, a réussi à réduire les inégalités socio-économiques au profit des classes sociales déshéritées. Problème qu’aucun autre gouvernement de ceux qui l’ont précédé, qu’il soit démocratique ou dictatorial, n’a pu résoudre. En effet, en janvier 2003, le gouvernement de Lula a commencé l’exécution du programme baptisé « Programa Fome Zero » – ou de la faim zéro, dans le but d’accélérer l’amélioration de la sécurité alimentaire au profit d’environ 44 millions d’individus. Il se base sur un ensemble de mesures visant à assurer la sécurité alimentaire aux brésiliens et d’améliorer leurs revenus, par l’augmentation des approvisionnements alimentaires fondamentaux, le renforcement de la capacité d’accéder aux aliments et l’organisation d’interventions orientées. Autant de mesures qui doivent aboutir à une atténuation rapide de la faim. En octobre 2003, a commencé l’exécution de l’un des éléments du Programme d’éradication de la faim, à savoir le « Bolsa Familia Programa » qui vise, en même temps et directement le traitement de la déficience de l’enseignement et de l’éducation scolaire. Ce programme apporte aux familles pauvres un soutien financier soumis à des conditions, dont entre autres, le respect de la discipline scolaire et la fréquentation des centres hospitaliers officiels. En 2006, le gouvernement a pu faire parvenir ses services aux familles méritantes dont l’ensemble est estimé à 11,2 millions. Le Brésil a pu diminuer le taux de propagation de la pauvreté de 12 % en 1990-1992 à 7 % en 2002-2004, ainsi que le nombre d’affamés, de 18,5 millions à 12,8 millions pendant la même période. Au mois de juillet 2007, ce programme social fut soutenu par une dotation de 2,6 milliards d’euros pour l’amélioration des conditions de vie des pauvres, en équipant d’installations sanitaires les rues et les quartiers populaires des banlieues. Le Programme « Oportunidades » ou « Opportunités », lancé en 1997, accorde des montants d’argent aux familles indigentes à condition qu’elles fournissent la preuve que leurs enfants vont à l’école de façon régulière et que les membres de la famille fréquentent périodiquement les cliniques médicales. Ce programme gouvernemental entend améliorer, à moyen terme, la santé de la cellule familiale et l’éducation de ses membres et, à long terme, l’assistance de ces familles pour qu’elles puissent dépasser le seuil de pauvreté, grâce à l’instruction susceptible de leur procurer des offres d’emploi et des chances d’amélioration de leurs revenus. Ce programme couvre les familles nécessiteuses qui ne peuvent satisfaire leurs besoins élémentaires en alimentation, en santé et en éducation. Cinq millions de familles (soit 25 millions d’individus) sont concernées par ce programme appelé à satisfaire les besoins déterminés par voie de versement de sommes d’argent directement aux mères, afin de renforcer leur autonomie, d’une part, et de s’assurer de la bonne utilisation de cet argent au profit des enfants, à savoir pourvoir aux frais de scolarité, à l’achat des fournitures scolaires, à l’alimentation, et à la fréquentation périodique régulière des centres hospitaliers, par tous les membres de la famille. Dans le domaine de l’enseignement, les bourses d’études pour le cycle secondaire inférieur et supérieur (respectivement du 7e au 9e grade et du 10e au 12e grade) accordées aux filles sont supérieures à celles accordées aux garçons, afin de réduire l’écart entre les deux sexes à l’institution scolaire. Quant à la femme enceinte, qui assiste régulièrement aux conférences mensuelles d’instructions aux mères et respecte un régime exigeant 5 examens médicaux avant l’accouchement et 2 examens dentaires et insistant sur la nécessité d’en prendre soin, bénéficie de la gratuité des traitements, et l’attribution des dépenses de l’accouchement et des soins postnataux de 3 mois et reçoit également des compléments nutritionnels, pour elle et pour son nourrisson. Source : Kenneth 2002. Source : Braine 2006 et Villatoro Saavedra 2007. Faim, alimentation et sécurité humaine 149 Les pays arabes ont dû supporter la flambée des prix des denrées alimentaires 150 explique la baisse du nombre d’individus sous-alimentés à un niveau inférieur au nombre de nécessiteux vivant avec moins de 2 USD par jour. Or, à partir de la fin des années 1970, certains gouvernements de pays arabes ont tenté pour la première fois d’appliquer les recommandations du FMI et projeté d’abandonner ce qu’il a été convenu alors d’appeler le « fardeau des subventions ». Cependant, ils n’ont pas tardé à comprendrel’ampleur des difficultés de cette mesure, lorsque les tentatives de suppression du soutien en question ont provoqué l’éclatement d’actes de sédition et de troubles sociaux de grande envergure, en Tunisie, en Égypte, au Maroc et même en Algérie, qui est pourtant l’un des pays exportateurs de pétrole. En dépit de ces problèmes, la plupart des pays arabes ont tenu, depuis les années 1980, à libéraliser l’économie. Il ne s’agit pas pour nous ici de juger ces politiques ; mais on ne peut pas nier le fait qu’elles ont exposé les prix des produits alimentaires aux fluctuations des cours internationaux. En effet, depuis 2006, les pays importateurs de produits alimentaires, à savoir la majorité des États de la région, ont dû supporter la flambée des prix des denrées alimentaires qui s’est déclarée dans les marchés mondiaux. La FAO et la Banque mondiale attribuent la cause de la progression rapide des cours à plusieurs facteurs dont on peut citer les changements climatiques ayant marqué la production des pays exportateurs de céréales, l’épuisement de la réserve de céréales, l’accélération de la consommation de la viande et des produits laitiers dans les économies émergentes, notamment en Chine. Cependant, entre autres causes principales, on trouve l’accroissement, aux États-Unis et en Europe, de la demande en carburant biologique dérivé des céréales, énergie à laquelle on recourt de plus en plus vu la hausse du prix du pétrole et du coût du transport. Tous ces problèmes se sont ajoutés à la prolifération de la spéculation sur les céréales dans les bourses mondiales ; ce qui s’est traduit par une forte augmentation de 200 % du prix du blé. Augmentation qui s’est produite parallèlement à la hausse des cours des denrées alimentaires en général. Cette hausse a atteint 75 %, depuis le début du xxe siècle12. De ce déchaînement des cours a résulté l’aggravation de la crise alimentaire dans plusieurs pays arabes, Rapport arabe sur le développement humain 2009 étant donné que les gouvernements de ces pays ont mal géré les programmes de soutien à l’alimentation. En vérité, rien n’oblige de s’engager à appliquer de façon radicale ces politiques, sachant bien qu’elles conduisent à la propagation de la faim et de la sous-nutrition. D’ailleurs, l’expérience de certains États latino-américains, notamment le Brésil et le Mexique, prouve qu’il est tout à fait possible de pratiquer des politiques économiques libérales, tout en assurant le minimum d’alimentation vitale, au profit des indigents. Effets de la sous-nutrition sur la sécurité humaine dans les pays arabes La faim détruit radicalement la sécurité humaine. Elle nuit à la santé, à la productivité et aux relations avec autrui. Elle constitue également une menace pour la durée de vie même établie à partir de la naissance. Quant aux bousculades lors des opérations de distribution du pain, elles dégénèrent en violentes attaques ou en actes de sédition. Certains pays arabes ont en effet connu de pareils troubles, ces dernières années. Sur le plan individuel, la faim, aiguë ou chronique, peut être la cause directe de mort ou de maladie incurable. Les estimations indiquent que près de 25 000 personnes (adultes et enfants) meurent quotidiennement de faim ou de maux en rapport avec elle, dans différentes régions du monde13. En dépit du manque de rapports sur les pays arabes à cet égard, l’accélération de la hausse des prix des céréales, à la moyenne de 200 %, depuis 2001, a aggravé la difficulté de se procurer du pain, dans plusieurs pays arabes, y compris les pays pétroliers, comme les Émirats et l’Arabie saoudite. À partir du mois d’octobre 2007, l’Égypte, le Maroc et la Mauritanie ont vécu l’éclatement de mouvements de protestation collectifs contre les interruptions de l’approvisionnement en pain et contre la cherté de cette denrée. Les Syriens, les Libanais et les Yéménites ont dû, eux aussi, affronter de grandes difficultés pour acquérir cette denrée, aliment de base chez les Arabes. Enfin, au début de 2008 en Égypte, les disputes devant les boulangeries ont coûté la vie à quelques personnes et causé des blessures de nombreuses autres. Il est possible que les protestations en rapport avec les crises alimentaires s’étendent au-delà des frontières des pays atteints et provoquent des tensions entre des États voisins ou des entités politiques. Les tentatives de forcer les frontières égyptiennes commises par les Palestiniens de Gaza pour échapper à l’embargo imposé par Israël, au mois de janvier 2008, en sont un exemple remarquable. Les habitants de cette partie du Territoire palestinien occupé, violemment affamés, ont arraché une partie des barrières dressées sur les frontières entre Gaza et l’Égypte et Tableau 6-2 Pays déferlé par centaines de milliers à Sinaï, à la recherche de vivres et de médicaments. Cet assaut massif a irrité les autorités égyptiennes et n’a cessé qu’après la restauration des barrières par l’armée. Les enfants et les femmes représentent les catégories sociales les plus touchées par la sous-nutrition et la faim. Le nombre d’enfants de poids insuffisant à moins de 5 ans ou souffrant d’atrophie musculaire a atteint le taux de 14,6 % en 2000 et 22,2 % en 2005. Tandis que le taux d’enfants de poids insuffisant à la naissance a atteint 12 % en 2000-200614. Il est intéressant de remarquer que le taux d’enfants de poids insuffisant diffère Il est possible que les protestations en rapport avec les crises alimentaires s’étendent au-delà des frontières des pays atteints Effets de la faim sur les enfants – Les pays arabes par rapport aux autres régions et groupes de pays Prévalence de la sous-alimentation (% de la population) Prévalence de cas des enfants de moins de 5 dont le poids est inférieur à la moyenne Prévalence des enfants de moins de 5 avec un retard de croissance Prévalence de cas de poids insuffisant à la naissance 1990-1992 2002-2004 2000-2006 2000-2006 2000-2006 Algérie 5 4 10,2 21,6 6 Égypte 4 4 5,4 23,8 14 Jordanie 4 6 3,6 12 12 Koweït 24 5 .. .. .. Liban 2,5 3 3,9* 11* 6 Libye 2,5 2,5 .. .. .. Mauritanie 15 10 30,4 39,4 .. Maroc 6 6 9,9 23,1 15 Arabie saoudite 4 4 .. .. .. Somalie .. .. 33* 23,3* 11 Oman .. .. .. .. 8 Soudan 31 26 38,4 47,6 .. Syrie 5 4 6,9* 18,8* 9 2,5 2,5 4* 12,3* 7 4 3 .. .. 16 4,9* 9,9* 7 Yémen 34 38 45,6* 53,1* .. Afrique du Nord et Moyen-Orient 6 7 14,6* 22,2* 12 Pays à revenu moyen-inférieur 16 11 10,7 24,8 7 Asie de l’Est et Pacifique 17 12 12,9 26,2 6 Pays développés 3 3 .. .. .. Tunisie EAU TPO Les enfants et les femmes représentent les catégories sociales les plus touchées par la sousnutrition et la faim Source : Banque mondiale 2007. * Les données se réfèrent à la période 2000-2005 (dernière année disponible). .. Données non disponibles. Faim, alimentation et sécurité humaine 151 Le nombre d’enfants arabes au poids insuffisant à la naissance est le double de celui du Sud-Est asiatique, du Pacifique et des pays La faim et la malnutrition agissent négativement sur les résultats scolaires 152 d’un pays à un autre. Ainsi, au Yémen, il s’est élevé jusqu’à 45,6 % en 2003, alors qu’au Liban il a atteint 3,3 % en 2002. Comme l’explicite le tableau 6-2, en dépit des réalisations des pays arabes en matière de lutte contre la sous-nutrition, les enfants comptent encore, à des degrés différents, parmi les affamés et les nécessiteux vivant avec moins de 2 USD par jour. Certains pays arabes continuent à enregistrer des moyennes élevées en nombres d’enfants de moins de 5 ans au poids anormalement bas ou atteints d’hypotrophie, et ce comparativement à la situation des enfants de la même tranche d’âge vivant dans des conditions normales. Le plus haut taux d’expansion de ces deux pathologies infantiles dues à la faim a été enregistré dans les pays à forte concentration d’indigents, comme la Mauritanie, le Soudan et le Yémen. À l’autre extrémité de cette échelle évaluative, figurent l’Algérie, la Jordanie et le Liban, avec le taux le plus bas d’enfants souffrant des mêmes pathologies. Quant à l’obésité infantile, elle a atteint des proportions quelque peu inquiétantes dans certains pays arabes, comme notamment l’Algérie, l’Égypte, et le Maroc, où elle atteint des taux se situant entre 13 % et 15 % des enfants âgés de moins de 5 ans. Bien que la malnutrition ne soit pas l’unique cause de cette anomalie, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle interfère avec les conditions de pauvreté qui augmentent les risques de contracter des maladies, telles que la dysenterie et les maladies contagieuses. Mais ce qui est alarmant c’est que malgré l’infériorité des taux de sous-nutrition dans les pays arabes, comparativement aux taux enregistrés dans les autres pays en développement, les proportions d’enfants concernés y atteignent les degrés les plus élevés. En effet, à titre d’exemple, le taux d’enfants arabes sous-alimentés dépasse celui enregistré dans les pays du Sud-Est asiatique et ceux du Pacifique, et ce malgré la propagation de ce type d’insuffisance dans ces derniers. Qui plus est, le nombre d’enfants arabes de poids insuffisant à la naissance est le double de celui du Sud-Est asiatique, du Pacifique et des pays à bas revenu. La faim et la malnutrition agissent négativement sur les résultats scolaires. Les enfants affamés s’inscrivent à l’école tardivement, s’ils le font, et la quittent Rapport arabe sur le développement humain 2009 prématurément. Et même s’ils continuent à fréquenter l’école régulièrement, leur rendement demeure inférieur à celui des enfants bien nourris. Il est rare que les familles pauvres et pâtissant d’insécurité alimentaire parviennent à assurer l’instruction à leurs garçons et filles. Ces derniers sont alors affectés à des travaux ménagers ou bien employés pour procurer un revenu supplémentaire, ou un soutien aux leurs. Le décrochage scolaire est le plus répandu parmi les filles, tant que leur éducation n’est pas jugée prioritaire. Réflexions sur la sécurité alimentaire dans les pays arabes15 Depuis 1974, la sécurité alimentaire représente un souci national primordial, à l’échelle planétaire. En effet, c’est l’année de la crise alimentaire mondiale qui a incité les pays à considérer la sécurité alimentaire comme l’une des composantes constitutives de la sécurité nationale. Beaucoup se sont rendu compte que la condition sine qua non pour la réalisation de la sécurité alimentaire réside dans l’autarcie, surtout en matière de ressources céréalières. Les pays arabes n’ont pas tardé à adopter cette position, et de nombreux pays en voie de développement importateurs d’aliments ont réussi à réaliser ce type d’autonomie, en exécutant le programme de « la Révolution verte » créateur de cultures hybrides dont les semences ont été développées par des centres de recherche internationaux. Ceux qui, des pays arabes importateurs d’aliments, disposent des ressources nécessaires ont adopté des politiques d’autosuffisance en matière de céréales et plus particulièrement en blé. La Syrie est l’un des pays ayant atteint cet objectif. Quant à l’Arabie saoudite, non seulement elle a pu parvenir à cette même fin, mais elle a en plus réalisé un excédent sur la demande du marché, bien que cette surproduction ait été réalisée aux dépens des nappes phréatiques essentiellement avares. En dépit des conjonctures locales, régionales et internationales, l’autonomie alimentaire demeure le but idéal des politiques agricoles pour la plupart des pays arabes. Cependant, malgré leur importance en tant qu’expression du désir de Figure 6-12 Déclin de la valeur ajoutée de l’agriculture dans la production économique, 12 pays arabes, 1990 et 2005 % du PIB 35 30 25 20 15 10 5 1990, Agriculture, valeur ajoutée Monde Oman EAU Jordanie Arabie saoudite Djibouti Algérie Tunisie Yémen Maroc Égypte Syrie 0 Mauritanie sauvegarde de la souveraineté nationale, ces politiques contredisent le principe de bonne gestion économique qui veut que le coût des opérations d’investissement n’excède pas le profit escompté, au risque d’affaiblir le pouvoir économique. Les politiques préconisant l’autonomie étaient pratiquées en tant que stratégies d’autoprotection contre la déficience des approvisionnements alimentaires pouvant résulter soit du boycottage économique, soit de la décroissance de la production mondiale ou bien encore d’autres causes. Sans doute ces dangers ne sont-ils plus réellement menaçants, vu les opérations d’intégration économique et commerciale effectuées à l’échelle internationale. Il n’est plus pratiquement possible, non plus, pour n’importe quel pays, d’assurer une autosuffisance permanente, vu les changements environnementaux qui tendent actuellement à conditionner l’opération de production. À supposer qu’un pays puisse réaliser l’idéal d’une autonomie alimentaire totale, certaines couches sociales continueraient, tout de même, à souffrir de faim et de sous-alimentation. Ce constat a conduit à l’abandon du concept d’autarcie au profit de celui d’autonomie de chaque individu en denrées essentielles. Désormais, sur cette base, la notion d’autonomie en matière d’alimentation repose sur quatre fondements : 1) La disponibilité des aliments : assurer un approvisionnement alimentaire suffisant, que les aliments servant à cette fin soient produits localement ou proviennent des marchés internationaux. 2) La stabilité alimentaire : assurer un approvisionnement alimentaire stable, tout au long de l’année et lors du passage d’une saison à l’autre. 3) l’accessibilité de la nourriture : s’assurer que l’alimentation est disponible à la portée de tous les revenus. 4) La salubrité de la nourriture. Ces quatre fondements, pris ensemble, signifient l’habilitation de tous les habitants d’un pays donné, sans crainte de privation, à se procurer les produits alimentaires de base à longueur d’année, que ces produits soient importés ou de provenance locale. Partant, le concept de sécurité alimentaire se résume dans la notion de compter sur soi-même. Ceci signifie d’une part qu’il est du devoir des gouvernements de veiller 2005 Agriculture, valeur ajoutée Source : Banque mondiale 2008. à doter les gens des vivres de base tirés des rendements locaux complétés par les produits importés de l’étranger. Ceci nécessite d’autre part, que les devises requises pour l’importation des produits alimentaires proviennent de sources indépendantes dont la plus importante sera constituée des revenus résultant de l’exportation des marchandises et des services. Cependant les pays arabes peuvent-ils assurer la production des denrées alimentaires dont leurs populations ont besoin ? N’y aurait-il pas des limites contrai gnantes qui pourraient les en empêcher ? Si oui, quelles sont ces limites ? Sont-elles naturelles, financières, administratives ou humaines ? En d’autres termes, les pays arabes pourraient-ils réaliser l’autonomie alimentaire totale ? Il est sûr que l’ensemble de la région arabe ne manque pas de ressources financières. En effet, les bénéfices tirés de l’exportation du pétrole, notamment depuis 2002, sont plus que suffisants pour satisfaire tous les besoins de la région en matière de développement et non seu lement dans le domaine de l’agriculture. L’essentiel à cet égard est de définir les modalités d’actionnement des ressources en question afin de couvrir les lacunes occasionnées par la déficience de finan cement dans des domaines renfermant des potentialités naturelles de développement. Il est clair que la principale solution, Faim, alimentation et sécurité humaine Il n’est plus pratiquement possible, pour n’importe quel pays, d’assurer une autosuffisance permanente, vu les changements environnementaux qui tendent actuellement à conditionner l’opération de production Le concept de sécurité alimentaire se résume dans la notion de compter sur soi-même 153 Encadré 6-5 L’eau virtuelle et le commerce des aliments Le concept de l’eau virtuelle est digne d’intérêt, en raison de son rapport avec l’analyse des flux commerciaux et la pénurie d’eau. En effet, la production des marchandises et des services requiert généralement la disponibilité de l’eau. On appelle l’eau utilisée dans la préparation des productions agricoles et industrielles une « eau virtuelle » comprise dans le produit. Par exemple, si nous voulons produire 1 kg de blé, nous aurons besoin de 1 à 2 m3 d’eau. Quant aux productions du capital animal, elles ont besoin de plus grandes quantités. En effet, la production d’un seul kilogramme de fromage demande environ 5 m3 d’eau. De même la production d’un seul kilogramme de viande demande environ 16 m3 d’eau. Ce concept suggère que dans un monde où règnent sécurité, entraide, coopération et prospérité, dans les limites du raisonnable, un pays ayant des ressources alimentaires limitées peut compter sur l’importation des produits agricoles contenant en eux-mêmes de grandes quantités d’eau assimilée (comme les viandes, par exemple). Ainsi il pourra réserver ses propres ressources aquatiques à la production d’autres denrées de moindre contenance en eau (voir le tableau). Inversement, il est possible à un pays jouissant d’abondantes ressources aquatiques de tirer profit de l’exportation des produits à haute contenance en eau. Quantité d’eau virtuelle contenue dans des produits choisis, 2003 Produit Litre d’eau par kg Blé 1 150 Riz 2 656 Maïs 450 Pommes de terre 160 Soja 2 300 Bœuf 15 977 Porc 5 906 Volaille 2 828 Œufs 4 657 Lait 865 Fromages 5 288 Source : UNESCO 2006. L’analyse du commerce des aliments montre que la plupart des échanges commerciaux s’opèrent, à vrai dire, entre pays jouissant de la manne des eaux abondantes, ce qui signifie que ce sont des facteurs autres que l’eau qui gouvernent le commerce international des aliments. Toutefois un nombre croissant de pays désertiques devant faire face à la pénurie d’eau (entre autres l’Égypte et la Tunisie) ont commencé à adopter de façon continue des politiques visant à augmenter leurs importations en denrées principales, et exploitent leurs eaux dans des emplois productifs plus profitables du point de vue financier. Ces politiques s’accompagnent habituellement de conventions commerciales de longue durée entre pays importateurs et pays exportateurs ; lesquelles conventions tendent à préparer la consolidation de la stabilité dans les relations internationales. Source : UNESCO 2006. 154 Rapport arabe sur le développement humain 2009 en l’occurrence, réside dans le dévelop pement d’un climat d’investissement dans les domaines prometteurs en question. Par ailleurs, la région arabe ne manque pas de ressources humaines et de forces de travail. Bien mieux, ces ressources suffiraient amplement à la réalisation de la quasi-totalité des projets de dévelop pement, si elles n’étaient pas assujetties aux multiples formes d’un chômage manifeste ou déguisé. La surface totale de la région arabe est de 14 millions de km2, soit 10 % des terres fermes de la planète. Les estimations de 2004 indiquent que cette région comprend 69,6 millions d’hectares de terres cultivables, dont 18,5 millions d’hectares en friche. Ces mêmes estimations indiquent également que la part individuelle est de 0,23 ha. Par ailleurs, compte tenu de sa superficie globale, cette région se caractérise par un très faible taux de terres exploitables. Étant de 35 % seulement, ce taux est le plus faible du monde. En outre, la désertification et la dégradation de la productivité des terres agricoles comptent parmi les plus grandes menaces défiant la production agricole. Enfin, la contribution de l’agriculture à l’exercice économique est en décroissance. D’autre part, la région arabe possède d’énormes quantités de bétail et de poissons. On y trouve environ 373 millions de têtes de cheptel, dont la plus grande partie est au Soudan, pays qui constitue à ce titre une grande réserve de richesse animale ; mais cette fortune naturelle est inexploitée. La région arabe compte également un littoral de 22 400 km et des lacs d’eau douce ou semi-douce. La région arabe produit aussi 3,8 millions de tonnes de poissons. Ces quantités proviennent essentiellement d’Égypte, du Maroc, de Mauritanie, d’Oman et du Yémen. Toutefois, les ressources des terres ne constituent pas l’unique contrainte qui limite l’extension de la production agricole. La première et la plus grave entrave est la pénurie d’eau. Les études estimatoires signalent que la région dispose de 300 milliards de mètres cubes d’eau16 représentant moins de 1 % des ressources aquatiques mondiales, sachant que la région représente 5 % de la population du globe. En 2001, la moyenne de la part individuelle en eau a atteint 1 000 m3 alors que cette part est 7 fois plus grande à l’échelle mondiale. Lors de la période 1996-2006, la région arabe a utilisé 71 % de ses ressources aquatiques, alors que la moyenne mondiale ne dépasse guère les 6,3 %. Enfin plus des deux tiers de cette quantité sont consommés par le secteur agricole17. Les pays arabes tombent, l’un après l’autre, en deçà du seuil de la pénurie hydrique18. En effet, le nombre de pays souffrant de cette carence est passé de 3, en 1955 (Bahreïn, la Jordanie et le Koweït), à 11 en 1990. S’y sont alors ajoutés 8 autres, à savoir : l’Algérie, l’Arabie saoudite, les EAU, Qatar, la Somalie, le TPO, la Tunisie et le Yémen. Bien plus, on prévoit que 7 autres pays s’y joindront en 2025. La demande considérable et croissante en eau a aggravé l’insuffisance des res sources aquatiques dont a besoin le secteur agricole. À l’origine de ce déséquilibre, on trouve la croissance démographique, le développement urbain et la croissance de la population urbaine, le développement et l’extension de l’industrie touristique, etc. En plus de cela, ces mêmes facteurs ont contribué à l’aggravation du niveau de pollution de l’eau et à la baisse de la qualité des ressources aquatiques destinées à divers usages. Par ailleurs, l’exploitation abusive des ressources d’eau souterraines a causé nombre de problèmes dans les pays du Golfe, à Gaza, en Cisjordanie dans le Territoire palestinien occupé et dans d’autres lieux, en augmentant le degré de salinité des nappes phréatiques. En somme, étant donné que les res sources en eau sont insuffisantes pour couvrir la demande de la production alimentaire, les pays arabes continueront à importer leurs aliments, et ce en fonction de leurs capacités financières. L’importation des aliments implique en soi l’importation des eaux nécessaires à leur production, un fait qui a donné naissance au concept d’eau virtuelle (voir encadré 6-5). Ce concept revêt une signification fort intéressante pour les pays arabes. En effet, si ces derniers réussissent à établir un équilibre entre leurs importations et leurs exportations alimentaires, de sorte que les importations soient concentrées sur les denrées dont la production exige de grandesquantités d’eau et les exportations, à l’inverse, le moins d’eau possible, ils seront à même d’économiser sensiblement leurs ressources aquatiques à travers les échanges commerciaux. Ce concept s’applique au commerce agricole qui s’opère aussi bien entre pays arabes qu’entre ces derniers et les pays étrangers. On estime que l’équivalent de la moyenne des volumes des importations arabes en produits alimentaires, entre 2001 et 2003 demandait 235 milliards de mètres cubes d’eau virtuelle. Or ce volume est approximativement égal à la quantité d’eau effective dont dispose la région et suffit à alimenter la production des denrées alimentaires, puisque 33 % auraient été utilisés dans la production agricole et 67 % dans le traitement des importations en bétail, volaille et poissons. Les recherches menées sur l’eau virtuelle aident à mieux planifier l’itinéraire de l’évolution future. Pour élever leur niveau en productivité d’eau et être par conséquent plus compétitifs, les pays arabes se doivent d’étudier les différents aspects économiques et commerciaux de cette pragmatique commerciale, tout en accordant un intérêt particulier aux conventions internationales ayant un impact sur le commerce des aliments. Les pays arabes ne devraient pas négliger cette importante stratégie, eux qui comptent de plus en plus sur l’importation pour réaliser leur sécurité alimentaire. La question de l’eau virtuelle revêt une importance capitale pour l’Égypte et d’autres pays arabes, et mérite d’être cernée de près et étudiée de façon approfondie. En vérité, s’ils adoptent la norme de rentabilité maximale dans le reclassement des priorités spécifiant l’importance des ressources, les pays arabes seront dans de meilleures dispositions pour tracer les perspectives d’une politique territoriale sur « la gestion intégrale des eaux » et son orientation dans la bonne direction. Au-delà de cette question essentielle, figure l’importance stratégique que représente le renforcement de l’investissement agricole visant la consolidation de la sécurité alimentaire dans la région. L’approche commerciale actuellement en vigueur, à travers la suppression des barrières douanières, dans la grande aire arabe de commerce libre, ne suffira pas en soi à la réalisation de la complémentarité agricole désirée. En effet, si l’objectif est de promouvoir le commerce, il faudrait Faim, alimentation et sécurité humaine Le concept d’eau virtuelle revêt une signification fort intéressante pour les pays arabes 155 L’éradication de la faim exige l’intensification et la dynamisation des campagnes contre la faim en suivant une stratégie articulée autour de deux volets, traitant à la fois les causes et les conséquences ayant un rapport avec la pauvreté, la maladie et l’analphabétisme 156 justement que la production agricole soit quantitativement suffisante et qualitativement assez diversifiée, mais à condition que cela se réalise à partir des ressources aquatiques disponibles. Là réside la nécessité de l’investissement. Il a été proposé aux gouvernements arabes de prendre des initiatives suscep tibles d’inciter à l’échange des excédents de production, comme, par exemple, le troc des viandes du Soudan contre les poissons du Maroc. Ces initiatives seront suivies par d’autres visant l’extension des opérations d’industrialisation, de commercialisation et de transport. Interviendront, enfin des initiatives d’orientation des ressources en jeu vers des investissements assurant une rentabilité optimale proportionnellement aux coûts de ces ressources. Une telle approche facilitera aux gens l’accès aux produits alimentaires (par voie d’augmentation de l’approvisionnement), et haussera, en même temps, les revenus, à travers l’essor du développement. Parallèlement, les pays arabes devraient constituer une réserve stratégique, pour chaque pays et à l’échelle régionale, si possible, afin de contrebalancer la déficience des approvisionnements en denrées alimentaires produites localement ou importées. Cette réserve stratégique est capable, à elle seule, d’aplanir la voie vers la réalisation de la sécurité et de la stabilité alimentaires, permettant ainsi de faire face aux redoutables caprices du climat. L’accroissement de la production de biocarburants extraits de plantes telles que les céréales et le sucre a récemment grevé de fardeaux financiers énormes l’importation des denrées en question. Afin d’atténuer ces charges, il incombe aux gouvernements arabes d’offrir aux cultivateurs des motifs stimulants susceptibles de les amener à étendre et à enrichir la production horizontalement et verticalement. Cette question sera elle-même fortement liée aux recherches entreprises en rapport avec de nouvelles formes et ressources énergétiques et surtout avec les énergies renouvelables, telles que l’énergie éolienne et l’énergie solaire, le but étant d’accroître les approvisionnements aquatiques par l’application de méthodes de dessalement profitables en termes de coût et de rendement. Rapport arabe sur le développement humain 2009 Conclusion Bien que les tendances actuelles n’au gurent rien de bon pour la plupart des pays arabes, il est du devoir des États concernés de fournir le maximum d’efforts pour réaliser la deuxième cible du premier OMD, et ce en éradiquant la faim, en améliorant la situation nutritionnelle et en développant leurs politiques, afin que soit édifiée, le plus complètement possible, la sécurité alimentaire. Éradication de la faim et de la sous-alimentation Le traitement de ce défi exige l’intensification et la dynamisation des campagnes contre la faim en suivant une stratégie articulée autour de deux volets, traitant à la fois les causes et les conséquences ayant un rapport avec la pauvreté, la maladie et l’analphabétisme. Il convient de prendre en considération, lors de l’élaboration de cette stratégie, deux facteurs fondamentaux : d’une part, la nécessité d’intervenir pour améliorer la productivité et les revenus ; et d’autre part, la prise de mesures rapides de secours et d’aide alimentaire immédiate et directe, au profit des catégories sociales pauvres et des familles nécessiteuses. Dans cet ordre d’idées, on peut traduire cette approche en programmes à long terme et peu onéreux, centrés de façon simultanée et exhaustive sur les objectifs suivants : • Facilitation de l’accès immédiat et direct des familles nécessiteuses à la nourriture, mettant en œuvre des filets de protection pour l’approvisionnement et des programmes de transfert de fonds. Il faudrait, de même qu’une certaine rigueur intransigeante soit observée pour que ces dernières mesures profitent aux groupes sociaux les plus vulnérables. Il convient également de concentrer les soins sur les personnes à besoins spécifiques telles que les mères, les nourrissons et les enfants avant et après l’âge de scolarisation. L’accomplissement de ces buts interdépendants empêchera la transmission du cycle de la pauvreté d’une génération à une autre, et permettra de perfectionner la croissance physique et l’évolution mentale des enfants, afin qu’ils puissent fréquenter régulièrement l’école, parfaire leurs compétences scientifiques, renforcer leurs chances d’accéder à l’emploi, augmenter leur productivité et accroître leur revenu. • Soutien à l’instruction primaire au profit des catégories vulnérables et marginalisées vivant à la campagne et majoritairement constituées de filles, étant donné que l’éducation est l’un des droits de l’homme et devant être gratuite, généralisée et obligatoire. • Renforcement de l’égalité des sexes en matière d’accès à la nourriture. Il convient de surmonter tous les obstacles qui s’opposent à l’institution de l’égalité entre hommes et femmes, si l’on veut avancer vers la réalisation du développement humain, réduire la pauvreté et la faim, sauver la vie des enfants et lutter contre les maladies. • Accélération du développement économique, surtout en agriculture. Il est intéressant, dans ce domaine, de doter les petits agriculteurs des moyens et des expériences nécessaires pour augmenter le niveau de production de façon à encourager leurs familles et les sociétés locales à consommer leurs récoltes. De cet ensemble de moyens, on peut retenir : l’introduction de techniques simples et pas chères, la facilitation de l’obtention des semences et des engrais organiques, la sensibilisation à l’intérêt des pratiques saines en matière d’utilisation des eaux, telles que l’irrigation goutte à goutte. Le développement urbain rapide, la mondialisation des industries alimentaires transformationnelles et son expansion dans les principaux marchés ont porté préjudice aux petits cultivateurs et ouvriers agricoles itinérants aux campagnes. Au cours des dernières décennies, un ensemble de sociétés a réussi à s’accaparer, de façon permanente, du commerce international des produits alimentaires, de ses industries et de ses ventes. Certes, cette mainmise a élargi les gammes de choix au profit des consommateurs, contribué à la baisse des prix et amélioré la qualité des aliments. Mais elle a ouvert la voie à l’instauration d’une chaîne quasi monopolistique de l’approvisionnement où une minorité de sociétés géantes et de gros sistes se sont érigés en maîtres absolus dans la réglementation des prix, des quantités et des circuits de distribution. Quelques cultivateurs ont pu s’intégrer dans les principaux marchés locaux et en ont tiré de gros bénéfices, mais la majorité des petits cultivateurs n’ont pas pu obtenir les informations complètes, ni bénéficier de stages de formation ou de crédits qui leur auraient permis de s’insérer dans les marchés « mondialisés ». Cependant, en dépit de cela, l’un des objectifs les plus importants pour la région consiste à œuvrer pour réaliser la complémentarité en matière de production des aliments, et surtout les céréales. Il convient de concentrer les efforts sur l’exploitation des plaines immenses et arables de la région, notamment en Irak et au Soudan, qui a tout pour devenir le grenier de toute la région arabe. En plus, les pays arabes ne manquent pas de ressources financières pour l’exécution de ce projet. L’expérience et la main-d’œuvre ne leur font pas défaut non plus. Aussi, peut-on concevoir les deux projets suivants : Le premier est le projet ambitieux qui a été proposé par le Secrétaire général du Conseil de l’Union économique arabe (UEA). Il vise à la réalisation de la complémentarité dans le processus de production de toutes sortes d’aliments : céréales, fruits, légumes, viandes et produits laitiers, à travers la coordination des activités agricoles et productives entre pays arabes. Le second projet, le moins ambitieux, se borne, quant à lui, à la complémentarité dans la production des céréales. Cependant, il n’y a absolument pas de contradiction entre les deux projets. Bien plutôt, le projet à moindre envergure servira de phase préparatoire à l’exécution du plus ambitieux. Le plus important est que la réussite de n’importe lequel des deux sera, en soi, une motivation susceptible de stimuler le développement de la complémentarité économique arabe qui, jusqu’à présent, n’a encore réalisé aucun progrès. Toutefois, pour atteindre de cet objectif, il faut une bonne disposition politique et la réalisation de la stabilité politique, dans certains pays, comme le Soudan et l’Irak. Ceci confirme, encore une fois, le constat d’interdépendance des différentes dimensions de la sécurité humaine dans les pays arabes, que ce soit dans le domaine de la disponibilité de la nourriture ou bien dans le domaine du rétablissement de la paix et Faim, alimentation et sécurité humaine Il convient de concentrer les efforts sur l’exploitation des plaines immenses et arables de la région 157 de la stabilité, par la voie de la liquidation de l’occupation et de l’intervention étrangère et par le règlement des conflits ayant un rapport avec la question identitaire dans la région. Réalisation de la sécurité alimentaire Il existe un rapport d’interdépendance reliant l’agriculture, le développement rural, la sécurité alimentaire et l’autosuffisance L’éradication de la faim nécessite de fournir des efforts continus, intenses et innovateurs dans tous les pays arabes 158 L’insécurité alimentaire a partiellement résulté du déclin du niveau de productivité individuelle en agriculture et du fossé grandissant au sein du secteur agricole et entre ce secteur et les autres composantes du système économique. D’autres facteurs sont également responsables de cette crise. On peut en citer : (a) l’invest is sement impropre et non-conforme dans les secteurs agricoles manquant de capitaux suffisants et encore en cours de contribution au revenu national ; (b) l’utilisation facilitée par la libéralisation du commerce de la technologie qui remplace la maind’œuvre, en combinaison avec la réduction de la capacité d’assimiler les travailleurs dans d’autres secteurs conventionnels. Il existe, par ailleurs, un rapport d’interdépendance reliant l’agriculture, le développement rural, la sécurité alimentaire et l’autosuffisance. Partant, il est essentiel de traiter la corrélation entre l’économie partielle des unités agraires et les dynamiques du bien-être des familles. Ce rapport renvoie à des considérations d’une plus grande étendue relatives aux politiques de redistribution (entendue du point de vue de l’économie politique). On Rapport arabe sur le développement humain 2009 peut exposer ces considérations comme suit : (1) l’acquisition assurée de terres productives et de crédits financiers ; (2) l’adoption de politiques visant au soutien des prix de façon à ce que cela puisse profiter à certaines catégories indigentes de ruraux ou d’habitants de zones accablées de privation ; (3) le renforcement du changement des rôles des deux sexes ; ce qui nécessite de permettre aux femmes accomplissant un rôle accru dans le milieu des producteurs agricoles d’accéder aux terres, aux outils appropriés, aux services et aux crédits ; (4) la gestion compétente des ressources aquatiques ; (5) la motivation du secteur privé afin de l’engager à investir dans les opérations de production et de commercialisation, et à adopter des projets encourageant la complémentarité entre l’agriculture et l’industrie ; (6) la promotion des nouvelles recherches portant sur la diversité végétale locale, l’énergie renouvelable, y compris l’énergie solaire. Si les tendances actuelles persistent, comme le montre ce chapitre, les pays arabes ne réussiront probablement pas à réaliser le premier des OMD malgré l’écart de performance existant entre eux ou bien entre leurs sous-régions. Par conséquent, l’éradication de la faim nécessite de fournir des efforts continus, intenses et innovateurs dans tous les pays arabes, notamment dans les pays les moins développés et de s’engager à établir une coopération régionale dans ce domaine. Notes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 Cette séquence repose principalement sur un document de fond préparé par Jalila El-Ati. Calculs du PNUD/RADH en référence aux indicateurs du développement dans le monde publié par la Banque mondiale 2007 (en anglais). FAO 2006. PAM 2008b. Kabbani et Wehelie 2004. Chan 2008. L’approvisionnement quotidien en calories équivaut au total de la valeur de calories puisées des produits alimentaires divisé par le nombre d’habitants et le nombre de jours. FAO 1999. Sobal et Stunkard 1989. Banque mondiale 2008b. FAO 2009. Banque mondiale 2008b. FAO 2006. Banque mondiale 2007b. Cette discussion finale a été présentée par le Secrétaire général du Conseil de l’Union économique arabe, Ahmed Jouayli. Comptes du PNUD/RADH, en référence aux données statistiques (FAOSTAT), auprès de la FAO 2008. Voir le Chapitre 2. D’après le PNUD 2006b, le seuil individuel de la pauvreté en eau est de 50 litres par jour. Faim, alimentation et sécurité humaine 159 Chapitre 7 La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite La santé représente un élément essentiel pour la sécurité humaine La santé n’est pas garantie pour tous les citoyens dans les pays arabes Il est admis que la santé est l’un des piliers fondamentaux du développement humain, parce qu’elle constitue le point d’appui de toute activité humaine. Mais, la santé représente également un élément essentiel pour la sécurité humaine, parce que la survie et la protection contre la maladie sont inhérentes aux différents concepts relatifs au bien-être de l’humanité. En effet, une bonne santé permet à l’homme de faire des choix, de jouir de sa liberté et de progresser. En revanche, la détérioration de la santé – en cas de maladie, de blessures ou d’invalidité – sape ces capacités humaines fondamentales et peut conduire à des régressions catastrophiques pour les individus, les communautés et les économies. Il en résulte une interdépendance de la santé et des autres conditions de la sécurité humaine dans les domaines politique, économique, environnemental et alimentaire. Il convient donc de l’aborder dans sa globalité. Les pays arabes ont réalisé pendant les quatre dernières décennies un progrès remarquable dans le domaine de la prévention des causes de la mort naturelle, ce qui a conduit à la longévité. Cela se manifeste dans la hausse de la moyenne d’espérance de vie et la baisse du taux de mortalité chez les nourrissons. Cependant, la santé n’est pas garantie pour tous les citoyens dans les pays arabes, puisque les femmes continuent à souffrir de négligence et de comportements sexistes. S’ajoutent à cela, les systèmes sanitaires, souvent frappés d’inertie bureaucratique, la baisse des compétences professionnelles et l’insuffisance du financement au moment où les risques de santé s’aggravent suite à la propagation de nouvelles maladies contagieuses. En dépit de l’abondance des ressources dans la région arabe, les cinq dernières années ont connu une stagnation de tous les indicateurs principaux de la santé, d’autant plus que les idées et les approches mondiales pionnières dans les domaines de la santé et de la sécurité humaine ne se sont pas encore ancrées dans la majorité des pays arabes. La santé dans la politique publique sur le plan international Nous débutons ce chapitre introductif par l’exposition des tendances internationales en matière de santé et de sécurité, ce qui va nous mettre devant une perspective importante pour les approches de la santé dans les pays arabes en ce moment. Ce sera là le sujet de notre débat. Santé et sécurité humaine La sécurité sanitaire est un phénomène transfrontalier et multidimensionnel qui fait de l’être humain son centre d’intérêt et englobe d’autres domaines de développement ainsi que les parties concernées par ces domaines 162 À la fin de la guerre froide et avec l’avè nement de la mondialisation, la sécurité et le développement qui étaient jusqu’alors deux domaines séparés, ont commencé à se rencontrer et à s’imbriquer. Très vite, la santé publique est devenue l’un des points d’intersection fondamentaux desdits domaines. Dans ce contexte, deux types de discours sur la santé et la sécurité, ayant chacun ses motivations et ses finalités, ont vu le jour dans le cadre des politiques et des programmes publics internationaux. Le premier type peut être qualifié de discours de développement. Il est représenté par les efforts des Nations Unies, ses fonds et ses programmes de développement, ses Commissariats, ses commissions régionales et internationales, ainsi que par l’OMS. Pendant les années 1990, caractérisées par la circulation dense et accélérée des personnes et des marchandises, les politiques internationales de développement ont commencé à être influencées par la prise de conscience grandissante que les dangers qui guettaient la santé dans un pays donné, pouvaient rapidement en atteindre d’autres. Cette perception s’est développée à la suite des effets catastrophiques de nouvelles maladies transnationales comme le sida et le retour d’autres maladies telles que le choléra, la tuberculose et la malaria. La publication du RADH 1994 illustre parfaitement cette perception. Du point de vue développement, ce rapport a insisté sur les nouveaux défis pour la santé en considérant « la sécurité sanitaire » comme l’une des composantes de la sécurité humaine1. Ce RDH 1994 appelle essent iellement à considérer la santé comme un droit humain de l’individu et un bien public qui doit être à la portée de tous. Il est du devoir de l’État et de son intérêt d’assurer ce droit fondamental qui représente pour lui, à la fois, un engagement éthique et une condition sine qua non de sa survie. Néanmoins, les sources des défis contemporains de la santé et leur impact sont si complexes que l’État ne peut y faire face tout seul. La sécurité sanitaire est donc un phénomène transfrontalier et multidimensionnel qui fait de l’être humain son centre d’intérêt et englobe d’autres domaines de développement ainsi que les parties concernées par ces domaines. Rapport arabe sur le développement humain 2009 Le Rapport attire l’attention sur les dangers principaux menaçant la santé de la majorité des gens dans le monde, à savoir les maladies et les épidémies qui se propagent rapidement, les décès et les maladies liés à la pauvreté, les milieux non sécurisés et le déplacement des populations. Garantir la santé des individus ne repose pas uniquement sur les services médicaux habituels et la protection sanitaire, mais également sur d’autres facteurs, tels que la sécurité politique, économique, alimentaire et environnementale. Ces facteurs peuvent être exposés à des régressions, ou à des bouleversements qui risquent de perturber la vie quotidienne des gens. La protection des individus contre ces risques nécessite des initiatives positives de la part des appareils d’État et des institutions non gouvernementales, ainsi que de la part des individus eux-mêmes et de leurs sociétés. Faire face à ces dangers, menaçant la santé et ne connaissant point de frontières, nécessite des accords de partenariat locaux et internationaux pour empêcher la propagation et les répercussions de ces maladies complexes ou pour les gérer adéquatement quand elles ont lieu. En 2003, la Commission de la sécurité humaine a publié un rapport de suivi, intitulé Human Security Now (La Sécurité humaine maintenant)2 où elle a présenté un exposé détaillé et actualisant les analyses du RDH 1994. Les efforts de la commission ont porté essentiellement sur les menaces sanitaires les plus dangereuses pour la sécurité humaine, à savoir : a) les maladies contagieuses au niveau mondial, y compris les émergentes, telles que le sida, et le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ; b) les crises de santé causées par les conflits armés et les situations humanitaires d’urgence ; c) les problèmes de santé résultant de la pauvreté et qui risquent d’ébranler la stabilité des familles et des communautés, voire de pays entiers. Dans ce cadre, l’approche de la sécurité humaine, appelée à faire face à ce genre de menaces renfermant des conséquences locales et mondiales, est fondée sur deux éléments fondamentaux : la protection et la participation. Cependant assurer ces deux éléments fondamentaux dépasse les limites des approches traditionnelles fondées sur les relations horizontales entre les gouvernements ; elle nécessite, en plus, l’établissement de programmes verticaux et de systèmes de contrôle associant aussi les parties non gouvernementales. Le discours de la Commission de la Sécurité Humaine et celui du PNUD ont reformulé les objectifs concernant la sécurité nationale et la santé publique dans le cadre du développement global centré sur l’être humain, ce qui a élargi ces deux concepts et approfondi leur interdépendance. Santé et sécurité stratégique Quant au second type de discours international, il est beaucoup plus étroit ; on peut le nommer discours stratégique. Ce parcours est né dans la même période que le premier, traduisant ainsi l’inquiétude des institutions militaires et diplomatiques occidentales à l’égard des armes biologiques et l’utilisation délibérée des épidémies dans les guerres. Ces inquiétudes se sont manifestées de nouveau à la suite de l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995, puis suite à la panique répandue au sein de la population à cause de l’utilisation de la poudre d’anthrax, après les attaques du 11 septembre 2001. Le but de ce discours est de « sécuritariser » la surveillance internationale de la santé, en tant que protection contre une guerre biologique probable et un soi-disant « bioterrorisme ». Les principales parties concernées par cette question, notamment en Occident, visent à introduire les moyens du contrôle des armes biologiques dans le domaine de la santé publique mondiale et de consolider la Convention sur l’interdiction des armes biologiques et les toxines (BTWC) par le biais d’un protocole susceptible d’en vérifier l’application. Ces deux types de discours diffèrent complètement quant aux objectifs, quoique leurs partisans et leurs lobbies s’accordent à reconnaître en la santé et la sécurité des questions transnationales convergentes. Ainsi, ces deux discours se sont rencontrés sur des points précis et avaient contribué à la classification des priorités sanitaires internationales, en fonction des différentes circonstances. Les experts conviennent que le bilan de cette rencontre s’est généralement traduit par l’élargissement du discours relatif à la sécurité humaine dans les politiques de la santé publique, si bien qu’il englobe à présent les menaces issues des maladies contagieuses et des armes biologiques3. Néanmoins, ce discours a suscité des réserves de la part des pays en voie de développement, dont certains du monde arabe. À propos des effets secondaires, certains analystes remarquent que les pressions exercées par les lobbies contre le bioterrorisme, en vue d’adopter des interprétations stratégiques du concept de sécurité dans la santé publique, ont peutêtre conduit à fournir plus d’efforts pour soutenir les politiques intergouvernementales en domaine de santé. Lesquels efforts se sont reflétés dans le Règlement sanitaire international (RSI) promulgué et contrôlé par l’OMS4. En vigueur durant les 30 premières années des opérations de l’OMS, ce règlement exigeait des États membres d’informer sur les manifestations d’une liste de six maladies, réduite en 1981 à trois : le choléra, la malaria et la fièvre jaune. Les critiques faites à cette liste réduite – et dont le contenu est insignifiant en comparaison avec de nouveaux dangers tels que le VIH/sida, le virus Ebola et la grippe aviaire, en plus de l’insuffisance de l’information sur les maladies dans plusieurs pays – ont poussé l’OMS en 2005 à établir un nouveau système de règles de santé internationales assez enrichi, mis à exécution en 2007. À présent, les nouvelles règles exigent des pays parties à la Convention de signaler à l’OMS « tout événement survenu sur son territoire pouvant constituer une urgence de santé publique, de portée internationale » (article 6.1), situations recouvrant n’importe quel événement inattendu ou inhabituel dans les domaines de la santé publique, abstraction faite de son origine ou de sa source (article 7). Elles stipulent également que les pays parties informent l’OMS « dans la mesure du possible » des risques pour la santé publique identifiés à l’extérieur de leurs territoires, pouvant entraîner la propagation de la maladie et se manifestant dans l’entrée et la sortie de cas humains ou d’insectes vecteurs de maladies (article 9.2)5. Exiger la communication de « tout événement pouvant constituer une urgence de santé publique, de portée internationale » (article 6.1) permet de révéler une longue chaîne de risques. Seulement, le fait que la communication des informations dépend encore de la bonne volonté des États, n’a La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite Le but du discours stratégique est de « sécuritariser » la surveillance internationale de la santé, en tant que protection contre une guerre biologique probable 163 L’internalisation des concepts de santé et de sécurité humaine a été limitée dans les pays arabes pas convaincu les sceptiques que les nouvelles règles s’adressent au type de régime sécuritaire conforme aux concepts de gouvernance mondiale6. Par ailleurs, certains pays en développement dont un bon nombre de pays arabes ont l’impression que de telles règles répondent plus aux soucis de la sécurité nationale en Occident, et que les informations échangées ne serviraient peut-être pas leurs propres intérêts, ce qui va entraver la mise en œuvre d’un système vigoureux de surveillance et de prévention des maladies. La sécurité sanitaire dans le contexte arabe Le mouvement réformateur arabe n’a pas adopté la sécurité humaine en tant que paradigme pour le changement et la réforme Encadré 7-1 Lors de l’assemblée consultative sur la santé et la sécurité humaine, organisée au Caire en 20027, à laquelle ont contribué l’OMS, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et ONUSIDA, les participants ont essayé d’adapter au contexte régional, les concepts internationaux relatifs à la sécurité humaine, réclamés initialement par le PNUD et la Commission des Nations Unies sur la sécurité humaine. Au terme de trois jours de discussion, les participants ont reconnu l’étendue globale et l’interdépendance de Les termes employés dans le discours sur la santé et la sécurité humaine La sécurité sanitaire Le soulagement relatif de la maladie et de l’infection (2002, la rencontre consultative du Caire sur la santé et la sécurité humaine), la protection contre la maladie, l’invalidité et le décès évitable (Commission de la sécurité humaine, 2003). La sécurité sanitaire publique Un ensemble d’activités efficaces et multidisciplinaires nécessaires pour réduire l’incidence des situations aiguës de santé publique menaçant la santé des citoyens (ce Rapport). La sécurité sanitaire publique sur le plan mondial Les activités nécessaires, proactives ou réactives, minimisant la vulnérabilité face à des événements graves dans le domaine de la santé publique, exposent au danger la santé des populations, à travers des régions géographiques et les frontières internationales (OMS, 2007). La santé et la sécurité humaine Une approche de la santé dans le cadre de la sécurité humaine implique la considération de la santé « comme un état complet de sécurité physique, mentale et sociale, et non seulement une absence de maladie ou d’infirmité » (Commission de la sécurité humaine, 2003). 164 Rapport arabe sur le développement humain 2009 la santé et de la sécurité humaine et ils ont admis que la question de la santé comprenait plusieurs domaines et secteurs, ainsi que des agences spécialisées ; ils ont aussi confirmé que la bonne santé était l’un des droits fondamentaux de l’homme. Sauf qu’à la fin, l’assemblée a adopté une définition de la sécurité sanitaire assez étroite, en la considérant comme un « soulagement relatif de la maladie et de l’infection ». La majorité des experts dans le domaine de la santé considèrent qu’une telle définition est inadéquate, si on l’évalue à la lumière des dimensions, plus globales, communément admises du concept de santé, ou encore si on la vérifie à la lumière des dimensions positives du concept de sécurité (ce qu’il faut faire) plutôt que de ses dimensions négatives seulement (ce qu’il ne faut pas faire). Dans le contexte arabe, l’échec dans l’élaboration d’une position pratique et globale en matière de santé et de sécurité humaine reflète l’internalisation limitée de ces concepts dans les pays arabes. Plusieurs facteurs seraient derrière cette situation : Premièrement : Le mouvement réformateur arabe n’a pas adopté la sécurité humaine en tant que paradigme pour le changement et la réforme, ou comme base de programmes d’action dominés généralement par un cadre de référence socio-économique. Dans le domaine de la santé, cette différence dans la perspective se traduit par l’adoption d’une approche étroite et limitée. Celle-ci met l’accent sur l’expansion des services sanitaires et cliniques ainsi que d’autres aspects ayant trait aux exigences de la protection sanitaire traditionnelle qui continuent d’être sollicitées à la fois par les gouvernements et par la société civile. Par conséquent, Deuxièmement : en l’absence de systèmes d’orientation alternatifs, les approches susceptibles de gérer les risques de la sécurité locale et internationale sont réduites à la notion de sécurité d’État. Aussi, les aspects sécuritaires non politiques ou ne concernant pas directement l’État, suscitent-ils peu de débats. Il est naturel que cela s’applique à la sécurité sanitaire et aux autres composantes de la sécurité humaine. À titre d’exemple, il n’y a pas de débat public autour de l’impact majeur du conflit armé sur l’affaiblissement du système sanitaire ou sur le détournement des ressources, dans le but de répondre aux besoins de santé urgents et liés au conflit en question, au détriment des besoins sanitaires fondamentaux des populations. Troisièmement : La question de la santé occupe un rang inférieur sur l’échelle des priorités par rapport aux budgets et aux programmes relatifs au développement dans les pays arabes. Plus encore, la santé publique est considérée comme secondaire par rapport à d’autres questions, telles que les besoins fondamentaux, la création d’emplois, et le développement économique. Partant, cela empêche les organismes sanitaires de faire face aux défis actuels ou potentiels, auxquels sont confrontés les habitants de la région, alors qu’on fournit peu d’efforts pour explorer d’autres options où plusieurs secteurs et ressources de financement concourent pour approcher et soutenir la santé et la sécurité humaine. Quatrièmement : Les débats publics accordent peu d’attention à la santé. Il y a donc un paradoxe flagrant entre la gravité de certains problèmes sanitaires dans la région arabe d’une part, et l’absence de cette question dans les discussions engagées par les États arabes8 d’autre part. Les discussions portant sur les questions sanitaires ont tendance à insister sur les questions ayant trait aux services et aux moyens techniques de santé. Quand les débats abordent la sécurité dans le domaine de la santé publique, il n’y a pas, semble-t-il, une appréhension approfondie de l’ensemble des activités efficaces et multidisciplinaires nécessaires pour réduire l’incidence des conditions aiguës de santé publique qui menacent la santé des citoyens. Cinquièmement : La société civile arabe est généralement affaiblie par les restrictions et l’exclusion, au niveau politique. Aussi, ne participe-t-elle pas souvent aux questions relatives à la santé, et donc, les acteurs non étatiques ont très peu d’effet sur le système sanitaire et l’élaboration des politiques de santé. Et c’est plutôt l’institution médicale dans les pays arabes influents qui domine le secteur de la santé. L’existence d’institutions sanitaires non démocratiques imitant dans leur organisation les institutions politiques arabes a permis aux « experts » au sein de la hiérarchie professionnelle d’avoir la mainmise sur ce secteur. Il en résulte que le manque de participation du public constitue un obstacle devant les initiatives relatives à la santé et à la sécurité. Tous ces facteurs réunis, en plus des liens faibles et souvent contestés, entre les discours international et régional, ont conduit à la situation actuelle où les parties arabes concernées par la santé semblent s’opposer aux approches pratiques fondées sur la sécurité humaine dans le domaine de la santé ou les ignorer. La santé publique est considérée comme secondaire La situation sanitaire dans les pays arabes Le présent rapport déduit les indicateurs de la santé et du système sanitaire, en grande partie, des données publiées par les organismes des Nations Unies. Cependant, l’exactitude de ces données suscite des doutes dans certains cas. En quelques occasions, des agences des Nations Unies, des organisations non gouvernementales, et ceux de la société civile font des études statistiques indépendantes. Dans la plupart des cas cependant, ce sont les gouvernements eux-mêmes qui sont la source des informations. Les systèmes d’enregistrement vitaux ne sont pas disponibles dans la plupart des États arabes, et quand ils le sont, ils sont rarement fiables. En effet, dans la majorité des cas, les données « nationales » ne sont pas fondées sur des études ou des enquêtes nationales ni ne représentent toutes les couches de la société. Par conséquent, les généralisations issues de telles données sont d’une utilité limitée. Par ailleurs, Il n’est pas d’usage pour les États de donner des informations qui révéleraient les incohérences internes et qui pourraient mettre en doute l’utilité des données en question, en particulier lors de l’examen des questions de l’égalité et de la justice sociale. Cependant, il convient d’admettre de prime abord que les pays arabes ont connu de grandes améliorations en matière de santé, au cours des dernières décennies, tout en sachant qu’ils étaient au départ dans une situation vraiment défavorable. En effet, entre les années 1960 et le début du nouveau millénaire, les pays arabes ont fait plus de progrès que la plupart des pays en développement dans l’augmentation de La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite Les systèmes d’enregistrement vitaux ne sont pas disponibles 165 Figure 7-1 Tendances régionales de l’espérance de vie (en années), 1960-2005 80 70 60 50 40 reposaient pas uniquement sur l’importance des investissements conçus pour l’expansion quantitative dans les systèmes sanitaires, mais ils étaient le fruit des développements socio-économiques ayant suivi le boom pétrolier des années 1970 et contribué à améliorer les conditions sanitaires9. 30 20 Les indicateurs de santé10 10 0 1960 1970 1980 1985 1990 1995 2000 2005 L’espérance de vie globale à la naissance (en années) Source : Calculs du PNUD/RADH basés sur les données de la Banque mondiale 2008. Note : Le chiffre est la moyenne pondérée par rapport à la population du pays. Figure 7-2 Tendances régionales dans les taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes) 1960-2005 160 140 120 100 80 60 40 20 0 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 Taux global de mortalité infantile (sur 1 000 naissances vivantes) Source : Calculs du PNUD/RADH basés sur les données de la Banque mondiale 2008. Note : Le chiffre est la moyenne pondérée par rapport à la population du pays. Les pays arabes ont fait plus de progrès que la plupart des pays en développement dans l’augmentation de la longévité et le retardement de la mort 166 la longévité et le retardement de la mort. Cela peut être observé à travers l’augmentation de l’espérance de vie de 23 ans et la baisse du taux de la mort infantile de 152 à 39 sur mille naissances vivantes. Même si le résultat global des indicateurs est positif, les défis persistent ; les pays arabes peuvent atteindre une meilleure couverture sanitaire pour leurs citoyens en fonction des richesses qui y sont disponibles. L’un des défis majeurs aujourd’hui, est de résoudre les disparités observées entre les différents États arabes et de faire face aux différentes formes d’injustice qui s’y trouvent. Dans ce contexte, il convient de rappeler que les succès antérieurs ne Rapport arabe sur le développement humain 2009 Dans la plupart des pays arabes, l’espérance de vie à la naissance est d’environ 70 ans. Néanmoins, on peut observer de grands écarts à ce propos entre les groupes comme entre les sous-régions. À Djibouti, en Irak, en Somalie et au Soudan, par exemple, l’espérance de vie ne dépasse pas 60 ans, alors qu’à Bahreïn, aux EAU, au Koweït, à Oman et à Qatar, elle dépasse 74 ans. Comme dans d’autres régions du monde, l’espérance de vie des femmes dépasse celle des hommes. À l’exception de Qatar et de la Somalie où l’écart est respectivement d’un et de deux ans, la différence entre les sexes dans l’ensemble de la région varie entre 3 et 5 ans. L’écart entre les sous-régions arabes se manifeste au niveau des autres indicateurs. Par exemple, le taux de mortalité maternelle (TMM) oscille entre 4 morts sur 100 000 naissances vivantes au Koweït et plus de 400 sur 100 000 à Djibouti, au Soudan, en Somalie, en Mauritanie et au Yémen ; quant au taux de mortalité parmi les nourrissons, il varie entre moins de 8 sur 1 000 naissances vivantes aux Émirats et plus de 76 sur 1 000 naissances en Mauritanie et au Yémen, et 88 sur 1 000 naissances à Djibouti. Dans la région arabe, on note un écart entre les niveaux du progrès concernant la réalisation du cinquième (5a) OMD – visant à réduire de trois quarts le taux de mortalité maternelle d’ici 2015 – en raison de la différence des situations socio-économiques d’une sous-région à l’autre. Par conséquent, si dans ce domaine, la région dans son ensemble est sur la bonne voie, ce n’est pas le cas pour l’ensemble des quatre sous-régions. En 2000, le TMM était le plus faible dans les pays du CCG, à savoir un taux équivalent à 17 cas sur 100 000 naissances vivantes, parce que 98,2 % des naissances dans les pays du CCG sont assistées par un personnel qualifié. D’autre Figure 7-3 Figure 7-4 Espérance de vie à la naissance, 22 pays arabes, 2005 Taux de mortalité maternelle (pour 100 000 naissances vivantes) 21 pays arabes, 2004 Koweït Qatar Arabie saoudite Bahreïn EAU *Somalie Djibouti Soudan *Irak Yémen Mauritanie Comores Maroc Égypte Liban Algérie Jordanie Arabie saoudite TPO Libye Tunisie Syrie Oman Qatar Bahreïn Koweït EAU Jordanie Oman Libye Tunisie Syrie Égypte Liban Algérie Maroc *Irak Comores Yémen Soudan Djibouti Mauritanie *Somalie 0 20 40 60 80 Espérance de vie à la naissance (en années) 0 200 400 600 800 1 000 1 200 1 400 Taux de mortalité maternelle (pour 100 000 naissances vivantes) Source : PNUD 2007. * Les données pour l’Irak et la Somalie remontent à 2006, UNICEF 2008. Figure 7-5 Source : PNUD 2007. * Les données pour l’Irak et la Somalie remontent à 2006, UNICEF 2008. ** Les taux de mortalité maternelle ci-dessus ont été modifiés sur la base des révisions de l’UNICEF, de l’OMS et du FNUAP en vue d’expliquer les problèmes enregistrés relatifs aux cas d’insuffisance d’information et de classification. Figure 7-6 Taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes), 19 pays arabes, 2005 Taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans (pour 1 000 naissances vivantes), 19 pays arabes, 2005 EAU EAU Bahreïn Bahreïn Koweït Koweït Oman Oman Syrie Syrie Libye Libye Qatar Qatar Tunisie Arabie saoudite Jordanie Liban Tunisie Égypte Jordanie Arabie saoudite Liban Égypte Algérie Algérie Maroc Maroc Comores Comores Soudan Soudan Yémen Yémen Mauritanie Mauritanie Djibouti Djibouti 0 20 40 60 Taux de mortalité des nourrissons (sur 1 000 naissances vivantes) Source : PNUD 2007. 80 100 0 20 40 60 80 100 120 Taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans (sur 1 000 naissances vivantes) Source : PNUD 2007. La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite 167 140 Encadré 7-2 Les États arabes sur la bonne voie pour améliorer la santé maternelle et réaliser le cinquième Objectif du Millénaire pour le développement Cible 6 : baisse : Réduire de trois quarts le taux de mortalité maternelle entre 1990 et 2015. Taux de mortalité maternelle, la région arabe (sur 100 mille naissances vivantes) 450 400 410,7 350 300 Progrès 1990-2000 vitesse linéaire du progrès nécessaire pour atteindre la cible 271,9 250 200 150 102,7 100 50 0 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 Source : CESAO, Les Objectifs du Millénaire pour le développement dans la région arabe 2007 : les jeunes, une vue d’ensemble 2007. Le taux de mortalité maternelle (TMM) dans les pays arabes est tombé à environ 272 sur 100 000 naissances vivantes en 2000, soit une baisse de près de 34 % par rapport au niveau atteint en 1990. En supposant que le rythme du progrès accompli entre 1990 et 2000 peut être maintenu, les pays arabes dans leur ensemble pourront répondre à l’objectif de réduire le TMM de trois quarts d’ici à 2015. La baisse considérable de la mortalité maternelle est liée à l’augmentation significative des accouchements assistés par du personnel de santé qualifié. Cette augmentation a dépassé les 16 % au cours de cette décennie. En plus, la réduction de la grossesse à l’adolescence – associée à des risques élevés – a contribué à la baisse globale de la mortalité maternelle. Effectivement, les adolescentes de 15 à 19 ans sont deux fois plus exposées que leurs aînées dans les vingtaines à mourir en accouchant ; à moins de 15 ans, elles le sont cinq fois plus. Source : CESAO 2007a. Les écarts entre les zones rurales et les zones urbaines sont larges 168 part, bien que le TMR dans les pays arabes les moins développés ait chuté de 37,9 pour cent à 637,6 pour 100 000 naissances vivantes en 2000, il reste nettement plus élevé que le taux dans les pays en voie de développement qui atteint 450 pour 100 000 naissances vivantes. Le taux des mortalités maternelles dans les pays arabes les moins développés est le plus élevé dans la région arabe. En 2000, 44,8 % des nouveau-nés ont été mis au monde sous la supervision d’un personnel qualifié, ce qui a permis d’enregistrer une hausse de 22 % par rapport à 1990. Les différentes tendances dans la supervision du personnel qualifié qui assiste les accouchements ainsi que le taux de mortalité maternelle dans les pays arabes les moins développés sont largement influencées par la situation Rapport arabe sur le développement humain 2009 prévalant au Soudan, qui enregistre près de 50 % des naissances vivantes dans cette sous-région. Un peu moins de la moitié de ces naissances n’est pas assisté par un personnel qualifié. En 2000, le taux de mortalité maternelle au Soudan était de 509 pour 100 000 naissances vivantes. Ainsi, les taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans varient entre moins de 20 sur 1 000 naissances vivantes dans la plupart des États du Golfe et plus de 100 pour 1 000 cas à Djibouti, en Mauritanie et au Yémen. Les écarts entre les zones rurales et les zones urbaines sont larges, avec des taux plus élevés pour les premières. Il est à remarquer que la sous-alimentation est largement répandue dans les pays pauvres et les États déchirés par la guerre, ce qui reflète la pénurie progressive des aliments. En Somalie, la prévalence de l’insuffisance pondérale chez les enfants de moins de cinq ans est de 26 % et s’élève à plus de 40 % au Soudan et au Yémen (selon les données disponibles pour la période 1996-2005). D’autant plus que la progression des cas de sous-nutrition chez les enfants, même dans certains pays riches, est une autre source de préoccupation. Par exemple, la sous-nutrition – modérée ou sévère – chez les enfants de moins de cinq ans est de 14 % aux Émirats arabes unis et de 10 % au Koweït, ce qui indique que, malgré les vastes ressources financières de certains États, les prestations de santé escomptées n’ont pas eu lieu11. Les statistiques de l’OMS indiquent que les facteurs les plus importants à l’origine des écarts des niveaux de santé dans les pays arabes sont : le niveau de revenu, le lieu de résidence (urbain ou rural), et le niveau d’instruction de la mère. Les indicateurs les plus importants de l’effet de ces facteurs sont la probabilité que les enfants survivent au-delà de cinq ans, le nombre de cas de nanisme, les chances pour les mères d’avoir un accouchement assisté par un personnel qualifié et la disponibilité des vaccins contre la rougeole, au cours de la première année de vie du nourrisson. Dans six États arabes sur lesquels ces données étaient disponibles – à savoir l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, le Soudan, la Tunisie et le Yémen – les facteurs les plus influents ont été les niveaux de revenu et d’instruction de la mère. En Figure 7-7 Différences des conditions de santé dans les pays arabes, taux de mortalité infantile et des enfants de moins de cinq ans (pour 1 000 naissances), 2005 120 Figure 7-8 Différences des conditions de santé dans les pays arabes, taux de mortalité maternelle (pour 100 000 naissances vivantes), 2005 700 600 100 500 80 400 60 300 40 200 100 20 0 0 Pays à haut revenu Pays à revenu moyen Pays à haut revenu Pays à bas revenu Taux de mortalité infantile Pays à revenu moyen Pays à bas revenu Taux de mortalité maternelle (modèle d’estimation pour 100 000 naissances vivantes), 2005 Taux de mortalité infantile de moins de cinq ans Source : Calculs du PNUD/RADH fondés sur la base de données de la Banque mondiale 2008. Source : Calculs du PNUD/RADH fondés sur la base de données de la Banque mondiale 2008. Note : La classification est fondée sur la part individuelle du PIB et sur l’équivalent de la PPA en USD (avec la valeur mondiale actuelle de l’USD), et selon les catégories suivantes : le faible revenu 1 100 USD2 200 USD, le revenu moyen 3 600 USD-11 000 USD, le haut revenu 20 000 USD-44 000 USD. Les pays à bas revenu sont : les Comores, Djibouti, la Jordanie, la Somalie, le Soudan et le Yémen. Les pays à revenu moyen sont : l’Algérie, l’Égypte, le Liban, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, la Syrie, le TPO et la Tunisie. Les pays à haut revenu sont : l’Arabie saoudite, Bahreïn, les EAU, le Koweït, Oman et Qatar. Note : La classification est fondée sur la part individuelle du PIB et sur l’équivalent de la PPA en USD (avec la valeur mondiale actuelle de l’USD), et selon les catégories suivantes : le faible revenu 1 100 USD2 200 USD, le revenu moyen 3 600 USD-11 000 USD, le haut revenu 20 000 USD-44 000 USD. Les pays à bas revenu sont : les Comores, Djibouti, la Jordanie, la Somalie, le Soudan et le Yémen. Les pays à revenu moyen sont : l’Algérie, l’Égypte, le Liban, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, la Syrie, le TPO et la Tunisie. Les pays à haut revenu sont : l’Arabie saoudite, Bahreïn, les EAU, le Koweït, Oman et Qatar. Encadré 7-3 Les pays ont besoin de fournir plus d’efforts pour lutter contre la malaria et la tuberculose La 8e Cible du 6e Objectif du Millénaire pour le Développement : l’arrêt de la propagation de la malaria et d’autres maladies graves d’ici à 2015 et leur régression à partir de cette date. La malaria : Bien que la malaria ait été pratiquement éradiquée dans la majorité des pays arabes, elle reste fortement endémique dans les pays les moins développés où, en moyenne, 3 313 cas sur 100 000 ont été signalés en 2005. Djibouti, la Somalie, le Soudan et le Yémen représentent 98 % des cas déclarés dans la région ; le Soudan à lui seul compte environ 76 % de ces cas. Par conséquent, la réalisation de l’un des OMD dans cette sous-région et dans l’ensemble de la région, est fortement tributaire des progrès en Somalie, au Soudan, et au Yémen. La manière d’informer sur la malaria dans ces pays, ne contribue pas à connaître le nombre réel de cas, parce que la surveillance est faible, voire inexistante dans certaines régions. L’absence de centres de soins, de laboratoires adéquats et de bonnes conditions de sécurité constituent autant de facteurs qui entravent les progrès réalisés dans les efforts de l’enquête. La tuberculose : Elle constitue encore un problème de santé publique important, voire la principale cause de décès dû aux maladies contagieuses parmi les adultes dans la région arabe. En 2005, le nombre de personnes atteintes de tuberculose a été estimé à 240 000 personnes dont 43 000 morts. Les pays les plus touchés par cette maladie étaient les pays arabes les moins développés où se trouvent environ 56 % de l’ensemble de cas de tuberculose nouvellement détectés. Des estimations indiquent que 41 % des patients atteints de tuberculose n’ont pas accès à des soins de santé de qualité. Taux de prévalence de la tuberculose (pour 100 000 personnes) Pays du Mashreq Pays du Maghreb Pays du Conseil de Coopération du Golfe Pays arabes Pays arabes les moins développés 0 100 2005 300 200 1990 Source : CESAO 2007a (en anglais) Source : CESAO 2007a. La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite 169 400 500 Figure 7-9 • À l’exception d’un petit nombre d’indicateurs, la performance des États à revenu moyen ressemble ordinairement à celle des pays à haut revenu. • Les données nationales et régionales disponibles offrent une image incomplète des écarts et des inégalités au sein de ces États. Cela met en évidence, pour les décideurs, les universitaires et les praticiens de la santé, l’importance des rapports de développement humain et national effectués dans les pays arabes parce qu’ils prennent en considération les différences existant dans chaque pays. Charges des maladies transmissibles et non transmissibles et des blessures, 21 pays arabes, 2002 Bahreïn EAU Qatar Tunisie Liban Koweït Arabie saoudite Oman Syrie Libye Jordanie Égypte Maroc Algérie Irak Soudan Yémen Comores Somalie Djibouti Mauritanie Les principaux problèmes de santé 0 20 40 60 80 100 Années de vie perdues à cause de blessures (%), 2002 Années de vie perdues à cause de maladies non transmissibles (%), 2002 Années de vie perdues à cause de maladies transmissibles (%), 2002 Source : OMS 2008. d’autres termes, selon les indicateurs de l’OMS, les enfants arabes, appartenant aux familles à revenu plus élevé ou dont la mère possède un niveau d’instruction supérieur, jouissent d’un état de santé et de soins de santé trois ou quatre fois meilleurs que ceux des enfants de familles à faible revenu ou ayant des mères moins instruites12. À l’échelle de la région arabe, les indicateurs de santé montrent, dans leur ensemble, qu’une amélioration du revenu national est corollaire de l’amélioration du niveau de santé, ce qui provoque des disparités flagrantes entre les pays arabes. Les changements depuis 2002 La comparaison des indicateurs de santé dans les pays arabes pour les années 2003 et 2007 montre une augmentation de l’espérance de vie et une diminution de la mortalité infantile alors que d’autres indicateurs sont restés stables. • Les écarts continuent entre les pays arabes à bas revenu et les pays à revenu moyen ou haut. 170 Rapport arabe sur le développement humain 2009 Les effets de la violence et des maladies transmissibles continuent d’être les principales causes de décès dans les pays pauvres ou déchirés par la guerre, tels que la Somalie, le Soudan et le Yémen. Cependant, la plupart des pays de la région arabe traversent une phase de transition caractérisée par une forte extension des maladies non transmissibles et des blessures liées aux accidents de la circulation, et d’autres types d’atteintes. Les dangers provoqués par les maladies non transmissibles, comme celles causées par le tabagisme, le diabète et l’hypertension artérielle, liées à l’adoption de modes de vie modernes, s’aggravent. La figure 7-9 montre que les pays arabes à haut taux de mortalité parmi les enfants et les adultes comme les Comores, Djibouti, la Mauritanie et la Somalie, souffrent de taux élevés de maladies transmissibles13 en comparaison avec les pays de la région où les taux de mortalité sont faibles parmi les enfants et les adultes. La santé dans les zones de conflit Les effets des conflits violents sur la sécurité humaine et la santé publique14 sont notoires. La guerre sape les systèmes de la santé publique, et peut entraîner l’apparition soudaine de maladies transmissibles et d’affections liées à la malnutrition. Les guerres sont à leur tour derrière l’apparition et l’aggravation de diverses maladies non transmissibles, y compris celles qui affectent les vaisseaux sanguins et augmentent les risques de crises cardiaques (par exemple, les maladies vasculaires au Liban ont augmenté au cours de la guerre civile)15. Elles sont en outre associées aux problèmes aigus de la santé mentale, comme dans les cas observés et enregistrés en Irak16 et dans le TPO, qui seront discutés, avec plus de détails, dans le chapitre 8 du présent rapport. Les facteurs qui interagissent avec la sécurité sanitaire Le débat sur la sécurité humaine et les événements eux-mêmes montrent que la santé est profondément affectée par des facteurs qui ne sont pas forcément liés à la santé. Il s’agit notamment de la détérioration des conditions de l’environnement, de l’occupation étrangère, des conflits liés à l’identité, à la pauvreté et au chômage, dont les effets sont discutés dans d’autres chapitres. La question qui se pose ici est la suivante : est-ce que le contraire est également vrai ? Est-ce que la santé a un impact important sur les aspects de la sécurité humaine qui ne sont pas liés à la santé ? Compte tenu de la place centrale et interactive attribuée à la santé en tant que composante de la sécurité humaine, il est tout à fait naturel que l’amélioration du niveau de santé renforce effectivement la sécurité humaine qui demeure en même temps influencée par ses autres composantes. Les deux relations peuvent être illustrées comme suit : Premièrement : la santé et le revenu La hausse du taux de mortalité parmi les adultes, en particulier le décès précoce des personnes ayant la charge de leur famille, peut avoir des effets immédiats et dévastateurs sur l’avenir de celle-ci, tels que l’appauvrissement et la perte de la sécurité alimentaire. Une telle perte peut également avoir des effets indirects sur la famille, lorsque des groupes qui chutent au-dessous du seuil de la pauvreté sont en contact direct avec des couches sociales adoptant la violence pour vivre, et qui sont prêtes à exploiter la vulnérabilité desdits groupes. Une augmentation dans la fréquence de la maladie peut avoir les Encadré 7-4 L’hépatite C en Égypte L’hépatite est une infection du foie et peut être causée par plusieurs mécanismes, y compris par des agents infectieux. Quant à l’hépatite C, elle est causée par le virus de l’hépatite C (VHC). Le virus infecte les cellules du foie, provoquant une inflammation aiguë du foie et des complications à long terme. Parmi les personnes exposées au VHC, 40 % environ guérissent complètement, mais le reste, qu’ils présentent ou non des symptômes, deviennent transporteurs chroniques et peuvent développer un cancer du foie. Le virus de l’hépatite C se transmet généralement par le partage de seringues infectées, par la réception du sang contaminé d’un porteur, et l’exposition accidentelle à du sang infecté. On estime qu’environ 3 % de la population de la planète ont le VHC. L’Europe, à elle seule, contient environ 4 millions de porteurs. L’hépatite est largement répandue en Égypte, avec un taux élevé de morbidité et de mortalités dues aux maladies chroniques du foie. 20 % environ d’Égyptiens donneurs de sang sont atteints de cette maladie. L’Égypte a des taux de VHC plus élevés que ceux enregistrés dans les pays voisins et d’autres pays du monde qui connaissent les mêmes conditions socio-économiques et les mêmes normes d’hygiène relatives aux opérations chirurgicales et aux procédures médicales ou paramédicales et dentaires. Source : OMS 2002. mêmes effets, lorsque celle-ci conduit à la diminution du revenu des familles17. Ces effets deviennent particulièrement évidents dans le cas des dépenses exorbitantes18 que nécessitent les soins de santé. Il est bien établi que, lorsque la productivité des travailleurs est réduite à cause de la maladie et de l’invalidité, les effets qui en découlent affaiblissent la performance économique, et augmentent les coûts de la santé pour les employeurs et les États et réduit le produit intérieur brut. À l’inverse, une bonne santé publique a un effet positif sur le développement et l’essor économique et, par conséquent, sur la sécurité. C’est, en effet, le principal moteur des mouvements appelant à « l’investissement dans la santé » dans les milieux concernés par le développement19. Deuxièmement : connaissance, croyances et comportements en relation à la santé Les comportements sanitaires des gens sont énormément influencés par leurs connaissances relatives à la santé et leur attitude à l’égard des risques liés à celle-ci. Le comportement des gens, constitue l’un des facteurs déterminants du taux de mortalité ainsi que de la fréquence des cas de La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite Une bonne santé publique a un effet positif sur le développement, l’essor économique et la sécurité Les comportements sanitaires des gens sont énormément influencés par leurs connaissances relatives à la santé 171 La santé publique est influencée par la somme des croyances et des valeurs dominantes dans la société Certaines croyances et pratiques répandues ont une grande incidence sur la sécurité sanitaire des femmes Encadré 7-5 maladie et d’invalidité et des conséquences socio-économiques qui en résultent. Ceci contribue, à son tour, à établir un lien significatif entre le comportement et la sécurité humaine. Le tabagisme est un exemple hautement significatif de cette relation. C’est que la région arabe connaît un pourcentage élevé de fumeurs. Elle contient même l’un des taux les plus élevés de tabagisme dans le monde20. Et bien que cela s’applique principalement aux hommes, nous constatons que dans certains pays, comme le Liban, par exemple, le taux de tabagisme chez les femmes n’est pas moins élevé que celui des hommes. Outre le tabagisme, de nombreux pays arabes souffrent ces derniers temps d’un nouveau fléau qui s’appelle la pipe à eau (le narghilé). Comme on le sait, le tabagisme contribue de façon majeure à l’augmentation des taux de mortalité, à la provocation des maladies et à la création de dépendances à l’égard des services de soins. Par conséquent, le tabagisme devient une charge économique supplémentaire pour la famille et épuise les ressources sur le plan social en général. Dans de nombreux pays développés, l’impact négatif du tabagisme sur le développement et l’économie est très clair21. Il est prévu que les pays arabes connaîtraient les mêmes effets. Dans cette perspective, le tabagisme dans les pays arabes constitue une menace non seulement pour la santé mais, La première apparition de la femme sur la scène de la vie Qu’elle soit une paysanne en Algérie, un médecin au Caire, une secrétaire à Beyrouth, une étudiante à Bagdad, une ouvrière en Syrie, la femme arabe partage avec ses sœurs arabes le même destin : une vie d’exclusion, de captivité, au sein de laquelle elle est amenée à lutter pour expier son péché d’être née femme, dans une société machiste où le féminin reste toujours synonyme de honte et de menace. Sa naissance est déjà perçue par son entourage comme une occasion de deuil plutôt qu’un moment de festivités et de bonheur. Elle est reçue dans une atmosphère de déception à peine dissimulée. Ils espéraient un garçon et donc la venue d’une fille est une humiliation pour sa mère et un choc pour son père : « les hommes engendrent des hommes » disonsnous dans notre culture. Ils annoncent ouvertement : « Elle a donné naissance à une fille », « il a engendré un garçon »... Ce qui se passe le jour où la fille quitte le ventre de sa mère n’est qu’un avant-goût de ce qui l’attend. C’est le début d’une vie qu’elle doit endurer comme si c’était une « situation blâmable » qui serait constamment exposée à l’intolérance et à la répression. Source : Salman 2003. 172 Rapport arabe sur le développement humain 2009 également, pour la sécurité humaine et le développement. Les attitudes publiques, influencées par la tradition, contribuent à maintenir le silence autour du VIH/sida dans les pays arabes, un silence qui, en empêchant la diffusion des connaissances sur la maladie, participe à son avancée. La dernière partie de ce chapitre va mettre l’accent sue la question du VIH/sida et sur la sécurité humaine. Troisièmement : l’incidence des us et coutumes sur la santé de la femme22 Comme il a été indiqué plus haut, la santé publique est influencée non seulement par les conditions économiques, la stabilité sociale et politique, l’efficacité et la qualité des systèmes de santé ; elle l’est également par la somme des croyances et des valeurs dominantes dans la société. Ces dernières ont leur impact sur les attitudes des citoyens à l’égard de la santé et la manière dont ils bénéficient des installations sanitaires et des processus médicaux. Certaines croyances et pratiques répandues ont une grande incidence sur la sécurité sanitaire des femmes. Cela se manifeste dans l’attitude enracinée dans la société consistant à préférer la progéniture mâle, avec tous les effets multiples que cela entraîne et dans les pratiques nuisibles comme la mutilation génitale féminine (MGF). (Le chapitre 4 parle de l’impact grave de cette pratique sur la sécurité personnelle de la femme ; cette partie sera consacrée aux effets de cette pratique sur la santé). Le garçon avant la fille Traditionnellement, dans les familles arabes les plus pauvres particulièrement, la naissance d’un enfant mâle est vécue dans la joie et la liesse. Quant à la naissance d’une fille, elle peut être perçue comme un triste événement pour toute la famille et livre la mère à la pitié des proches et des voisins. Cet accueil négatif du nouveau-né de sexe féminin traduit une prise de position significative pouvant conduire les parents à la négligence et à l’ignorance cruelles de leur fille lors de sa prime enfance et au-delà. L’un des aspects de cette discrimination aux conséquences négatives sur la santé de la femme est l’opinion dominante que l’instruction d’un garçon est plus importante que celle d’une fille. L’une des conséquences évidentes de ce parti pris est que les deux tiers des analphabètes sont des femmes, dans une région où deux personnes sur trois souffrent d’illettrisme. En 2005, environ 40 % des femmes arabes ne savaient ni lire ni écrire. L’analphabétisme compromet la santé des femmes parce qu’il les empêche de connaître les principes fondamentaux de la santé, de l’hygiène, et du système d’alimentation, ce qui met en danger la santé de la femme et celle de sa famille. En outre, l’analphabétisme et le faible niveau de connaissance contribuent à perpétuer les coutumes et les pratiques nuisibles à la santé qui peuvent parfois être mortelles. Ces dernières incluent, à titre d’exemple, la grossesse précoce ou à un âge avancé, ce qui constitue de sérieux dangers pour la santé de la femme et celle de ses enfants, qui risquent d’être nés avec des anomalies congénitales. Les traditions avant la santé des femmes Comme il a été indiqué dans le chapitre 4, les mutilations des organes génitaux des femmes en âge de procréer se pratiquent encore largement dans les pays arabes. Le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) évalue le taux de cette pratique comme suit : Djibouti (93 % des femmes), le Soudan (90 %), la Somalie (98 %), l’Égypte (95,8 %), la Mauritanie (71,3 %) et le Yémen (22,6 %)23. La mutilation génitale féminine (MGF) est généralement pratiquée entre l’âge de huit ans et l’âge de dix ans ; certaines filles s’y soumettent ultérieurement, surtout avant le mariage. Cette pratique est fondée à l’origine sur une interprétation erronée ou trompeuse des enseignements religieux et de la culture populaire selon lesquelles cette pratique conserverait à la femme sa chasteté et compterait parmi les exigences du mariage « vertueux », dans une société où toute la culture est centrée sur l’homme. Dans tous les cas, cette pratique est fortement préjudiciable à la santé des femmes. Les filles sont souvent forcées de subir une opération, sans anesthésie d’ailleurs, effectuée généralement par des personnes non qualifiées, entre autres, les sagesfemmes, les coiffeuses, et les barbiers ayant été autorisés à pratiquer la circoncision, et qui utilisent souvent des instruments non stérilisés, dans des lieux insalubres. Parmi les nombreuses complications possibles pour la santé, certains risques sont immédiats et d’autres à long terme. Les dommages psychologiques : les dégâts subis par la jeune fille suite à la cruauté de cette opération laissent chez elle des séquelles pour la vie24. Les complications possibles qui s’ensuivent risquent de conduire à un choc nerveux, proba blement mortel. Le choc hémorragique : ce genre de choc résulte de l’endommagement des tissus et vaisseaux sanguins dû à l’ignorance des exécuteurs de cette opération des règles les plus élémentaires de l’anatomie. Les cas de décès sont si nombreux parmi les jeunes filles qui subissent ce genre d’opération, bien que les cas déclarés soient rares, car les parents et ceux qui exécutent l’opération en question les signalent rarement, de peur de comparaître en justice. Dans certains cas, quand l’hémorragie est moins aiguë, les plaies sont traitées par un mélange de substances traditionnelles insalubres, comme le sont, par ailleurs, les instruments et les mains de ceux qui effectuent l’opération. Les infections : les jeunes filles risquent fréquemment de contracter le microbe du tétanos, le VIH et l’hépatite B et C. Ces infections peuvent affecter l’appareil urinaire et les reins, ce qui conduit parfois à la formation de kystes, à de nouvelles infections voire à l’insuffisance rénale. L’utérus et les trompes de Fallope peuvent aussi être infectés, ce qui peut entraîner la stérilité. La lente guérison des blessures provoquées par la MGF entraîne un ensemble de susceptibilités et de douleurs physiques atroces et de souffrances psychologiques qui surgissent ultérieurement dans la vie de la femme, altérant ainsi les relations conjugales, et rendant la grossesse et l’accouchement difficiles. La MGF est fortement préjudiciable à la santé des femmes Quatrièmement : la gestion des systèmes sanitaires De nombreuses études récentes ont jeté la lumière sur les réalisations des systèmes sanitaires et les défis auxquels ils font face dans les pays arabes25. Dans un rapport de l’OMS sur les systèmes sanitaires pour l’an 200026, les États arabes sont classés au bas de l’échelle quant aux résultats La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite 173 La protection sanitaire continue de souffrir de problèmes chroniques relatifs à la bonne santé, à la capacité de répondre aux besoins des consommateurs, et au financement équitable. En outre, il existe d’importantes différences organisationnelles historiques entre les systèmes sanitaires arabes, ce qui rend la comparaison difficile entre eux. Néanmoins, plusieurs observations pourraient être faites sur l’ensemble des systèmes sanitaires arabes27 dont l’étude serait utile vu leur importance pour la sécurité humaine. 1. Conceptions étroites Pour la plupart des gens, la notion de « système sanitaire » désigne le système de protection sanitaire. Sous l’angle de la sécurité humaine, cette définition reste insuffisante. Si nous avions à adopter une définition plus globale de la notion de « système sanitaire » de manière à ce qu’elle comprenne toutes les activités ayant un impact direct sur la santé comme la garantie d’une nutrition adéquate, des denrées alimentaires fondamentales suffisantes et l’accès des citoyens à l’eau potable, ces questions peuvent acquérir une plus grande importance lors de la formulation des politiques de la santé. Ceci, à son tour, permettrait d’avoir des résultats positifs dans le domaine de la sécurité humaine. Malheureusement, les politiques sanitaires dans les pays arabes n’adoptent pas cette vision globale, et ne soumettent pas ces questions au débat public. Ce qui est courant par contre, c’est que les dispositions et les méthodes de distribution des produits liés directement à la santé, ainsi que les questions fondamentales de la nutrition, de l’alimentation et de l’accès à l’eau potable, sont très souvent laissées, sans aucune coordination, aux soins d’instances non concernées par la santé, telles que le ministère de l’agriculture. 2. Des services sanitaires inéquitables, de niveau inférieur et parfois adossés sur une approche purement technique Pendant des décennies, plusieurs États arabes ont investi de grosses sommes dans le secteur de la santé, principalement en matière de services de protection sanitaire. Pourtant, malgré ces investissements, cette dernière continue de souffrir de problèmes chroniques. Voici un certain nombre d’observations importantes à cet égard : 174 Rapport arabe sur le développement humain 2009 • Plusieurs personnes manquent encore de certains services fondamentaux dans le domaine de protection sanitaire (dont, par exemple, la protection sanitaire gratuite des nourrissons). Cela est particulièrement vrai pour les groupes marginalisés en milieu urbain et dans les zones rurales. • Les hôpitaux épuisent d’énormes quantités de ressources dans les pays arabes, et les ministères de la santé dans lesdits pays dépensent plus de la moitié de leurs budgets sur les services médicaux dépendant des hôpitaux. En fait, certains hôpitaux publics et privés dans les pays arabes connaissent une renommée internationale. Toutefois, il existe de sérieuses disparités entre leurs niveaux de performance : les milieux urbains bénéficient d’une couverture sanitaire plus large que celle des zones rurales, et il n’y a pas de coordination entre les secteurs public et privé. • Un certain nombre de gouvernements arabes ont tenté d’améliorer les services de protection sanitaire fondamentale offerts au public. Toutefois, ces tentatives restent incomplètes dans la plupart des pays arabes et sont subordonnées au système de protection sanitaire existant et aux hôpitaux de troisième ordre. • Le secteur de la santé publique est largement critiqué pour sa mauvaise qualité, pour l’absence des compétences, pour son incapacité à répondre aux besoins des patients et le renvoi fréquent de ces derniers au secteur privé. Le Bureau régional de l’OMS a mis en garde contre les effets dangereux d’une telle situation28. Il a défini des déficiences à plusieurs niveaux : l’évaluation des besoins réels, l’adoption de méthodes appropriées de conventions et d’achat, l’existence d’installations adéquates, l’entretien préventif, l’utilisation rationnelle des ressources et l’intransigeance sur le plan de la qualité. Le marché du matériel et des équipements médicaux dans les pays arabes est considéré comme une entreprise rentable29 qui nécessite plus d’investissements. Ceci est important pour le secteur de la protection sanitaire, car il est reconnu que la disponibilité de la haute technologie peut augmenter la demande. Toutefois, les coûts de la Figure 7-10 « Le tourisme médical » épuise de précieuses devises La plupart des États arabes réservent des montants relativement dérisoires au secteur de la santé Disparités dans les dépenses sanitaires dans les pays arabes, 2004 1 000 900 800 700 600 500 400 300 200 100 La part individuelle des dépenses sanitaires pour 2004 (équivalent au pouvoir d’achat en USD) Source : PNUD 2007. La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite 175 Bas revenu Comores Mauritanie Yémen Soudan Syrie Revenu moyen Djibouti Maroc Algérie Libye Égypte Tunisie Liban Jordanie EAU Haut revenu Oman Koweït 0 Qatar Le financement de la santé, dans la plupart des pays arabes, varie entre 2,4 et 6 % du PIB. Ce pourcentage est plus élevé au Liban et en Jordanie (12 et 10 % respectivement), et plus bas à Qatar et en Somalie (2,4 et 2,6 %, respectivement). Les écarts évidents dans la région se voient dans le financement effectif de la santé. Cette différence varie entre 25 USD et 871 USD par habitant. Les arrangements actuels pour le financement de la protection sanitaire ont aussi un impact majeur sur la sécurité humaine. Car, à l’exception des pays arabes du Golfe, la plupart des États arabes réservent des montants relativement dérisoires au secteur de la santé. Dans de nombreux pays à bas et moyen revenu, où les dépenses privées en matière de santé sont comprises entre 20 et 72 % du total des dépenses sanitaires, les gouvernements dépensent peu dans le secteur de la santé. Une exception cependant : Djibouti et le Liban, où le financement public de la santé, proportionnellement aux dépenses totales du gouvernement, dépasse la moyenne mondiale. En termes de financement absolu, les pays riches en pétrole font de gros investissements, Arabie saoudite 3. Le financement de la santé est généralement insuffisant toutefois, ces sommes ne se traduisent pas en couverture sanitaire équitable pour toute la population. Le financement de la santé par le secteur privé ne compense pas les dépenses totales, car les programmes d’assurancemaladie, concernant les fonctionnaires et constituant les principaux canaux de financement privé des services sanitaires dans les pays développés ne fournissent que de maigres avantages. Ceci constitue des charges importantes en matière de santé pour les citoyens arabes et leurs familles31. Comme l’illustre la figure 7-12, la dépense individuelle de santé dans 19 pays arabes sur 20 ayant fait l’objet de l’étude est très élevée en comparaison avec celle d’autres régions du monde. Cela a un grand impact sur les familles à bas revenu, car lorsqu’une maladie grave ou coûteuse attaque le père de famille, elle peut plonger la famille dans la pauvreté. Même les familles à revenu moyen sont exposées aux risques, car leur pouvoir d’achat est limité, alors que le coût de la santé est en hausse avec l’adoption généralisée des politiques du marché dans ce secteur, qui ne prennent pas en compte les niveaux de revenu des différentes couches. Bahreïn haute technologie, en plus des coûts de la protection sanitaire pourraient épuiser d’importantes ressources dans l’économie des pays à bas et à moyen revenu. De nombreux pays arabes ont construit des centres régionaux pour attirer les patients qui souhaitent jouir des services médicaux de haute technologie. Et comme les personnes aisées, même dans les pays pauvres, sont les seules à pouvoir traverser les frontières nationales à la recherche de protection sanitaire, « le tourisme médical » épuise de précieuses devises (le dollar) dans leurs pays d’origine. Au Yémen, par exemple, 29 % environ du total des dépenses privées et publiques, est utilisé pour des traitements à l’étranger. En cas de maladie, chaque ménage yéménite dépense de son argent propre environ deux rials sur trois consacrés par l’État à la protection sanitaire30. Ceci, à son tour, exerce une pression sur les gouvernements pour construire des centres de haute technologie qui, pour la plupart, sont construits au détriment des services sanitaires préventifs. 4. Les systèmes de santé publique souffrent de l’insuffisance des ressources et de la baisse du niveau de performance Les systèmes sanitaires dans les pays arabes souffrent parfois du manque de compétences dans le domaine de la santé publique, à en juger par la performance inférieure aux attentes de nombreux établissements de la santé publique, Figure 7-11 La part des dépenses sanitaires publiques par rapport au total des dépenses publiques (%) dans 20 pays arabes, 2005 % 14 l’incapacité de la structure actuelle à sensibiliser le public aux questions de santé, la rareté des professionnels spécialisés en la matière, le rang inférieur qu’occupe la santé publique dans la prise des décisions gouvernementales. Cette situation se reflète à son tour, dans les impressions et les perceptions populaires négatives sur la performance du secteur de la santé publique. À cause de ces insuffisances, le secteur sanitaire n’est pas suffisamment préparé pour s’acquitter des tâches nécessaires à assurer la sécurité de la santé publique. 5. Problématique de l’administration dans les systèmes sanitaires 12 10 8 6 4 2 Irak Monde Maroc Mauritanie Oman Yémen Koweït Libye Tunisie Syrie Égypte Soudan Comores Jordanie Arabie saoudite EAU Qatar Algérie Liban Bahreïn Djibouti 0 Source : Banque mondiale 2008. Figure 7-12 La part individuelle des dépenses sanitaires par rapport aux dépenses sanitaires privées (%) dans 20 pays arabes, 2005 % 100 90 80 70 60 50 Dans les institutions sanitaires arabes, l’administration souffre d’une bureaucratie hiérarchique et inefficace, dont les objectifs politiques sont souvent en contradiction avec la promotion de la santé publique. Les hauts fonctionnaires, dont le pouvoir et les intérêts se trouvent à l’extérieur des hôpitaux ou des cliniques, exercent leur pouvoir au sein de ces institutions également. La gestion de ces institutions est souvent menée sous l’influence des recommandations, des normes et des vieux systèmes incompétents, souvent sans aucune valeur. Quant aux motivations dans de tels systèmes, elles fonctionnent contre toute attente, ce qui ne manque pas de freiner l’innovation, l’initiative et le développement du niveau des compétences. En outre, le contrôle hiérarchisé risque d’empêcher les institutions sanitaires de s’adapter et d’être en harmonie avec la participation populaire et la participation nécessaire pour atteindre les objectifs de la sécurité humaine. 40 6. Manque de visibilité concernant les facteurs déterminants et fondamentaux de la santé 30 20 10 Oman Arabie saoudite Monde Bahreïn Liban Maroc Jordanie EAU Qatar Tunisie Koweït Algérie Yémen Égypte Soudan Djibouti Syrie Mauritanie Libye Irak Comores 0 Source : Banque mondiale 2008. *Note : La dépense sanitaire individuelle est une dépense directe versée par les ménages, y compris les gratifications et les paiements en nature, aux praticiens de la santé et aux fournisseurs de produits pharmaceutiques, d’appareils thérapeutiques et d’autres produits et services dont le principal objectif est de contribuer à l’amélioration ou au renforcement de l’état de santé des individus ou des couches de population. Elle fait partie des dépenses privées de la santé. 176 Rapport arabe sur le développement humain 2009 Les systèmes sanitaires arabes actuels ne confirment pas suffisamment l’ensemble des facteurs sanitaires déterminants, importants et indirects, reconnus par les responsables du développement humain, tels que la qualité et le niveau de couverture dans les domaines de l’enseignement, de la participation des femmes et de la justice sociale et économique. Ces systèmes ne disposent pas de l’état d’esprit nécessaire pour aborder des facteurs clés tels que le genre, la classe sociale, l’identité et les considérations ethniques, qui ont tous des effets évidents sur la sécurité humaine. 7. Répartition inégale des professionnels et des aides-soignants dans le domaine de la santé À l’exception des pays arabes les plus pauvres, comme la Somalie, le Soudan et le Yémen (où il y a moins de 50 médecins pour 100 000 habitants), la majorité des pays arabes disposent d’un nombre relativement acceptable de médecins par rapport au nombre des habitants, bien que la plupart des médecins dans les pays arabes du Golfe soient des immigrés. Néanmoins, les médecins ne sont pas répartis équitablement au sein de leur pays, puisque la plupart d’entre eux se concentrent dans les zones urbaines. Le nombre de praticiens dans le secteur de la santé publique : dentistes, infirmiers et assistants médicaux, est très insuffisant et leur répartition entre le milieu urbain et les zones rurales, et entre les hôpitaux et les centres principaux n’est aucunement équitable. Les pays arabes souffrent d’une forte « fuite des cerveaux », en particulier parmi les professionnels de la santé, à partir des pays à bas revenu ou moyen revenu, vers les États du Golfe à haut revenu, ou vers les pays de l’Amériquedu Nord et de l’Europe. Le syndrome d’immuno déficience acquise (sida) : une menace qui préoccupe tout le monde32 Selon les données de l’OMS, le sida est moins répandu, dans la région arabe, que de nombreuses autres maladies, notamment la malaria, l’insuffisance hépatique, et les maladies respiratoires. À titre d’exemple, le nombre des tuberculeux dans les pays arabes33 est 400 fois supérieur à celui des personnes atteintes du sida. En effet, le VIH est probablement moins répandu dans les pays arabes que dans d’autres pays en développement. Néanmoins, il n’y a aucune raison de faire preuve de complaisance à ce propos. Ce virus destructeur ne peut être combattu que par une plus grande sensibilisation du public, et à travers des méthodes scientifiques de prévention. En outre, il existe d’autres bonnes raisons de se pencher sérieusement Encadré 7-6 Garantir la sécurité dans le domaine de la santé publique – Les fonctions fondamentales d’un système efficace • Surveiller et analyser la situation sanitaire. • Élaborer et appliquer les règlements de santé. • Relever les dangers et les sources de préjudice et leur impact sur la santé publique, les contrôler et les analyser. • Évaluer la possibilité d’accès aux services nécessaires de santé et veiller à assurer cet accès dans la pratique. • Améliorer la qualité de santé et la sensibilisation du public aux questions de santé. • Développer et former un personnel sanitaire spécialisé. • Encourager la participation des communautés locales et permettre aux citoyens d’obtenir des services sanitaires. • Garantir la qualité des services sanitaires. • Établir des politiques et développer des performances institutionnelles dans les domaines de planification, de gestion et de coordination dans le secteur de la santé. • Effectuer des recherches pour trouver des solutions créatives aux problèmes de la santé publique et mettre en œuvre de telles initiatives • Atténuer les impacts sur la santé, en cas d’urgence et de catastrophes. Source : L’équipe du rapport. sur la nature de cette maladie et sur les caractéristiques de son extension dans les pays arabes. Un danger tenace, imminent et mal compris Le VIH ou le syndrome de l’immunodéficience acquise est une maladie mortelle, provoquée par le virus de l’immunodéficience humaine. Le VIH détruit la capacité du corps à lutter contre les infections et la maladie, et peut à la fin conduire à la mort. Actuellement, le traitement antirétroviral est disponible et peut ralentir la réplication du virus et peut grandement améliorer la qualité de vie, mais il n’élimine pas la maladie. À la fin de 2006, le nombre cumulatif de personnes atteintes du VIH depuis sa découverte en 1981 s’élève à environ 65 millions, et le nombre de décès à cause du sida dans le monde entier avait atteint un total d’environ 32 millions, c’est-à-dire qu’aucune autre maladie n’a causé dans l’histoire de l’humanité34. Les pays arabes ne sont pas à l’abri de ce danger. Selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), plus de 31 600 adultes et enfants, dans ces pays, sont morts du sida en 2007, (80 % de ces décès sont survenus La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite Les médecins ne sont pas répartis équitablement au sein de leur pays Les pays arabes souffrent d’une forte « fuite des cerveaux » parmi les professionnels de la santé 177 Ceux qui vivent avec le virus VIH sont parfois privés de leurs droits de l’homme les plus fondamentaux Tableau 7-1 État au Soudan). Il faut noter, aussi, l’augmentation relative du nombre de personnes atteintes du sida. 90 500 nouveaux cas ont été détectés, entre 2001 et 2007, dans les pays arabes dont 50 000, rien qu’au Soudan. Le pouvoir destructeur du VIH ne réside pas uniquement dans son action sur le corps, mais aussi dans le déshonneur social qui l’accompagne. Ceux qui vivent avec le virus sont parfois privés de leurs droits de l’homme les plus fondamentaux : ils risquent d’être licenciés et privés de formation et de promotion. Leurs enfants peuvent être également privés de précieuses opportunités, et se voir refuser les soins des médecins, ils risquent même de devenir l’objet d’humiliation et de maltraitances. En outre, il arrive que les personnes séropositives ne prennent conscience de leur état que longtemps après qu’elles soient atteintes. Dans de tels cas, le virus peut rester dans le corps pendant une longue période. Souvent, celles qui pensent être infectées évitent de faire les examens médicaux nécessaires, par honte ou par crainte du déshonneur et de la discrimination. Celles qui connaissent leur état s’abstiennent souvent d’informer les êtres qui leur sont très proches, y compris leurs conjoints, ce qui expose ces derniers à la contagion. Dans de telles conditions socioculturelles qui manquent de transparence, le VIH continue de se propager, alors Estimation du nombre de personnes atteintes du VIH, 12 pays arabes, 2007 Estimation 2007 [Estimation basse-haute] Jordanie < 1 000 [< 2 000] Bahreïn < 1 000 [< 2 000] Koweït < 1 000 [< 2 000] Liban 3 000 [1 700-7 200] Tunisie 3 700 [2 700-5 400] Égypte 9 200 [7 200-13 000] Mauritanie 14 000 [8 300-26 000] Djibouti 16 000 [12 000-19 000] Maroc 21 000 [15 000-31 000] Algérie 21 000 [11 000-43 000] Somalie 24 000 [13 000-45 000] Soudan 320 000 [220 000-440 000] Source : L’ONUSIDA et l’OMS 2008. 178 Rapport arabe sur le développement humain 2009 que peu de programmes sont conçus ou réalisés pour atteindre les principales populations à risque, comme les personnes s’adonnant aux stupéfiants par injection, les prostituées et les homosexuels. Quand on s’aperçoit que les facteurs de risque qui causent cette maladie sont aussi liés à la pauvreté, au déplacement, à la situation des réfugiés, à l’émigration permanente ou temporaire et aux droits des femmes, il devient évident que le VIH/sida est un défi sérieux et à grande échelle pour la sécurité humaine. Faire face à une telle menace n’est possible qu’en suivant une politique de développement multisectorielle et multiniveaux qui s’attaque aux racines profondes de la propagation du virus et qui, en tant que telle, va au-delà de la simple sensibilisation à la santé dans le sens traditionnel du terme. Réévaluation des données Selon les estimations de l’OMS et l’ONUSIDA35, le nombre de personnes séropositives dans les pays arabes était 435 000 au monde en 2007 dont 73,5 % au Soudan. Dans ce contexte, une observation importante s’impose : le nombre estimé des personnes séropositives au Maghreb (en particulier l’Algérie, le Maroc, et la Tunisie) est beaucoup plus élevé qu’au Mashreq (qui comprend l’Égypte, la Jordanie et la Syrie). Cela peut être lié à l’existence de centres de dépistage et de consultation bénévoles d’autres moyens de surveillance au Maghreb, qui de toutes les manières sont plus efficaces que leurs semblables au Mashreq, ce qui explique peut être les chiffres réduits dans l’autre région. Par exemple, l’ONUSIDA estime qu’en 2007, le nombre de personnes ayant le VIH/sida était moins de 1 000 à Bahreïn, en Jordanie et au Koweït. Ces taux relativement faibles contrastent avec le nombre estimé de personnes infectées en 2007 à Djibouti (16 000), au Maroc (21 000), en Algérie (21 000) et en Somalie (24 000). Dans le cas du Soudan, on estime que le nombre est beaucoup plus important, car il s’élève à 320 000. Selon les classifications des épidémiologistes, les épidémies sont soit « généralisées » (elles affectent plus de 1 % de la population totale), soit « intenses » (elles affectent plus de 5 % dans certains groupes de la population et dans certaines régions). Dans la région arabe, les pays dans lesquels l’épidémie a atteint la phase de la généralisation, en 2007, sont le Soudan (1,4 %) et Djibouti (3,1 %)36. La plupart des épidémies se concentrent dans des couches déterminées de populations exposées au risque, comme les consommateurs de drogues par injection, les prostituées et leurs clients, les homosexuels37, les prisonniers, et les filles qui se marient avant l’âge de 18 ans, en particulier, celles qui épousent des hommes beaucoup plus âgés qu’elles38. Une observation significative à propos du Soudan : le pourcentage des femmes séropositives est relativement élevé. Par rapport à une moyenne mondiale de 48 % en 2007, 53 % des adultes séropositifs au Soudan étaient des femmes. Ce pourcentage était de 30,4 % dans les autres pays arabes, pour la même année39, c’est-àdire qu’il était proche de celui existant en Europe occidentale. Certains indices montrent que jusqu’à 80 % des infections, dans les pays arabes, sont transmises aux femmes au sein des relations conjugales. Des études effectuées en Arabie saoudite, par exemple, indiquent que la plupart des femmes séropositives étaient mariées et avaient été contaminées par leurs époux40. Une augmentation du taux des infections parmi les femmes peut refléter le faible pouvoir de négociation des femmes arabes au sein de leurs familles. Pour des raisons, à la fois, économiques, culturelles et sociales, les femmes sont incapables d’exiger de leurs maris de faire des tests du VIH/sida ou d’utiliser un préservatif, lorsqu’elles soupçonnent qu’ils sont atteints du VIH. Tel est le point principal d’intersection entre le rôle des attitudes régressives et celui des croyances en vigueur, dans l’encouragement des pratiques néfastes à la santé des femmes en général, comme cela a été indiqué plus haut, et dans leur impact déterminant sur la vulnérabilité croissante des femmes face au VIH/sida. Un autre fait frappant, dans ce domaine, se manifeste dans la baisse du pourcentage des personnes séropositives, parmi celles qui reçoivent la thérapie, triple combinaison, ou des médicaments antirétroviraux. C’est pourquoi la région arabe est la dernière au monde qui profite de l’avantage Tableau 7-2 Taux comparatifs d’accès aux traitements du VIH/sida dans les pays à bas et moyen revenu, décembre 2003 – juin 2006 Pays Pourcentage des personnes ayant accès au traitement Tous les pays 24 % Amérique latine/Caraïbes 75 % Afrique subsaharienne 23 % Est et sud-est de l’Asie 16 % Europe/Asie centrale 13 % Afrique du Nord/Moyen-Orient 5 % Source : OMS et ONUSIDA 2006. des progrès de la médecine. En 2006, 5 % seulement de personnes nécessitant un traitement dans les pays arabes y ont eu accès, en comparaison avec 75 % en Amérique latine. Même en Afrique, dans les pays subsahariens, une région à revenu plus bas qu’à la région arabe, dont le taux de séropositifs est d’environ 25 millions de personnes, 23 % de ceux qui ont besoin du traitement l’obtiennent41. Ce qui rend cette situation vraiment singulière, c’est que le traitement contre le VIH/sida est maintenant disponible gratuitement dans la plupart des pays arabes. Une augmentation du taux des infections parmi les femmes peut refléter le faible pouvoir de négociation des femmes arabes au sein de leurs familles Voies de transmission du VIH dans les pays arabes Dans la région arabe, le VIH/sida est principalement transmis à travers les rapports sexuels non protégés avec l’autre sexe. En effet, cette voie a transmis la maladie à 67 % des cas connus dans la région arabe. Elle varie entre 90 % en Arabie saoudite, 83 % au Maroc et 64 % en Égypte42. Dans ce contexte, il convient de noter à nouveau qu’un nombre important de femmes séropositives, dans la région, contracte le VIH dans le cadre des relations conjugales. Le deuxième moyen de transmission le plus fréquent est l’utilisation, par les consommateurs de drogues, d’injections contaminées. Au niveau régional, cela représente 6 % des cas de transmission du virus43. En revanche, la transmission du virus par l’intermédiaire des relations sexuelles non protégées entre deux hommes ne constitue pas un pourcentage élevé dans aucun pays arabe, mais l’ONUSIDA et l’OMS croient qu’il y a là une tendance à minimiser ce facteur. La transmission du VIH de la mère La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite La région arabe est la dernière au monde qui profite de l’avantage des progrès de la médecine 179 Prévenir les problèmes de santé est beaucoup plus efficace et moins coûteux que de les traiter après leur apparition à l’enfant représente la troisième cause la plus fréquente de contagion. Quant à la transmission du virus par le sang ou par des instruments médicaux contaminés, et bien que ce mode de transmission représentât une moyenne de 12 % des cas en 2000, le taux est tombé à 3 % en 200544. Le faible taux d’infection par ce mode de transmission revient peut-être à l’amélioration des méthodes de stérilisation, relativement faciles à suivre en ce qui concerne ce virus, ainsi qu’aux examens plus minutieux des stocks de sang et de ses dérivés. Une bonne santé est une condition sine qua non de la sécurité humaine Comme l’illustre ce chapitre, la santé se caractérise par un certain nombre de caractéristiques qui en font une entrée idéale pour discuter et traiter des questions liées à la sécurité humaine. La santé est un point de départ essentiel pour réaliser la stabilité sociale et la croissance économique. C’est une condition fondamentale pour assurer la sécurité humaine et la sécurité nationale – c’est ce que montre l’impact de l’extension du VIH/sida dans certains pays – parce que la santé se recoupe avec de nombreuses autres composantes de la sécurité humaine. Par conséquent, une intervention efficace en matière de santé exige une coopération sûre entre un ensemble de spécialités, de secteurs, de partenaires et d’organismes. En outre, la santé en tant que valeur reconnue internationalement, peut contribuer à construire des alliances étendues qui vont au-delà des frontières nationales, culturelles et ethniques. Ces alliances peuvent, à leur tour, créer des opportunités pour consolider le vaste champ de la sécurité humaine. Priorités des systèmes sanitaires dans les pays arabes Il est généralement reconnu que prévenir les problèmes de santé est beaucoup plus efficace et moins coûteux que de les traiter après leur apparition. En outre, étant donné l’importance de la prévention dans les interventions liées à la santé, elle peut représenter un point de départ idéal pour débattre de la sécurité humaine. La prévention peut offrir aux décideurs et aux 180 Rapport arabe sur le développement humain 2009 professionnels de la santé une meilleure façon d’introduire et d’effectuer des approches assurant des niveaux de santé plus élevés, au profit d’un plus grand nombre de citoyens dans les pays arabes. L’être humain en est le bénéficiaire principal ; il est également un agent principal de changement dans les deux domaines de la santé et de la sécurité humaine. Par conséquent, les programmes de santé les plus efficaces sont ceux qui permettent aux individus et aux sociétés de se sentir propriétaires de ces programmes. La même chose s’applique aux interventions concernant la sécurité humaine, qui insistent sur l’importance de la santé comme étant une condition sine qua non de la sécurité humaine. En outre, mettre l’accent sur la santé comme étant un droit de l’homme est l’une des priorités centrales les plus importantes d’intervention dans les domaines de la santé et de la sécurité. Les constitutions dans de nombreux pays stipulent clairement le droit à la santé. Il est temps d’activer ce droit en mettant l’accent sur les facteurs sociaux, économiques et culturels de la santé et de réformer les systèmes sanitaires en accordant une importance particulière aux écarts relatifs à l’accès des citoyens à ce droit. Et ce, en leur en facilitant les voies tout en tenant à la bonne qualité des services sanitaires. L’accent devrait également être mis sur des priorités compatibles avec des domaines déterminés par le Bureau régional de l’ouest de la Méditerranée, attaché à l’OMS. Ces priorités se résument comme suit : • Développer les capacités administratives des ministères de la santé. • Consacrer des fonds équitables et suffisants au financement des systèmes sanitaires. • Assurer des ressources humaines équilibrées en matière de santé • Permettre à tout le monde d’obtenir des services de santé fondamentaux. • Accroître les moyens susceptibles de présenter les données, de les procurer et de les utiliser. • Définir des interventions à des coûts raisonnables visant les problèmes centraux de la santé. • Développer des programmes pour renforcer le niveau de santé. • Soutenir les initiatives sociétales. • Protéger et préserver la santé dans les situations d’urgence et de catastrophe. • Analyser les facteurs non liés à la santé mais qui en influencent les facteurs déterminants, tels que la mondialisation, la pauvreté, le genre et l’environnement, tout en profitant des leçons tirées. La plupart des réformes des systèmes sanitaires, ont mis l’accent, jusqu’à ce jour, sur les aspects techniques de la réforme et sur l’élaboration des politiques, la prestation des services et les considérations nationales liées à la santé. De manière générale, les projets de réforme en matière de santé dans les pays arabes affirment que leur objectif est d’améliorer l’équilibre entre le coût, l’efficacité et l’équité. Cependant, les professionnels de la santé dans les pays arabes ont noté, en réalité, que les deux premiers facteurs (le coût et l’efficacité) ont été l’objet d’un intérêt plus grand que le troisième (l’équité). En outre, les auteurs de ce Rapport estiment que l’équité et l’égalité constituent les domaines où les interventions sanitaires doivent se faire si leur objectif était de renforcer la sécurité humaine. Les premiers bénéficiaires de cette approche sont les catégories défavorisées, telles que les pauvres et ceux qui subviennent à leurs besoins, en particulier les enfants et les personnes âgées, ainsi que les catégories vulnérables qui souffrent de l’exclusion, telles que les réfugiés, les travailleurs immigrés, ceux qui ont des besoins spéciaux, les minorités et les femmes. Il y a beaucoup à gagner des alliances dans le domaine de la santé publique, en impliquant les organisations de la société civile et les citoyens qui bénéficient des services sanitaires. Il serait également bénéfique d’adopter des dispositifs de prise de décisions auxquelles le personnel de la santé lui-même participera et de donner la priorité à la santé publique tout en renforçant la coopération et la complémentarité dans le domaine de l’équipement des services médicaux, aussi bien entre les États arabes et les institutions médicales qu’entre ces institutions elles-mêmes. Il faut également que la notion de participation aux efforts visant à lutter contre les pratiques enracinées dans la culture populaire et portant préjudice à la santé de la femme soit largement partagée. Par ailleurs, la solidarité et la coopération Sondage sur la sécurité humaine – Impressions répandues et prise de conscience générale du VIH/sida Encadré 7-7 À quel point le VIH/sida constitue-t-il une menace dans votre pays ? Le Maroc est le seul pays où la majorité des réponses considèrent que le VIH/sida constitue une vraie menace (60 %). En revanche, dans le Territoire palestinien occupé, un pourcentage similaire estime que le VIH/sida ne constitue aucune menace. À l’exception du Maroc, 20 % des réponses dans les trois autres pays reconnaissent que le VIH/sida est une menace réelle. La moitié des personnes interrogées au Liban estime que la maladie est une menace, mais maîtrisable. Les Koweïtiens étaient partagés entre ceux qui pensaient que le sida ne constituait aucune menace et ceux qui croyaient qu’il était maîtrisable. 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Liban TPO Menace principale Maroc Koweït Menace maîtrisée Aucune menace Quel est le nombre de voies de transmission du VIH/sida ? Fait surprenant ! Les Palestiniens qui croient que le virus ne constitue pas de menace, sont les mieux informés sur la façon dont il est transmis. La moitié des Palestiniens interrogés ont pu identifier correctement 5 voies de transmission du virus ; 35 % ont pu en identifier 4. En revanche, le pourcentage de ceux qui ont identifié 5 voies de transmission était de 44 % environ au Maroc, 27 % au Liban, et 25 % au Koweït. Le taux de ceux qui pouvaient nommer 4 moyens de transmission était plus élevé au Koweït, suivi par le Liban. Une observation empirique à tirer de cet échantillon, certes modeste, c’est l’existence d’un lien réel entre la connaissance du public de la manière dont se transmet le VIH/sida d’un côté et les faibles taux d’infection de l’autre. 60 50 40 30 20 10 0 Liban 0 TPO 1 2 Maroc 3 entre les institutions gouvernementales, les organisations de la société civile, les hommes de religion, les médias et les associations de femmes constituent un moyen pour les pays arabes de se débarrasser de l’accumulation des ignorances, des aspects négatifs de la culture populaire, et de la discrimination contre la femme, qui ont tous ensemble contribué à la pérennisation La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite 4 Koweït 5 L’équité et l’égalité sont les domaines où il convient d’intervenir en vue de renforcer la sécurité humaine 181 de ces situations. L’enseignement joue un rôle décisif dans la sensibilisation aux dangers de ces pratiques ; de même qu’il faut recourir à l’autorité de l’État et aux textes de loi pour interdire les pratiques préjudiciables à la santé des enfants et des femmes, tout en sanctionnant ceux qui les encouragent ou y participent. De cette manière, les stratégies nationales de lutte contre le VIH/sida doivent regarder au-delà des aspects liés uniquement à la santé. Car la maladie se meut également dans un contexte culturel, social et économique. Il faut également abandonner les anciennes orientations concernant le VIH/sida. Dans ce domaine, le fait d’avoir échoué à accorder la priorité qui se doit à ce défi, le déni de son existence, l’étouffement du débat général à ce sujet, l’attribution de ses causes aux 182 Rapport arabe sur le développement humain 2009 étrangers, l’exploitation des craintes chez la majorité des gens afin d’accroître la souffrance des victimes par le biais de pratiques discriminatoires aggravent la situation dans les pays arabes. La nouvelle méthode de travail doit commencer par l’interprétation de ce défi comme une menace croissante pour la sécurité humaine individuelle et collective dans la région. Cette nouvelle méthode doit également avoir la sympathie du public, être soutenue par la connaissance et fondée sur l’instruction générale ; Elle doit instaurer les bases du dépistage volontaire et permettre d’offrir gratuitement le conseil et le traitement aux personnes séropositives comme étant une priorité absolue. À cela doit s’ajouter la nécessité de renforcer la coopération régionale et internationale dans ce domaine. Notes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 PNUD 1994. CHS 2003 (en arabe). Fidler 2003. Kelle 2007. OMS 2005 (en arabe). Kelle 2007. Gutlove 2002. Mohammed Fouad et Samer Jabbour 2004 (en arabe). Tabutin and Schoumaker 2005. Sauf indication contraire, les données citées dans cette partie sont tirées du Rapport sur le développement humain 2007/2008, publié par le PNUD. Certains chiffres peuvent différer de ceux cités dans d’autres sources, comme l’OMS/EMRO. Toutefois, ces différences sont insignifiantes. UNICEF 2007. OMS 2007. Selon l’OMS, les maladies transmissibles ou infectieuses sont causées par des micro-organismes pathogènes, tels que les bactéries, les virus, les parasites ou les champignons. Ces maladies peuvent se transmettre, directement ou indirectement, d’une personne à une autre. Les maladies zoonotiques sont des maladies infectieuses qui peuvent devenir contagieuses si elles sont transmises à l’homme. Parmi les maladies transmissibles, figurent : le choléra, l’hépatite B et C, la malaria et la tuberculose. [http ://www.who.int/topics/infectious_diseases/en/] Iqbal 2006. Sibai and Alam 1991. Al-Jawadi and Shatha 2007 Il convient de souligner ici que les effets d’une telle situation sont importants non seulement dans le cas de décès prématuré ou de la maladie des mâles qui subviennent aux besoins de la famille mais, également, dans le cas des femmes qui, bien qu’elles ne jouent pas nécessairement un rôle dans l’économie officielle, offrent néanmoins des services inestimables pour assurer la sécurité et le bien-être de leurs familles. Les dépenses de santé coûteuses se définissent comme supérieures ou égales à 40 % du revenu familial disponible. Ce mouvement a été critiqué par des membres de la société civile et des activistes, car il invite à considérer la santé comme un produit plutôt que comme un droit de l’homme. OMS 2003. OMS 2005a. Lafteya El-Sabae, en arabe, document de base pour le rapport. OMS 2008a. OMS 2008a. OMS 2004. Abdullatif 2006. Jha and Chaloupka (eds.) 2000. OMS 2000 (en arabe). OMS 2006b. OMS 2005b. OMS 2005b. Khadija Moalla, en arabe, document de base pour le rapport. Banque mondiale 2008b. ONUSIDA 2006. ONUSIDA et OMS 2008. ONUSIDA et OMS 2008. ONUSIDA et OMS 2005a. ONUSIDA et OMS 2006b. ONUSIDA et OMS 2008. ONUSIDA et OMS 2005a. ONUSIDA et OMS 2006c. OMS 2008b. OMS 2008b. ONUSIDA et OMS 2005b. La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite 183 Chapitre 8 Occupation, intervention militaire et insécurité humaine L’occupation et l’intervention militaire exposent la sécurité humaine à la violence sur trois plans : institutionnel, structurel et matériel L’occupation et l’intervention militaire ont des effets composés L’occupation et l’intervention militaire exposent la sécurité humaine à la violence sur trois plans : institutionnel, structurel et matériel1. Sur le plan institutionnel, elles constituent une violation du Droit international interdisant l’usage de la force entre États sauf en cas de légitime défense. En outre, elles annulent les lois en vigueur dans le pays occupé, allant même jusqu’à la formation d’un gouvernement qui se soucie plus des intérêts de la force occupante que de ceux des citoyens. Sur le plan structurel, une telle situation peut engendrer de nouvelles conditions influant sur la répartition des richesses et du pouvoir, ce qui pourrait approfondir la discorde entre les habitants. Sur le plan matériel, l’occupation ou l’intervention militaire s’impose par la force, entraînant une résistance par la violence ainsi que de graves atteintes et dégâts au sein des citoyens du pays occupé, comme parmi les forces de l’occupant. L’une des conséquences d’une telle situation est l’inhibition de l’activité économique, la détérioration des moyens de subsistance et des libertés fondamentales. Ainsi, l’occupation et l’intervention militaire s’opposent aux droits fondamentaux de l’homme, déstabilisant systématiquement la sécurité humaine, en même temps qu’elles retardent énormément le développement humain. Telle est la leçon de l’histoire qui s’applique à toutes les formes d’occupation et d’intervention militaire, sans exception aucune, aussi bien dans la région arabe que dans les autres contrées du monde. Lors de la préparation de ce rapport (fin 2008), trois pays arabes étaient soumis à l’occupation ou à l’intervention militaire : le Territoire palestinien occupé (la Cisjordanie et la Bande de Gaza depuis 1967), l’Irak (depuis avril 2003) et la Somalie (depuis décembre 2006). Le chapitre présent étudie les origines de l’occupation et de l’intervention militaire pour ces trois cas ainsi que les effets composés qui en découlent. Il faudrait, de prime abord, souligner que les impacts pour ces trois cas vont au-delà de la violence institutionnelle, structurelle et matérielle. En effet, l’occupation et l’intervention militaire ébranlent de différentes manières la sécurité humaine dans les pays arabes, qu’ils soient voisins ou non. D’abord, elles génèrent un déplacement transfrontalier et forcé des populations, ce qui constitue un défi humanitaire pour les États voisins, y sème les germes de tension et favorise l’apparition de groupes extrémistes pouvant recourir à la violence. Ensuite, elles renforcent l’attrait pour les orientations prônant la poursuite du cycle de la violence dans la région. Cela suscite des réactions portant préjudice aux droits et aux libertés civiles. Enfin, en tant que menace à la souveraineté nationale, l’occupation et l’intervention militaire permettent aux gouvernements arabes de prendre la protection de la sécurité nationale comme un prétexte pour retarder la marche de la démocratie et continuer à gouverner sans se reporter à la volonté des citoyens. Origines et raisons Les résolutions 446 et 452 du Conseil de sécurité affirment que les politiques suivies par Israël dans la création des colonies ne reposent sur aucun fondement juridique Territoire palestinien occupé : en juin 1967, Israël a occupé des territoires en Égypte (Sinaï)2 et en Syrie (les hauteurs du Golan)3, en plus de la Cisjordanie et Gaza qui étaient respectivement soumises à l’Administration jordanienne et égyptienne depuis 1948. Les gouvernements israéliens qui se sont succédé depuis lors prétendaient être prêts à se retirer de certaines parties de ces territoires en échange de la paix et de mesures susceptibles de garantir la sécurité d’Israël. Par ailleurs, Israël prétend que les formules de la résolution 242 du CSNU (1967) l’autorisent à garder certaines parties de ces territoires, car la version originale (anglaise) de cette résolution fait allusion au « retrait des forces armées israéliennes des territoires » occupés en juin 1967, non de tous les territoires occupés. Cette résolution avait pourtant affirmé « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre ». Israël a élargi la sphère de l’occupation en créant de nouvelles colonies dans ces territoires. Dans ses deux résolutions 446 et 452 (juillet 1979), le CSNU affirme que les politiques suivies par Israël dans la création des colonies ne reposent sur aucun fondement juridique et demande au gouvernement et au peuple israéliens de cesser immédiatement de créer des colonies ou de les construire ou même d’en projeter l’édification. L’Irak : le 20 mars 2003, les États-Unis ont mené une campagne militaire contre l’Irak. Le régime de Saddam Hussein est tombé suite à l’invasion de la capitale, Bagdad, le 9 avril 2003. On avança plusieurs explications à cette campagne, dont la plus répandue est la suivante : L’Administration américaine fut poussée à mener cette campagne préventive en vue d’ôter à l’Irak ses armes de destruction massive et de contrecarrer le soutien apporté par le régime irakien à des organisations terroristes hostiles aux États-Unis, telles qu’al-Qaida4. Les agences de renseignements américaines n’ont pas soutenu 186 Rapport arabe sur le développement humain 2009 de telles justifications avant la guerre ; elles ne les ont pas confirmées après non plus5. Au mois de mai 2003, la résolution 1483 du CSNU a considéré les États-Unis d’Amérique et le Royaume Uni comme « deux forces occupantes », avec tout ce que cela suppose en « attributions, responsabilités et engagements, conformément au Droit international ». En juin 2004, la résolution 1546 du CSNU a considéré la présence des forces américaines et alliées comme une réponse à la sollicitation du gouvernement irakien. La période 2004-2006 connut des élections qui aboutirent à la constitution d’un gouvernement irakien central. Cette période fut caractérisée par les efforts déployés essentiellement par les États-Unis dans le but de rétablir la loi et l’ordre et d’entamer les travaux de reconstruction. Cependant, cette évolution importante ne suffisait pas à vaincre la vague de mécontentement croissant que le peuple manifestait à l’égard de la présence militaire. En novembre 2008, les États-Unis et l’Irak ont signé un accord6 stipulant le retrait des forces américaines du territoire irakien le 31 décembre 2011. Dans sa déclaration du 27 février 20097, le Président américain a annoncé que « les tâches militaires prendraient fin » le 31 août 2010. La Somalie : Depuis la chute du gouvernement de Siad Berri en 1991, la Somalie a subi deux types d’intervention militaire. La raison déclarée de la première intervention effectuée par les forces américaines en 1992 était de sauver des centaines de milliersde Somaliens souffrant de famine ou victimes de la guerre entre les deux ailes du Parti du Congrès de la Somalie unifiée. L’année suivante, les forces américaines se sont retirées après que leur mission de sécuriser les livraisons de ravitaillement alimentaire urgent a revêtu l’aspect d’une tâche militaire consistant à restituer l’ordre, ce qui a abouti à des affrontements sanglants avec les forces de Mohamed Farah Aidid (Salah Al-Nasrawi, en arabe, document de base pour le rapport). La seconde intervention en Somalie a eu lieu en décembre 2006, lorsque les forces éthiopiennes sont intervenues pour soutenir le gouvernement fédéral de transition (GFT) contre les forces de l’Union des cours islamiques (UCI). Ces dernières avaient réussi à étendre leur domination à certaines régions du pays, notamment au sud, et sur la capitale Muqdisho. Par ailleurs, les forces éthiopiennes ont prétendu être entrées au pays sur une demande du GFT, comme elles ont affirmé que leur installation dans ce pays constituait une simple mesure temporaire en vue de dissuader les menaces de l’UCI8. À cela s’ajoute le fait qu’il existe deux mouvements armés s’opposant au gouvernement éthiopien, œuvrant au sein de la Somalie et bénéficiant du soutien de l’Érythrée. Dès l’entrée des forces éthiopiennes en Somalie, l’Organisation de l’Union africaine (OUA) a dépêché une force de maintien de la paix en application de la résolution 1744 prise par le Conseil de sécurité en décembre 2007. En décembre 2008, l’Éthiopie a déclaré qu’elle allait retirer ses forces de la Somalie après y avoir accompli beaucoup d’actions pour instaurer la paix et la stabilité9. Dans les trois cas précédents, l’occupation et l’intervention militaire constituent une violation du droit international. Ce dernier, qui représente le cadre référentiel régissant actuellement les relations entre peuples et nations, interdit en effet l’occupation par la force des territoires d’autrui ou le recours à la force militaire contre un autre État sauf en cas de légitime défense10. L’intervention dans ces pays revêt une autre caractéristique, celle d’avoir approfondi les divisions de classes, les divisions sociales, confessionnelles et tribales et accentué les tensions et les conflits qui viennent s’ajouter aux luttes dans lesquelles baigne le pays. L’impact de l’intervention militaire sur la sécurité humaine I. Menace à la vie A. L’Irak Les menaces qui planent sur la vie des Irakiens sont corollaires de l’insécurité quasi-totale dans le pays. On peut déceler les causes immédiates de dégradation de la sécurité en Irak – depuis l’invasion menée par les États-Unis – dans l’essence même de l’intervention militaire ayant entraîné la polarisation des forces dans ce pays. En effet, le mécontentement s’est accentué et s’est largement répandu, notamment dans les régions du centre et du sud de l’Irak, à cause des restrictions imposées par l’occupation aux mouvements et libertés des habitants. Les décrets édités par le premier gouverneur provisoire de l’Irak manquaient de perspicacité. En effet, ils ont entraîné la dissolution de l’armée et des forces de l’ordre ainsi que du parti du Baath dont les membres furent bannis des sphères gouvernementales, de même que la dislocation des appareils étatiques principaux. Cela a abouti à la destruction effective des institutions qu’il aurait été possible de solliciter pour le maintien de la sécurité et de l’ordre dans les circonstances que connaît le pays. D’autre part, ces décisions ont provoqué la colère et l’animosité de ceux qui avaient perdu leurs fonctions et leurs revenus. Dans de telles situations, l’Irak a connu des combats sanglants auxquels ont participé de nombreuses parties et pour différentes raisons. La conséquence en était des milliers de victimes. Avec la croissance de l’anarchie, les forces alliées présidées par les États-Unis n’ont pas réussi à honorer leurs engagements quant à la garantie de la sécurité des citoyens irakiens dont une grande partie considérait la présence, l’autorité et les tâches de ces forces comme illégitimes. (Le nombre de soldats américains ayant participé à Encadré 8-1 L’intervention revêt une autre caractéristique, celle d’avoir approfondi les divisions de classes, les divisions sociales, confessionnelles et tribales L’Irak a connu des combats sanglants auxquels ont participé de nombreuses parties ; la conséquence en était des milliers de victimes Le cas particulier du Liban Dans la région arabe, le cas du Liban illustre parfaitement les risques auxquels sont exposés les citoyens à cause de l’intervention étrangère. Ce pays a en effet été plusieurs fois victime de l’occupation israélienne, comme il a souffert de la présence temporaire de forces occidentales – américaines en 1958, italiennes, américaines, britanniques et françaises en 1982. Le Liban a également connu la présence syrienne suite à la sollicitation du Gouvernement libanais, une présence qui a duré de 1976 à 2005. Israël a occupé certaines régions libanaises à plusieurs reprises, dont la plus atroce et la plus vaste était celle de 1982 dans le cadre de l’affrontement avec l’OLP, lorsque les forces israéliennes ont atteint Beyrouth pour se retirer par la suite vers le sud du Liban. Bien qu’Israël se soit retirée de la région en 2000, ses raids aériens et attaques armées terrestres se sont répétées sporadiquement. Pendant l’été 2006, Israël a mené sa dernière grande attaque qui a duré 33 jours après que le Hezbollah a franchi la ligne bleue séparant les deux pays, tué trois soldats israéliens et enlevé deux autres. Les rivalités des puissances étrangères se transposant dans les affaires intérieures du Liban ont entraîné parfois la paralysie du Gouvernement et la détérioration de la sécurité aussi bien de l’État que des citoyens. Source : Équipe du rapport. Occupation, intervention militaire et insécurité humaine 187 l’invasion de l’Irak était entre 250 000 en 2003 et 143 000 en septembre 200811, celui des soldats britanniques entre 18 000 au mois de mai 2003 et 4 100 en mai 2008)12. Parmi les autres parties ayant contribué à cette situation se trouvent les agences de sécurité privées. Ces dernières ont été introduites en Irak pour pallier à l’insuffisance des forces américaines en accomplissant certaines de leurs tâches sécuritaires vitales parallèles. Les estimations du nombre de ces agences de sécurité privées étaient trop divergentes. Toutefois, le Bureau fédéral américain pour les statistiques fait état de l’existence de 181 entreprises de ce genre, œuvrant en Irak, avec un effectif atteignant 48 000 personnes13. Quant aux milices irakiennes, elles représentent une troisième composante dans le chaos de ce conflit qui a ravagé le pays. En font partie des groupes armés constitués de mouvements islamistes sunnites, de baathistes et de membres d’al-Qaida infiltrés en Irak sous prétexte de combattre la présence militaire américaine. L’une des évolutions importantes fut la création des Conseils dits de Sahoua (Éveil) constitués par les cheikhs de tribus sunnites en 2007 et encouragés par les forces américaines, dans le but de combattre les membres d’al-Qaida, actifs en Irak. Il y a également les milices chiites dont les plus importantes sont les Brigades de Badr qui dépendent du Conseil suprême de la révolution islamique et l’Armée d’al-Mahdi présidée par Muqtada Figure 8-1 Nombre de morts violentes par jour en Irak, 2003-2006, selon trois sources 1 000 900 800 700 600 500 400 300 200 100 0 Mars 2003-avril 2004 Enquête sur la santé de la Famille en Irak Mai 2004-mai 2005 Compte des cadavres en Irak Juin 2005-juin 2006 Burnham et autres Source : The New England Journal of Medicine 2006. 188 Rapport arabe sur le développement humain 2009 al-Sadr. On trouve également les forces kurdes des Peshmerga qui se chargent de tâches sécuritaires au Kurdistan, au nord de l’Irak. Certaines estimations évoquent le chiffre de 35 milices œuvrant en Irak14, alors que d’autres avancent le chiffre de 7415. Néanmoins, il n’y a pas de sources fiables pour confirmer ces informations. Ces milices sont assez armées et finissent par se transformer en autorité effective ; leur influence s’est accrue si bien qu’il s’avère difficile de coordonner leur action ou de les intégrer dans un seul État dans l’avenir. Deux facteurs ont favorisé la prolifération des milices, à savoir le vide sécuritaire et politique du pays, et la sélection à base ethnique adoptée par les forces étrangères, poussant les forces qui se disputent le pouvoir et les richesses en Irak à asseoir leur autonomie afin d’obtenir ce qu’elles considèrent comme leur juste part des deux. Par ailleurs, non seulement ces milices ont imposé leur domination à la vie publique, mais elles ont aussi la mainmise sur les ressources nationales, telles que le pétrole qu’elles vendent en contrebande hors du pays pour financer leurs activités. Cette situation caractérisée par l’anarchie a entraîné deux conséquences néfastes : la première est l’attachement de plus en plus solide des individus à leurs confessions pour se protéger contre les autres confessions rivales, avec tout ce qui s’ensuit en termes de violence. La deuxième conséquence consiste dans le retrait de larges couches irakiennes de la vie publique, la violence et le terrorisme ayant paralysé leur capacité à s’organiser politiquement et à œuvrer pacifiquement en faveur de la patrie unique pour tous (Salah Al-Nasrawi, en arabe, document de base pour le rapport). En vérité, l’absence d’un consensus général quant à la position à adopter vis-à-vis de l’intervention étrangère a dénaturé le concept de « résistance » et en a accentué la complexité. C’est que ce concept reflète un état de gêne et de perplexité : adopter une position patriotique dont le souci majeur est l’indépendance, ou bien adopter un point de vue étroit qui se contente de défendre les intérêts propres à des groupes et catégories bien précises au sein du pays. Les catégories des victimes de la violence sont aussi variées que les formes de violence subies. La majorité des victimes de cette situation tragique sont des citoyens irakiens de confessions, de croyances et d’origines ethniques différentes. Mais on trouve également des étrangers civils travaillant en Irak, qu’ils soient des fonctionnaires aux Nations Unies ou aux ambassades arabes et étrangères, ou même des employés d’entreprises privées. Des responsables sécuritaires, des hommes politiques éminents dans le Gouvernement irakien ont été victimes de la violence. Néanmoins, les minorités religieuses, notamment les chrétiens des deux confessions chaldéenne et assyrienne, les Yazidis et les Sabéens constituent les couches les plus exposées à la violence parmi les habitants du pays. En effet, pour les contraindre à quitter le pays, ces communautés ont souvent été la cible d’attaques par des voitures piégées et des kamikazes (Salah Al-Nasrawi, en arabe, document de base pour le rapport). Des années après l’intervention menée par les États-Unis, les preuves d’une polarisation sectaire se trouvent partout en Irak où chaque communauté confessionnelle se barricade dans son quartier résidentiel pour se protéger des attaques de l’autre, où les membres d’une confession renient leur identité ou se déguisent si jamais ils se trouvent obligés de pénétrer un quartier barricadé d’une autre communauté confessionnelle que la leur. Les estimations sont disparates quant au taux de mortalité des Irakiens pendant la période allant de mars 2003 à juin 2006. Ainsi, l’organisation Iraq Body Count (IBC, statistique des cadavres en Irak)16 qui puise ses sources dans la presse quotidienne, cite 47 668 cas de décès en Irak à cause de la violence depuis l’invasion. En revanche, une étude effectuée par Burnham et d’autres17 – en se basant sur des informations collectées auprès de 1 849 familles réparties entre 47 échantillons – rapporte que le nombre de décès a atteint 601 027. Un sondage plus vaste et plus récent sur la santé de la Famille en Irak18, effectué par le Gouvernement irakien et portant sur un échantillon de 9 345 familles entre 2006 et 2007, montre que le nombre de décès à cause de la violence atteint 150 000. Les figures 8-1, 8-2 et 8-3 illustrent les estimations disparates des trois sondages mentionnés et celles d’autres sources. Figure 8-2 Estimations du taux de mortalité (pour 1 000), toutes causes confondues, selon la tranche d’âge, le sexe, avant et après l’invasion*, 2002-2006 Décès (pour 1 000) 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 Moins de 15 ans 15-59 ans (hommes) 15-59 ans (femmes) Tous âges Source : The New England Journal of Medicine 2006 * Pour chaque groupe d’âge : avant l’invasion à gauche ; après l’invasion à droite. Figure 8-3 Estimations du taux de mortalité à cause de la violence en Irak (pour 1 000) selon deux enquêtes de terrain*, 2003-2006. Décès (pour 1 000) 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 Mars 2003-avril 2004 Mai 2004-mai 2005 Juin 2005-juin 2006 Source : The New England Journal of Medicine 2006. * Burnham et autres à droite ; à gauche, le groupe d’étude pour l’enquête sur la santé de la Famille en Irak, pour les trois périodes. Quelles que soient les sources adoptées, il est clair que le nombre de décès, résultant de la détérioration des conditions sanitaires ou de la violence, a augmenté depuis l’invasion. Selon un sondage sur la santé de la Famille, le taux de mortalité a en général doublé, passant de 3,17 ‰ habitants avant l’invasion à 6,01 ‰ après. Quant au nombre de décès résultant de la violence, il a décuplé, passant de 0,1 ‰ à 1,09 ‰ après l’invasion. Seule la région du Kurdistan a connu une baisse dans le taux de mortalité, passant de 3,7 à 3,68 ‰ après l’invasion. Par ailleurs, les mortalités dues à la violence – 0,07 ‰ après l’invasion – étaient moins répandues au Kurdistan que dans les autres régions irakiennes. La raison en est que cette Occupation, intervention militaire et insécurité humaine La majorité des victimes de cette situation tragique sont des citoyens irakiens de confessions, de croyances et d’origines ethniques différentes 189 province jouit d’une certaine autonomie vis-à-vis du pouvoir central de Bagdad depuis qu’elle a été proclamée région interdite aux forces aériennes irakiennes, plus de onze ans avant l’invasion. Pour ce qui est des forces étrangères, 4 212 militaires américains ont trouvé la mort depuis le début de la campagne militaire en mars 2003 jusqu’à janvier 200919, ainsi que 178 Britanniques dont des militaires et des civils travaillant au ministère britannique de la Défense jusqu’en décembre 200820. Le nombre de victimes au sein des forces de l’ordre irakiennes était beaucoup plus élevé. Selon un rapport du Congrès américain, le nombre de morts dans les rangs des forces de l’ordre et de sécurité irakiennes est estimé à 5 73621 entre juin 2003 et novembre 2006, alors que les forces américaines auraient perdu 2 196 éléments durant la même période22. Cependant, la situation a commencé à s’améliorer progressivement aussi bien pour les civils que pour les militaires irakiens, à partir de février 2007. Selon un site électronique23, les atteintes au sein des civils ont passé de 1598 en août 2007 à moins de 1 000 en septembre/octobre de la même année et à moins de 500 victimes mensuellement au cours de la période suivante. En février 2008, le nombre de victimes civiles a atteint 443 personnes. Quant aux forces irakiennes, le nombre de morts a diminué à moins de 100 en août de la même année, contre 232 au mois précédent. À l’exception du mois d’octobre 2007, le taux mensuel s’est tenu Encadré 8-2 à 100 depuis lors. En effet, le nombre de victimes au sein des forces irakiennes a atteint 80 personnes en février 2008. De même, le nombre de morts parmi les forces américaines a connu une baisse similaire, atteignant moins de 100 entre juillet et septembre 2007 et moins de 50 depuis octobre de la même année. Au début de mars 2008, le nombre de morts américains avait atteint 4 00024. Quoi qu’il en soit, le nombre des victimes de la violence en Irak a commencé à diminuer après septembre 2007. Les raisons principales ayant contribué à une telle situation sont : a) l’augmentation du nombre des forces militaires américaines, avec un flux imprévu de 30 000 soldats ; b) la stratégie du Général Petraeus s’appuyant sur les tribus irakiennes afin de pourchasser les combattants non irakiens d’al-Qaida ; c) l’augmentation et l’entraînement approprié de l’effectif des forces de sécurité irakiennes ; d) la trêve annoncée par l’armée du Mahdi, présidée par Muqtada al-Sadr, en vertu de laquelle toute attaque contre les forces américaines et la Brigade de Badr ont été interrompues, du moins jusqu’à la rédaction du présent Rapport. À cela s’ajoute le fait que les fortifications ceinturant les quartiers habités par des communautés confessionnelles bien déterminées ont contribué à repousser les autres forces belligérantes et à réprimer les attaques interconfessionnelles. Les prochains jours montreront la nature de l’évolution de la situation sécuritaire et la dimension de la Le compte des morts n’est jamais le même en Irak En 2007, Opinion Research Business (ORB), institution britannique célèbre dans le domaine des sondages d’opinion, a effectué une enquête dont il ressort que plus d’un million d’Irakiens ont trouvé la mort à cause du conflit que connaît leur pays depuis l’invasion menée par les États-Unis en 2003. Ce sondage, portant sur 2 414 adultes interrogés dans des rencontres directes, montre que 20 % des gens ont connu le décès d’au moins un membre de leur famille à cause du conflit en cours. Le dernier recensement général des habitants effectué en 1997 rapporte qu’il y a en Irak 4,05 millions de familles. C’est d’ailleurs le chiffre que l’institution a adopté pour en conclure que 1,03 million de personnes ont succombé à la guerre. La marge d’erreur dans le sondage réalisé en août et septembre 2007 équivalait à 1,7 %, ce qui montre que le nombre de victimes varie entre 258 946 et 1,12 million de personnes. L’institution avait trouvé que le nombre de morts était de 1,2 million de personnes ; mais elle a décidé d’entamer une autre étude dans les régions rurales afin que le sondage soit plus exhaustif. Elle a donc abouti à ce résultat modifié. L’enquête a couvert 15 des 18 provinces irakiennes, mais n’a pas englobé les deux régions les plus instables en Irak – à savoir Karbala et al-Anbâr – et la région d’Arbil au nord du pays, où les autorités locales ont refusé aux chercheurs d’accomplir leur travail. Source : Projet du Rapport sur la sécurité humaine, 2008. 190 Rapport arabe sur le développement humain 2009 montée des milices armées après le retrait progressif des forces américaines de l’Irak. B. le Territoire palestinien occupé Les droits essentiels de l’homme sont souvent violés dans le TPO. Depuis le déclenchement de l’Intifada d’al-Aqsa le 29 septembre 2000, ces violations se sont accentuées. La plupart des risques et périls qui menacent la sécurité des Palestiniens proviennent des forces israéliennes. Depuis quelque temps, les conflits au sein des organisations palestiniennes constituent une autre menace pour la sécurité des Palestiniens. En l’absence d’un compromis politique éventuel avec Israël, les conflits entre ces organisations ont pris de l’ampleur, notamment entre le Fath et Hamas. Ils ont atteint leur paroxysme avec l’effondrement du gouvernement d’unité nationale qui avait rassemblé les deux ailes principales de l’Autorité nationale palestinienne (ANP). Cet effondrement a succédé aux affrontements armés entre les deux camps, ayant pour résultat l’accès du Hamas au pouvoir à Gaza, en juin 2007. Le Président de l’ANP a constitué un gouvernement parallèle à Ramallah. Mais depuis lors, chacune des deux parties prétend être le représentant légitime unique du peuple palestinien. Lors de la préparation de ce rapport en janvier 2008, la trêve entre Israël et Hamas avait déjà pris fin. Israël avait en effet riposté aux missiles que le Hamas Tableau 8-1 Figure 8-4 Morts à cause de la violence dans le TPO et en Israël, en fonction de la nationalité des victimes et des agresseurs, 2000-2008 8,9% 11,1% 0,2% 0,8% 5,2% 73,2% 0,7% Palestiniens tués par les forces de l’ordre israéliennes Palestiniens tués par des civils israéliens Civils israéliens tués par des Palestiniens Éléments des forces de l’ordre israéliennes tués par des Palestiniens Ressortissants étrangers tués par des Palestiniens Ressortissants étrangers tués par les forces de l’ordre israéliennes Palestiniens tués par des Palestiniens Source : B’Tselem 2008. avait lancés par une campagne militaire de grande envergure contre Gaza. Cette ville souffrait déjà du blocus israélien depuis que Hamas avait dominé la Bande en juin 2007. Cette campagne, tant décriée par l’opinion internationale à cause de l’usage disproportionné de la force25, a provoqué un nombre considérable de blessés parmi les civils (dont un chiffre important Nombre de morts suite aux affrontements dans le Territoire palestinien occupé et en Israël 2000-2008. Nature de l’incident TPO Israël Bande de Gaza Cisjordanie Total 634 318 952 3 Mineurs israéliens tués par des Palestiniens 4 35 39 84 Palestiniens tués dans des assassinats ciblés 279 107 386 Palestiniens visés par des assassinats ciblés 151 82 233 Palestiniens tués par des Palestiniens pour suspicion de collaboration avec Israël 11 109 120 Palestiniens tués par les forces d’occupation israéliennes et qui ont participé aux combats 1 221 467 1 688 60 Palestiniens tués par les forces d’occupation israéliennes sans avoir participé aux combats (exception faite des victimes d’assassinats ciblés) 1 382 840 2 222 5 387 484 871 4 Mineurs palestiniens tués par les forces d’occupation israéliennes Palestiniens dont le rôle est inconnu dans le conflit, tués par les forces d’occupation israéliennes Source : B’Tselem 2008. Occupation, intervention militaire et insécurité humaine 191 Encadré 8-3 La campagne militaire contre Gaza Depuis le début de la campagne militaire israélienne contre la Bande de Gaza en décembre 2008, et jusqu’à l’accord de cessez-le-feu unilatéral déclaré par Israël le 18 janvier 2009, puis par Hamas et les organisations palestiniennes, 1 314 Palestiniens ont trouvé la mort, dont 412 enfants, 110 femmes, en plus d’un plus grand nombre de blessés, selon le ministère palestinien de la Santé. Le nombre de blessés a atteint 5 300, dont 1 855 enfants et 795 femmes. Les attaques israéliennes ont massivement détruit les maisons et l’infrastructure générale et détérioré les canalisations d’eau et les établissements de santé publique et des services médicaux. Par ailleurs, les écoles dépendant des Nations Unies, auxquelles se sont réfugiés les déplacés, ont été bombardées. Les ambulances n’ont pas été épargnées. Certains travailleurs humanitaires ont été tués. Dans plusieurs cas, les malades et les blessés ont été abandonnés, sans aide ni soin. Le 15 janvier 2009, 90 000 personnes ont été déplacées de leurs maisons. Des chiffres alarmants de morts et de blessés parmi les enfants : Depuis le 15 janvier 2009, les enfants constituent 32 % des morts (346). À peu près 1 709 enfants ont été blessés, dont certains ont été atteints de plusieurs blessures. Entre 3 et 14 janvier de la même année, la mortalité infantile a augmenté de 340 %. À Gaza, vivent 800 000 enfants environ, soit 56 % des habitants de la région, l’une des régions les plus densément peuplées du monde. 400 Nombre d’enfants palestiniens tués à Gaza 1-15 janvier 2009 (chiffres du ministère de la Santé) 350 300 250 200 150 100 50 0 01-Jan 03-Jan 05-Jan 07-Jan 09-Jan 11-Jan 13-Jan 15-Jan Invasion terrestre Source : UN-OCHA 2009. Accentuation rapide du déplacement interne : Le nombre des Palestiniens s’étant réfugiés aux constructions de l’UNRWA au ProcheOrient a augmenté de façon accrue au début de l’attaque terrestre israélienne le 3 janvier 2009. Le 8 janvier, 16 000 Palestiniens habitaient dans les bâtiments de l’Agence. Cette dernière procurait déjà le 14 janvier un abri aux 37 937 déplacés palestiniens dans ses 41 constructions et installations. Bien que le chiffre exact de ces déplacés ne soit pas encore connu jusqu’à présent, le Centre al-Mizan pour les droits de l’homme estime leur nombre entre 80 000 et 90 000, dont 50 000 enfants. 14-01-2009 13-01-2009 12-01-2009 11-01-2009 10-01-2009 09-01-2009 08-01-2009 07-01-2009 06-01-2009 05-01-2009 04-01-2009 03-01-2009 Nombre de Palestiniens dans les refuges de l’UNRWA à Gaza 2-14 janvier 2009 02-01-2009 40 000 35 000 30 000 25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 0 Sources : UN-OCHA 2009. 192 Rapport arabe sur le développement humain 2009 d’enfants et de femmes) qui souffraient déjà des effets néfastes du blocus. Le 18 janvier 2009, Israël a annoncé un cessez-le-feu unilatéral, qui a été également annoncé par le Hamas et les organisations palestiniennes le même jour. Plusieurs sources ont confirmé les violations des droits des Palestiniens à la vie et à la liberté. Le présent chapitre se base essentiellement sur les communiqués rapportés par l’organisation israélienne des droits de l’homme (B’Tselem) qui fait état d’un nombre de violations beaucoup plus grand que tous ceux qui ont été présentés par les organismes palestiniens des droits de l’homme, voire par les instances palestiniennes elles-mêmes. B’Tselem offre les informations suivantes sur le nombre des Palestiniens et Israéliens ayant trouvé la mort à cause de la violence en Cisjordanie, à Gaza et en Israël : La figure 8-4 détaille par nationalité des victimes et des agresseurs, d’un total de 5 970, le nombre des morts par violence dans le Territoire palestinien occupé et en Israël entre 2000 et 2008. Il y avait 4 908 morts parmi les Palestiniens et 1 062 parmi les Israéliens. B’Tselem détaille également les incidents ayant occasionné des morts, en majorité parmi les civils palestiniens, comme le montre le tableau 8-1. La lutte entre les différentes parties palestiniennes antagonistes a provoqué la mort d’un très grand nombre de Palestiniens. Cependant, les victimes de ces conflits dont le nombre s’élève à 594 ne représentent qu’un faible pourcentage de la totalité des personnes tuées par les Israéliens26. Cette remarque ne signifie en aucun cas que la violence au sein des milieux palestiniens est moins dangereuse mais vise seulement à situer les faits dans leur contexte réel. En effet, d’après le Bureau palestinien central des statistiques27, le nombre global des Palestiniens atteints par munitions vives, par balles de caoutchouc, par gaz ou par d’autres armes était de 32 569 dans le Territoire palestinien occupé entre janvier 2000 et mars 2008. C. La Somalie Depuis la chute du régime de Siad Berri en 1991, la Somalie n’a jamais retrouvé la stabilité. Tout au long de cette période écoulée depuis lors, beaucoup d’efforts africains, arabes ou onusiens n’ont pas réussi à instaurer un gouvernement unifié capable de maîtriser le pays, notamment les régions qui jouissent d’une autonomie en Somaliland au nord-ouest et en Puntland au nord-est. Lorsque le GFT a été constitué en 2004, il avait d’abord à œuvrer en dehors de Baidoa, au centre du pays. Par ailleurs, il n’avait pu consolider sa présence et s’imposer dans la capitale que grâce au Encadré 8-4 concours des forces éthiopiennes. À l’issue de l’effondrement du régime de Siad Berri, une vague de violence a éclaté. Plusieurs parties locales y ont pris part, dont les nombreuses milices constituées par les chefs locaux ou « seigneurs de guerre », l’armée somalienne et les forces de l’UCI. Les affrontements violents en Somalie ont opposé les milices l’une à l’autre, l’UCI aux milices et au GFT et, finalement, les forces éthiopiennes soutenues par les raids aériens américains à l’UCI. Après l’entrée des forces éthiopiennes à Muqdisho en décembre 2006 pour soutenir le gouvernement fédéral de transition, AbdelQawi A. YusUf* – La Somalie : un État assiégé En Somalie, il y a un État assiégé. Cette entité, fondée le 1er juillet 1960 suite à l’unification des régions qui étaient jusqu’alors sous la tutelle des Administrations anglaise et italienne, risque de se disloquer à cause des tempêtes qui l’assaillent. Le gouvernement fédéral de transition (GFT), issu du 13e congrès pour la réconciliation tenu en 2004, poursuit ses efforts pour asseoir sa domination et réinstaurer la paix et la stabilité à Muqdisho, tout en continuant sa lutte contre les bandes du crime organisé, les anarchistes, les extrémistes islamistes et les séparatistes qui s’opposent à la relance des institutions gouvernementales. Dans de telles conditions, la Somalie demeure un pays menacé de détérioration au point de finir dans un stade primitif de la nature où, pour reprendre l’expression du philosophe anglais Thomas Hobbes, la vie de l’homme est « solitaire, pauvre, désagréable, brutale et brève ». Certains vont jusqu’à considérer que la Somalie a déjà atteint ce stade. Comment alors la situation s’est-elle détériorée à ce point et aussi cruellement ? Dans tous les pays, la préservation de la sécurité humaine incombe à l’État, à ses institutions et à ses appareils. Si donc l’État lui-même est disloqué et vraiment instable, il est difficile d’imaginer comment il pourrait assumer ce rôle vital pour son peuple. Après la chute de la dictature de Siad Berri en 1991, l’État s’est réellement replié pour devenir une miniature de ce qu’il était. Son autorité a failli se limiter à Muqdisho, la capitale du pays. Ayant duré plus de deux décennies, le régime totalitaire répressif a fini par reléguer l’État et ses institutions aux ruines de l’Histoire. Pire encore, les rebelles qui ont conquis la capitale n’y ont semé que ravage et destruction. En effet, ils y ont commis de monstrueux carnages, fusillé les civils uniquement pour leur appartenance tribale. La pourriture a prédominé alors que le pillage des biens de l’État et des propriétés privées n’a fait que s’accentuer. Les banques et les musées ont été pillés, les édifices et les archives de l’État saccagés, les industries et les entreprises publiques démantelées et vendues à l’étranger. Le pillage n’a épargné ni les câbles électriques ni les canalisations d’eau. Tout ce qui a de la valeur a été volé dans le seul but d’enrichir les seigneurs de guerre à Muqdisho et de financer leurs milices. Depuis lors, la Somalie s’est scindée en deux provinces : la première, échappant à tout contrôle, est devenue le siège de l’anarchie et un fief des bandes du crime organisé et des hors-la-loi appelés aussi « parasites » (Moryaan) et des extrémistes islamistes. Les efforts de toutes ces composantes ont concouru pour entraver le fonctionnement des institutions étatiques. La seconde province comprend les régions autonomes nord-est et nord-ouest du pays, c’est-à-dire respectivement Puntland et Somaliland. Le Puntland qui exerce officiellement son autonomie, prétend faire partie intégrante de la Somalie. Quant au Somaliland qui a un gouvernement élu par le peuple, il a déclaré son indépendance vis-à-vis de la Somalie en 1992 bien que son nouveau statut ne soit pas encore reconnu par la communauté internationale. Bien que la séparation du Somaliland constitue un défi pour le GFT, c’est le rôle assigné à ce dernier dans cette province où règnent l’anarchie et l’insécurité qui représente le plus grand danger aussi bien pour l’État et ses institutions en Somalie que pour les pays voisins et la communauté internationale. Dans cette contrée ravagée par l’insécurité, les intérêts sont contradictoires et les pratiques courantes variées : vente des rebuts d’entreprises étrangères, importation de médicaments et produits alimentaires périmés, organisation de camps d’entraînement pour les terroristes, trafic de stupéfiants, pillage des propriétés privées. Dès lors, cette alliance de bandes organisées et d’extrémistes islamistes craint par-dessus tout que les institutions de l’État ne deviennent de nouveau opérationnelles. Tant que le GFT n’a pas réussi à restaurer la loi et l’ordre dans cette région où règne l’anarchie, la sécurité humaine demeurera illusoire en Somalie. Ceci requiert l’aide concertée de l’OUA et de l’ONU et des négociations réussies avec les deux entités autonomes, Somaliland et Puntland, dans le but de constituer un État somalien démocratique et décentralisé. * Expert juridique international de Somalie. Occupation, intervention militaire et insécurité humaine 193 L’ampleur de la crise somalienne actuelle a dépassé de loin ce que le pays a éprouvé durant la dernière décennie Les enfants sont victimes de la violence armée dans plusieurs régions en Somalie 194 les conflits armés se sont accentués, détruisant la capitale et ravageant le pays en général. Lors de la préparation du présent rapport, l’ampleur de la crise somalienne a dépassé de loin ce que le pays a éprouvé durant la dernière décennie. Selon les rapports de Human Rights Watch28, l’effusion de sang des 2 dernières années a fait plus de victimes que les 16 années précédentes d’apatridie et de luttes. En effet, les combats entre les belligérants voulant dominer la capitale ont presque détruit la ville et sacrifié des milliers d’habitants. Du début de 2008 à la fin de septembre de la même année, plus de 2 200 blessés de guerre ont été soignés à l’hôpital de Médina et à celui de Keysaney à Muqdisho. Des dizaines de milliers de citoyens ont été contraints à l’exode. Depuis les débuts de 2007, toutes les parties du conflit à Muqdisho bombardent presque quotidiennement les quartiers de forte densité. L’artillerie aussi bien que les mortiers et les roquettes Katioucha ont été employés de façon aléatoire si bien que l’on pourrait croire que les tireurs ne visaient guère de cible militaire précise ni veillaient à épargner les civils29. Selon le rapport du Secrétaire général de l’ONU sur les enfants et le conflit armé en Somalie30, ces derniers constituent les principales victimes de la violence armée dans plusieurs régions du pays, notamment ceux qui vivent dans des colonies de PDI jouxtant des édifices militaires ou gouvernementaux. Entre le 16 mars 2007 et le 15 mars 2008, le nombre des victimes a cruellement augmenté parmi les civils, notamment à Muqdisho, à cause de la violence entre le GFT et les forces éthiopiennes d’une part et les groupes hostiles au gouvernement – y compris le groupe « al-Shabaab », les éléments restants de l’UCI, la « Hawiya » et d’autres milices claniques – d’autre part. En effet, 1 850 blessés par les armes, dont 217 enfants, ont bénéficié de soins dans l’hôpital de la capitale. Les Observatoires de protection de l’enfance ont enregistré le décès de plus de 125 enfants entre le 16 mars 2007 et le 15 mars 2008, contre 82 cas de décès enregistrés durant la même période entre 2006 et 2007. Au cours des premiers mois de 2008, les enfants ont été exposés à des risques plus grands encore, à cause des bombardements anarchiques, des attaques aux roquettes et aux fusils. Dans la seule Rapport arabe sur le développement humain 2009 période de février à la mi-mai 2008, et lors des échanges de tirs dans deux seuls quartiers de Muqdisho, 33 enfants, dont plusieurs au-dessous de 10 ans, ont été portés blessés graves. En outre, les observatoires de protection des enfants ont rapporté que des enfants avaient été blessés ou tués, à cause des échanges de tirs ou d’attaques aux roquettes ou aux grenades, alors qu’ils étaient chez eux, jouaient au football dans la rue, se rendaient au marché ou étaient sur leur chemin de retour de l’école. Les comportements de toutes ces parties, sans exception, semblent suspects. En effet, elles n’ont réussi ni à avertir les civils des éventualités des combats ni à mettre fin aux razzias ni à encourager les efforts déployés pour sauver les gens en détresse. À cela s’ajoute le fait qu’elles ont maltraité des dizaines de séquestrés au cours de campagnes d’arrestation massive31. II. Menace pour la liberté La détention arbitraire illégale constitue non seulement un autre danger menaçant la sécurité humaine dans ces trois pays, mais une violation du droit fondamental de l’homme à la liberté. Plusieurs événements d’arrestation, d’emprisonnement ou de séquestration et d’enlèvement ont eu lieu de façon arbitraire sans distinction de cas. C’est la situation qui prévaut aussi bien en Somalie qu’en Irak où les forces gouvernementales et les milices antagonistes ne cessent de commettre de telles violations. A. L’Irak Citant le ministère des Droits de l’homme à Bagdad, la Mission d’assistance des Nations Unies en Irak (MANUI) affirme que le nombre des détenus, des arrêtés pour raison sécuritaire et des prisonniers purgeant des peines dans le pays, a atteint 50 595 personnes à la fin de juin 2008. Le chiffre le plus élevé, 56 320, a été enregistré fin mars 2008. Selon le rapport précité, 23 229 étaient détenus par les forces multinationales, 17 152 par le ministère de la Justice, 613 par le ministère du Travail et des Affaires sociales, 5 535 par le ministère de l’Intérieur, 1 060 par le ministère de la Défense32. De plus, selon Human Rights Watch (HRW), les forces multinationales en Irak capturaient encore le 12 mai 2008 quelque 513 enfants irakiens considérés comme « un danger certain pour la sécurité », de même qu’elles ont délivré un nombre inconnu d’enfants à l’autorité irakienne. HRW souligne également que les enfants captifs chez les autorités irakiennes sont exposés à des sévices33. Toujours selon HRW34, l’augmentation du nombre des personnes détenues par les autorités irakiennes et les forces multinationales à travers l’Irak – comme le montre le tableau 8-2 – constitue l’une des conséquences de ces législations irakiennes dont l’interprétation du terrorisme a été une base juridique principale des arrestations et poursuites découlant du « Plan de sécurité de Bagdad »35. Ce plan initié en parallèle avec la croissance des forces américaines en 2007, a engendré l’accentuation rapide du nombre des détenus aussi bien par les autorités irakiennes que par les forces multinationales. Les conditions atroces de détention en Irak sont devenues un phénomène de mauvais renom. En juin 2007, la MANUI a exprimé son inquiétude à propos de la détention de suspects, pour de longues durées par les forces multinationales, sans les présenter devant la justice. La mission onusienne s’inquiétait également à propos des mesures de révision administrative ne remplissant pas les conditions juridiques qui garantissent aux détenus le droit à un procès équitable, conformément aux normes internationales36. Par ailleurs, certaines prisons gérées par les ministères irakiens ont revêtu l’aspect d’établissements secrets de détention. Ce sont les forces américaines qui les ont dévoilées. Tableau 8-2 Or, les mêmes forces américaines ont parfois pratiqué la torture à leur tour, ce qui a suscité une vague de protestations à travers le monde, notamment lorsque quelques chaînes de télévision ont diffusé des scènes de torture infligées aux prisonniers d’Abou Ghraib. En février 2007, le Premier ministre irakien a promulgué un édit dotant les chefs militaires de plus grands pouvoirs pour arrêter les gens et limiter leur droit d’expression et de réunion. Le droit d’arrêter une personne sans même un mandat d’arrêt n’était qu’un des pouvoirs accordés aux chefs militaires au nom de la prévention contre toute escalade du conflit. Les conditions de détention et les pratiques qui les caractérisent constituent des facteurs ayant accentué les tensions politiques. Cela a poussé les forces militaires étrangères et le gouvernement irakien à entamer la suppression des prisons secrètes et à entreprendre la rationalisation des mesures de détention vers la fin de 2007. L’enlèvement constitue, quant à lui, une autre violation de la liberté. Le rapport de la MANUI, ayant trait à la période de juin 2006, note que l’enlèvement est devenu l’un des crimes les plus répandus en Irak. Les ravisseurs demandent des sommes gigantesques aux familles de leurs otages ou expriment même des revendications politiques aux pays dont les otages sont originaires quand ces victimes sont étrangères. Pire encore, les ravisseurs tuent parfois leurs otages bien qu’ils reçoivent des rançons. C’est le cas aussi pour les étrangers dont les pays ne donnent pas suite aux revendications des ravisseurs Nombre total des détenus à travers l’Irak et des détenus par les forces multinationales, 1er janvier 2006-30 juin 2008 Période Nombre de détenus, de personnes arrêtées ou condamnées à des peines de prison à travers l’Irak Nombre de séquestrés par les forces multinationales 1er janvier-28 février 2006 29 565 14 229 1er mars-30 avril 2006 28 700 15 387 1 mai-30 juin 2006 25 707 12 616 er 1 juillet-31 août 2006 35 542 13 571 1er septembre-31 octobre 2006 29 256 13 571 1 novembre-31 décembre 2006 30 842 14 534 1er janvier-31 mars 2007 37 641 17 898 1er avril-30 juin 2007 44 325 21 107 1er janvier-30 juin 2008 50 595 23 229 er er Source : MANUI 2006, 2007, 2008 (cf. les références statistiques). Occupation, intervention militaire et insécurité humaine 195 ou lorsque certains problèmes ne sont pas réglés avec les gouvernements des États concernés. À ce propos, la MANUI a reçu des rapports sur des enlèvements à caractère clanique comme sur une complicité entre les ravisseurs et la police37. La détention, l’emprisonnement et l’enlèvement représentent la deuxième violation dangereuse des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé Environ 10 000 personnes sont encore emprisonnées dans trente centres de détention Les détentions sans procès et les mauvais traitements des prisonniers sont pratiqués par toutes les parties somaliennes impliquées dans le conflit 196 B. Le Territoire palestinien occupé La détention, l’emprisonnement et l’enlèvement représentent la deuxième violation dangereuse des droits de l’homme dans le TPO. Amnesty International affirme que les autorités israéliennes ont arrêté des milliers de Palestiniens depuis le début de ce siècle. Environ 10 000 personnes sont encore emprisonnées dans 30 centres de détention, selon le ministère des Affaires des prisonniers et des libérés auprès de l’ANP38. Certains détenus, privés de leur liberté durant de longues années, ont été jugés par des tribunaux militaires dont les procédures ne s’accordaient nullement avec les normes internationales de la justice. D’après les estimations d’Amnesty, 700 personnes se sont vues condamnées à la détention préventive en 2007, ce qui signifie qu’ils étaient emprisonnés sans chefs d’accusation et sans comparaître devant un tribunal. L’ordre de détention préventive émane de l’autorité militaire israélienne pour une durée de six mois prolongeable sine die. Alors que l’autorité israélienne prétend qu’une telle mesure repose sur l’article 78 de la quatrième Convention de Genève relative à la protection des civils en temps de guerre et autorisant les forces d’occupation à capturer des personnes pour des « raisons impératives de sécurité », Amnesty International considère que le traitement réservé par Israël aux détenus pour de telles raisons s’oppose non aux normes internationales des droits de l’homme mais aussi aux clauses mêmes de l’article 78 auquel il se réfère. En effet, Israël a transgressé les clauses dudit article en faisant de cette mesure préventive exceptionnelle une pratique courante dont l’objectif est de sanctionner les personnes suspectées par l’institution militaire d’œuvrer contre les intérêts israéliens39. Par ailleurs, Amnesty International souligne que les gouvernements de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza dans le TPO portent atteinte aux droits des Palestiniens résidant dans leurs zones respectives, notamment après les Rapport arabe sur le développement humain 2009 affrontements armés entre le Fath et le Hamas en 2007. Les conditions des droits de l’homme en Cisjordanie se sont manifestement détériorées. En effet, l’arrestation arbitraire de personnes suspectées d’appartenir au Hamas par les forces de l’ordre palestiniennes est devenue monnaie courante. Les détenus subissent souvent la torture ou d’autres formes de maltraitance. À Gaza, le même sort est réservé aux personnes arbitrairement capturées par les forces du Hamas. Ainsi les prémices d’une certaine amélioration ayant caractérisé la situation sécuritaire se sont estompées suite à l’accession du Hamas au pouvoir en Cisjordanie40. C. La Somalie À la lumière de l’accentuation des risques qui continuent à menacer la sécurité humaine en Somalie, les restrictions des libertés des civils ne se réduisent pas uniquement à l’arrestation et à l’emprisonnement. Rien ne prouve non plus que la loi soit respectée. Au contraire, il règne un état d’anarchie et de transgression de la loi, un dysfonctionnement quasi général et une précipitation même dans les mesures répressives où les parties antagonistes recourent souvent à des méthodes violentes. En effet, les instances judiciaires ne sont pas bien établies dans la plupart des régions du pays, ne sont pas basées sur des lois codifiées ou sont simplement inexistantes. Dans de telles conditions, les informations puisées aussi bien dans la presse africaine qu’auprès des organisations des droits de l’homme n’indiquent pas un taux élevé d’arrestations et d’emprisonnements arbitraires, malgré les pratiques effectives de détention sans procès et de maltraitances que subissent les prisonniers de la part de toutes les parties somaliennes impliquées dans le conflit. À Muqdisho par exemple, les opposants sont jetés en prison pour délit d’opinion hostile au gouvernement ou simplement parce qu’ils sont suspects de commettre des actes contraires à l’Islam. Au Somaliland, le gouvernement a arrêté des journalistes et persécuté d’autres. Il est devenu habituel de voir fouetter, dans les places publiques41, un individu considéré comme coupable ou même un suspect. Selon HRW42, les fonctionnaires du GFT procèdent souvent à l’arrestation des résidents à Muqdisho pour la simple raison qu’ils sont suspectés d’avoir des relations avec les rebelles. Et le plus souvent aussi, les personnes arrêtées subissent des sévices corporels lors des interrogatoires auxquels ces fonctionnaires les soumettent. III.Menace pour les conditions économiques et les moyens de subsistance Il ressort des trois cas exposés que l’occupation, l’intervention militaire et les diverses formes de violence qui en découlent constituent de sérieux handicaps portant préjudice à la situation économique, comme le montre cette section. A. L’Irak Il n’est pas prévu à court terme que l’économie irakienne soit relancée dans ces conditions où prédominent l’insécurité, les luttes intestines et les effets des changements économiques très rapides ayant eu lieu après 2003. Par ailleurs, le régime baathiste révolu n’avait pas valorisé le potentiel considérable de l’Irak. Il n’a en fait laissé derrière lui qu’une économie affaiblie par un ensemble de facteurs : les années de guerre et les sanctions, la mauvaise gestion économique, le développement non durable et instable, l’effondrement de l’infrastructure et des institutions ainsi que la rareté des opportunités en faveur des projets privés (Salah Al-Nasrawi, en arabe, document de base pour le rapport). Cependant, si mauvais qu’il soit, le legs économique demeure incomparable à l’effondrement qui a succédé à l’invasion menée par les États-Unis. En effet, la légère relance de l’économie qui a eu lieu depuis la moitié de 2007 n’a pas eu un effet concret sur le niveau de vie en général. Les rapports de la Banque mondiale montrent que le PIB de l’Irak a diminué de 11,4 % annuellement dans la période 2000-2006. Cette détérioration est l’une des conséquences d’une chute de la production industrielle de 17 % annuellement, et d’une chute de 3,6 % de la production agricole. Les industries de transformation ont connu à leur tour une chute annuelle de 12,8 %43. Une étude effectuée par le Conseil des affaires étrangères aux États-Unis44 décrit l’économie irakienne comme étant accablée par le chômage, la lenteur du développement et la chute des revenus du pétrole par rapport au seuil attendu. Des 20 milliards d’USD réservés par les États-Unis à la relance de l’économie en Irak, seuls 805 millions d’USD ont été déboursés jusqu’à la fin de 2007. Durant cette même période, le PIB n’a pas dépassé le taux des 4 %, bien que les estimations soient disparates à ce sujet. L’une des raisons en est que les revenus du pétrole irakien, estimés à 3 milliards d’USD mensuellement sont nettement inférieurs au volume des réserves pétrolières considérables du pays. Selon l’OIT45, différentes sources se rapportant à la période 2004-fin 2006 affirment qu’entre 1,3 et 2 millions de la force active irakienne sur un ensemble de 7 millions étaient au chômage. Le taux de chômage parmi les jeunes entre 15 et 24 ans a atteint 30 %, c’est-à-dire presque le double du taux global. Des sources du marché du pétrole disent que la production pétrolière en Irak a enregistré une hausse à partir de mars 2008 sans pour autant atteindre le niveau escompté jusqu’à présent. En effet, la production est passée de 2,290 millions de barils par jour en janvier 2008 à 2,4 millions en février de la même année. Néanmoins, elle a de nouveau connu une baisse en atteignant 2,37 millions de barils par jour au mois de mars 200846. La même étude évoque quelques changements positifs dans l’économie irakienne en rapportant l’avis de certains analystes selon lequel le taux de développement effectif a atteint 17 %, les salaires ont doublé depuis 2003, les marchandises sont disponibles sur le marché, à un prix inférieur et le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile et au Net est monté en flèche. Ces études louent également l’essor que l’économie a connu dans la province du Kurdistan au nord du pays ; mais elles finissent par reconnaître qu’en général le niveau de vie demeure en dessous de ce qu’il était avant l’occupation et que la production pétrolière maximale avant la guerre était supérieure au niveau atteint en 2007, quatre ans après l’invasion. L’étude du Conseil des affaires étrangères aux États-Unis47 impute la faible performance de l’économie irakienne à 4 facteurs, tous en rapport avec l’intervention militaire : Occupation, intervention militaire et insécurité humaine Le PIB de l’Irak a diminué de 11,4 % annuellement dans la période allant de 2000 à 2006 Le niveau de vie en Irak demeure en dessous de ce qu’il était avant l’occupation La production pétrolière maximale avant la guerre était supérieure au niveau atteint en 2007 197 Figure 8-5 Tendances de la production de pétrole (en millions de barils par jour) 2000-2007 Millions de barils par jour 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Production du pétrole en Irak Source : EIA 2208. 1. L’insécurité : les investisseurs du secteur privé préfèrent ne pas investir vu les conditions sécuritaires aussi aléatoires que risquées et parce que les précautions nécessaires retardent les transports, augmentent le coût de production et celui de la réalisation des travaux en général. 2. Le trafic de pétrole : La contrebande en matière de pétrole entraîne la sous-production de cette source d’énergie. Un rapport publié par le Bureau de comptabilité du gouvernement américain en mai 2007 estime que la quantité de pétrole vendue quotidiennement en contrebande depuis 2003 serait d’une valeur de 5 à 15 millions d’USD, ce qui équivaut à 10 000 jusqu’à 300 000 barils par jour. La complicité des responsables corrompus, des trafiquants et des rebelles est établie. Dans certaines régions au sud de l’Irak, les trafiquants peuvent gagner jusqu’à 5 millions d’USD par semaine. Malgré le déboursement de 7,4 milliards d’USD pour la reconstruction des secteurs du pétrole et de l’électricité, la production de ces deux secteurs demeure en deçà de ce qu’elle était avant la guerre. administrative : Avec 3. L’inertie l’accentuation de l’insécurité, de la 198 Rapport arabe sur le développement humain 2009 corruption et de la dislocation sociale, les instances gouvernementales se retrouvent incapables de s’acquitter convenablement de leurs tâches. Le problème s’amplifie avec l’augmentation du nombre des fonctionnaires de l’administration publique – cela avait déjà commencé avec le démantèlement du corps gouvernemental du temps de l’administration du Gouverneur provisoire de l’Irak – et à cause de l’insuffisance des fonctionnaires expérimentés et compétents. 4. La fuite des cerveaux : L’intervention militaire et ses conséquences ont entraîné la fuite hors du pays de quelque deux millions de professionnels irakiens compétents, dont des ingénieurs et des médecins. Certaines estimations avancent le taux de 40 % en parlant des professionnels irakiens ayant fui le pays. Par ailleurs, un aspect de la violence enraciné dans la division des classes fait que les milices prennent à partie les professionnels. En 2003 par exemple, 2 000 médecins irakiens environ ont trouvé la mort. Les rapports de l’UNICEF notent que le taux de scolarisation en Irak a diminué de 45 % entre 2005 et 2007 à cause de ce phénomène de « professeurs disparus ». Une autre étude48 attribue la récession économique aux mesures prises par les forces américaines. Aussi affirme-t-elle que la faible performance économique du pays est due à la destruction de l’infrastructure en Irak au cours de la première guerre du Golfe en 1991, puis la guerre contre l’Irak en 2003. La destruction massive issue de la dernière guerre – caractérisée par les attaques fréquentes des centrales électriques et d’autres équipements – a compliqué la mission de reconstruction suite à l’invasion de l’Irak en 2003. Le document annexe concernant l’Irak dans le présent rapport a montré les conséquences de la corruption ayant participé à dilapider les ressources du pays (Salah Al-Nasrawi, en arabe, document de base pour le rapport)49. Quelques semaines après l’occupation, la pourriture a commencé à se répandre comme elle ne l’a jamais été auparavant, si bien que Transparency International a classé l’Irak en 2008 au deuxième rang sur la liste des 180 pays affectés par la corruption des secteurs public et privé50. Tableau 8-3 B. Le Territoire palestinien occupé Plus de quarante ans d’occupation et d’expansion des colonies israéliennes ont empêché les Palestiniens de gérer leurs affaires et entravé tous les plans visant à instaurer une économie susceptible de répondre à leurs besoins essentiels. Selon le rapport présenté par le Secrétaire général de l’ONU à l’Assemblée générale et publié en mai 200851, la construction des colonies se poursuit en Cisjordanie sous l’égide de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la guerre de 1967. En 2007, il y avait plus de 450 000 colons résidant dans 149 colonies en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Conformément aux sources des Nations Unies, l’infrastructure israélienne mise au service des colonies couvre actuellement environ 40 % de la Cisjordanie, routes, obstacles, zones tampon et bases militaires inclus52. En juin 2002, Israël a entamé la construction d’un mur le long de la ligne la séparant de la Cisjordanie. Lorsque le mur sera achevé, 10,2 % des terres de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, seraient isolées et reliées directement à Israël sur le plan géographique53. En 2004, la Cour internationale de justice a publié sa décision consultative postulant que le mur constitue une violation du droit international. Actuellement, les autorités israéliennes continuent à violer l’autonomie de l’ANP en monopolisant les réseaux de communications et de transport, les passages frontaliers, les aéroports et de grandes superficies de terres. En outre, elles entravent la liberté des Palestiniens en leur imposant de passer par des postes de contrôle. En septembre 2007, il y avait 607 postes de contrôle en Cisjordanie54 où les Palestiniens étaient contraints à s’arrêter pendant de longues heures dans l’attente d’être fouillés avant qu’on leur permette de circuler vers leur destination, sans que leurs besoins et leurs urgences ne soient pris en considération55. D’autres pratiques israéliennes ont porté préjudice à la capacité des Palestiniensquant à la gestion de leurs propres affaires économiques de façon régulière, stable et sûre. Ceci concerne en vérité aussi bien les salariés que les gens d’affaires. En effet, la politique de bouclage au TPO paralyse l’activité des Nombre des bâtiments endommagés dans le Territoire palestinien occupé entre 2000 et 2007, selon la gravité des dommages Nombre de bâtiments partiellement détruits Nombre de bâtiments totalement détruits Nombre de bâtiments publics détruits Nombre de bâtiments de sécurité détruits Total Cisjordanie 42 752 2 855 155 83 45 845 Bande de Gaza 26 578 5 248 88 .. 31 914 69 330 8 103 243 83 77 759 Territoire palestinien occupé Source : PCBS 2008. gens, la circulation des marchandises et la plupart des services. Une autre pratique non moins paralysante est le refus par Israël de verser à l’ANP ce qui lui revient des recettes fiscales. Depuis la victoire de Hamas aux élections législatives en janvier 2006, Israël a imposé à Gaza un blocus général qu’elle a accentué suite à l’intensification du conflit entre le Hamas et le Fath en 2007. Le rapport de la Banque mondiale établi en 2008 sur le coût du système de bouclages pour la Cisjordanie et la Bande de Gaza, montre que cette politique impose à la mobilité des Palestiniens trois sortes d’obstacles. D’abord, le bouclage interne qui entrave la liberté de mouvement entre la Cisjordanie et Gaza ; ensuite, le bouclage externe qui limite l’accès depuis la Cisjordanie et Gaza à Israël et à Jérusalem ; L’infrastructure israélienne mise au service des colonies couvre actuellement environ 40 % de la Cisjordanie Figure 8-6 Comment Israël contrôle les routes palestiniennes, novembre 2004 9% 4% 9% 1 % 16 % 7 % 54 % En septembre 2007, il y avait 607 postes de contrôle en Cisjordanie Postes de contrôle permanents Postes de contrôle provisoires Barrages routiers Portillons sur route Amas de terre Levées de terre Tranchées Source : Banque mondiale 2008. Occupation, intervention militaire et insécurité humaine 199 Figure 8-7 Le bouclage dans le Territoire palestinien occupé 1993-2004 2003 2004 2001 2002 1999 2000 1997 1998 1995 1996 1994 1993 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 Nombre de jours de bouclage effectif Source : Banque mondiale 2008. Figure 8-8 Le chômage dans le Territoire palestinien occupé 1996-2004 % de l’ensemble de la main-d’œuvre 35 30 25 20 15 10 5 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 0 Total chômage Source : Banque mondiale 2008. 7 millions d’USD le déficit de la Cisjordanie et de Gaza pour une seule journée de bouclage 200 enfin, le bouclage externe international qui limite l’accès de la Cisjordanie à la Jordanie et l’accès de Gaza à l’Égypte. Ce rapport note également qu’en novembre 2005, il y avait plus de 600 obstacles matériels (10 par kilomètre en moyenne) comportant 61 postes de contrôle permanents, 6 avec un effectif partiel de soldats, 102 avec barrages routiers, 48 portillons sur les routes, 374 amas de terre, 28 levées de terre et 61 tranchées56. Ce bouclage entraîne l’éclatement de l’économie palestinienne. Isolés par les entraves à la mobilité et incapables de prévoir les temps de fermeture, les villages et les villes palestiniens luttent pour survivre en fonction des ressources qui leur restent. Par ailleurs, les autorités israéliennes ont l’habitude d’annuler les laissez-passer octroyés aux habitants de la Cisjordanie et de Gaza pour travailler en Israël, ce qui Rapport arabe sur le développement humain 2009 réduit excessivement les revenus de ces derniers, car ils ne sont pas payés pour les jours où ils ne peuvent se rendre à leur travail à cause de ces mesures. Lors des bouclages, il est impossible pour les entreprises d’obtenir les produits intermédiaires importés de l’étranger et dont elles ont besoin pour produire leurs marchandises et les commercialiser dans d’autres régions que la leur. Cette étude effectuée par la Banque mondiale estime à 7 millions d’USD le déficit de la Cisjordanie et de Gaza pour une seule journée de bouclage. Elle estime également à 2,4 milliards d’USD le déficit global en rapport avec le travail entre 2001 et 2005 et à 928 millions d’USD le déficit découlant des bouclages, ce qui ramène à 3,3 milliards d’USD le déficit global pour cette période, soit 58 % de la totalité des aides étrangères fournie à l’ANP. Les effets du coût économique des bouclages n’affectent pas le revenu à lui seul. En réalité, les coûts de production augmentent tellement que les producteurs et les importateurs sont obligés de transporter les marchandises en empruntant des détours et des voies secondaires plus longues, si toutefois le commerce n’est pas complètement paralysé à cause de ces bouclages. L’étude de la Banque mondiale rapporte que les coûts de transport de Ramallah à Bethléem ont plafonné à 348 % entre 2000 et 2005, à 105 % de Ramallah à Naplouse et à 167 % de Ramallah à Jenin57. Ces handicaps risquent de limiter la compétitivité de l’économie palestinienne et de réduire les investissements dans ses différents secteurs58. Il n’est donc pas étrange que la pauvreté et le chômage se répandent parmi les Palestiniens vu cette réalité amère. Le RADH 2007/2008 note que la Cisjordanie et Gaza ont connu, entre 1990 et 200559, des taux de développement négatifs quant à la part qui revient à l’individu du PIB, soit moins de 2,9 % annuellement. Ledit rapport affirme également que le chômage a touché, entre 1996 et 2005, plus du quart de la main-d’œuvre (26,7 %) et que le taux du chômage parmi les femmes a atteint 71 %60. Un rapport de la Banque mondiale sur l’état de l’économie palestinienne deux ans après l’Intifada d’al-Aqsa, datant de 2003, affirme que les indicateurs économiques principaux ont connu une chute aiguë. En effet, à la fin de mai 2002, le taux du revenu individuel avait baissé de moitié par rapport à ce qu’il était en 2001. Le chômage avait touché la moitié de la main-d’œuvre alors que l’infrastructure avait subi des dégâts dont la valeur serait de 728 millions d’USD. À cela s’ajoute le fait que les exportations palestiniennes ont baissé du tiers et que le taux des investissements a atteint 140 millions d’USD, soit un dixième en moins que ce qu’il était en 1999, lorsqu’il atteignait 1,5 milliard d’USD. Cette étude ajoute que le blocus israélien était la cause principale de la crise palestinienne61. Un autre rapport publié par l’OIT en 2008 note qu’une personne sur trois en âge d’activité (15 ans et plus) était embauchée de façon permanente ou partielle dans le TPO. Le revenu individuel issu du PNB s’est stabilisé à 1 178 USD en 2007, soit un taux inférieur de 27 % du pic historique enregistré en 1999. En novembre 2007, le dénuement total a touché 40 % des habitants de Gaza et 19 % en Cisjordanie, ce qui représente en fait une situation meilleure que celle de l’année précédente. Cela est dû en premier lieu au fait que les fonctionnaires des services civils ont commencé de nouveau à percevoir leurs salaires après qu’Israël les en avait privés suite à la victoire du Hamas aux élections62. Les Palestiniens ont dû payer cher l’exercice de leur droit démocratique de vote. En effet, après les élections qui ont eu lieu dans des conditions normales en janvier 2006, et ayant amené Hamas au pouvoir, le flux de l’aide internationale a été interrompu. Et bien que ces aides internationales aient repris – mais uniquement en faveur du gouvernement du Fath en Cisjordanie après la rupture avec Hamas – les conditions économiques n’ont connu aucune amélioration substantielle, à cause notamment des agressions continuelles contre ces régions. La nouvelle donne réside dans la sanction qu’Israël commence à infliger à Gaza après que Hamas l’a conquise. Ces sanctions ont revêtu l’aspect de blocus général : toute communication avec l’étranger lui a été interdite. Cela a entraîné l’effondrement de la plus grande partie de l’activité industrielle et agricole et la perturbation de l’infrastructure et des services à cause des coupures d’électricité pour de longues heures et à cause de la détérioration de la qualité des eaux. En outre, la dernière agression israélienne commise contre Gaza en décembre dernier a provoqué des dégâts considérables dans l’infrastructure de même qu’elle a connu une cruauté sans précédent dans le traitement des civils palestiniens. C. La Somalie Le pays s’est effondré en 1991, en une existence non étatique, avec deux régions sécessionnistes du Nord : Somaliland et Puntland. La situation a perduré après l’intervention militaire américaine et internationale au début des années 1990. Au cours des dernières années, une tentative d’unification à orientation idéologique a eu lieu sous l’impulsion de l’UCI, afin d’établir une autorité centralisée et de dominer les différentes régions du pays. Néanmoins, cette tentative a échoué suite à l’intervention militaire éthiopienne directe en décembre 2006 pour soutenir le GFT. Malgré les efforts d’« unification », l’État somalien demeure une entité fragile exposée aux mêmes dangers qui l’ont menacé durant les deux décennies écoulées. D’après les registres du gouvernement somalien central depuis les années 1960 et 1970, il ressort que le pays, manquant de ressources, comptait essentiellement sur l’aide étrangère (l’Union Soviétique dans le temps) ou adoptait des politiques économiques inefficaces (lors de la période non socialiste à partir de 1980). À cette époque-là, l’infrastructure, y compris l’énergie électrique, a été endommagée. En l’absence d’un gouvernement central, plusieurs grands établissements publics ont disparu. La stabilité relative de Somaliland a toutefois permis une certaine relance de l’économie. Selon la Banque mondiale, le taux global du chômage en 200263 a été estimé à 65,5 % (pour les citadins) et 40,7 % environ (pour les ruraux) et de 47,4 % (taux national). Ces chiffres seraient de simples indicateurs témoignant de la situation actuelle car ils ne prennent pas en considération le taux de sous-emploi ni celui du chômage saisonnier, etc.64. En 2002, le taux des personnes vivant dans le dénuement total était estimé à 43,2 %, dont 23,5 % dans les régions urbaines et 53,4 % parmi les nomades et les ruraux. Le nombre des démunis atteint Occupation, intervention militaire et insécurité humaine L’infrastructure, y compris l’énergie électrique, est endommagée et le gouvernement central est absent 201 5 millions d’habitants vivent dans la pauvreté en Somalie Encadré 8-5 2,94 millions de personnes, dont 0,54 million de citadins et 2,4 millions de nomades et de ruraux. Le taux des personnes vivant avec 2 USD par jour en Somalie est estimé à 73,4 %, dont 60,7 % de citadins et 79,9 % de nomades et de ruraux. En fonction de ce critère, 5 millions d’habitants de ce pays vivent dans la pauvreté, dont 1,4 million dans les zones urbaines et 3,6 millions dans les campagnes et les villages65. IV.Menace pour le droit à l’alimentation, à la santé et à l’instruction Avec la violence, le chômage et le déplacement forcé66 qui sont le corollaire de l’occupation et de l’intervention militaire, s’amenuisent les chances d’obtenir une nourriture suffisante, des soins médicaux convenables et une habitation salubre et décente. La piraterie en Somalie Les actes de piraterie s’accentuent en face des côtes somaliennes si bien qu’elles menacent le commerce international de troubles violents. La piraterie procure l’argent pour ravitailler la guerre vicieuse en Somalie. Elle pourrait devenir une arme pour le terrorisme mondial ou même provoquer une catastrophe écologique. Jusqu’au 30 septembre, la Chambre de commerce internationale et le Bureau maritime international ont enregistré 63 tentatives ou actes de piraterie dont l’activité s’est déplacée depuis la fin de 2007 de la région de Muqdisho vers le golfe d’Aden, traversé annuellement par 16 000 bateaux transportant le pétrole du Moyen-Orient et les marchandises de l’Asie vers l’Europe et l’Amérique du nord. Ainsi, l’une des voies maritimes les plus importantes dans le monde devient menacée de dangers à cause de l’instabilité chronique en Somalie. La piraterie est un problème que connaissent les eaux somaliennes depuis au moins dix ans. Toutefois, le nombre de tentatives et d’attaques réussies s’est accentué durant les trois dernières années. La seule période où la piraterie avait presque totalement cessé en Somalie, c’était pendant les six mois où l’UCI avait pris les rênes du pouvoir et précisément durant la seconde moitié de l’année 2006. Cela montre que le contrôle de la piraterie est tributaire d’un gouvernement efficace. En effet, la piraterie est réapparue après la réduction de l’influence de l’UCI ; avec un gouvernement peu opérationnel, ses longs rivages de sable isolés et une population à la fois désespérée et aguerrie, la Somalie offre un environnement propice à la piraterie. Il semble d’ailleurs que le Puntland, province semiindépendante au nord-ouest, constitue le point de départ de la plupart des pirates en Somalie. Elle est l’une des régions les plus pauvres du pays, aussi l’attraction financière de la piraterie y est-elle assez forte. Durant les 15 dernières années, l’industrie somalienne de pêche s’est effondrée cédant la place à la pêche intensive des bateaux européens, asiatiques et africains. Certains pirates prétendent participer à la protection des ressources naturelles de la Somalie et que les rançons qu’ils touchent doivent être considérées comme un impôt légal et légitime. Dans un pays où l’activité commer ciale légale devient très difficile, où l’agriculture pendant les années arides ne suffit même pas à la subsistance et où l’ombre de la mort plane au-dessus de tous à cause de l’insécurité et de la violence, les dangers de la piraterie doivent être considérés proportionnellement aux gros revenus escomptés. Vers la fin de 2007, les dangers de plus en plus croissants dans les eaux territoriales somaliennes ont poussé le PAM à suspendre les ravitaillements alimentaires par voie maritime (c’est le mode unique suivi par ce Programme pour livrer 90 % de son aide alimentaire à la Somalie, étant donné que le transport de quantités considérables de denrées alimentaires par voie terrestre est une entreprise très risquée). En novembre 2007, après l’application du système d’escorte navale grâce aux frégates militaires, le PAM a pu reprendre son aide alimentaire à la Somalie. Depuis lors, bien qu’aucun rapport ne soit établi sur les attaques des pirates, le système d’escorte navale est devenu un élément essentiel dans cette opération d’aide alimentaire et un facteur dissuasif pour les pirates. Les aides alimentaires étrangères sont devenues une nécessité incontournable dans un pays dépourvu d’autorité centrale efficace, où sévissent la sécheresse et la guerre et où vivent plus d’un million de PDI. En se réservant la part du lion des fortunes rassemblées, les pirates en transfèrent une somme importante en faveur des personnalités influentes dont certaines participent effectivement à la guerre en cours. Nul doute que ces injections systématiques en argent attisent la guerre. Il est vrai que l’élimination de la piraterie ne mettrait pas fin à la guerre mais elle contribuerait au moins à diminuer les sommes disponibles pour l’achat des armes. L’absence de la sécurité navale permettrait un enrichissement plus grand aux trafiquants des hommes et des armes et encouragerait la pêche illégale dans les eaux territoriales somaliennes. Des attaques éventuelles des pirates contre les pétroliers traversant le golfe d’Aden pourraient provoquer une catastrophe écologique de grande envergure. Les pirates devenant de plus en plus audacieux et disposant des armes les plus sophistiquées, un pétrolier est susceptible d’être incendié ou écrasé contre la rive, ce qui pourrait d’ailleurs engendrer une catastrophe écologique qui détruirait la vie maritime et les oiseaux pour plusieurs années. Source : Middleton 2008. 202 Rapport arabe sur le développement humain 2009 A. L’Irak L’aggravation de la crise alimentaire, qui avait empiré depuis l’imposition des sanctions et après l’échec du programme « pétrole contre nourriture » en Irak, a entraîné une augmentation intense du nombre des personnes sous-alimentées. La détérioration de la situation a poussé les instances et organisations internationales à apporter une aide alimentaire urgente au peuple irakien. Au début de 2008, le PAM a entamé une campagne urgente pour une durée de 12 mois avec un montant de 126 millions d’USD afin de venir en aide à quelque 750 000 PDI67. L’Oxfam, qui a estimé le nombre de sous-alimentés en Irak à 4 millions de personnes, a entrepris l’exécution d’un programme similaire68. L’invasion de l’Irak est venue s’ajouter à douze ans de sanctions et, juste avant, à la guerre irako-iranienne et à celle du Golfe au début des années 1990. Dans ces conditions, l’Irak ne pouvait plus entretenir les services de protection sociale. En effet, avant l’invasion, le taux de mortalité infantile était de 102 par mille habitants, celui de la mortalité maternelle de 291 pour 10 000 cas de naissance. Quant au taux de malnutrition, il touchait 19 % des habitants. Cinq ans après l’invasion, les conditions de santé se sont détériorées en Irak à cause de plusieurs facteurs (Samer Jabbour et Imane Nuwayhid, en arabe, document de base pour le rapport). Premièrement, l’effondrement de la sécurité, dès le début de l’invasion a déclenché une vague de pillage qui n’a épargné ni les hôpitaux ni les centres médicaux. Deuxièmement, la perpétuation de la violence et de la contre-violence a entraîné une grave détérioration dans les services de santé et exposé les hôpitaux, les cliniques et les services paramédicaux à des tensions supplémentaires. Comme mentionné plus haut, le nombre de morts à cause de cette violence était entre 74 00069 et 600 00070 environ entre mars 2003 et juin 2006 selon certaines estimations et celui des blessés encore beaucoup plus grand. Troisièmement, le niveau de vie a connu une baisse inquiétante. En effet, d’après une enquête effectuée en Irak en 200471, 54 % des familles ayant participé au sondage ne disposaient que d’eaux non potables, 78 % souffraient quotidiennement des coupures d’électricité, 36 % manquaient d’équipements sanitaires chez eux. Quatrièmement, selon un rapport publié par le Bureau du Moyen-Orient dépendant de l’OMS72, 18 000 médecins – soit le quart du total de l’ensemble des médecins irakiens – et un nombre indéterminé d’infirmiers, de chirurgiens-dentistes et de pharmaciens ont émigré hors de l’Irak (Samer Jabbour et Imane Nuwayhid, en arabe, document de base pour le rapport). Depuis 2003, les dégâts, la négligence et la violence ont engendré la ruine du secteur sanitaire en Irak. Effectivement, les hôpitaux souffrent actuellement d’une insuffisance chronique en équipements : les ascenseurs, les climatiseurs, les égouts sont souvent détériorés. Les cuisines et les buanderies ne répondent guère aux besoins croissants. Le plus souvent, les pavillons des urgences, les blocs opératoires ne sont pas fonctionnels à cause du manque de médicaments, d’équipements et de matériaux nécessaires. C’est un défi commun aux établissements de santé en Irak, y compris ceux qui étaient suffi samment équipés dans le passé73. Le rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR)74 affirme que les tâches dont doivent s’acquitter les hôpitaux irakiens surpassent de loin leurs capacités. Leurs fardeaux se sont alourdis suite au flux croissant des victimes de la violence. La plupart de ces hôpitaux manquent de médicaments et de matériel médical nécessaire si bien que plus de la moitié des blessés hospitalisés suite à des actes de violence meurent à cause de l’absence d’équipes médicales spécialisées et à cause du manque de sang nécessaire pour les transfusions. Par ailleurs, les services médicaux ne sont pas efficaces dans les dispensaires qui n’obtiennent plus les subventions suffisantes après l’effondrement du système sanitaire central. Beaucoup d’efforts sont déployés actuellement pour que ce système en grande difficulté retrouve son équilibre. Il est vrai que la santé des enfants est réellement affectée, mais cette situation alarmante n’a point épargné les adultes. En effet, l’insécurité croissante et la difficulté de bénéficier de services médicaux convenables empêchent le traitement des maladies non contagieuses. Il n’est donc pas étrange que les traumatismes associés aux situations de violence se multiplient en Irak. À cela s’ajoutent les états Occupation, intervention militaire et insécurité humaine Les dégâts, la négligence et la violence ont engendré la ruine du secteur sanitaire en Irak Les traumatismes associés aux situations de violence se multiplient en Irak 203 Le taux des aides alimentaires peut atteindre 80 % des familles à Gaza 204 d’angoisse et d’anxiété qui se répandent au sein de la plupart des communautés. On craint également que les maladies mentales et psychiques ne s’accentuent à cause de la dislocation du tissu social et de la régression de la protection que procuraient les familles et les communautés locales. Il est regrettable que la plupart des rapports sur la santé psychique en Irak portent exclusivement sur les forces étrangères (Samer Jabbour et Imane Nuwayhid, en arabe, document de base pour le rapport). Conformément au rapport « Sauver les enfants »75, 122 000 enfants irakiens ont trouvé la mort en 2005 avant d’atteindre l’âge de 5 ans. Des rapports médicaux avaient averti que certaines maladies comme la pneumonie, la malaria, la rougeole et la dysenterie constituaient la cause principale de mortalité infantile en Irak. Le travail des mineurs est un autre phénomène qui se répand de plus en plus en Irak. Il entre en contradiction avec les conventions internationales sur l’emploi et l’exploitation des enfants. Des rapports internationaux, régionaux et irakiens, y compris ceux des organisations des droits de l’homme et de la société civile, affirment que l’exploitation des mineurs s’est tellement répandue en Irak et touche même les enfants de moins de dix ans qui exercentdes travaux ne convenant ni à leur âge ni à leurs forces physiques. Il est courant de voir des enfants nettoyer les rues, surtout après que la municipalité de Bagdad et tant d’autres ont entrepris l’embauche des enfants en tant qu’éboueurs moyennant moins d’un dollar par jour. Cela a malheureusement tenté un nombre considérable d’enfants d’abandonner l’école. Un autre phénomène non moins dangereux qui a eu beaucoup d’effets néfastes sur la vie des enfants est le taux croissant de l’absentéisme ou de l’abandon total des études. Les circonstances du besoin matériel et de la pauvreté la plus sordide seraient la cause d’un tel comportement mais ces facteurs deviennent plus aigus avec les conditions sécuritaires désastreuses. Par ailleurs, l’accentuation de la violence et du terrorisme et, notamment, l’extermination ethnique et clanique, ont poussé des milliers de familles à abandonner leurs demeures pour se réfugier dans des régions souffrant à leur tour de l’insuffisance des équipements nécessaires aux enfants. Rapport arabe sur le développement humain 2009 Les enfants sont obligés de participer à des travaux forcés et risqués comme par exemple le bâtiment ou les travaux domestiques. Dernièrement, les enfants commencent à rallier les équipes de sécurité individuelle ou à travailler dans des ateliers ou usines du secteur privé. Dans un rapport spécial76, le bureau de la MANUI a prévenu contre une catastrophe humaine éventuelle dont les victimes seraient les enfants de l’Irak souffrant de problèmes sociaux et sanitaires ainsi que de la détérioration générale du niveau de l’enseignement. Le rapport recommande le déploiement d’efforts afin de garantir les conditions susceptibles de fournir aux enfants un niveau de vie décent qui se répercuterait positivement aussi bien sur leur vie en particulier que sur celle de la société tout entière. D’autres rapports traitentde cas de toxicomanie dont souffrent les mineurs. Il s’agit en fait de stupéfiants, d’alcoolisme ou de tabagisme. Selon l’un de ces rapports, plus d’un million de mineurs travaillaient dans des conditions pénibles à la fin de 2004 et étaient victimes de violence et d’abus sexuels. Les scènes de violence et de guerre jettent leur ombre sur la vie des enfants au cours de leur croissance. Si les enfants ne sont pas influencés directement par les dangers de la violence ethnique et clanique, les opérations d’extermination et de déplacement forcé, le nettoyage ethnique, les cadavres inconnus décapités, il est certain quand même qu’ils garderont au fond d’eux-mêmes des plaies profondes qui auront des répercussions sur leurs rapports avec les autres et déséquilibreront leur sérénité et leur confiance dans l’avenir77. B. Le Territoire palestinien occupé La détérioration économique en Cisjordanie et Gaza se manifeste clairement dans la situation de l’approvisionnement en denrées alimentaires. Selon l’OIT, la moitié des familles palestiniennes environ compte sur les aides alimentaires de la communauté internationale. Actuellement, 33 % (soit 0,7 million) des habitants qui appartenaient aux couches de revenu moyen en Cisjordanie comptent sur les aides alimentaires à leur tour. Pire encore, ce taux peut atteindre 80 % des familles à Gaza, soit 1,3 million de personnes. Les conditions sanitaires sont en vérité le reflet d’une situation économique détériorée. L’UNRWA et les autorités israéliennes supervisaient les conditions sanitaires en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza jusqu’à 1994, date à laquelle l’ANP a pris cette responsabilité. Malgré plus de 40 ans d’occupation, les Palestiniens bénéficiaient en 2004 de niveaux sanitaires raisonnables78, d’un revenu annuel de 1 026 USD, d’un taux d’alphabétisation atteignant 91 % de l’ensemble des habitants, d’une espérance de vie de 72 ans et d’un taux relativement bas de mortalité infantile (20,5 pour mille naissances) et maternelle (11 pour 100 000 naissances vivantes). Cela s’explique par l’esprit de solidarité et par le soutien de la société civile aux centres de soins et autres établissements médicaux. Néanmoins, ces conditions ont commencé à se détériorer après 2003 et l’éclatement de l’Intifada d’al-Aqsa, la construction du mur de séparation et l’imposition du blocus au TPO. La construction du mur de séparation, l’établissement de postes de contrôle au passage et de barrages routiers ainsi que le bouclage des villages et des bourgades en Cisjordanie ont entravé les accès à des services vitaux tels que les écoles ou les lieux de travail, ainsi qu’à 41 services de protection sanitaire. 36 % de ces services rapportent qu’un grand nombre de malades ne peut y accéder, alors que 53 % affirment qu’ils accueillent un nombre supplémentaire de malades qui y ont été transférés à cause du blocus. 63 % déclarent qu’ils souffrent du retard des soins d’urgence alors que 55 % notent qu’ils rencontrent beaucoup de difficultés pour trouver les médicaments indispensables au traitement des maladies chroniques. On craint que l’achèvement du mur n’isole 71 cliniques et ne constitue un obstacle entravant la circulation des ambulances palestiniennes pour lesquelles il est interdit d’accéder à la zone entre le mur et la ligne verte de 1967 (Samer Jabbour et Imane Nuwayhid, en arabe, document de base pour le rapport). L’absence de budget et le boycott occidental du gouvernement palestinien en 2006 ont plongé l’enseignement dans une crise aiguë. La situation s’est aggravée suite à la grève observée par les fonctionnaires de ce secteur pour ne pas avoir perçu leurs salaires. Par conséquent, les élèves des écoles publiques ont été privés de leurs droits à l’instruction et les étudiants contraints à interrompre leurs études supérieures pendant deux mois79. Selon le ministère palestinien de l’Éducation et de l’Enseignement Supérieur, 300 écoles ont été fermées et 8 universités bombardées entre 2000 et 2005. En mars 2004, le Centre palestinien des droits de l’homme rapporte que 73 instituts, dont certains centres de formation professionnelle, ont été détruits à Gaza. Selon ces mêmes rapports, l’université et l’institut polytechnique d’al-Khalil ont été fermés durant 2003, au détriment de 600 000 étudiants. Dans la même année, l’université de Jérusalem était menacée par la construction d’un mur qui allait la diviser et la spolier du tiers de son terrain. Il a fallu une campagne internationale contre cette violation pour que le mur soit érigé à l’extérieur du campus80. Les barrages routiers et autres obstacles limitant la liberté de circulation ont eu leurs effets sur le déroulement de l’enseignement dans le TPO. À titre d’exemple, l’on peut citer que le retard dû à la pose des obstacles en amas de terre entre avril 2001 et décembre 2003 sur la route de Sarda entre Ramallah et l’université de Birzeit en Cisjordanie, a doublé le temps requis pour que les enseignants et les étudiants arrivent à l’université, si toutefois les autorités israéliennes ne leur interdisent carrément de s’y rendre. C’est pourquoi deux tiers de la seconde session de l’année universitaire 2001-2002 ont été perdus, nécessitant une extension de deux mois, aux dépens des vacances d’été81. Figure 8-9 300 écoles ont été fermées et 8 universités bombardées entre 2000 et 2005 dans le TPO Pauvreté et dépendance de l’aide alimentaire, Cisjordanie et Gaza, 2007 % 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Pourcentage des familles comptant sur l’aide alimentaire internationale Cisjordanie Pourcentage des habitants vivant dans le dénuement Gaza Source : OIT 2008. Occupation, intervention militaire et insécurité humaine 205 La mortalité en Somalie représente un taux parmi les plus élevés dans le monde Entre 2000 et 2005, le nombre d’étudiants palestiniens originaires de Gaza a diminué de 400 à 13. L’année universitaire 2004-2005 a vu à son tour diminuer de 120 à zéro le nombre d’étudiants issus de Jenin et de Naplouse au nord de la Cisjordanie82. En outre, les élèves vont de moins en moins aux écoles dans le territoire occupé à cause des obstacles qu’ils rencontrent. On craint sérieusement que cette régression dans la régularité des études aussi bien dans les écoles et lycées que dans les universités n’accentue l’incapacité de ces institutions de contribuer au dévelop pement de la société palestinienne83. C. La Somalie Le taux d’atteinte par la tuberculose en Somalie est le plus élevé au monde Figure 8-10 Les guerres civiles en cours, la pauvreté largement répandue, l’infrastructure en usure, les conditions détériorées du système sanitaire sont autant de facteurs qui se répercutent sur la situation de la santé en Somalie. En effet, la mortalité des nourrissons en Somalie (90 décès pour mille naissances en 2006), celle des enfants de moins de cinq ans (145 décès pour 1 000), la mortalité maternelle (1 400 pour 100 000 naissances vivantes en 2005) représentent un taux parmi les plus élevés dans le monde84. La déshydratation causée par les maladies ayant trait à la dysenterie, la pneumonie ou la malaria constitue l’une des causes principales Diminution du nombre d’enfants pouvant aller à l’école, 2000-2005 % 100 95 90 85 80 75 70 2000 2001 2002 2003 2004 2005 L’inscription à l’école primaire (% net) Source : Banque mondiale 2008. 206 Rapport arabe sur le développement humain 2009 du décès des nourrissons et des enfants, étant donné qu’elle provoque la moitié des cas de décès parmi eux en général. En 1998, 20 % seulement des enfants ont été vaccinés contre les maladies principales. Actuellement, la malnutrition et l’anémie sont largement répandues. L’espérance de vie a diminué en Somalie pour atteindre 47 ans en 200685. L’atteinte par la tuberculose est d’un taux très important sinon le plus élevé dans le monde, à savoir 374 cas pour 100 000 habitants. En 2003, il y avait plus de 30 000 cas de malaria. Dans la même année, plusieurs cas de polyarthrite ont été découverts parmi les enfants si bien qu’il était impossible de maîtriser la maladie en 2006. La Somalie manquait toujours de ressources et de systèmes procurant la protection sanitaire élémentaire, mais la situation a empiré actuellement. En effet, pour 100 000 habitants il n’y a que 4 médecins, moins d’un chirurgiendentiste et moins d’un aide-soignant et 9 infirmiers. Le pays risque de perdre certains travailleurs de la santé étant donné que plusieurs d’entre eux sont tentés par l’émigration à la recherche d’une vie plus paisible et sûre et un meilleur revenu (Samer Jabbour et Imane Nuwayhid, en arabe, document de base pour le rapport). Les statistiques du PAM montrent qu’une grande partie des habitants souffre de sous-nutrition, que plus d’un cinquième parmi eux réside dans des régions où l’insécurité alimentaire est largement répandue ; c’est le cas de la vallée de Juba, des régions de Gedo, Bakol et Bay au sud du pays. Par ailleurs, il y a en Somalie 1,53 million d’habitants qui reçoivent des aides alimentaires86. Pour ce qui est de l’enseignement, l’entrée au primaire a diminué de 2000 à 2006, jusqu’à atteindre 22 %87 des enfants en âge de scolarisation, ce qui a réduit le pourcentage des adultes alphabétisés à 19,2 % 88. Une enquête menée par le PNUD et la Banque mondiale en 200289 révèle que la Somalie connaît l’un des taux les plus bas de scolarisation en Afrique. Une autre enquête effectuée par l’UNICEF sur la scolarisation estime à 286 808, dont 64 % de garçons et 36 % de filles, le nombre d’enfants scolarisés de la première à la huitième classe en 2002. Ces chiffres ont servi à estimer le taux de scolarisation des deux sexes au primaire comparativement au nombre approximatif des habitants appartenant à la même tranche d’âge. Par conséquent, le taux global de la scolarisation au primaire en Somalie a atteint 16,9 %, dont 20,8 % de garçons et 12,7 % de filles. À cela s’ajoute le fait que des milliers d’orphelins et de vagabonds sont laissés pour compte et sont obligés d’affronter tous seuls des conditions extrêmement dures. Ainsi beaucoup d’enfants sont enrôlés par les milices. C’est là d’ailleurs l’une des tristes évolutions enregistrées par les rapports des Nations Unies et traitées dans le 4e chapitre du présent rapport. Le taux d’alphabétisation des adultes somaliens est l’un des plus bas au monde. Il oscille entre 34,9 % dans les régions urbaines et 10,9 % dans les régions rurales. Ce taux est encore inférieur parmi les femmes parce qu’il atteint jusqu’à 6,7 % dans ces régions. Une telle situation reflète partiellement, en réalité, l’absence des opportunités d’instruction en Somalie suite à la guerre civile, notamment dans les régions lointaines où de larges couches de la population en âge de scolarisation ont perdu l’opportunité de suivre l’ensei gnement fondamental. V. Menace contre l’environnement L’occupation et l’intervention militaire, en tant que formes de guerre, portent préjudice aux systèmes écologiques de deux manières principales. D’abord, l’environnement peut constituer une source de conflit car il comprend les ressources qui suscitent les rivalités pouvant dégénérer en conflits armés. Ensuite, l’environnement peut se dégrader à cause de la guerre issue de la concurrence ou d’autres raisons du conflit. À titre d’exemple, les guerres nuisent à l’environnement en détruisant les récoltes et l’infrastructure, ce qui oblige l’État à réparer les dommages et à réhabiliter la situation moyennant un coût élevé après la fin des conflits. Or, l’environnement demeure, même après l’arrêt des combats, exposé aux dangers laissés par la guerre. C’est le cas des bombes non explosées, des armes perdues, des immeubles délabrés, des épaves de bateaux naufragés, des avions détruits. C’est aussi le cas des mines et des poisons répandus dans l’eau ou l’air. A. L’Irak En 2003, à cause de la guerre, les ordures ont été jetées à tort et à travers dans les rues. C’est que le système de collecte des poubelles a été profondément perturbé par différents obstacles ainsi que par le pillage des équipements. En outre, le conflit a laissé derrière lui de grandes quantités de débris d’immeubles bombardés (potentiellement atteints par l’uranium appauvri et l’amiante) et de matériel militaire (véhicules, munitions non explosées et uranium appauvri)90. La guerre en Irak a souillé l’eau, l’air et la terre par différents polluants. Outre l’évacuation des résidus de la guerre dans le Tigre, les coupures répétitives d’électricité ont perturbé l’approvisionnement en eau, ce qui a poussé les gens à utiliser les eaux non potables. L’un des exemples illustrant la pollution de l’air au cours de la guerre est l’événement survenu le 20 mars 2003 : l’ex-autorité irakienne a incendié le champ de pétrole de Rumeila pour boucher la vue aux avions en raid par la fumée dont les nuages ont couvert le ciel si bien qu’on pouvait les voir du Koweït. La même autorité a eu recours à cette pratique dans d’autres régions. La fumée charriait des substances toxiques affectèrent la santé des civils comme des militaires. Les tranchées creusées pendant la guerre ont exposé le sol, les eaux des nappes phréatiques et l’eau potable à la pollution91. Le taux d’alphabétisation des Somaliens est l’un des plus bas au monde B. Le Territoire palestinien occupé Les politiques israéliennes ont eu un effet négatif sur l’environnement. L’une des conséquences les plus graves fut l’épui sement des ressources palestiniennes en eau, ce qui a d’ailleurs entraîné la détérioration de la situation des eaux en général. Le déficit en eau a atteint 50 millions de m3 annuellement en Cisjordanie et à Gaza, alors que le taux de pollution des eaux a augmenté de façon inquiétante. Les niveaux de concentration en chlore dans 90 % des canalisations d’eau oscillent entre 250 et 2 000 ml/l (les normes internationales stipulent que ces niveaux ne doivent pas dépasser 250 ml/l), alors que le niveau de concentration en nitrate dépasse le seuil international qui est de 50 ml/l92. En négligeant les équipements de canalisation des eaux dans les territoires Occupation, intervention militaire et insécurité humaine La guerre en Irak a souillé l’eau, l’air et la terre par différents polluants 207 Les colonies injectent des millions de mètres cubes de leurs eaux usées dans le Territoire palestinien occupé occupés et en manquant aux normes internationales à ce sujet, les pratiques israéliennes ont contribué à la détérioration de l’environnement palestinien. En effet, les colonies injectent des millions de mètres cubes de leurs eaux usées dans les rivières et ailleurs en terre palestinienne. Dans la seule Cisjordanie, les colonies habitées par quelque 350 000 colons déversent en moyenne 40 millions de m3 par an, comparativement aux habitants globaux de la Cisjordanie qui déversent 33,72 millions de m3. À Gaza, les eaux usées sont déversées dans les régions sablonneuses ou transportées par des citernes et pompées dans Wadi al-Salqa, Wadi Gaza et autres lits de rivière. Cependant, une partie de ces eaux se déverse dans la Méditerranée ou s’infiltre dans le sol et se mêle aux eaux des réserves souterraines93. Les autorités israéliennes ont construit une station pour emmagasiner les eaux usées à Beit Lahya au nord de la Bande de Gaza. Cette installation se trouve à proximité d’un grand complexe résidentiel. Le Centre al Mizan pour les droits de l’homme rapporte que la station se trouve au-dessus de la plus grande et jadis la meilleure nappe aquifère de Gaza. Malheureusement, cette réserve en eau est à présent polluée, ce qui ruine les perspectives de développement agricole94. C. La Somalie Les conflits communautaires, la confiscation des terres et la forte pression sur les ressources se sont conjugués pour détruire la Somalie et détériorer son environnement 208 L’intervention militaire en Somalie a accéléré l’effondrement des contraintes législatives et traditionnelles régissant l’accès aux ressources naturelles et à leur emploi. L’Union internationale pour la protection de la nature95 considère que les conflits communautaires, la confiscation des terres et la forte pression sur les ressources se sont conjugués depuis une longue période pour détruire la Somalie et détériorer son environnement. Les dégâts qui se sont accentués à cause des vagues d’occupation et des conflits de plus en plus atroces se manifestent dans la déforestation, le déboisement dans les régions peuplées. Ces dégâts ont touché l’environnement maritime vu la pêche excessive de quelques rares espèces par des parties étrangères œuvrant de façon illégale. La désertification due au pâturage extensif et à la mauvaise gestion de location des terres, le commerce du charbon végétal, avec les pays du Golfe, constituent Rapport arabe sur le développement humain 2009 une autre manifestation de cette détérioration environnementale dans un contexte politico-militaire atroce. Ce sont là des facteurs qui ont accéléré la déforestation et la perturbation du système des crues saisonnières ainsi que l’érosion du sol. Le commerce du charbon végétal a engendré la destruction des forêts d’acacia au sud de la Somalie, cette région qui préserve l’équilibre écologique en faveur des pasteurs et des éleveurs. En effet, les commerçants avides de faire des bénéfices considérables procèdent au déracinement de rangées tout entières de ces arbres pour les exporter à l’étranger. La transformation en charbon des arbres abattus est une opération qui pollue l’air et les milieux locaux. En 2000, la production globale du charbon végétal a été estimée à 112 000 tonnes, pour augmenter à 150 000 tonnes. 80 % de cette quantité était destinée à l’exportation vers les pays du Golfe contre 20 % seulement à la consommation locale96. L’un des aspects de cette exploitation affreuse des conditions anarchiques en Somalie est le rejet dans les cours d’eau locaux de déchets toxiques d’insecticides utilisés en Europe. Conclusion Ce chapitre a traité des impacts exponentiels que l’intervention militaire a sur la sécurité humaine dans trois pays arabes. Au TPO, en Irak comme en Somalie, l’occupation et l’intervention militaire ont coûté cher en perte de vies humaines et de libertés, avec toutes les répercussions négatives sur les revenus, l’emploi, l’alimentation, la santé, l’enseignement et l’environnement. Cette intervention étrangère a déclenché l’étincelle de la résistance et un cycle de violence et de contre-violence impliquant l’occupant et l’occupé avec des effets sur les pays voisins perturbant la sécurité humaine et nationale dans la région. Le règlement des conflits dans ces trois pays demeurera tributaire des plans conçus par des parties étrangères. Même lorsque les pays arabes ont adopté des positions unifiées à propos de certaines questions, ils n’ont pas réussi à honorer leurs engagements ou à appliquer les résolutions qu’ils ont prises à cet égard. Dans les conditions présentes, une question se pose : que peut-on faire pour mettre fin à l’intervention militaire ? On est tenu de rappeler que les forces d’occupation dans les trois cas, et dans des conditions différentes, ont reconnu l’aspect provisoire de cette occupation. Israël n’a pas réfuté le concept de deux États, israélien et palestinien, vivant côte à côte. Le début effectif du retrait des forces américaines d’Irak est prévu pour la fin 201197. L’Éthiopie a déclaré à son tour que sa mission a pris fin en décembre 200898. Cependant, le devoir s’impose de déployer des efforts sérieux pour traduire les volontés hésitantes en plans d’action concrète, notamment pour ce qui est du conflit israélo-palestinien, où l’hégémonie israélienne entrave les négociations de règlement et où il est indispensable de fournir des efforts diplomatiques particuliers pour dissiper les doutes et mettre un terme aux actions de provocation et d’hostilité dans les deux camps. En Irak, l’accord conclu entre les États-Unis et le gouvernement irakien sur le retrait des forces américaines constitue un pas dans la bonne direction. De même, le retrait de l’Éthiopie des terres somaliennes ouvre la voie à de nouvelles initiatives. Néanmoins, les questions qui demeurent d’actualité pour les trois pays considérés ci-dessus sont celles qui ont trait à la reconstruction des institutions de l’État et de la société ainsi que la relance de l’économie dans la période postérieure au conflit dans ces pays. En effet, les différentes composantes irakiennes sont appelées à se rencontrer dans le cadre d’un processus politique global. Les tentatives de réconciliation en Somalie n’avancent guère alors que le conflit opposant le Fath au Hamas n’est toujours pas résolu. De nouvelles tentatives doivent être entreprises dans la région pour instaurer la paix grâce à un nouveau dialogue autour du conflit israélo-palestinien auquel les pays voisins – la Syrie par exemple – prendraient part. Il est impératif également de donner la priorité à l’aplanissement des obstacles qui entravent le processus de développement dans le TPO. Dans l’un de ses éditoriaux99, New York Times dit que « Cela signifie le gel de la construction de nouvelles colonies en Cisjordanie. Cela signifie également de lever les barrages routiers inutiles pour la sécurité entre les villes et villages palestiniens. À JérusalemEst, cela signifie de cesser l’évacuation des Palestiniens de leurs terres comme cela signifie qu’il faudrait réduire l’état de siège à Gaza pour permettre l’importation du ciment et des matériaux de construction ». La situation actuelle confirme le fait que beaucoup de responsabilités incombent aux Nations Unies quant à l’avenir des pays soumis à l’occupation étrangère ou à l’intervention militaire. Cependant, les Nations Unies ont été marginalisées dans les questions de l’Irak et du TPO. En Somalie, les Nations Unies ont poursuivi leurs efforts pour réinstaurer la stabilité et établir des conditions plus humaines. Cela exige la coopération de tous les intéressés. En réalité, le cadre impartial susceptible de réaliser la sécurité humaine et nationale dans les trois pays ne saurait être que les Nations Unies. La Ligue arabe pourrait gagner en crédibilité et en efficacité si elle coopérait avec les organisations internationales en vue de réaliser cet objectif. Cependant, pour ce faire, les forces internationales et régionales doivent laisser la voie libre devant les Nations Unies et la Ligue arabe pour qu’elles réparent les dommages concrets. Occupation, intervention militaire et insécurité humaine Les questions qui demeurent d’actualité sont celles qui ont trait à la reconstruction des institutions de l’État, de la société ainsi que la relance de l’économie La situation actuelle confirme le fait que beaucoup de responsabilités incombent aux Nations Unies 209 Notes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 210 Galtung, 1964. En vertu du traité de paix signé entre Israël et l’Égypte, Israël s’est retiré définitivement du Sinaï en 1982. Le 14 décembre 1981, le Knesset israélien a ratifié la « loi des monts du Golan » qui applique les lois israéliennes à la région du Golan. Gouvernement des États-Unis 2003. Gouvernement des États-Unis 2004. Gouvernement des États-Unis et République d’Irak 2008. Gouvernement des États-Unis 2009. République démocratique fédérale d’Éthiopie 2006. République démocratique fédérale d’Éthiopie 2009. ONU 1945. Dale 2008. Gouvernement du Royaume Uni 2008. Elsea, Schwartz et Nakamura 2008. Global Security Organisation, Base de données statistiques en ligne 2008. Geneva Academy of International Humanitarian Law and Human Rights, Base de données statistiques en ligne 2008. Irak Body Count 2003-2009, Base des données en ligne 2008. Burnham et al. 2006. Iraq Family Health Survey Study Group 2006. Gouvernement des États-Unis 2009. Gouvernement du Royaume Uni 2008. Fischer 2006. Gouvernement des États-Unis 2009 A (en anglais) Calcul pour le PNUD/RADH pour la période juin 2003-novembre 2006. Irak Casualty Count, Base de données statistiques sur le Net 2008. Irak Casualty Count, Base de données statistiques sur le Net 2008. Nations Unie, Département des informations et des médias 2008, 2009a, 2009b. Rapports pour la période 2000-2008 selon la base des données statistiques B’Tselem 2009. PCBS 2008. HRW 2008a. HRW 2008a. ONU – Rapport du Secrétaire général des Nations Unies, 2008a. HRW 2008a. UNAMI 2008. HRW 2008 (en arabe). HRW 2008b. Loi contre le terrorisme n° 13 (2005). Selon le Rapport de YRW, le terrorisme est en général défini comme « tout acte criminel commis par un individu, un groupe organisé et visant un individu, un groupe d’individus, des institutions officielles ou non officielles et endommageant les biens publics ou privés dans le but de troubler la situation sécuritaire, la stabilité et l’unité nationale ou de semer la peur, la terreur ou la panique parmi les gens ou de susciter l’anarchie à des fins terroristes ». HRW 2008b. HRW 2008b. Ferwana 2006. Amnesty International 2006. Amnesty International 2007a. Amnesty International 2007b. HRW 2008b. Banque mondiale 2008b. Beehner 2007. OIT 2007. Platts 2008. Beehner 2007. Arnove et Abunimah 2003. Il est difficile de présenter des statistiques exactes sur la corruption institutionnelle dans les nouvelles instances gouvernementales. Cependant, la Commission de l’intégrité publique en Irak, créée après la guerre, rapporte plus de 2 500 cas de corruption engageant un montant global de 18 milliards d’USD. Un nombre important de directeurs généraux, de délégués ministériels, de ministres ont été incriminés dans 42 de ces cas dont certains comportaient la pratique de plusieurs sortes de contrebande. Bien que les tribunaux irakiens aient examiné quelques cas concernant de hauts responsables et prononcé des jugements à leur encontre, la plupart des inculpés n’ont pas été mis en prison ni même arrêtés. Certains ont été assistés pour fuir hors du Rapport arabe sur le développement humain 2009 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 pays avant que le gouvernement n’ait pu récupérer les fonds qu’ils avaient détournés. Les pires cas de chantage et de corruption ont eu lieu dans le secteur du pétrole. Les enquêteurs de la Commission d’intégrité et d’autres instances internationales ont découvert de grandes opérations de trafic de pétrole dans les années d’après guerre. Le rapport de l’inspecteur général au ministère du Pétrole note que la corruption dans le secteur de l’énergie a coûté des millions d’USD à l’Irak, à cause du manque des registres de production, de l’absence de systèmes de contrôle interne et de la faiblesse des structures organisationnelles et des équipes de travail, notamment dans les divisions de vérification. Le pire est peut-être que certaines milices et forces politiques alliées aux chefs des tribus contrôlent les installations pétrolières, y compris les champs de pétrole, les pipelines et les ports d’exportation qu’ils exploitent comme fiefs privés, loin de toute supervision du gouvernement, des instances internationales ou des forces d’occupation. Ce phénomène ne permet point de connaître exactement le volume des exportations pétrolières (Salah Al-Nasrawi, en arabe, document de base pour le rapport). Transparency International 2008. ONU – Rapport du Secrétaire général des Nations Unies, 2008f. ONU – Rapport du Secrétaire général des Nations Unies, 2008f. UN-OCHA 2007. UN-OCHA 2008a. Al-Tufakji 2003 (en arabe). Akkaya, Fiess, Kaminski and Raballand 2008. Akkaya, Fiess, Kaminski and Raballand 2008. Akkaya, Fiess, Kaminski and Raballand 2008. Dernières informations disponibles sur cette période. PNUD 2007. Banque mondiale 2004. OIT 2008b. Les dernières informations disponibles sur la Somalie à partir d’organisations internationales datent de 2002. PNUD et La Banque mondiale 2003. PNUD et La Banque mondiale 2003. La question des déplacés a été traitée dans le chapitre 4 de ce rapport : « L’insécurité personnelle des groupes vulnérables ». PAM 2009. Oxfam 2007. Compte des cadavres en Irak (Iraq Body Count) 2003-2009, Base de données statistiques en ligne 2008. Burnham et al. 2006. PNUD et Ministère de la Planification et de la Coopération pour le Développement 2005. Susan Watts, Sameen Siddiqi, Alaa Shukrullah, Kabir Karim, and Hani Serag 2007. Al-Awqati 2008 (en arabe). CICR 2007. Save the Children 2007. UNAMI 2006. OMS 2006a. OMS 2005c. Commission indépendante pour les droits de l’homme, 2006. Centre palestinien des droits de l’homme 2005 (en arabe). UNESCO 2005. Barghouti et Murray 2005. Barghouti et Murray 2005. UNICEF 2009. UNICEF 2009. FAO 2006. UNICEF 2009, dernières informations disponibles pour cette période. PNUD et Banque mondiale 2003. PNUD et Banque mondiale 2003. PNUE 2007. PNUE 2007. Ministère des Affaires environnementales 2000 (en arabe). Ministère des Affaires environnementales 2000 (en arabe). Institut des recherches appliquées 2005 (en arabe). UICN 2006. Baxter 2007. Gouvernement des États-Unis et République d’Irak 2008. Ministère des Affaires étrangères de la République démocratique fédérale d’Éthiopie 2009. New York Times 2009. Occupation, intervention militaire et insécurité humaine 211 Chapitre 9 Conclusions La sécurité humaine constitue une protection pour le développement humain lors des périodes de régression politique, sociétale et économique Le présent Rapport a commencé par définir la sécurité humaine comme étant « la libération des êtres humains des menaces intenses, extensives, persistantes, et compréhensives auxquelles leur vie et leur liberté sont vulnérables ». Le premier chapitre considère qu’une telle définition et le cadre conceptuel qui la sous-tend ont des significations particulières dans les pays arabes, dans la conjoncture actuelle et contribueraient à déterminer les priorités dans les stratégies et les plans de développement. En effet, la sécurité humaine constitue une protection pour le développement humain lors des périodes de régression politique, sociétale et économique, comme celles que la région a connues durant ces dernières années et qui continuent à réduire les horizons de son avenir. La sécurité humaine est distincte de celle de l’État, mais l’une ne s’oppose pas nécessairement à l’autre. En revanche, la sécurité de l’État est indispensable à celle des individus. La contradiction entre les deux se manifeste lorsque l’État se préoccupe absolument des questions de sécurité nationale aux dépens des droits et libertés fondamentaux des citoyens, ou lorsque ses pratiques transgressent le règne de la loi. Dès lors, l’État faillit à sa mission de protecteur de la sécurité humaine et devient lui-même une partie du problème. La sécurité des personnes d’abord Certains acteurs faisaient partie du problème, mais ils peuvent constituer un élément de la solution, s’ils changent de parcours Les menaces à la sécurité humaine sont aussi interdépendantes que multidimensionnelles Avec des effets composites. Elles sont dues à plusieurs facteurs, variant entre les phénomènes naturels, les États autoritaires et les convoitises des forces régionales ou internationales. Elles peuventêtre associées à des acteurs locaux tels que les appareils sécuritaires de l’État ou les rebelles aussi bien qu’à des acteurs mondiaux, comme les réseaux de traite des êtres humains ou les forces d’occupation. Elles peuvent s’aggraver sous l’effet d’autres phénomènes qui envahissent le monde, tels que la mondialisation qui a accentué la diffusion transfrontalière des facteurs de risque affectant la sécurité humaine. Certains acteurs évoqués par le rapport faisaient partie du problème, mais ils peuvent constituer un élément de la solution, s’ils changent de parcours. D’autres, y compris la société civile arabe émergente et les organismes régionaux et internationaux, pourraient être plus actifs et constamment engagés à construire la sécurité humaine. Les chapitres précédents ont rapporté plusieurs propositions quant aux parcours offerts aux partenaires voulant contribuer à cet édifice, chacun dans l’activité qui lui est propre, y compris des plans et des mesures précis, exécutables, pour réduire les menaces à travers toutes les dimensions de la sécurité humaine. Les analyses du Rapport ont montré que le concept de sécurité humaine offre Encadré 9-1 un cadre adéquat pour axer de nouveau le contrat social ainsi que les politiques de développement arabes sur les propriétés vitales – mais négligées – et qui laissent un impact sur le bien-être des citoyens arabes. Bien que les niveaux de sécurité Rami G. Khouri – Une autre année s’est écoulée Il semble que la vulnérabilité, les anomalies et les insuffisances se sont conjuguées lors de l’année précédente dans les pays arabes. Voici les tendances principales qui, à mon sens, caractérisent le profil de la région actuellement, et qui se poursuivront durant plusieurs années à venir. La caractéristique principale des pays arabes, c’est cette association étrange entre l’affirmation de soi et la dépendance à l’égard d’acteurs étrangers ; ce qui reflète un état de grande polarisation entre deux aspects contradictoires, dans nos sociétés. D’une part, nombreux sont, dans les pays arabes, les États, les groupes ethniques ou les mouvements politiques qui se tournent encore vers l’étranger en quête de protection et de salut. Ils comptent plus sur les forces étrangères que sur leurs peuples pour leur survie. À plus d’un égard, nous sommes encore prisonniers de la mentalité de la période postcoloniale. Le grand intérêt prêté à de nouvelles politiques moyen-orientales de l’Administration Obama aux États-Unis n’est que l’une des manifestations spectaculaires de cette tendance. D’autre part, le seul changement important survenu dans les pays arabes, au cours des deux décennies écoulées, se manifeste dans la tendance de millions d’Arabes à abandonner cette mentalité de « dépendance vis-à-vis de l’Occident » pour affirmer leurs identités ainsi que leurs intérêts. Divers mouvements islamistes constituaient l’espace principal de l’affirmation de soi. Néanmoins, ils n’ont pu traduire leurs bilans en impulsion susceptible d’édifier un État solide et homogène. Ces mouvements demeurent en effet défensifs et réactionnaires en premier lieu. Ils sont capables d’affronter les forces occidentales, Israël et certaines forces internes, mais sont dépourvus de toute détermination à traiter les revendications des masses populaires, telles que la création d’opportunités d’emploi, la protection de l’environnement et la modernisation politique. Les sociétés qui connaissaient, autrefois, une certaine complémentarité et une certaine cohésion ont commencé à se disloquer et se diviser en quatre composantes principales : des bureaucraties que l’État gère par le biais d’un lourd arsenal de forces de l’ordre, un secteur privé pénétré par les dimensions mondialisées de consommation, des identités traditionnelles sûres d’elles-mêmes et tranchées (essentiellement islamistes et tribales) ; des bandes criminelles diverses comme les bandes de jeunes, les milices, les émigrés clandestins, les réseaux de trafic de drogue, et de pillage organisé qui vivent sur les revenus du gouvernement. Ces quatre secteurs sociaux cohabitent dans une sérénité relative, chacun occupant son propre espace dans la société en comptant sur ses propres ressources. Le grand perdant dans ce sens est certes la cohésion et la transparence de l’État arabe moderne qui n’a pas réussi à promouvoir le sens de la citoyenneté parmi ses ressortissants. La libéralisation et la démocratisation sont pour le moment léthargiques. Ce sont là effectivement deux revendications enterrées sous le poids abrutissant des États sécuritaires arabes minés par la corruption, les mouvements de masses animés par l’émotion et la peur, ainsi que sous l’impact débilitant des interventions israéliennes, américaines et étrangères. À l’instar du nationalisme, l’activité politique authentique ainsi que la lutte électorale pacifique pour le pouvoir dans les pays arabes, sont les victimes de nos propres excès. Comme les pressions économiques augmentent à travers tout le Moyen-Orient après la récession mondiale actuelle, les prévisions relatives à la démocratisation vont encore chuter dans l’ordre des priorités régionales. Suite à ces tendances, l’importance des questions politiques principales pour les peuples de la région perdra d’intérêt. C’est le cas pour la plupart des populations et des États à travers le monde. Les ramifications des dysfonctionnements du MoyenOrient, et les pires – terrorisme, immigration clandestine, lutte ethnique, corruption, États policiers et autres atrocités perpétrées aussi bien par l’État que par des acteurs privés – ne feront l’objet que d’irritants occasionnels pour le reste du monde. Nous nous sommes marginalisés au lieu de nous constituer en acteurs sérieux sur la scène mondiale et nous voici réduits au rôle de criailler contre les nuisances et les mécréants. Le catalyseur, le plus ancien et le plus fort, du mécontentement, du déséquilibre et de l’extrémisme, dans notre région, à savoir la lutte arabo-israélienne, ne connaît pas d’évolution réelle. Au lieu de figurer sur l’agenda diplomatique comme question urgente, cette affaire revêt un aspect plutôt trompeur, éludant sans cesse « le processus de paix ». Si l’on prend en considération les nouveaux facteurs assez complexes, on comprend que la résolution du conflit deviendra plus difficile que jamais. Dans les pays arabes, ces tendances générales génèrent l’anxiété et le désespoir. Par ailleurs elles sont instables, et les peuples arabes ne sauraient les supporter pendant les prochaines années à venir. L’aspect positif de ces tendances ainsi que de leurs conséquences réside dans le fait qu’elles émanent de décisions politiques humaines. Il est donc possible de les redresser toutes en optant pour des politiques plus positives et plus équitables dans l’avenir. Source : Khouri 2009. 214 Rapport arabe sur le développement humain 2009 humaine ne soient pas identiques dans les pays arabes, aucun de ces pays ne peut prétendre qu’il s’est libéré de la peur et du besoin, étant donné que plusieurs d’entre eux sont affectés par les répercussions de l’insécurité dans les pays voisins. D’où l’insistance du Rapport sur l’importance capitale des facteurs suivants : • Protéger l’environnement : Sauvegarder la Terre et en améliorer la situation en préservant l’eau, l’air et le milieu sur lesquels repose la vie des peuples dans les pays arabes, étant donné les pressions de plus en plus fortes aussi bien sur les plans local, régional et mondial qu’environnemental et démographique. • Renforcer le règne de la loi : Garantir les droits, les libertés et les opportunités fondamentales sans différenciation ni discrimination, c’est ce que seul un État de bonne volonté, soumis au contrôle, réceptif aux intérêts de ses citoyens et régi par des lois justes peut offrir à ces citoyens ; atténuer les conflits identitaires et reposant sur la rivalité pour s’emparer du pouvoir et des richesses, dans le cadre d’un État jouissant de la confiance des citoyens. • Protéger les droits des catégories vulné rables : l’État et la société sont appelés à reconnaître la maltraitance et les exactions que subissent au quotidien les catégories vulnérables, notamment les femmes, les enfants et les réfugiés dans la région. Il faut également envisager l’amélioration de leurs conditions juridiques, économiques, sociales et individuelles. • Réorienter l’économie : Planifier pour atténuer la faiblesse structurelle des économies arabes reposant sur le pétrole ; augmenter les revenus tout en optant pour l’instauration d’économies variées et équitables fondées sur la connaissance, génératrices d’emplois et capables de garantir leur subsistance aux générations de l’après-pétrole. Les choix dans ces domaines deviennent de plus en plus urgents, vu la crise monétaire mondiale qui a éclaté lors de la finalisation du présent Rapport. les capacités humaines, à perturber la vie de millions de personnes et à entraver la marche du développement humain dans toutes les sous-régions, notamment les plus pauvres. Il ressort de la dernière crise alimentaire que les économies de sécurité alimentaire dans l’économie mondiale nécessitent le nouveau réalisme d’une définition de la sécurité alimentaire dans la région moins centrée sur la souveraineté alimentaire absolue, que sur la réalisation d’une suffisance en denrées essentielles pour tous les membres de la société. • Promouvoir la santé : Améliorer les niveaux de santé en tant que droit humain pour tous, en tant que l’une des conditions fondamentales de la sécurité humaine, et en tant que capacité de renforcement dans une série d’activités humaines. Les progrès importants réalisés par les pays arabes dans ce secteur ont été accompagnés d’échecs politiques et institutionnels qui ont entraîné des disparités au niveau de l’accès aux services médicaux de qualité, et une accentuation des menaces relatives à la prolifération de maladies, telles que le VIH/sida, la malaria et la tuberculose. Aucun des pays arabes ne peut prétendre qu’il s’est libéré de la peur et du besoin • Régler les conflits et les prévenir : Les conflits permanents dans la région, y compris ceux en rapport avec l’intervention des forces régionales et internationales, se sont avérés néfastes à la sécurité et le développement humains. Ces conflits ont infligé d’énormes dommages et dégâts, à travers l’usage de la force contre les habitants, sans tenir compte de la vie des civils. Ils ont également causé d’inimaginables souffrances humaines et jeté la confusion. Ils ont souillé la réputation des puissances qui s’y sont impliquées et miné le progrès fragile de la réforme politique dans la région, renforçant ainsi les tendances extrémistes et poussant les voix modérées hors de l’arène publique. Pour progresser vers une société humaine, il faut mettre fin à ces conflits et entamer, après leur résolution, une nouvelle période de relance. • Éliminer la faim : Éradiquer la faim et la malnutrition qui continuent à affaiblir Conclusions 215 Environnement : c’est aujourd’hui qu’on protège demain Le taux élevé des jeunes dans la région pose des défis supplémentaires Les pays arabes ont un besoin urgent de politiques démographiques et développementales globales Le défi de la pénurie d’eau doit être relevé en appliquant les principes d’une bonne gestion des ressources aquatiques 216 Les pressions démographiques augmentent la demande en ressources naturelles telles que l’énergie, l’eau, les terres arables qui sont de plus en plus exposées aux dégâts dans la région arabe. La rareté des richesses naturelles pourrait engendrer la récession économique, l’émigration grandissante et la concurrence accrue entre communautés et pays. Cette concurrence peut dégénérer en conflits sociaux, surtout quand elle est instrumentalisée idéologiquement. Tant que les modes de développement n’ont pas résolu la question de la durabilité, les dommages pourraient affecter les fondements mêmes de ce développement et la sécurité humaine dans l’avenir. Le taux élevé des jeunes dans la région pose des défis supplémentaires. Les jeunes représentent en réalité l’avenir pour leurs peuples et constituent l’investissement majeur que pourrait faire un État dans le domaine du développement. Ils sont également le souci principal pour les décideurs. Avant de devenir économiquement productifs, les jeunes consomment des ressources et nécessitent des investissements fondamentaux, notamment dans le domaine de l’enseignement. Si les jeunes souffrent du chômage pendant une longue période, cette étape non productive dans leur vie devient synonyme de frustration et d’insécurité personnelle tout en pesant lourdement sur les épargnes de la famille, sur l’économie et les ressources de base. Les pays arabes ont un besoin urgent de politiques démographiques et développementales globales, capables d’orienter efficacement ce flux de populations jeunes et de leur offrir des « opportunités » tant attendues dans la région. Il faut également maintenir la baisse, quoique lente, dans les taux de fertilité, par des politiques sociales visant à dépasser les conceptions sclérosées des rôles des sexes et les obstacles entravant l’émancipation de la femme, comme par des politiques de développement s’assignant comme objectif la création d’emplois et par des politiques d’enseignement susceptibles de bâtir un potentiel humain prêt à intégrer les marchés contemporains du travail. Les pays arabes n’ont pas manifesté jusqu’à présent l’habileté administrative Rapport arabe sur le développement humain 2009 convenable, susceptible de protéger la sécurité de l’environnement. En réalité, seuls trois pays arabes sont répertoriés parmi les cent premiers pays figurant dans l’Indice de durabilité environnementale. Il s’agit en fait d’un critère composite selon lequel les pays sont classés en fonction des plans qu’ils établissent pour gérer les ressources écologiques et naturelles, la population et le développement. Il est d’une importance capitale de fournir plus d’efforts afin d’élaborer et d’exécuter des stratégies nationales de développement durable, d’examiner la situation de l’environnement à l’intérieur et autour des pays. Les gouvernements arabes disposent de plusieurs moyens pour encourager les forces sociales principales et le secteur privé à contribuer aux efforts fournis pour protéger l’environnement. Ces moyens comprennent : le système fiscal, les incitations à l’usage de technologies favorables à l’environnement, les campagnes appelant à l’adoption de politiques encourageant l’emploi des énergies renouvelables non polluantes, l’adoption de politiques encourageant l’utilisation durable des sources d’énergie, l’usage des moyens de transport collectif au lieu des voitures personnelles, l’application de mesures efficaces de lutte contre la désertification et la déforestation. La rareté de l’eau représente l’un des défis les plus graves pour la région arabe qui vient en tête des régions menacées par le manque d’eau dans le monde. Ce défi doit être relevé en appliquant les principes d’une bonne gestion des ressources aquatiques dans les politiques de développement, les cadres institutionnels, la régulation de l’offre et de la demande en eaux. Ces principes font appel à une bonne gestion de ressources – terres, eaux et autres – de manière coordonnée visant à relever le niveau de bien-être économique et social à ses degrés les plus hauts possibles et de façon équitable, sans sacrifier le moindre élément de durabilité dans les systèmes écologiques1. Du moment que les questions de l’environnement sont de nature mondiale, les initiatives visant à les traiter doivent aussi se faire sur le plan mondial. À l’instar des autres pays du monde, les pays arabes se sont intéressés aux questions de la sécurité écologique et ont ratifié la plupart des conventions internationales relatives à l’environnement. Alors que la grande responsabilité incombe aux pays industrialisés pour ce qui est des changements climatiques sensibles, les pays arabes peuvent eux aussi apporter leur contribution, en tenant leurs engagements, en appliquant les conventions, en développant des instances de contrôle nationales et régionales fortes, des systèmes d’alarme ainsi que des plans d’action pour remédier à la rareté de l’eau, à la désertification, à la pollution atmosphérique et à la dégradation du sol sur le plan régional. Les pays arabes sont tenus de concevoir des mesures multiples pour s’adapter aux changements climatiques et en alléger les effets, en posant des stratégies susceptibles de limiter les risques des catastrophes et en adoptant des mécanismes pour gérer les risques considérés comme un élément critique de l’adaptation2. Le chapitre 2 du présent Rapport contient un nombre de recommandations proposées dans ces domaines. Dans ce contexte, il convient de signaler l’importance des recommandations émanant de la première conférence arabe du Forum arabe pour l’environnement et le développement3 tenu en octobre 2008 pour discuter le Rapport : L’Environnement arabe : défis de l’avenir. En plus des plans et programmes nationaux sur l’environ nement, la conférence a recommandé une action sérieuse pour affronter les défis intersectoriels suivants : a) Institutions environnementales : Soutenir financièrement les institutions écologiques, leur attribuer les pouvoirs exécutifs pour planifier, coordonner et exécuter des programmes de protection environnementale ainsi que pour assurer la planification à long terme nécessaire à affronter les effets des changements climatiques, tels que le ralentissement de la croissance économique ou la production de biocarburants et ses effets sur la disponibilité en nourriture, le revenu pétrolier national et les plans de développement en général. b) Intégration des considérations envi ronnementales dans la planification pour le développement : par le biais de l’emploi des mécanismes du marché et l’introduction de la comptabilité des ressources naturelles et des principes de comptabilité écologique et toutes les formes d’évaluation écologique stratégique et cumulative, en plus de l’effet écologique des projets. c) Législation environnementale : Intégrer aux législations arabes des textes engageant leurs pays à employer des moyens économiques pour réaliser le respect de la loi environnementale, à réglementer l’exercice d’activités environnementales, de sorte que seules les personnes habilitées en savoir et en expertise peuvent s’y adonner et mettre en œuvre toutes les législations environnementales et supprimer tous les obstacles entravant leur exécution. d) Enseignement : Réviser les curricula d’enseignement à tous les niveaux pour introduire le sujet de l’environnement de manière à accroître l’engagement environnemental chez les étudiants. e) Recherche scientifique : Augmenter le budget destiné à la recherche scientifique dans le domaine de l’environnement, créer des réseaux de savants et de centres de recherche dans Encadré 9-2 Les pays arabes sont tenus de concevoir des mesures multiples pour s’adapter aux changements climatiques et en alléger les effets Les dirigeants arabes s’engagent à faire progresser la réforme politique Nous, dirigeants des États arabes, réunis dans le cadre de la 16e session ordinaire du Conseil de la Ligue des États arabes, à Tunis […] affirmons […] notre ferme détermination à : • Concrétiser la volonté de faire évoluer le système d’action arabe commune, à la faveur de la décision du Sommet de Tunis de réviser la charte de la Ligue des États arabes et de moderniser ses méthodes d’action et ses institutions spécialisées, et à la lumière des différentes initiatives arabes contenues dans les propositions du Secrétaire général et sur la base d’une vision consensuelle et d’une démarche graduelle et équilibrée. • Réaffirmer l’attachement de nos États aux principes humanitaires et aux nobles valeurs des droits de l’homme dans leur dimension globale et complémentaire, ainsi qu’au contenu des différents pactes internationaux et du pacte arabe sur les droits de l’homme adopté par le Sommet de Tunis, au renforcement de la liberté d’expression, de pensée et de culte, et à la garantie de l’indépendance de la justice. • Œuvrer, à la lumière du document sur le processus de réforme et de modernisation du monde arabe, à poursuivre la réforme dans nos pays, pour s’adapter aux mutations mondiales accélérées, à la faveur de la consolidation de la pratique démocratique, de l’élargissement de la participation à la vie politique et publique et du raffermis sement du rôle de l’ensemble des composantes de la société civile, y compris les organisations non gouvernementales, dans la conception des contours de la société de demain. Œuvrer également à élargir la participation de la femme dans les domaines politique, économique, social, culturel et éducatif, à renforcer ses droits et sa place dans la société et à poursuivre la promotion de la famille et la protection de la jeunesse arabe. Source : LEA 2004. Conclusions 217 De grands espoirs se fondent sur l’État civil comme étant le défenseur majeur et le garant de la sécurité humaine ce domaine sur les plans national et régional. f) Communications et mass media : Organiser des formations sur l’environnement au profit des rédacteurs et des experts en communication ; réserver des pages et des programmes sur l’environnement dans tous les moyens de communication dans le but d’améliorer le niveau de conscience des masses à propos de la détérioration de l’environnement ; généraliser une meilleure compréhension du coût et du bénéfice relatifs à l’application du programme de la gestion écologique et à la rationalisation de l’utilisation des ressources naturelles. L’État : solution ou problème ? Il est impératif de modifier le contrat social et les modes d’interaction politique sur la base de l’égalité des droits et des chances La concentration de toute autorité au sein de l’exécutif cédera la place au contrôle public 218 De grands espoirs se fondent sur l’État civil – c’est-à-dire, l’État régi par des lois qui respectent les droits civils et politiques – comme étant le défenseur majeur et le garant de la sécurité humaine. Toutefois, le présent rapport souligne que, dans les pays arabes, les aspirations des citoyens à la protection de leurs droits et libertés se sont rarement réalisées sur le terrain, même si la distance entre espoir et réalité varie d’un État arabe à l’autre. Les dirigeants arabes ont clairement reconnu l’importance du règne de la loi et des droits politiques dans la « Déclaration sur le processus de développement, de modernisation et de réforme dans le monde arabe », adoptée à l’issue du 16e Sommet arabe de Tunis en 20044. Cependant, depuis lors, peu de choses ont été réalisées dans ce sens. Par conséquent, les recommandations du RADH 2004 Vers la liberté dans le monde arabe, sont toujours d’actualité5. Tous les pays arabes sont appelés à élargir et à approfondir le processus démocratique afin de permettre aux citoyens de participer, sur un pied d’égalité, à l’élaboration des politiques publiques. Un système politique contrôlé par les élites, malgré ses aspects démocratiques, n’aura pas de résultats favorables pour la sécurité humaine qui englobe tous les citoyens, abstraction faite de la classe sociale, de la croyance, du genre et de l’appartenance ethnique/tribale. Il est impératif, dans ce cas, de modifier le contrat social et les modes d’interaction politique sur la base Rapport arabe sur le développement humain 2009 de l’égalité des droits et des chances, afin de tisser des liens de citoyenneté entre les individus dans la société. Ces liens doivent être assurés par l’État en tant qu’institution qui est au-dessus des catégories sociales, transcendant les tribus et leurs chefs, les groupes ethniques et leurs dirigeants, les confessions et leurs prédicateurs. Tel est l’État pour tous ses citoyens, le protecteur de leur sécurité personnelle et humaine, le garant de leurs droits individuels et humains. Un tel État s’engage clairement à respecter les concepts mondiaux des droits de l’homme. Il ne se contentera pas de ratifier les conventions internationales, mais il tiendra aussi à inclure leurs dispositions dans la législation nationale, et à supprimer les obstacles juridiques et organisationnels qui en empêcheraient la mise en œuvre significative. Cet État saura également incarner une séparation claire les pouvoirs : la concentration de toute autorité au sein de l’exécutif cédera la place au contrôle public dans le cadre d’un système de poids et contrepoids garanti par un judiciaire indépendant et un législatif véritablement représentatif et autorisé. Le secteur de la sécurité est réformé selon les principes de professionnalisme et de service public. Cet État est également amené à préserver son indépendance en établissant ses politiques, en répondant aux pressions internes et externes et à gagner l’approbation et le soutien de son propre peuple. Somme toute, il serait un État légitime, au-dessus des intérêts étroits qui se meuvent dans son espace politique, et saurait jouir de l’acceptation volontaire de ses citoyens des principes par lesquels le pouvoir se pratique. Afin d’aboutir à un tel État, des progrès seront nécessaires dans les domaines suivants : Citoyenneté : La citoyenneté dans la région arabe doit être égalitaire et significative. Les êtres humains sont nés dans des circonstances qui varient l’accès aux options de développer leurs capacités, mais ils sont tous dignes des mêmes droits fondamentaux. Le droit de citoyenneté doit être identique pour toutes les personnes vivant dans un pays donné, indépendamment de leur origine ethnique, des croyances religieuses, du genre, de la santé, de la culture, de la richesse ou de tout autre attribut personnel. Partie intégrante de cette égalité, la reconnaissance et l’acceptation de la diversité, dans toutes ses composantes, dérive du même droit humain fondamental. La mise en œuvre de ces droits fondamentaux exige la reconnaissance de la citoyenneté pour tous et des mesures nécessaires pour appréhender tout un système de ressources, de services, d’aspects de protection et d’opportunités offertes à ces citoyens, et la manière dont celles-ci sont réparties entre eux. De nombreuses études ont montré que la discrimination et les inégalités socio-économiques entravent la sécurité humaine et le développement humain. En revanche, l’égalité constitue un moyen essentiel de mobiliser et de renforcer les compétences et la performance humaine dans toutes les dimensions du développement. Autonomie judiciaire : L’autonomie judi- ciaire est une exigence fondamentale pour améliorer la sécurité humaine dans les pays arabes. Premièrement, la protection des droits de l’homme dépend de l’existence d’une justice équitable, autonome, capable de contrôler tous les acteurs politiques et économiques, sous une protection constitutionnelle et juridique. Deuxièmement, l’autonomie judiciaire facilite la stabilité politique et la généralisation de la justice. Enfin, elle constitue un élément vital pour le développement d’économies saines, raisonnables et inclusives. L’autonomie judiciaire ne peut être obtenue uni quement par le biais d’institutions statiques, mais aussi par l’éveil et le développement permanents. Si les engagements contenus dans les constitutions arabes et les conventions internationales sont pris au sérieux, les corps législatifs dans les pays arabes doivent être disposés et habilités à agir sur un pied d’égalité à l’égard des systèmes judiciaires, en leur qualité de principes authentiques du pouvoir, et non à travers la médiation de l’exécutif. Les pouvoirs exécutifs dans la région sont tenus de faire preuve d’un engagement similaire à traiter le pouvoir judiciaire sur un pied d’égalité. Habilitation des corps législatifs : Malgré le large éventail de pouvoirs constitutionnels accordés aux corps législatifs dans les pays arabes, les parlements tiennent généralement un rôle subordonné. Dans les domaines où les parlements jouissent d’un certain degré d’autonomie par rapport à l’exécutif, ils manquent généralement de l’utiliser de manière efficace pour contrôler le processus législatif. Deux aspects doivent être pris en considération pour traiter de l’incapacité des instances parlementaires dans les pays arabes. Le premier c’est le processus électoral, souvent conçu de manière à limiter les possibilités de l’autonomie parlementaire. C’est que les élections restent, elles aussi, sous l’emprise du pouvoir exécutif dans les pays arabes. Généralement supervisées par le ministère de l’Intérieur, elles ne vont pas sans éveiller quelque défiance à l’égard de l’insistance traditionnelle du ministère sur les questions de sécurité intérieure. La loi électorale est très souvent taillée sur mesure en faveur de telle ou de telle partie. La neutralité est un élément important, à la fois dans les procédures électorales et dans le scrutin. Mais l’élément le plus important encore dans ces procédures est le climat politique général dans lequel les élections se déroulent : le pluralisme reste encore une exception plutôt qu’une règle dans la région arabe, ce qui restreint les choix des électeurs dans les élections législatives. Par conséquent, il convient d’arrêter les modifications régulières des lois électorales. La deuxième question qu’il faudrait examiner dans les domaines parlementaires dans les pays arabes est l’absence de moyens et de méthodes nécessaires pour interroger les pouvoirs exécutifs. Réforme du secteur de la sécurité : Souvent l’État peut être lui-même une source de violence, en dépit de sa capacité et de son rôle central dans le contrôle de celle-ci. C’est le cas de nombreux pays arabes qui sont encore fortement influencés par une approche sécuritaire traditionnelle dans le domaine de la sécurité intérieure. Cela s’accompagne d’une insuffisance illustrée par la restriction du sens de la notion de sécurité, à tel point quelle ne peut aborder les déséquilibres majeurs. En tant qu’instrument consolidant la stabilité du régime, le secteur de la sécurité dans les pays arabes est soumis Conclusions 219 Les principaux objectifs de la réforme dans le secteur de la sécurité se manifestent au niveau du développement de corps sécuritaires, capables d’assurer la sécurité et les mécanismes de contrôle efficaces Ce qui caractérise les réformes institutionnelles réussies, c’est qu’elles sont le fruit d’un appel à la réforme émanant de différentes couches de la société 220 à un strict contrôle gouvernemental, ce qui en compromet l’intégrité et la capacité à garantir la sûreté et la sécurité de tous ceux qui vivent à l’intérieur des frontières de l’État. Les sociétés arabes sont de plus en plus confrontées à des menaces transfrontalières, de nature collective, y compris le trafic d’armes et de drogue, le crime international et la répartition, entre les pays, de maigres ressources naturelles, comme l’eau. Ces menaces exigent une remise en question de la politique sécuritaire, dans son ensemble, ainsi que de la nature des rôles, des missions, des acquisitions, de la formation et de la répartition des ressources. Aborder la sécurité du point de vue de la protection des personnes et des communautés contre la violence est une obligation. Les décisions relatives à la sécurité dans les pays arabes doivent être analysées et comparées par rapport à leur impact sur le développement et la cohésion sociale. Les principaux objectifs de la réforme dans le secteur de la sécurité se manifestent au niveau du développement de corps sécuritaires au coût raisonnable, capables d’assurer la sécurité et les mécanismes de contrôle efficaces compatibles avec les normes démocratiques. Le secteur de la sécurité doit être soumis à un système de poids et contrepoids au niveau de l’État. Réaliser une gestion transparente, soumise à l’interrogation dans le secteur de la sécurité dépend de l’existence d’une administration et d’un contrôle civils des agences de sécurité ainsi que leur éloignement de la politique et d’autres rôles non liés à la sécurité. Dans des pays arabes ayant connu des conflits, la réforme est appelée à aborder un troisième objectif, celui d’examiner l’héritage des conflits passés, à savoir : le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des anciens combattants dans la société, la réforme judiciaire sous forme de justice transitionnelle et la réduction des armes légères et des mines antipersonnel6. Société civile : Ce qui caractérise les réformes institutionnelles réussies, c’est qu’elles sont le fruit d’un appel à la réforme émanant de différentes couches de la société et non pas un simple changement provenant du sommet. L’accent Rapport arabe sur le développement humain 2009 a été souvent mis sur le rôle de la société civile dans les tentatives de réforme institutionnelle ; c’est le cas pour la déclaration de Tunis et le document d’Alexandrie7. Toutefois, la participation non étatique dans la réforme dépasse les limites de la société civile ; elle englobe également le secteur privé. Les pays arabes font face à une nouvelle réalité où la représentation des secteurs privés s’accroît constamment et à plusieurs niveaux, dans les domaines législatif et exécutif ; ils deviennent influents dans l’élaboration des politiques publiques, en particulier celles relatives aux affaires économiques et sociales. Les expériences relatives à l’expansion de la démocratie à l’extérieur de la région arabe ont souvent été associées à l’accroissement du poids politique du secteur des affaires et son partenariat avec l’élite dirigeante dans la gestion de la société et de la politique. Bien que ces alliances se contentent parfois de polariser l’élite commerciale en tant que partenaire secondaire de l’État, elles ont poussé les autorités, dans de nombreux cas, à considérer la bonne gouvernance, le règne de la loi, le questionnement et la transparence, comme étant des principes fondateurs de l’État. Il est probable que l’essor politique du secteur privé arabe stimulera la transformation démocratique dans l’environnement sociopolitique8. Assurer la sécurité des groupes vulnérables Le phénomène de la violence à l’encontre des femmes ne se limite pas aux pays arabes même si quelques-unes de ses formes, telles que les crimes d’honneur et les mutilations génitales féminines, semblent plus accentuées dans les pays arabes qu’ailleurs dans le monde. Toutefois, c’est la vulnérabilité institutionnelle et culturelle qui constitue une spécificité arabe. Plus particulièrement, la famille continue d’être dans la région arabe la première institution sociale qui reproduit les relations, les valeurs et les pressions patriarcales à travers la discrimination entre les sexes. À ce propos, les États arabes ont l’obligation de fournir aux femmes les moyens susceptibles de garantir leurs droits et leur sécurité. Comme exprimé dans les précédents Rapports Arabes sur le Développement Humain, qui ont appelé à une réforme sociétale globale fondée sur les droits, la promotion de la femme arabe est tributaire du respect total des droits de citoyenneté pour toutes les femmes arabes, la protection de leurs droits au niveau des affaires personnelles et des relations familiales, la garantie du respect total de leurs droits et libertés individuelles, et surtout, leur protection durant toute leur vie contre l’abus et la violence physique et psychique. L’application desdits droits nécessite des changements juridiques et institutionnels visant à mettre en harmonie les législations nationales avec La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). En plus du cadre juridique, l’environnement social constitue l’un des facteurs importants de la discrimination contre la femme. La violence à l’encontre des femmes ne peut être traitée uniquement dans sa dimension juridique ; il est par contre indispensable de l’affronter dans l’ensemble de la société par le biais de l’éducation et de la sensibilisation publique. Comme l’indiquent les rapports précédents9, le manque de clarté dans les concepts culturels et sociaux par rapport aux rôles, aux fonctions et aux droits représente une entrave à la promotion de la femme. L’enseignement et les médias doivent participer effectivement au changement des images biaisées à travers les émissions sociales visant à contribuer à la promotion de la femme. Les racines culturelles de la discrimination contre les femmes s’étendent sur plusieurs niveaux qui nécessitent tous une action simultanée : • L’éducation familiale établit une discrimination entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les questions liées aux libertés, aux responsabilités et aux droits. Cet environnement ébranle la confiance de la femme en elle-même et l’image qu’elle se construit d’elle-même. C’est pourquoi il faudra comprendre les mécanismes de cette discrimination pour y mettre terme. • Dans l’enseignement, les efforts œuvrant à consolider l’égalité des sexes sauront tirer profit de l’introduction des méthodes et des techniques modernes aux programmes de l’enseignement pour aider à restructurer les manuels, les méthodes d’enseignement et l’évaluation. • Dans les médias, le problème ne se limite pas à la rareté et à la faiblesse des programmes qui visent à promouvoir le statut de la femme et à renforcer le respect de son rôle dans la société. Le problème va au-delà lorsqu’un grand nombre de programmes médiatiques conduisent à entraver les efforts visant à la promotion de la femme, et dégénère encore plus avec l’analphabétisme qui fait des médias audiovisuels la première source de culture populaire. La priorité doit être accordée à la consolidation des méthodes de contrôle et d’analyse de l’image de la femme dans les médias arabes. Les médias doivent également contribuer activement au développement de la conscience publique autour de CEDAW. Il existe aussi dans les pays arabes une crise liée à l’aliénation et à l’ostracisme dont souffrent les groupes vulnérables et à la négligence de la part des gouvernements des droits fondamentaux de ces groupes, du moment que leurs membres appartiennent à la famille humaine. Dans la plupart de ces pays, ces groupes ne subissent pas uniquement une discrimination institutionnelle, mais aussi une partialité de l’ensemble de la société. Ce comportement ne se limite pas aux femmes mais s’étend à d’autres groupes marginalisés, tels que les minorités, les personnes âgées, les jeunes, les enfants, les handicapés, les PDI et les réfugiés. La négligence envers ces groupes vulnérables et leur marginalisation représentent un point noir dans les registres des droits de l’homme dans les pays arabes et doivent donc être éliminées sans retard ni tergiversation. Les réfugiés et les PDI souffrent d’une discrimination institutionnelle et sociale et sont traités comme des habitants de deuxième classe dans plusieurs pays arabes. Conformément aux principes des droits de l’homme et en vue de garantir ces droits à tous les demandeurs d’asile sur leurs territoires, les pays arabes sont désormais fortement appelés à : • Ratifier les conventions internationales pour la protection des réfugiés, car au moment de l’établissement de ce rapport, la Jordanie, la Syrie et le Liban n’avaient pas encore signé cette convention importante. Conclusions La garantie du respect total des droits de la femme nécessite des changements juridiques et institutionnels La négligence envers les groupes vulnérables et leur marginalisation représentent un point noir dans les registres des droits de l’homme dans les pays arabes 221 L’application du modèle de l’État rentier a un impact négatif sur le développement L’affrontement des défis économiques dans la région nécessite un modèle alternatif du développement • Traiter les causes de la guerre et du conflit à leurs racines et soutenir les initiatives de paix impliquant des acteurs de la base populaire, des ONG et des gouvernements dans la région. • Se focaliser sur des projets intégrés visant à assimiler les réfugiés résidant dans des camps à long ou à court terme. Cela atténuerait certaines pressions exercées sur les ressources et l’infrastructure dans les villes arabes qui souffrent des flux de réfugiés. • Réaliser la réhabilitation des camps de réfugiés et les concevoir comme des espaces urbains non pas sur la base de la situation politique et sociale des réfugiés mais en vue d’en faire une partie intégrante de la ville. Les schémas directeurs des centres urbains basés sur la mise à niveau doivent prendre en considération la structure physique, socio-économique et culturelle des espaces en question. Il faudra également adopter une approche de participation intégrée émanant des bases populaires pour définir les principaux traits des besoins différents des réfugiés : femmes, hommes, enfants et personnes à différents niveaux de revenu, etc. • S’assurer de l’engagement total des ministères du travail, du développement social et de la justice ainsi que des organismes nationaux des droits de l’homme, dans le contrôle et la promotion des droits de l’homme des demandeurs d’asile. • S’assurer que les individus ne sont pas rapatriés là où ils risqueraient leur vie et leur liberté conformément au principe de non-refoulement. Redéfinir la sécurité économique Les pays arabes doivent penser sérieusement à un avenir qui dépasserait le modèle économique actuel dans la région et la société sur laquelle il repose. La procrastination mènerait à l’insécurité économique dans la région. L’un des traits généraux distinctifs du contrat social dans les pays arabes c’est que le citoyen accepte les limitations de la représentation publique et de la responsabilité de l’État en échange des profits que ce dernier lui procure. Un 222 Rapport arabe sur le développement humain 2009 tel contrat est possible si l’État dispose d’autres ressources, en dehors des impôts directs, telles que le pétrole, pour financer les dépenses publiques. Bien que l’application du modèle de l’État rentier varie à travers la région arabe, son impact, comme on le sait, a été négatif sur le développement dans toute la région, à l’instar de la baisse des investissements dans les autres secteurs productifs ; ce qui rend le revenu de l’État tributaire des réserves limitées du pétrole, de la fluctuation des prix dans le monde, de la domination de certains modes de consommation qui, souvent, ne contribuent pas à la création d’emplois, et de la dévaluation du savoir dans des sociétés où le progrès est souvent lié à la richesse plutôt qu’aux activités cognitives et intellectuelles. Un tel pacte social ne favorise pas la mise en place d’une économie sûre, autonome et compétitive à long terme, et doit donc être dépassé. L’un des aspects positifs de la baisse prévue du revenu du pétrole et de l’aide officielle pour le développement dans les années à venir, c’est qu’elle pourrait conduire à s’appuyer davantage sur les sources de revenu nationales et donc à renforcer la responsabilisation mutuelle de l’État et des citoyens. À partir des expériences économiques dans la région et dans d’autres régions du monde y compris les pays de l’OCDE, des doutes s’installent concernant la tendance à dépendre uniquement des forces du marché pour organiser les affaires économiques. Ceci dit, l’affrontement des défis économiques dans la région nécessite un modèle alternatif du développement arabe basé sur trois piliers : le développement économique diversifié, la génération des emplois et la réduction de la pauvreté, tous dans le cadre de la coopération régionale. Et quand les leçons tirées des échecs économiques mondiaux récents sont prises en considération, les outils de ces politiques devraient être hétérodoxes : ils devraient refléter un moyen terme pragmatique entre les politiques du marché libre basées sur le principe du « laissez-faire, laissez-passer » et l’intervention excessive de l’État. Plus précisément, ce Rapport a clairement souligné la nécessité d’accorder la priorité au travail dans les trois domaines suivants : Diversification économique : la promotion de la base productive des économies arabes et sa diversification sont l’un des facteurs déterminants dans le traitement des formes d’insécurité économique établies dans ce Rapport. L’attention actuelle dans la région doit absolument être réorientée de l’expansion économique basée principalement sur les revenus du pétrole vers une croissance constante de la part du secteur industriel et de sa productivité, une hausse remarquable de la productivité agricole et la reconsidération de la concentration intense sur le secteur des services. Ceci requiert une révision du cadre macroéconomique qui donnerait lieu à plus d’investissements publics dans l’infrastructure, favorisant par là une croissance basée sur l’industrie d’exportation. Cette révision doit envisager un secteur financier solide et un environnement de crédits robuste, ouvert et accessible pour permettre aux sociétés privées de financer l’investissement et la croissance. L’une des voies pour assurer un financement stable à long terme aux secteurs stratégiques, est la création de banques de développement, quelles soient des institutions publiques comme au Brésil, en Corée et au Japon, ou privées comme en Allemagne. Les pays qui ont tardé à franchir le pas de l’industrialisation ont réussi remarquablement en se servant de ce type de banques de développement comme bouclier financier pour l’application de leurs politiques stratégiques dans le domaine de l’industrie. Ces deux objectifs politiques, à savoir le développement de l’infrastructure et l’octroi de crédits financiers stables et fiables, constituent les deux pierres angulaires des stratégies industrielles nationales et régionales qui visent à diversifier les sources de croissance. En ce qui concerne la politique agricole, il faudra accorder plus d’intérêt à des questions essentielles comme celles d’assurer l’accès aux terrains productifs et aux crédits, les bénéfices d’un soutien ciblé des prix, le changement des rôles basés sur le genre et une gestion efficace des ressources en eau. Mondialisation : L’influence de la mondialisation sur les pays arabes n’est pas moins importante que dans le reste du monde. C’est pourquoi il est nécessaire de mieux gérer son pouvoir et d’en tirer profit. Le changement technologique de plus en plus rapide relève de manière continue le plafond du niveau technologique et exige des pays développés de hausser le niveau de productivité et de compétitivité dans l’économie mondiale afin de trouver un rôle fructueux dans les changements mondiaux. La réalité est que les secteurs les plus dynamiques dans l’économie mondiale intégrée concernent les produits et les services à haute technologie. En contre part ie, les dernières décennies montrent que le fait de s’appuyer sur les produits à bas prix et la main-d’œuvre non qualifiée pourrait générer une « croissance paupérisante », ce qui est laisse les économies en développement dans un état d’insécurité grave. C’est pourquoi la première étape à franchir vers la sécurité économique doit englober un développement plus large des capacités technologiques potentielles, la mobilisation et le développement des forces intellectuelles ainsi que l’orientation vers la production et les services à valeur ajoutée. Dans ce contexte, les recommandations proposées dans le RADH 2003, Vers l’instauration d’une société du savoir, sont encore d’actualité aujourd’hui. Création d’emploi : Toute stratégie économique globale conçue au service des pauvres doit renouveler son engagement à créer l’emploi et l’investissement qui sont les catalyseurs de la promotion de la croissance. Le programme des réformes arabes actuelles a mis de côté le modèle de développement de l’État pour en prôner un autre contrôlé par le pouvoir du marché et visant à créer un climat propice à l’investissement et au capital privé. Toutefois, la réalité montre que ce modèle ne constitue pas forcément une solution à l’aggravation et à l’extension de la crise du chômage dans la région, car le cœur du problème, selon les auteurs du Rapport, réside dans la nature du développement qui repose sur le pétrole. L’application d’un modèle fondé sur les revenus du pétrole a généré une croissance fluctuante sans créer d’opportunités d’emploi. Par ailleurs, ce modèle a créé des inégalités dans le revenu qui a tendance à baisser plus que dans les autres régions du monde. Il a également aggravé la situation relative à la pauvreté du revenu. La croissance de la production doit absolument être reliée à la réduction de la pauvreté, ce qui exige de générer les opportunités d’emploi en contrepartie d’un salaire Conclusions Toute stratégie économique globale conçue au service des pauvres doit renouveler son engagement à créer l’emploi La croissance de la production doit absolument être reliée à la réduction de la pauvreté 223 convenable et ce, à une grande échelle. Le chômage, en plus de ses répercussions économiques, est le défi politique et social le plus sensible auquel sera confrontée la région dans un avenir imminent. Ce défi Encadré 9-3 ne réside pas uniquement dans la création d’emploi, mais englobe la création d’opportunités d’emploi productives et dignes à l’ensemble des populations qui ont atteint l’âge de travailler. Pour réaliser Georges Corm* – Les Arabes dans l’ère de l’après-pétrole Parmi les facteurs qui ont déstabilisé les sociétés arabes, il y a la domination du pétrole sur les économies arabes pétrolières ou non pétrolières depuis le début des années 1970. Car les revenus drainés du secteur du pétrole n’ont pas influencé uniquement les pays exportateurs de pétrole. Une partie de ces revenus s’est répandue dans toutes les économies arabes par le biais des transferts de devises de la main-d’œuvre arabe vers les pays non exportateurs de pétrole, en plus des flux des investissements bilatéraux. C’est pourquoi les taux de croissance annuelle dans les pays arabes sont devenus intimement liés aux fluctuations des prix du pétrole, de telle sorte que le rythme de croissance augmente ou ralentit en fonction des fluctuations des prix mondiaux. Du fait du pétrole et de l’économie de rente, les pays arabes se sont habitués à la consommation d’un ensemble important de produits et de services importés, sans pour autant augmenter leur capacité productive et exportatrice pour financer ces importations, en dehors du secteur de l’énergie. Les efforts d’investissement se sont focalisés également pendant l’ère pétrolière sur le développement de la capacité de production de l’énergie et sur son exportation en vue d’en augmenter les revenus. Quant au mouvement d’investissement dû aux excédents financiers, sa distribution s’est faite entre les grands groupes financiers familiaux et les petites épargnes du plus grand nombre des travailleurs arabes dans les pays pétroliers. Dans les deux cas, les investissements se sont orientés principalement vers les secteurs de l’immobilier, du logement, du tourisme et de la banque. Les excédents financiers n’ont pas été exploités effectivement dans la construction des capacités productives locales en vue d’affronter les défis de la mondialisation et de l’après-pétrole. Pour cela, il faut commencer à penser sérieusement à réajuster les voies du développement afin que les Arabes deviennent producteurs dans les domaines sur lesquels repose le mouvement de la mondialisation, à l’instar de ce qui a été fait par plusieurs pays qui accusaient un retard économique, tels que l’Irlande, Singapour, la Corée du Sud, le Taïwan et Malte. Cela signifie qu’il faut mettre en œuvre des plans interdépendants pour enrayer l’émigration des cerveaux arabes. Car le mouvement de la mondialisation impose à tous les États de développer les capacités de la connaissance et de la création qui s’appuient en premier lieu sur la compétence humaine, la bonne organisation, l’encouragement de la créativité technologique dans des domaines modernes tels que l’électronique, l’informatique, les recherches en matière de santé, en médecine, en biologie et sur les nouvelles variétés de nourriture, en plus des recherches se rapportant à l’élimination de la pollution de l’environnement et à la production des sources d’énergie alternatives. Il convient de rappeler que les États arabes ont accompli de grands efforts dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, mais sans garantir les opportunités d’emploi suffisantes et appropriées aux compétences arabes qui arrivent au marché de l’emploi annuellement et en grands nombres, mais se trouvent contraintes d’émigrer en quête d’une vie professionnelle remarquable et active, mais inexistante dans leurs pays. Cette situation fait partie d’un cercle vicieux dû à la concentration des investissements dans le domaine immobilier, commercial, bancaire et dans certaines industries légères qui ne nécessitent pas de grandes capacités technologiques (exception faite de l’industrie pétrochimique qui est le prolongement du secteur pétrolier). La réalité est que les économies arabes s’appuient, en plus de la rente pétrolière, sur la rente immobilière, la rente des agences d’importation des produits étrangers et la rente financière et bancaire. Ces économies ne sont pas encore entrées dans l’époque de la rente qui provient de la capacité technologique dans la fabrication des produits et des services modernes, qui s’appuient sur le savoir plus que sur la maind’œuvre traditionnelle. Par ailleurs, afin d’encourager les leaders économiques arabes à s’engager dans les opérations d’investissement exigeant de hautes compétences humaines, des connaissances scientifiques et technologiques, et pouvant drainer des bénéfices importants du fait de la créativité technologique, il est nécessaire de restructurer les systèmes fiscaux ainsi que le panier des motivations octroyées à l’investissement afin que celui-ci s’oriente progressivement vers la diversification de ses domaines. Il existe de nombreux professionnels arabes qui possèdent de grandes compétences et qui peuvent faire développer des moyens et des techniques nouveaux dans la fabrication de produits modernes demandés à l’échelle mondiale. Mais ces professionnels ne trouvent pas dans leurs patries de bailleurs de fonds pour la protection de leurs créations par le biais de l’enregistrement de leurs brevets d’invention au niveau international et leur développement de telle sorte qu’elles deviennent utilisables dans les industries et les services modernes. Dans ce domaine, nous pouvons suivre l’exemple de certains pays, plus pauvre que les pays arabes, mais qui ont réussi à changer l’orientation restreinte et peu performante de leur développement, en s’appuyant sur le savoir et la technologie et en s’engageant dans la mondialisation pour en tirer profit de manière optimale. Les pays arabes, avec ou sans pétrole, n’ont pas encore accédé au monde de la modernité économique, conformément aux exigences de la mondialisation. C’est que l’édification des gratte-ciel, des aéroports élégants, et l’acquisition des voitures de luxe ne sont que les apparences de la modernité économique, et non sa substance palpitante puisée dans les sciences, les connaissances et la création technologique. * Georges Corm, consultant économique et financier international et juriste libanais. Ancien ministre des Finances (1998-2000) de la République libanaise. 224 Rapport arabe sur le développement humain 2009 cet objectif, les politiques économiques globales peuvent avoir un effet similaire à celui des programmes qui visent la lutte contre la pauvreté. La question qui s’impose à ce sujet est la suivante : Qu’est-ce qui fait que la croissance assure plus de soutien et d’utilité aux pauvres ? La réponse la plus convenable réside dans la nécessité de créer des situations qui contribuent à la concentration de la croissance dans les secteurs économiques qui peuvent permettre de générer des profits directs aux pauvres ; la mise en place d’un environnement susceptible de multiplier en leur faveur les opportunités d’emploi et de revenus véritables ; le renforcement de leurs capacités humaines fondamentales. Cela exige que les politiques globales soient inhérentes à une stratégie de développement élargie et favorable à l’investissement, non seulement au niveau de l’infrastructure, mais également au niveau des activités génératrices d’emploi, telles que les travaux publics, en plus du développement des capacités humaines en investissant dans les domaines de l’enseignement et de la santé. Réduire la pauvreté : Il est certain qu’une partie des hommes, des femmes et des enfants seront relégués dans la misère, même avec le concours des efforts visant à la réalisation de la diversité économique et à la création d’emploi. Pour les faire sortir de cette misère, il est nécessaire de développer des programmes et des politiques précis et ciblés en vue de relever les niveaux de revenu et de consolider l’accès aux services dans le contexte des stratégies de développement national. Parmi les composantes importantes qui n’ont pas été exploitées totalement dans les pays arabes figurent les projets des travaux publics qui doivent viser les catégories pauvres et procurer les fonds économiques valables pour les sociétés locales pauvres. Lorsque ce sont les catégories non nécessiteuses qui profitent amplement de tels fonds, la participation au financement doit être obligatoire et réintégrée dans les budgets des projets publics. Il y a également une autre composante importante, celle de la mise en place de filets de protection sociale, qui jouent un rôle crucial dans l’atténuation de l’impact de la récession économique sur les catégories vulnérables, et qui sont encore inégalement répartis entre les pays de la région. La plupart des pays arabes abritent un ensemble de réseaux d’assurance sociale interdépendants, complétés par des réseaux officiels et des réseaux gérés par l’État de manière différente dans chaque pays. Les pays arabes à haut revenu ont mis en place une série de réseaux d’assurance, relativement élargis et profonds, qui proposent un soutien particulier aux femmes veuves, divorcées, aux malades, aux personnes âgées, aux jeunes filles sans emploi, aux familles des détenus et aux étudiants. Les pays à revenu moyen ont adopté la même démarche mais sans couvrir tous les nécessiteux ni atteindre le soutien, l’égalité et le coût optimal espérés à travers les programmes proposés. Quant aux pays à bas revenu, ils ont à peine commencé depuis quelques années à mettre en place des filets de protection sociale officiels, lesquels souffrent des mêmes déficits que ceux des pays à revenu moyen, même si c’est à un degré plus élevé. En vue de financer les grands investissements globaux au profit des pauvres et de créer l’emploi, on préfère s’appuyer en premier lieu sur la mobilisation des ressources locales. Il n’est peut-être pas sage de s’appuyer sur les aides du développement officiel ou sur les flux du capital privé pour accélérer la croissance, sachant que la mobilisation de certaines ressources peut être effectuée par le biais de l’orientation des investissements publics vers les domaines productifs, c’est-à-dire dans le capital humain, physique et naturel. Les politiques publiques peuvent également créer un environnement plus propice aux investissements privés impliqués dans plusieurs domaines, soit à travers des politiques globales plus attractives, soit à travers une redistribution des acquis de manière plus équilibrée. En cas d’augmentation des opportunités d’emploi, les gens deviennent plus enclins à l’épargne et/ou travaillent davantage pour élargir la base de leur revenu matériel. Par ailleurs, les possibilités de mobilisation des ressources locales semblent plus élevées dans la région en raison de la baisse des taux d’impôts. Conclusions Il est également important de mettre en place de filets de protection sociale 225 Réduire l’insécurité alimentaire et sanitaire Le Rapport a interprété la sécurité alimentaire en termes de suffisance en produits vitaux pour tous les individus de la société La baisse du niveau de suffisance en aliments de base constitue l’une des lacunes les plus dangereuses dans le développement de la région 226 L’insécurité humaine, la faim et la malnutrition continuent d’affecter trop d’Arabes. Bien qu’il soit possible que certains États soient en avance par rapport à d’autres en atteignant le premier objectif du Millénaire pour le développement, à savoir, l’élimination de la pauvreté et de la faim, la région arabe accuse dans son ensemble un retard important en raison essentiellement de l’expansion continue de la faim dans les pays les moins développés de la région. Ce Rapport n’a pas interprété la sécurité alimentaire en termes de suffisance souveraine et absolue en matière de production alimentaire, ce qui aurait constitué un objectif non pratique en raison de la pénurie d’eau à l’échelle de la région, mais en termes de suffisance en produits vitaux assurés pour tous les individus de la société. Autrement dit, on ne s’est pas focalisé sur la question de la suffisance au niveau de l’État, mais au niveau humain. Dans ce contexte, la baisse du niveau de suffisance en aliments de base constitue l’une des lacunes les plus dangereuses dans le développement de la région. À travers le monde, comme dans la région arabe, les politiques non régulées du marché ont facilité la concentration croissante des ressources en terres et en eau entre les mains des grandes firmes commerciales dont le nombre se réduit de plus en plus. Cette tendance a contraint les petits agriculteurs à un investissement confiné dans des terres de plus en plus marginales. Les meilleures terres, qui ont pendant longtemps assuré la production alimentaire à ceux qui les cultivaient, sont consacrées aujourd’hui, de manière continue, aux cultures qui drainent des profits élevés, en vue de répondre aux modes de consommation des riches ou aux besoins de l’exportation. En même temps, les rapports de force non équilibrés, en particulier dans les régions rurales, ont permis aux groupes influents d’avoir la mainmise sur les meilleures terres et de confisquer les ressources en eau en contrepartie d’un coût beaucoup moins important que la valeur sociale de ces ressources. Toutes ces politiques ont généré des marchés qui se sont mis à produire des quantités moins importantes que la demande en matière de produits Rapport arabe sur le développement humain 2009 alimentaires de base, lesquels produits constituent la part la plus importante de l’alimentation des pauvres et de leurs modes de dépense. Dans ce contexte, il est possible de surmonter la pénurie alimentaire dans la région arabe en intervenant sur les politiques conformément aux principes suivants : Faciliter l’accès à l’acquisition des terres : Les pays arabes doivent créer un impôt progressif sur les terres productives en imposant des moyennes fiscales qui augmentent selon la superficie des terres acquises. Cette mesure forcerait les grands propriétaires terriens à vendre une partie de leurs terres et utiliser les bénéfices pour financer l’expansion des opérations d’irrigation. Il convient de traiter les questions reliées à l’accès aux terres, à leur distribution et à leur acquisition dans le cadre des politiques de soutien aux pauvres. L’un des points essentiels dans ce domaine concerne la garantie d’un cadre juridique et institutionnel qui faciliterait à la femme l’exercice de ses droits dans la gestion des ressources. Il est important par ailleurs de veiller à ce que les droits d’acquisition des terres ne soient pas discriminants à l’encontre de la femme en raison du rôle crucial qu’elle joue dans le secteur agricole. Le changement des statuts juridiques en vue d’affirmer les droits de la femme et consolider ses revendications en matière de fonds physiques et matériels est susceptible de générer des incitations nouvelles à la production et d’éliminer les causes principales de l’insécurité des femmes rurales. Étendre les régimes d’assurance et du financement au développement rural : L’intervention du gouvernement pour s’assurer de l’existence d’un système d’assurance et d’opportunités d’emploi en vue de consolider le développement rural en soutien aux pauvres peut s’avérer nécessaire. Cela signifie qu’il faut accorder aux activités agricoles des facilitations ciblées en matière d’assurance. Les lois qui exigent des banques commerciales qu’elles procèdent à la diversification des opérations de crédit et à leur extension aux régions rurales, comme c’est le cas en Inde et au Vietnam, permettent de consolider la petite production et le petit commerce agricoles. Le financement des travaux non agricoles qui impliquent dans les régions rurales une main-d’œuvre importante à investir dans les projets des travaux publics génère également des éléments susceptibles de stabiliser le revenu en cas d’accidents climatiques imprévus. Investir dans les ressources en eau : Il convient d’effectuer des investissements importants pour augmenter la capacité d’approvisionnement en eau, sa production et sa distribution à des fins diverses. Selon certaines estimations, le total du capital requis pour le renforcement de la capacité de la région en matière de dessalement de l’eau pendant la seule période des trois prochaines décennies s’élève à hauteur de 73 milliards d’USD, c’est-àdire, à 2,6 milliards d’USD en moyenne annuelle. En outre, tant qu’il n’existe pas d’investissement dans le domaine de l’eau, il sera difficile d’augmenter la production alimentaire, d’alléger les charges financières dues aux importations agricoles et d’améliorer la sécurité alimentaire. Ces investissements doivent par ailleurs être accompagnés de réformes majeures en matière de gestion de l’eau pour assurer l’accès aux ressources en eau dans les régions rurales de manière plus équitable et plus durable. Mettre l’accent sur la recherche et le développement : La connaissance est un élément vital pour l’agriculture et la production alimentaire, mais qui fait partie des conditions non exploitées. Il y a une nécessité à effectuer des recherches sur les problèmes des sociétés locales dans les régions menacées, y compris celles qui portent sur la protection des diversités culturelles locales des maladies et des pandémies, la diversification des produits nutritionnels, la création de sites d’exception sur les marchés et sur la flore dont la croissance peut s’acclimater d’un environnement plus chaud et plus sec. Actuellement, des budgets sans importance sont consacrés à la recherche et au développement dans les domaines de l’agriculture et de la production alimentaire. La somme des budgets alloués par tous les pays arabes durant les dernières années à la recherche et au développement dans ce secteur ne constitue guère qu’une partie infime du budget annuel d’une multinationale travaillant dans le domaine de l’alimentation et de l’agriculture. La santé constitue un objectif humain central et un instrument vital dans le renforcement des capacités humaines, qui affecte plusieurs aspects de la sécurité humaine. Bien que les pays arabes aient atteint des résultats concrets de manière générale en matière de santé publique, ils sont restés loin derrière les pays industrialisés. Malgré le progrès impressionnant qui se reflète dans l’augmentation des moyennes d’espérance de vie à la naissance et dans la baisse des taux de mortalité infantile, les autres indicateurs sanitaires principaux se rapportant à la région stagnentdepuis quelques années. Il y a par ailleurs des disparités évidentes en matière de protection sanitaire à l’intérieur d’un même pays et entre les pays de manière générale. Souvent les systèmes sanitaires font preuve d’une mauvaise gestion des données, de telle sorte qu’il est difficile de se faire une idée exacte de la situation de la santé publique. En outre, certaines pratiques enracinées dans les coutumes sociales continuent de porter préjudice à la santé de bon nombre de personnes, particulièrement des femmes, et qui exigent un changement des attitudes sociales de manière générale. Il convient de faire baisser les taux de malnutrition et de retard de croissance infantile et d’augmenter la valeur nutritionnelle des aliments en rendant disponibles les produits nutritionnels équilibrés et plus accessibles aux familles afin de faire baisser aussi bien la malnutrition que l’obésité. Ce défi implique les politiques alimentaires et sanitaires et exige la mise en place de mécanismes de fixation des prix de l’alimentation, d’extension des centres de soins médicaux élémentaires et de sensibilisation à la culture de la santé publique. Il faut également que les débats se concentrent sur les priorités de l’amélioration des niveaux de la santé publique, de son champ et des moyens de son développement. Les pays arabes sont dotés des ressources matérielles et humaines, comme de la volonté générale nécessaire au changement. Ce qui est exigé, c’est une vision prospective qui prenne en compte toutes les questions complexes, refuse les solutions rapides et propose un mode de réalisation progressif et pratique. Pour développer et réaliser une telle vision, il faut procéder à l’examen d’un certain nombre de principes fondamentaux : Conclusions Le défi de la sécurité alimentaire implique les politiques alimentaires et sanitaires Il faut que les débats se concentrent sur les priorités de l’amélioration des niveaux de la santé publique, de son champ et des moyens de son développement 227 Se concentrer sur les gens et sur la prévention : Dans de nombreux pays arabes, les systèmes sanitaires publics doivent être plus interactifs et plus soucieux de prévention en se focalisant davantage sur les gens comme étant l’axe principal de leur action10. Le modèle vital du traitement de la santé en vigueur dans la région, qui se focalise sur la protection dans les hôpitaux, les services de soins médicaux et le trai tement des maladies plutôt que sur les gens est un modèle trop restreint pour subvenir aux besoins attendus. Le système, dans sa totalité, doit entrer en communication et en interaction avec tous les autres secteurs en vue de promouvoir la santé publique et encourager son financement par le biais de mécanismes appropriés impliquant les différents secteurs. Généraliser l’accès : Les autres changements qui doivent être opérés concernent la baisse du coût des soins médicaux pour les gens ordinaires dont les dépenses en matière de santé dépassent de manière continue leurs moyens. Ceci impliquerait une redéfinition des priorités des dépenses publiques dans les pays à faible et à moyen revenu où les dépenses du gouvernement en matière de santé ne cessent de baisser. Par ailleurs, les pays à haut revenu, qui dépensent beaucoup dans le domaine des soins médicaux, sont appelés à traduire ces investissements en acquis concrets en palliant les déficiences au niveau de leurs systèmes sanitaires et en se focalisant particulièrement sur la protection préventive. Les pays arabes se doivent de fournir plus d’efforts pour mettre en place des législations dans le domaine de l’assurance médicale en en garantissant Encadré 9-4 Les priorités de la santé publique • La promotion de l’égalité en mettant l’accent sur les catégories les plus désavantagées. • La prévention orientée vers les personnes et la fixation d’un coût acceptable pour les soins médicaux élémentaires. • Le renforcement des soins de santé primaires et l’intégration des services médicaux fragmentés. • La consolidation des institutions de la santé publique. • Le soutien des initiatives de développement sanitaire qui mettent à profit la participation des sociétés civiles locales. Source : Jabbour 2007. 228 Rapport arabe sur le développement humain 2009 la mise en application et de motiver les employeurs du secteur privé pour octroyer aux employés des avantages appropriés en termes de soins médicaux. Promouvoir la sensibilisation et la participation publique : La participation publique est un élément essentiel dans la définition et l’application du processus approprié. Absorbé par des questions plus urgentes et plus en rapport avec la sécurité humaine (telles que la nourriture, les droits et les besoins fondamentaux), le citoyen dans les pays arabes pense rarement aux questions de santé en tant que priorités. C’est pourquoi il est indispensable de hausser le niveau de la connaissance générale relative aux questions de santé ainsi que le niveau de prise de conscience des droits et obligations afférents. En outre, les secteurs les plus florissants dans les pays arabes, si l’occasion se présente à eux, peuvent, en partenariat avec des gouvernements réceptifs et un soutien international, lancer des initiatives locales dans le domaine de la santé. Il est également nécessaire de développer des forums locaux marqués par une large représentativité des citoyens en particulier et disposant des prérogatives nécessaires pour appliquer les recommandations approuvées. Les pays arabes peuvent, par exemple, lancer des programmes de villes, de voisinages ou de villages sains basés sur la participation publique, de manière à ce que la coopération entre les gouvernements et les citoyens remplace les approches unilatérales. De tels programmes sont susceptibles de présenter des lignes directrices et éducatives reproductibles dans d’autres domaines de développement. Coordonner et coopérer aux niveaux régional et international : Sur le plan des politiques et des programmes, la coopération régionale est susceptible de faire progresser la performance dans les domaines de la santé et du développement. Ce genre de coopération a contribué à l’amélioration des conditions sanitaires dans les pays du Golfe. Cependant, la baisse continue des indicateurs de santé dans les pays voisins est inacceptable et nécessite le recours à plus de coopération. Il convient également de mobiliser les ressources et les expertises disponibles chez les gens et chez les organisations non gouvernementales au lieu de se satisfaire des capacités des gouvernements. Les organismes internationaux de coopération jouent aussi un rôle capital dans ce domaine en renforçant les liens entre les gouvernements, les sources de savoir et les ressources disponibles en vue de soutenir les plans nationaux en matière de santé. Affronter les menaces sanitaires émergentes : Les menaces sanitaires émergentes, y compris le sida et les maladies chroniques contagieuses, doivent être prises au sérieux. Toutefois, l’intérêt politique porté à ces menaces demeure limité ou totalement absent dans des contextes de non-transparence et où les catégories les plus exposées à ces menaces font face à la négligence et à la marginalisation. Les sciences médicales ont développé des traitements antirétroviraux pour les personnes atteintes du VIH/sida, mais bien qu’elles soient disponibles gratuitement dans la plupart des pays arabes, il est impossible d’en tirer profit d’une manière efficace tant que le comportement social envers cette maladie n’a pas changé, et sa prévention reste tributaire de l’émergence de nouveaux modes de comportement individuel chez les personnes atteintes. Il est devenu donc urgent de se dégager de l’atmosphère de secret et de stigmatisation qui enveloppe cette maladie, et ce, par le biais de programmes de sensibilisation sociale à la compassion impliquant la participation de leaders ayant une forte influence sur la vie des gens, tels que les leaders religieux et d’autres personnalités publiques. Quant aux maladies contagieuses majeures, la protection, la prévention et le dépistage précoce représentent les missions principales de l’infrastructure de la santé aux niveaux national et local. Mitigation des menaces externes et résolution des conflits L’instabilité règne encore dans la région arabe qui souffre aussi de l’occupation, de l’intervention militaire des forces étrangères et des conflits internes et transfrontaliers privant les gens de leurs droits fondamentaux et entravant le développement dans les régions en question. Ce Rapport a passé en revue les aspects de la violence institutionnelle, structurelle et matérielle imposée aux pays arabes par l’occupation et l’intervention militaire étrangère, tout en signalant plus particulièrement les cas du TPO, de la Somalie et de l’Irak. C’est à la communauté internationale, mais surtout à la Ligue arabe et à l’Union Africaine que revient la responsabilité primordiale d’aider les organisations régionales dans la lutte contre les dangers qui menacent la sécurité humaine dans de telles situations. La première et principale responsabilité de l’ONU est de maintenir la paix et la sécurité dans le monde et ne doit pas, par conséquent, abandonner le rôle important qu’elle joue dans la région à cet égard. Elle peut également apporter une contribution significative en Irak en aidant le pays à réussir sa transition vers le développement et la construction parallèlement à la définition d’une stratégie de retrait des forces américaines. L’ONU dispose aussi d’une capacité évidente, bien que sous-utilisée, à participer aux négociations visant à mettre fin au conflit arabo-israélien autour des territoires arabes occupés. De même, la communauté internationale peut faciliter en Somalie l’action des forces arabo-africaines sous l’égide de l’ONU conformément aux recommandations présentées par les leaders somaliens dans le Congrès de la réconciliation nationale. Quelle que soit la nature du programme adopté, la priorité doit être accordée à mettre fin à la souffrance et au décès dus aux conflits. La situation catastrophique dans le Territoire palestinien occupé, en Somalie et au Soudan, ainsi que la crise humanitaire et l’effondrement de l’infrastructure en Irak suite à deux décennies de guerres et de sanctions insensées, représentent des priorités qui ne sauraient être retardées. Malgré l’importance des subventions internationales, il est impossible de se passer des initiatives locales et régionales dans la lutte contre les situations d’urgence, car elles peuvent contribuer de leur côté au développement de l’infrastructure nécessaire. La persistance de l’instabilité de la situation dans la région à cause de tels dangers confirme l’importance du lien étroit entre la sécurité humaine et la sécurité dans son sens conventionnel à l’échelle nationale, régionale et internationale. Conclusions La protection, la prévention et le dépistage précoce représentent les missions principales de l’infrastructure de la santé C’est à la communauté internationale que revient la responsabilité primordiale d’aider les organisations régionales dans la lutte contre les dangers qui menacent la sécurité humaine 229 Le défi le plus important est celui du conflit araboisraélien au cœur duquel se trouve le conflit israélopalestinien Encadré 9-5 L’occupation, les conflits armés, les conflits identitaires et le recours à la violence sont tous des facteurs qui menacent la sûreté des peuples concernés dans la région et leur prospérité. Souvent, l’environnement géostratégique s’associe aux conditions politiques envenimées dans les pays arabes pour exacerber les conflits et continuer à dépendre des forces externes pour parvenir à des consensus. Cependant, cette dépendance même représente une source d’insatisfaction profonde parmi les peuples de la région, poussant l’opinion publique à lutter contre les forces étrangères perçues comme une menace à la sécurité humaine en raison de leur occupation des territoires des pays arabes et la destruction de la vie des citoyens. La diminution du mécontentement populaire à l’encontre des forces extérieures nécessite beaucoup plus que des contre-campagnes pour gagner « les cœurs et les esprits ». Cette situation est l’aboutissement de rapports de forces historiques ayant exposé les pays arabes aux interventions extérieures et au « deux poids deux mesures » dans les questions Discours du Secrétaire général des Nations Unies sur le besoin vital de la création d’un État palestinien et de l’instauration d’une paix équitable, permanente et globale Le Moyen-Orient n’a pas connu depuis longtemps une situation aussi complexe, aussi précaire et aussi dangereuse. Une profonde méfiance continue d’empêcher Palestiniens et Israéliens d’engager un réel processus de paix… Il y a de nombreuses causes à l’instabilité et à l’incertitude qui règnent dans cette région. Mais pour la plus grande partie du monde arabe, la blessure encore fraîche, même après 40 ans, est la poursuite de l’occupation du territoire arabe et le fait que les Palestiniens demeurent dépouillés de leur droit à leur propre État. Les bases de la solution sont claires : la fin de l’occupation commencée en 1967, la création d’un État palestinien indépendant et viable, vivant côte à côte avec un État israélien jouissant de la sécurité et d’une pleine reconnaissance, et une paix juste, durable et globale dans la région, comme prévu dans les résolutions du Conseil de sécurité. Source : ONU – Département de l’information 2007. S’il existe un fait que la crise de Gaza a bien confirmé, c’est bien celui de la profondeur des échecs du passé et le besoin urgent de parvenir à une paix équitable, permanente et globale pour tous les peuples du MoyenOrient. De la même manière que nous avons besoin d’un gouvernement palestinien unifié et engagé dans le processus de paix, nous avons besoin également que le gouvernement israélien honore ses engagements. Tout comme nous avons besoin que les Palestiniens règlent les questions de sécurité – comme le fait méritoirement l’autorité palestinienne en Cisjordanie – nous avons besoin que les Israéliens gèlent définitivement la colonisation. Source : Ban Ki-Moon 2009. 230 Rapport arabe sur le développement humain 2009 liées aux droits politiques et aux droits de l’homme. Il s’agit là d’une expérience douloureuse dans la mémoire collective et qui ne pourra être dépassée que par le respect indubitable des droits politiques, civils et religieux dans les pays arabes et non par de simples communiqués rassurants. Une telle sincérité, dont les premiers signes sont manifestes, améliorera remarquablement le climat d’une participation effective des parties régionales aux négociations visant à régler les différends qui sont depuis longtemps à l’origine de l’érosion de la sécurité humaine dans la région. Il se peut que les conflits dans les pays arabes ne soient pas résolus définitivement dans un futur proche. Toutefois, l’intensité et l’étendue de ces conflits et de leurs complications peuvent être atténuées. Le défi le plus important au MoyenOrient est celui du conflit arabo-israélien au cœur duquel se trouve le conflit israélopalestinien. Il est le centre de gravité de la vie politique dans la région ; et sa valeur et ses significations pratiques et symboliques s’enracinent chaque jour davantage. Le traitement de la cause palestinienne n’a commencé qu’au début des années 1990 en raison du fait que ce conflit ne constituait durant plusieurs décennies qu’un conflit parmi d’autres, internationaux, lors de la guerre froide, et régionaux. Sans une approche globale de ce conflit et des questions politiques et économiques qui lui sont liées, il est très probable qu’il demeure l’un des conflits les plus épineux dans le monde. Conformément au droit international, une occupation qui se transforme en un régime à long terme est illégale et injustifiée. L’occupation n’est permise qu’en tant que procédé provisoire pour le maintien de la sécurité et de l’ordre sur un territoire donné suite à un conflit armé dans l’attente de l’instauration de la paix. Quelles sont donc les conséquences juridiques d’un régime d’occupation qui a duré plus de 40 ans ? Certes, les obligations des forces de l’occupation stipulées par le droit international ne perdent pas leurs effets à cause du contrôle permanent imposé. Mais c’est plutôt le contraire qui est juste, ce qui donne lieu à plus de questionnements. Est-il donc possible qu’une occupation imposée et prolongée constitue un régime légitime sur le Territoire palestinien occupé ? Quelles sont les conséquences juridiques pour les victimes de l’occupation et des forces d’occupation ? Par rapport à la perspective du développement humain, une paix durable ne sera atteinte que par l’arrêt de l’occupation israélienne des territoires qu’elle a occupés en 1967 et par la restauration des droits palestiniens notamment celui de l’autodétermination11. L’absence d’une telle solution a contribué jusqu’à présent à une frustration sur le plan du développement humain dans la région. La crise en Somalie, qui dure depuis près de deux décennies, est devenue l’une des pires catastrophes humaines dans le monde ; et ce pays représente encore un défi à la communauté internationale. Depuis 1991, la Somalie représente un exemple flagrant de la notion de « l’État en faillite ». La détérioration de la sécurité persiste encore et les taux de blessés parmi les civils et notamment les femmes et les enfants qui paient le prix du conflit ne fait qu’augmenter. Plusieurs tentatives de mise en place de mesures transitoires ont échoué et le conflit a conduit à l’exacerbation des ressentiments entre les différentes catégories locales. Ce scénario varie constamment de telle sorte qu’il est devenu difficile de se faire une idée précise et claire du développement politique du pays. Il semble que la communauté internationale a concentré son attention sur un aspect marginal de ce problème, c’est-àdire le phénomène de la piraterie, au lieu de l’orienter vers le nœud de la crise, à savoir le besoin d’un consensus politique. L’on espère qu’une approche positive se développera, surtout que l’Éthiopie a commencé depuis janvier 2009 de retirer ses forces et qu’un nouveau gouvernement est au pouvoir depuis février 2009, rendant possible la relance d’un processus politique crédible. Durant les dernières décennies, l’Irak a vu s’écrouler sa richesse et son infrastructure qui ont fait sa gloire dans le passé. La sécurité humaine a été dangereusement menacée en Irak à cause d’une série d’épisodes de destruction héritée, dont la guerre avec l’Iran (1980-1988), la guerre du Golfe (1991), le régime des sanctions (1990-2003) et d’autres actes de violence sous le régime de Saddam Hussein ainsi que durant l’occupation entamée en 2003 par les États-Unis d’Amérique. Le cycle de violence commencé en 2003 a eu des conséquences humaines dévastatrices sur la société irakienne. Il a pratiquement arrêté la marche du développement humain dans le pays. Suite aux tensions et aux conflits générés par les opérations militaires des groupes armés, les crimes individuels et organisés, la corruption massive et les actes de violence commis par différentes parties ont endommagé si profondément le tissu social et l’infrastructure de l’Irak qu’il sera difficile de les réparer. En outre, le plus dangereux, peut-être, c’est l’effet combiné de tous ces facteurs qui a provoqué la crise des réfugiés, conduisant au déplacement de 4 millions d’Irakiens, dont environ 2 millions à l’extérieur de l’Irak. Plusieurs spécialistes et décideurs s’accordent à penser qu’il y a lieu de soutenir les efforts visant la reconstruction de l’Irak après la fin du conflit, en raison de plusieurs facteurs concomitants, dont l’amélioration relative de la sécurité à Bagdad, le retrait décidé des forces américaines et les résultats des élections locales de janvier 2009, Encadré 9-6 En Somalie, il semble que la communauté internationale a concentré son attention sur un aspect marginal de ce problème, au lieu de l’orienter vers le nœud de la crise Il y a lieu de soutenir les efforts visant la reconstruction de l’Irak L’Initiative de paix au sommet arabe de Beyrouth, 2002 1. Le Conseil demande à Israël de revoir sa politique et de s’orienter vers la paix en annonçant qu’il adopte la paix globale comme choix stratégique. 2. Il lui réclame également de : a.se retirer totalement des territoires arabes qu’il occupe, y compris le Golan syrien jusqu’aux lignes du 4 juin 1967, et du territoire qu’il continue d’occuper au Liban-Sud, b.parvenir à une solution équitable du problème des réfugiés palestiniens, conformément à la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations Unies, c.accepter l’établissement d’un État palestinien indépendant et souverain sur le Territoire palestinien occupé depuis 1967 en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale. 3. Les États arabes : a.considéreront alors clos le conflit arabo-israélien et s’engageront dans un accord de paix avec Israël pour réaliser la sécurité pour tous les États de la région, b.établiront des relations normales avec Israël dans le cadre de cette paix globale. 4. Le Conseil assure le refus de toutes les formes d’implantation définitive des Palestiniens, qui est en contradiction avec les particularités des pays arabes d’accueil. 5. Le Conseil invite le gouvernement d’Israël et tous les Israéliens à accepter cette initiative pour protéger les chances de paix et mettre un terme à l’effusion de sang, afin de permettre aux États arabes et à Israël de vivre en paix, côte à côte, et assurer aux générations futures un avenir sûr, où règnent la prospérité et la stabilité. Source : LEA 2002. Conclusions 231 lesquelles élections ont ranimé l’espoir de voir le nouveau régime politique participer à la stabilité générale dans toutes les régions du pays. Peut-être les élections d’octobre 2009 déclencheraient des ententes politiques éventuelles dans toute Encadré 9-7 la nation, dépassant le rôle de la religion, la pérennité des identités ethniques et confessionnelles aussi bien que le différend profond autour de la décentralisation. Mohamed El Baradei* – La Recherche de la paix au Moyen-Orient. Le conflit arabo-israélien se résume, à la base, dans l’existence de deux peuples qui se disputent une parcelle de terre. Ces deux revendications s’enracinent dans les croyances religieuses et dans deux perspectives différentes de l’histoire. Chacune des deux parties a le sentiment profond de sa légitimité. Pour le peuple juif, la revendication de la « terre promise » symbolise la fin de plusieurs siècles de persécution culminant dans l’holocauste. Quant aux Palestiniens, ils se demandent, de leur côté, comment il se peut que la « question juive » soit résolue à leur détriment, comment la terre sur laquelle ils ont vécu mille ou deux mille ans doit être partagée en deux États. L’insécurité Israël vit toujours dans le sentiment de l’insécurité, au milieu d’un environnement où il est largement isolé et avec lequel il est en rupture. En moins de 60 ans, quatre guerres ont eu lieu, deux intifada et plusieurs conflits mineurs, où le sang des innocents a été versé. Seuls deux États, l’Égypte et la Jordanie, ont reconnu Israël, avec lequel ils ont signé des accords de paix. Mais la paix instaurée était souvent plus proche d’une « paix froide » – autrement dit, une paix « officielle », accompagnée seulement par un minimum d’interactions entre les peuples. Souvent, la sagesse voulue de cette paix appelait le doute de la part des mouvements de protestation dans ces 2 pays, et même dans tous les pays arabes, vu la continuation de l’occupation par Israël des territoires palestiniens. Entretemps, des réfugiés palestiniens en grand nombre continuent de vivre dans des situations qui sont la misère même – ils ne peuvent pas, par exemple, avoir accès à l’acquisition des terres, ni prétendre aux documents de voyage appropriés – situation qui a accentué leur sentiment d’humiliation. Les Arabes ne manifestent pas aujourd’hui de disposition à reconnaître Israël tant que la question palestinienne n’a pas été résolue. En même temps, Israël continue de renforcer son occupation en faisant face à ce qu’elle imagine comme étant une menace existentielle à son entité et dans l’absence de paix dans la région. S’il y avait des leçons à tirer du passé proche du MoyenOrient, c’est que ces conflits ne peuvent être résolus par le biais de la force militaire. Toutes les formes de violence ont été expérimentées – occupation par la force, affrontement militaire, répression, terrorisme et assassinats ciblés – sans que la paix et la sécurité soient à la portée des deux parties. Tout événement violent générait encore plus de violence et augmentait l’insécurité. La solution n’est pas dans la reconstruction de l’histoire, ni dans le redressement et la réparation des injustices passées. Si nous voulons résoudre le conflit central du Moyen-Orient, nous devons regarder devant et non derrière, en manifestant notre disposition à régler le différend, notre affirmation des droits réciproques et notre détermination à agir selon l’esprit de tolérance. Il est clair que le statu quo actuel ne peut être accepté. C’est que les risques de l’acquisition de l’arme nucléaire ou des armes de destruction massive par d’autres pays dans la région susciteront toujours de profondes inquiétudes sur le plan international. En outre, la montée des groupes extrémistes – et la facilité avec laquelle ils recrutent de nouveaux éléments dans la région – les maintiendra à la tête des insécurités internationales. Par ailleurs, la dépendance de plusieurs États du pétrole et du gaz naturel au Moyen-Orient continuera à ajouter une dimension de risque économique mondial à tout conflit. En outre, lorsque les événements de la région favorisent l’apparition de faux conflits religieux et culturels entre le monde musulman et l’Occident, les répercussions d’une telle situation seront ressenties partout. Des raisons d’espérer En dépit de la noirceur de cette situation, je perçois une lueur d’espoir. Car au cœur du conflit et de la violence, il ne faut pas oublier deux percées psychologiques majeures. La première, c’est la disposition des pays arabes, exprimée lors des sommets arabes, d’instaurer des relations naturelles pleines et entières avec Israël, à condition que ce dernier se retire au niveau des frontières de juin 1967, garantisse une solution équitable au problème des réfugiés palestiniens et reconnaisse la création d’un État palestinien. Cette acceptation est très loin des décisions du sommet arabe tenu en 1967 à Khartoum et qui résument la position politique des Arabes envers Israël dans trois « non » : « Non à la paix, non à la reconnaissance, non à la négociation ». La deuxième percée, c’est la reconnaissance par Israël du droit des Palestiniens à créer un État autonome. Ici également, Israël s’est bien éloigné de sa position antérieure qui consistait pendant plusieurs années à douter du droit des Palestiniens à l’indépendance, à douter même de l’existence d’une identité qui leur soit spécifique. La réalisation de la sécurité au Moyen-Orient exige, naturellement, la résolution d’autres problèmes en plus du conflit israélo-palestinien. L’instauration de la stabilité au Liban et en Irak, la normalisation des relations avec l’Iran, le traitement des questions urgentes concernant le développement, la bonne gouvernance et la modernisation dans toutes les régions du monde ne sont qu’une partie infime des défis qu’il faut affronter. * Directeur général de l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) Source : El-Baradei 2006. 232 Rapport arabe sur le développement humain 2009 Malgré ces progrès relativement positifs, le doute sur l’avenir de l’Irak sera toujours de rigueur. Les élections de fin 2009 seront, assurément, très importantes en elles-mêmes. Mais elles mettront en relief le défi le plus pesant en Irak, à savoir, celui de la mise en œuvre d’une alliance nationale qui puisse garantir la stabilité après le retrait des forces américaines. En l’absence de la force étrangère hégémonique qui a imposé sa domination sur les orientations politiques, les parties prenantes principales dans le pays doivent décider de la manière de conduire l’action des appareils de l’État, du style de son organisation et du partage des prérogatives entre elles, de la manière de résoudre les différends autour des propriétés terriennes et d’utiliser les revenus pétroliers et les autres ressources de l’État. Tous ces objectifs sont réalisables en Irak, mais leur réalisation dépend de la consolidation du cadre politique visant la réconciliation nationale et la reconstruction du pays. Ces efforts seront affectés par des facteurs exogènes, tels que la manière dont sera organisé le retrait des forces américaines, d’une part, et d’autre part, l’influence des forces régionales. Pour toutes les sociétés sortant d’un conflit, les efforts de réconciliation sont considérés comme l’agent de texture de toutes les opérations de reconstruction. La réconciliation ne doit pas se limiter au plan national, mais doit toucher également les niveaux locaux. Elle doit être à la fois politique et sociale, englobant un processus de résolution des questions de mémoire collective et d’histoire par le biais d’un mouvement organisé impliquant la participation de la population et des institutions de la société civile. En consolidant une historiographie consensuelle du pays, la réconciliation nationale pourrait empêcher les interprétations partisanes des événements passés visant à l’enrôlement des entités confessionnelles et des groupes à des fins politiques. C’est un devoir que d’encourager ces initiatives qui visent à l’établissement de la fraternité et de l’unité en Somalie, en Irak et au Soudan. Ce qui est inquiétant, c’est que les capacités et la performance des organisations arabes ont montré leur incapacité à jouer un rôle déterminant dans la gestion des crises et la résolution des conflits. Ce fait résulte par certains aspects de la fragmentation et des tensions à l’œuvre dans la région. On s’attend à ce que la Ligue arabe, qui fait prévaloir la notion d’unité culturelle arabe, œuvre à la mise en place d’un consensus entre les États arabes, comme à sa mise en application. Pourtant les efforts pour gérer des conflits spécifiques et résoudre des différends ont été conduits de manière unilatérale, en dehors du cadre de la Ligue. L’établissement de mécanismes régionaux efficaces pour traiter les crises est l’un des défis que doivent relever les pays arabes ; ces mécanismes constituent un moyen nécessaire à la gestion des questions brûlantes impliquant plusieurs aspects dans la région. À défaut de cette capacité régionale, que les pays arabes se doivent d’acquérir pour leurs propres intérêts, les crises de la région continueront d’attirer l’intervention étrangère, qu’elle soit unilatérale ou multilatérale. Il est nécessaire d’établir des mécanismes régionaux efficaces pour traiter les crises Note finale L’observateur peut facilement écarter la possibilité du changement étant donné les défis colossaux auxquels les pays arabes font face en ce moment. Mais ces derniers doivent trouver les moyens et les méthodes pour améliorer leurs situations. Le débat ne peut avoir lieu que sur les priorités, les horizons et les instruments nécessaires à l’amélioration du niveau de développement et à la consolidation de ses fondements. Ce rapport vise à aider à la définition des priorités en partant des défis que les peuples arabes doivent relever. Le concept de sécurité humaine représente une contribution valide en vue d’une citoyenneté mondiale libérée de la peur et libérée du besoin. L’approche du développement humain selon la perspective de la sécurité humaine se distingue par trois caractéristiques : elle permet aux gens d’exercer leur liberté à opérer des choix ; elle ne s’appuie pas sur la force militaire ni ne s’impose aux peuples par la force ; et elle ne peut être réalisée par une seule partie ou un seul État au détriment de la sécurité humaine des autres. Pour les acteurs internationaux, approcher le développement humain dans les pays arabes selon la perspective de la sécurité humaine, en son plein sens, peut induire un changement politique Conclusions 233 Il faut une coopération efficace dans la reconstruction de la solidarité arabe dans le cadre d’un ordre mondial élargi 234 important, en imposant à ces acteurs de traiter les questions de la région non pas sous l’angle étroit de leurs intérêts stratégiques – approche qui a totalement échoué à établir des relations stables avec les pays arabes – mais en pensant aux intérêts, aux droits et à la sécurité des gens qui vivent dans les pays arabes. Cette nouvelle approche présente des bases plus durables dans la création de partenariats fructueux avec la région arabe. Les auteurs de ce rapport pensent que l’arrêt de l’occupation étrangère dans la région, la création des liens d’une citoyenneté équitable et l’établissement du règne de la loi dans les pays arabes, sont des nécessités dans le traitement de l’insécurité politique, sociale et personnelle dans la région. Ils insistent également sur l’importance cruciale de la coopération arabe dans toutes les dimensions de la sécurité humaine. Une telle coopération part d’une vision réaliste et progressive qui prend en compte les intérêts de chaque pays arabe en lui-même. Elle est également fondée sur les intérêts partagés par ces pays, à commencer par les intérêts porteurs de bien à leurs peuples. Les projets émanant d’une telle vision peuvent participer à l’atténuation des pressions environnementales, du chômage, de la pauvreté et du manque de réseaux de protection sociale et de gestion des crises en matière de sécurité alimentaire et sanitaire. Aussi est-il besoin d’une coopération efficace dans la reconstruction de la solidarité arabe dans le cadre d’un ordre mondial élargi où ce sont l’unité des objectifs et le désir de plus de complémentarité et de fusion qui font prévaloir le bien de la région. La responsabilité de la mise en œuvre des projets sérieux incombe dans ces domaines aux organisations en charge de la coopération arabe, à commencer par la Ligue arabe, l’Organisation arabe pour Rapport arabe sur le développement humain 2009 le développement agricole, le Bureau arabe des affaires de drogue, l’Organisation arabe du travail et l’Organisation arabe des droits de l’homme. Au niveau individuel des pays, ce rapport insiste sur le fait de renoncer aux stratégies de développement focalisées sur la croissance économique en tant que priorité absolue, en faveur des stratégies de soutien aux pauvres traitant la croissance économique, la création d’emplois et la réduction de la pauvreté comme des priorités interdépendantes. Il faut que ces stratégies s’harmonisent avec les orientations qui conduisent à la réalisation des OMD, et que les promoteurs intellectuels de ces stratégies s’inspirent du concept de sécurité humaine dans ses définitions les plus riches, y compris la valeur de la liberté. La question importante est de savoir si les pays arabes, sur lesquels se portent encore beaucoup d’espoirs, seront à la mesure de ces aspirations. Permettront-ils à leurs jeunes sociétés civiles de développer leurs capacités à jouer les rôles qui leur sont attribués ? Les populations ont commencé dans la plupart des pays arabes à se montrer réfractaires à l’emprise des régimes politiques qui datent de périodes révolues, alors que l’autorité dans l’État arabe commence à s’éroder au fil du temps. En même temps, la confiance dans les institutions de la société civile dans toutes leurs dimensions n’est pas encore ancrée dans les populations. Beaucoup d’Arabes sont plutôt enclins à faire confiance aux institutions axées sur des allégeances invétérées, liées particulièrement à la parenté, au clanisme et à la religion. Malgré l’immensité de ces défis supplémentaires aussi bien pour l’État que pour la société civile, les relever est une condition essentielle pour la consolidation de la sécurité humaine dans les pays arabes. Notes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Pour de plus amples détails sur les principaux défis qu’affronte la mise en œuvre des principes de la Gestion intégrée des ressources en eau et des recommandations liées à leur traitement, voir : Le Conseil arabe de l’eau 2008. Pour plus de détail, voir : « Le Rapport et les résolutions du conseil des ministres arabes de l’environnement ». LEA 2007. AFED 2008a. LEA 2004a. PNUD, 2004. Rapport arabe sur le développement humain 2004 : Vers la liberté dans le monde arabe. 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L’article 1 commun entre le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques réaffirme, le droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes et assigne aux États la responsabilité de la consolidation de l’usage de ce droit et de son respect conformément aux statuts de la Charte des Nations Unies. La Cour rappelle qu’en 1971 elle avait assuré que les présents changements apportés au droit international par rapport aux territoires ne disposant pas d’eux-mêmes, selon la charte des Nations Unies, rendent le principe de l’autodétermination applicable sur l’ensemble de ces territoires. La Cour déclare que ces changements ne laissent aucun doute sur le fait que l’ultime but de la confiance sacrée mentionnée dans le paragraphe 1 de l’article 22 de la Charte de la Ligue des Nations est l’autodétermination des peuples concernés. La Cour a mentionné ce principe à plusieurs occasions dans sa jurisprudence. 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