Rapport arabe sur le développement humain 2009

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Rapport arabe sur le développement humain 2009
Rapport arabe
sur le développement
humain 2009
Les défis de la sécurité humaine dans les pays arabes
Programme
des Nations Unies
pour le développement
Bureau régional
pour les États arabes
© 2009
Programme des Nations Unies pour le développement
Bureau régional pour les États arabes
1 UN Plaza, New York 10017, USA.
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reproduite, stockée dans un système d’extraction ou transférée sous
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répond aux directives de l’Initiative pour une forêt durable. Les pages
de texte sont imprimées sur papier blanc 100 g.
La couverture ainsi que les pages de texte sont imprimées avec des
encres végétales et produites grâce à une technologie compatible avec
l’environnement.
Maquette de la couverture : Rima Rifai
Mise en page et production : Alarm sarl, Beyrouth, Liban
Impression : Karaky Printing Press, Kraitem, Beyrouth, Liban
ISBN : 978-92-1-054477-1
Imprimé dans la République libanaise
Les analyses et recommandations relatives aux politiques contenues dans ce
rapport n’expriment pas nécessairement les points de vue du Programme des
Nations Unies pour le développement, de son Comité Exécutif ou des pays
membres. Le rapport est une publication indépendante, commandée par le
Programme des Nations Unies pour le développement. Il est le fruit du travail
commun d’une équipe de consultants et de conseillers de renommée et de
l’Équipe du Rapport arabe sur le développement humain chargée par le Bureau
régional pour les États arabes de le préparer.
Avant-propos de l’administratrice
du PNUD
Depuis sa première parution en 2002, le
Rapport arabe sur le développement humain
suscite des débats et attire l’attention sur
les défis et les possibilités de promotion
du développement humain dans la région
arabe.
Cet impact est dû, en partie, à la thèse
principale qui le sous-tend, celle de la nécessité des réformes dans la région arabe,
lesquelles ne peuvent aboutir que si elles
sont menées de l’intérieur. Cette thèse est
confortée par le fait que le rapport est le
produit d’intellectuels arabes indépendants, appartenant à l’élite des penseurs,
des chercheurs et des acteurs préoccupés
par la chose publique.
Le premier Rapport arabe sur le déve­
loppement humain a mis en évidence trois
« déficits » qui entravaient le processus
du développement dans la région arabe.
Ces déficits concernent l’acquisition des
connaissances, l’exercice des libertés politiques et les droits de la femme. Quant au
Rapport sur le développement humain 2009 :
Les Défis de la sécurité humaine dans les
pays arabes, il traite du développement humain sous un autre aspect.
Ce Rapport invite les concepteurs de la
politique et les autres parties concernées à
réexaminer le concept traditionnel état-centrique de sécurité, pour se concentrer sur
la sécurité des individus, leur protection et
leur habilitation. Il incite les gouvernements
et d’autres partenaires à donner la priorité à
« la libération des êtres humains des menaces
intenses, extensives, persistantes, et compréhensives auxquelles leur vie et leur liberté
sont vulnérables ». Aussi est-il nécessaire
d’adopter une approche solidaire qui intègre
promotion du dé­ve­lop­pement, sécurité,
bonne gouvernance et droits de l’homme.
En 1994, l’Assemblée générale des
Nations Unies tenait à affirmer que le
Rapport sur le développement humain n’était
« pas un document officiel é­ma­nant des
Nations Unies ». Il s’agit d’un rapport régional préparé dans un esprit d’indépendance et focalisé depuis 1990 sur des questions sensibles et essentielles, liées dans le
monde entier au dé­ve­lop­pement humain
sur le plan global, régional et national.
Comme indiqué en introduction aux
rapports précédents, il convient de rappeler que « nous avons choisi délibérément de
ne pas mettre ce rapport sous la houlette
officielle des Nations Unies ou du PNUD,
ni de le considérer comme le réceptacle de
leurs points de vue. L’intention est plutôt
d’amorcer une nouvelle discussion qui soit
dynamique à travers le monde arabe et audelà. Il convient donc de préciser que ni le
PNUD ni l’ONU n’ont été associés à l’expression des points de vue exposés par les
rédacteurs de ce rapport ».
Ce rapport offre une plateforme à des
débats constructifs qui mettent en relief des
défis majeurs, relatifs au dé­ve­lop­pement
humain, tels qu’ils sont perçus par ceux qui
les vivent au quotidien. À cet égard, il peut
jouer un rôle crucial quant à la définition
des priorités et des orientations en matière
de développement humain dans la région
arabe, tout au long des années à venir. Il
reste à ajouter, enfin, que le PNUD nourrit
l’espoir que les gouvernements, la société
civile, les organismes internationaux et régionaux ainsi que la communauté inter­na­
tio­nale considèrent ce rapport comme un
moyen utile et efficace pour stimuler des
discussions dans un esprit de liberté et de
rigueur autour des questions du développement dans le monde arabe.
Helen Clark
Administratrice du PNUD
Préface par la Directrice régionale – PNUD
Bureau régional pour les États arabes
Le présent Rapport se veut une contribution au débat en cours sur le dé­ve­
lop­pement dans la région arabe. Intitulé
Rapport arabe sur le développement humain
2009 : Les défis de la sécurité humaine
dans les pays arabes, il s’inscrit dans la fameuse série des Rapports arabes sur le dé­
ve­lop­pement humain (RADH) qui a, depuis
2002, rassemblé d’éminents académiciens
et conseillers de la région arabe pour effectuer des analyses franches, réalistes, des
défis du développement dans la région. En
effet, le premier rapport a pu déterminer
les lacunes du développement humain en
matière de connaissance, de liberté et d’habilitation de la femme, en les considérant
comme les trois déficits cruciaux, et un suivi de trois rapports en a approfondi tour à
tour l’analyse. Leurs recherches et analyses
retentirent dans les pays arabes et partout
dans le monde, fournissant une plate-forme
pour le dialogue et le débat et recentrant
fermement l’agenda du développement sur
le bien-être des gens. Le présent rapport
vise à soutenir cette focalisation dans une
vue nouvelle et indépendante sur la région,
à travers la lentille de la sécurité humaine.
Malgré la diversité des sujets traités depuis 2002 par les RADH, une thématique
principale les réunit, celle du dé­ve­lop­
pement humain, une manière de concevoir
le développement au-delà d’une simple
question d’augmentation ou de baisse du
produit national. Il s’agit de créer un environnement où les individus peuvent exploiter toutes leurs énergies et leurs potentialités de telle sorte qu’ils puissent mener
une vie productive et créative qui réponde
à leurs besoins et corresponde à leurs intérêts. Il s’agit de comprendre que les individus constituent la véritable richesse des nations et que l’investissement dans l’élément
humain est la voie la plus sûre vers une
croissance économique durable et stable.
Ce rapport part du fait que les dysfonctionnements relatifs au développement
humain se sont aggravés profondément
dans certains cas, durant la période qui le
sépare du premier volume de cette série de
rapports. Malgré une certaine amélioration
sur le plan qualitatif de la vie dans certains
pays, un grand nombre de personnes dans
la région arabe vivent encore dans l’insécurité, souffrent toutes sortes de pressions qui
inhibent leurs potentialités en tant qu’êtres
humains et sont exposés à des événements
traumatisants qui raccourcissent les vies.
Dans certains pays arabes, plus de la moitié de la population vit dans la faim et le
besoin, sans moyens pour subvenir aux
besoins de leurs familles ou préserver leur
propre qualité de vie. Par ailleurs, les fluctuations internationales récentes qui ont
touché aux prix des produits alimentaires
et la dernière crise économique mondiale
ont augmenté le nombre de personnes qui
vivent dans la pauvreté et la malnutrition.
Les systèmes sanitaires sont loin de couvrir
un grand nombre de personnes. La pénurie d’eau se profile à l’horizon comme une
menace existentielle. Et les conflits armés
raflent leurs lourdes rançons en destruction
de vies humaines.
L’analyse de ces facteurs, et d’autres
encore, qui menacent la sécurité humaine
dans la région arabe, élargit le champ du
présent Rapport. Cependant, tous les aspects de l’analyse sont reliés les uns aux
autres par un fil conducteur. Le RADH
2009 avance la thèse selon laquelle la méthodologie adoptée depuis toujours en
matière de sécurité consiste à se focaliser
bien plus sur la sécurité de l’État que sur
la sécurité humaine. L’attachement à cette
conception traditionnelle a assuré, dans
bien des cas, la continuité de l’État mais a
réduit les opportunités de garantir la sécurité de la personne humaine et rendu le lien
entre l’État et le citoyen plus faible qu’il
n’aurait dû l’être. Cette conception a également été un obstacle au développement
de la diversité dans la région arabe : possibilités limitées d’intégration des populations
d’origines et de tendances diverses dans le
projet national. Il en résulte un sentiment
intense et fortement partagé d’opportunités limitées et d’insécurité personnelle,
avec les taux de chômage les plus élevés au
monde, de profondes et litigeuses formes
d’exclusion et, au bout du compte, des appels persistants, de l’intérieur, à la réforme.
Effectivement, la focalisation sur la sécurité de l’État au détriment de la sécurité
humaine a conduit à des résultats qui sont
loin d’être satisfaisants tant pour l’État que
pour le citoyen. Sur le long terme, un gouvernement qui cherche à renforcer la sécurité de l’État sans s’investir dans la sécurité
humaine ne réalise ni l’une ni l’autre.
Le Rapport soutient que l’inverse est
également vrai ; que la sécurité de l’État
et la sécurité humaine sont les deux faces
d’une même médaille. Garantir la sécurité
humaine n’aboutit pas seulement à plus
d’opportunités pour le développement humain, mais permet à l’État de tirer profit
durablement de l’environnement, d’acquérir plus de légitimité au regard des gouvernés, de tirer bénéfice de la diversité, de
renforcer l’économie contre les vicissitudes
mondiales, d’inonder les sociétés de santé
et, enfin et surtout, permet de faire face
aux conflits à leur naissance et peut-être de
les prévenir. Grâce à cette approche et à ce
concept de la sécurité humaine, le présent
Rapport a pu déterminer un grand nombre
de dimensions qui affectent la vie des gens :
la sécurité de l’environnement, la performance de l’État en matière de garantie de
la sécurité humaine, la sécurité humaine
des groupes vulnérables, la sécurité économique, la nutrition et la sécurité alimentaire, la santé et la sécurité sanitaire, et l’impact de l’intervention militaire étrangère et
de l’occupation sur la sécurité humaine.
Tout en faisant incomber la responsabilité de la sécurité humaine à l’État,
VI
Rapport arabe sur le développement humain 2009
le Rapport soutient que les politiques des
forces étrangères n’ont pas joué un rôle
favorable. Les interventions militaires et
étrangères ont eu un impact dévastateur
sur la sécurité humaine dans la région, au
sens le plus immédiat de l’expression, et
ont fait échouer les possibilités de progrès
sur le long terme.
À l’instar des RADH précédents, le
présent Rapport est le fruit d’un travail indépendant ; il a été rédigé par des experts
bien enracinés dans la région arabe et ses
dynamiques de développement. Comme
tous les rapports du PNUD sur le développement humain, il n’est ni un document
consensuel de l’ONU ni une articulation
de la politique du PNUD ni un document
officiel d’un quelconque gouvernement.
Dans une région pleine d’agendas, voici un
document qui n’en favorise aucun. Il s’agit,
au contraire, d’un regard autocritique dans
le miroir, saisi dans des textes écrits et distribués à un large public pour stimuler un
débat instruit et constructif. Tout le monde
n’approuvera pas l’ensemble des messages
que contient le Rapport, mais une lecture
exhaustive y révélera des analyses bien
équilibrées, avec des messages offerts dans
un esprit constructif pour enrichir la réflexion de tous les acteurs soucieux de promouvoir la sécurité humaine des peuples
de la région arabe.
Le RADH 2009 est le fruit d’efforts de
recherche déployés durant deux ans par un
grand nombre de dévoués qui ont travaillé
avec persévérance. Je félicite et remercie
toutes les personnes qui ont contribué à sa
préparation. La plus grande partie des analyses a été effectuée par une équipe principale constituée de chercheurs et d’auteurs
auxquels j’adresse l’expression de ma gratitude pour l’engagement indéfectible et
l’exigence inquisitive. Un comité consultatif distingué, constitué d’académiciens
arabes et d’anciens décideurs politiques de
haut niveau, a fourni des conseils stratégiques et thématiques. Je remercie tous les
membres pour leurs sages orientations et
leur dévouement à l’analyse impartiale. Le
Rapport a également bénéficié des points
de vue d’une centaine de jeunes gens originaires de toute la région. Nous avons appris
beaucoup sur la sécurité humaine à partir
de leur propre perspective. J’apprécie leur
engagement et j’ai grand espoir dans leur
avenir. Je suis également redevable à Kemal
Derviş, ex-administrateur du PNUD pour
l’encouragement et le soutien qu’il a apportés à ce travail. J’ai le plaisir, à cette occasion, de souhaiter la bienvenue à la nouvelle administratrice du PNUD, Madame
Helen Clark, et la remercier vivement
d’avoir bien voulu apporter son soutien à
ce rapport. Je me vois également redevable
à mes collègues du département des programmes régionaux au bureau régional des
États arabes du PNUD pour leur soutien
entier et fort ainsi que pour le travail immense et persévérant qu’ils ont accompli.
Enfin, il me reste à espérer que ces efforts
importants seront récompensés par un dialogue vif et stimulant qui puisse servir l’intérêt de tous les peuples des pays arabes en
matière de sécurité humaine et de développement humain.
Amat Al Alim Alsoswa
Sous-Secrétaire générale,
Administratrice Assistante du PNUD,
Directrice du Bureau régional
pour les États arabes,
Programme des Nations Unies
pour le développement
VII
Équipe du Rapport
Les participants à la préparation du rapport
(selon l’ordre alphabétique)
Comité consultatif
Comité de lecture
Amat Al Alim Alsoswa (Présidente), Georges
Abi-Saab, Ahmed Kamal Aboulmagd, Mohsin
Alaini, Aziz Al-Azmeh, Bader Malallah (Fonds
arabe pour le développement économique et
social), Jebrin Aljebrin (Programme arabe du
Golfe pour les organismes de développement
des Nations Unies), Farida Allaghi, Sheikha
Abdulla Al-Misnad, Abdul Rahman Al-Rashed,
Hanan Ashrawi, Yadh Ben Achour, Rahma
Bourqia, Lakhdar Brahimi, Georges Corm,
Rola Dashti, Abdul-Kareem El-Eryani, Munira
Fakhro, Rafia Obaid Ghubash, Mehdi Hafedh,
Bahia Hariri, Mansour Khalid, Clovis Maksoud,
Thoraya Obaid, Mona Rishmawi, Leila Sharaf.
(Arabe)
Ali Abdel Gadir Ali, Khalid Abu-Ismail,
Abdenasser Djabi, Islah Jad, Bassma Kodmani,
(feu) Salim Nasr*, Naila Sabra, Sherine Shawky.
Équipe centrale
Madawi Al-Rasheed, Sabah Benjelloun,
Mustapha El-Sayyid (Consultant en chef), Walid
Khadduri, Bahgat Korany, Khadija Moalla,
Marlene Nasr, Boshra Salem, Yezid Sayigh.
Les auteurs ayant contribué à la
préparation
Mahmoud Abdel-Fadil, Lubna Abdul Hadi,
Abdallah Alashaal, Abdul Monem Al-Mashat,
Salah Al-Nasrawi, Ibrahim Awad, Mohsen
Awad, Azmi Bishara, Hafidha Chekir,
Mohammed Fathi Eid, Jalila El-Ati, Heba ElLaithy, Ibrahim El-Nur, Dia El-Din El-Quosy,
Lafteya El-Sabae, Mohamed Nour Farahat,
Ali Ghazi, Mohammed Gomaa, Sari Hanafi,
Rasmia Hanoun, Saif El-Din A. Ismail, Samer
Jabbour, Ayed Radi Khanfar, Eileen Kuttab,
Maryam Sultan Lootah, Samir Morcos, Nevine
Mossaad, Ahmed Said Nufal, Iman Nuwayhid,
Idil Salah, Paul Salem, Abd El-Hussein Shaban,
Alaa Shalaby, Batir Wardam, Thamer Zaidan.
Équipe des statistiques et des études
sur le terrain
Zeinab Khadr, Feisal Yunis.
Équipe du PNUD/Bureau régional
pour les États arabes
Amat Al Alim Alsoswa (Directrice régionale).
Adel Abdellatif (Coordinateur du rapport), Maya
Abi-Zeid, Hani Anouti, Arkan El-Seblani, Lina
Himani, Mary Jreidini, Theodore Murphy, Zein
Nahas, Nathalie Tawil.
Conseiller principal
Zahir Jamal.
Équipe de traduction
Version arabe : Fayiz Suyyagh.
Version anglaise : Humphrey Davies.
Version française : Ahmed Siraj.
Comité d’édition
Jacques Aswad,
Abdelouahab Rezig, Shukri Ruhayem.
Conception de la couverture
Rima Rifai.
Conception du rapport
Alarm SARL.
* Salim Nasr : Sociologue distingué, politologue et auteur,
dont l’influence sur la réforme de la gouvernance arabe
a dépassé le Liban, son pays natal, et dont la précieuse
collaboration avec l’Équipe du rapport a été associée
à un long et courageux combat contre la maladie.
IX
Acronymes et abréviations
AFED
AI
AMF
ANP
AOAD
APD
APLS
BIM
BWC
CCG
CEDAW
CEI
CESAO
CICR
CSNU
DAES
DALY
DOTS
DPA
EAU
FADES
FAO
FMI
FNUAP
GFt
HCDH
HCNUR
HRW
IBC
IDH
IPF
IPH
ISDH
IWM
JAER
JEM
KUNA
LEA
MANUI
MENA
MGF
X
Forum arabe pour l’environnement et le développement
Amnesty International
Arab Monetary Fund (Fonds monétaire Arabe)
Autorité nationale palestinienne
Arab Organization for Agricultural Development(Organisation arabe pour le
développement agricole – OADA)
Aide publique au développement
Armée populaire de libération du Soudan
Bureau International Maritime
Convention sur les armes biologiques et toxiques
Conseil de coopération du Golfe
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes
Communauté d’États indépendants
Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale
Comité international de la Croix-Rouge
Conseil de sécurité des Nations Unies
Département des affaires économiques et sociales
L’année de vie ajustée sur l’incapacité
Directly Observed Treatment Short Course (méthode de détection et de
traitement de la tuberculose) (Traitement de brève durée sous surveillance
directe)
Accord de paix au Darfour
Émirats Arabes Unis
Fonds arabe de développement économique et social
Food and Agriculture Organization of the United Nations (Organisation des
Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture)
Fonds monétaire international
Fonds des Nations Unies pour la population
Gouvernement fédéral de transition (de la Somalie)
Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés
Human Rights Watch
Iraq Body Count
Indicateur du développement humain
Indicateur de la participation des femmes
Indicateur de pauvreté humaine (pour les pays en voie de développement)
Indicateur sexospécifique de développement humain
Integrated Water Management (Gestion intégrée de l’eau)
Joint Arab Economic Report
Justice and Equality Movement (Mouvement pour la justice et l’égalité
du Soudan)
Agence de presse koweïtienne
Ligue des États arabes
Mission d’assistance des Nations Unies en Irak
Moyen-Orient et Afrique du Nord
Mutilation génitale féminine
Rapport arabe sur le développement humain 2009
MINUAD
NISS
OADH
OAT
OCDE
OCHA
OIT
OLP
OMD
OMM
OMS
ONG
ONU
ONUDC
ONUSIDA
OPEP
OUA
PAM
PCBS
PDI
PIB
PMD
PNUD
PNUD–POGAR
PNUE
PPA
RADH
RDH
RSI
TMM
SAF
SEDAC
SIDA
SIPRI
SRAS
TDS
TFT
TPES
TPO
UCI
UICN
UNCCD
UNCHS
Mission des Nations Unies et de l’Union africaine au Darfour
National Intelligence and Security Services of Sudan
(Services de renseignement et de sécurité nationale du Soudan)
Organisation arabe des droits de l’homme
Organisation arabe du travail
Organisation de coopération et de développement économiques
Bureau de la coordination des affaires humanitaires – Nations Unies
Organisation internationale du travail
Organisation libération de la Palestine
Objectifs du Millénaire pour le développement
Organisation météorologique mondiale
Organisation mondiale de la santé
Organisations non gouvernementales
Nations Unies
Office des Nations unies contre la drogue et le crime
Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida
Organisation des pays exportateurs de pétrole
Organisation de l’unité africaine
Programme alimentaire mondial
Bureau central palestinien de statistique
Personnes déplacées internes
Produit intérieur brut
Pays les moins développés
Programme des Nations Unies pour le développement
Programme des Nations Unies pour le développement – Programme sur la
gouvernance dans la région arabe
Programme des Nations Unies pour l’environnement
Parité de pouvoir d’achat
Rapport arabe sur le développement humain
Rapport sur le développement humain
Règlement sanitaire international
Taux de mortalité maternelle
Sudan Armed Forces (Forces armées du Soudan)
Centre de données et applications socio-économiques
Syndrome d’immunodéficience acquise
Stockholm International Peace Research Institute
Syndrome respiratoire aigu sévère
Total des solides dissous
Taux de fertilité total
Total primary energy supply (Approvisionnements totaux en énergie primaire)
Territoire palestinien occupé
Union des cours islamiques
Union internationale pour la conservation de la nature
United Nations Convention to Combat Desertification (Convention des Nations
Unies sur la lutte contre la désertification)
Commission des Nations Unies sur la sécurité humaine
Acronymes et abréviations
XI
UNESCO
UNICEF
UNIFEM
UNRWA
VHC
XII
United Nations Educational, Scientific, and Cultural Organization
(Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture)
United Nations Children’s Fund (Fonds des Nations Unies pour l’enfance)
Fonds de développement des Nations Unies pour la femme
Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de
Palestine dans le Proche-Orient
Virus de l’hépatite C
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Table des matières
Avant-propos de l’administratrice du PNUD
III
Préface par la Directrice régionale – PNUD Bureau régional pour les États arabes
Équipe du Rapport
V
IX
Acronymes et abréviations
X
Le rapport en bref
1
L’insécurité humaine aux niveaux mondial et régional
1
Le concept
2
Les sept dimensions de la menace
1. Les populations et leur environnement précaire
2. L’État et l’insécurité des citoyens
3. La vulnérabilité des groupes marginalisés
4. Volatilité de la croissance, chômage élevé et persistance de la pauvreté 5. La faim, la malnutrition et l’insécurité alimentaire
6. Les défis posés à la sécurité sanitaire
7. L’occupation et l’intervention militaire
3
3
4
8
10
13
15
16
Les sept piliers de la sécurité humaine dans les pays arabes
17
Chapitre 1 Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes
19
Pourquoi la sécurité humaine ?
19
Le concept à un niveau global
20
La relation avec d’autres concepts
22
Vers des points de vue arabes sur la sécurité humaine
Écrits arabes sur le sujet
La sécurité humaine telle qu’elle est définie dans ce rapport
Profils des menaces probables
23
23
26
27
Mesure des niveaux de sécurité humaine
29
Sondage sur la sécurité humaine La perception de la jeunesse arabe sur la sécurité humaine – Forums des jeunes
31
31
Conclusion
32
Chapitre 2 E nvironnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine
dans les pays arabes
35
Heur et malheur
35
Les défis les plus importants
36
Pressions de la population et tendances démographiques
36
Pénurie d’eau
Atténuation de la pénurie d’eau
39
41
XIII
XIV
La désertification
Lutter contre la désertification
42
45
Pollution : aucune raison de se complaire
Pollution de l’eau
Pollution de l’air
46
47
49
Le changement climatique – Une menace internationale
Changement climatique – Les menaces dans les pays arabes
49
51
Conclusion
53
Chapitre 3 L’État arabe et la sécurité humaine – Performance et perspectives
57
Introduction
57
1re partie : La performance de l’État pour garantir la sécurité humaine
58
1. L’acceptation de l’État par ses propres citoyens
Identité et diversité
58
58
2.La conformité aux conventions internationales et régionales
et aux cadres constitutionnels
Les conventions internationales et régionales
Les constitutions arabes et les cadres juridiques
Les états d’urgence et les droits de l’homme
La violation du droit à la vie à travers la torture et la maltraitance
La détention illégale et la violation du droit à la liberté
L’autonomie de la justice – L’écart entre le texte et la pratique
61
61
62
65
66
66
66
3.Le monopole de l’État sur l’usage de la force et de la coercition
68
4.Les contrôles institutionnels pour la prévention des abus de pouvoir La crise du Darfour : exemple tragique de l’échec de l’État
Échec à gagner l’acceptation de tous les citoyens
Échec à préserver le droit de la population du Darfour à la vie et à la sécurité
Échec à se conformer aux conventions internationales des droits de l’homme
Abus du pouvoir dans l’exercice du droit au monopole de l’usage de la force
et de la coercition
Échec à opérer dans le cadre d’un système de poids et contrepoids
69
70
71
71
72
2e partie : La voie de la réforme
74
1. Les efforts des gouvernements pour la réforme
75
2.Demandes de réforme : Les groupes sociétaux
Les forces de l’opposition politique et les mouvements islamistes
Les organisations de la société civile
Les gens d’affaires
Le rôle des citoyens arabes
70
76
77
78
79
3.Les pressions extérieures
80
Conclusion
82
Chapitre 4 L’insécurité personnelle des groupes vulnérables
87
La violence à l’égard des femmes : impunité et insécurité
Mutilation génitale féminine
Le mariage précoce des mineures
La violence physique
Les lois du mariage
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes
Les crimes d’honneur
Le viol et la société
87
89
90
90
92
La traite des êtres humains
96
Les femmes et les enfants pris dans les scènes des conflits
97
Rapport arabe sur le développement humain 2009
72
73
92
93
94
Le viol comme arme dans les conflits
Le viol des enfants en période de conflit armé
Des enfants enrôlés dans la guerre
97
99
100
Situation des réfugiés et des personnes déplacées internes
Les réfugiés
Les personnes déplacées internes
103
103
105
Conclusion
106
Chapitre 5 Défis pour la sécurité économique.
109
Introduction
109
Vulnérabilité économique régionale
Exportations du pétrole, croissance et fluctuations
Fragilité structurelle des économies arabes
110
110
113
Nouvelles et vieilles questions de politique pétrolière
Du troisième boom de courte durée à la crise financière
Types de chômage
Dynamiques de la pauvreté et de l’inégalité au cœur d’une croissance instable
• Pauvreté de revenu
• Pauvreté humaine • Inégalité dans le revenu
116
116
119
123
123
125
127
Des fractures dans les politiques adoptées
128
Conclusion
131
Chapitre 6 Faim, alimentation et sécurité humaine 133
Les effets de la faim sur la sécurité humaine
Sur le plan individuel
Sur le plan collectif
133
133
135
Faim et carence nutritionnelle dans les pays arabes
Tendances depuis 1990-1992
L’obésité, un problème grandissant dans les pays arabes
135
137
138
Causes de la faim et de la malnutrition dans les pays arabes
139
A. Causes immédiates
Insuffisance de la part alimentaire individuelle
• Baisse de la part individuelle en apport alimentaire par rapport
aux besoins quotidiens
• Le caractère limité du ravitaillement alimentaire et son effet
sur les types de régime et de nutrition • Déséquilibre alimentaire
• Contribution relative des importations et des exportations des produits
alimentaires dans la composition de la part alimentaire individuelle 140
140
B. Causes indirectes
La pauvreté et la faim
L’occupation, les conflits civils et la faim
Politiques économiques et mondialisation
146
146
147
149
140
141
143
144
Effets de la sous-nutrition sur la sécurité humaine dans les pays arabes
Réflexions sur la sécurité alimentaire dans les pays arabes
150
152
Conclusion
Éradication de la faim et de la sous-alimentation
Réalisation de la sécurité alimentaire
156
156
158
Chapitre 7 La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite 161
La santé dans la politique publique sur le plan international
Santé et sécurité humaine
Santé et sécurité stratégique
161
162
163
La sécurité sanitaire dans le contexte arabe
164
Table des matières
XV
La situation sanitaire dans les pays arabes
Les indicateurs de santé
Les changements depuis 2002
Les principaux problèmes de santé
La santé dans les zones de conflit
Les facteurs qui interagissent avec la sécurité sanitaire
Premièrement : la santé et le revenu
Deuxièmement : connaissance, croyances et comportements
en relation à la santé
Troisièmement : l’incidence des us et coutumes sur la santé de la femme
• Le garçon avant la fille
• Les traditions avant la santé des femmes
Quatrièmement : la gestion des systèmes sanitaires
1.Conceptions étroites
2.Des services sanitaires inéquitables, de niveau inférieur
et parfois adossés sur une approche purement technique
3.Le financement de la santé est généralement insuffisant
4.Les systèmes de santé publique souffrent de l’insuffisance
des ressources et de la baisse du niveau de performance
5.Problématique de l’administration dans les systèmes sanitaires
6.Manque de visibilité concernant les facteurs déterminants
et fondamentaux de la santé
7.Répartition inégale des professionnels et des aides-soignants
dans le domaine de la santé
XVI
165
166
170
170
170
171
171
171
172
172
173
173
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174
175
176
176
176
177
Le syndrome d’immunodéficience acquise (sida) :
une menace qui préoccupe tout le monde
Un danger tenace, imminent et mal compris
Réévaluation des données
177
177
178
Voies de transmission du VIH dans les pays arabes
179
Une bonne santé est une condition sine qua non de la sécurité humaine
Priorités des systèmes sanitaires dans les pays arabes
180
180
Chapitre 8 Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
185
Origines et raisons
186
L’impact de l’intervention militaire sur la sécurité humaine
I. Menace à la vie
A.L’Irak
B.Le Territoire palestinien occupé
C.La Somalie
II. Menace pour la liberté
A.L’Irak
B.Le Territoire palestinien occupé
C.La Somalie
III. Menace pour les conditions économiques et les moyens de subsistance
A.L’Irak
B.Le Territoire palestinien occupé
C.La Somalie
IV. Menace pour le droit à l’alimentation, à la santé et à l’instruction
A.L’Irak
B.Le Territoire palestinien occupé
C.La Somalie
V. Menace contre l’environnement
A.L’Irak
B.Le Territoire palestinien occupé
C.La Somalie
187
187
187
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194
196
196
197
197
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201
202
203
204
206
207
207
207
208
Conclusion
208
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Chapitre 9 Conclusions
213
La sécurité des personnes d’abord
Environnement : c’est aujourd’hui qu’on protège demain
L’État : solution ou problème ?
Assurer la sécurité des groupes vulnérables
Redéfinir la sécurité économique
Réduire l’insécurité alimentaire et sanitaire
Mitigation des menaces externes et résolution des conflits
Note finale
213
216
218
220
222
226
229
233
Table des matières
XVII
Encadrés
1-1
1-2
1-3
1-4
1-5
1-6
2-1
2-2
2-3
2-4
2-5
2-6
2-7
3-1
3-2
3-3
3-4
3-5
3-6
3-7
3-8
3-9
4-1
4-2
4-3
4-4
4-5
4-6
4-7
4-8
4-9
5-1
5-2
5-3
5-4
5-5 6-1
6-2
6-3
6-4
6-5
7-1
7-2
7-3
XVIII
Mohamed El-Baradei – Sécurité humaine et recherche de la paix
Aziz Al Azmeh – Les Arabes et la sécurité humaine
Sondage sur la sécurité humaine – Résultats généraux Sondage sur la sécurité humaine –
Est-on satisfait de la situation individuelle actuellement ?
Sondage sur la sécurité humaine –
Jusqu’à quel point les citoyens se sentent-ils en sécurité ?
Sondage sur la sécurité humaine – Qu’est-ce qui donne
le plus aux citoyens un sentiment d’insécurité ?
MOSTAFA KAMAL TOLBA* – Les principaux défis de l’environnement
dans les pays arabes
Partage de la source de vie
Coût de la non-collaboration dans la gestion des eaux transfrontalières
L’Ouest du Soudan : les coûts économiques et sociaux de la désertification
La désertification en Algérie
Objectifs du Millénaire pour le développement, septième objectif,
cible n° 10 : baisse du taux des personnes qui n’accèdent pas à l’eau
améliorée propre à la moitié au terme de 2015
Le transport terrestre – Émission des polluants de l’air
Bahiya Al-Hariri – L’État puissant et équitable : conditions
pour la sécurité humaine au Liban
La Charte arabe des chaînes satellite
Radwan Ziyadeh – L’État et les droits de l’homme dans le monde arabe
SONDAGE SUR LA SÉCURITÉ HUMAINE – Jusqu’à quel point l’État respecte-t-il
vos droits fondamentaux ?
La domination du pouvoir exécutif aux prises avec la réforme
dans le secteur de la sécurité La deuxième déclaration d’indépendance : Vers une initiative de réforme
politique dans le monde arabe
Le secteur privé dans le monde arabe – Plan d’action : feuille de route
pour une réforme
Enquête sur la sécurité humaine – La participation politique par rapport
à l’abstentionnisme
Azmi Bishara – Les droits de l’homme et la citoyenneté : la première
pierre de la construction d’une nation L’étendue de la violence et sa portée contre la femme dans les pays arabes
Au Yémen, une mariée enfant a eu recours à la Cour pour obtenir justice
Les droits légaux de la femme dans le cadre des lois du statut personnel
Le Maroc lève ses réserves relatives à la CEDAW
Sondage sur LA sécurité HUMAINE –
Comment se comporte-t-on avec une « femelle égarée » ?
Le viol collectif
Des cris dans le désert – Les femmes du Darfour
L’histoire d’une fille nommée Abir
Briser le silence autour de la violence contre la femme
Walid Khadduri – Fondements de la politique pétrolière arabe
Dangers de la crise financière sur les grands pays producteurs du pétrole
Chômage, sécurité humaine et émigration enquête sur la sécurité humaine – La perception du chômage
et de la discrimination sur le marché du travail dans 4 pays arabes
Importance des politiques sociales intégrées
Retard dans la réalisation de l’objectif 1 du Millénaire
pour le développement. Cible 2
enquête sur la sécurité humaine –
Accès à la nourriture dans 4 pays arabes
Sondage sur la sécurité humaine –
Les habitudes alimentaires dans 4 pays arabes
Deux initiatives pour la réduction de la pauvreté – Le Brésil et le Mexique
L’eau virtuelle et le commerce des aliments
Les termes employés dans le discours sur la santé et la sécurité humaine
Les États arabes sur la bonne voie pour améliorer la santé maternelle
et réaliser le cinquième Objectif du Millénaire pour le développement
Les pays ont besoin de fournir plus d’efforts pour lutter contre la malaria
et la tuberculose
Rapport arabe sur le développement humain 2009
24
25
28
29
29
31
36
39
40
43
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46
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59
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81
88
89
91
93
94
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111
117
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138
149
154
164
168
169
7-4
7-5
7-6
7-7
8-1
8-2
8-3
8-4
8-5
9-1
9-2
9-3
9-4
9-5
9-6
9-7
L’hépatite C en Égypte
La première apparition de la femme sur la scène de la vie
Garantir la sécurité dans le domaine de la santé publique –
Les fonctions fondamentales d’un système efficace
Sondage sur la sécurité humaine – Impressions répandues
et prise de conscience générale du VIH/sida
Le cas particulier du Liban
Le compte des morts n’est jamais le même en Irak
Nombre des bâtiments endommagés dans le TPO entre 2000 et 2007,
selon la gravité des dommages
AbdelQawi A. Yusuf – La Somalie : un État assiégé
La piraterie en Somalie
Rami G. Khouri – Une autre année s’est écoulée
Les dirigeants arabes s’engagent à faire progresser la réforme politique
GeorgeS Corm – Les Arabes dans l’ère de l’après-pétrole
Les priorités de la santé publique
Discours du Secrétaire général des Nations Unies sur le besoin vital
de la création d’un État palestinien et de l’instauration d’une paix équitable,
permanente et globale
L’Initiative de paix au sommet arabe de Beyrouth, 2002
Mohamed El Baradei – La recherche de la paix au Moyen-Orient
171
172
177
181
187
190
192
193
202
214
217
224
228
230
231
232
Figures
1-1
Intersection entre sécurité humaine et développement humain –
Seuil et interférences
2-1a Les moyennes annuelles du taux de croissance démographique ont baissé
dans la plupart des pays arabes depuis les années 1980
2-1b Cependant, la croissance démographique est en augmentation constante
2-2 Moyennes annuelles de la croissance urbaine (%) selon les pays, 2000-2005 2-3 Projection de la population arabe de 15-24 ans en 2050
2-4 Les ressources en eau douce des pays arabes sont souvent en deçà
du seuil de pénurie et de la moyenne mondiale, 2005 2-5 L’utilisation des eaux usées dans les pays arabes (%) répartie
selon les secteurs, 1999-2006
2-6 Ampleur de la désertification dans 9 pays arabes concernés (%), 1996
2-7 Pourcentage des populations qui n’ont accès ni à l’eau saine
ni aux services sanitaires dans 15 pays arabes, 2007
2-8 Augmentation des moyennes d’émission du dioxyde de carbone
dans les pays arabes, 1990 et 2003
3-1 Taux d’homicides volontaires (pour 100 000 de la population)
dans les régions du monde, 2002
3-2 L’État de droit – Les pays arabes comparés à d’autres régions, 1998 et 2007
4-1 Pourcentage des femmes de 20-24 ans mariées avant l’âge
de 18 ans dans 15 pays arabes, 1987-2006
4-2 Endroits des réfugiés palestiniens enregistrés chez l’UNRWA (en milliers) 2008
5-1
Fluctuation des prix du pétrole : croissance du PIB régional
(sur la base de l’USD fixe en 1990) et croissance nominative
des prix du pétrole 1976-2007
5-2 a Distribution régionale des niveaux du PIB en catégories de pays, 2007
5-2 b Répartition de la population régionale : en catégories de pays, 2007
5-3 Les exportations des pays arabes et la croissance du PIB
(variation annuelle moyenne (%) en USD fixe de 1990)
5-4 Structure du PIB des pays arabes selon le secteur économique (A)
et la nature de dépense (B), 1970-2007 des pays arabes et des pays
à haut, moyen et bas revenus, respectivement
5-5 (A) Variabilité dans le taux de la valeur ajoutée du PIB (%), 1970-2000, selon
le pays. (B) Part de la valeur ajoutée dans le PIB du côté des producteurs (%).
(C) Part du PIB du côté des producteurs (%), 1970, 1990 et 2007,
selon la catégorie de pays. (D) Part des secteurs productifs non pétroliers (%)
1970, 1990 et 2007,
selon la catégorie de pays
5-6 (A) Taux de chômage chez les jeunes arabes et (B) la part de la jeunesse arabe
dans le chômage total (%), pour l’année 2005/2006
5-7 Pourcentage des employés dans le secteur informel (% de l’emploi
23
37
37
38
38
40
41
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48
67
69
90
104
110
110
110
112
114
115
120
Table des matières
XIX
non-agricole) selon le sexe, dans 5 pays arabes, 1994-2003
Incidence de la pauvreté humaine en 2006 et sa chute, par pays (%),
depuis 1996
6-1 Recensement des affamés à l’échelle internationale, dans une perspective
comparative durant trois périodes
6-2 Recensement des affamés dans 15 pays arabes, 1990-1992 et 2002-2004
6-3 Changements dans la prévalence de la sous-alimentation, 1990-2004
6-4 La propagation de l’obésité dans les pays arabes, à Nauru et au Japon,
selon le sexe, la catégorie d’âge des moins de 15 ans, 2005
6-5 Moyenne de l’apport calorique quotidien par habitant dans 11 pays arabes,
1990-1992 et 2002-2004
6-6 Consommation individuelle quotidienne en grammes des diverses ressources
alimentaires, 1990-2004, 11 pays arabes et la Grèce
6-7 L’apport calorique quotidien et sa répartition suivant les principes nutritifs
de base, 11 pays arabes 1990-1992 et 2002-2004
6-8 Production des céréales, 21 pays arabes 1990-2005
6-9 Taux régionaux d’autosuffisance en matière des principales denrées
alimentaires (%), par type, 1990-2004
6-10 Dépendance aux produits alimentaires importés, 15 pays arabes, 2005
6-11 Association de la pauvreté et de la faim
6-12 Déclin de la valeur ajoutée de l’agriculture dans la production économique,
12 pays arabes, 1990 et 2005
7-1
Tendances régionales de l’espérance de vie (en années), 1960-2005
7-2 Tendances régionales dans les taux de mortalité infantile
(pour 1 000 naissances vivantes) 1960-2005
7-3 Espérance de vie à la naissance, 22 pays arabes, 2005
7-4 Taux de mortalité maternelle (pour 100 000 naissances vivantes)
21 pays arabes, 2004
7-5 Taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes),
19 pays arabes, 2005
7-6 Taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans (pour 1 000 naissances
vivantes), 19 pays arabes, 2005
7-7 Différences des conditions de santé dans les pays arabes, taux de mortalité
infantile et des enfants de moins de cinq ans (pour 1 000 naissances), 2005
7-8 Différences des conditions de santé dans les pays arabes, taux de mortalité
maternelle (pour 100 000 naissances vivantes), 2005
7-9 Charges des maladies transmissibles et non transmissibles et des blessures,
21 pays arabes, 2002
7-10 Disparités dans les dépenses sanitaires dans les pays arabes, 2004
7-11 La part des dépenses sanitaires publiques par rapport au total
des dépenses publiques (%) dans 20 pays arabes, 2005
7-12 La part individuelle des dépenses sanitaires par rapport
aux dépenses sanitaires privées (%) dans 20 pays arabes, 2005
8-1 Nombre de morts violentes par jour en Irak, 2003-2006, selon trois sources
8-2 Estimations du taux de mortalité (pour 1 000), toutes causes confondues,
selon la tranche d’âge, le sexe, avant et après l’invasion, 2002-2006
8-3 Estimations du taux de mortalité à cause de la violence en Irak (pour 1 000)
selon deux enquêtes de terrain, 2003-2006
8-4 Morts à cause de la violence dans le TPO et en Israël, en fonction
de la nationalité des victimes et des agresseurs, 2000-2008
8-5 Tendances de la production de pétrole (en millions de barils par jour)
2000-2007
8-6 Comment Israël contrôle les routes palestiniennes, novembre 2004
8-7 Le bouclage dans le Territoire palestinien occupé 1993-2004
8-8 Le chômage dans le Territoire palestinien occupé 1996-2004
8-9 Pauvreté et dépendance de l’aide alimentaire, Cisjordanie et Gaza, 2007
8-10 Diminution du nombre d’enfants pouvant aller à l’école, 2000-2005
5-8
XX
Rapport arabe sur le développement humain 2009
123
127
135
136
136
139
140
141
142
144
144
144
146
151
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166
167
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169
170
175
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188
189
189
191
198
199
200
200
205
206
Tableaux
1-1
2-1
2-2
2-3
2-4
3-1
3-2
3-3
4-1
4-2
4-3
4-4
4-5
4-6
4-7
5-1
5-2
5-3
5-4
5-5
5-6
5-7
5-8
6-1
6-2
7-1
7-2
8-1
8-2
8-3
La sécurité de l’État face à la sécurité humaine
Niveaux de stress hydrique dans 13 pays arabes, 2006
Les précipitations dans les pays arabes, taux annuels à long terme
Niveaux de la pollution de l’eau par les polluants organiques dans 15 pays
arabes et deux pays industrialisés, 1990-2003, (par ordre décroissant
des niveaux de pollution en 1990)
Projections du changement climatique – Les eaux et l’agriculture
Les pays arabes où un état d’urgence était encore en vigueur en 2008
Les détenus politiques dans cinq pays arabes, 2005 et 2007
La participation électorale dans 18 pays arabes entre 2003 et 2008
Estimation de la prévalence des mutilations génitales féminines (MGF),
6 pays arabes
Estimation de la prévalence de la violence sur les femmes
(violence physique), 7 pays arabes
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
à l’égard des femmes (CEDAW) –
Vue d’ensemble des ratifications par les pays arabes, 2009 Crimes d’honneur dénoncés, 5 pays arabes
Cas de dénonciation de la traite des personnes selon les registres de
l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC)
Le nombre global des réfugiés selon l’HCNUR et l’UNRWA selon le pays
d’origine et de résidence, 2007
Estimation des nombres de Personnes déplacées internes
dans les pays arabes, 2007
Volatilité de la part de l’individu de la croissance réelle du PIB
dans les pays arabes, 1961-2006 (coefficient de variation)
Valeur des exportations de pétrole des pays producteurs de pétrole,
2003 et 2006 (en millions d’USD en prix courants)
Les dépenses militaires dans 4 pays arabes (en millions d’USD en prix
constants de 2005)
Incidence de la pauvreté du revenu – Comparaison entre les régions du monde,
1981-2005 (pourcentage de personnes vivant avec moins de 2 USD par jour)
Incidence de la pauvreté (extrême) calculée sur la base du seuil national
(1991-1999 et 1999-2006)
Incidence de la pauvreté par rapport au seuil national supérieur de pauvreté,
9 pays arabes 2000-2006
La population rurale dans les pays arabes, 2007 Incidence de la pauvreté humaine dans 18 pays arabes, 2006
Aide alimentaire aux zones de conflit dans les pays arabes, 2000-2008
Effets de la faim sur les enfants – Les pays arabes par rapport aux autres
régions et groupes de pays
Estimation du nombre de personnes atteintes du VIH, 12 pays arabes, 2007
Taux comparatifs d’accès aux traitements du VIH/sida dans les pays à bas et
moyen revenu, décembre 2003-juin 2006
Nombre de morts suite aux affrontements dans le Territoire palestinien occupé
et en Israël 2000-2008
Nombre total des détenus à travers l’Irak et des détenus par les forces
multinationales, 1er janvier 2006-30 juin 2008
Nombre des bâtiments endommagés dans le Territoire palestinien occupé
entre 2000 et 2007, selon la gravité des dommages
21
41
42
47
50
65
66
79
89
90
92
95
96
103
105
112
112
116
125
125
126
126
127
148
151
178
179
191
195
199
Bibliographie et références
239
Annexe I : Indicateurs du développement humain dans les pays arabes
259
Annexe II : Indicateurs de la gouvernance dans les pays arabes
293
Annexe III : Sondage sur la sécurité humaine
297
Table des matières
XXI
Le Rapport
en bref
Ce rapport est
une publication
indépendante
L’absence
généralisée de
sécurité humaine
dans les pays
arabes a freiné
le progrès
Il s’agit du cinquième volume de la série de Rapports arabes sur le développement
humain parrainés par le Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD) et rédigés de manière indépendante par des intellectuels et des académiciens des pays arabes.
À l’instar de ses précédents, ce Rapport fournit à d’éminents penseurs
arabes une plate-forme pour articuler une analyse compréhensive de leur propre
milieu contemporain. Il ne s’agit pas d’un rapport conventionnel produit par les
Nations Unies, mais d’une publication indépendante qui permet à un groupe
représentatif d’intellectuels arabes d’exprimer leurs évaluations à la fois mesurées
et autocritiques qui n’auraient autrement pas pu être entendues étant donné les
circonstances particulières de la région. Les opinions des auteurs sont complétées
par un sondage mené dans quatre pays arabes – la Jordanie, le Koweït, le Liban,
le Maroc et le Territoire palestinien occupé – qui présentent une diversité politique
et culturelle utile pour les analyses du Rapport. Un forum spécial de la jeunesse
organisé spécialement pour ce rapport donne également une idée des opinions
de la jeunesse arabe.
Inspirée du Rapport mondial sur le développement humain 1994 traitant de la
sécurité humaine (PNUD), la présente étude adapte ce même sujet à la situation
des pays arabes1. L’idée sous-jacente est que, sept ans après la publication du
premier Rapport arabe sur le développement humain, les lignes de faille de la
région, telles que tracées alors, se seraient accentuées2. La question suivante se
pose alors : pourquoi les obstacles au développement humain dans la région se
sont-ils avérés aussi tenaces ?
Ce nouveau Rapport suggère que les réponses sont à trouver dans la fragilité
des structures politiques, sociales, économiques et environnementales de la
région, dans l’absence de politiques de développement axées sur la population
et dans la vulnérabilité de la région aux interventions extérieures. Toutes ces
caractéristiques réunies portent atteinte à la sécurité humaine – le socle matériel
et moral qui garantit la vie, les moyens de subsistance et une qualité de vie
acceptable à la majorité. La sécurité humaine est une condition préalable au
développement humain, et son absence généralisée dans les pays arabes a freiné
le progrès en matière de développement humain.
L’insécurité humaine
aux niveaux mondial et régional
L’ordre mondial qui a suivi la fin de la
guerre froide s’est avéré instable. Les
défis externes et internes à l’intégrité des
États se sont multipliés. La pollution de
l’environnement, le terrorisme international, d’importants mouvements de population, l’effondrement du système financier
mondial et la montée d’autres menaces
La sécurité
humaine met
l’accent sur
l’aptitude des
peuples à contenir
ou à éviter les
menaces qui
pèsent sur leur vie,
leurs moyens de
subsistance et leur
dignité humaine
transfrontalières telles que les pandémies,
le trafic de stupéfiants et la traite des êtres
humains ont menacé les notions traditionnelles de sécurité. Au sein même des pays,
l’aggravation de la pauvreté, le chômage,
les guerres civiles, les conflits confessionnels et ethniques et la répression exercée
par les régimes autoritaires ont révélé les
limites de nombreux États en termes de
garantie des droits civiques et des libertés
de leurs citoyens. Alors que la préservation de l’intégrité des États reste une
priorité principale en matière de sécurité
nationale, une nouvelle préoccupation, à
savoir la protection de la vie des individus
qui y résident, a pris le pas sur la question
de l’intégrité. Le concept de sécurité
humaine qui est complémentaire à celui
de sécurité nationale met l’accent sur ce
changement de perspective.
Dans les pays arabes, l’insécurité
humaine – largement répandue, souvent
intense et affectant un grand nombre
d’individus – constitue un frein au dé­ve­
lop­pement humain. Elle est révélée par
l’impact de l’occupation militaire et
du conflit armé en Irak, au Soudan, en
Somalie et dans le Territoire palestinien
occupé. Elle est également répandue dans
des pays qui jouissent d’une certaine stabilité et où un État autoritaire, soutenu
par des constitutions défectueuses et des
lois injustes, prive souvent les citoyens
de leurs droits. L’insécurité humaine est
accentuée par les changements climatiques
rapides qui représentent une menace pour
les moyens de subsistance, les revenus
ainsi que l’accès à la nourriture et à l’eau
de millions d’Arabes. Elle se reflète dans la
vulnérabilité économique d’un cinquième
de la population de certains États arabes, et
de plus de la moitié de la population dans
d’autres, qui s’appauvrissent et meurent de
faim et de besoin. L’insécurité humaine
est rendue palpable dans l’aliénation du
nombre croissant de jeunes chômeurs dans
la région et dans la mauvaise situation des
femmes exploitées et des réfugiés démunis.
Le concept
La sécurité humaine est « l’arrière-garde
du développement humain ». Alors que
le développement humain est lié au renforcement des capacités et des chances de
2
Rapport arabe sur le développement humain 2009
l’individu, la sécurité humaine met davantage l’accent sur l’aptitude des peuples à
contenir ou à éviter les menaces qui pèsent
sur leur vie, leurs moyens de subsistance et
leur dignité humaine. Les deux concepts
appréhendent la condition humaine à partir des deux pôles d’un même continuum.
Amartya Sen assimile le développement
humain à une « expansion avec équité »
et la sécurité humaine à une « régression
avec sécurité ». Les cadres conceptuels
de ces deux concepts se complètent­ et
se ren­forcent mutuellement. En outre, la
sécurité humaine est liée aux droits de
l’homme puisque le respect des droits fondamentaux des individus crée les conditions favorables à la sécurité humaine.
À partir de ces idées, le rapport retient
la classification globale des menaces qui
pèsent sur la sécurité humaine, i­ni­t ia­
lement établie par le PNUD, et définit la
sécurité humaine comme étant « la libéra­
tion des êtres humains des menaces intenses,
extensives, persistantes, et compréhensives
auxquelles leur vie et leur liberté sont vulné­
rables ». Les chapitres du rapport mettent
l’accent sur :
• Les pressions sur les ressources
environnementales.
• La performance de l’État en termes
de garantie ou d’atteinte à la sécurité
humaine.
• L’insécurité spécifique des groupes
vulnérables.
• La vulnérabilité économique, la pauvreté et le chômage.
• La sécurité alimentaire et la nutrition.
• La santé et la sécurité humaine.
• L’insécurité généralisée liée à l’occupation et à l’intervention militaire
étrangère.
La sécurité humaine peut être à la fois
mesurée en termes objectifs et subjectifs,
et en termes quantitatifs et qualitatifs.
Le Rapport estime qu’un seul indicateur
composite de la sécurité humaine ne peut
être ni valable, ni fiable, ni suffisamment
sensible aux différents niveaux de sécurité
humaine et aux différentes circonstances
inhérentes à chaque région. Ce Rapport
défend plutôt l’utilisation d’indicateurs
quantitatifs distincts et d’enquêtes d’opinion au niveau de la région, de ses sousrégions et groupes de pays.
Les sept dimensions
de la menace
1.Les populations et leur
environnement précaire
La région arabe est confrontée à des pressions environnementales croissantes portant atteinte à la sécurité des populations.
Les conflits potentiels liés au contrôle
des ressources naturelles en diminution
peuvent affecter fortement les relations
entre les communautés, les populations et
les États arabes ou non arabes. Ces défis
découlent des pressions de la population
et de la démographie, de la surexploitation des terres, des pénuries d’eau, de la
désertification, de la pollution et des changements climatiques.
La pression de la population : Selon
les estimations des Nations Unies, la
population des pays arabes s’élèvera à
près de 385 millions de personnes d’ici
2015 (contre environ 331 millions en
2007, et 172 millions en 1980). Dans une
région où l’eau et les terres arables sont en
diminution, ces taux de croissance démographique bien qu’en baisse, continuent
d’exercer une forte pression sur la capacité
de production des terres des pays arabes et
menacent la durabilité environnementale.
La croissance urbaine pose des problèmes
particuliers. L’accélération de l’exode rural
met à rude épreuve des infrastructures
fonctionnant déjà à la limite de leurs capacités, et crée des problèmes de surpopulation, d’insalubrité et d’insécurité dans de
nombreuses villes arabes. En 1970, 38 %
de la population arabe était urbaine. En
2005, ce pourcentage est passé à 55 %, et
est susceptible de dépasser les 60 % d’ici
2020.
Les pressions démographiques : La proportion élevée de jeunes est l’aspect le plus
évident et le défi le plus problématique
du profil démographique de la région.
Les jeunes représentent le segment de la
population des pays arabes qui enregistre
la plus forte croissance. Près de 60 % de la
population est âgée de moins de 25 ans, ce
qui en fait l’une des régions les plus jeunes
du monde, avec une moyenne d’âge de
22 ans contre une moyenne mondiale de
28 ans.
La pénurie d’eau : Les ressources totales
des eaux de surface disponibles dans les
pays arabes sont estimées à 277 milliards
de mètres cubes par an3, dont seulement
43 % sont originaires des pays arabes. Les
ressources en eau de surface partagées
avec les pays voisins situés hors de la
région représentent environ 57 % du total
des besoins en eau de la région. Des années
d’efforts ont abouti à la mise en place
d’accords formels (tels que l’Initiative du
Bassin du Nil) sur la gestion des ressources
en eau partagées. Toutefois, la plupart de
ces accords sont partiaux, inefficaces et
inéquitables en ce qui concerne l’ensemble
des droits riverains. À l’échelle régionale et
interrégionale, la coopération en matière
d’utilisation et de gestion de l’eau est fortement affectée par les tensions politiques
qui prévalent et les conflits en cours.
Les réserves
aquifères
renouvelables
sont exploitées
plus rapidement
qu’elles ne peuvent
être reconstituées
La surexploitation des eaux souterraines
est souvent le seul moyen d’acquérir l’eau
douce dans la région. Pourtant, les réserves
aquifères renouvelables sont exploitées
plus rapidement qu’elles ne peuvent être
reconstituées. Les conflits transfrontaliers,
une mauvaise répartition, ainsi qu’une
utilisation massive, notamment des ressources du sol, caractérisent l’utilisation
de l’eau dans la plupart des pays arabes.
De ce fait, la majeure partie de la population souffre d’un manque d’accès à l’eau
salubre et d’importantes quantités d’eau
sont gaspillées dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et du tourisme.
La désertification constitue un danger
pour la région. Elle est officiellement
définie dans le cadre de la Convention
des Nations Unies sur la lutte contre la
désertification (UNCCD), comme étant
« la dégradation des terres dans les zones
arides, semi-arides, subhumides sèches,
par suite de divers facteurs, parmi lesquels
les variations climatiques et les activités
humaines ». Une étude du Programme
des Nations Unies pour l’environnement
(PNUE) estime que le désert a englouti
plus des deux tiers de la superficie totale
de la région (9,76 millions de kilomètres
carrés de désert, soit 68,4 % de la superficie totale des terres). La Péninsule arabique représente le ratio le plus élevé de
désert sur superficie totale (neuf dixièmes
ou 89,6 %). Elle est suivie par l’Afrique du
Nord (plus des trois-quarts du territoire,
Le Rapport en bref
Le désert a
englouti plus des
deux tiers de la
superficie totale
de la région
3
soit 77,7 %), la vallée du Nil et la Corne
de l’Afrique (moins de la moitié, soit
44,5 %) et par le Moyen-Orient (35,6 %).
La désertification en cours menace près de
2,87 millions de kilomètres carrés, soit un
cinquième de la superficie totale des pays
arabes.
La pollution de l’eau dans les pays arabes
constitue un sérieux défi. Elle est principalement due à l’utilisation croissante
d’engrais chimiques, de pesticides, et de
traitements horticoles et vétérinaires dont
les traces de longue durée se retrouvent
dans l’eau. Le manque d’accès suffisant à
l’eau potable menace la sécurité humaine
de nombreuses manières. Il peut conduire
à la propagation de maladies chez les
enfants, telles que la dysenterie, et affecter
l’assiduité et les résultats scolaires. Il prive
les femmes de longues heures au cours
desquelles elles pourraient se consacrer
à des activités personnelles, génératrices
de revenus, plutôt que d’aller chercher
de l’eau pour leur famille. En outre, la
pénurie d’eau et la pollution menacent
la production agricole et alimentaire et
déclenchent des rivalités intestines sur le
contrôle des rares ressources en eau.
La pollution de
l’eau dans les pays
arabes constitue
un sérieux défi
À l’inverse, les niveaux de pollution de
l’air dans les pays arabes, en général, sont
parmi les plus bas du monde. En 2004,
les émissions de dioxyde de carbone ne
dépassaient pas 1 348,4 tonnes contre
12 162,9 tonnes dans les pays à revenu
moyen et 13 318,6 tonnes dans les pays de
l’OCDE. Il est à noter cependant que si
les pays arabes ont des taux d’émission de
dioxyde de carbone relativement faibles
c’est principalement parce que la plupart
d’entre eux n’ont pas beaucoup progressé
en matière d’industrialisation. Pourtant,
les émissions de dioxyde de carbone en
Afrique du Nord et au Moyen-Orient augmentent à un rythme plus rapide que dans
n’importe quelle autre région du monde,
à l’exception de l’Asie du Sud (avec l’Inde
en tête) et de l’Asie de l’Est (avec la Chine
en tête). De 1990 à 2004, le taux annuel
moyen de croissance était de 4,5 %, ce qui
signifie que les émissions de dioxyde de
carbone ont presque doublé au cours de
cette période.
La région risque
de devenir bientôt
une victime directe
des changements
climatiques
Les changements climatiques : Les pays
arabes sont parmi les moins responsables
4
Rapport arabe sur le développement humain 2009
de l’effet de serre. Selon le RDH 2008 et
les Indicateurs du développement mondial pour 2007, la part de la région dans
les émissions de dioxyde de carbone, qui
contribuent à ce phénomène, ne dépassait pas 4,7 % – elle est plus faible que
dans toute autre région, sauf l’Afrique
subsaharienne. Toutefois, la région risque
de devenir bientôt une victime directe
des changements climatiques qui l’affecteraient en termes de : a) pénurie d’eau ;
b) réduction de la production agricole ;
c) flux migratoires importants vers
l’étranger (réfugiés environnementaux) ;
d) ralentissement de l’activité économique ; e) menaces contre la sécurité
nationale.
Le réchauffement de la planète : Selon le
Rapport mondial sur le développement
humain 2007/2008 publié par le PNUD,
l’Égypte, le Liban, le Soudan et les pays
d’Afrique du Nord pourraient être les pays
de la région les plus touchés par les changements climatiques. Une augmentation
de la température de la Terre de trois ou
quatre degrés augmenterait le niveau de
la mer d’environ un mètre, provoquant
l’exode de 6 millions de réfugiés en
Égypte, et l’inondation de 4 500 km2 de
terres agricoles dans le delta. Même si le
niveau de la mer ne devait augmenter que
d’un demi-mètre, cela pourrait entraîner
l’afflux de 2 millions de réfugiés et provoquer des pertes économiques de plus
de 35 milliards d’USD. Dans la région de
Kordofan, au Soudan, une augmentation
de la température d’1,5 degré Celsius
entre 2030 et 2060 réduirait la moyenne
des précipitations de 5 %, provoquant une
baisse générale de la production agricole et
une diminution de la production de maïs
de 70 % par rapport aux niveaux actuels.
Une augmentation d’1,2 degré Celsius
d’ici 2020 réduirait l’eau disponible au
Liban de 15 % et, dans certaines régions
du Maroc de plus de 10 %.
2. L’État et l’insécurité des citoyens
Concernant les niveaux de sécurité
humaine parmi les citoyens, l’État arabe
représente-t-il une solution ou bien un
problème ? Pour répondre à cette question, le Rapport compare les performances
des États arabes avec les normes associées
à la bonne gouvernance. Il cherche à
comprendre­ si oui ou non les citoyens des
États arabes reconnaissent la légitimité
de ces États, et si ces États défendent et
garantissent les droits à la vie et à la liberté
de leurs citoyens et les protègent contre
les agressions. Son analyse s’appuie sur 4
critères : 1) l’acceptation de l’État par ses
propres citoyens ; 2) le respect par l’État
des conventions internationales relatives
aux droits de l’homme ; 3) la manière dont
l’État exerce le monopole de l’usage de la
force et de la coercition ; 4) la mesure dans
laquelle les contrôles et les équilibres institutionnels préviennent les abus de pouvoir. Le rapport conclut que les principales
et récurrentes lacunes dans ces domaines
fusionnent souvent pour transformer en
une menace contre la sécurité humaine,
l’État qui devait en être le principal
soutien.
Identité, diversité et citoyenneté
Les États sont des créations artificielles.
Les frontières de nombreux États arabes
reflètent souvent cette réalité, rassemblant des groupes ethniques, religieux et
linguistiques incorporés au sein de ces
États en tant que minorités au cours de la
période postcoloniale. Peu de pays arabes
ont connu une transition en douceur vers
l’intégration après l’indépendance. Une
forte tendance nationaliste s’est plutôt
développée avec pour objectif de gommer la diversité de la population et de
soumettre l’hétérogénéité des diversités
culturelles, linguistiques et religieuses à
l’autorité des structures de commande. La
majorité des États n’ont pas réussi à mettre
en place une gouvernance démocratique et
des institutions représentatives assurant
l’intégration, la répartition équitable des
richesses entre les différents groupes et le
respect de la diversité culturelle.
L’une des conséquences a été que des
groupes identitaires dans certains pays
arabes ont cherché à se libérer du joug de
l’État-nation à l’ombre duquel ils vivaient.
Ce rejet de la légitimité de ce type d’État,
que les pays arabes contemporains ont
hérité et perpétué, s’est accompagné de
conflits menaçant la sécurité humaine et
auxquels certains États ont réagi en imposant des contrôles autoritaires.
Dans l’histoire politique occidentale,
le concept normatif qui a le plus contribué à la gestion de la diversité ethnique,
culturelle et linguistique est celui de
citoyenneté. Les États arabes suivent une
évolution politique similaire assez lente et,
par conséquent, un nombre limité d’entre
eux a un niveau de conscience civique
permettant aux citoyens de résoudre leurs
différends d’une manière pacifique, sans
l’intervention de l’État.
L’observation confirme que, dans les
pays arabes, les différences ethniques,
religieuses, confessionnelles et linguistiques peuvent s’accompagner de luttes
incessantes, surtout dans les pays où la
population n’est pas homogène. Dans des
pays comme l’Irak, le Liban, la Somalie et
le Soudan, les appartenances ethniques,
religieuses et tribales sont devenues l’axe
autour duquel les communautés se sont
mobilisées pour exiger l’intégration ou
la séparation. Cette mobilisation a été
destructrice et déstabilisatrice, portant
atteinte à la sécurité et à l’intégrité des
États. Malheureusement, ces conflits ont
engendré le plus grand nombre de pertes
humaines dans les pays arabes.
Le Rapport soutient que l’identité, en
soi, n’est pas nécessairement la cause d’un
conflit ni même la principale source de
tension entre les différents groupes d’une
région. Les affrontements qui semblent
être liés à des questions d’identité sont en
réalité souvent dus à l’accès inégal au pouvoir politique ou à la richesse, à l’absence
de canaux de participation politique représentative, et à la répression de la diversité
culturelle et linguistique. Le plus souvent,
ces conflits commencent avec l’exploitation par les dirigeants politiques, à des fins
idéologiques, des liens entre les groupes
qui partagent des sentiments d’exclusion,
de privation et de discrimination.
De grandes et
récurrentes
lacunes peuvent
transformer l’État
en une menace
contre la sécurité
humaine
La majorité des
États n’ont pas
réussi à mettre
en place une
gouvernance
démocratique et
des institutions
représentatives
Respect des conventions internationales
La plupart des États arabes ont signé les
principales conventions internationales
relatives aux droits de l’homme qui stipulent à la fois le droit à la vie et le droit
à la liberté. La signature et la ratification
impliquent l’obligation pour les États
arabes concernés de mettre leur législation
et les pratiques nationales en conformité
avec ces conventions, une obligation plutôt
transgressée qu’observée. À l’échelle régionale, les droits de l’homme adoptés par les
États et reflétés dans la Charte arabe des
droits de l’homme (2004) sont incompatibles avec les normes internationales. En
Le Rapport en bref
Les différences
ethniques,
religieuses,
confessionnelles
et linguistiques
peuvent
s’accompagner de
luttes incessantes
5
Les droits
individuels sont
souvent violés au
nom de l’idéologie
officielle ou de
la foi dans les
pays arabes
Les lois
antiterroristes
ont conféré aux
organismes
gouvernementaux
chargés de la
sécurité de
vastes pouvoirs
6
effet, la peine de mort, abolie dans plus de
la moitié des pays du monde et condamnée
par les Nations Unies, est largement mise
en pratique dans plusieurs pays arabes,
qui ne la limitent pas aux crimes les plus
graves ou n’en écartent pas l’usage en cas
de crime politique.
Manquements constitutionnels
Les constitutions ne sont généralement
pas conformes aux normes internationales
prévues dans les conventions signées par
les pays arabes. Cela compromet sérieusement les niveaux de sécurité humaine
dans les pays concernés. Les constitutions
de nombreux pays arabes retiennent des
formules idéologiques ou doctrinales qui
vident les dispositions relatives aux droits
et libertés de tout contenu et autorisent la
violation des droits individuels au nom de
l’idéologie officielle ou de la foi. D’autres
réagissent de manière ambiguë à la liberté
d’opinion et d’expression, tendant à la
restreindre plutôt qu’à l’autoriser. Les
constitutions des pays arabes confient
régulièrement à l’État le soin de définir
les droits. Elles permettent ainsi la violation des libertés et des droits individuels
au moment de les traduire dans une loi
ordinaire. Bien que les lois et constitutions
arabes en général ne prescrivent pas de discrimination entre les citoyens sur la base
de la langue, de la religion, de la croyance,
ou de la confession, la discrimination
contre les femmes est évidente dans les
lois de plusieurs États.
Restrictions légales des libertés
Dans la région arabe, six pays continuent
d’inter­d ire la formation de partis politiques. Dans de nombreux autres cas, il
existe différents degrés de répression et de
restriction liés à la création et au fonctionnement des partis politiques, notamment
des partis d’opposition, pouvant aller
jusqu’à leur interdiction. À une exception
près, tous les pays arabes soutiennent le
droit de formation des associations civiles.
Toutefois, la plupart des régimes juridiques et des règlements qui régissent et
réglementent le secteur de la société civile
comprennent un large éventail de mesures
restrictives qui entravent l’exercice de ce
droit. La création et le fonctionnement
des associations de la société civile sont
astreints à des restrictions. Ces associations, ou leurs conseils d’administration,
Rapport arabe sur le développement humain 2009
peuvent être sommairement dissoutes par
l’État, et leurs affiliations ou sources de
financement sont soumises à des contrôles
rigoureux.
Mesures de sécurité nationale
De nombreux pays arabes ont connu de très
longues périodes de loi martiale ou d’état
d’urgence, transformant des mesures provisoires en une conduite permanente de
la vie politique. Les déclarations de l’état
d’urgence sont souvent un simple prétexte
pour suspendre les droits fondamentaux
et exempter les dirigeants de toute limitation constitutionnelle, fût-elle faible. La
plupart des pays arabes ont adopté après
le 11 septembre des lois de lutte contre
le terrorisme sur la base d’une définition
large et imprécise du terme « terrorisme ».
Ces initiatives ont conféré aux organismes
gouvernementaux chargés de la sécurité
de vastes pouvoirs qui, bien qu’efficaces
dans certains cas, peuvent aussi constituer
une menace pour les libertés fondamentales. Ces lois ont autorisé des périodes
indéfinies de détention préventive et
multiplié les cas de recours à la peine de
mort. Elles ont également limité la liberté
d’expression et étendu les pouvoirs de la
police en matière d’investigation, d’écoute
et d’arrestation. Dans certains cas, elles
augmentent le recours aux tribunaux militaires. En général, ces lois n’ont pas réussi
à trouver l’équilibre nécessaire entre la
sécurité de la société et celle de l’individu.
Parrainées par l’État, les violations des
droits du citoyen à la vie et à la liberté
sont commises à travers la pratique de
la torture et de la détention illégale.
Entre 2006 et 2008, l’Organisation arabe
des droits de l’homme (OADH) a dénoncé
des cas de pratique officielle de la torture
dans 8 États arabes. Au cours de la même
période, l’OADH a révélé la pratique plus
généralisée de la détention illégale dans 11
pays de la région.
Obstructions à la justice
L’indépendance du pouvoir judiciaire
est nécessaire à tout système étatique de
contrôles et d’équilibres. Les menaces qui
pèsent sur l’indépendance de la justice
dans les États arabes ne proviennent pas
des constitutions, qui défendent généralement le principe, mais du pouvoir exécutif. Tous les systèmes judiciaires arabes
souffrent, d’une manière ou d’une autre,
d’atteintes portées à leur indépendance,
dues à la domination par l’exécutif des
deux pouvoirs législatif et judiciaire. En
outre, l’indépendance de la justice est
sapée par la multiplication des Cours de
sûreté de l’État et des tribunaux militaires
qui constituent une négation de la règle
de justice naturelle et portent atteinte
aux garanties d’un procès équitable. Il
en résulte un écart considérable entre les
textes constitutionnels et la pratique juridique réelle en matière de protection de
la sécurité personnelle du citoyen arabe.
Dans certains pays arabes, des juges ont
lutté en faveur de l’indépendance de la
justice, mais leurs efforts sont entrepris
dans un environnement très difficile.
Une sécurité imposée par l’État
La sécurité humaine est renforcée lorsque
l’État est le seul à utiliser les moyens de
coercition et les utilise pour mener à bien
son engagement, à savoir celui de faire
respecter les droits des individus, ceux
des citoyens et des non-citoyens. Lorsque
d’autres groupes s’emparent des moyens
de coercition, les résultats vont rarement
dans le sens de la sécurité des citoyens.
Les autorités publiques dans certains
pays arabes se sont révélées incapables
d’imposer la sécurité lors de leur confrontation avec des groupes armés, et d’autres
ont souffert de la violence armée, dans
laquelle certains de leurs citoyens, ou ceux
d’autres États arabes, ont été impliqués.
D’autre part, alors que beaucoup
d’Arabes vivent sous différentes « nonlibertés », qui les privent effectivement du
droit d’expression et de représentation,
et alors que la menace de violence initiée
par l’État contre eux continue de peser,
la région offre un degré de protection
contre la criminalité inégalé dans d’autres
régions en développement. Mis à part les
cas d’occupation étrangère et de guerre
civile, un taux relativement faible de
criminalité violente reste la norme pour
les pays arabes. Selon les statistiques de
2002, la police avait enregistré le plus
faible taux d’homicide et de voies de fait,
non seulement parmi toutes les régions du
Sud, mais aussi par rapport aux pays en
développement et développés.
Les pouvoirs exécutifs, les armées
et les forces de sécurité qui ne sont pas
soumis au contrôle public représentent de
sérieuses menaces potentielles à l’encontre
de la sécurité humaine. Nombre de gouvernements arabes exercent un pouvoir
absolu, et maintiennent leur emprise
sur le pouvoir en laissant au service de
sécurité de l’État une très grande marge
de manœuvre, au détriment des libertés
et des droits fondamentaux des citoyens.
Les services arabes de sécurité opèrent en
toute impunité, car ils sont indispensables
au chef d’État et ne sont tenus de rendre
des comptes qu’à ce dernier. Leurs pouvoirs sont renforcés par l’interférence de
l’exécutif avec le pouvoir judiciaire, par
la domination (dans la plupart des États)
d’un parti immuable au pouvoir sur la
législature, et par le musellement des
médias.
À la lumière des critères précédents, la
relation entre l’État et la sécurité humaine
dans la région n’est pas simple. Alors que
l’État est supposé garantir la sécurité
humaine, il a été, dans plusieurs pays
arabes, une source de menace sapant les
conventions internationales et les dispositions des constitutions nationales. Le rapport considère que la nature et l’étendue
des échecs de l’État sont responsables de la
crise du Darfour, qui illustre la façon dont
la performance de l’État affecte la sécurité
humaine. La mise en place d’un État de
droit et d’une bonne gouvernance dans les
pays arabes reste une condition préalable
à un État légitime et à la protection de la
sécurité humaine.
Beaucoup
d’Arabes vivent
sous différentes
« non-libertés »
Appels à la réforme de l’État
Les réformes récentes parrainées par l’État
pour renforcer les droits des citoyens ont
été bien accueillies mais se sont révélées
inefficaces quant à changer la nature du
contrat social ou le fondement structurel
du pouvoir en place dans la région. La
société civile de plus en plus active et
engagée dans la région a clairement ouvert
la voie à la réforme. Les exigences de cette
société civile portent principalement sur :
• Le respect du droit de tous les peuples
à l’autodétermination.
• L’adhésion aux principes des droits
de l’homme, et le rejet de tous les
arrangements fondés sur les spécificités
culturelles et la manipulation du sen­
timent national.
• La tolérance à l’égard des différentes
religions et doctrines.
• Des systèmes parlementaires sains.
Le Rapport en bref
La relation entre
l’État et la sécurité
humaine dans
la région n’est
pas simple
7
Certains groupes
d’individus
marginalisés
ne bénéficient
d’aucune forme
de sécurité
personnelle
• L’intégration au sein des constitutions des pays arabes des garanties du
pluralisme politique et intellectuel,
et du multipartisme, avec des partis
politiques fondés sur le principe de la
citoyenneté.
Les demandes de changement des
citoyens portent notamment sur : la fin de
la loi martiale ; l’abolition des lois et tribunaux d’urgence ; la fin de la pratique de
la torture ; la réforme des législations des
pays arabes incompatibles avec la liberté
de pensée et d’expression ; ainsi que la
mise en œuvre complète et l’instauration
du règne de la loi.
3.La vulnérabilité des groupes
marginalisés
La sécurité personnelle des citoyens dans
les pays arabes est compromise par des
lacunes juridiques ; elle est aussi supervisée et réglementée par des institutions
coercitives et basée sur la confiscation des
libertés. Toutefois, certains groupes d’individus marginalisés – les femmes maltraitées et exploitées, les victimes de la traite
des êtres humains, les enfants soldats,
les réfugiés et les personnes déplacées
internes – ne bénéficient d’aucune forme
de sécurité personnelle.
Il est difficile
d’évaluer la
prévalence de la
violence contre les
femmes dans les
sociétés arabes
8
La violence contre les femmes
De nombreuses femmes arabes sont toujours soumises à des schémas patriarcaux
de parenté, à une discrimination légalisée,
à une subordination sociale et à une domination masculine profondément enracinée. Étant donné le faible pouvoir des
femmes dans le processus décisionnel au
sein de la famille, leur situation les expose
en permanence à des formes de violence
familiale et institutionnalisée. Les femmes
arabes, comme beaucoup de femmes dans
d’autres régions du monde, font l’objet
d’une violence à la fois directe et indirecte. En matière de violence directe, elles
su­bissent diverses formes d’agressions physiques, depuis le passage à tabac, jusqu’au
viol ou le meurtre. En matière de violence
indirecte, elles sont victimes de pratiques
culturelles et sociales leur causant des
dommages physiques, par exemple la
mutilation génitale féminine (MGF) et le
mariage des mineures. Bien que certains
États aient interdit la pratique de la MGF,
Rapport arabe sur le développement humain 2009
elle continue­ d’être répandue dans plusieurs pays arabes, à cause du poids des
croyances surannées. Des personnalités
influentes ainsi que des forces politiques
ou sociales conservatrices défendent également cette pratique.
Les pays arabes n’ont pas encore adopté
de lois interdisant le mariage avant l’âge de
la majorité, à savoir 18 ans. Pourtant, des
études indiquent que le mariage précoce et
les grossesses des adolescentes mettent en
danger la santé des mères et des enfants,
et accroissent la vulnérabilité des femmes
à la violence. Les mariages précoces
conduisent­souvent à des divorces, à l’éclatement de la famille et à une mauvaise
éducation des enfants. Ils encouragent
généralement les grossesses précoces et un
taux élevé de fécondité, ce qui comporte
des risques de santé pour les très jeunes
mères et leurs nouveau-nés. Bien que le
mariage précoce soit en baisse dans les pays
arabes, le nombre d’adolescentes mariées
reste important dans certains d’entre
eux. Selon les données les plus récentes
disponibles pour la période 1987-2006,
l’UNICEF estime que la proportion de
femmes âgées de 20 à 24 ans mariées avant
l’âge de 18 ans était de 45 % en Somalie,
37 % au Yémen et en Mauritanie, 30 %
dans les Comores, et 27 % au Soudan. Ces
proportions étaient de 10 % en Tunisie,
5 % à Djibouti, et 2 % en Algérie.
Il est difficile d’évaluer la prévalence
de la violence contre les femmes dans
les sociétés arabes. Le sujet est tabou
dans une culture masculine du déni.
Une grande partie de cette violence est
invisible, puisqu’infligée à la maison aux
épouses, sœurs et mères. La sous-déclaration des infractions est très répandue.
Les lois matrimoniales contribuent au
problème étant donné que la plupart
d’entre elles consacrent les droits de garde
du mari sur sa femme. Les lois de l’état
civil consacrent la suprématie des hommes
au sein de la famille puisqu’en vertu de
ces lois, la majorité des femmes dans les
pays arabes n’ont pas le droit de demander
le divorce ou de s’opposer à la polygamie.
Des mesures ont été prises pour la réforme
des lois de l’état civil, notamment dans les
pays du Maghreb, toutefois, des mesures
supplémentaires sont nécessaires.
Les soi-disant « crimes d’honneur »
constituent la forme la plus notoire
de violence contre les femmes dans de
nombreuses sociétés arabes. Là aussi, la
sous-déclaration rend la prévalence de ces
crimes difficile à établir, mais il est certain
que la pratique se poursuit. La sanction
infligée aux femmes peut aller jusqu’à la
condamnation à mort, surtout si l’acte
incriminé conduit à une grossesse. Dans
certains pays arabes, la loi est du côté des
auteurs de ces crimes par la réduction des
peines.
Le viol est une forme de violence
contre les femmes plus commune que ne
laissent suggérer les incidents signalés à la
police, ou couverts par les médias. Dans
les pays arabes, où les lois sur le viol sont
équivoques ou prennent activement parti
contre les femmes, et où la famille et la
société s’unissent pour nier les événements,
préserver l’image de virginité et minimiser le crime, peu de cas sont portés devant
les tribunaux. Ainsi, l’une des menaces les
plus violentes, intrusives et traumatisantes
contre la sécurité personnelle des femmes
se poursuit alors que la société continue de
détourner les yeux.
En temps de guerre, les agressions
contre les femmes interviennent dans un
contexte d’anarchie, de déplacement et
d’affrontements armés, comme c’est le cas
en Irak, au Soudan (Darfour) et en Somalie
où les rôles dévolus aux deux sexes sont
polarisés. Dans ce genre de conflit, les
hommes compensent souvent leur propre
insécurité et perte de domination par une
intensification des agressions contre les
femmes. En juin 2008, le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) a adopté
à l’unanimité la résolution 1820 exigeant
« de toutes les parties à des conflits
armés qu’elles mettent immédiatement
et totalement fin à tous actes de violence
sexuelle contre des civils ». La résolution
souligne que « les femmes et les filles sont
particulièrement victimes de la violence
sexuelle utilisée notamment comme arme
de guerre ».
La traite des êtres humains
La traite des êtres humains est un secteur
d’activité transnational de plusieurs milliards d’USD qui se répand à travers les
pays arabes. Dans la région, cette activité
clandestine présente certaines spécificités.
La première est que les États arabes jouent
des rôles divers et parfois multiples. Ils
peuvent constituer des destinations pour
la traite, agir comme un point de transit
pour ce commerce ou être le pays d’origine
de ses victimes. En tant que destination,
les pays arabes reçoivent les victimes de
ce trafic, venues de différentes régions du
monde, telles que l’Asie du Sud-Est, l’Asie
du Sud, l’Europe de l’Est, l’Asie Mineure,
l’Asie centrale et l’Afrique subsaharienne.
Pour les hommes, la traite signifie le
travail forcé dans des conditions inhumaines violant le droit du travail. Pour
les femmes, cela signifie généralement
un service domestique souvent peu différent de l’esclavage ou de l’exploitation
sexuelle, alors que pour les enfants, il
mène à travailler comme mendiants,
vendeurs ambulants ou méharistes, ou
à l’abus sexuel. Pour toutes les victimes,
la servitude par la traite signifie une vie
avilissante d’insécurité permanente.
Les enfants sont des proies faciles aux
pratiques qui portent atteinte à leur sécurité. Non seulement ces pratiques nuisent
à leur liberté, mais elles les exposent à
des dommages extrêmes, tels un retard
de développement psychologique, des
blessures corporelles, voire la mort. La
plus cruelle de ces pratiques est le re­cru­
tement d’enfants soldats. On observe deux
formes différentes d’implication d’enfants
dans les activités militaires des pays
arabes. La première est celle observée en
Somalie et au Soudan, où le recrutement
d’enfants soldats est largement signalé. La
deuxième est celle observée dans d’autres
zones de conflit dans la région – comme
dans le Territoire palestinien occupé et
l’Irak – où les enfants, volontairement
ou sous la contrainte, jouent des rôles de
support, alors qu’ils souffrent de manière
disproportionnée dans le cadre des conflits
armés de ces régions.
La région arabe
représente à la fois
le lieu de la plus
ancienne question
de réfugiés
Le sort des réfugiés et des personnes
déplacées internes
La région arabe représente à la fois le lieu
de la plus ancienne question de réfugiés,
celle des Palestiniens, et de la plus récente,
celle du Darfour. Poussés à fuir en raison
de conditions de grave insécurité – dans le
meilleur des cas, la perte de travail et de
revenus et, dans le pire, la perte de la vie
aux mains des armées d’occupation ou des
milices rivales – les réfugiés continuent de
vivre avec les insécurités associées à leur
statut. Ils sont à la merci des conditions
de vie dans les camps ou des événements
politiques et économiques dans leurs pays
Le Rapport en bref
9
Réduire l’insécurité
des groupes les
plus vulnérables
de la région
commence par la
reconnaissance
de l’ampleur des
injustices dont
ils sont victimes
La fabuleuse
richesse pétrolière
des pays arabes
donne une image
trompeuse de
leur situation
économique,
et en masque
les faiblesses
structurelles
d’accueil, qui peuvent soudainement se
retourner contre eux. L’expérience de
réfugiés peut ne jamais prendre fin, une
personne peut mourir réfugiée et transmettre ce statut à la deuxième génération.
Alors que les statistiques sur les réfugiés sont souvent difficiles à vérifier, il
est estimé que les pays arabes regroupent
près de 7,5 millions de réfugiés, sous la
forme de réfugiés enregistrés par le Haut
Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés (HCNUR) et l’Office de secours
et de travaux des Nations Unies pour
les réfugiés de Palestine dans le ProcheOrient (UNRWA), pour l’année 2008.
Cela représente 46,8 % des 16 millions
de réfugiés dans le monde enregistrés par
l’HCNUR et l’UNRWA en 2008. Le plus
grand nombre de ces réfugiés, prin­ci­pa­
lement des Palestiniens et des Irakiens,
se trouve en Jordanie, en Syrie, et dans le
Territoire palestinien occupé.
Dans les pays arabes, les personnes
déplacées internes (PDI) sont plus
ré­pandues géographiquement que les réfugiés qu’ils surpassent en nombre, avec un
total d’environ 9,8 millions de déplacés. La
plupart se trouvent dans six États arabes
– l’Irak, le Liban, la Somalie, le Soudan,
la Syrie et le Yémen – où le Soudan, à lui
seul, en compte jusqu’à 5,8 millions. Les
PDI partagent la plupart des insécurités
des réfugiés, à savoir la perte des moyens
de subsistance, de statut, de familles, de
racines et, parfois, de la vie elle-même.
Ce rapport conclut que l’État et la
société ne peuvent pas protéger ce qu’ils
ne voient pas. Réduire l’insécurité des
groupes les plus vulnérables de la région
commence par la reconnaissance à la fois
de la réalité et de l’ampleur des injustices
dont ils sont victimes, ainsi que des causes
politiques, sociales et développementales
de leur exclusion.
4.Volatilité de la croissance,
chômage élevé et persistance
de la pauvreté
La fabuleuse richesse pétrolière des pays
arabes donne une image trompeuse de
leur situation économique, et masque
les faiblesses économiques structurelles
de nombre d’entre eux ainsi que l’insécurité qui en découle pour les pays
et les citoyens. Ce rapport traite de la
10
Rapport arabe sur le développement humain 2009
sécurité économique telle qu’initialement
identifiée par le Rapport mondial sur le
Développement Humain 1994 traitant de
la sécurité humaine (PNUD) : les niveaux
du revenu réel par habitant et leur modèle
de croissance, les opportunités d’emploi,
la pauvreté, et la protection sociale. Il
souligne l’irrégularité de la croissance
imputable au pétrole dans les pays arabes,
la fragilité du modèle économique qui lui
est associé et le changement de tendances
des retombées intra-régionales émanant
des pays producteurs de pétrole. Il identifie également les lacunes politiques qui ont
des conséquences sur la sécurité économique de millions d’individus, à savoir un
chômage aigu et une pauvreté persistante.
La vulnérabilité économique
La grande volatilité de la croissance économique des pays arabes est un signe évident
de sa vulnérabilité. Liée aux marchés
pétroliers capricieux, la sécurité économique de la région a été – et demeure –
otage de tendances exogènes. Les hauts
et les bas des pays arabes, à savoir la forte
croissance dans les années 1970, la stagnation économique dans les années 1980 et
le retour à une croissance exceptionnelle
au début des années 2000, reflètent de
manière directe les cycles de turbulence
du marché pétrolier. La forte baisse des
revenus pétroliers au cours des années
1980 a eu des impacts importants sur
les pays producteurs de pétrole (l’Arabie
saoudite, par exemple, a vu son PIB diminuer de moitié entre 1981 et 1987 en prix
courants). Un certain nombre d’autres
pays ont connu une croissance économique
négative, notamment le Koweït, où le PIB
a enregistré une baisse de près de 18 %
en 1981 et 1982. Les chocs ont été ressentis dans les pays arabes non producteurs
de pétrole dont les recettes provenant des
transferts de fonds ont chuté. La Jordanie
et le Yémen ont tous deux enregistré
une croissance négative durant quelques
années.
Pendant près de 25 ans après 1980,
la région a connu une faible croissance
économique. Les données de la Banque
mondiale montrent que le PIB réel par
habitant dans les pays arabes n’a augmenté
que de 6,4 % sur une période de 24 ans,
entre 1980 et 2004 (soit une croissance
annuelle de moins de 0,5 %).
La croissance liée au pétrole est
responsable de la faiblesse structurelle
des économies arabes. Beaucoup de pays
arabes se transforment en économies de
plus en plus orientées vers l’importation et
basées sur les services. Les services offerts
dans la plupart des pays arabes sont au
plus bas de l’échelle des valeurs ajoutées,
contribuent très peu au renforcement des
connaissances locales et maintiennent les
pays dans des positions inférieures sur
les marchés mondiaux. Cette tendance
s’est développée au détriment de l’agriculture et de la production industrielle et
manufacturière. La fragilité structurelle
des économies arabes liées au pétrole se
traduit par une baisse notable de la part
des secteurs non producteurs de pétrole
(agriculture et manufacture) dans le PIB
de tous les pays arabes à l’exception des
pays à haut revenu. Globalement, les pays
arabes étaient moins industrialisés en 2007
qu’en 1970, quatre décennies auparavant.
Au cours du dernier épisode de prospérité dans la région, la fluctuation des
taux de croissance s’est atténuée quelque
peu dans tous les groupes de pays. Si cette
évolution est rassurante, il ne faut pourtant
pas faire acte de complaisance puisque
la chute actuelle des prix du pétrole va
annuler les perspectives de croissance et
provoquer une fois de plus une grande
volatilité.
Les pays arabes producteurs de
pétrole ont choisi de placer une grande
part de leurs gains imprévus dans des
investissements étrangers, des réserves
de change internationales et des fonds de
stabilisation pétroliers, et de rembourser
leurs dettes. Ils ont également effectué
d’importants investissements nationaux
dans l’immobilier, la construction, le raffinage du pétrole, le transport, les commu­
ni­ca­t ions et les services sociaux. Cette
approche se démarque clairement des
modèles du passé, qui mettaient l’accent
sur les importations et la consommation.
Certains pays arabes exportateurs de
pétrole ont également été en mesure d’allouer d’importants flux de revenus à leurs
forces armées et services de sécurité.
Toutefois, ces nouveaux modèles
d’investissement exposent plus que par le
passé les pays du Conseil de coopération
du Golfe (CCG) aux récessions économiques mondiales, dont la dernière en
date pose de sérieux défis à leur modèle de
croissance à forte intensité capitalistique.
Les nouveaux chocs extérieurs pour les
pays arabes sont liés à la récession mondiale actuelle. Les principaux producteurs
de pétrole ont effectué d’importants
placements aux États-Unis et ailleurs à
l’étranger, et ne sont pas en mesure de
mettre leur économie à l’abri de la crise
internationale actuelle. Les répercussions
d’un ralentissement prolongé de l’investissement et des flux de capitaux en provenance des pays du CCG sur le reste des
pays arabes seraient considérables.
En réalité, d’autres pays arabes ont
peut-être moins profité du troisième boom
éphémère que des deux premiers. Bien que
la richesse pétrolière continue de traverser
les frontières, et que plusieurs pays riches
aient orienté un certain nombre de leurs
investissements étrangers vers les marchés
régionaux à la suite du 11 septembre, les
flux intra-régionaux sont de moins en
moins abondants et ont moins d’impact
que par le passé. Tout d’abord, l’accroissement de la population dans les pays non
producteurs de pétrole annule une grande
partie de ces flux. Deuxièmement, les
envois de fonds des travailleurs en provenance des États producteurs de pétrole ont
été touchés par la politique de « nationalisation de l’emploi » et, troisièmement, les
pays non producteurs de pétrole subissent
des coûts d’énergie plus élevés en raison
de la hausse des factures d’importation de
pétrole et des subventions coûteuses aux
carburants.
Globalement,
les pays arabes
étaient moins
industrialisés en
2007 qu’en 1970
Le problème du chômage
Le chômage est une source majeure d’insécurité économique dans la plupart des
pays arabes. Selon des données recueillies
auprès de l’Organisation arabe du travail
(OAT), le taux de chômage moyen global
dans les pays arabes en 2005 a été d’environ 14,4 % contre 6,3 % pour l’ensemble
du monde. Le taux de croissance moyen
pondéré du chômage dans les pays arabes
(en utilisant le nombre de chômeurs en
2005) était d’environ 1,8 %. Alors que
le taux de chômage national varie considérablement d’un pays à l’autre, allant
d’environ 2 % à Qatar et au Koweït, à près
de 22 % en Mauritanie, le chômage des
jeunes constitue un défi sérieux commun
à de nombreux pays arabes.
Ces tendances en matière de chômage, associées aux taux de croissance
Le Rapport en bref
11
Les pays arabes
auront besoin
de 51 millions
de nouvelles
opportunités
d’emploi en 2020
Le nombre
d’Arabes
vivant dans la
pauvreté pourrait
être estimé à
65 millions.
12
démographique, indiquent que les pays
arabes auront besoin de près de 51 millions
de nouveaux emplois d’ici 2020. La plu­
part de ces emplois seront indispensables
pour absorber les jeunes entrants sur le
marché du travail qui se retrouveront
autrement sans avenir. Selon les estimations de l’OAT pour l’année 2005-2006,
le taux de chômage des jeunes dans la
région varie entre un maximum de près de
46 % en Algérie, et un minimum de 6,3 %
dans les Émirats arabes unis. À l’exception
de ce dernier, les pays arabes à haut revenu
souffrent d’un taux de chômage des jeunes
à deux chiffres. Ce taux est également
élevé dans les pays à moyen et bas revenu.
Globalement, le taux de chômage des
jeunes dans les pays arabes est presque
deux fois supérieur au taux mondial.
Le chômage touche également beaucoup les femmes. Le taux de chômage des
femmes dans les pays arabes est plus élevé
que celui des hommes, et compte parmi
les plus élevés au monde. Cela reflète non
seulement l’échec des économies arabes
à générer suffisamment d’emplois, mais
aussi les préjugés sociaux bien ancrés à
l’égard des femmes.
Trois principaux facteurs expliquent
la tendance à la baisse de l’emploi dans
la région : d’abord, la contraction due
aux réformes structurelles dans le secteur public qui emploie plus d’un tiers
de la main-d’œuvre ; deuxièmement, la
petite taille, la performance entravée et
la faible capacité à générer des emplois
du secteur privé qui n’a pas pris le relais ;
troi­siè­mement, la qualité et le type de
l’en­sei­gnement généralement offert, qui
ne met pas l’accent sur les compétences
techniques ou professionnelles requises.
Les politiques arabes doivent se
concentrer sur la refonte de l’en­sei­
gnement en vue de pallier les lacunes en
matière de compétences, répondre aux
signaux du marché du travail et renforcer
les capacités fondées sur la connaissance
pour se saisir des opportunités à l’échelle
mondiale et régionale. L’épargne nationale
devra être convertie efficacement dans
d’importants investissements pour développer la santé, le logement et le marché
du travail afin de répondre aux besoins de
la main-d’œuvre jeune et de lui fournir les
moyens d’augmenter sa productivité. Un
effort particulier est nécessaire pour lever
les barrières sociales entravant l’accès des
Rapport arabe sur le développement humain 2009
femmes à des emplois à forte productivité.
Dans beaucoup de ces changements de
politiques, les partenariats entre les secteurs privé et public offrent la meilleure
option pour la mobilisation des ressources,
le transfert des compétences et la création
de nouveaux emplois.
Cumuls de la pauvreté
Le rapport appréhende l’insécurité économique associée à la pauvreté à partir de
deux perspectives : la pauvreté de revenu
(définie en termes d’accès aux biens et services, en prenant en compte les dépenses
réelles de consommation par habitant) et
la pauvreté humaine (définie par le revenu
ainsi que par d’autres dimensions fondamentales de la vie, telles que l’éducation,
la santé et la liberté politique). Son analyse
de la pauvreté de revenu prend en compte
à la fois le seuil de pauvreté international
fixé à 2 USD par jour et les seuils de pauvreté nationaux.
Les pays arabes sont généralement
considérés comme ayant une incidence
relativement faible de pauvreté de revenu.
En 2005, près de 20,3 % de la population
arabe vivait au-dessous du seuil de pauvreté international de 2 USD par jour.
Cette estimation est basée sur 7 groupes
arabes à revenu moyen et bas, dont la
population représente environ 63 % de la
population totale des pays arabes qui ne
sont pas en conflit. L’utilisation du seuil
international indique qu’en 2005, près
de 34,6 millions d’Arabes vivaient dans
l’extrême pauvreté.
Toutefois, le seuil des 2 USD par jour
n’est peut-être pas la meilleure mesure
pour appréhender la pauvreté dans les
pays arabes. L’application du seuil national
de pauvreté, supérieur, montre que le taux
global de pauvreté varie d’un minimum
de 28,6-30 % au Liban et en Syrie à un
maximum de 59,5 % au Yémen, contre
environ 41 % en Égypte. En extrapolant à
partir d’un échantillon de pays représentant 65 % de la population de la région, le
Rapport estime que le taux de pauvreté
global effectif selon la limite supérieure
du seuil de pauvreté est de 39,9 % et que
le nombre d’Arabes vivant dans la pauvreté
pourrait être estimé à 65 millions.
L’extrême pauvreté est particulièrement aiguë dans les pays arabes à bas
revenu, où près de 36,2 % de la population
vit dans l’extrême pauvreté. La pauvreté
de revenu, et l’insécurité qui y est associée,
est plus répandue au sein des populations
rurales.
Un autre angle d’analyse de la pauvreté
est la pauvreté humaine qui se réfère à
la privation des capacités et des opportunités, et peut être mesurée grâce à
l’Indicateur de pauvreté humaine (IPH),
un indice composite, construit à partir de
trois éléments : a) longévité, b) instruction
et c) niveau de vie. L’utilisation de cet indicateur montre que les pays arabes à faible
revenu présentent le taux de pauvreté le
plus élevé de la région, avec un IPH moyen
de 35 % par rapport à une moyenne de
12 % dans les pays à haut revenu. Cet indicateur montre que l’insécurité compromet
la santé, l’éducation et le niveau de vie, ce
qui remet en question l’efficacité de l’État
à offrir et garantir l’accès aux besoins fondamentaux de la vie. La pauvreté humaine
affecte en particulier le taux d’assiduité
à l’école primaire et les niveaux de poursuite de l’enseignement secondaire. Les
faibles taux d’achèvement du cycle d’en­
sei­gnement scolaire perpétuent l’insécurité des plus pauvres.
Les pays arabes qui enregistrent un
IPH de 30 % ou plus comprennent trois
pays à bas revenu et un pays à revenu
moyen-inférieur : le Soudan (avec un
IPH de 34,3 %), le Yémen (36,6 %), la
Mauritanie (35,9 %) et le Maroc (31,8 %).
Dans presque tous ces pays, une importante insécurité (soit une valeur de plus de
30 %) est enregistrée pour la composante
« instruction », représentée par le taux
d’analphabétisme des adultes. De plus,
en Mauritanie, au Soudan et au Yémen,
l’insécurité liée à l’absence d’accès à l’eau
potable et à la malnutrition des enfants est
également importante.
Malgré des niveaux modérés d’inégalité
de revenus dans la plupart des pays arabes,
l’exclusion sociale a augmenté au cours
des deux dernières décennies. De plus,
il est prouvé que l’inégalité de richesse
s’est accentuée de façon plus significative
que la détérioration des revenus. Dans de
nombreux pays arabes, par exemple, la
concentration des terres et des biens est
manifeste, et provoque un sentiment d’exclusion au sein des autres groupes, même
si la pauvreté absolue n’a pas augmenté.
Les modèles d’insécurité économique
illustrés dans ce rapport sont le résultat
de nombreuses lacunes en matière de
politiques. Premièrement, la fragilité
structurelle croissante des économies des
pays arabes est une conséquence évidente
de la tendance continue à compter sur la
croissance volatile liée au pétrole. La croissance économique a elle-même été irrégulière et faible. De même, la performance
des secteurs productifs (notamment de
l’industrie) a été faible et non compétitive.
Deuxièmement, ce modèle de croissance
a eu un effet négatif sur le marché du
travail, et les pays arabes souffrent actuellement du taux de chômage le plus élevé
au monde. Troisièmement, la pauvreté
globale, définie comme le pourcentage de
la population vivant sous le seuil supérieur
national de pauvreté, est sensiblement plus
élevé que celui obtenu en utilisant le seuil
international de pauvreté fixé à 2 USD par
jour. Par conséquent, la pauvreté dans les
pays arabes est un phénomène plus important qu’il n’est communément admis.
L’inégalité de
richesse s’est
accentuée de
façon plus
significative que
la détérioration
des revenus
5.La faim, la malnutrition
et l’insécurité alimentaire
En dépit des ressources importantes et
de la faible incidence de la faim dans les
pays arabes en comparaison avec d’autres
régions, la faim et la malnutrition au sein
de la population des pays arabes sont en
hausse. Bien que les taux de prévalence
et les nombres absolus dans les différents
pays varient de manière assez significative,
la région dans son ensemble, est à la traîne
en ce qui concerne la réduction de la faim qui
est l’un des objectifs du développement du
millénaire (OMD). En outre, Les séquelles
de la faim et de la malnutrition héritées du
passé persistent.
Conformément aux chiffres de
l’Organisation des Nations Unies pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO),
parmi les pays en développement, les pays
arabes présentent une faible proportion
de personnes sous-alimentées par rapport
à la population totale. Ils sont seulement
dépassés dans ce domaine par les pays
en transition d’Europe orientale et l’exUnion soviétique. Pourtant, c’est l’une
des deux régions du monde – l’autre étant
l’Afrique subsaharienne – où le nombre
de personnes sous-alimentées a augmenté
depuis le début des années 1990 – passant
d’environ 19,8 millions en 1990-1992 à
25,5 millions en 2002-2004.
Le Rapport en bref
Les modèles
d’insécurité
économique
sont le résultat
de nombreuses
lacunes en matière
de politiques
13
Les pays arabes
sont davantage
auto-suffisants
en produits
alimentaires
appréciés par les
populations aisées
qu’en produits
susceptibles d’être
consommés par
les populations
défavorisées
La pauvreté
n’est pas
nécessairement
associée à la sousalimentation
14
D’importantes disparités existent
entre les pays arabes en matière de lutte
contre la faim. Les pays qui ont enregistré le plus grand progrès en matière de
réduction de la malnutrition entre 1990
et 2004, sont Djibouti, le Koweït et
la Mauritanie. Le Soudan a également
enregistré des progrès mais continue de
connaître de sérieux problèmes liés à la
faim. D’autre part, l’Arabie saoudite,
l’Égypte, le Liban, la Jordanie, le Maroc
et le Yémen ont enregistré des hausses à
la fois en termes de chiffres absolus et de
prévalence de la malnutrition, alors que la
Syrie et l’Algérie ont réalisé de très faibles
réductions en termes de prévalence et non
pas de chiffres.
Les causes directes de la faim dans
la région sont liées à l’insuffisance de
l’apport nutritionnel quotidien, laquelle
insuffisance est due à un accès limité aux
différents aliments et aux déséquilibres
qui en résultent en matière de régime alimentaire. La disponibilité de la nourriture
est liée à son tour, aux logiques de l’offre
– fonction elle-même de facteurs tels la
production agricole, l’accès aux marchés
mondiaux, la croissance des industries
agroalimentaires, et l’importance de l’aide
étrangère – et de la demande, qui est
notamment liée aux niveaux de revenu
par habitant. En termes de production
alimentaire locale, certains pays arabes
ont le plus faible taux de production de
céréales au monde ; de plus, entre 1990
et 2005, la production a diminué dans
7 pays. Selon le Rapport, les pays arabes
sont davantage auto-suffisants en produits
alimentaires appréciés par les populations
aisées (viandes, poissons et légumes) qu’en
produits susceptibles d’être consommés
par les populations défavorisées (céréales,
graisses et sucre).
De manière paradoxale, alors que la
malnutrition est en hausse en termes absolus et relatifs dans certains pays arabes,
l’obésité constitue un risque croissant
pour la santé dans la région. En réalité,
les deux sont liées en raison de leurs origines communes, à savoir une mauvaise
alimentation. L’obésité et le surpoids sont
plus fréquents chez les femmes que chez
les hommes dans les pays arabes, contrairement à la situation aux États-Unis par
exemple, où ces problèmes sont plus fréquents chez les hommes. Dans la région
arabe, l’obésité est généralement attribuée
Rapport arabe sur le développement humain 2009
à la surconsommation d’aliments riches
en gras, conjuguée à une activité physique
limitée, qui peut expliquer en partie
sa prévalence parmi les femmes arabes
victimes de certaines coutumes qui leur
interdisent souvent la pratique des sports
et des autres exercices physiques. L’obésité
contribue au développement de maladies
chroniques non contagieuses comme
le diabète, l’hypertension, les maladies
coronaires, les maladies dégénératives, les
maladies psychologiques, et certains types
de cancer. Ces affections sont en augmentation régulière dans les pays arabes.
Les principales causes indirectes de la
faim dans la région sont la pauvreté, l’occupation étrangère, les conflits internes et
les politiques économiques menées pour
faire face à la mondialisation. Alors que
la pauvreté et la malnutrition coexistent
souvent dans les pays arabes, ce Rapport
montre que la pauvreté n’est pas nécessairement associée à la sous-alimentation
lorsque le modèle de consommation des
populations défavorisées tend vers des
aliments peu coûteux mais riches en
éléments nutritifs, et quand ces aliments
sont facilement accessibles en vertu de
programmes gouvernementaux ciblés.
Inversement, lorsque les conflits per­
turbent l’approvisionnement alimentaire,
comme en Irak, dans le TPO, en Somalie
et au Soudan, il s’ensuit un niveau élevé de
malnutrition et d’insécurité alimentaire.
L’accessibilité de la nourriture est
fortement influencée par la politique
économique des gouvernements et par
l’ouverture aux marchés mondiaux. La
subvention des denrées alimentaires visant
à les rendre plus abordables pour le public
est une politique ; la levée des subventions
en est une autre. La plupart des gouvernements arabes ont adopté des politiques
d’approvisionnement alimentaire dans
le cadre d’un contrat social fondé sur la
prise en charge par l’État des besoins
essentiels en échange de la loyauté du
peuple. Toutefois, depuis les années 1980,
les politiques économiques et de déréglementation des marchés, adoptées par les
gouvernements nationaux ont rendu les
prix des produits alimentaires sensibles
aux fluctuations des prix internationaux.
Les pays arabes, comme tous les
autres, ont récemment souffert de la
flambée des prix des denrées alimentaires
dues à des causes diverses, y compris
aux changements climatiques qui ont eu
une incidence sur la production des pays
exportateurs de céréales, l’épuisement
significatif des réserves de céréales, et la
hausse de la consommation de viande et
de produits laitiers dans les économies
émergentes, notamment en Chine. Une
autre cause majeure est la demande
croissante des États-Unis et de l’Europe
en biocarburants issus des céréales, en
réponse à la hausse des prix du pétrole et
du transport. Le rapport compare la façon
dont les politiques économiques arabes
ont réussi à faire face à ces pressions avec
la réussite relative de pays comme le Brésil
et le Mexique, qui ont simultanément
suivi une politique économique libérale et
assuré un niveau minimum de nourriture
pour les pauvres.
Le Rapport étudie comment pourraient être atteintes la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire dans
les pays arabes. Il conclut que la sécurité
alimentaire doit être poursuivie, non pas
en termes de souveraineté absolue de
la production alimentaire – un objectif
irréaliste compte tenu de la pénurie d’eau
au niveau régional – mais plutôt en termes
d’accès suffisant de tous les membres de
la société aux produits de base. Dans ce
contexte, le faible taux d’autosuffisance
de la région en produits alimentaires de
base est l’une des plus sérieuses lacunes en
matière de développement.
6.Les défis posés à la sécurité
sanitaire
La santé est à la fois un objectif vital de
sécurité humaine influencé par des facteurs non liés à la santé, et une aptitude
fondamentale qui affecte de manière
significative d’autres aspects de la sécurité humaine. Au cours des 40 dernières
années, les pays arabes ont enregistré des
progrès considérables en matière de longévité et de prévention des décès, comme en
témoignent la baisse des taux de mortalité
infantile et la hausse de l’espérance de vie.
Pourtant, la santé est loin d’être assurée
pour tous les citoyens des pays arabes, et
les femmes continuent de souffrir le plus
de négligence et de préjugés sexistes. Les
systèmes sanitaires sont souvent caractérisés par une inefficacité bureaucratique,
des capacités professionnelles limitées, et
un manque de financement ; et les risques
pour la santé provenant des nouvelles
maladies infectieuses sont en hausse.
Situation générale
Malgré des améliorations en matière de
santé dans la région,
• L’état de santé des populations arabes,
en général, est moins bon que celui des
citoyens des pays industrialisés.
• Si la longévité a augmenté et la mortalité infantile a diminué entre 2000
et 2005, d’autres indicateurs de santé
ont stagné.
• Les disparités sont manifestes à la fois
entre les pays et au sein des pays.
• Les données sur la santé sont insuffisantes, incomplètes et souvent peu
fiables, ce qui rend difficile de développer des politiques sanitaires efficaces
ou d’atteindre les gens qu’il faut.
• Des pratiques sanitaires dangereuses,
profondément ancrées dans la culture,
continuent d’abaisser les niveaux de
santé, notamment chez les femmes.
Limites des systèmes sanitaires
Les systèmes de soins sanitaires dans la
région sont limités par :
• Un modèle biomédical étroit, basé sur
l’hôpital et les soins curatifs, et concentré sur le traitement des maladies.
• L’absence de liens intersectoriels qui
aideraient à intégrer des critères sanitaires vitaux mais indirects au sein
de l’équation. Les systèmes sanitaires
arabes ne reconnaissent pas le rôle de
ces facteurs tels que la qualité et la couverture de l’enseignement, l’habilitation des femmes, et la justice sociale et
économique. De même qu’ils ne manifestent pas l’état d’esprit nécessaire
pour traiter de facteurs clés tels que les
spécificités sexuelles, la classe sociale,
l’identité et l’appartenance ethnique,
qui ont tous des effets évidents sur la
santé et la sécurité humaine.
• Les disparités en matière de soins de
santé et de financement.
• Des hôpitaux rentables à la pointe de
la technologie qui fournissent les traitements les plus avancés à une petite
minorité de citoyens riches.
• Des services de santé publique qui
fonctionnent à la limite de leurs capacités, et qui sont souvent de qualité
médiocre.
Le Rapport en bref
Le faible taux
d’autosuffisance
de la région
en produits
alimentaires de
base est l’une des
plus sérieuses
lacunes en matière
de développement
La santé est loin
d’être assurée pour
tous les citoyens
des pays arabes
15
Le VIH/sida
représente un
danger tenace,
immédiat et mal
compris dans
la région
Un grand nombre
des menaces
pesant sur la
sécurité humaine
discutées dans
le rapport
s’accompagnent
de situations
d’occupation,
de conflits et
d’intervention
militaire
16
Financement de la santé
Le financement du système sanitaire doit
relever le défi de :
• La hausse des coûts des soins sanitaires.
• L’insuffisance des dépenses publiques
allouées à la santé dans les pays à
revenu bas et moyen.
• L’inefficacité des systèmes sanitaires
dans les pays à haut revenu, où les
fonds considérables alloués à la santé
ne se traduisent pas par une amélioration des soins.
• L’augmentation des menues dépenses
de santé qui pèsent sur les individus et
les familles.
• Un manque généralisé d’assurancemaladie et de prestations sociales
fournies par les employeurs.
Menaces émergentes pour la santé
Le VIH/sida représente un danger tenace,
immédiat et mal compris dans la région.
En 2007, plus de 31 600 adultes et enfants
sont morts du sida dans les pays arabes
(dont 80 % au Soudan). Selon les estimations, le nombre de nouveaux cas d’infections par le VIH dans les pays arabes
entre 2001 et 2007 s’est élevé à 90 500
dont 50 000 au Soudan.
Selon les estimations de l’OMS et de
l’ONUSIDA, 435 000 personnes vivaient
avec le VIH dans les pays arabes en 2007,
dont 73,5 % au Soudan. Il convient de
signaler le pourcentage relativement élevé
de femmes séropositives au Soudan. En
comparaison avec une moyenne mondiale
de 48 % en 2007, 53 % des adultes porteurs
du VIH sont des femmes au Soudan. Le
pourcentage est de 30,4 % dans les autres
pays arabes pour la même année, ce qui
est comparable à la situation en Europe
occidentale. Selon les estimations, près
de 80 % des cas d’infections de femmes
dans la région se produisent au sein du
mariage, où la position subalterne et la
faible capacité de négociation des femmes
les exposent aux comportements à haut
risque de leurs époux.
Le pouvoir destructeur de la maladie
ne réside pas uniquement dans la puissance du virus qui la provoque mais aussi
dans la stigmatisation sociale qui l’accompagne. Les personnes atteintes du virus
sont souvent privées de leurs moyens de
subsistance et se voient refuser, avec leurs
familles, l’accès aux opportunités sociales
dans un climat de honte.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Bien que la malaria ait été pratiquement
éradiquée de la plupart des pays arabes,
elle reste très endémique dans les moins
avancés d’entre eux où un taux moyen
d’incidence de 3 313 cas pour 100 000
a été enregistré en 2005. Djibouti, la
Somalie, le Soudan et le Yémen ont représenté 98 % des cas signalés dans la région.
Le Soudan représente à lui seul près de
76 % de la charge régionale. La réalisation
de l’un des OMD, à savoir arrêter et faire
reculer la malaria dans la sous-région et
dans l’ensemble de la région, est donc
fortement tributaire des progrès réalisés
en Somalie, au Soudan et au Yémen.
7.L’occupation et l’intervention
militaire
Un grand nombre des menaces pesant
sur la sécurité humaine discutées dans
le rapport s’accompagnent de situations
d’occupation, de conflits et d’intervention militaire. En Irak, dans le TPO et
en Somalie, les droits fondamentaux des
peuples à l’autodétermination et la paix ont
été annulés par la force. La vie, la liberté,
les moyens de subsistance, l’éducation,
l’alimentation, la santé et l’environnement
physique des citoyens sont menacés de la
part de forces extérieures dont la présence
leur inflige une violence institutionnelle,
structurelle et physique quotidienne.
Le Rapport évalue en détail les atteintes
à la sécurité humaine qui découlent d’un
non-respect des droits de l’homme, et
met l’accent sur les impacts de l’intervention américaine en Irak, la poursuite
de la mainmise israélienne sur le TPO,
y compris sa récente offensive contre la
bande de Gaza, et expose les circonstances
particulières de la population assiégée de
Somalie.
Les méfaits de l’intervention militaire
et de l’occupation ne s’arrêtent pas à la
violation du droit international et à l’abrogation des droits des peuples dans les pays
touchés. Elles déclenchent une résistance
et un cycle de violence et de contre-violence dans lesquels sombrent aussi bien les
occupés que l’occupant. L’occupation et
l’intervention militaire réduisent la sécurité humaine dans d’autres pays arabes et
dans les pays voisins de plusieurs manières.
Premièrement, elles déplacent les peuples
à travers les frontières, et créent ainsi des
problèmes humanitaires pour les États
touchés et sèment des tensions entre eux.
Deuxièmement, servant de prétexte à
des groupes extrémistes qui ont recours
à la violence, elles renforcent le recours
militaire de ceux qui perpétuent le cycle
de destruction dans la région et dont les
actes ont des répercussions sur les droits
des citoyens et leurs libertés. Enfin, sous
prétexte de menace contre la souveraineté,
l’occupation et l’intervention militaire
permettent aux gouvernements arabes,
au nom de la sécurité nationale, d’arrêter
ou de reporter le processus de démocratisation et de poursuivre l’oppression.
L’occupation et l’intervention militaire
sont donc responsables de la création de
conditions d’insécurité générale dans la
région.
Le rapport fait remarquer que la longue
période d’occupation et d’intervention
militaire dans la région révèle sa vulnérabilité aux politiques de parties étrangères.
Les perspectives de règlement des conflits
majeurs dans les pays touchés dépendent
très fortement de la volonté de parties non
arabes. Cela met l’accent sur la grande
responsabilité de l’ONU comme seul
garant impartial de la sécurité humaine et
nationale dans les pays occupés ; rôle que
les puissances qui l’ont marginalisée l’ont
empêchée de jouer de façon efficace.
Les sept piliers de la sécurité
humaine dans les pays arabes
L’analyse menée dans ce Rapport montre
que le concept de sécurité humaine fournit le cadre approprié pour le recentrage
du contrat social dans les pays arabes sur
les priorités principales, mais négligées,
qui affectent le plus le bien-être des
citoyens des pays arabes. Alors que l’état
de la sécurité humaine n’est pas uniforme
dans l’ensemble des pays arabes, aucun
pays ne peut prétendre être à l’abri de la
peur ou du besoin, et de nombreux pays
arabes sont touchés par les conséquences
de l’insécurité dans les pays voisins. Les
différents chapitres du Rapport abordent
les diverses orientations en matière de
politiques que l’État, la société civile,
les citoyens et les acteurs internationaux
peuvent adopter dans leurs domaines de
compétences respectifs, suggérant des
mesures spécifiques pouvant être prises
pour atténuer les menaces liées aux différentes dimensions de ce concept. Ainsi, le
rapport souligne l’importance de :
1. La préservation et la valorisation de la
terre, de l’eau, de l’air et de l’environnement pour permettre la préservation
de l’existence même des peuples arabes
à l’ombre des pressions environnementales, des pressions de population et des
pressions démographiques à l’échelle
nationale, régionale et mondiale ;
2. Les garanties des droits fondamentaux,
des libertés et des opportunités, sans
discrimination aucune que seul peut
assurer un État bien gouverné, responsable et réceptif, régi par des lois justes ;
et le règlement des conflits identitaires
enracinés dans la lutte pour le pouvoir
et la richesse, ce qui devient possible
quand un État gagne la confiance de
tous les citoyens ;
Le concept de
sécurité humaine
fournit le cadre
approprié pour
le recentrage du
contrat social dans
les pays arabes
sur les priorités
principales
3. La reconnaissance par l’État et la société
des abus et de l’injustice perpétrés tous
les jours contre les femmes, les enfants
et les réfugiés vulnérables dans toute la
région, et la détermination d’améliorer
leurs conditions légales, économiques,
sociales et personnelles ;
4. La volonté de s’attaquer aux racines de
la faiblesse économique structurelle
des pays arabes producteurs de pétrole,
de réduire la pauvreté de revenu et de
s’orienter vers des économies axées
sur la connaissance, équitables et
diversifiées, susceptibles de générer
des emplois et de protéger les moyens
de subsistance desquels dépendront
les générations futures dans l’ère de
l’après-pétrole ;
5. Mettre fin à la persistance de la faim et
de la malnutrition dans toutes les sousrégions, notamment les plus pauvres,
qui continuent d’éroder les capacités
humaines, de mettre fin à des millions
de vies et de retarder le développement
humain. L’aspect économique de la
sécurité alimentaire dans l’économie
mondiale pourrait appeler à un nouveau réalisme dans la définition de la
sécurité alimentaire qui serait définie
moins en termes absolus de souveraineté alimentaire et davantage en
Le Rapport en bref
17
termes d’accès suffisant aux produits
de base pour tous les membres de la
société.
L’occupation et
l’intervention
militaire ont porté
atteinte au fragile
progrès réalisé
en matière de
réforme politique
dans la région
6. La promotion de la santé pour tous
comme un droit humain est une condition préalable à la sécurité humaine et
constitue un rôle catalyseur fondamental. Le progrès significatif enregistré
par les pays arabes dans ce domaine
est atténué par les échecs politiques
et institutionnels qui produisent des
disparités en termes d’accès, de coûts
et de qualité, et par les menaces croissantes qui pèsent sur la santé telles que
les maladies graves comme la malaria,
la tuberculose et le VIH du sida.
7. Les longues violations des droits de
l’homme à l’encontre des peuples
arabes ainsi que la violation de la
souveraineté et des vies arabes par les
puissances régionales et mondiales à
travers l’occupation et l’intervention
militaire doivent être reconnues par
les politiques étrangères comme étant
vouées à l’échec et inacceptables pour
l’opinion publique internationale et
régionale. Ces violations ont occasionné des dommages considérables
en raison de l’usage disproportionné
de la force et du mépris total de la vie
des civils, comme l’a révélé la récente
offensive israélienne contre Gaza. Ces
violations ont provoqué des souffrances
humaines indescriptibles et du chaos ;
elles ont terni l’image des puissances
impliquées et porté atteinte au fragile
progrès réalisé en matière de réforme
politique dans la région en renforçant
les forces extrémistes et en écartant les
voix modérées de l’espace public.
Notes
1
2
3
4
18
PNUD 1994.
PNUD 2002.
PNUD/RADH calculs fondés sur la base de données AQUASTAT de la FAO.
PNUD 2007.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Chapitre
1
Application du concept
de sécurité humaine
dans les pays arabes
L’insécurité
humaine résulte de
menaces étendues,
récurrentes ou
intenses, qui
produisent des
effets consécutifs
complexes
Dans ce chapitre, nous définissons la sécurité humaine comme étant « la libération
des êtres humains des menaces intenses, extensives, persistantes, et compréhensives auxquelles leur vie et leur liberté sont vulnérables ». Cette définition repose
sur l’analyse largement reconnue du concept de « sécurité humaine », proposée
par le RDH de 1994 patronné par le PNUD, et prend en considération la situation
actuelle des pays arabes.
Le chapitre premier contextualise cette définition. Il met en évidence les facteurs qui ont présidé au choix du concept de sécurité humaine pour lancer une
nouvelle série de rapports arabes sur le développement humain. Ensuite il traite
de son développement et de son champ à un niveau global, de ses relations
avec d’autres concepts similaires, tels que le développement humain, les droits
de l’homme, les systèmes de mesure utilisés pour en exprimer les dimensions. Il
présente ensuite dans les grandes lignes les points de vue arabes sur la sécurité
humaine et qui émanent de la pensée arabe relative au sujet et de la réalité de la
région arabe. En opérant ainsi, ce chapitre fonde la méthodologie du rapport ainsi
que son approche de la mensuration dans le contexte arabe. Il s’achève sur les
résultats du sondage effectué dans quatre pays arabes et sur les points de vue
d’un groupe de jeunes arabes, reflétant leur compréhension et leur évaluation de
la sécurité humaine dans leurs pays respectifs.
Pourquoi la sécurité humaine ?
L’insécurité
humaine,
largement
répandue, sape
sans répit le
développement
humain
L’insécurité humaine résulte de menaces
étendues, récurrentes ou intenses, qui
propagent des effets touchant de grands
nombres. Dans les pays arabes, l’insécurité humaine, largement répandue, sape
sans répit le développement humain. Elle
découle de l’appauvrissement des ressources naturelles soumises à mainte pression, de la croissance démographique dont
les taux sont très élevés et du chan­gement
climatique rapide. Autant de facteurs qui
peuvent menacer les moyens de subsistance, le revenu, l’alimentation et l’abri
de millions d’êtres humains dans les pays
arabes. Cette insécurité est enracinée dans
les difficultés vécues par un cinquième de
la population dans certains pays arabes, et
plus que la moitié dans d’autres dont la vie
s’appauvrit et s’expose à la mort prématurée du fait de la faim et du besoin. Elle
retentit dans l’occupation militaire et dans
les conflits armés qui touchent le TPO, le
Soudan, la Somalie et l’Irak. Elle commence
à poindre même dans les pays qui jouissent
d’une stabilité relative et où les forces de
sécurité sont dotées de pouvoirs élargis
Ce concept
détourne
l’attention
des questions
relatives à la
sécurité de l’État
20
pour restreindre les droits des citoyens et
les transgresser. Cette situation est encore
plus grave lorsqu’on compare la vie des
citoyens arabes minée par le manque à
celle de leurs voisins dans leur propre pays
ou dans d’autres, dont les maux proviennent souvent de l’excès.
Rien d’excessif dans cette comparaison !
Car les habitants du Darfour, les Somaliens,
les Irakiens et les Palestiniens vivent la peur
au quotidien, hantés par le fantôme de la
violence arbitraire et de la destruction tous
azimuts. Cette peur envahit même des
sociétés plus chanceuses qui, sans avoir
subi ni conflits armés ni occupation, vivent
sous l’emprise étouffante des pouvoirs
autoritaires. Dans certains pays arabes, une
personne ordinaire entre avec beaucoup
d’appréhension dans un centre de police,
car elle sait qu’elle court le risque d’être
incarcérée pour la moindre suspicion de
délit ou d’agitation publique. En cas de dissension, des citoyens risquent d’être jetés en
prison pour avoir exercé leur droit civique
de critiquer ouvertement la répression de
l’État. Beaucoup trop d’Arabes vivent dans
une peur permanente des préjudices qu’ils
pourraient subir autant de la part de leurs
concitoyens que des forces étrangères,
en raison des conflits et des lois injustes.
Situation qui ôte tout espoir, inhibe l’esprit
d’initiative et évacue de l’espace public la
motivation pour un changement pacifique
et consensuel.
Ainsi, il apparaît qu’il n’y a pas de sujet
plus approprié que celui de la sécurité
humaine pour commencer cette série de
rapports qui vise à réexaminer l’état du
développement humain durant la première
décennie du nouveau millénaire.
Premièrement, ce concept détourne
l’attention des questions relatives à la sécurité de l’État – dont on a souvent exagéré
l’importance dans les discours politiques
et à laquelle on a donné la priorité parfois
au détriment de la sécurité des citoyens –
vers celles qui ont trait à la question de la
sécurité des personnes sans laquelle celle
de l’État aurait peu de valeur.
Cette perception conduit ainsi à considérer la sécurité humaine comme une
condition à la réalisation de la sécurité de
l’État. En effet, les citoyens libérés de la
peur et du besoin sont plus susceptibles de
reconnaître la légitimité politique, économique et sociale d’un État responsable qui
les protège. Ils seront également engagés
Rapport arabe sur le développement humain 2009
à œuvrer ensemble pour affronter tout
danger pouvant les menacer ; ils résisteront
mieux à la tentation de collaborer avec
des forces étrangères contre les intérêts de
l’État.
Deuxièmement, considérée de manière
correcte, la sécurité humaine peut contribuer à rééquilibrer la préoccupation par
le terrorisme et la soi-disant guerre contre
le terrorisme qui a dominé les politiques
internationales et régionales. Cette préoccupation, qui s’est répandue dans le
contexte de l’après 11 septembre 2001,
a de nouveau focalisé l’attention sur les
questions de la sécurité nationale, du
recours étatique à la force et des solutions
militaires. La manière dont cette soi-disant
guerre a été menée a conduit à des effets de
boomerang et contribué à mettre en étau la
sécurité et les droits des citoyens comme
individus. En Irak et dans d’autres pays,
elle a même conduit à la destruction, causé
la mort d’habitants arabes et étrangers et
violé les droits de l’homme à une échelle
telle qu’elle a donné lieu, selon ses nombreux critiques, à un monde plus divisé et
moins sûr que dans le passé.
Troisièmement, ce sujet permet de présenter un cadre pour analyser et affronter
les risques et dangers qui continuent, au
moment de la rédaction de ce Rapport, à
guetter la région. Ils ne se manifestent pas
seulement dans la menace directe de la vie,
comme dans le cas du TPO, du Soudan,
de la Somalie et de l’Irak, mais également
dans les menaces indirectes représentées
par la faim, la pauvreté et les pressions de
l’environnement. Ces dernières englobent
les conséquences dramatiques dues à la
concurrence régionale et internationale
autour du pétrole arabe, les pressions croissantes sur les ressources en eau en raison
de la démographie galopante, l’impact des
sécheresses fréquentes, la désertification
expansive et la détérioration des conditions
climatiques.
Le concept à un niveau global
Dans l’ordre du monde perturbé qui a
suivi la fin de la guerre froide, les défis
intérieurs et extérieurs à la paix des États
se sont multipliés. De l’extérieur, les défis
de la pollution, le terrorisme international,
les grands mouvements de la population,
le système financier mondial arrogant,
en plus d’autres menaces transnationales
telles que les pandémies et le trafic de
drogues et d’êtres humains ont mis en
difficulté les idées traditionnelles relatives
au concept de sécurité. De l’intérieur, il
y eut la propagation de la pauvreté, du
chômage, des guerres civiles, des conflits
confessionnels et ethniques, de la répression de l’État ; toute une réalité qui a mis
à nu le rôle faible et négatif joué par l’État
dans la sécurisation de la vie et des moyens
de subsistance de ses citoyens. Il n’est pas
étonnant alors que l’attention se soit réorientée de la protection de la sécurité de
l’État vers la protection de la vie de ses
habitants. C’est de cette réorientation
qu’est né le concept de sécurité humaine.
À la différence du développement
humain, il n’y a pas d’unanimité sur la définition de la sécurité humaine. Bien que le
terme ait été intégré au discours diplomatique et développemental durant les deux
dernières décennies, le champ qui le soustend varie d’un contexte à un autre. On
devait bien s’y attendre. De fait, les dangers
qui menacent les gens sont presque illimités. Selon la définition adoptée, une chose
peut être considérée ou pas comme une
menace à la sécurité humaine.
Les définitions de la sécurité humaine
variant selon le contexte, le point commun
qui les réunit toutes, c’est l’individu, non
l’État. L’orientation de ce changement de
paradigme se résume comme suit.
Voici, en gros, les différences entre la
sécurité de l’État et la sécurité humaine :
• L’origine de la menace de la sécurité
de l’État est militaire en général, alors
que les origines de celle de la sécurité
humaine sont variées ; elles incluent
l’environnement, l’économie et l’État
lui-même.
• Les acteurs qui menacent la sécurité de
l’État tendent à être localisés à l’extérieur du territoire de l’État concerné.
Ainsi, il s’agit en général d’autres États
ou d’organisations opposées installées
dans d’autres États.
• L’objet de la menace de la sécurité de
l’État est l’État lui-même, dans sa cohésion, son pouvoir et son territoire, alors
que l’objet de la sécurité humaine est la
vie des individus et leur liberté ou les
deux en même temps.
De manière générale, les études sur la
sécurité de l’État supposent que « la règle
fondamentale » de la vie humaine et des
Tableau 1-1
La sécurité de l’État face à la sécurité humaine
Genre de sécurité
Partie
concernée
Objet de
protection
Menaces possibles
Sécurité de l’État
L’État
Sécurité de
l’État et intégrité
territoriale
Guerres entre États et
ingérence étrangère
Prolifération nucléaire
Troubles civils
Sécurité humaine
L’individu
Sécurité et liberté
de l’individu
Pauvreté
Maladies
Appauvrissement de
l’environnement
Atteintes aux droits
de l’homme
Conflits, violence,
répression
Source : Équipe du rapport.
entités étatiques est basée sur la lutte et le
conflit. Les études sur la sécurité humaine
individuelle supposent, quant à elles, que
les gens sont enclins de manière naturelle à
la coopération mutuelle, vu les intérêts qui
les réunissent.
Les principales entrées en matière des
études sur la sécurité de l’État ont traditionnellement leur place dans les sciences
politiques, alors que celles qui portent sur
la sécurité humaine recourent à un système
de références puisées dans les sciences politiques, la sociologie, l’économie, la psychologie et l’environnement.
À défaut d’une définition de la sécurité
humaine, internationalement adoptée par
toutes les parties concernées, plusieurs
tentatives ont été faites pour délimiter
le champ de ce concept. En gros, deux
écoles d’interprétation sont apparues
qui en­globent la majorité des définitions
actuelles et correspondent à deux visions
de la sécurité humaine, dont l’une est
minimaliste et l’autre maximaliste. Aussi
peut-on comparer lesdites définitions d’un
bout à l’autre de ce spectre.
Focalisée sur l’individu, la limite minimaliste de ce spectre réduit la portée du
concept aux menaces violentes, celles
présentées par exemple par les mines antipersonnel, par la prolifération des armes
légères et les atteintes excessives aux droits
de l’homme. Les mouvements normatifs
qui ont donné naissance à la Convention
sur l’interdiction de l’emploi, du stockage,
de la production et du transfert des mines
antipersonnel et sur leur destruction, ainsi
qu’à la Cour Pénale Internationale et le
lancement de campagnes internationales
contre la prolifération des armes à feu,
Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes
Les origines de la
sécurité humaine
sont variées ;
elles incluent
l’environnement,
l’économie et
l’État lui-même
L’objet de la
sécurité humaine
est la vie des
individus et leur
liberté ou les deux
en même temps
21
La sécurité
humaine ne se
limite plus à la
question de la
survie. Il s’agit
désormais de
remettre les
personnes
exposées aux
menaces sur une
voie plus sûre
La sécurité
humaine peut
être considérée
comme « un pilier
fondamental » du
développement
humain
22
le commerce de la drogue et la violence
contre les femmes, sont autant d’exemples
d’actions politiques qui s’appuient sur l’approche minimaliste de la sécurité humaine.
Cette approche continue d’influencer les
initiatives internationales visant la consolidation de la paix et la prévention des
conflits ainsi que les interventions entreprises sous la rubrique encore problématique de la « responsabilité de protéger ».
L’approche maximaliste, elle, établit
une longue liste de menaces possibles
allant des menaces traditionnelles, telles
que la guerre, à celles qui touchent au
développement, telles que la santé, la pauvreté et l’environnement. Ce classement
adopté par le PNUD dans son Rapport
sur le Développement Humain, 1994, est
considéré comme un exemple pionnier de
ladite approche. Ce rapport avance sept
dimensions de la sécurité humaine :
• La sécurité économique menacée par la
pauvreté et le chômage ;
• La sécurité alimentaire menacée par la
faim et la famine ;
• La sécurité sanitaire menacée par les
blessures et la maladie ;
• La sécurité environnementale menacée par la pollution, la dégradation
environnementale et la déplétion des
ressources ;
• La sécurité personnelle menacée par le
crime et la violence ;
• La sécurité politique menacée par la
répression politique ;
• La sécurité communautaire menacée
par les conflits sociaux, ethniques et
confessionnels.
En comparaison avec la vision traditionnelle de la sécurité humaine, la classification
du PNUD se distingue remarquablement
par l’extension de son champ, l’intégration
de la liberté et de la vie humaines en tant
que valeurs centrales, la détermination des
causes et effets interférant dans les dimensions de la sécurité humaine ; et par sa focalisation sur l’individu. Il est extrêmement
important que l’approche du PNUD ait
reconnu dans la relation de l’individu avec
l’État une autre menace possible pour la
sécurité humaine. Le RDH de 1994 laisse
entrevoir l’engagement des Nations Unies
dans un ordre mondial « libéré de la peur,
libéré du besoin », tel que cet ordre a été
présenté dans le rapport du millénaire émis
par le Secrétaire général1 de l’ONU, et qui a
débouché, à son tour, sur la constitution de
Rapport arabe sur le développement humain 2009
la « Commission sur la sécurité humaine »
(CHS) en 2001.
La CHS a défini dans un premier
temps la sécurité humaine comme étant
la protection de « l’essentiel vital de tout
être humain » de manière à « libérer la
personne humaine » et « permettre son
épanouissement », en élaborant également
des critères-seuils dont la transgression est
considérée comme une menace à la sécurité humaine. La définition originale de la
Commission stipule que « l’essentiel vital
de tout être humain » se concrétise dans
ce qui lui assure la survie. Par la suite, la
Commission devait élargir cette définition au-delà de la question de la survie ;
elle dépasse désormais le simple ren­for­
cement des capacités des gens à affronter
les menaces pour englober la défense de
leurs droits humains fondamentaux, la
protection des moyens de subsistance, la
dignité humaine, ainsi que le renforcement
des capacités de prévention et de lutte
contre les régressions et les menaces. Aussi
la sécurité humaine ne se limite-t-elle plus,
selon cette définition, à la question de la
survie. Il s’agit désormais de remettre les
personnes exposées aux menaces sur une
voie plus sûre dans l’objectif de leur faire
atteindre une vie meilleure, sur des fondements ancrés dans les domaines politiques,
économiques, sociaux et culturels2.
La relation avec d’autres concepts
Selon cette conception plus globale, la
sécurité humaine peut être considérée
comme « un pilier fondamental » du
développement humain. Ce dernier, se
préoccupe d’élargir les compétences
des individus ainsi que les opportunités
qui s’offrent à eux, alors que la sécurité
humaine s’intéresse au renforcement des
capacités des peuples à contenir les risques
qui menacent leur vie, leurs moyens de
subsistance et leur dignité, ou à éviter ces
risques. Le développement humain, de par
sa nature, ne s’arrête pas à des frontières
précises. Il peut être étendu à plusieurs
niveaux d’aspirations relatives à des situations différentes et avec des capacités
différentes. Il n’en demeure pas moins vrai
que dans les situations à grand risque, il
convient que la totalité des gens puissent
jouir d’un niveau minimum de sécurité
pour protéger leur vie et leurs moyens
de subsistance, et pouvoir ainsi aller de
l’avant. Quant à la sécurité humaine,
elle repose de manière prioritaire sur les
droits, les capacités et les actions préventives nécessaires en cas de graves dangers
menaçant la vie. Ainsi, les deux concepts
permettent d’appréhender la condition
humaine à partir de deux pôles d’un continuum. C’est ce qu’Amartya Sen a résumé
par les termes « expansion avec équité »,
(le développement humain), « régression
avec sécurité » (la sécurité de l’homme)3. Il
est évident que les concepts se complètent,
se rencontrent et s’interpénètrent sur une
ligne qui s’étend du désespoir humain aux
aspirations humaines, comme l’illustre la
figure simplifiée 1-1.
D’une part, la sécurité humaine est une
nécessité fondamentale pour la réalisation
du développement humain, attendu que
l’ensemble des choix offerts aux gens ne
peut être élargi que si la survie et la liberté
leur sont garanties. D’autre part, l’élévation
du niveau d’éducation des gens, l’amélioration de leur situation sanitaire, l’augmentation de leurs revenus et la garantie de
leurs libertés seront à même de consolider
leur développement humain, qui débouchera, à son tour, sur une sécurité humaine
plus grande. Ainsi la sécurité humaine et
le développement humain se renforcent
mutuellement. Certains penseurs ont
étendu le concept de sécurité humaine à
tous les aspects liés aux droits de l’homme.
Cependant la sécurité humaine ne peut
se superposer au concept des droits de
l’homme. Il est plus juste de la considérer
plutôt comme une résultante d’un ensemble
de conditions, dont le respect de tous les
droits de l’homme – qu’il s’agisse des droits
civiques, politiques, économiques, sociaux,
culturels, individuels ou collectifs. Lorsque
ces droits sont respectés, un autre degré de
sécurité humaine est atteint. Mais il se peut
que cela ne soit pas suffisant. Car le respect
de ces droits ne protège pas les gens, par
exemple, des changements climatiques ou
des catastrophes naturelles dont les effets
peuvent priver d’abri et de travail des millions de personnes. En effet, les pertes de
vie peuvent se compter par milliers dans
de telles catastrophes, comme dans le cas
des tsunamis qui ont envahi certains pays
du sud de l’Asie en 2004. En plus, certains de ces droits, celui par exemple de
la constitution d’associations, ne s’avèrent
pas nécessaires pour la réalisation de la
Figure 1-1
Intersection entre sécurité humaine et développement humain –
Seuil et interférences
Aspirations
Opportunités
Développement humain
Centre vital
Droits
fondamentaux
Vie et moyens
de subsistance
Renforcement
Sécurité
humaine
Capacités et droits
Menaces
Désespoir
sécurité humaine, telle qu’elle est définie
dans ce Rapport. D’où le fait que le respect
de nombreux droits humains fondamentaux, particulièrement les droits civiques
et certains droits économiques et sociaux,
tels que le droit au travail, à l’alimentation
et à la protection sociale, est une condition
nécessaire mais non suffisante à l’établissement de la sécurité humaine.
La sécurité
humaine et le
développement
humain se
renforcent
mutuellement
Vers des points de vue arabes
sur la sécurité humaine
De quelle manière les écrits arabes, aussi
rares qu’ils puissent être, traitent-ils de
sécurité humaine ? Comment doit-on
définir ce concept dans le contexte arabe ?
Quelles sont, dans la région, les grandes
menaces auxquelles se référer ? Les dimensions présentées dans le RDH mondial de
1994 recouvrent-elles celles qui sont les
plus éclairantes et les plus significatives
pour les pays arabes ?
Écrits arabes sur le sujet
Seules quelques rares études arabes ont été
consacrées directement au traitement du
concept de sécurité humaine. Cependant,
les avertissements contre plusieurs menaces
humaines, y compris non militaires, reviennent souvent dans le patrimoine écrit et la
culture populaire de quelques pays arabes.
Ces références traditionnelles abordent tout
au plus certaines dimensions induites par ce
concept moderne, sans pour autant l’égaler
en exhaustivité et en multidimensionnalité.
Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes
Seules quelques
rares études
arabes ont été
consacrées
directement
au traitement
du concept de
sécurité humaine
23
Le terme « sécurité
humaine » s’est
frayé un chemin
dans les travaux
des auteurs arabes
Encadré 1-1
Elles ne sont pas inscrites non plus dans
le contexte de la culture dominante. Par
ailleurs, on constate que le terme « sécurité humaine » s’est frayé un chemin dans
les travaux des auteurs arabes de langues
étrangères et ceux qui écrivent dans leur
arabe natal.
Des écrits en arabe sur le concept de
sécurité humaine sont apparus dans le
contexte des recherches entreprises dans
les universités étrangères, ou dans le cadre
de discours et de publications adressés à
l’opinion occidentale, ou encore utilisés
dans des sommets arabes ayant abordé ce
sujet. Les thèmes les plus importants traités par des auteurs arabes se rapportent à
la relation entre la sécurité humaine et la
sécurité de l’État, au champ de la sécurité
humaine et à ses domaines ainsi qu’aux
liens entre ces questions.
La plupart des écrivains arabes
modernes pensent qu’il existe une relation
solidaire entre la sécurité humaine de l’individu et la sécurité nationale, d’une part,
Mohamed El-Baradei* – Sécurité humaine et recherche de la paix
La perception actuelle de la sécurité est caractérisée par un
paradoxe. Selon la formulation intelligente d’un chroniqueur
du Financial Times, « Le monde a rarement été en même
temps plus sûr et plus insécurisant ».
Selon un rapport récent sur la sécurité humaine, on
constate depuis le début des années 1990 un déclin aigu
des guerres civiles et d’autres formes de conflits armés, une
diminution du nombre des réfugiés et une régression des
atteintes aux droits de l’homme. Les statistiques montrent
que le monde est devenu plus pacifié.
Cependant, le sentiment collectif d’insécurité s’est en
même temps accru plus qu’il ne l’a jamais été dans le passé.
Car les forces qui œuvrent à la déstabilisation de la sécurité
sont encore persévérantes et largement répandues. Ces
forces qui sont à l’origine de l’insécurité relèvent de quatre
catégories : la première, c’est la pauvreté qui touche, avec
tous les aspects d’insécurité qui lui sont liés, des milliards
de personnes qui sont dans l’incapacité de subvenir à leurs
besoins en alimentation, en eau potable, en protection sociale
appropriée et en ressources énergétiques nouvelles. C’est la
plus cruelle des manifestations d’insécurité, et qui s’applique
à la réalité vécue par 40 pour cent des gens à la limite de la
survie, c’est-à-dire avec moins de deux dollars par jour.
La deuxième catégorie est liée à l’absence de la bonne
gouvernance – non sans rapport avec la pauvreté – allant de
la corruption aux régimes sévèrement répressifs, et marquée
par les atteintes scandaleuses aux droits de l’homme. La
démocratie a remporté récemment de grandes victoires,
particulièrement dans les pays d’Europe de l’Est et l’Amérique
latine. Cependant, beaucoup de tyrans tiennent encore les
rênes du pouvoir au Moyen-Orient et dans d’autres régions.
Le troisième facteur d’insécurité consiste dans le sentiment d’injustice qui résulte du déséquilibre entre « ceux
qui possèdent » et « ceux qui ne possèdent pas » – dans
le contraste tranchant entre le Nord et le Sud en matière de
richesse et de pouvoir. Ce sentiment d’injustice s’agrandit
lorsqu’on prend conscience que la sacralité de la vie n’est pas
mesurée sur un pied d’égalité et que la société compatit à la
perte de vie dans le monde développé beaucoup plus qu’elle
ne le fait à celle en grand nombre dans certains endroits, par
exemple au Darfour et en Irak…
La quatrième catégorie consiste dans la polarisation artificielle fondée sur le fait religieux et ethnique. Ce phénomène,
apparu depuis plusieurs siècles, continue d’émerger de temps
à autre ces dernières années et pousse certains à s’inquiéter
du « choc des civilisations » entre musulmans et Occidentaux.
De mon point de vue, c’est une faute flagrante de considérer
que ces tensions résultent d’un affrontement entre les valeurs
religieuses. Il est facile pour ceux qui souffrent de grandes
inégalités – et qui sont nombreux dans le monde musulman
– de se persuader que leur souffrance est due aux préjudices
religieux et ethniques, au lieu de revenir aux causes véritables
bien enracinées dans l’histoire, les guerres entre peuples et le
combat pour le contrôle du pouvoir et des ressources. Cette
croyance peut les amener à se réfugier dans des conceptions
déformées de la religion et de l’identité ethnique afin qu’il leur
soit possible de déverser toute leur colère sur une partie bien
déterminée ou de compenser les injustices qu’ils ressentent.
Cette figure de l’insécurité humaine serait incomplète
si l’on n’y intégrait pas les effets de la mondialisation. La
société moderne est en effet constituée d’éléments qui
s’inter­pé­nètrent. Elle est fondée sur l’interdépendance. Et
cette interdépendance est une arme à double tranchant ; elle
offre des opportunités pour affronter ces problèmes avec plus
d’efficacité, mais peut, d’un autre côté, les aggraver.
Il appert de ce qui précède que ces conceptions traditionnelles de la sécurité humaine ne sont plus ni valables ni
appropriées, conceptions qui trouvent leur origine dans la
protection des frontières nationales et les concepts anciens
de souveraineté. C’est que les facteurs d’insécurité que j’ai
cités ne connaissent pas de frontières. Alors, si un nouveau
groupe extrémiste apparaît au Moyen-Orient, je serai pris
d’inquiétude, et si une guerre civile éclate dans un pays africain, je serai pris d’angoisse. Cela n’est pas dû seulement au
fait que nous sommes tous des membres de la même famille
humaine, mais également au fait qu’il est probable que chacun de ces événements va nous affecter tôt ou tard.
Autrement dit, l’époque moderne exige que nous pensions en termes de sécurité humaine – concept centré sur les
gens, sans frontières et qui confirme les liens étroits entre le
développement économique et social, le respect des droits de
l’homme et la paix.
* Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique.
Source : El-Baradei 2006.
24
Rapport arabe sur le développement humain 2009
et entre la sécurité humaine et la menace
militaire extérieure, d’autre part. D’autres
pensent que l’État autoritaire constitue la
menace la plus importante pour la sécurité
humaine dans la région (Abdul Monem
Al-Mashat, en arabe, document de base
pour le rapport). Les uns et les autres ne
croient pas qu’il y ait opposition entre
sécurité humaine et sécurité de l’État.
Toutefois, ils soutiennent que la réalisation
de la sécurité humaine individuelle aura un
impact sur la transformation de l’État autoritaire en État respectueux du droit. Cette
transformation nécessite, entre autres, la
réforme des appareils actuels de sécurité et,
Encadré 1-2
peut-être même, la création de nouvelles
institutions de sécurité4.
Par ailleurs, les points de vue des penseurs arabes divergent sur la portée du
concept de sécurité humaine. Certains
pensent­ que l’individu constitue et le
centre de la sécurité humaine et sa finalité. C’est le cas d’El-Baradei qui dit :
« L’époque moderne exige de nous que
nous réfléchissions en termes de sécurité
de l’individu ; car c’est un concept centré
sur les gens et ne souffre pas de bornes.
C’en est un qui confirme les liens inhérents
entre le développement humain et social,
le respect des droits de l’homme et la
paix »5. D’autres affirment également que
Les points de vue
des penseurs
arabes divergent
sur la portée
du concept de
sécurité humaine
Aziz Al Azmeh* – Les Arabes et la sécurité humaine
Le fait de restreindre le concept de sécurité humaine au lieu de
l’élargir n’est pas sans rapport avec deux notions intimement
liées, ayant influencé les concepts en usage dans les sciences
et les théories politiques modernes, et dont l’une est positive
et l’autre négative. Elles illustrent deux visions solidaires
qui marquent encore de leurs empreintes les conceptions
des sciences sociales manifestées actuellement dans les
programmes des ONG locales et internationales. Ces conceptions tendent à déplacer le centre d’intérêt de l’État et l’entité
nationale vers les entités ethniques, religieuses et locales.
Elles font prévaloir l’individu sur le groupe, que celui-ci soit
national ou infranational. Lorsque je dis que ces notions sont
intimement liées, je veux dire par là qu’elles sont le résultat
du discours démocratique pluraliste, lui-même intimement
lié à l’application des libertés de marché au domaine de la
liberté politique.
Sans aucun doute, ces conceptions sont le fruit de la
mondialisation actuelle. Aussi, le déplacement d’attention
loin de l’État et de la communauté nationale est-il justifié
par l’impasse de la réforme structurelle des régimes arabes.
Toutefois, à suivre cette tendance jusque dans sa logique
ultime, sans aucune considération de l’intérêt national voire
panarabiste, nous nous verrons engagés dans un gouffre
imprévu. Nous aurons capitulé ainsi, de manière irréfléchie,
devant une phraséologie séduisante et attirante, au lieu de
réfléchir aux possibilités qui correspondent à la réalité changeante du monde arabe.
Cela dit, il devient possible de parler de « sécurité
humaine dans le monde arabe » si l’on prend en compte deux
principes, l’un négatif, l’autre positif. Le premier appelle à
la prudence de ne pas omettre la qualité d’objectivité et de
subjectivité qui caractérisent la communauté nationale mise
sous le pouvoir de chaque État arabe dont on attend qu’il
construise les fondements de la citoyenneté, et non celles du
provincialisme et du confessionnalisme, ni celles du clanisme
et du tribalisme. Car la sécurité humaine et la sécurité de
l’entité nationale sont inséparables objectivement et politiquement de toute perspective de développement humain.
Quant au principe positif, il englobe tous les constituants
de la sécurité humaine en un concept exhaustif qui indique
des orientations dépassant le sens abstrait et lâche assigné
traditionnellement à la sécurité. Il opère une mise en cohésion
précise de tous ces constituants.
Certes, un tel cadre global est nécessaire pour traiter la
question de la sécurité des citoyens arabes dont la survie est
menacée par toutes sortes de dangers (en raison du dysfonctionnement et de la dislocation des structures économiques
suite à l’atrophie qui a touché le développement économique
et social global, appliqué dans les années 1960, 1970 et
1980). Leur sécurité individuelle est menacée également
(du fait de la tyrannie des appareils du pouvoir, de la terreur
de groupes islamistes qui veulent imposer à la société leur
vertu et leur foi, du fait de la violence physique et symbolique qui sévit en famille et en société). Les citoyens arabes
sont menacés dans leur sécurité nationale et panarabe (en
raison des conflits identitaires, des guerres, de l’occupation
étrangère et des impasses des réformes politiques). Leur
sécurité culturelle et éducative se réduit également (ce qui
exige de nous réapproprier le développement culturel au lieu
d’adopter les points de vue qui dominent dans nos sociétés,
lesquelles se prennent pour des communautés fondées sur le
civisme, le conservatisme social et la pureté civilisationnelle).
Leur sécurité sociale s’est effondrée (en raison de l’érosion
des systèmes de protection sociale, de l’insuffisance accrue
des systèmes législatif et juridique). Leur sécurité environnementale est également vacillante du fait de la pression
économique mondiale.
Si nous voulons combiner ces éléments, dégager leurs
points communs et en faire un concept général, susceptible
d’orienter la notion de sécurité humaine et de lui donner
plus de cohésion, nous devrons l’enrichir en le mettant dans
le cadre des mouvements sociaux arabes, en prise avec la
réalité, non avec l’abstraction et le flottement spéculatif, sans
perdre de vue que l’objectif principal visé à travers la sécurité
humaine c’est le développement humain et national.
* Professeur (de nationalité syrienne), Études historiques arabes et islamiques, Université d’Europe centrale, Budapest, Hongrie.
Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes
25
La distinction
entre la sécurité
de l’État et la
sécurité humaine
des individus
ne signifie pas
qu’elles s’opposent
forcément l’une
à l’autre
la sécurité humaine est la sécurité individuelle, et en tant que telle, elle est centrée
sur l’individu, sur ses droits, son bien-être,
ses libertés et sa dignité6. Par ailleurs, on
considère que la sécurité de l’État et la
sécurité humaine sont complémentaires.
C’est-à-dire que la première doit être considérée comme un des moyens de réaliser la
seconde7. De ce point de vue, le concept de
sécurité humaine devient intimement lié
aux droits de l’homme en général, et plus
spécialement, aux droits de la femme qui,
à ce propos, s’appuient sur des conventions
et des traités internationaux.
Les écrivains arabes divergent sur les
domaines de la vie couverts pas le concept
de sécurité humaine. Certains en é­lar­
gissent l’étendue et refusent de le réduire
aux dimensions militaires. D’autres, au
contraire, ont restreint le concept. Parmi
les représentants du premier courant,
Korany et al-Mashat. Korany, par exemple,
pense que la sécurité humaine est liée au
fait de se libérer de la peur et au respect
de la dignité humaine8. Al-Mashat, lui,
pense que le concept de sécurité humaine
au sens le plus large est tributaire de la
prospérité matérielle, de l’équilibre et de
l’harmonie dans la société. Ainsi il divise
les pays en trois catégories, à savoir : 1) les
pays sûrs où domine la société civile, 2)
les pays non sûrs qui sont gouvernés pas
les militaires, 3) les pays qui se trouvent
dans une situation intermédiaire. D’autres
auteurs arabes li­mitent le concept à une
seule dimension, par exemple, le fait d’être
libéré du besoin, ou à une seule catégorie
sociale (les pauvres) à un seul genre (les
femmes), à une seule catégorie d’âge (les
enfants). Cependant, dans tous ces cas, ils
insistent sur l’interdépendance et la complémentarité entre les différents domaines
couverts par la sécurité humaine, à savoir,
les domaines économiques, politiques,
nationaux et internationaux (Abdul
Monem Al-Mashat, en arabe, document de
base pour le rapport).
La sécurité humaine telle qu’elle
est définie dans ce rapport
En se basant sur l’approche maximaliste
proposée par le PNUD et sur les réflexions
des penseurs arabes, ce rapport définit la
sécurité humaine comme étant « la libéra­
tion des êtres humains des menaces intenses,
26
Rapport arabe sur le développement humain 2009
extensives, persistantes, et compréhensives
auxquelles leur vie et leur liberté sont vul­
nérables ». La liberté dans cette définition
est une valeur centrale de l’individu, tant
que, dans le contexte arabe, elle est menacée de l’intérieur et de l’extérieur, par des
forces locales et étrangères. Cette définition implique également une gamme bien
définie de préoccupations humaines. Elle
englobe l’emploi, le revenu adéquat pour
subvenir aux besoins fondamentaux, l’alimentation, la protection sociale, la pacification des relations entre groupes d’identités
différentes, l’accomplissement par l’État
de son devoir essentiel consistant à protéger ses citoyens des agressions intérieures
et extérieures et la sécurité de l’individu
contre les menaces personnelles.
Le degré de gravité des menaces est
déterminé selon quatre facteurs : 1) l’intensité, 2) la portée, 3) la durabilité, 4) la
compréhension ou l’étendue de son champ
d’application. L’intensité d’une menace se
manifeste dans sa capacité à porter atteinte
à la survie des gens et à les priver du seuil
minimum de liberté qui correspond aux
libertés humaines fondamentales. Quant à
la portée d’une menace, elle est déterminée
par rapport au nombre de vies humaines
qu’elle touche. De la même manière, la gra­
vité d’une menace s’accroît lorsque celle-ci
s’étend sur une longue durée. Enfin, plus le
champ de la menace s’étend à l’ensemble
des activités humaines, plus sa gravité
augmente. La faim et la pauvreté, par
exemple, affectent la santé des individus,
leur compor­tement par rapport à l’environnement, leur participation à la politique et
leur rentabilité individuelle.
En insistant sur la sécurité des citoyens
arabes comme individus, le Rapport ne
néglige pas les menaces qui pèsent sur la
région arabe dans son ensemble ou, individuellement, sur les pays qui s’y trouvent.
La distinction entre la sécurité de l’État
et la sécurité humaine des individus ne
signifie pas qu’elles s’opposent forcément
l’une à l’autre, ni que la réalisation de l’une
exclut celle de l’autre. La vérité, c’est que la
sécurité de l’État est nécessaire à la sécurité
de l’individu. Lorsqu’un État est victime
de l’occupation étrangère et qu’il perd son
indépendance et sa souveraineté, il y a un
impact négatif sur la sécurité humaine de
l’individu. L’occupation militaire ne peut
absolument advenir de manière pacifique. Les dispositions prises par les forces
d’occupation pour garantir la sécurité
de leurs soldats impliquent, dans la plupart des cas, la restriction des libertés des
citoyens dans le pays occupé. Souvent, ces
dispositions transgressent avec une légèreté
scandaleuse les normes reconnues des procès équitables.
En même temps, la sécurité de l’État
peut être réalisée au détriment de la sécurité des individus, qu’ils soient citoyens
ou ressortissants. C’est le cas lorsque les
autorités de l’État concerné cherchent à
atteindre « la sécurité absolue », en érigeant
des dispositions exceptionnelles en « loi et
ordre » et en restreignant les libertés des
personnes soupçonnées de constituer une
menace à l’État. Ces restrictions peuvent à
la longue constituer une menace à la sécurité de l’État lorsque les efforts des citoyens
se conjuguent à ceux des forces étrangères
animées par des visées territoriales pour
renverser les pouvoirs en place. En agissant
de la sorte, ils facilitent l’occupation étrangère et la dislocation interne de leur pays.
Est-il besoin de rappeler que la sécurité
de l’individu ne peut être assurée que dans
le cadre d’un État fort et soumis au contrôle
et à la bonne gouvernance ? La protection
des gens du chômage, de la pauvreté, de la
faim, de la détérioration de la santé ne peut
être couronnée de succès que dans un État
capable de gérer son économie, ses institutions et ses infrastructures de manière à
garantir aux citoyens un travail digne, un
revenu adéquat et un niveau d’alimentation et de santé convenable. Une « bonne
gouvernance » se doit également d’assurer
la paix et la fraternité entre les différentes
catégories ethniques et culturelles du pays.
C’est ainsi que l’État sera capable d’assumer sa responsabilité dans l’établissement
de la sécurité et le renforcement du régime,
de préserver son autonomie politique et la
sécurité de ses territoires. Sans doute, le succès de tout État dans l’accomplissement de
ses missions de manière contrôlable constitue-t-­il le fondement de sa légitimité et du
soutien durable de ses citoyens. Autrement
dit, un tel État sera plus à même de protéger la sécurité et le bien-être individuels de
ses citoyens.
Profils des menaces probables
Toute tentative de détermination des
menaces de la sécurité humaine aux pays
arabes doit refléter la situation de la région
en tant que très diversifiée et ayant été
l’objet, tout au long de son histoire, de
conflits entre les grands pays du monde.
En fait, c’est une région qui n’a pas adhéré
à la mouvance mondiale en matière de
pratiques de bonne gouvernance, de
démocratie et de cohésion sociale. Ainsi,
en exposant les dimensions de la sécurité
humaine, reconnues mondialement, telles
qu’elles ont été définies par le RDH de
1994 émis par le PNUD, ce rapport aborde
des menaces précises à la sécurité humaine
dans les pays arabes. Parmi ces menaces, il
y a l’occupation étrangère, l’ingérence des
pays régionaux et étrangers, la violence qui
résulte de l’exacerbation d’identités ancrées
dans l’histoire et des pratiques répressives
des États qui sapent les fondements de la
sécurité humaine.
Attendu que ce rapport concerne un
cadre régional, la présente étude va aborder
les menaces affrontées par les pays arabes
de la manière suivante :
Dans une première étape, le rap­
port jette la lumière sur les domaines de
menaces imminentes dans lesquels les pays
arabes peuvent, pour l’essentiel, prendre
des initiatives eux-mêmes. Ces domaines
comprennent les menaces qui touchent
les gens suite aux préjudices subis par les
ressources naturelles, celles qui naissent
essentiellement avec l’apparition d’un
État, ou sapent ses fondements, y compris les conflits claniques pour le pouvoir
et le contrôle des ressources et celles qui
touchent disproportionnellement les catégories faibles. Les menaces imminentes
comprennent également les dangers causés
par la vulnérabilité économique, du chômage, du manque de protection sociale
et d’autres circonstances économiques ; et
par des niveaux adéquats d’alimentation
et de santé. De telles menaces relèvent
principalement du champ d’action des
pays arabes eux-mêmes, bien que certaines
aient des intersections mondiales et des
répercussions importantes sur la société
internationale. Voilà donc les menaces et
les questions sur lesquels la majorité des
chapitres vont se focaliser. Cependant,
le dernier chapitre abordera l’origine du
danger principal qui menace la sécurité
humaine, à savoir, l’occupation étrangère
des territoires arabes. Il est évident que la
responsabilité du changement incombe
de façon directe aux pouvoirs concernés.
Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes
La sécurité de
l’individu ne peut
être assurée que
dans le cadre
d’un État fort et
soumis au contrôle
et à la bonne
gouvernance
Le rapport jette
la lumière sur
les domaines
de menaces
imminentes
dans lesquels
les pays arabes
peuvent, pour
l’essentiel, prendre
des initiatives
eux-mêmes
27
Et tout débat arabe sur ce sujet doit être
adressé aux parties qui détiennent encore
l’initiative de la décision. Ainsi, le rapport
sera clos avec le traitement de ce sujet
important.
Les sujets traités dans le rapport sont
disposés de la manière suivante :
• Les pressions sur les ressources
envi­ron­nementales ;
• La performance de l’État et la sécurité
humaine ;
Encadré 1-3
• L’insécurité des groupes vulnérables ;
• La vulnérabilité économique, la pauvreté et le chômage ;
• La sécurité alimentaire et la nutrition ;
• La santé et la sécurité humaine ;
• La sécurité humaine, l’occupation et
les interventions militaires étrangères.
Le Rapport avance, en début de son
analyse des pressions exercées sur les ressources naturelles, que la gestion de l’en­
vi­ron­nement dans la région est devenue
Sondage sur la sécurité humaine – Résultats généraux
Afin de sonder les différentes dimensions de la sécurité
humaine, telle qu’elle est perçue par les citoyens arabes, il
a été demandé aux sondés de préciser quelles sont, parmi
les 21 menaces potentielles à la sécurité humaine, celles qui
le sont effectivement, compte tenu de leurs contextes. Les
réponses étaient très contrastées dans les quatre sondages.
Au Koweït, ce sont les pollutions de l’environnement qui ont
été considérées comme les menaces les plus dangereuses.
Alors que les Libanais ont considéré que l’agression sur
l’individu et la propriété privée est la plus dangereuse ; vient
ensuite la faim. Quant à la majorité des Palestiniens, ils
pensent que l’occupation étrangère constitue la menace la
plus grande à leur sécurité. Les Marocains, eux, considèrent
que la pauvreté et le chômage représentent la cause principale
de l’insécurité. Par ailleurs, les Palestiniens et les Libanais
s’accordent sur le danger de certaines menaces, par exemple,
l’impuissance relative des gouvernements à protéger la vie
des citoyens, l’insuffisance de l’eau, la lenteur des procédures
juridiques, la difficulté d’exercer leurs droits fondamentaux.
Ils ont insisté également sur les relations tendues entre clans
rivaux, la corruption, la désintégration familiale, l’occupation
étrangère ; sans, cependant, classer ces menaces dans le
même ordre d’importance.
Principales menaces perçues à la sécurité humaine (%)
Pays
Menaces
Liban
Koweït
Maroc
TPO
Polluants de l’environnement
77,8
91,2
74,9
..
Pénuries d’eau
80,5
73,5
76,9
82,3
Détérioration des terres agricoles
.. .. ..
78,4
Occupation et influence étrangère
85,1
.. ..
96,2
87
.. ..
86,9
Arbitraire du gouvernement
80,1
.. .. .. Manque de protection sociale
73,4
..
.. 71
Services de santé déficients
80,9
..
72,3
73,4
Incapacité gouvernementale à protéger les citoyens
Mauvaise qualité des services éducatifs
..
..
.. .. 86,3
..
..
89,4
Lenteur des procédures légales et difficulté d’obtenir des droits
73,2
..
.. 73,7
Faiblesse de la solidarité entre les membres de la société
70,2
..
..
..
Relations tendues entre les différents groupes
80,8
..
..
83,7
Extrémisme religieux
79,9
..
.. ..
Désintégration de la famille
74,7
..
.. 75,2
Manque d’accès aux services de base
81,1
..
..
75,4
Maladies transmissibles et épidémies
86,2
.. 70
75,6
La propagation de la corruption
Chômage
86,5
.. 81,2
91
Pauvreté
86,4
.. 86
90,6
Faim
88,7
.. 75,9
85,4
Agressions sur les personnes et la propriété privée
89,1
.. ..
80,4
.. = Non disponible
28
Rapport arabe sur le développement humain 2009
désormais un défi important. Durant les
années précédentes, des pays, tels que
le Soudan et la Somalie, ont souffert de
périodes de grande sécheresse mortelle. Le
changement climatique pourrait menacer
la survie, l’emploi et les possibilités de revenus pour des millions d’Arabes, d’autant
que les taux de croissance démographique
sont parmi les plus élevés dans le monde. La
détérioration de l’environnement durant les
dernières décennies a affecté, par exemple,
les conditions de santé de millions de personnes en Égypte. Il faut ajouter à cela que
cette question est liée à l’importance géostratégique de la région – plus précisément
à sa richesse pétrolière – qui a exposé certains pays arabes à l’influence et l’ingérence
extérieures. Une autre ressource précieuse,
l’eau, se trouve de plus en plus à l’origine
de conflits violents qui pourraient porter de
graves préjudices à de nombreux peuples
et communautés. Pour toutes ces raisons,
la réduction des ressources humaines dans
la région est devenue l’une des causes
d’insécurité ; situation qui incite à revoir
de manière fondamentale les politiques
actuelles.
En effet, les caractéristiques de la localisation des ressources dans la région et
les modes de développement qu’elles ont
induits jettent leur ombre sur les situations
économiques dans le monde arabe. La différence flagrante entre pays arabes riches et
pays arabes pauvres reflète la distribution
inégale des richesses naturelles. Les situations économiques affectent la sécurité
humaine eu égard à la disponibilité des
opportunités de travail, à la facilité ou la
difficulté d’accéder aux ressources alimentaires et aux services sanitaires. Cela affecte
de la même manière les relations entre les
différentes catégories sociales, par exemple,
entre celle des agriculteurs et celle des pasteurs au Darfour.
Mesure des niveaux
de sécurité humaine
Peut-on mesurer la sécurité humaine ?
Plusieurs tentatives de réponse ont été proposées. Après avoir pointé la complexi­té de
la question, les concernés9 par cette problématique avancent qu’il y a deux approches
principales. La première est appelée
« approche objective » parce qu’elle s’efforce d’élaborer des indicateurs quantitatifs
Encadré 1-4
Sondage sur la sécurité humaine – Est-on
satisfait de la situation individuelle actuellement ?
%
60
50
40
30
20
10
0
Koweït
Liban
Non satisfait
Maroc
TPO
Plutôt satisfait
Très satisfait
Les réponses des personnes interrogées dans les quatre pays arabes et
qui seront fréquemment évoquées à travers ce rapport se répartissent en
trois types : 1) la majorité écrasante des Koweïtiens a exprimé sa satisfaction totale de sa situation par rapport à ces menaces ; 2) la majorité
des Marocains sondés étaient partiellement satisfaits ; 3) Quant aux
personnes sondées dans le Territoire palestinien occupé et au Liban, elles
ne sont pas satisfaites de leurs situations par rapport à ces menaces.
Ce diagramme reflète clairement le degré de sécurité humaine dans les
quatre pays au moment du sondage, c’est-à-dire pendant l’hiver et le
printemps de l’année 2008.
Encadré 1-5
Sondage sur la sécurité humaine – Jusqu’à quel point
les citoyens se sentent-ils en sécurité ?
%
60
50
40
30
20
10
0
Koweït
Liban
Maroc
TPO
Pas sûr du tout
Sûr
Assez sûr
Très sûr
Les circonstances actuelles permettent-elles aux citoyens de se sentir en
sécurité ? Ce diagramme présente des réponses à cette question pour les
quatre pays. Les résultats du sondage montrent que le Koweït se trouve
à l’extrême limite du spectre, le Territoire palestinien occupé et le Liban
à l’extrémité opposée, alors que les Marocains occupent une place intermédiaire. Plus de 50 % de Koweïtiens interrogés disent qu’ils se sentent
bien en sécurité, le 1/4 moyennement sécurisé. À l’opposé, près de 50 %
des personnes sondées dans le Territoire palestinien occupé et le Liban
disent qu’ils ne se sentent pas en sécurité. La majorité des Marocains
a une opinion mitigée ; à noter que le 1/5 d’entre eux disent qu’ils ne se
sentent absolument pas en sécurité. Ceux qui se sentent totalement en
sécurité constituent une minorité qui ne dépasse guère le ¼ des sondés
au Maroc et 5 % en Territoire palestinien occupé et au Liban.
Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes
29
Il n’y a pas d’étude
effectuée au niveau
international sur
la perception que
les gens se font
de la mesure de la
sécurité humaine,
autrement dit,
à partir d’une
approche
subjective de la
sécurité humaine
30
aux différentes dimensions de la sécurité
humaine dans un certain nombre de pays
et à différentes périodes. L’exemple le
plus illustratif de cette méthodologie est
celui des mesures mises au point par le
Comité du Centre de sécurité humaine,
(Uppsala, Suède), publiées en 2005 sous
le titre « Audit de la sécurité humaine ».
Cette publication fait partie, d’un rapport
plus large émis par le Centre du développement humain de l’Université British
Columbia, Canada, sous le titre « Guerre
et paix au xxie siècle », dont la deuxième
partie aborde la question de mesurer la
sécurité humaine10. L’approche objective
a été illustrée par une étude publiée dans
la revue Politique étrangère par la Fondation
Carnegie pour la paix internationale qui
définit et classe ce qu’elle appelle « les pays
en échec »11. Bien que cette étude ne s’intéresse pas directement au sujet des mesures
de la sécurité humaine, on y trouve beaucoup d’indicateurs pertinents à ce sujet.
Jusqu’à présent, il n’y a pas d’étude
effectuée au niveau international sur
la perception que les gens se font de la
mesure de la sécurité humaine, autrement
dit, à partir d’une approche subjective
de la sécurité humaine. Cependant, bon
nombre de questions utilisées dans la plu­
part des études reconnues sur les valeurs
et les orientations dans le monde sont in­ti­
mement liées à la sécurité humaine. Ces
études englobent Pew Global Attitudes
Project12 et World Value Survey par l’Université de Michigan13.
Au-delà des différences d’approches,
toutes les tentatives internationales de
mesure montrent que les niveaux de sécurité humaine dans les pays arabes se sont
détériorés ces dernières années, fût-ce à des
degrés variés. Toutefois, il faut noter que
soit la plupart de ces études n’étaient pas
directement liées à la sécurité humaine,
soit elles ne couvraient pas tous les pays
arabes, soit elles contenaient des jugements
de valeur dont la validité est discutable, soit
elles sont dépassées, car effectuées avant
les derniers événements majeurs intervenus dans les pays arabes. Ainsi, il serait
nécessaire de mettre au point une nouvelle
approche pour évaluer la sécurité humaine
dans la région à l’époque présente.
Est-il possible d’arriver à un indicateur général et combiné de la sécurité
humaine ? Alors que l’indice du développement humain, basé sur des variables
Rapport arabe sur le développement humain 2009
fondamentales, générales et quantitatives
qui peuvent­ être vérifiées, constitue un
indicateur compo­sé puissant et viable, l’indice de la sécurité humaine, satisfaisant et
u­ni­ver­sel­lement accepté, est encore hors
d’atteinte. Les études statistiques faites
dans ce domaine montrent combien ce sera
complexe et difficile d’y arriver.
Premièrement, il n’y a pas de définition de la sécurité humaine unanimement
acceptée. Les approches minimalistes se
focalisent sur deux dimensions, celle de
la survie et les autres formes de préjudice
graves (comme la mort, la violence excessive et les handicaps qui menacent la vie,
etc.). Les approches maximalistes proposent une liste importante d’indicateurs du
développement et des droits de l’homme.
Deuxièmement, la sécurité humaine est,
d’une part, liée aux dimensions matérielles
et morales, et d’autre part, déterminée par
ses contextes. Il est mieux illustré aussi bien
par les indicateurs qualitatifs qui dénotent
la perception des dangers que par les indicateurs quantitatifs des menaces objectives.
Combiner ces deux types en un seul indice
est très problématique et relève d’une
démarche qui peut être taxée de subjective.
Troisièmement, la valeur de tout indicateur réside dans sa capacité d’orienter
les concepteurs des politiques publiques
et les organisations de la société civile vers
les domaines prioritaires. Quant au type
d’indicateurs généraux qui assignent à
chaque pays une moyenne arithmétique, il
n’est d’aucune utilité dans la révélation des
domaines qui nécessitent l’intervention,
car cette moyenne arithmétique passera à
la trappe les circonstances et les conditions
qui nécessitent une telle intervention.
Enfin, l’indicateur combiné pose dans
ce domaine des problèmes réels de compa­
rai­son et de pondération. Il est difficile,
par exemple, de combiner les menaces
qui résultent de la détérioration de l’environnement et celles qui sont le fait des
guerres civiles. S’il était décidé de peser les
menaces de la sécurité humaine de manière
différente, il serait presque impossible de
convenir des valeurs précises pour chacune
d’elles ; ce qui déboucherait sur des résultats arbitraires.
C’est pour de telles raisons que l’équipe
du rapport a mis fin à sa tentative d’élaborer un seul indicateur composite pour
la sécurité humaine dans le monde arabe.
Elle a opté plutôt pour une évaluation
des différentes dimensions de la sécurité
humaine telles qu’elles sont appliquées
dans chaque pays arabe en vue de dégager
les différences importantes entre les pays
arabes.
Encadré 1-6
Sondage sur la sécurité humaine – Qu’est-ce qui donne
le plus aux citoyens un sentiment d’insécurité ?
%
30
25
Sondage
sur la sécurité humaine
20
15
En vue de compléter les évaluations qualitatives, le rapport a effectué un sondage sur
les points de vue personnels des citoyens
arabes concernant la sécurité humaine par
le biais d’un questionnaire conçu et distribué par plusieurs institutions de sondage
d’opinions dans quatre pays arabes présentant différents contextes politiques et
culturels par rapport à ce sujet.
Ces pays sont : 1) le TPO toujours
étranglé par la violence de l’occupation
israélienne, 2) le Koweït, avec sa culture
remarquable, et dont les citoyens jouissent
d’un des niveaux les plus élevés de bienêtre dans le monde arabe, 3) le Liban, caractérisé tout à la fois par l’ouverture politique
et par les divisions claniques aiguës qui ont
abouti dans plusieurs cas à des guerres
civiles, 4) le Maroc, dont on estime qu’il a
pris plusieurs longueurs d’avance par comparaison avec les autres pays arabes sur le
plan de l’émancipation politique.
Le questionnaire a été soumis dans
chacun des quatre pays à un panel de mille
personnes, non seulement représentatives
de toutes les catégories d’âge et de tous les
niveaux économiques et éducatifs, mais qui
reflètent également certains aspects subsidiaires, tels que le genre, l’ethnie et l’emplacement géographique. Les questions
tournaient autour de la perception que les
personnes interrogées avaient de la sécurité
humaine, l’origine des menaces pesant sur
cette sécurité, la gravité et l’importance de
ces menaces, et de leurs avis sur les efforts
déployés par les États en vue d’affronter
ces défis et ce qu’il convient selon eux d’accomplir à ce propos.
Le questionnaire aborde huit aspects de
la sécurité humaine14 : le concept, la sécurité de l’environnement, les dimensions
de la sécurité politique et internationale,
la sécurité dans la société (relations entre
groupes), la sécurité économique, la sécurité alimentaire, la sécurité de la santé, la
sécurité personnelle.
10
5
0
Koweït
Liban
Maroc
Détérioration de la moralité
Pollution environnementale
Guerres
Accidents de la route
Chômage
Pauvreté
TPO
Occupation
Santé
Politique
Sécurité
Économie/Inflation
Pour mesurer le degré de sécurité chez les citoyens, il a été demandé aux
personnes interrogées de préciser quelles étaient les menaces les plus
importantes à leurs yeux. Les situations économiques des quatre pays ont
été considérées comme des menaces à la sécurité. Dans le Territoire palestinien occupé, l’occupation a été considérée comme étant le défi le plus
dangereux, viennent ensuite respectivement la dégradation des situations
économiques, celle des situations politiques et le manque de sécurité
personnelle. Au Liban, l’appréhension due à la situation économique
occupe la première place, suit l’insécurité humaine, enfin la dégradation
de la situation politique. Au Maroc, les menaces sont moins reliées à la
situation politique. Ce sont plutôt les conditions de santé qui occupent
la première place ; ensuite la pauvreté et le chômage, enfin les accidents
de la route. Les Koweïtiens interrogés ont mis la guerre et les menaces
extérieures en tête de liste, suivies par la pollution de l’environnement et
la régression morale.
À noter que la malnutrition n’a pas été citée directement comme l’une
des menaces ressenties par les citoyens dans les quatre pays, bien qu’elle
puisse être induite lorsqu’il est fait référence à la pauvreté et au chômage
qui affaiblissent la capacité d’acquisition de la nourriture.
La perception de la jeunesse arabe
sur la sécurité humaine – forums
des jeunes
L’équipe du Rapport a organisé trois forums
de discussion15 pour les jeunes arabes âgés
de 18 à 25 ans, tous ayant une expérience
d’acteurs dans le domaine de la société
civile. Ces jeunes ont pu contribuer de
manière importante aux discussions qui
seront évoquées dans les chapitres suivants.
Un des résultats les plus importants de
cette enquête, c’est l’opportunité donnée
aux jeunes d’exposer la manière dont ils
conçoivent le concept de sécurité humaine,
Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes
Le rapport a
effectué un
sondage sur les
points de vue
personnels des
citoyens arabes
concernant la
sécurité humaine
31
Le concept de
sécurité humaine
revêt dans cette
conjoncture
une importance
particulière pour
les pays arabes
32
déterminer les priorités en termes de
menaces à la sécurité humaine dans la région
arabe. La plupart des participants, qu’ils
soient du Mashreq ou du Maghreb, pensent
que le concept de sécurité humaine est
un concept global qui implique plusieurs
dimensions, y compris celles se rapportant
à la politique, l’économie, l’environnement,
la nature, et dont la teneur diffère d’un
contexte à un autre. Les contributions se
sont révélées d’un haut niveau de prise de
conscience de la complexi­té du concept de
l’interdépendance des différents aspects
y afférents. Ainsi les participants ont-ils
pu mettre le doigt sur les relations entre
les différents niveaux et dimensions de la
sécurité humaine.
De la même manière, les jeunes ont
compris la nécessité de distinguer entre
les dimensions subjectives et objectives du
concept. Selon eux, ce concept implique
une double notion qui englobe une relation
équilibrée entre les dimensions morales et
les dimensions matérielles. Les points de
divergence entre les participants étaient
centrés sur la question de savoir si le
concept couvrait l’individu, l’État ou l’environnement extérieur. Une partie d’entre
eux considère que la sécurité humaine
est un concept personnel lié au droit des
individus à exercer leurs droits civiques et
à être en situation d’acquérir le logement et
l’alimentation et ce, dans un climat imprégné de démocratie.
Faisant part des nouvelles tendances
chez les jeunes, d’autres participants
considèrent que la sécurité humaine dans
les pays arabes doit signifier la capacité de
choisir et de s’approprier les opportunités
pour agir dans la société sans être soumis aux pressions sociales ou politiques.
D’autres pensent que la sécurité humaine
est liée à l’État, eu égard au rôle de celui-ci
dans la protection et le respect des droits
de l’individu en assurant l’éducation, l’emploi et la garantie de sécurité au bénéfice
des participants aux actions politiques.
D’autres pensent que cette sécurité participe d’un modèle universel qui ne concerne
pas uniquement les pays arabes mais tous
les gens où qu’ils soient. Ce modèle se
distingue principalement par son souci de
garantir la liberté humaine dans un cadre
de responsabilité.
Par ailleurs, certains participants ont
jugé que l’aspect subjectif de la sécurité humaine est plus important que ses
Rapport arabe sur le développement humain 2009
dimensions objectives. D’autres pensent
le contraire. Un autre groupe de jeunes
pense qu’il n’est pas possible de séparer les
dimensions morales des dimensions matérielles, en évoquant, à titre d’exemple, d’un
côté, la relation entre la dignité humaine,
la prise de conscience par l’individu de ses
droits et la jouissance de la liberté, et d’un
autre côté, les systèmes légaux fiables et les
situations économiques stables. Ce même
groupe avance également que la sécurité
psychologique de l’individu influence sa
sécurité sur le plan social, culturel et intellectuel et qu’elle est influencée à son tour
par la satisfaction ou la non-satisfaction de
ses besoins fondamentaux. La sécurité a
été liée aussi à d’autres valeurs, comme la
liberté, la dignité, la paix et aux effets que
celles-ci ne manquent d’avoir sur l’éducation, la santé et l’économie. Un consensus
général s’est dégagé sur l’idée que tous les
gens doivent être capables de vivre dans
un environnement libéré des menaces, qui
leur procure dignité, liberté et niveau de
vie convenable.
La plupart des participants ont eu
des difficultés à hiérarchiser les menaces
à la sécurité humaine. Par ailleurs, ils ont
exprimé, lors des trois forums, l’idée que
la vie entière abonde en possibilités de
menaces dans les pays arabes et que tous les
aspects de la sécurité humaine sont reliés et
interdépendants.
Conclusion
Comme le confirme ce chapitre, le concept
de sécurité humaine revêt dans cette
conjoncture une importance particulière
pour les pays arabes. Cependant, aussi
important qu’il soit, il n’est pas exempt
d’ambiguïtés, en raison notamment de
considérations liées à la question de la sécurité de l’État et qui peuvent conduire à des
interprétations douteuses. Le concept peut
être utilisé – en fait, il l’a déjà été – comme
prétexte à l’ingérence étrangère, y compris l’ingérence militaire dans les affaires
d’autres pays souverains, comme dans le cas
de l’Irak, et d’une certaine façon, dans celui
de la Somalie. La soi-disant guerre contre
le terrorisme a procuré parfois de fausses
justifications à de telles ingérences. Après
avoir réexaminé les Rapports nationaux
sur le développement humain et le cadre
de la sécurité humaine, deux chercheurs
de renommée internationale ont discuté
la manière dont les principes de la sécurité
humaine peuvent être détournés en faveur
d’intérêts personnels. Ces deux chercheurs
avancent en conclusion de leur réexamen :
« Dans l’environnement sécuritaire qui
suivit les événements du 11 septembre, ce
concept a été complètement chamboulé…
car, si en effet le but de la sécurité humaine
était de renforcer les capacités des gens et
des communautés, cela n’est plus vrai pour
certaines initiatives prises après cette date
au nom du même concept16. »
Un concept ne doit pas être jugé selon
les abus qui en sont faits, mais selon la
contribution positive qu’il favorise au service de l’intérêt général et particulier. La
sécurité humaine procure un cadre solide
qui permet d’agir contre les menaces auxquelles fait face le développement humain,
en promouvant le fait de se libérer de la
peur et du besoin17. On ne peut que partager l’opinion de Jolly et Ray selon laquelle
« Lorsque la sécurité humaine est très ignorée dans d’autres pays, cette approche doit
être jugée comme pâtissant d’un grave dysfonctionnement et bien éloignée du fondement du concept. La sécurité de l’homme,
au vrai sens du terme, n’est pas une équation arithmétique dont un des termes peut
équivaloir à zéro, autrement dit, le fait d’assurer la sécurité à une partie ne peut se faire
au détriment de l’autre partie »18.
À la lumière de la perception de la
sécurité humaine discutée dans ce chapitre,
ce Rapport ne vise pas le simple inventaire
des différentes menaces qui peuvent rendre
les Arabes vulnérables. L’objectif est plutôt
de sonder les racines de ces menaces et de
proposer des stratégies d’affrontement. En
plus, cette analyse prétend à la neutralité et
l’objectivité en s’adressant à la fois à tous
les gouvernements arabes, sans intention
d’éreinter les uns ou de favoriser les autres,
et à l’opinion arabe éclairée. Étant donné
l’importance cruciale de ce sujet pour le
bien des peuples arabes, il faut bien espérer
que cette analyse sera prise en considération, discutée et appliquée autant par
les concepteurs des politiques que par la
société civile.
Les chapitres suivants abordent les
défis qu’affronte la sécurité humaine dans
les pays arabes dans leurs contextes historiques, en reconnaissant qu’ils sont le résultat de conditions bien déterminées actuellement à l’œuvre dans la région. Toutefois,
rien ne laisse croire que ces conditions sont
permanentes et fatales. Bien au contraire,
elles peuvent sans aucun doute être changées si les forces arabes agissantes sont
déterminées à élaborer leurs conceptions,
exercer leurs prérogatives et leur pouvoir
dans le cadre des circonstances qui leur
sont propres et des situations dominantes
sur le plan régional et international. Ce
rapport puise son inspiration également
dans l’expérience d’autres peuples à travers le monde, particulièrement dans celle
des pays en développement qui ont eu à
affronter des conditions similaires à celles
qui constituent une gageure pour les
pays arabes dans la première décennie du
xxie siècle.
Application du concept de sécurité humaine dans les pays arabes
Le fait d’assurer
la sécurité à une
partie ne peut se
faire au détriment
de l’autre
Le rapport
s’adresse à la
fois à tous les
gouvernements
arabes et à
l’opinion arabe
éclairée
33
Notes
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
34
Annan 2000.
CHS 2003 (en arabe).
CHS 2003 (en arabe).
Korany 2005a, 2005b.
El-Baradei 2006.
Abdel Samad 2004.
Abdel Samad et Zeidan 2007.
Korany 2005a, 2005b.
Bajpi 2000.
Bajpi 2000.
Foreign Policy Magazine 2008.
The Pew Global Project Attitudes 2007.
Ingleart et al. 2008.
Voir annexe III.
Le premier forum, tenu au Caire les 15-16 décembre 2007, a réuni 30 jeunes hommes et femmes
originaires de Djibouti, d’Égypte, du Soudan et de la Somalie. Le deuxième, tenu à Amman
les 11-12 janvier 2008 a réuni 31 jeunes hommes et femmes originaires de Bahreïn, d’Irak,
de Jordanie, du Liban, du TPO, de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Yémen. Le
troisième forum organisé au Caire les 8-9 février 2008, a réuni un nombre de jeunes hommes et
femmes originaires d’Algérie, de Libye, de Mauritanie, du Maroc et de Tunisie. Les participants
ont été choisis par le Bureau du PNUD à Beyrouth. L’équipe du rapport a veillé à équilibrer la
représentation en termes de genre, de nationalité, de capitales principales, de villes régionales et
de milieu professionnel. Les tranches d’âge se situaient entre 20 et 25 ans. Les discussions avaient
pour objet également les 5 axes sur lesquels portaient les sondages effectués dans les quatre pays
cités.
Jolly et Basu Ray 2006.
Dans ce cadre, le rapport évoque le discours du président américain Franklin Delano Rooswelt
en 1941, lorsqu’il a parlé de quatre libertés : la liberté d’expression, la liberté du culte religieux,
la libération des gens du besoin et leur libération de la peur. Ces formulations ont inspiré les
concepteurs du traité des Nations Unies et de la déclaration universelle des droits de l’homme.
En effet, les deux libertés citées en dernier sont à la base de l’approche de la sécurité humaine.
Jolly et Basu Ray 2006.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Chapitre
2
Environnement, pressions
sur les ressources et
sécurité humaine dans
les pays arabes
La relation entre
les pressions sur
les ressources,
la durabilité de
l’environnement
et la sécurité
humaine est une
question de prime
importance
Ce chapitre s’efforce de montrer que la relation entre les pressions sur les ressources, la durabilité de l’environnement et la sécurité humaine dans les pays
arabes est une question de prime importance. C’est que le pétrole, ressource
longtemps associée à la région arabe, a généré pour certains pays une richesse et
une puissance sans limites. Cependant, il a conduit à l’affaiblissement de plusieurs
autres pays en rendant des sociétés entières vulnérables à la géopolitique. Malgré
cette richesse, la région aura à affronter de plus en plus de défis extraordinaires
qui menaceront la survie des populations, en termes d’emploi, d’alimentation, de
revenu et de services sanitaires. Les relations entre groupes, populations et États,
arabes ou non arabes, seront difficiles à cause des conflits potentiels dus à la
concurrence pour les ressources naturelles qui vont en s’appauvrissant. Ces défis
ont été générés par les pressions démographiques, la surexploitation de la terre,
la pénurie de l’eau, la désertification, la pollution, les changements climatiques et
la diminution de la biodiversité. Ces défis peuvent paraître moins dangereux que
ceux abordés dans d’autres chapitres. Leurs effets s’avèrent, néanmoins, souvent
irrévocables, plus pernicieux et plus répandus. Aussi constituent-ils un point de
départ tout à fait approprié à l’analyse de ce rapport.
Heur et malheur
L’environnement
naturel des pays
arabes est à la fois
béni et damné
L’environnement naturel des pays arabes
est à la fois béni et damné. Il est béni parce
que la position stratégique de la région et
ses richesses naturelles lui ont permis de
jouer un rôle pionnier dans les civilisations
du passé. C’est de là que les trois religions
monothéistes se sont répandues partout,
donnant à leurs peuples la possibilité d’entrer en communication et en interaction
profondes avec les autres civilisations.
En plus, cet environnement dispose de
l’une des plus grandes réserves de pétrole
au monde. Son exploitation a facilité un
transfert extraordinaire de richesses dans
certaines sociétés arabes, notamment dans
les pays du Golfe, affectant ainsi les aspects
matériels, sociaux et culturels de la vie.
Cependant, cet environnement offre
toujours des possibilités de promotion du
développement humain arabe à condition
que les Arabes le gèrent avec prudence, c’est
que, largement aride, cet environnement
souffre d’un déficit grave en ressources
hydriques ; il est exposé par ailleurs aux
pressions démographiques, à la surexploitation et à l’urbanisation rapide, autant de
facteurs qui participent à sa détérioration.
Les défis les plus importants
Les menaces
environnementales
incluent la
pénurie d’eau, la
désertification,
la pollution et
les changements
climatiques
Encadré 2-1
L’exposé suivant aborde les menaces
environnementales les plus importantes
dans les pays arabes. Les pressions de la
population et de la démographie y sont
considérées comme une question intersectorielle, présente dans toutes ces menaces :
la pénurie d’eau, la désertification, la pollution et les changements climatiques. La
caractéristique principale partagée par ces
menaces consiste dans la relation dynamique et inter­ac­tive qui les relie les unes
aux autres. La pénurie d’eau, par exemple,
contribue­ à la désertification, pendant que
le chan­gement climatique conduit aux
inondations dans certaines régions, à la
pénurie d’eau, la sécheresse et la désertification dans d’autres. De même, la pollution
de l’air est l’une des causes sous-jacentes du
chan­gement climatique.
Pressions de la population
et tendances démographiques
Durant presque toute la seconde moitié du
xxie siècle, les pays arabes ont eu l’un des
taux les plus élevés de croissance démographique dans le monde1. Entre 1975
et 1980, le taux de fertilité total (TFT) était
de 6,5 dans la région, ce qui signifie que le
nombre d’enfants que mettrait au monde
une femme arabe qui vivrait jusqu’à la fin
de ses années de procréation était de 6 à
7. Ce taux a baissé à 3,6 durant la période
2000-2005 et reste plus élevé que le taux
de remplacement de la population qui est
de 2,1. Le taux de fertilité élevé a contribué à l’augmentation du taux de croissance
démographique, bien qu’il ait baissé de
2,3 % par an durant la période 1970-1975 à
2,1 % par an durant la période 2000-2005.
Par ailleurs, une augmentation annuelle de
Mostafa Kamal Tolba* – Les principaux défis de l’environnement dans les pays arabes
Nous voici, à l’entrée du xxie siècle, face à la plupart des défis
environnementaux de haute priorité auxquels nous étions
confrontés dans la seconde moitié du xxe siècle, seulement
avec des différences d’intensité et de priorité. Ces questions
incluent la pénurie de l’eau et la détérioration de sa qualité,
les limitations du sol, la désertification, l’effet environnemental de la production et la consommation croissantes de
l’énergie, la pollution des régions littorales, le déboisement,
la consommation non rationnelle des richesses naturelles, la
détérioration de l’environnement urbain et la propagation de
la pollution due aux dangereux déchets solides et liquides.
Un nouveau problème a émergé, à savoir le manque de
rigueur dans l’utilisation des outils économiques modernes
tels que l’économie et la comptabilité basées sur l’environnement et la richesse naturelle. À cela nous devons ajouter
les effets négatifs aigus des problèmes mondiaux de l’environnement dont, en premier lieu, le changement climatique et
le réchauffement planétaire.
La pénurie d’eau, aggravée par l’infiltration de la pollution,
est l’un des défis majeurs, dans les pays arabes. Des efforts
intensifiés sont alors requis, à défaut de moyens d’optimisation dans l’utilisation de l’eau, en surface et sous terre et
des eaux pluviales, par l’augmentation du retour économique
produit par unité d’eau utilisée, par la déconcentration des
responsabilités dans l’application des politiques de gestion
de l’eau. Car cette responsabilité est largement partagée
par plusieurs institutions et ministères divers. Il faut veiller
également à la création d’une instance indépendante et
responsable de la gestion des ressources en eau. Seule cette
institution est capable de réaliser l’équilibre entre l’offre et
la demande sur une base économique et sociale. Aussi est-il
nécessaire d’œuvrer sérieusement à la mise au point d’une
technologie de dessalement de l’eau dans le monde arabe,
particulièrement dans la production locale des membranes
d’osmose inverse et des méthodes d’utilisation de l’énergie
solaire dans le processus de dessalement de l’eau.
Reste un autre défi pour nous : le manque de ressources
en terres, 54,8 % des terres de la région étant désertiques.
Les domaines pastoraux représentent 26,8 %, les terres
cultivables ne font que 14,5 %, les forêts à peu près 3,9 %.
Les terres cultivées représentent 29 % des terres cultivables
et environ 4,2 % de la superficie globale de la région arabe.
Les forêts, dont plus de 80 % se trouve au Soudan, en Algérie
et au Maroc, couvrent approximativement 3,9 % de la totalité
des terres arabes. Ces forêts sont exposées à des pressions
croissantes et perdent 1,59 % de leur superficie chaque année.
Les activités économiques sont en augmentation constante
dans les régions littorales. C’est pourquoi les régions côtières
qui abritent 40 à 50 % de la population sont menacées par
la pollution au pétrole et aux éléments lourds. En termes de
changement climatique, la part de la région dans l’émission
des gaz à effet de serre est encore négligeable, malgré l’augmentation de la moyenne d’émission per capita, notamment
dans les villes à grande densité humaine. Cependant, les pays
arabes auront à souffrir de nombreux résultats négatifs dus
au changement climatique. Par ailleurs, il est impossible de
faire face à toutes les questions environnementales sans le
recours à la recherche scientifique et au développement technique de pointe. Un État ne peut à lui seul entreprendre ces
réalisations. C’est pourquoi il faut commencer sérieusement à
mettre en place des réseaux de centres de recherche spécialisés dans chaque domaine en vue de se partager les tâches
et les expertises pour arriver enfin à des solutions alternatives
parmi lesquelles les décideurs de chaque État pourront faire
leurs choix.
* Ex-Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).
36
Rapport arabe sur le développement humain 2009
la croissance démographique de 2 % est
prévue pour la région entre 2005 et 2010,
et une augmentation de 1,9 % durant la
période 2010-2015. Ces taux sont presque
le double de la moyenne mondiale pour les
mêmes périodes, à savoir, respectivement,
1,2 et 1,12. Les estimations des Nations
Unies prévoient, compte tenu de la densité démographique actuelle, que les pays
arabes auront une population d’environ
Figure 2-1a
385 millions en 2015 (contre environ
331 millions en 2007 et 172 millions en
1980)3. Dans une région caractérisée par la
rareté croissante de l’eau et des terres cultivables, la croissance démographique exercera de fortes pressions sur les capacités
productives des terres arables et menacera
davantage la viabilité environnementale.
Avec plus de bouches à nourrir, la
balance commerciale et les options de
Les estimations
des Nations Unies
prévoient que les
pays arabes auront
une population
d’environ
385 millions
en 2015
Les moyennes annuelles du taux de croissance démographique ont
baissé dans la plupart des pays arabes depuis les années 1980
La croissance
démographique
exercera de fortes
pressions sur
les capacités
productives des
terres arabes
10
8
6
4
2
Maroc
Tunisie
Liban
Algérie
Oman
Égypte
Djibouti
Libye
Soudan
Bahreïn
Comores
Somalie
Irak
Arabie
saoudite
Mauritanie
Yémen
Jordanie
TPO
Syrie
EAU
Koweït
-2
Qatar
0
1980-1985 Taux de croissance démographique (%)
2000-2005 Taux de croissance démographique (%)
Source : DAESNU 2008.
Figure 2-1b
Cependant, la croissance démographique est en augmentation constante
milliers
80 000
70 000
60 000
50 000
40 000
30 000
20 000
10 000
1980 Population (en milliers)
Comores
Bahreïn
Qatar
Djibouti
Oman
Koweït
Mauritanie
TPO
EAU
Liban
Libye
Jordanie
Somalie
Tunisie
Syrie
Yémen
Irak
Arabie
saoudite
Maroc
Algérie
Soudan
Égypte
0
2005 Population (en milliers)
Source : DAESNU 2008.
Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes
37
Environ 60 % de la
population arabe
est au-dessous de
vingt-cinq ans
croissance économique des pays arabes
importateurs de produits alimentaires,
à cause de la raréfaction de l’eau et du
développement de l’urbanisation, seront
affectées de manière constante. L’extension
des villes arabes pose des défis particuliers
puisque la mutation urbaine galopante
dans la région alourdit davantage l’in­fra­
struc­ture déjà dans un état critique. Cette
mutation crée également des conditions de
vie frappées par la promiscuité et l’insécurité. En 1970, 38 % de la population arabe
Figure 2-2
vivait dans les centres urbains ; en 2005,
cette population urbaine représentait déjà
55 %, elle dépassera probablement les
60 % en 20204.
L’aspect le plus évident et le plus
défiant de la démographie dans cette région
se manifeste dans « l’augmentation du taux
de la catégorie des jeunes », catégorie dont
la croissance est la plus rapide, puisqu’environ 60 % de la population est au-dessous
de 25 ans. Ce qui en fait une des régions
les plus jeunes avec une moyenne d’âge
Moyennes annuelles de la croissance urbaine (%) selon les pays,
2000-2005*
6
5
4
3
2
1
Taux annuel moyen de croissance de la population urbaine (%)
Oman
Pays arabes
Liban
Tunisie
Maroc
Égypte
Irak
Bahreïn
Libye
Comores
Algérie
Djibouti
Arabie
saoudite
Jordanie
Syrie
Mauritanie
TPO
Koweït
Somalie
EAU
Soudan
Qatar
Yémen
0
* PNUD/RADH calculs
pour un chiffre global.
Source : DAESNU 2006-2007.
Figure 2-3
Projection de la population arabe de 15-24 ans en 2050*
milliers
18 000
16 000
14 000
12 000
10 000
8 000
6 000
4 000
2 000
Année 2000
Année 2010
Source : DAESNU 2008.
38
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Année 2050
Yémen
EAU
Tunisie
Syrie
Soudan
Somalie
Qatar
Arabie
saoudite
Oman
OPT
Maroc
Mauritanie
Libye
Liban
Koweït
Jordanie
Irak
Égypte
Djibouti
Comores
Bahreïn
Algérie
0
* Estimation de la variante moyenne.
de 22 ans contre 28 ans comme moyenne
mondiale5. Les jeunes consomment des ressources et nécessitent des investissements
très importants avant qu’ils ne deviennent
des producteurs économiques. Ils sont
les représentants des générations à venir
détentrices d’un droit à un environnement
qui n’ait pas été épuisé, ni endommagé ni
mal géré par leurs prédécesseurs.
Pénurie d’eau
Les pays arabes souffrent de la pénurie des
ressources en eau car la plupart d’entre
eux se trouvent dans des régions arides et
semi-arides. L’acuité de ce déficit s’aggrave
du fait de l’augmentation constante de
l’épuisement des ressources en raison de la
croissance démographique et économique.
Les fleuves constituent dans les pays arabes
la première ressource d’eau de surface, suivis par les sources, les lits de rivières et les
cours d’eau saisonniers.
Le volume global des ressources en eau
disponibles dans les pays arabes est estimé
à 300 milliards de mètres cubes par an6. Le
volume global de l’eau de surface est d’environ 227 milliards de mètres cubes par
an7, dont 43 % proviennent des pays arabes,
le reste de l’extérieur. Les ressources en eau
partagées avec d’autres pays voisins hors de
la région constituent 57 % de la totalité des
eaux de surface disponibles dans la région
arabe.
Les fleuves internationaux sont partagés par plusieurs pays se trouvant à l’intérieur et à l’extérieur de la région. Parmi
ces fleuves, le Tigre et l’Euphrate partagés
entre la Turquie, l’Irak et la Syrie, l’Oronte,
partagé entres la Turquie, la Syrie et le
Liban, le Jourdain (y compris al-Yarmouk),
partagé entre la Jordanie, le TPO, Israël
et la Syrie ; quant au fleuve du Nil, il est
partagé entre neuf pays dont deux arabes
seulement. Plusieurs années d’efforts ont
conduit à la signature d’accords officiels
(l’Initiative du Bassin du Nil, par exemple)
pour la gestion commune­ des ressources
hydriques partagées tout au long du Nil.
Cependant, la plupart de ces accords
sont partiels, inefficaces et inéquitables
quant à l’ensemble des droits riverains.
Aux niveaux régional et interrégional, la
coopération à l’utilisation et la gestion des
eaux est affectée par les tensions politiques
et les conflits permanents. Par ailleurs, les
Encadré 2-2
Partage de la source de vie
Les régions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord n’ont pas été frappées
uniquement par le manque d’eau, mais également par d’anciennes
tensions politiques. Au moment où la nécessité appelle à la coopération
et à la collaboration entre les pays de la région dans d’autres domaines
que ceux de l’eau et l’environnement, l’eau apparaît comme l’outil du
renforcement des relations pacifiées entre les parties concernées. Il est
essentiel de faire baisser la demande d’eau par le biais de la gestion de
la croissance démographique, l’application des mesures de préservation
de l’environnement, la promotion de la prise de conscience, l’adoption
de techniques de préservation de l’eau et des techniques de fixation des
prix, particulièrement dans le domaine agricole. Le secteur privé, les ONG,
les agences internationales et les instances nationales peuvent jouer un
rôle principal aussi bien dans la gestion que dans l’investissement. En
fait, la contribution à la recherche de solutions dans ce domaine relève de
la responsabilité des différents acteurs de la société, hommes d’affaires,
gouvernements, universitaires, chercheurs et individus.
Source : Karyabwite 2000.
tensions relatives au partage des ressources
sont apparues avec l’augmentation des
besoins des pays riverains8.
La réserve souterraine d’eau douce
est estimée dans les territoires arabes à
7 734 milliards de mètres cubes, alors que
le volume d’eau qui réalimente ces réserves
ne dépasse pas 42 milliards de mètres
cubes dans toutes les différentes régions ;
la capacité utilisable, elle, ne dépasse pas
35 milliards par an. La réserve souterraine
la plus grande qui se renouvelle le plus
se trouve au nord et à l’est de l’Afrique
(Algérie, Égypte, Libye, Maroc, Somalie,
Soudan et Tunisie)9.
Les nappes aquifères sont des systèmes
d’eau souterraine qui re­pré­sentent souvent
la seule source d’eau potable, particulièrement dans les régions dominées par un
climat aride ou semi-aride (comme c’est le
cas dans certains pays arabes).
Elles constituent une garantie vitale
à la sécurité en matière d’eau sur le plan
national et régional. Certaines nappes sont
renouvelables à une échelle régionale, dont
celles des eaux souterraines situées dans les
régions limitrophes de la Turquie et de la
Syrie, d’Israël et du Liban, de la Jordanie
et de la Syrie, de l’Irak et de la Syrie, d’Israël et de la Cisjordanie. D’autres nappes
aquifères ne sont pas renouvelables et
contiennent de l’eau « fossile » ; parmi elles,
les roches de sable de Numidie qui se trouvent entre le Tchad, la Libye et l’Égypte,
le basalte qui se trouve dans les frontières
Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes
La pénurie des
ressources en
eau s’aggrave
Les tensions
relatives au
partage des
ressources sont
apparues avec
l’augmentation
des besoins des
pays riverains
39
Coût de la non-collaboration dans la gestion des eaux
transfrontalières
Encadré 2-3
Comme l’eau devient rare par rapport à la demande, la concurrence
transfrontalière pour les cours d’eau partagés et d’autres ressources
hydriques devient rude. De même, en l’absence de dispositifs institutionnels répondant aux problèmes transfrontaliers, il est probable que cette
concurrence débouche sur des conflits violents. À noter que la férocité
de cette concurrence a déjà provoqué des polémiques générales qui
ont conduit dans certains cas à des polarisations. De ce fait, certains
prédisent un avenir en proie aux « guerres de l’eau » lorsque les pays
en viendront à la revendication d’un droit à la concurrence pour l’eau.
D’autres font savoir qu’il n’y a pas eu de guerres pour l’eau depuis près
de quatre mille ans – les dernières auraient eu lieu au sud de l’Irak – et
que les pays arrivent d’habitude à gérer cette concurrence dans le cadre
d’une certaine collaboration plutôt que dans le conflit. À partir de ce point
de vue optimiste, la concurrence accrue est perçue comme le catalyseur
d’une collaboration plus importante dans l’avenir… Ainsi, la concurrence
pour l’eau peut devenir un élément aggravant dans les grands conflits
mais également offrir des passerelles de collaboration.
Source : PNUD 2006b.
Figure 2-4
Les ressources en eau douce des pays arabes sont
souvent en deçà du seuil de pénurie et de la moyenne
mondiale, 2005
7 500
7 000
6 500
6 000
5 500
5 000
4 500
4 000
3 500
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
500
EAU
Égypte
Seuil de
pénurie
Monde
Qatar
Arabie
saoudite
Libye
Jordanie
Yémen
Mauritanie
Syrie
Algérie
Oman
Djibouti
Tunisie
Soudan
Somalie
Liban
Maroc
Comores
0
Ressources internes en eau douce renouvelables par habitant (en m3)
Source : Banque mondiale 2008.
40
Rapport arabe sur le développement humain 2009
jordano-saoudiennes, ou aux confins de la
péninsule arabique partagé par la Jordanie,
l’Irak et la Syrie. Il y a également des nappes
profondes non renouvelables en Jordanie,
Arabie saoudite, Syrie, Irak et Koweït. Si
parfois ces nappes s’avèrent suffisantes
pour répondre partiellement aux besoins
en eau douce, la qualité de l’eau varie beaucoup en fonction des taux de salinité dans
les régions sèches à ressources hydriques
renouvelables peu profondes et en fonction
des variations du total des solides dissous
(TDS) dans les nappes aquifères profondes
et non renouvelables.
Toute perturbation des ressources
transfrontalières peut générer des effets
nocifs aux ressources en eaux souterraines
dans les pays limitrophes, en termes de
qualité et/ou de quantité. Ses conséquences
transfrontalières peuvent ne pas apparaître
immédiatement, elles n’en seront pas
moins irrévocables. Le pompage excessif
d’eaux souterraines résulte souvent de la
croissance démographique, du développement agricole et des besoins industriels.
Cela affecte la capacité productive et la
durabilité des nappes aquifères. Par ailleurs
les réserves peuvent être affectées dans les
régions littorales du fait de l’infiltration de
l’eau de mer suite à la formation de canaux
profonds. La mauvaise distribution et la
demande intensive prédominent également
dans l’utilisation de l’eau, particulièrement
des eaux souterraines, dans les pays arabes.
Cela a pour effet de priver une grande
partie de la population des eaux propres
et d’en faire un usage excessif par ailleurs
dans les secteurs agricoles, industriels et
touristiques10.
Plusieurs sources évoquent les dimensions de la crise de l’eau dans la région. Le
Rapport conjoint sur l’économie arabe de
200111 (JAER) confirme que la région est
entrée effectivement dans la phase de la
pauvreté en eau la plus critique au monde
à cette date et à la lumière de la quotité de
l’individu en ressources hydriques renouvelables. Le Rapport estime ces ressources
à 265 milliards de mètres cubes, l’équivalent d’environ 1 000 m3 par individu, alors
que la moyenne mondiale dépasse de sept
fois cette quantité. Le Rapport estime é­ga­
lement que la demande de la population
conduira à la baisse de la part de l’individu
en 2025 à 460 m3 ; c’est-à-dire en deçà du
niveau de la pauvreté extrême en eau selon
les classements internationaux. Ce qui est
Figure 2-5
Tableau 2-1
L’utilisation des eaux usées dans les
pays arabes (%) répartie selon les
secteurs, 1999-2006*
7%
8%
Niveaux de stress hydrique dans 13 pays arabes, 2006
Stress
critique
(plus de 10 000
personnes
par m3)
Stress
grave
(entre 5 000 et
10 000 personnes
par m3)
Koweït
Émirats arabes unis
Stress
significatif
(entre 2 500 et
5 000 personnes
par m3)
Stress
léger
(moins de
2 500 personnes
par m3)
Bahreïn
Jordanie
Égypte
Irak
Arabie saoudite
Liban
TPO
Oman
Qatar
Syrie
Yémen
85%
L’usage agricole des eaux
(pourcentage du total de la
consommation d’eau douce)
L’usage ménager des eaux
(pourcentage du total de la
consommation d’eau douce)
L’usage industriel des eaux
(pourcentage du total de la
consommation d’eau douce)
* Ces informations correspondent aux données
les plus récentes fournies durant la période
mentionnée sur les 22 pays arabes
Source : Calculs du PNUD/RADH basés sur
les données statistiques du système mondial
d’information sur l’eau et l’agriculture (AQUASTAT)
de la FAO.
encore plus préoccupant, c’est que ces
taux auraient été plus précis si ces quantités d’eau étaient utilisables. Cependant, la
plus grande quantité d’eau se trouvant loin
des régions de consommation, le coût de
son stockage et son transport comme eau
potable ou pour l’agriculture et l’industrie
est dissuasif sur le plan économique.
De son côté, le RDH 2006 confirme
également cette situation en relevant l’aggravation du problème de l’eau dans les
pays arabes du fait de la baisse des eaux
disponibles de plus du quart12. Ce rapport s’accorde avec le JAER pour affirmer
que la part de l’individu dans les pays
arabes connaîtra une diminution de près
de 500 m3 et 90 % de la population de la
région vivra dans des pays affectés par la
pénurie d’eau. Le rapport établit aussi que
la baisse de la moyenne du déficit dans la
région arabe était la plus lente en comparaison avec d’autres parties du monde où
elle s’est faite relativement vite entre 1994
et 2004. Dans un avenir proche, la plupart
des populations arabes seront affectées par
la pénurie d’eau dont la moyenne sera en
deçà de 1 700 m3 par an et en deçà d’un
Source : CESAO 2007.
mètre cube par an pour beaucoup d’entre
elles13.
Dans l’un de ses rapports, la Commission
économique et sociale de l’ONU pour l’Asie
occidentale (CESAO)14 traite de cette
question à l’échelle nationale dans les pays
arabes15. Le rapport a distingué 4 niveaux
de pression sur l’eau en comparant le
pourcentage de la population à la quantité
d’eau douce renouvelable : léger, significatifs, grave et critique. Le rapport montre,
comme on peut le voir sur le tableau 2-1,
que le stress hydrique est « léger » dans 4
pays, « significatif » dans 2 pays, « grave »
dans 5 pays et « critique » dans 2 pays, à
savoir le Koweït et les Émirats arabes unis.
La plupart des
populations
arabes seront
affectées par la
pénurie d’eau
Atténuation de la pénurie d’eau
Les gouvernements arabes ont, sans aucun
doute, fourni de grands efforts dans le but
de procurer à leurs citoyens l’eau potable
ainsi que des eaux destinées aux usages économiques. Ces efforts ont abouti à l’élargissement de la couverture des besoins de la
population arabe de 83 % en 1990 jusqu’à
85 % en 2004, sachant qu’entre-temps la
population s’est accrue de 180,1 millions à
231,8 millions16. Bien qu’il n’existe pas de
solution magique au problème de la pénurie d’eau qui ne cesse de s’aggraver dans les
pays arabes, les études esquissent les traits
généraux des procédés à même de pallier
cet éventuel danger, dont17 :
1. L’optimisation de la consommation des
eaux dans les trois domaines (agriculture, industrie, usage domestique) ;
2. La mise en pratique d’une stratégie
pour la réalisation de la productivité
optimale d’eau virtuelle permettant
Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes
Les études
esquissent les
traits généraux des
procédés à même
de pallier cet
éventuel danger
41
3.
4.
5.
La désertification
constitue une
menace pour
la région
6.
7.
la récupération de l’eau réelle utilisée
dans le processus de production18 ;
L’adoption d’approches holistiques
et intégrées dans la planification et la
gestion de l’offre et la demande des ressources en eau ;
Le renforcement des capacités des parties concernées et le développement de
leur niveau technique ;
La sensibilisation à toutes les échelles,
des utilisateurs finaux jusqu’aux
décideurs ;
Concevoir et mettre en œuvre des politiques durables en matière d’eau, basées
sur les points mentionnés ci-dessus ainsi
que sur les données et les recherches
actuelles et prospectives sur l’eau ;
Développer des modèles de gestion
des ressources en eau à même de promouvoir différents scénarios créatifs
pour résoudre de tels problèmes et
donc choisir les meilleures approches
possibles.
Tableau 2-2
Les précipitations dans les pays arabes,
taux annuels à long terme20
Pays
Précipitations
en m3/individu
Mauritanie
31 099,60
Soudan
27 678,10
Somalie
21 322,30
Libye
16 311,60
Oman
10 446,40
Algérie
6 341,60
Djibouti
6 230,80
Arabie saoudite
5 355,00
Maroc
4 918,60
Yémen
4 064,40
Tunisie
3 554,50
Comores
3 259,40
Syrie
2 406,30
Jordanie
1 793,00
Liban
1 701,50
Émirats arabe unis
1 536,80
Qatar
987,4
Koweït
830,9
Égypte
693
Bahreïn
79,8
Source : Calculs du PNUD/RADH sur la base des données de
l’UNSD 2007.
NB : Les précipitations signifient le volume total de l’eau
retenue dans l’air et qui tombe sous forme de pluies, neige,
grêle ou rosée, etc. sur la terre d’un pays donné durant une
année en millions de mètres cubes.
42
Rapport arabe sur le développement humain 2009
La désertification
À travers les différentes ères géologiques,
le climat dans les pays arabes a basculé
entre sécheresse et humidité. La sécheresse
a causé l’élargissement du grand Sahara au
nord de l’Afrique et du Quart vide dans la
péninsule arabique. Avec la fin de l’ère de
l’humidité depuis des milliers d’années, la
région a été affectée par un climat sec ayant
conduit à la désertification. Ce climat est
caractérisé, entre autres, par la succession
de longues ou de courtes périodes d’aridité,
par la baisse des taux des précipitations,
la rupture des précipitations et des pluies
torrentielles, la hausse des températures,
les vagues de chaleur fréquentes, la hausse
des températures pour de longues durées,
quotidiennement et annuellement, des
vents forts consistant essentiellement en
vents continentaux sur les vents maritimes
dominants. Ces changements, anciens et
récents, ont contribué à l’apparition de
systèmes écologiques précaires dans les
régions arides et semi-arides marquées par
une végétation pauvre et la prépondérance
d’une mince couche de terre brute exposée
aux dangers d’érosion dus aux vents et aux
eaux19. Le tableau 2-2 récapitule les taux
de précipitations annuelles par individu
dans la région.
La désertification constitue une menace
pour la région. Elle est définie for­mel­
lement comme : « la dégradation des terres
dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches en raison de divers facteurs,
parmi lesquels les variations climatiques
et la surexploitation des ressources par les
hommes ».21 Cette définition est à la base
de la Convention des Nations Unies sur la
lutte contre la désertification (UNCCD).
Les écologistes distinguent deux degrés de
désertification sur deux types de terres : une
terre jadis cultivée et verdoyante devenue
complètement déserte, et une terre cultivée et verdoyante menacée par la désertification à cause de la mauvaise qualité du
sol, tant que des mesures préventives ne
sont pas prises.
Une étude réalisée conjointement par la
Ligue arabe et le Programme des Nations
Unies pour l’environnement (PNUE)22
estime que le pourcentage le plus élevé du
désert par rapport à la superficie totale de la
Terre se trouve dans la péninsule arabique
(neuf dixièmes, soit 89,6 %), en Afrique du
nord (plus des trois quarts, soit 77,7 %),
Figure 2-6
Ampleur de la désertification dans 9
pays arabes concernés (%), 1996
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
Koweït
Soudan
Arabie
saoudite
Mauritanie
Maroc
Yémen
Libye
Algérie
Qatar
0
Source : LEA et PNUE 2004.
à la vallée du Nil et la Corne de l’Afrique
(moins que la moitié, soit 44,5 %), puis au
Mashreq (35,6 %).
La désertification menace près de
2,87 millions m2, soit le cinquième de la
superficie totale des pays arabes. Sur ce
plan, les taux prennent un tout autre sens
par rapport aux chiffres mentionnés auparavant ; 48,6 % de la superficie du Mashreq
est en péril, 28,6 % de la vallée du Nil et la
Corne de l’Afrique, 16,5 % de l’Afrique du
Nord et 9 % de la péninsule arabique23. La
superficie des terres désertifiées ou menacées par la désertification varie lar­gement
d’un pays à l’autre dans ces régions. En
Afrique du Nord, par exemple, le taux
le plus élevé est enregistré en Libye et le
moins élevé en Tunisie ; à la vallée du Nil
et la Corne de l’Afrique, c’est l’Égypte et
le Djibouti qui sont les plus menacés tan­dis
que la Somalie l’est moins ; au Mashreq, la
Jordanie l’est plus et la Syrie moins. Dans la
péninsule arabique, le Bahreïn, le Koweït,
Le Qatar et les Émirats arabes unis (EAU)
sont les pays les plus affectés et constituent
ensemble la zone la plus désertifiée dans la
région arabe en opposition à la Syrie qui
représente la zone la moins désertifiée.
Les répercussions les plus apparentes de
la désertification sont l’aridité due à l’épuisement de l’eau des nappes phréatiques
ou souterraines, la diminution des zones
forestières et leur dégradation à cause de
l’abattage des arbres, du pâturage, de l’embrasement et de la détérioration de la fertilité et de la composition des sols dans les
régions arides.
La grande proportion de zones désertes
dans les pays arabes est essentiellement due
à la nature aride de la région. Toutefois, les
facteurs naturels n’en sont pas l’unique
cause. La désertification est également le
résultat des activités des hommes qui, en
général, ne sont pas conscients des impacts
néfastes de leurs activités sur l’en­vi­ron­
nement naturel. Une étude conduite par
l’Organisation arabe pour le dé­ve­lop­
pement agricole (AOAD) attribue les
causes de la désertification dans les pays
arabes aux facteurs suivants : 24
L’explosion démographique : L’énorme
croissance de la population, ses besoins
grandissants, l’usage des technologies et
méthodes modernes dans ses activités agricoles et la surexploitation des différentes
ressources de la terre ont é­nor­mément
affaibli les capacités de régénération des
écosystèmes de la région, altéré l’équilibre environnemental, le poussant vers la
dégradation.
Encadré 2-4
La désertification
est également
le résultat des
activités des
hommes
L’Ouest du Soudan : les coûts économiques et sociaux
de la désertification
Au Darfour et à Kordofan, provinces de l’Ouest du Soudan, la compétition
pour les pâturages a pris la forme d’une guerre tribale nécessitant une
intervention internationale. Parmi les facteurs principaux ayant exacerbé
le combat dans cette région, la pluviométrie déficitaire, l’explosion
démographique et la transition du système social dominant du pastoralisme nomade ou de la récolte à l’agriculture sédentaire. Ces facteurs
ont augmenté les taux de la dégradation des sols et de la désertification.
De plus, les terres cultivées se sont répandues au détriment du pâturage
naturel tandis que les outils et les équipements modernes sont employés
dans le labourage, le transport et d’autres processus agricoles, entraînant
la décomposition, la désintégration et l’érosion de la structure des sols.
S’ajoute à cela la destruction de la végétation naturelle à travers l’abattage des arbres, l’arrachage des arbustes pour servir de carburant et à
des fins industrielles, l’irrigation outrancière gaspillant l’eau, et l’usage
non durable des terres dans l’agriculture irriguée ou non irriguée. Tous
ces facteurs, individuellement ou associés, donnent lieu à des facteurs
de désertification tels que l’érosion due à l’eau ou au vent, l’exposition
des strates de la roche sous-jacente et la salinisation ou la sursaturation
des sols.
Source : Dia el-Din El-Quosy, en arabe, document de base pour le rapport.
Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes
43
Encadré 2-5
La désertification en Algérie
Près de 44 %, soit plus de 9 millions d’hectares, des terres
cultivées en Algérie, risquent aujourd’hui un degré primaire
ou secondaire de désertification. Ce danger est attribué principalement à la transition des modes traditionnels d’élevage
et d’agriculture aux systèmes modernes. Dans le passé,
par exemple, en cas de sécheresse sévère, une mortalité
importante des bêtes est enregistrée, ce qui permettait le
délestage de la steppe et diminuait ainsi les pressions sur les
parcours. Cette période est également celle des labours mais
seulement au niveau des dépressions (Dhayas) et terrasses
d’Oueds où les sols sont profonds et humides.
Des siècles durant, la gestion des terres a fonctionné avec
des règles sociales bien établies où chaque communauté
connaît ses droits coutumiers de génération en génération.
Ce système de gestion « équilibrée » n’est plus ce qu’il était
sous l’influence de mutations sociales, économiques et politiques dont les causes principales sont :
• La démographie galopante de la population qui est passée de moins d’un million dans les années 1960 à plus
de trois millions dans les années 2000, ce qui entraîne
des besoins plus importants donc une pression plus
forte sur le milieu. L’urbanisation accélérée depuis l’indépendance, a également créé un marché très spéculatif,
par la forte demande en viandes, ce qui a provoqué une
croissance démesurée des terres cultivées pour satisfaire
un cheptel de plus en plus important au demeurant très
rentable économiquement.
• Les moyens techniques inadéquats utilisés pour exploiter les terres se sont avérés destructeurs, à l’exemple de
la charrue à disques utilisée pour les labours qui effrite
les sols et favorise le travail néfaste de la dynamique
éolienne toujours efficace dans ces vastes espaces,
contrairement aux moyens utilisés dans le passé où
l’araire permet de labourer les sols, tout en sauvegardant les plantes pérennes (post-culturales) qui jouaient
le rôle de protecteurs des sols (à l’exemple de l’armoise
champêtre).
• L’impossibilité d’assurer un délestage de la steppe, ne
serait-ce que temporairement, même en cas de disette
sévère et ce, grâce aux aliments de bétails disponibles et
parfois soutenus. Cette forme d’aide, certes louable pour
éviter la ruine des pasteurs, provoque malheureusement
des conséquences nuisibles sur le tapis pastoral qui n’a
plus le temps de se régénérer sous la pression d’un troupeau toujours plus important. Nous assistons ainsi, au
maintien d’un troupeau sur pieds nourri par les apports
extérieurs d’aliments industriels (concentrés, orges…).
À cause de telles conditions, l’Algérie perd 7,000 hectares par an en raison de la désertification. Et tant que des
mesures correctives urgentes ne sont pas prises, les taux de
pertes doubleront ou tripleront.
Source : Ali Ghazi, document de base pour le rapport.
Les systèmes sociaux en changement :
Jadis, une grande partie de la population
dans les pays arabes, et plus par­ti­cu­liè­
rement dans les zones arides et semiarides, adoptait des styles de vie pastoraux,
nomades ou semi-nomades et basé sur la
récolte. Cependant, depuis le xixe siècle
dans certains pays et le xxe siècle dans
d’autres, ces populations sont devenues de
plus en plus sédentaires. Cette transition
d’un style de vie à un autre a engendré le
surpâturage, l’abattage des arbres et l’exploitation irrégulière des sols dans les terres
cultivées, irriguées et non irriguées. Ces facteurs contribueraient à la destruction de la
flore et à la dégradation et l’érosion des sols.
Changements au niveau du mode de
la production agricole : Comme les modes
traditionnels de production ne parvenaient
plus à satisfaire les besoins de la population
en expansion, on eut largement recours aux
outils et techniques agricoles modernes. La
plupart de ces technologies, notamment de
44
Rapport arabe sur le développement humain 2009
labourage, ne conviennent pas aux terres
arides et semi-arides causant la décomposition, la désintégration et l’érosion des sols.
L’encadré 2-5 illustre la manière dont
ces orientations ont causé la désertification en Algérie (Ali Ghazi, document de
base pour le rapport). En outre, l’étude
du Programme des Nations Unies pour
l’environnement (PNUE) résume l’impact
des activités humaines sur la désertification
dans la région comme suit : 25
• Dégradation et désertification des
pâturages ;
• Détérioration des forêts ;
• Dégradation du sol à cause de la
mauvaise gestion des terres.
• Épuisement des souterrains ;
• Pénurie et gaspillage de l’eau ;
• Pollution du sol ;
• Systèmes d’irrigation inadéquats.
Lutter contre la désertification
Malgré la nature difficile de la région et les
facteurs aggravants des activités humaines,
la désertification continue n’est pas une
fatalité. Si les gouvernements arabes se
dotent des informations nécessaires sur les
causes spécifiques de la désertification dans
chaque région écologique climatique arabe,
ils pourront adopter les politiques appropriées pour y remédier. En s’appuyant sur
les documents de base réalisés pour ce
rapport, la série de visées, ci-après, serait
à même de fournir des orientations pour
lutter contre la désertification dans les trois
zones principales de la région :
Dans les pays où l’agriculture dépend
de l’irrigation et de l’eau pluviale, les politiques doivent cibler :
• La consolidation de l’infrastructure par
le biais de la construction des barrages,
des réservoirs, des canaux, des dispositifs de drainage et des réseaux routiers
et électriques ;
• L’arrêt du surpâturage et de l’abattage
des arbres dans les zones forestières ;
• La réduction au minimum de l’usage
des pesticides non biodégradables
comme le DDT ;
• L’encouragement à l’usage des méthodes conventionnelles et non conventionnelles pour prévenir la progression
des dunes de sables ;
• L’installation d’appareils de mesure des
précipitations à travers tout le pays et
à l’extérieur, ainsi que l’importation et
l’installation des systèmes d’alerte précoce pour permettre aux gens de prévenir les fortes inondations et de prendre
les précautions nécessaires à cet effet ;
• La désignation de frontières permanentes et inviolables pour les lits de
rivières et leurs principaux cours et
l’inter­dic­tion de l’exploitation des
plaines inondables à l’intérieur de ces
frontières durant les saisons d’inondations faibles, moyennes et fortes ;
• L’engagement des organisations de la
société civile dans la conception et la
mise en pratique de projets de lutte
contre la désertification et dans le recrutement de bénévoles pour apporter de
l’aide aux instances gouvernementales
en cas d’urgence ;
• La formation et le renforcement des
compétences des acteurs du domaine
de la lutte contre la désertification et
la promotion des capacités des gens en
général tout en tirant profit du savoir et
de l’expertise locaux.
Les pays où l’agriculture est basée sur
l’irrigation uniquement, doivent viser les
domaines suivants :
• Freiner les effets des vents porteurs de
sable en utilisant des barricades sous
forme d’arbres ou de matières solides,
et stabiliser les dunes de sables par le
biais de barrières en sable arborées, des
pulvérisateurs pétrochimiques et des
barrières en caoutchouc ;
• Freiner l’urbanisation sur les terres destinées à l’agriculture en consacrant des
sites particuliers à la construction des
édifices publics et privés, notamment
dans les villes adossées au désert ;
• Promouvoir des projets de drainage
agricole. L’attention doit se porter, audelà de la réalisation de tels projets, sur
le contrôle continu et la maintenance ;
• Développer de nouvelles ressources en
eau pour accompagner la croissance
exponentielle de la population et de sa
demande en eau propre pour l’usage
ménager et public, et pour répondre
aux besoins de l’industrie, de la navigation locale, du tourisme, de la génération d’électricité et de la préservation
de l’environnement. Une attention
particulière devrait être accordée aux
projets collectifs de la vallée du Nil en
vue de minimiser le gaspillage d’eau
dans le Haut Nil et de développer les
aquifères souterrains, les technologies
de la collecte des eaux pluviales ainsi
que les technologies et les recherches
sur le dessalement de l’eau ;
• Prendre les précautions nécessaires
contre les effets anticipés de l’élévation
du niveau de la mer sur la terre et sur
les ressources en eau souterraine dans le
Delta. Des scénarios doivent être envisagés pour anticiper toutes les possibilités et donc pour que le pays ne soit pas
forcé d’affronter ce phénomène sans y
être préparé.
(Dia el-Din El-Quosy, en arabe, do­cu­
ment de base pour le rapport)
La désertification
continue n’est
pas une fatalité
Les pays qui dépendent de l’agriculture
pluviale, doivent veiller à l’instauration :
• d’une politique d’aménagement du territoire rigoureuse et continue à travers
l’élaboration de différents plans d’utilisation des sols ;
Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes
45
La pollution
constitue une
grande menace
pour la sécurité
humaine
• L’intensification des activités de lutte
contre l’érosion des sols notamment au
niveau des bassins versants de barrage
et des zones steppiques ;
• Une prise en charge dynamique des
populations doit être entreprise par
Objectifs du Millénaire pour le développement, septième
objectif, cible n° 10 : baisse du taux des personnes qui
n’accèdent pas à l’eau améliorée propre à la moitié au terme
de 2015
Encadré 2-6
Malheureusement, les pays arabes sont encore loin d’atteindre la finalité
n° 10 de l’objectif n° 7 du Millénaire pour le développement. Le taux des
populations qui utilisent des sources d’eau potable améliorée a lé­gè­
rement augmenté entre 1990 et 2004, passant de 83 à 85 %, par ailleurs
il est passé de 65 à 68 % dans les pays arabes les moins développés. Ce
taux qui se trouve en deçà de la moyenne régionale ne comprend pas la
Somalie où seulement 29 % ont pu accéder à l’eau saine en 2004. Dans
les trois autres régions, ce taux atteint 86 % au Maghreb, 94 % au Conseil
de Coopération du Golfe et 86 % au Moyen-Orient.
Taux des populations qui utilisent des sources d’eau potable améliorée
dans les régions urbaines et rurales (%)
Les régions
développées
Les pays
arabes
Les pays arabes
les moins
développés
Les pays
du CCG
Les pays du
Maghreb
Les pays du
Mashreq
0
20
Rural (1990)
Rural (2004)
40
60
80
100
Urbain (1990)
Urbain (2004)
Source : CESAO 2007.
Cette légère amélioration montre la nécessité d’efforts significatifs à
déployer en vue d’atteindre cette finalité, qui reste, de manière générale,
encore loin de la portée de la région arabe.
Les pays arabes auront besoin de 27 ans supplémentaires après 2015
pour atteindre la cible relative à l’eau
Date de la cible
Pays arabes
2042
Afrique
sub-saharienne
Asie de l’Est
et le Pacifique
2040
2018
Monde
2016
Asie du Sud
Objectif atteint
Amérique latine
et les Caraïbes
Objectif atteint
1990
2000
2010
2020
2030
2040
2050
2015
Source : PNUD 2006.
Source : CESAO 2007a.
46
Rapport arabe sur le développement humain 2009
l’instauration d’un assolement agricole
adéquat, la pratique de techniques
adaptées et la disponibilité d’un matériel spécialisé ;
• La maîtrise de la planification à moyen
terme en matière de réalisation de
grandes retenues d’eau est nécessaire
pour permettre aux services spécialisés
de traiter les bassins versants au moins
5 à 10 ans avant la construction de la
digue du barrage ;
• Poursuivre la diversification des espèces
par la sélection et la production de
plants de qualité à partir du matériel
végétal local. Ceci passe également par
la modernisation du réseau pépinière ;
• Détermination des zones fragiles et
menacées pour que les dispositions
prioritaires soient prises ;
• Poursuite des études d’aménagement
des forêts et leur application en vue
d’abord d’assurer leur pérennité et
d’exploiter d’une manière rationnelle
leur produit ;
• Intensifier les activités de reboisement
notamment dans le cadre des Plans
Nationaux de Reboisement ;
• Consolider la protection des forêts
notamment par des moyens adéquats.
(Ali Ghazi, document de base pour le
rapport).
Pollution : aucune raison
de se complaire
Avec la démographie galopante et l’aggravation des pressions sur l’environnement
fragile de la région arabe, la pollution est
devenue source d’inquiétude autant pour
les décideurs politiques que pour la société
civile. Plus qu’une simple nuisance, elle
constitue une grande menace pour la sécurité humaine, particulièrement lorsqu’elle
participe à la détérioration de l’air, de l’eau
et du sol dont dépend la vie humaine. Alors
même que la pollution est considérée par
tous comme une menace pour la région, la
précision des données sur ses niveaux et ses
tendances fait défaut. Les statistiques disponibles à ce sujet se limitent aux niveaux
nationaux sans prendre en considération
les différences énormes entre les régions
urbaines et rurales, ou d’une ville à l’autre.
De fait, la pollution constitue une
menace pour l’eau, l’air et le sol dans la
région arabe. Étant donné l’impossibilité de
collecter les données relatives à la situation
du sol, le Rapport se focalisera dans cette
section sur les deux premiers domaines, à
savoir, l’eau et l’air.
Figure 2-7
Pourcentage des populations qui n’ont accès ni à l’eau
saine ni aux services sanitaires dans 15 pays arabes,
2007
%
80
Pollution de l’eau
70
60
50
40
30
20
10
Pays arabes
Qatar
Liban
EAU
Jordanie
Algérie
Syrie
Tunisie
Djibouti
Maroc
TPO
Égypte
Yémen
Mauritanie
Soudan
0
Comores
La pollution de l’eau constitue ac­tuel­
lement un défi sérieux dans la région. La
cause en est attribuée principalement à
l’utilisation des engrais chimiques, des
insecticides ainsi que des traitements utilisés dans l’horticulture et la médecine vétérinaire qui laissent des traces qui perdurent
et finissent par s’infiltrer dans l’eau. Les
eaux usées des usines et des habitations ont
contribué également à l’augmentation de la
pollution de manière sensible.
La pollution de l’eau affecte plusieurs
régions en raison de la difficulté d’accéder
aux eaux propres qui font partie, comme
montré dans l’analyse précédente, des ressources dont la pénurie affecte de manière
générale les populations. Le manque
d’accès à l’eau pure en quantité suffisante
constitue particulièrement une menace
pour la sécurité humaine à plus d’un titre.
Il peut aider à la propagation des maladies
infantiles, telles que la dysenterie, et affecte
leur scolarité et leur rendement. Il conduit
également la femme, par exemple, à consacrer plusieurs heures à la recherche de l’eau
pour sa famille plutôt qu’à des activités
personnelles ou génératrices de revenus. Il
convient d’y ajouter que la pénurie d’eau
et la pollution menacent la production
agricole et alimentaire et génèrent aussi
bien la rivalité interne pour les ressources
en eau, telle que les conflits hérités des
temps anciens entre paysans et pasteurs à
Darfour, que les tensions entre pays voisins.
L’accès aux eaux propres à des fins
domestiques ou économiques reflète les
rapports de force des parties concernées.
Les pauvres, en général, n’y ont pas accès,
alors que les riches en consomment une
quantité énorme et n’ont aucune difficulté
à s’en procurer autant qu’ils désirent. Il
n’est donc pas surprenant que les populations affectées par les plus grandes difficultés d’accès à l’eau dans n’importe quel
pays soient celles qui peuplent les régions
rurales et les quartiers les plus pauvres dans
les villes26.
Les indicateurs mondiaux du développement humain, émis par la Banque mondiale,
Pas d’accès aux services d’assainissement
Pas d’accès à l’eau potable
Source : PNUD 2007.
Tableau 2-3
Pays
Niveaux de la pollution de l’eau par les polluants
organiques dans 15 pays arabes et deux pays
industrialisés, 1990-2003, (par ordre décroissant
des niveaux de pollution en 1990)
Émission des
polluants
organiques
de l’eau
(en tonnes
par jour)
en 1990
Émission des
polluants
organiques
de l’eau
(en tonnes
par jour)
en 2003
Émission des
polluants
organiques
de l’eau
(en tonnes
par jour)
en 1990
Émission des
polluants
organiques
de l’eau
(en tonnes
par jour)
en 2003
Égypte
211,5
186,1
0,2
0,2
Algérie
107
..
0,25
..
Tunisie
44,6
55,8
0,18
0,14
Maroc
41,7
72,1
0,14
0,16
Irak
26,7
..
0,19
..
Syrie
21,7
15,1
0,22
0,2
Arabie saoudite
18,5
0,15
Koweït
9,1
11,9
0,16
0,17
Jordanie
8,3
23,5
0,19
0,18
Yémen
6,9
15,4
0,27
0,23
EAU
5,6
Oman
0,4
5,8
Soudan
..
Liban
..
Libye
0,14
..
0,11
0,17
38,6
..
0,29
14,9
..
0,19
..
..
..
..
États-Unis
2 565,2
1 805,2
0,15
0,13
Fédération de Russie
1 991,3
1 388,1
0,13
0,18
Source : Banque mondiale 2007.
Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes
47
Figure 2-8
Augmentation des moyennes d’émission du dioxyde
de carbone dans les pays arabes, 1990 et 2003
Par million de tonnes
350
300
250
200
150
100
50
Mauritanie
Soudan
Yémen
Jordanie
Liban
Tunisie
Oman
Maroc
Syrie
Libye
Irak
Koweït
EAU
Égypte
Algerie
Arabie
saoudite
0
1990 Émission de CO2 par millions de tonnes
2003 Émission de CO2 par millions de tonnes
Source : Banque mondiale 2008.
Encadré 2-7
Le transport terrestre – Émission des polluants de l’air
La pollution est due, entre autres, au secteur du transport routier, particulièrement dans les zones urbaines et dans les moments d’embouteillages.
Le transport routier produit un ensemble d’effets variés sur la santé et
l’environnement. Malgré l’utilisation croissante du gaz naturel dans ce
secteur, nous observons que les niveaux de pollution ont augmenté en
raison de certains phénomènes assez répandus dans la région, tels que le
grand nombre de véhicules privés, comme à Qatar, au Koweït et au Liban,
la vétusté des véhicules (en Égypte, par exemple, 65 % des véhicules ont
dépassé au moins 10 ans de fonctionnement, 20 % ont plus de 20 ans).
Toutefois, on prévoit la baisse du niveau des émissions de polluants suite
aux efforts entrepris à une échelle régionale et visant à appliquer des
stratégies pour la circulation et la régulation des combustibles dans la
majorité des pays arabes.
Nombre des véhicules par unité de 1 000 personnes
(2002-2004), 16 pays arabes
Égypte
Yémen
Jordanie
Syrie
Irak
Maroc
Tunisie
Algérie
Oman
EAU
Libye
Bahreïn
Arabie saoudite
Koweït
Qatar
Liban
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
500
Source : AFED 2008.
Source : CESAO 2005c.
48
Rapport arabe sur le développement humain 2009
fournissent des informations concernant
la pollution de l’eau dans 15 pays arabes.
Ils montrent, comme dans le tableau 2-3,
que l’Algérie, l’Égypte, l’Irak, la Tunisie et
le Maroc sont à la tête des pays arabes les
plus pollués en termes d’augmentation de
la moyenne quotidienne des émissions de
matières organiques polluantes dans l’eau.
Mais les données montrent également que
les moyennes de ces pays restent bien en
deçà de celles de certains autres comme
les États-Unis où la moyenne quotidienne
absolue en 2003 dépassa de plus de 10 fois
celles des pays arabes les plus polluants, ou
encore la Fédération russe qui les dépasse
pour la même année de sept fois et demie.
Cependant, ces comparaisons ne
doivent­pas pousser à l’autosatisfaction, car
l’index de pollution par travailleur demeure
un peu plus élevé dans les pays arabes que
dans les pays industrialisés. La Tunisie est
le seul pays arabe avec les États-Unis qui
a pu réduire ce taux de 0,18 kg en 1990 à
0,14 kg en 2003. La Syrie et le Yémen ont
réussi à réduire respectivement ce taux de
0,22 kg et de 0,27 kg par ­travailleur-jour en
1990 à respectivement 0,20 et 0,23 kg par
travailleur-jour en 200327.
La baisse des niveaux de pollution de
l’eau reflète les efforts entrepris par certains
gouvernements arabes à cette fin. Toutefois,
ces pays doivent faire preuve de prudence
pour éviter que leurs politiques d’industrialisation n’entraînent une augmentation
des niveaux de pollution aux niveaux que
connaissent les pays développés et les pays
nouvellement industrialisés de l’Asie du
Sud et de l’Est. En Égypte, par exemple,
les matières organiques jetées dans l’eau
sont constituées des éléments suivants :
l’alimentation et les boissons (environ
50 %), en plus des produits chimiques, du
papier, de la pierre et du bois en moindres
quantités28.
Également lié à la pollution de l’eau, le
progrès inégal et cumulativement décalé
de la région dans l’octroi à sa population
d’un accès à des services d’assainissement.
La figure 2-7, contenant les données les
plus récentes, montre que plus de 60 % des
habitants des pays les moins développés
dans la région arabe (Les Îles Comores, le
Soudan et la Mauritanie) n’ont pas accès
à des services sanitaires améliorés. Elle
indique également que près de 30 % des
populations au niveau régional n’ont pas
accès auxdits services.
L’absence de tels services ne constitue
pas seulement une atteinte à la santé et à
la dignité humaines, mais c’est également
l’un des facteurs générateurs de pollution
de l’eau et de ce qui en découle comme
conséquences considérables sur la sécurité
humaine. Le RDH 2006 fait observer qu’en
Égypte, pour ne prendre qu’un exemple,
les niveaux de pollution dont l’augmentation affecte les eaux de vidange de la région
du Delta du Nil sont susceptibles de « saper
les avantages sanitaires potentiels de l’accès
universel à la proximité de l’eau ».
Pollution de l’air
Bien que les pays arabes figurent parmi
les plus grands producteurs des ressources
énergétiques basées sur le pétrole, le niveau
de pollution de l’air y demeure parmi
les moins élevés au monde. En 2003, les
émissions du dioxyde de carbone n’ont
pas dépassé 1 012,5 millions de tonnes au
Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en
face de 10 753,5 millions de tonnes dans
les pays à revenu moyen et 12 738 millions
de tonnes dans les pays à haut revenu. Les
seuls pays qui ont enregistré la moyenne
la plus basse en émission du dioxyde de
carbone, à savoir 531,9 millions de tonnes,
sont les pays africains subsahariens29.
Cependant, ce qui ternit cet optimisme
apparent, c’est que cette baisse relative
de la moyenne des émissions du dioxyde
de carbone dans les pays arabes est due
fondamentalement au fait qu’ils n’ont
pas, pour la plupart, tellement progressé
en termes d’industrialisation. Même ainsi,
les émissions de dioxyde de carbone en
Afrique du Nord et au Moyen-Orient augmentent à l’une des allures les plus rapides
au monde. Durant la période 1990-2003,
le pourcentage d’augmentation était de
4,5 %, ce qui signifie que ces émissions ont
presque doublé à la fin de cette période. La
seule région qui a dépassé les pays arabes
dans ce domaine, c’est l’Asie du Sud qui a
atteint 4,9 % par an. Il faut prendre é­ga­
lement en considération que le volume des
émissions varie parmi les pays arabes où le
niveau le plus élevé est atteint, en général,
dans les pays producteurs et exportateurs
de pétrole, particulièrement dans les pays
du Golfe et les pays à grandes économies
également. Les pays arabes qui connaissent
les niveaux d’émission les plus élevés sont
l’Algérie, l’Arabie saoudite et l’Égypte. Il
convient d’ajouter à cela les différences des
taux d’émission du dioxyde de carbone de
manière sensible à l’intérieur de chaque
pays ; la différence est nette entre les zones
rurales et les centres urbains principaux.
Ce fait s’applique également aux émissions
du méthane et de l’oxyde nitrique30.
Au niveau international, les efforts
visant à la réduction du niveau des émissions de polluants de l’air, ou du moins à
sa stabilisation, ont relativement abouti, à
commencer par l’application d’instructions
et de politiques rigoureuses se rapportant
à l’environnement, et ce depuis les années
1970. Mais en ce qui concerne la région
arabe, le développement économique et
social, la croissance démographique, la
pénurie d’eau et l’expansion de l’industrie
pétrolière ont tous conduit à l’utilisation
croissante des combustibles lourds pour
répondre aux besoins du développement, y
compris dans la production de l’électricité
et du ciment, le raffinage du pétrole et le
dessalement.
En plus des exigences du dé­ve­
lop­pement, les moyens de transport
constituent­ un facteur principal de pollution de l’air dans la région. Le trafic aérien
est en pleine croissance dans la région arabe
qui constitue un passage aérien obligé. Les
flottes aériennes qui opèrent exclusivement dans son espace aérien ne répondent
pas aux standards en vigueur qui doivent
caractériser les moteurs d’avions, d’où le
non-respect des normes internationales
de la protection de l’environnement qui
régissent les niveaux des émissions des
avions et l’amélioration des systèmes de
régulation du trafic aérien31. Par ailleurs,
l’extension des véhicules privés a eu une
influence déterminante à cet égard, comme
le montre l’encadré 2-7.
Le changement climatique –
Une menace internationale
Le système climatique est composé d’éléments interdépendants et interactifs. Il
y a l’atmosphère, la surface de la terre, la
glace, la neige, les océans et d’autres surfaces de l’eau, ainsi que les êtres vivants.
Le changement climatique signifie une
altération dans le climat de la terre en
Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes
49
La production
industrielle et
l’utilisation
humaine de la terre
et des animaux
sont les causes
humaines les
plus significatives
du changement
climatique
Tableau 2-4
entier ou de certaines régions déterminées
et qui s’opère au fil du temps. Le terme
s’applique aux derniers changements climatiques d’origine humaine. La production
industrielle, en particulier celle du ciment,
la combustion des carburants, les particules
portées dans l’air et l’utilisation humaine
de la terre et des animaux sont les causes
humaines les plus significatives du changement climatique.
L’intérêt universel porté au problème du
changement climatique est apparu lorsque
les « trous d’ozone » ont attiré l’attention
des spécialistes pour la première fois en
1974. Le premier sommet international a
été tenu avec le concours de l’Organisation­
mondiale de la météorologique (OMM) et
le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation­des
Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation des Nations
Unies pour l’éducation, les sciences et la
culture (UNESCO). Toutes ces organisations ont fait prévaloir des résultats qui
indiquent la nette augmentation des gaz à
effet de serre.
En se focalisant sur cette question,
l’OMM a résolu d’examiner les émissions
des gaz et d’en mesurer les effets sur la
couche d’ozone entre 1974 et 1982. Cette
couche, dont l’épaisseur varie entre 15
et 20 km, empêche les rayons ultraviolets, considérés comme nocifs aux êtres
humains, aux animaux et à la végétation,
d’atteindre la terre.
L’Instance intergouvernementale des
Nations Unies concernée par le chan­
gement climatique avance que la température de la terre a augmenté de 0,75 degré
Celsius par rapport à la période précédant
la révolution industrielle et estime qu’au
terme de 2050, la moyenne de la température aura augmenté de 2 degrés par rapport
Projections du changement climatique – Les eaux et l’agriculture
Scénario de
changement
Type de changement
Effets sur la sécurité humaine
Régions affectées
Ressources
en eau
Hausse de la température
de la terre de 2° C
1 à 1,6 milliard d’habitants sont affectés par la
pénurie d’eau
Afrique, Moyen-Orient, sud de
l’Europe, Parties de l’Amérique
centrale et du Sud
Hausse de la température
de la terre de 3° C
Augmentation du besoin en eau pour un nombre
supplémentaire de 155 à 600 millions d’habitants
Afrique du nord
Changement climatique
Répétition des risques de la sécheresse des
dernières années avec des effets sur l’économie et
la politique
Mauritanie, Somalie, Soudan
Changement climatique
Baisse de la moyenne des précipitations
Égypte, Jordanie, TPO, Liban
Augmentation du niveau des mers
Risques d’inondation et menaces sur les villes
côtières
Littoral du Golfe dans la péninsule
arabique
Changement climatique
Baisse des eaux renouvelées disponibles de 50 %
Syrie
Hausse de la température
de la terre de 1,2° C
Baisse des eaux disponibles de 15 %
Liban
Hausse de la température
de la terre de 1° C
Baisse des précipitations de 10 %
Maroc
Changement climatique
Baisse continue des eaux
Yémen
Changement climatique
Baisse du flux des eaux de 40-60 %
Fleuve du Nil
Hausse de la température
de la terre de 3° C
Multiplication des risques des marées et de
l’inondation des villes
Caire
Hausse de la température des
régions tropicales de 2°-3° C
Baisse de la production des récoltes de 25-35 %
(avec une alimentation faible en carbone) et de 1520 % (avec une alimentation riche en carbone)
Afrique, ouest de l’Afrique (y
compris la région arabe)
Hausse de la température
de la terre de 3° C
Baisse de la productivité agricole et des récoltes
non durables
Afrique du Nord
Hausse de la température
de la terre de 1,5° C
Baisse des récoltes des betteraves rouges de 70 %
Soudan (Kordofan du Nord)
Changement climatique
Inondation d’une superficie de 4 500 km2 des
terres agricoles et déplacement de 6 millions de
personnes
Basse Égypte
AGRICULTURE
Source : PNUD 2006 ; Stern 2006.
50
Rapport arabe sur le développement humain 2009
au début de la révolution industrielle. Suite
à l’augmentation de la température, les
modes de précipitation des pluies changeront partout dans le monde, conduisant
ainsi à la baisse du niveau de production
alimentaire mondiale. Par ailleurs, l’augmentation des températures augmentera
les moyennes de la fonte des neiges, provoquant l’augmentation du niveau de la mer
et faisant disparaître des îles entières dans
les océans Pacifique et Indien et dans toutes
les régions situées en dessous du niveau de
la mer.
Ces changements peuvent affecter la
sécurité humaine, en général, de la manière
suivante :
• Augmentation du nombre des vagues de
chaleur et augmentation graduelle de la
température de la terre ;
• Tendances pluviométriques extrêmes,
les zones pluvieuses connaîtront encore
plus de précipitations et les zones arides
encore plus de sécheresse ;
• Augmentation des tempêtes dans
la région nord atlantique et dans les
régions océaniques tropicales ;
• Augmentation du niveau de la mer suite
à la chaleur de l’eau, et fonte de la couverture de glace et de neige ;
• Augmentation du taux de l’acide carbonique dans l’eau de mer menaçant
ainsi bon nombre d’organismes marins à
cause de l’effet nocif sur la calcification
nécessaire à leur protection ;
• Affectation de la production alimentaire. Car lorsque la température
augmente modérément, elle fait augmenter la production agricole dans certaines régions ; mais si l’augmentation
continue­, la production sera en danger
dans d’autres régions, particulièrement
l’Afrique qui sera affectée par des
famines fréquentes ;
• Diminution de la diversité biologique
et réduction des régions forestières
dont 20 % aura disparu selon certains
rapports ;
• Augmentation substantielle des effets
sur la santé. Les rapports de l’OMS
avancent que le changement climatique a causé, en 2000, 2,4 % des cas de
dysenterie dans le monde et 6 % des cas
de malaria dans certains pays à revenu
moyen. En fait, même si l’augmentation
des températures a des effets positifs
sur les régions froides, du fait qu’elle
réduit le nombre de décès dus au froid,
les effets globaux relatifs à la santé resteront négatifs, étant donné les dangers
constitués par l’insuffisance alimentaire,
la déshydratation, la malaria et les
inondations.
Changement climatique –
Les menaces dans les pays arabes
Les pays arabes, à l’instar d’autres régions,
seront affectés dans une large mesure par
les changements climatiques durant les
prochaines décennies. Certains d’entre eux
participent directement ou indirectement à
des activités qui provoquent le chan­gement
climatique, du fait qu’ils constituent­ une
source principale du pétrole et sont de
grands producteurs. Ce pétrole fait parie
par ailleurs des combustibles qui augmentent la température de l’atmosphère.
En réalité, plus que toute autre région,
la région arabe est la plus dépendante du
pétrole. Elle utilise le pétrole et le gaz pour
subvenir à ses besoins à hauteur respectivement de 54,5 % et 40,2 %. Il est vrai
que cette dépendance a baissé en 2005 par
comparaison avec l’année 1990 (à l’exception du Soudan, Qatar, Koweït et Libye).
Toutefois, elle reste élevée par rapport aux
autres nations du monde ;
Malgré tout cela, la région arabe endosse
le moins de responsabilité dans la production directe des effets de serre. Selon les
estimations du RDH 2007/2008 et selon
les indicateurs du développement mondial
de 2007, la part de la région dans les émissions du dioxyde de carbone qui contribue
à l’effet de serre ne dépasse pas 4,7 %, un
des taux les moins élevés dans le monde,
à l’exception de l’Afrique subsaharienne.
Les émissions du méthane et de l’oxyde
nitrique, qui augmentent également l’effet
de serre, sont les moins élevées par rapport
au reste du monde en raison du niveau relativement bas du développement industriel
dans la région.
En fait, la région arabe est considérée
comme la victime potentielle la plus vulnérable au changement climatique en termes
de :
• pénurie d’eau ;
• réduction de la production agricole ;
• migration de masse vers les pays
étrangers (les réfugiés écologiques).
• baisse des niveaux des activités
économiques ;
Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes
La région arabe
endosse le moins
de responsabilité
dans la production
directe des
effets de serre
51
La protection de
l’environnement
n’occupe
qu’une place
dérisoire dans
les agendas des
gouvernements
arabes
52
• menaces à la sécurité nationale.
• La section suivante vise à développer les
dimensions du changement climatique
dans les pays arabes.
Selon le Rapport Stern, l’augmentation
de la température de deux ou trois degrés
aura des conséquences qui affecteront la
région comme suit :
La propagation des sécheresses, la
baisse des niveaux de l’eau dans les fleuves,
la diminution de la production agricole et
l’immersion dans l’eau de mer contraindront un grand nombre de populations
à l’émigration, particulièrement dans le
delta du Nil et les régions littorales du
Golfe arabe, qui deviendront « des réfugiés
écologiques ». Les impacts de tels développements ne se limiteront pas à la sécurité
humaine au niveau social, mais toucheront
également la sécurité nationale et la sécurité régionale. Ces changements sévères
affecteront également la stabilité politique
et augmenteront les tensions locales. Ainsi,
le Soudan a connu, par exemple, un conflit
interne, au Darfour, entre les agriculteurs
et les pasteurs pour l’accès à l’eau. Les
tensions se sont aussi exacerbées entre le
Sénégal et la Mauritanie lorsque le fleuve
du Sénégal a disparu sous les plaines
d’alluvions qui bordaient ces rives. D’un
autre côté, les agriculteurs palestiniens
continuent­de souffrir de la monopolisation
par les colons israéliens de la plupart des
nappes phréatiques.
Le RDH 2007/200832 indique que le
Soudan, le Liban, l’Égypte et les pays de
l’Afrique du Nord seront les plus vulnérables au changement climatique dans la
région, en raison de l’effet de serre résultant de l’augmentation des températures
de trois ou quatre degrés. Ces températures
augmenteront le niveau de la mer d’environ un mètre, faisant 6 millions de réfugiés
en Égypte et provoquant des inondations
sur 4 500 km2 de terres agricoles dans le
delta. Si par ailleurs le niveau de mer s’élevait d’un demi-mètre, cela ferait deux millions de réfugiés et provoquerait des dégâts
économiques estimés à 35 milliards de dollars. En outre, la capacité de la production
d’hydroélectricité en sera également affectée. Même les mesures préventives contre
les inondations ne seront pas à même de
protéger les millions de personnes qui en
seront affectées.
Dans la province de Kordofan au
Soudan, l’augmentation des températures
Rapport arabe sur le développement humain 2009
d’un degré et demi entre 2030 et 2060 sera
à l’origine de la diminution de la pluviométrie à hauteur de 5 %, et par conséquent à
la baisse générale de la production agricole
et à celle de la production du maïs de 70 %
par rapport à aujourd’hui. Par ailleurs, une
augmentation de 1,2 °C réduirait de 15 %
l’eau disponible au Liban du fait du changement de structure des précipitations et
de l’évaporation. Si la température de la
terre s’élevait d’un degré Celsius, la diminution de l’eau sera de 10 % au terme de
2010 dans certaines régions du Maroc.
La société internationale a pris
conscience des effets de ces changements.
Aussi a-t-elle constitué des commissions à
cette fin et permis l’adoption de plusieurs
accords, dont le Protocole de Kyoto et l’Accord-cadre des Nations Unies sur le changement climatique qui engage les pays arabes.
Toutefois, les efforts déployés par les États
arabes en vue d’affronter ces effets ne sont
pas à la mesure de la gravité des risques
encourus. Il n’existe pas une seule institution concernée par les effets du changement climatique dans la région. Le premier
exemple d’une collaboration à ce sujet est
illustré par la dotation de 750 millions
d’USD par l’Arabie saoudite, les EAU, le
Koweït et le Qatar à un nouveau fonds créé
par l’Organisation des pays exportateurs
de pétrole (Opep) pep le 18 novembre
2007, en vue de faire face aux effets du
climat sur les pays membres. L’Arabie
saoudite y a contribué avec 300 millions
d’USD les trois autres pays avec chacun
150 millions d’USD. Le fonds vise à utiliser
la technologie la plus pointue sur le plan
environnemental et la plus efficiente pour
protéger l’environnement local, régional et
mondial. Il veillera également au soutien
du développement des technologies d’élimination et de séquestration du carbone
ainsi qu’à la facilitation du transfert de ces
technologies à partir des pays développés
vers les pays de l’Opep et de tous les pays
en développement.
Ces efforts représenteraient un changement louable. Et il y a bon espoir qu’ils
ouvrent de nouvelles perspectives dans une
région qui n’a pas su accorder jusqu’à ce
jour un intérêt suffisant aux questions de
l’environnement. La protection de l’environnement n’occupe qu’une place dérisoire
dans les agendas des gouvernements arabes.
Le Guide de la viabilité de l’environnement
qui comprend 146 pays (dont 16 pays
arabes) et classe les États selon leurs planifications en matière de ressources naturelles,
de baisse de la densité démographique et de
gestion efficace des affaires de l’environnement et du développement, place plusieurs
pays arabes parmi les derniers. En 2005,
l’Irak a été classé 143e, le Soudan, 140e,
le Koweït 138e, le Yémen 137e, l’Arabie
saoudite, 136e, le Liban 129e, la Libye 125e,
la Mauritanie 124e, la Syrie 118e, l’Égypte
115e et les Émirats 110e. Les pays les mieux
classés étaient la Tunisie (55e), Oman (83e)
et la Jordanie (84e). Les premières places
dans le classement du Guide reviennent à
la Finlande, la Norvège, l’Uruguay, la Suède
et l’Islande33.
Conclusion
Ce chapitre développe les caractéristiques
des ressources naturelles dans la région
par rapport à la sécurité humaine et ce
qu’elles induisent comme risques en cas
de mauvaise gestion, d’exploitation injuste,
de négligence et de détérioration. Il insiste
aussi bien sur les risques que sur les opportunités qui accompagnent ses modes de
croissance et son jeune profil démographique. Dans un proche avenir, les dangers
potentiels des chocs environnementaux
dans les pays arabes seront de loin plus
graves que la rançon de la violence armée,
que celle-ci soit due à l’occupation étrangère ou aux conflits internes. Le nombre
des victimes de la sécheresse qui a frappé
l’est de l’Afrique depuis quelques années a
été estimé à plusieurs centaines de milliers.
De même, le conflit du Darfour, lié par
certains aspects à la sécheresse et la lutte
pour les ressources en eau rares et les pâturages, a porté préjudice à 4,27 millions de
personnes nécessiteuses, dont 2,5 de PDI34.
La polémique autour du nombre des
victimes des conflits dus à l’origine à des
situations
environnementales
locales
suscite une interrogation plus profonde,
à savoir, la difficulté de déterminer de
manière précise l’impact de la détérioration de l’en­vi­ron­nement sur la sécurité
humaine. Un tel impact ne se manifeste pas
de manière directe dans la plupart des cas.
Il est traversé par des variables telles que
le degré de sagesse dans l’interaction avec
l’environnement et par le degré de récupération politique des conflits qui s’originent
dans des circonstances environnementales.
À cela s’ajoute le fait que la détérioration
environnementale est le résultat d’un
cumul dont un effet n’est que l’étincelle
qui déclenche un autre. D’où les différences entre les impacts des changements
environnementaux d’un pays à l’autre
selon les nécessités des variables médianes
et la nature du processus cumulatif des
réactions et de leurs portées.
Toutefois, la régression environnementale due au changement climatique, la
pénurie d’eau, la désertification, les pertes
de la diversité biologique et la déforestation ne manquera pas d’engendrer une
série d’effets, dont :
1. La réduction des surfaces des terres
cultivables et, par voie de conséquence,
l’amoindrissement de la production
alimentaire et des produits agricoles
bruts ;
2. La propagation du chômage et de la
pauvreté dans les régions rurales suite,
surtout, à la réduction des surfaces des
terres cultivables et à la baisse de la
qualité du sol en raison de la sécheresse
et la désertification ;
3. La baisse des niveaux de la santé
publique à cause de l’augmentation
prévue des températures et de l’échec à
endiguer la pollution de l’eau, de l’air et
du sol ;
4. L’augmentation des tensions dans les
sociétés agricoles et entre agriculteurs
et pasteurs à cause de la concurrence
pour le contrôle des ressources en eau ;
5. L’aggravation des différends entre pays
se partageant le bassin d’un même
fleuve.
Naturellement, il est impossible qu’un
État affronte à lui seul tous ces défis sur les
plans national et régional. Les questions de
l’environnement sont fondamentalement
de nature universelle. Il est donc nécessaire
que les tentatives de les résoudre soient
également universelles. Les pays arabes
partagent l’inquiétude mondiale par rapport aux questions de l’environnement.
Aussi, ont-ils adopté la plupart des accords
s’y rapportant. En plus, la pression de la responsabilité immense concernant certaines
questions liées à l’environnement, particulièrement le changement climatique, doit
être assumée par les grandes puissances
industrielles qui sont à l’origine de la majorité de ces problèmes.
Au niveau régional, les pays arabes se
doivent d’associer leurs efforts pour faire
Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes
Dans un proche
avenir, les
dangers potentiels
des chocs
environnementaux
dans les pays
arabes seront de
loin plus graves
que la rançon de
la violence armée
53
Les pays arabes se
doivent également
d’accélérer la
mise en place
d’une instance
arabe dédiée à la
coordination des
réseaux spécialisés
dans les questions
de l’environnement
54
face aux défis générés par la détérioration
de l’environnement, surtout la baisse de
l’eau, la désertification et la pollution. Les
pays arabes se doivent également d’accélérer la mise en place d’une instance
arabe dédiée à la coordination des réseaux
spécialisés dans les questions de l’en­vi­ron­
nement, à la collecte des informations dont
disposent les institutions régionales arabes,
la mutualisation des expériences et la
conception des alternatives nécessaires au
traitement de ces questions.
Au niveau national, les gouvernements
arabes ont plusieurs moyens pour garantir,
en premier lieu, l’implication de forces
sociales influentes et les gens d’affaires
dans les actions visant à la protection de
l’environnement. Parmi ces moyens, il y a
le système fiscal, l’incitation à l’utilisation
de technologies respectueuses de l’environnement, les initiatives visant à l’utilisation
de l’énergie propre renouvelable (énergie
solaire), les politiques qui encouragent à
économiser l’énergie, les campagnes de
Rapport arabe sur le développement humain 2009
sensibilisation à l’utilisation du transport
en commun au lieu des véhicules privés,
enfin la définition de mesures rigoureuses
pour lutter contre la désertification et le
déboisement.
De toute évidence, aucune disposition
n’est en mesure de lutter contre la détérioration de l’environnement si elle n’est
pas fondée sur des données fiables et globales et sur une bonne compréhension des
situations environnementales changeantes.
C’est pourquoi, il convient d’apporter,
d’une part, un soutien total aux institutions
existantes qui prennent en charge actuellement les questions se rapportant à la
protection de l’environnement et, d’autre
part, l’aide nécessaire pour consolider leurs
capacités, procéder à leur équipement, leur
permettre d’effectuer les études nécessaires
et de collecter les données. Si de telles instances n’existaient pas dans certains pays,
il faudrait prendre l’initiative de les mettre
en place.
Notes
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
CESAO 2008.
ONU – Division de la population du Département des affaires économiques et sociales
(DAESNU) 2007a.
ONU – Division de la population du Département des affaires économiques et sociales
(DAESNU) 2007a.
ONU – Division de la population du Département des affaires économiques et sociales
(DAESNU) 2007b.
FNUAP 2009.
Calculs du PNUD/RADH basés sur les données de la FAO AQUASTAT 2008.
Calculs du PNUD/RADH basés sur les données de la FAO AQUASTAT 2008.
AOAD 2003 (en arabe).
AOAD 2003 (en arabe).
AOAD 2003 (en arabe).
FMA, FADES, LEA et OPAEP 2001 (en arabe).
PNUD 2006a.
PNUD 2006b.
CESAO 2007b.
Les pays membres du CESAO sont l’Arabie saoudite, Bahreïn, les EAU, l’Égypte, l’Irak, la
Jordanie, le Koweït, le Liban, Oman, Qatar, la Syrie, le TPO et le Yémen.
PNUD 2009b.
AFED 2008b.
L’eau utilisée dans le processus de production des produits agricoles est appelée l’eau virtuelle
contenue dans le produit. Pour plus d’information, voir Tableau 6,5, chap. 6 de ce rapport.
AFED 2008b
La moyenne annuelle sur le long terme est la moyenne du calcul sur les 20 dernières années.
UNCCD 1994a.
LEA et UNEP 2004 (en arabe).
LEA et UNEP 2004 (en arabe).
AOAD 2003 (en arabe).
LEA et UNEP 2004 (en arabe)
PNUD 2006b.
Banque mondiale 2007b.
Banque mondiale 2007b.
Banque mondiale 2007b.
Banque mondiale 2007b.
AFED 2008b.
PNUD 2007.
SEDAC 2005.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008k.
Environnement, pressions sur les ressources et sécurité humaine dans les pays arabes
55
3
Chapitre
L’État arabe et la sécurité
humaine – Performance
et perspectives
Le rôle traditionnel de l’État consiste à conquérir l’allégeance de ses citoyens et
à défendre leur droit à la vie et à la liberté. Il les protège contre les agressions
et met en place des règles qui garantissent l’exercice des libertés fondamentales.
L’État assumant ce rôle est donc un « État légitime » qui impose la primauté du
droit et qui sert l’intérêt public et non celui d’un groupe particulier. En revanche,
l’État qui n’adhère pas à ces règles représente une source de danger menaçant la
vie et la liberté ; il devient lui-même un danger pour la sécurité humaine au lieu
d’en être le garant.
Dans l’ensemble, la performance des États arabes dans ce domaine varie
d’un pays à l’autre. Néanmoins, il importe de noter qu’elle présente des défauts
préjudiciables à la sécurité humaine. Bien que la majorité de ces pays aient adhéré
à des conventions internationales et inséré dans leurs constitutions des clauses et
des articles imposant le respect de la vie, des droits de l’homme, de la justice, de
l’égalité devant la loi et du droit à un procès équitable, leur performance accuse un
grand écart entre la théorie et la pratique. Les faibles restrictions institutionnelles
sur les pouvoirs de l’État, la fragilisation et la fragmentation de la société civile,
le dysfonctionnement des conseils élus, locaux et nationaux, le pouvoir absolu
des systèmes de sécurité, sont autant de facteurs qui font de l’État une menace à
la sécurité humaine au moment où il est supposé en être le défenseur principal.
Introduction
Dans l’ensemble,
la performance des
États arabes dans
ce domaine varie
d’un pays à l’autre
Ce chapitre procède à l’évaluation de la
performance des États arabes en matière
de sécurité humaine selon quatre critères :
1. L’acceptation de l’État par ses propres
citoyens
2. Le degré de conformité de l’État aux
traités internationaux relatifs aux droits
de l’homme
3. La gestion par l’État de son pouvoir de
force et de coercition
4. La capacité du contrôle institutionnel à
freiner les abus de pouvoir.
La deuxième partie de ce chapitre traite
des perspectives et limites de la réforme
politique, juridique et institutionnelle par
rapport à cette performance. Elle examine
le lancement de ladite réforme à travers
trois composantes : les gouvernements, les
catégories sociales et les forces étrangères.
1re partie :
La performance de l’État pour garantir la sécurité humaine
1. L’acceptation de l’État par ses
propres citoyens
Le projet
d’homogénéisation
des États arabes
n’a jamais constitué
une transition aisée
vers l’inclusion de
la population
Les identités
collectives et
individuelles
constituent des
composantes
naturelles de
la vie sociale
58
Les États sont des structures artificielles
dont les frontières ne représentent aucunement des espaces naturellement définis
pour des groupes ethniques, linguistiques et
religieux homogènes. La grande Bretagne,
la France et l’Espagne, pour ne citer que ces
trois États plus anciens que les États arabes,
abritent des populations hétérogènes. Leur
genèse en tant qu’États a coïncidé avec
le développement des institutions, de la
démocratie, de la participation populaire
et du respect de la diversité culturelle. Le
progrès politique et institutionnel a permis
à ces États de contrebalancer les tendances
séparatistes sans en garantir pour autant la
neutralisation. La majorité des États stables
ont dû affronter, à plusieurs reprises, le défi
de groupes qui cherchent à acquérir leur
autonomie locale ou à se détacher d’un
pouvoir central. Ce défi, avec ses conséquences évidentes sur la stabilité, la paix et
la sécurité à l’intérieur des frontières d’un
État donné, prend de plus en plus d’importance dans certains pays arabes.
La consolidation de l’État arabe n’a pas
pris en considération la profondeur et l’étroitesse des liens parentaux et ethniques entre
les communautés humaines constituant les
unités administratives des pays qui par la
suite sont devenus des États à part entière1.
Aussi les frontières de ces pays semblentelles souvent être des frontières artificielles
comprenant divers groupes ethniques,
religieux et linguistiques devenus des
minorités dans les États postcoloniaux. Le
projet d’homogénéisation des États arabes
n’a jamais constitué une transition aisée
vers l’inclusion de la population. Il a plutôt
conduit à l’émergence d’un courant nationaliste fort ayant pour objectif de masquer
la diversité de la population et d’assujettir
son hétérogénéité culturelle, linguistique et
religieuse à un seul et unique pouvoir. La
plupart des États arabes n’ont pas réussi à
introduire la gouvernance démocratique et
les institutions de représentation à même
d’assurer l’inclusion des populations, la
répartition équitable des richesses entre les
Rapport arabe sur le développement humain 2009
différents groupes ou encore le respect de
la diversité culturelle.
Les échecs politiques et économiques
des gouvernements ont poussé les groupes
identitaires dans certains États arabes à se
libérer de la captivité des États-nations dans
lesquels ils vivent. Le rejet de la légitimité
de cette forme d’États héritée et perpétuée par les pays arabes contemporains
s’était accompagné de conflits menaçant la
sécurité humaine. Certains États ont tenté
d’y remédier en imposant des contrôles
autoritaires. Toutefois, la suppression des
canaux à travers lesquels la population
participait et exprimait son opinion n’a
fait qu’accentuer davantage le rejet de ces
États par plusieurs communautés. Le vide
politique qui a résulté de cette situation a
été comblé par des groupes politiques et
religieux militants, dont certains ont pu se
forger une légitimité historique, grâce à la
mise en place de services sociaux jouissant,
auprès des populations, d’une crédibilité
dépassant parfois même celle du gou­ver­
nement auquel ils s’opposent.
Identité et diversité
Qu’elles fassent partie du conflit ou non,
les identités collectives et individuelles
constituent­ des composantes naturelles
de la vie sociale. En effet, toute personne
peut avoir des identités multiples. Un
Marocain peut être à la fois arabe ou
berbère, musulman ou juif, africain ou
méditerranéen, et membre de la famille
humaine. Un Soudanais peut être arabe ou
africain, musulman ou chrétien, et membre
de la famille humaine. Un Libanais, tout en
étant arabe dans tous les cas, peut être également maronite, chiite, sunnite ou druze,
et, encore une fois, membre de la famille
humaine. La perception que la personne
se fait de son identité est en réalité l’un
des facteurs qui aident à renforcer les liens
entre les hommes et à soutenir la sécurité
humaine. Plus une personne possède
d’identités multiples, plus confortable est
sa circulation entre les communautés auxquelles elle appartient, bien qu’elle n’ait
qu’une seule identité principale.
Certains chercheurs en sciences politiques affirment que ce ne sont pas les
traits hérités ou attribués qui comptent le
plus dans la définition d’un groupe donné,
mais plutôt ses bases construites, telles que
Encadré 3-1
son idéologie, ses affiliations politiques
ou les opinions intellectuelles qu’il forme
à travers l’interaction entre ses propres
membres, d’une part, et, de l’autre, entre
eux et leur environnement social.
Bahiya al-Hariri* – L’État puissant et équitable : conditions pour la sécurité humaine au Liban
Les Rapports sur le développement humain ont renouvelé
la vitalité intellectuelle dans le monde arabe, en jetant une
lumière sur plusieurs problèmes qui diffèrent d’un pays à
l’autre et dont souffrent les pays arabes, ainsi que sur d’autres
questions et thématiques telles que la liberté, la société du
savoir et la question de la femme.
Chaque sujet traité débouchait sur d’autres questions du
même ordre. Toutefois, l’accent a toujours été mis sur l’être
humain dans le monde arabe. Et si l’on devait déterminer un
seul trait distinctif et absolument objectif de ces rapports, on
aurait tout de suite fait ressortir l’adoption d’une approche
spécifiquement arabe en matière de développement ; sachant
que, dans leurs publications sur les droits de l’homme, sur
les obligations sociales, économiques, sanitaires et environnementales, les Nations Unies ont eu, jusque-là, l’habitude
de traiter de l’être humain d’une manière globale et générale.
Grâce à ces rapports, il est devenu possible de poser les
jalons d’un débat arabe sur les défis et les entraves d’une
renaissance arabe et de se rendre compte de l’importance
de la spécificité arabe. Cependant, on découvrira alors que
chaque pays arabe, au-delà des caractéristiques communes
à toutes les sociétés constitutives du monde arabe, possède
une spécificité qui lui est propre.
À partir de cette définition, il importe d’approcher différemment la situation de la sécurité humaine au Liban – dont
les citoyens ont vécu durant plus de trois décennies une série
d’expériences qui ont impacté de manière profonde l’infrastructure humaine et la conscience humaine individuelle et
sociétale.
Au cours des décennies où la population du Liban a subi
toutes sortes de menaces, la sécurité, au sens traditionnel et
moderne, s’est complètement effondrée. Ces menaces ont
affecté le droit à la vie, le droit à l’éducation ainsi que le droit
à la vie décente. Elles ont ciblé, par-dessus tout, les conditions essentielles de la vie digne, comme l’eau, l’électricité,
la liberté de mouvement, la liberté de croyance et la liberté
d’affiliation. Chaque individu s’est vu ciblé dans les composantes de sa personnalité, ses besoins et ses ambitions.
Ceci a conduit à l’effondrement de l’État, le garant naturel de
la sécurité dans ses formes les plus cruciales, telles que le
progrès et le développement. Ces derniers ne peuvent être
atteints que sur une base de stabilité qui assurerait la sécurité à tous les niveaux, une sécurité que seul un État capable,
équitable et protecteur pourrait assurer de façon optimale. Il
n’y a que ce type d’État hautement performant qui puisse vraiment garantir le cadre fondamental à la sécurité humaine et à
toutes ses composantes et dimensions. Toutefois, cet État ne
pourra voir le jour que si les individus sont libres de conclure
un contrat social définissant un cadre qui puisse leur garantir
liberté et stabilité, sachant que cet État ne pourra garantir ces
deux droits primordiaux que s’il réussit à les maintenir.
Le Liban qui a tenté de garantir la sécurité pour les individus, la société et l’État, n’a pas pu instaurer la sécurité et la
stabilité dans sa zone d’opération. À présent, les Libanais se
trouvent face à deux types de souvenirs : le premier, plein de
réminiscences de leur sécurité prise pour cible, et le second,
plus proche, empreint des efforts qu’ils ont fournis pour instaurer leur sécurité et stabilité et pour reconstruire leur État.
Quant à la réalité d’aujourd’hui, elle leur rappelle les assauts
contre leurs structures, leur humanité, leur liberté et leur État.
Durant la période de convalescence au début des années
1990, nous avons tenté d’oublier les tragédies vécues par les
Libanais sur les plans individuel et collectif en appelant à la
tolérance et à la réconciliation et en renforçant la sécurité
humaine pour chaque individu au Liban – et j’ai l’intime
conviction que chaque Libanais, homme, femme ou enfant,
peut rédiger une thèse sur les dangers qui ont menacé sa
sécurité, son humanité ainsi que sa conscience et sa liberté.
Malgré tout, dans l’espoir de vivre une renaissance et de
retrouver la liberté, la stabilité et le progrès, les Libanais ont
pu surmonter ces calamités. Ils ont dépassé l’adversité, repris
le cours normal de leur vie et fourni à l’humanité la preuve
exemplaire de la possibilité de retrouver la vitalité, reconstruire
l’État, réaliser la renaissance et la reprise de la vie politique,
économique et sociale. Le paradigme libanais peut constituer
un modèle Arabe de détermination sincère et de volonté
ambitieuse visant à la renaissance et au développement,
dépassant à pas de géant une réalité délabrée. Ceci exige de
partir d’un postulat qui représente le fondement nécessaire à
la compréhension de la sécurité humaine, la nécessité d’admettre que les Arabes sont des créatures humaines dotées
de toutes les composantes de leur humanité, avec tous leurs
potentiels et leurs besoins. Ainsi tout rapport avec l’homme
arabe fondé sur des systèmes de représentation préconçus
ou falsifiés sur ce qu’il est ou devrait être, ou sur ce qui lui
manque, serait une flagrante violation de son humanité. C’est
condamner d’avance cette humanité et ses potentiels que de
créer une image stéréotypée de ce qu’elle devrait être.
Ce phénomène risque d’être la cause principale de l’extrémisme, du fanatisme et du rejet d’une telle image. Nous
devons tirer des leçons de nos expériences avec ceux qui prétendent œuvrer pour le progrès et le développement dans nos
sociétés, alors qu’ils mènent souterrainement leurs combats
d’arrière-garde confirmant leur veulerie, comme ce fut le cas
dans les époques de tutelle et de mandat où furent forgés les
concepts coloniaux dont nous voyons aujourd’hui le retour,
sous de nouveaux aspects certes, mais à partir des mêmes
bases et de la même attitude outrancière envers nos sociétés
et l’homme en elles.
* Ministre de l’Éducation et de l’enseignement supérieur du Liban, 2008.
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
59
L’identité
n’est pas une
propriété fixe de
l’individu ou de la
communauté ; elle
constitue plutôt
un choix flexible
Le premier pas
vers la gestion
de la diversité
est d’adopter
et d’assurer
l’application
du concept de
citoyenneté par la
loi et la pratique
60
Il importe de souligner que l’identité
n’est pas une propriété fixe de l’individu
ou de la communauté ; elle constitue plutôt un choix flexible parmi tant d’autres.
Ce choix, qui peut varier selon les circonstances, exprime la volonté de l’individu ou
de la communauté ; et non une disposition
prédéterminée. La vision de « soi » que l’on
choisit parmi d’autres, qu’elle soit héritée
ou adoptée, détermine notre identité et
notre réaction dans une situation donnée.
Dans l’histoire de la pensée politique
occidentale, le concept de citoyenneté est
un concept normatif qui a contribué à la
gestion de la diversité ethnique, culturelle
et linguistique. L’évolution de ce concept a
été partie intégrante de l’essor de la démocratie et de la gouvernance démocratique
relative à l’émergence de l’État européen
moderne. Il existe aussi un débat essentiel
sur la question de la citoyenneté dans la
tradition européenne soulevé par T. H.
Marshall dans son recueil d’essais Class,
Citizenship and Social Development (Classe,
citoyenneté et développement social), où il
considère l’expérience européenne comme
étant l’expansion graduelle portant d’abord
sur les droits de la citoyenneté, passant
ensuite par les droits civils pour aboutir aux
droits politiques et sociaux2. Les citoyens
sont des porteurs de droits, égaux devant
la loi de l’État envers lequel ils ont des
obligations. La citoyenneté est donc la participation active ou passive des individus à
l’identité générale que ces droits et obligations universels leur confèrent. Quelles que
soient les identités qu’un individu ou un
groupe peut avoir, celle de la citoyenneté
demeure le dénominateur commun entre
tous les membres de la société.
Même dans les démocraties mûres,
le concept de citoyenneté est toujours
en phase de formation. Il évolue dans les
formes les plus éclairées pour inclure les
complexités des droits des minorités dans
les sociétés multiethniques et multiculturelles. Cette évolution représente une sorte
d’équilibre, éventuellement marqué de
tension, entre les droits de la majorité et
ceux des minorités dont les réclamations
n’auraient pu autrement être traitées sur
un pied d’égalité. Toutefois, les États arabes
ont toujours du mal à parfaire leur transition vers la bonne gouvernance et encore
moins vers une vraie démocratie ou vers le
raffinement d’une démocratie qui respecterait les droits des minorités. Le premier
Rapport arabe sur le développement humain 2009
pas vers la gestion de la diversité, franchi
déjà par quelques pays arabes, est d’adopter
et d’assurer l’application du concept de
citoyenneté par la loi et la pratique.
L’un des éléments clés dans le développement de la citoyenneté est de
comprendre qu’elle ne représente pas
uniquement une relation « verticale »
entre le citoyen et l’État, mais aussi une
relation « horizontale » entre les citoyens
eux-mêmes. Être « citoyen » signifie,
nécessairement, être concitoyen avec tout
ce que cela implique en terme de responsabilités, d’interactions et de consentements
relevant du « comportement civique » 3.
Inculquer cette vision de la citoyenneté
aux nouvelles générations devient alors
l’une des principales missions de l’éducation et de l’enseignement ; il importe
de ne pas la confondre avec l’inculcation
des notions rudimentaires et limitées du
patriotisme, mais plutôt de mettre l’accent
sur la transmission des valeurs civiques de
coopération, de coexistence et de bon voisinage. Ainsi quand les citoyens partagent
un haut niveau de conscience civique, la
résolution pacifique des conflits au niveau
local devient possible dans la majorité des
cas et sans l’intervention de l’État.
Les événements actuels qui ont lieu
dans les pays arabes montrent que les questions d’identité qui font surface dans les
conflits internes à des niveaux différents, et
qu’elles ne prennent pas une forme unique.
Dans certains cas par exemple, le point
central du conflit pourrait être l’identité,
tandis que le désaccord pourrait porter sur
l’identité nationale (la nation est-elle arabe
ou musulmane, ou bien y a-t-il une autre
identité qui serait plus prioritaire ?) Ainsi,
les parties en conflit n’appartiennent pas
forcément à des communautés de races ou
d’allégeances culturelles différentes, et leur
conflit ne porte pas nécessairement sur les
rapports de force entre ces communautés.
Le conflit serait plutôt en rapport avec la
divergence des visions politiques de l’entité
politique à laquelle ils appartiennent. Le
débat autour de l’identité dans certains
pays arabes entre l’État et des groupes
islamiques en est un exemple. Ce débat
concerne largement l’imposition d’une
identité politique particulière à ces États,
et non les identités héritées des parties
adverses qui n’appartiennent pas nécessairement à des groupes raciaux ou ethniques
différents.
Par ailleurs, les données recueillies corroborent le fait que, dans les États arabes,
les divergences ethniques, religieuses,
confessionnelles et linguistiques peuvent
être associées à des conflits inhérents entre
les groupes, surtout dans les pays où la
population n’est pas homogène. Dans des
pays tels que l’Irak, le Liban, la Somalie et
le Soudan, les allégeances ethniques, religieuses et tribales sont devenues les motifs
autour desquels les communautés se sont
mobilisées pour appeler à l’inclusion ou
à l’exclusion. Cette mobilisation a eu des
impacts destructifs et déstabilisants qui ont
affecté la sécurité humaine et l’intégrité
des États. D’une manière dramatique, ces
conflits ont donné lieu à un plus grand
nombre de dégâts humains dans les pays
arabes, dépassant celui enregistré par l’occupation étrangère.
Le point de vue adopté par ce Rapport
soutient que l’identité, en soi, n’est pas
nécessairement la cause d’un conflit et
encore moins la source principale de
tension entre les différents groupes. Les
conflits qui semblent découler de la question de l’identité, s’originent en fait dans
l’accès difficile au pouvoir politique ou à
la richesse, dans l’absence de canaux de
participation à la représentativité politique
et dans la répression de la diversité culturelle et linguistique. De la manière la plus
générale, de tels conflits sont dus à l’exploitation, par les leaders politiques, pour leurs
propres fins idéologiques, des liens fondamentaux reliant les groupes qui partagent
les sentiments d’exclusion, de privation
et de discrimination. Cette exploitation
qui donne la priorité à ce type de liens au
détriment des intérêts de la société devient
possible quand l’État ne parvient pas à
garantir tous les droits de citoyenneté pour
tout le monde. Conformément à ce critère,
les pratiques de bon nombre d’États arabes
s’avèrent décevantes.
2. La conformité aux conventions
internationales et régionales
et aux cadres constitutionnels
Les conventions internationales et
régionales
La majorité des pays arabes ont adhéré aux
principales conventions relatives aux droits
de l’homme. L’adhésion à ces conventions
et leur ratification impliquent l’engagement
des États arabes concernés à modifier leurs
législations et leurs comportements conformément aux règles de ces conventions.
Cependant, comme le souligne le RADH
2004, Vers la liberté dans le monde arabe,
ces États semblent se satisfaire de ratifier
certaines conventions internationales des
droits de l’homme sans reconnaître le rôle
joué par les mécanismes internationaux
dans la mise en œuvre de ces droits.
Sur le plan des conventions régionales,
et jusqu’à la mi-mai 2009, seuls dix pays
arabes ont ratifié la Charte arabe des droits
de l’homme – entrée en vigueur en 2008
– à savoir, l’Algérie, l’Arabie saoudite,
Bahreïn, les EAU, la Jordanie, la Libye,
Qatar, la Syrie, le TPO et le Yémen4. Cela
ne signifie pas que les États qui adhèrent à
ces conventions montrent nécessairement
plus de respect à ces droits que ceux qui
n’y ont pas adhéré. Mais l’adhésion à ces
Encadré 3-2
L’identité, en
soi, n’est pas
nécessairement la
cause d’un conflit
et encore moins la
source principale
de tension entre les
différents groupes
Les conflits
identitaires sont
dus à l’exploitation
par les leaders
politiques des liens
fondamentaux
La Charte arabe des chaînes satellite
Au moment où les voix dans le monde arabe s’élevaient pour réclamer
la liberté d’opinion et d’expression ainsi que la liberté de la presse et
des médias, et où proliféraient les cyberespaces – refuge principal des
chaînes indépendantes et privées pour la libre expression des idées et
l’échange sans censure d’informations et d’opinions –, les États arabes
se sont mis d’accord au début de 2008 pour supprimer cet exutoire par le
biais de la charte intitulée « Principes pour l’organisation de la diffusion
de la radio et de la télévision par satellite dans le monde arabe ». En dépit
de ses points positifs, cette charte vise, en réalité, à faire taire les voix
et à restreindre la marge de liberté disponible. La Charte est parue, par
stratagème, sous forme de « déclaration » et non de « convention » ou
« traité », d’une part pour éviter sa soumission aux parlements arabes
pour discussion et approbation, et d’autre part, parce que Qatar et le
Liban ont exprimé leurs réserves par rapport à ce document, qui ne peut
devenir traité ou convention, car ceci requiert une approbation unanime.
La Charte a été approuvée par les ministres de l’information arabes,
le 13 février 2008. Elle contient plusieurs clauses restrictives couvrant
toutes formes de programmations audiovisuelles émises par des chaînes
satellites, dans les domaines de l’art, de la politique, de la littérature et du
divertissement, en plus de l’imposition de pénalités pour toute infraction.
La charte stipule que les autorités dans chaque pays arabe doivent
donner leur consentement à la création des chaînes de télévision satellite
et à la retransmission de programmes produits par d’autres stations.
Toutefois, elle ne définit pas clairement les normes de ce consentement,
ce qui laisse libre cours aux gouvernements d’accorder les licences ou
non. Ceci représente une sorte de censure préalable sur le contenu des
informations à transmettre. Ces statuts sont en flagrante contradiction
avec l’article 32 de la Charte arabe des droits de l’homme qui garantit le
droit à l’information et à la liberté d’expression et qui est adoptée par le
Conseil des Ministres de la Ligue des États arabes en 2004. Elles violent
également l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques ratifié par plusieurs gouvernements de la région.
Source : L’Organisation arabe pour les droits de l’homme 2008.
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
61
Ce que
garantissent les
constitutions
arabes, les lois
arabes le limitent
conventions et leur ratification restent une
preuve formelle de l’acceptation par l’État
d’un degré de responsabilité vis-à-vis du
monde5.
Outre la question du nombre des pays
qui ont ratifié la Charte arabe des droits
de l’homme, il y a celle de savoir si ce
document est conséquent avec les normes
internationales. Parmi ses défauts, on note
son attitude par rapport à la peine de mort.
Bien que la Charte mentionne, dans sa version modifiée et adoptée par la Ligue des
États arabes (LEA) en 2004, le droit à la vie
(article 5) et le droit à la liberté (article 14),
elle permet de les limiter selon les règles de
la loi nationale. Plus précisément, la Charte
est la seule parmi les chartes régionales
et internationales, traitant de la peine de
mort, à ne pas interdire la peine capitale
pour les mineurs d’une manière absolue
(articles 6-7). On peut noter que, même
abolie par plus de la moitié des pays dans
le monde et condamnée par les Nations
Unies, la peine de mort demeure librement
appliquée dans plusieurs pays arabes sans
que ceux-ci la limitent aux crimes les plus
graves ou en excluant l’application aux cas
de crimes politiques.
Les constitutions arabes et les cadres
juridiques
Bon nombre de
constitutions
arabes délèguent
la définition
des droits aux
systèmes étatiques
62
La ratification des chartes et des conventions
internationales n’implique pas assurément
l’intégration de leurs dispositions dans les
constitutions et les lois. Et même quand
ceci arrive, comme l’indique le RADH
2004, Vers la liberté dans le monde arabe,
ce que garantissent les constitutions arabes,
les lois arabes le limitent. Et ce que ces lois
rendent légal, la pratique l’enfreint.
Le contenu des droits, la portée des
libertés et la protection stipulée par
chaque constitution arabe varient selon
la philosophie politique adoptée par
l’État (Mohamed Nour Farahat, en arabe,
do­cument de base pour le rapport). D’autre
part, ces constitutions divergent dans
leur défense des droits de l’homme entre
brièveté laconique et exposition détaillée.
Et bien qu’elles soient unanimes au sujet
du besoin de maintenir l’inviolabilité du
domicile et la liberté d’expression dans
toutes ses formes, certaines d’entre elles
ont manqué de défendre d’autres droits,
sinon ils les abordent de manière ambiguë.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Les constitutions des pays arabes
a­doptent très souvent des formules idéologiques ou doctrinales qui dénuent les
stipulations relatives aux droits et aux
libertés publiques de leurs contenus, et
qui permettent la violation des droits
individuels au nom de l’idéologie ou de la
confession officielle. Prenons l’exemple de
la constitution syrienne qui présente dans
son préambule le socialisme et le nationalisme arabe comme étant la seule voie de la
lutte nationale et proclame le rôle pionnier
du Parti socialiste arabe du Baath. L’article
38 de cette constitution subordonne la
liberté d’expression à l’idéologie de l’État
et de la société en la rendant conditionnelle à « ce qui garantit la conservation de
la structure nationale et nationaliste et la
consolidation du système socialiste ».
D’autres constitutions arabes traitent de
la liberté d’opinion et d’expression de façon
ambiguë, tendant à restreindre au lieu de
permettre. Par exemple, l’article 39 de la loi
fondamentale de l’Arabie saoudite stipule
que « les médias, les moyens de publication
et autres moyens d’expression… doivent
jouer un rôle dans l’éducation des masses
et le soutien de l’unité nationale. Tout ce
qui entraînerait la séparation et la discorde,
compromettrait la sécurité de l’État et son
image publique ou offenserait la dignité
et les droits de l’homme, est interdit. La
manière de faire sera expliquée par des
réglementations appropriées ».
Bon nombre de constitutions arabes
délèguent la définition des droits aux
systèmes étatiques. Ce faisant, elles se
donnent le droit de limiter les libertés et
d’empiéter sur les droits de l’individu, par
le biais de restrictions légales introduites
dans la loi ordinaire. En Irak, selon la nouvelle constitution, toutes les lois en vigueur,
y compris celles élaborées sous le règne de
Saddam Hussein, sont supposées prendre
effet jusqu’à ce qu’elles soient annulées ou
amendées (article 130). Par conséquent,
plusieurs lois très restrictives sont toujours
en vigueur. L’article 226 incrimine l’insulte
de n’importe quelle institution publique
ou officielle. Il est également considéré
comme crime, selon l’article 227, d’insulter publiquement un pays étranger ou
une organisation internationale ayant un
bureau en Irak6.
Il existe d’autres façons à travers lesquelles les constitutions arabes violent les
droits fondamentaux. Les constitutions
et lois dans les États arabes n’autorisent
pas en général la discrimination entre les
citoyens sur la base de la langue, la religion,
la doctrine ou la confession. Pourtant, la
discrimination à l’encontre des femmes est
bel et bien manifeste dans les lois de certains pays. Les lois de la majorité des États
arabes contiennent des discriminations à
l’égard des femmes par rapport au statut
de la famille, aux sanctions criminelles, à
Encadré 3-3
l’emploi et à la nationalité des enfants nés
de pères étrangers. Et au moment où les
femmes dans la plupart des pays arabes ont
acquis leurs droits politiques, les femmes en
Arabie saoudite ne jouissent toujours pas
du droit de vote. Il est à souligner é­ga­lement
que plusieurs États arabes ont souvent
introduit des réserves contre des dispositions en faveur de l’égalité des genres dans
le Pacte international sur les droits civils et
Radwan Ziyadeh* – L’État et les droits de l’homme dans le monde arabe
La relation de l’État arabe aux droits de l’homme est essentiellement problématique, du fait que le concept des droits
de l’homme, dans son sens légal, ne peut être conçu que
dans le cadre d’une confrontation avec l’État. Ce qui donne
à cette question un caractère complexe : comment l’État,
avec la totalité de ses institutions exécutives, législatives et
judiciaires, peut-il être à la fois responsable des violations
des droits de l’homme, et capable d’y mettre un terme ? C’est
là où l’on trouve les plus importantes zones de divergence
politique sur la question de l’État et des droits de l’homme.
L’État moderne s’est axé sur l’assujettissement du pouvoir à
un nombre de préceptes qui défendent les droits de l’homme
contre l’État lui-même. De là, les garanties principales et les
plus importantes des droits de l’homme résident dans le fait
que l’État est lui-même assujetti à la loi. Il s’agit donc d’une
condition essentielle pour parler d’un droit donné, car si l’État
n’est pas assujetti à la loi, il n’y aurait pas lieu de parler d’un
droit quel qu’il soit.
Ainsi, l’amélioration des conditions des droits de l’homme
dans un pays quelconque est tributaire du développement de
ses organisations juridiques et judiciaires et de la solidité de
ses institutions politiques et démocratiques.
Il en découle aussi qu’il n’est possible d’aborder
le sujet des droits de l’homme que dans un régime qui
adhère à des principes particuliers basés sur la séparation
des pouvoirs, l’autonomie du système judiciaire et une
constitution garantissant les libertés publiques, politiques et
constitutionnelles.
L’État arabe moderne a tiré ses aspirations du modèle
de la légitimité moderne, patriotique ou nationale. Mais en
réalité, l’exercice du pouvoir ne se base sur aucun fondement
clair et ce à cause du conflit entre les valeurs opposées et
l’incohérence entre désirs et aspirations. Les éléments de
pouvoir, d’appropriation et de renversement se sont, à travers
toute la région et à des échelles différentes, mêlés à des
éléments puisés dans la légitimité islamique, monarchique
ou tribale.
Il était donc naturel dans ces conditions que l’État arabe
réagisse délibérément pour assurer à la fois sa légitimité et
son régime. Pour ce faire il adopte les modèles occidentaux
modernes, en mettant l’accent sur la forme structurale des
institutions de l’État plutôt que sur le contenu fondamental
de leur rôle. Il a supposé que cet accent mis sur l’aspect
extérieur lui garantirait la reconnaissance et la légitimité
à l’échelle internationale plus que ne le ferait son intérêt
pour les questions des droits de l’homme à l’intérieur du
pays, alors que seuls ces droits sont à même d’accorder à
l’État la légitimité effective interne en tant qu’exécutant des
aspirations et des intérêts de la société
C’est pourquoi les concepts des droits de l’homme
restent secondaires dans l’État arabe moderne comparé
aux aspirations au progrès et au développement. Bien que
des dispositions constitutionnelles arabes concernant les
droits de l’homme et les libertés fondamentales existent,
elles diffèrent dans le niveau des garanties prévues pour ces
derniers et dans le champ d’application autorisé. Dans la
plupart des catégories de droits, ce sont les constitutions qui
donnent à l’État son rôle et sa justification. Ceci est valable
pour les droits civils et politiques, y compris les droits de
l’individu à l’égalité sans discrimination, à la vie, à la liberté
et à la sécurité de la personne, à la liberté de logement et de
mouvement, le droit d’avoir une nationalité et de ne pas en
être privé, les droits à la vie privée, à la propriété privée et à
l’égalité devant la loi, le droit au recours à la justice, à la liberté
de croyance et de pratique et aux libertés fondamentales
relatives à l’opinion, au rassemblement et à la participation
publique. L’État joue également un rôle dans les domaines
des droits économiques et sociaux.
La plupart des constitutions arabes ont suivi l’exemple
des droits politiques, civils, économiques, sociaux et
culturels garantis par les deux pactes internationaux
proclamés par l’Assemblée Générale des Nations Unies,
en 1966. Toutefois, tous ces droits, procurés à des degrés
différents par les constitutions arabes, sont abolis en cas
d’état d’urgence publique appliqué dans plus d’un pays
arabe. Ils sont également niés à cause de l’absence des
conventions légales garantissant le respect de la loi et de
ses institutions, lesquelles se consolident par les relations
politiques et sociales et qui sont enracinées dans la culture
et les comportements.
Les stipulations des constitutions s’estompent dans
la pratique à cause des restrictions légales et des mesures
exceptionnelles, et en l’absence des garanties de ces droits.
La situation est pareille par rapport aux chartes et aux
conventions internationales. Et il paraît dans la majorité des
cas, que les États arabes ont ratifié ces traités dans le dessein
d’améliorer leur image vis-à-vis de la société internationale
sans pour autant introduire les modifications nécessaires à
leurs législations nationales et sans que cette ratification n’ait
des résultats positifs tangibles sur le citoyen arabe.
*Activiste et chercheur syrien dans le domaine des droits de l’homme, fondateur du Centre de Damas pour les études des droits de l’homme.
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
63
Encadré 3-4
Sondage De La Sécurité Humaine – Jusqu’à quel point l’État
respecte-t-il vos droits fondamentaux ?
Dans quatre pays arabes – le Koweït, le Liban, le Maroc et le Territoire
palestinien occupé – on a demandé aux personnes interrogées de décrire
leur relation à l’État auquel ils appartiennent et à ses institutions. Leurs
réactions ont divergé quant à leur confiance dans les organisations
civiques, les assemblées représentatives et les conseils locaux. Ceux qui
mettent une grande confiance dans les institutions de l’État sont minoritaires dans les quatre pays ; la confiance de la majorité est limitée. Le
niveau de confiance le plus élevé a été enregistré au Koweït, suivi par le
TPO, le niveau le plus bas a été enregistré au Maroc puis au Liban. C’est
un résultat surprenant du fait qu’il reflète leur déception à l’égard des
institutions représentatives dans deux pays arabes qui ont traversé un
long chemin dans la procuration des libertés politiques aux citoyens. Par
ailleurs, et à l’exception du Koweït, les citoyens dans les trois autres pays
ont exprimé un niveau plus élevé de confiance dans les associations de
bienfaisance. Est-ce dû au fait que les institutions de l’État dans ces pays
ne procurent pas les libertés publiques ? Les réponses à cette question
par les quatre échantillons sont montrées dans le diagramme suivant :
Liban
TPO
Maroc
Koweït
Jusqu’à quel point l’État respecte-t-il vos droits fondamentaux ?
Justice équitable
Liberté d’organisation
Liberté d’expression
Liberté de croyance
Justice équitable
Liberté d’organisation
Liberté d’expression
Liberté de croyance
Justice équitable
Liberté d’organisation
Liberté d’expression
Liberté de croyance
Justice équitable
Liberté d’organisation
Liberté d’expression
Liberté de croyance
%
0
20
Dans une large mesure
40
60
80
100
Dans une certaine mesure
Les réactions des personnes interrogées dans les quatre pays divergent
similairement quant à l’évaluation du niveau des libertés publiques
dans leurs pays. Le pourcentage de ceux qui pensent que les libertés
de la croyance, de l’expression et du jugement équitable sont largement
accessibles est très élevé au Koweït. Les Koweïtiens pensent que le droit
syndical a peu d’importance dans leur pays, et qu’il est beaucoup moins
accessible que les autres droits. Les Libanais interrogés ont suivi les
Koweïtiens dans leur affirmation que ces droits-là leur sont accessibles :
pour une majorité (40 %) d’entre eux, les droits à la croyance, à l’expression et à l’organisation sont largement préservés au Liban, beaucoup plus
que leurs homologues au Maroc et au TPO. Exception faite de la liberté de
croyance au TPO – où 40 % de l’échantillon pensent qu’elle est garantie
dans une large mesure et 38 % trouvent qu’elle l’est jusqu’à un certain
niveau.
Une minorité d’interrogés inférieure au quart de l’échantillon, au
Maroc et au TPO, fait savoir que les libertés d’expression et d’organisation
sont préservées. Un faible pourcentage (inférieur au cinquième de l’échantillon), au TPO et au Liban et au dixième au Maroc estime que le droit au
jugement équitable est pratiqué dans ces pays, alors que la majorité
soutient le contraire.
64
Rapport arabe sur le développement humain 2009
politiques, le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels et
la Convention de 1979 sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination à
l’encontre des femmes, pour éviter, d’après
eux, tout conflit avec la charia islamique.
Néanmoins, un progrès significatif au
niveau des lois relatives au statut de la
famille dans trois pays maghrébins, à savoir
l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, est à saluer.
Ces pays ont parcouru un long chemin vers
la réalisation de l’égalité des sexes dans le
code de la famille.
Les pays arabes adoptent des positions
variables envers le droit à la création d’un
parti politique ou de le soutenir et la marge
de manœuvre de ces partis. Dans la région
arabe, six pays, l’Arabie saoudite, les EAU, le
Koweït, la Libye, Oman et Qatar continuent
de prohiber par principe la création de partis politiques. Bahreïn est le seul parmi les
six États du Golfe à procurer la liberté de la
création d’« associations politiques », tandis
que la majorité des pays arabes continuent
d’exercer des restrictions à degrés variables
sur la création de partis politiques et sur
leurs actions, surtout les partis d’opposition
dont les membres peuvent être victimes
d’actions répressives. Malgré cela, la marge
de la liberté politique connaît un progrès
considérable dans des pays tels que le Liban
et le Maroc. À l’exception de la Libye,
tous les pays arabes prônent le droit à la
création d’associations civiles. Mais dans
toute la région, les systèmes légaux et les
réglementations régissant et régulant le
secteur de la société civile comprennent
une multitude de mesures restrictives qui
entravent la mise en pratique de ce droit.
Les organisations de la société civile dans
les pays arabes font face à un nombre de
restrictions, d’obstacles et de pratiques
qu’on peut classer en trois catégories
principales. Premièrement, des restrictions
sur leur création et leur capacité d’opérer.
Deuxièmement, le pouvoir autoritaire
absolu de l’État pouvant dissoudre, suspendre ou résilier les associations ou
leurs directoires. Et troisièmement, les
restrictions très sévères sur leurs ressources
de financement, plus particulièrement
celles provenant de l’étranger et sur leur
affiliation à d’autres fédérations et réseaux
internationaux. Ces restrictions varient largement d’un pays à l’autre et d’une période
à l’autre. Mais en général, le contrôle
excessif de l’État et son empiétement sur
les fonctions des organisations de la société
civile demeurent les traits les plus dominants de la relation entre l’État et la société
civile dans la région arabe.
Le danger le plus sérieux qui menace
la sécurité du citoyen dans quelques pays
arabes est que, dans le contexte de la
lutte contre le terrorisme, l’État se donne
des prétextes pour violer les droits et les
libertés de l’individu sans avoir recours à la
loi. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité des
Nations Unies a adopté la résolution 1373
qui invite tous les pays membres à coopérer pour prévenir et réprimer les actes
terroristes et pour modifier leurs législations et mettre en pratique les conventions
internationales relatives à la lutte contre le
terrorisme. La résolution réclame de ces
pays que « ces actes de terrorisme soient
érigés en crimes graves dans la législation et
la réglementation nationales et que la peine
infligée soit à la mesure de la gravité de
ces actes ». Cette résolution, adoptée sous
le chapitre VII de la Charte des Nations
Unies, n’a pas donné une définition au
terme « terrorisme ». Il importe dans ce
contexte de noter que selon le pacte international sur les droits civils et politiques,
même en état d’urgence, nulle dérogation
n’est permise concernant le droit à la vie,
la prohibition de la torture, la prohibition
de la condamnation d’un individu en raison
d’actes ou d’omissions qui, au moment où
ils ont été commis ne constituaient pas une
infraction, le droit à la reconnaissance en
tant qu’individu devant la loi, et la liberté
de pensée, de conscience et de religion.
Cependant, la plupart des États
arabes ont adopté des lois antiterroristes
en employant des définitions vagues et
imprécises du concept de « terrorisme » et
en donnant aux corps gouvernementaux
de larges prérogatives pour remédier aux
crimes du terrorisme, ce qui constitue un
danger pour les libertés fondamentales.
De telles lois permettent la détention
avant jugement pour des durées indéterminées, élargissent la marge d’application
de la peine de mort, menacent la liberté
d’expression, étendent le pouvoir de la
police à perquisitionner les propriétés,
à espionner les appels téléphoniques et à
intercepter tout type de communication.
Dans certains cas, ces lois augmentent le
recours aux tribunaux militaires. En général, les lois antiterroristes ont manqué dans
la majorité des pays arabes à l’instauration
de l’équilibre escompté entre la sécurité de
la société d’une part, et la préservation des
droits et des libertés individuelles d’autre
part.
La revue des rapports des organisations
internationales et régionales des droits de
l’homme (l’Organisation arabe des droits
de l’homme, Amnesty International et
Human Rights Watch) révèle des violations
de l’obligation de défendre les droits de
l’homme commises par des pays ayant
ratifié les conventions internationales en
question et ayant intégré des dispositions
sur le respect de ces droits dans leurs
constitutions, ainsi que par des pays qui
n’ont pas ratifié ces conventions.
Nous considérons ci-après des indicateurs relatifs aux pratiques des pays arabes
sans reprendre les détails évoqués par le
RADH 2004 qui traitait de la liberté.
Les états d’urgence
et les droits de l’homme
Beaucoup d’États arabes ont connu des
périodes exceptionnellement longues de
lois martiales ou d’états d’urgence transformant les mesures provisoires en une manière
permanente de mener la vie politique.
L’état d’urgence donne au gouvernement
le pouvoir de suspendre la validité de certaines clauses constitutionnelles et légales
relatives aux droits de l’homme confor­
mément au Pacte international sur les droits
civils et politiques. Toutefois, certains de
ces droits – tels que la liberté de croyance,
la prohibition de la torture et la nonrétroactivité des lois – doivent continuer
Tableau 3-1
Les pays arabes où un
état d’urgence était encore en vigueur en 2008
État
Année de déclaration
de l’état d’urgence
TPO
Soudan
2007
2005 (dans la région du
Darfour) étendu à l’ensemble
du pays en mai 2008
Irak
2004
Algérie
1992
Égypte
1981
Syrie
1963
Source : OADH 2008 (en arabe).
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
65
Tableau 3-2
Les détenus politiques dans cinq pays arabes, 2005 et 2007
Pays
Nombre des détenus
politiques 2005
Nombre des détenus
politiques 2007
Irak
26 000
(réduit à 14 000)
24 661
Égypte
10 000
--
Liban
--
5 870
TPO
9 000
11 000
Yémen
1 000
--
Source : OADH 2008 (en arabe).
Certains États
arabes tendent
à déclarer de
longues périodes
d’états d’urgences
sans qu’il y ait de
véritables raisons
pour leur maintien
à être respectées. Un état d’urgence est
également supposé être temporaire et doit
être imposé uniquement en cas de danger
pour l’indépendance de l’État, son intégrité
territoriale ou le fonctionnement normal
de ses institutions constitutionnelles. Mais
certains États arabes tendent à déclarer de
longues périodes d’états d’urgences sans
qu’il y ait de véritables raisons pour leur
maintien. Ils sont souvent et simplement
des prétextes pour suspendre les droits
fondamentaux et pour exempter les chefs
d’États de la moindre limitation constitutionnelle. D’après l’Organisation arabe
des droits de l’homme (OADH), l’état
d’urgence déclaré depuis plus ou moins
longtemps était encore en vigueur dans six
pays arabes en 2008.
La violation du droit à la vie à travers
la torture et la maltraitance
Les dangers
menaçant
l’autonomie
judiciaire ne
proviennent pas
des constitutions
mais du pouvoir
exécutif
66
Cette violation implique l’État directement
dans la mesure où elle est généralement
perpétrée à l’intérieur des établissements
de l’État et par ses agents publics. Dans le
rapport précité de 2008, l’OADH cite des
exemples de la violation du droit à la vie
dans huit pays arabes : l’Arabie saoudite,
l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le
Maroc, la Syrie et le TPO, 7. Les rapports
du Haut-commissariat des Nations Unies
pour les droits de l’homme (HCDH) indiquent que des cas de torture ont eu lieu en
Algérie, à Bahreïn, au Maroc et en Tunisie.
Le Commissariat s’est appuyé à cet égard
sur les rapports des organisations régionales
et internationales des droits de l’homme8.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
La détention illégale et la violation
du droit à la liberté
La violation du droit à la liberté est une
pratique encore plus répandue dans les pays
arabes. Elle est perpétrée dans plusieurs
États et le nombre des victimes atteint des
milliers dans certains cas. La prépondérance
de cette pratique dans certains États est liée
à ce qu’on appelle « la guerre contre le terrorisme ». Cependant, les victimes de cette
pratique dans la plupart des autres pays
sont des membres de l’opposition politique.
Le rapport de l’OADH nomme 11 États
ayant limité les libertés des citoyens par
des détentions extrajudiciaires : l’Arabie
saoudite, Bahreïn, l’Égypte, la Jordanie, le
Liban, la Libye, la Mauritanie, le Soudan,
la Syrie, la Tunisie et le Yémen. Bien qu’il
n’existe pas de statistiques officielles sur
le nombre des détenus dans ces pays, le
nombre fourni par le rapport de l’OADH­
donne une idée sur l’ampleur de cette
violation. Selon le rapport, le nombre des
détenus dépasse parfois les dix mille. Le
rapport de l’OADH­­ de 2008 indique que
les autorités concernées dans certains États
arabes ont commencé à relâcher quelques
détenus9.
L’autonomie de la justice – L’écart
entre le texte et la pratique
Les dangers menaçant l’autonomie judiciaire ne proviennent pas des constitutions
qui, en général, prônent ce principe, mais
du pouvoir exécutif. Tous les systèmes judiciaires arabes souffrent, d’une manière ou
d’une autre, d’atteintes à leur autonomie
dues à la domination du pouvoir exécutif
sur les pouvoirs législatif et judiciaire. Parmi
les résultats de ces pratiques l’écart considérable entre les textes constitutionnels
d’une part et la pratique d’autre part. Les
réglementations ne sont pas u­ni­quement
stipulées et mises en œuvre au nom du chef
de l’État, mais on lui a également confié la
présidence des organes chargés de la supervision et du contrôle de la justice. Inutile
de rappeler les prérogatives du pouvoir
exécutif pour nommer les magistrats, leur
accorder des promotions, les charger de
missions extracurriculaires, les contrôler et
les discipliner.
Par ailleurs, dans plusieurs pays arabes, la
violation la plus importante de l’autonomie
institutionnelle du pouvoir judiciaire est la
présence de plusieurs formes de juridiction extraordinaire avec tout ce que cela
implique en terme de violation de la protection juridique des droits des individus
dans des tribunaux non indépendants, surtout dans le domaine pénal. Les formes les
plus connues de juridiction extraordinaire
– tribunaux militaires et Cours de sûreté
de l’État – représentent une négation du
concept naturel de la justice et une réduction des garanties du jugement équitable.
Les tribunaux militaires, dont les
compé­tences s’étendent dans quelques
pays arabes au jugement des civils pour des
crimes politiques en particulier, sont soutenus par la loi ordinaire. L’exemple le plus
clair en est la Loi n° 25/1966 en Égypte
dont l’article 6 étend les compétences de la
justice militaire, surtout en état d’urgence,
en lui permettant de statuer dans n’importe
quel crime stipulé par le code pénal que le
président de la république lui transférerait.
Mais le plus important est que la très large
portée de prérogatives dont jouit la juridiction militaire est confirmée explicitement
par les constitutions arabes.
Les autres formes de juridiction extraordinaire qui sont très répandues dans
bon nombre de pays arabes, à savoir les
Cours de sûreté de l’État, manquent des
garanties du droit au jugement équitable.
En Jordanie, les tribunaux spéciaux pour
la sécurité de l’État ont été constitués par
la Loi n° 17/1959 et ses amendements et
ont été dotés des prérogatives nécessaires
pour statuer dans certains crimes dont ceux
contre la sécurité intérieure et extérieure
de l’État et les crimes de drogue. En Syrie,
le décret législatif n° 47 du 28 mars 1968
approuve la création de la Cour suprême
pour la sécurité de l’État. Le premier
article du décret, paragraphe (a), stipule
que « ces tribunaux mènent leurs fonctions
par ordre du gouverneur militaire », alors
que l’article 7, paragraphe (a), décrète que
« les tribunaux de la sécurité de l’État ne
sont pas limités par les réglementations
procédurales stipulées par les législations
en vigueur à n’importe quelle phase et procédure de la poursuite, de l’investigation ou
du jugement ».
Dans certains pays arabes, les juges ont
lutté pour instaurer le principe de l’autonomie judiciaire. Il importe à cet égard
de saluer les réformes qui ont eu lieu en
Algérie notamment après la réforme juridique de 2006 qui a imposé que la majorité
des membres du Conseil Supérieur de la
Magistrature soit accordée à des magistrats
élus (Mohamed Nour Farahat, en arabe,
document de base pour le rapport).
Taux d’homicides volontaires (pour 100 000 de la population)
dans les régions du monde, 2002
Figure 3-1
Proche et Moyen-Orient
et Sud-ouest de l’Asie
Afrique du Nord
Europe orientale et centrale
Océanie
Europe sud-orientale
Asie du Sud
Amérique du Nord
Afrique de l’Est
Asie centrale et pays
transcaucasiens
Europe de l’Est
Amérique centrale
Asie du Sud et
du Sud-est
Amérique du Sud
Afrique centrale, du
Sud et de l’Ouest
Caraïbes
0
5
10
15
20
25
30
Source : ONUDC 2005.
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
67
3. Le monopole de l’État
sur l’usage de la force
et de la coercition
Quand des
groupes non
étatiques prennent
le contrôle des
moyens de force,
il en résulte à
peine de quoi
servir la sécurité
des populations
Encadré 3-5
Il est de notoriété publique que la sécurité
humaine est renforcée quand seul l’État
détient les moyens de force et de coercition
et les utilise pour préserver les droits des
individus, qu’ils soient citoyens ou non, et
pour défendre ces droits. Mais quand des
groupes non étatiques prennent le contrôle
des moyens de force, il en résulte à peine
de quoi servir la sécurité des populations10.
Certains pays arabes ont dû faire face
à ce problème durant les deux dernières
décennies. En plus du Soudan, de l’Irak,
du Liban et de la Somalie qui ont été pris
dans des guerres civiles où des slogans
identitaires se sont élevés, d’autres pays
arabes ont affronté les défis de la rébellion
armée menée par une tranche de citoyens.
Mais quand la question de l’identité fut
évoquée dans ces cas de rébellion, il était
question de l’identité politique de l’État
beaucoup plus que de la réclamation des
droits d’un groupe particulier. Les autorités
de l’État ont prouvé dans certains pays leur
incapacité à imposer la sécurité dans leur
lutte contre la rébellion armée, comme ce
fut le cas dans quelques pays arabes dans
les années 1990. Aussi des États arabes se
sont-ils engagés dans des guerres secondaires contre des groupes rebelles durant
les dernières années, tandis que d’autres
ont plus ou moins pâti d’une violence
armée à laquelle ont participé certains de
leurs citoyens et d’autres appartenant à
d’autres pays arabes.
L’une des principales questions sur
la sécurité humaine dans les pays arabes
relève de la relation des États avec les mouvements politiques islamiques. Les États
justifient souvent leurs atteintes aux droits
politiques et civils par les dangers que
pourraient représenter ces mouvements.
Alors que la stratégie la plus prometteuse
pour préserver la stabilité et la sécurité des
citoyens serait d’intégrer les mouvements
pacifiques dans le cadre de l’activité politique légitime11.
Il est clair que la capacité de l’État
à instaurer la sécurité sur ses territoires
La domination du pouvoir exécutif aux prises avec la réforme dans le secteur de la sécurité
Comme c’est le cas dans de nombreux véritables systèmes
démocratiques, les chefs des États arabes sont définis institutionnellement comme étant les commandants suprêmes des
forces armées nationales. Seulement, la différence principale
dans la région arabe consiste en l’absence de tout contrepoids pouvant responsabiliser le chef suprême.
Les parlements arabes ne jouissent d’aucun contrôle
effectif sur le secteur de la sécurité. En effet, les parlements
arabes se sont habitués à traiter les questions de sécurité
et de défense en tant que tabous. Les conseils législatifs
n’ont souvent pas de mandat constitutionnel leur permettant d’interroger le chef exécutif sur ces questions ou de lui
demander de fournir un rapport général sur le budget de la
défense (encore moins des détails sur les dépenses et les
acquisitions). Même les très rares parlements autorisés par
la constitution à contrôler les budgets, comme il est le cas
au Koweït, au Liban, en Égypte, au Maroc et au Yémen, préfèrent ne pas exercer cette autorité. Dans les pays arabes qui
manquent complètement de conseils législatifs, rares sont les
régulateurs publics, et l’exécutif y possède le pouvoir ultime
de mettre en place les politiques, les plans opérationnels et
les budgets.
Le pouvoir exécutif a prouvé son efficacité dans l’anticipation des séances d’audit au parlement ou dans leur
détournement même si cela lui est nominativement permis.
Le Koweït est un cas considérable mais unique à cet égard.
Les ministres de la défense et de l’intérieur sont interrogés
par le Conseil de la Umma, alors que le Comité des affaires de
l’intérieur et de la défense interroge les ministres et les plus
grands responsables dans les organes de sécurité, y compris
les responsables des services secrets, et des rapports annuels
continuent d’être publiés depuis 2002 sur l’état des droits de
l’homme.
Le contrôle exclusif du pouvoir exécutif sur le secteur de la
sécurité a eu des conséquences problématiques sur la capacité de ce dernier et a conduit à l’absence du bon planning
budgétaire, de l’audit fiscal et de la transparence. De plus,
malgré l’absence du contrôle parlementaire effectif, les pouvoirs exécutifs dans bon nombre de pays arabes ont porté les
questions de sécurité loin du débat public, et ce en instituant
des conseils de sécurité nationale responsables uniquement
devant le chef d’État.
La prolifération des organes de sécurité a été na­tu­rel­
lement accompagnée d’une inflation remarquable au niveau
du nombre de personnel, d’une différentiation médiocre entre
les divers services, d’une duplication des rôles, d’un refus
structurel de la coordination entre les services et de bulletins
de paie gonflés. Ces facteurs mènent à l’inefficacité au niveau
de la performance et à l’inefficience financière. Tout cela
aboutit à une dégression sévère du niveau des capacités du
secteur de la sécurité dans toute la région.
Source : Sayigh 2007.
68
Rapport arabe sur le développement humain 2009
est l’aboutissement de plusieurs facteurs
qui ne dépendent pas uniquement des
moyens matériels et organisationnels tels
que l’ampleur des forces de la police et des
forces armées et la qualité des armes et de
l’entraînement. Aucun État, aussi grand et
bien armé qu’il puisse être, ne peut garantir
la sécurité absolue sur ses territoires. L’État
peut imposer sa volonté par la force pour
une courte durée, mais celui qui préserve
les droits de ses citoyens et qui est perçu
comme étant légitime, digne de confiance
et ouvert à la participation au pouvoir,
aurait plus de chances à prévaloir.
Quoique les citoyens de certains pays
arabes soient dépourvus de leurs libertés,
notamment celles de l’expression et de la
représentativité, et malgré l’usage de la violence par l’État contre ses citoyens, il existe
des pays qui garantissent la protection
contre le crime à un degré plus élevé que
celui enregistré dans d’autre pays en voie
de développement. À l’exception des cas
d’occupation étrangère et de guerre civile,
la fréquence des crimes conventionnels est
relativement basse dans les pays arabes.
L’indicateur le plus utile dans la compa­
rai­son des pays arabes aux pays d’autres
régions est le taux des homicides. Les
données, ci-après, fournies par L’Office des
Nations Unies contre la drogue et le crime
(ONUDC) comparent plusieurs régions du
monde par le biais de cet indicateur12.
Selon ces données, les taux les plus
bas des homicides dans le monde sont
enregistrés dans les pays arabes. Il faut
dire que ces statistiques remontent à l’an
2002, c’est-à-dire avant l’invasion de l’Irak
et l’intensification du conflit au Soudan et
à Gaza. Et pourtant, ces pays, présentés
dans la figure 3-1 en tant que deux sousrégions (l’Afrique du Nord et le Proche et
Moyen-Orient/le sud-ouest de l’Asie, qui
comprend aussi Israël, l’Iran et la Turquie),
ne marquent pas les taux d’homicides
les plus bas enregistrés par la police dans
l’ensemble des régions du Sud seulement,
mais aussi dans tous les pays du monde,
développés et en voie de développement.
4. Les contrôles institutionnels
pour la prévention des abus
de pouvoir
Les forces de la sécurité et les forces armées
qui ne sont pas soumises au contrôle public
Figure 3-2
L’État de droit – Les pays arabes comparés à d’autres
régions, 1998 et 2007
OCDE
Caraïbes
Asie de l’Est
Europe de l’Est
et pays Baltes
Amérique latine
Pays arabes
Afrique sub-saharienne
-2
-1,5
2007
-1
-0,5
0
0,5
1
1,5
2
1998
Source : Calculs du PNUD/RDHA basés sur les données de la Banque mondiale 2008.
Note : Le taux de l’indicateur de l’État de droit varie entre -2,5 et 2,5 ; le plus haut est le
meilleur. Il s’agit d’un indicateur subjectif regroupé de sources variées et de différentes
perceptions des concepts suivants : l’impartialité juridique et le respect populaire de la loi.
représentent un sérieux danger pour la
sécurité humaine, c’est ce dont témoigne
l’expérience de plusieurs États arabes.
La majorité des gouvernements arabes
dé­tiennent des pouvoirs absolus qu’ils préservent en laissant aux systèmes de sécurité
des marges de manœuvre plus élargies, au
détriment des libertés des citoyens et de
leurs droits fondamentaux. Ces violations
sont enregistrées par les organisations
locales, régionales et internationales pour
les droits de l’homme et par les bureaux
des Nations Unies qui suivent ces questions – quand les gouvernements arabes le
permettent13.
Les agences de sécurité arabes opèrent
avec impunité car elles sont instrumentalisées par le chef de l’État et travaillent
directement pour le compte de celui-ci.
Leur énorme pouvoir est renforcé par
l’interférence du pouvoir exécutif dans
l’autonomie de la justice, par l’autorité
qu’exerce le parti au pouvoir, dans la plu­
part des pays, sur le pouvoir législatif et en
muselant les médias. Dans de telles circonstances, la censure législative et populaire
perd son poids.
En réalité l’absence de contrôle varie
d’un État à l’autre : en Égypte, les magistrats
ont réussi à acquitter plusieurs de ceux qui
ont été accusés d’actes terroristes par des
organes de sécurité et les parlementaires
égyptiens ont demandé au ministère de
l’Intérieur des informations sur le nombre
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
Les forces de la
sécurité et les
forces armées
qui ne sont pas
soumises au
contrôle public
représentent un
sérieux danger
pour la sécurité
humaine
Les agences de
sécurité arabes
opèrent avec
impunité
69
La situation au
Darfour continue
d’être caractérisée
par les violations
systématiques, et
sur une grande
échelle, des droits
de l’homme
70
des détenus et les conditions de leur détention. Le gouvernement marocain, quant à
lui, a présenté ses excuses au peuple marocain pour la violation de l’État des droits de
l’homme durant les trois dernières décennies du xxe siècle et le roi Mohammed VI
a révoqué le premier ministre dont le nom
est associé à ces actes. De plus, dans certains
pays arabes, les facultés de police ont intégré la culture des droits de l’homme dans
leurs cursus et les autorités se sont chargées
d’organiser des cycles de formation pour les
inspecteurs de police à ce sujet14. Mais tout
cela ne représente qu’une petite fissure au
niveau de la muraille solide qui protège
les forces de sécurité dans presque tous les
pays arabes.
L’évaluation de la performance des pays
arabes sur la base des normes précédentes
confirme que la relation entre l’État et la
sécurité humaine est une relation ambiguë.
Au moment où l’État est supposé garantir
les droits de l’homme, il représente dans
plusieurs pays arabes une source de danger
sapant et les conventions internationales
et les clauses des constitutions nationales.
Ainsi, l’instauration de l’État de droit et de
la bonne gouvernance dans les pays arabes
reste une condition sine qua non de la fondation de l’État légitime, qui est censé après
tout prendre en charge la protection de la
vie et des libertés humaines et de limiter
toutes les formes de coercition incontrôlée
et de discrimination. En attendant que
ce développement se réalise, les citoyens
devront continuer à souffrir de toutes
sortes d’exclusion et d’insécurité politique
indiquées dans la figure 3-2.
La crise du Darfour : exemple
tragique de l’échec de l’État
Le conflit actuel au Darfour est sans
doute l’un des plus sérieux dans la région.
L’ampleur de cette crise humaine, à laquelle
ont contribué les politiques précédentes du
gouvernement soudanais et ses approches
actuelles dans le traitement des événements, fournit l’exemple parfait du rôle
de l’État dans l’aggravation de l’insécurité
humaine. Même si l’État soudanais menace
la sécurité des citoyens dans d’autres
régions du pays, son rôle au Darfour reste
l’exemple le plus marquant de l’échec de
l’État selon les normes du comportement
de l’État citées dans ce rapport (le Tribunal
Rapport arabe sur le développement humain 2009
pénal a émis un mandat d’arrêt, le 4 mars
2009, contre le président soudanais Omar
el-Bachir pour crimes de guerre et crimes
contre l’humanité au Darfour).
Dans son rapport présenté au Secrétaire
général des Nations Unies en janvier 2005,
la Commission d’enquête internationale
sur le Darfour a indiqué que les forces du
gouvernement ainsi que les milices alliées
ont commis des crimes de guerre et des
crimes contre l’humanité sur une grande
échelle, à savoir les meurtres, la torture, les
viols collectifs, les exécutions sommaires et
les détentions arbitraires15. La commission
a considéré que, techniquement et juridiquement, le terme « génocide » n’était pas
applicable vu l’absence de l’élément de
l’intention génocidaire. Cependant, elle a
confirmé que les violations massives des
droits de l’homme et de la loi humanitaire
qui « ne sont sans aucun doute ni moins
graves, ni moins abominables que le crime
de génocide » 16, continuaient d’être perpétrées. La Commission a également établi
que les milices Janjaweed opéraient aux
côtés des forces armées du gouvernement
avec l’appui de celles-ci.
La situation au Darfour continue
d’être caractérisée par les violations systématiques, et sur une grande échelle, des
droits de l’homme et du droit international
humain. Le combat entre les forces du
gouvernement soudanais, les parties signataires et non-signataires de l’accord de paix
du Darfour de 2006, et d’autres groupes
a occasionné des dégâts humains parmi
les civils, des vastes destructions de propriétés civiles, telles les habitations et les
marchés, la perte des sources de survie et
les déplacements massifs des populations
affectées. De plus, l’insécurité croissante
affecte négativement l’espace humanitaire
et la sécurité de la population civile. Sur
tout le territoire du Darfour, les actes de
violence et les abus sexuels à l’encontre
des femmes et des enfants continuent à
être commis par des agents de l’État ou
par d’autres parties privées comme les
groupes criminels et les bandits. Tout cela
se déroule dans des conditions d’impunité,
puisque l’État néglige d’investiguer et de
punir et poursuivre en justice les auteurs
de ces violations des droits de l’homme17.
L’État a, certes, pris des mesures de prévention et de protection de la population
civile contre les attaques, mais les rapports
affirment que la population civile est
toujours exposée à une série de dangers. En
juillet 2008, 4,27 millions de gens affectés, selon les sources des Nations Unies18,
avaient besoin d’assistance, 2,5 millions
d’entre eux ont été déplacés à l’intérieur
du Darfour et 250 000 se sont réfugiés aux
Tchad. Et les bouleversements affectant des
milliers de civils continuent. 150 000 civils
ont été déplacés dans les 4 premiers mois
de 2008 et 780 000 depuis la signature de
l’accord de paix du Darfour de 200619.
Échec à gagner l’acceptation
de tous les citoyens
Le conflit du Darfour est souvent décrit
comme étant un affrontement entre les
Africains « arabes » et « non arabes »,
néanmoins ce sont les manières à travers
lesquelles les mouvements rebelles, et en
premier lieu le gouvernement soudanais,
ont manipulé les tensions ethniques qui
ont servi à polariser la population du
Darfour sur des bases ethniques. Ces tensions créent des alliances instables entre
le gouvernement, les tribus arabes et non
arabes et les groupes rebelles, et nourrissent
les conflits entre les communautés arabes
et les groupes rebelles en compétition.
Human Rights Watch indique dans son
rapport « Darfour 2007 : Chaos délibéré »
20
le rôle de l’État dans l’alimentation du
chaos et, dans certaines zones, son exploitation des tensions intercommunales sur la
base du principe de « diviser pour régner »
pour maintenir la domination militaire
et politique sur le Darfour. Le rapport de
ladite organisation montre que les institutions de l’État n’ont pas réussi à protéger
la population assiégée du Darfour, mais
se sont plutôt transformées en des outils
d’exécution des politiques répressives.
Échec à préserver le droit
de la population du Darfour
à la vie et à la sécurité
Dans sa résolution 9/17 du 18 septembre
2008, le Conseil des droits de l’homme des
Nations Unies a insisté sur « la responsabilité
première qui incombe au Gouvernement
soudanais de protéger tous les citoyens,
y compris les groupes vulnérables »21. Le
gouvernement a, certes, pris quelques
mesures, mais les rapports certifient que
la majorité de la population du Darfour
n’est pas protégée. L’État au Soudan n’a
pas seulement échoué à assumer sa principale responsabilité de garantir la vie et
la sécurité à ses citoyens au Darfour, mais
les forces aériennes et les forces au sol du
gouvernement ont é­ga­lement mené répétitivement des attaques hasardeuses dans
des zones d’activité des rebelles, faisant de
nombreux morts et blessés civils22.
Absence de la protection des civils : Des
sources des Nations Unies indiquent que
de janvier à juillet 2008, des villages civils,
plus précisément à l’ouest et au nord du
Darfour, ont été victimes de bombardements aériens23. Les attaques ont causé des
morts ; le pillage et la destruction de propriétés civiles sur une grande échelle, dont
des centaines d’habitations ; le vol et la
mort d’une très grande quantité de bétail ;
ainsi que le déplacement de milliers de personnes. Les couloirs nord-ouest du Darfour
ont été le théâtre d’une vaste opération
militaire engagée par le gouvernement et
à laquelle ont participé les milices armées
et les forces armées du Soudan (SAF)
avec le soutien des attaques aériennes,
pour regagner le contrôle sur les zones
qui ont été saisies par les groupes armés
du Mouvement pour la justice et l’égalité
du Soudan (JEM). Au cours de cette opération, le gouvernement n’a pas distingué
les civils des combattants des groupes
armés. Aux mois d’avril et de mai 2008, au
nord du Darfour, dix villages civils et des
champs cultivés ont été victimes de bombardements aériens, ce qui a constitué une
violation du principe de la distinction entre
les cibles civiles et les cibles militaires.
4,27 millions de la
population civile
avaient besoin
d’assistance
au Darfour en
Juillet 2008
Les mouvements
rebelles, et en
premier lieu le
gouvernement
soudanais, ont
manipulé les
tensions ethniques
Faible réaction de la police soudanaise24 :
L’échec systématique du gouvernement
soudanais à remédier à ces abus est reflété
par son indisposition à doter la police du
Darfour du minimum de compétences.
L’État a manqué d’investir dans ses
propres forces de police et encore moins
de désarmer les Janjaweed ou de protéger la population des viols, des vols et
d’autres crimes. Certains membres de la
police commettent eux-mêmes ce genre
de crimes avec impunité. Ainsi, les forces
des milices, qui ont soumis le Darfour à
la violence, restent actives et incontestées.
Certains miliciens ont même été intégrés
dans les forces de la défense civile, comme
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
71
la force centrale de la police de réserve qui
se charge de la protection des déplacés et
des autres civils.
Échec à se conformer
aux conventions internationales
des droits de l’homme
Les violations du
droit au jugement
équitable sont
largement
répandues
Des individus sont
souvent arrêtés
et séquestrés
secrètement dans
des « maisons
fantômes »
72
Dans sa résolution 9/17 du 24 septembre
2008, le Conseil des droits de l’homme
des Nations Unies, « exprime sa vive préoccupation devant les violations graves du
droit de l’homme et du droit international
humanitaire au Darfour »25.
Exécutions sommaires, détentions arbitraires, disparitions, torture : D’après des
sources des Nations Unies, les systèmes
de sécurité du gouvernement continuent
de perpétrer des violations des droits de
l’homme, dont les arrestations arbitraires,
les détentions arbitraires, la torture et la
maltraitance des détenus26. Parmi les individus ciblés, des leaders de communautés
locales et des gens soupçonnés d’avoir des
liens avec les mouvements rebelles. Les violations du droit au jugement équitable sont
largement répandues. Des individus sont
souvent arrêtés et séquestrés secrètement
pour de longues périodes par le système
des Services de renseignement et de sécurité national du Soudan (NISS), souvent
dans des centres de détention non officiels
connus sous le nom de « maisons fantômes ». Les détenus y sont généralement
internés sans inculpation, ce qui les prive
de contester légalement leur détention27.
À titre d’exemple, et selon les sources
des Nations Unies28, les attaques perpétrées le 10 mai 2008 par le Mouvement
pour la justice et l’équité sur Omdourman
et Khartoum ont été suivies de centaines
d’arrestations à Khartoum par les services
secrets soudanais, visant principalement
les Darfouriens. D’après les statistiques de
la police, 481 personnes ont été arrêtées
puis relâchées immédiatement après les
attaques. Il a également été rapporté qu’une
centaine de civils ont été arbitrairement
arrêtés et détenus sans charges, en plus
des combattants des mouvements rebelles,
90 d’entre eux sont des présumés enfants
soldats. En fin juillet, deux mois et demi
après les attaques, on craignait que 500
personnes soient encore détenues par les
services secrets soudanais dans des endroits
Rapport arabe sur le développement humain 2009
inconnus. D’autres sources mentionnent
des statistiques encore plus élevées concernant des détenus soupçonnés d’avoir des
liens avec l’attaque, parmi eux des activistes
dans le domaine des droits de l’homme,
des journalistes, des membres de famille
des coupables et des femmes. Tant que les
Nations Unies n’ont toujours pas accès aux
endroits de détentions à Khartoum, il est
impossible de vérifier le nombre exact des
détenus. Mais il paraît que la plupart d’entre
eux sont des Darfouriens et il existe des
preuves certifiant que leur arrestation était
fondée sur leur appartenance ethnique29.
Le 20 août, 50 membres présumés du
Mouvement pour la justice et l’égalité ont
été condamnés à mort par les tribunaux
anti-terroristes établis par le ministère
de la Justice après les attaques du 10 mai
2008. Les procès judiciaires dans ces
cours ne sont pas conformes aux normes
internationales du jugement équitables.
La plupart des accusés n’ont eu droit à un
avocat qu’après le commencement de leurs
procès et certains ont prétendu être forcés
aux aveux sous la torture et d’autres formes
de maltraitance30.
Abus du pouvoir dans l’exercice du
droit au monopole de l’usage de la
force et de la coercition
La violence s’est gravement répandue parce
que l’État du Soudan échouait continuellement à protéger la population civile du
combat, à distinguer entre les combattants
et les civils, et dans l’usage disproportionné
de la force au cours des conflits et des opérations militaires31.
L’usage disproportionné de la force :
Plusieurs rapports ont fait mention
d’attaques aériennes par les forces du
gouvernement ayant occasionné plusieurs
blessés parmi les civils, y compris les
attaques contre des civils à Saraf Jidad,
Sirba, Silea et Abu Suruj à l’ouest du
Darfour aux mois de janvier et février 2008
et le bombardement de plusieurs villages
au nord du Darfour, telles que les attaques
aériennes sur le village de Helif le 29 avril
et sur les villages de Ein Bissar et de Shegeg
Karo le 4 mai 200832. Rien qu’au mois de
mai, ces raids aériens ont causé 19 morts
et 30 blessés civils, dont des femmes et des
enfants. Les informations laissent croire que
les raids sur ces villages ont été effectués
à l’aveuglette et que leur impact disproportionné sur les communautés civiles ne
pouvait justifier les avantages qu’une opération militaire pouvait en tirer33.
La riposte de l’État aux attaques du
Mouvement pour la justice et l’égalité sur
Omdurman le 10 mai : le 10 mai 2008,
des membres armés du Mouvement pour
la justice et l’égalité du Darfour ont lancé
des attaques sur Khartoum. Le Secrétaire
général des Nations Unies a condamné ces
attaques et a exprimé sa préoccupation
quant à ses effets éventuels sur la vie et les
propriétés des civils34. Le combat qui a eu
lieu au quartier d’Omdurman à Khartoum
a entraîné des violations des droits de
l’homme et du droit humanitaire international commises par les deux parties.
La réplique du gouvernement des semaines
après les attaques a engendré de sérieuses
violations des droits civils et politiques35.
Des rapports ont été dressés sur des atteintes
gravissimes commises par les deux parties ;
des assassinats ciblés de civils, des coups de
feu indiscriminés, l’usage disproportionné
de la force et l’exécution de combat­tants
blessés ou captivés de l’ennemi36. Le gouvernement a également mené des attaques
aériennes et des raids d’artilleries contre
des villages soupçonnés d’héberger des
combattants du JEM, occasionnant des
blessures graves parmi les civils.
Ce genre d’attaques imprécises de zones
peuplées représente une violation à la
prohibition par le droit humanitaire international des attaques qui ne font pas la
distinction entre les cibles militaires et les
cibles civiles. Les personnes perpétrant ces
attaques ou les ordonnant sont considérées
comme étant des criminels de guerre37.
Échec à opérer dans le cadre d’un
système de poids et contrepoids
L’impunité des auteurs des violations
des droits de l’homme : L’un des obstacles
majeurs qui entravent l’amélioration de la
situation des droits de l’homme au Darfour
c’est l’impunité des auteurs des violations.
Ceci se manifeste dans l’absence de suivi
des incidents qui n’ont pas été soumis à des
investigations pour identifier les auteurs
et les poursuivre en justice, comme c’était
le cas de l’attaque de la police de réserve
centrale sur Tawilla. Selon les sources des
Nations Unies, aucune poursuite judiciaire n’a été engagée contre les auteurs, y
compris les responsables, et aucune indemnisation n’a été accordée aux victimes38.
La prévalence de l’impunité des criminels
et des effets négatifs de leurs actes est très
manifeste à travers les incidents de violence
sexuelle ou relative au genre au Darfour,
ainsi qu’à travers d’autres violations aussi
graves prohibées par le droit international39.
Le renforcement de l’immunité légale pour
les agents de l’État : la loi soudanaise
continue d’attribuer des immunités légales
aux agents armés de l’État. La nouvelle loi
de la police qui traite justement de l’immunité du personnel de la police stipule
dans l’article 45 : « 1) Aucune poursuite
judiciaire ne doit être engagée contre un
agent de police ayant commis un acte
considéré comme criminel lors de l’accomplissement de ses missions officielles ou à
cause de celles-ci, son jugement ne peut
avoir lieu que par autorisation du ministre
de l’Intérieur ou d’un délégué. 2) L’État
prend en charge l’indemnisation (ou le prix
du sang) pour un agent de police au cas où
il commettrait un acte considéré criminel
lors de l’accomplissement de ses missions
officielles ou à cause de celles-ci. 3) Un
agent de police faisant face à des procédures juridiques nécessitant sa garde à vue
doit rester dans sa caserne, jusqu’à ce qu’il
soit statué au sujet des mesures qui doivent
être prises à son égard. » Le gouvernement
a confirmé que ladite loi attribue au personnel de la police l’immunité contre les
procédures légales et que cette immunité
peut être levée automatiquement à la
demande de la personne contre laquelle
le préjudice a été porté. Elle stipule é­ga­
lement des procédures en responsabilité
dans le cas de violations40.
L’un des obstacles
majeurs qui
entravent
l’amélioration de
la situation des
droits de l’homme
au Darfour c’est
l’impunité des
auteurs des
violations
Malgré quelques
mesures prises
par l’État pour
réformer les lois,
la situation des
droits de l’homme
reste concrètement
effroyable
L’insuffisance des réformes de l’État :
Malgré quelques mesures prises par l’État
pour réformer les lois41, la situation des
droits de l’homme reste concrètement
effroyable et des rapports continuent à
affluer sur les détériorations des conditions
dans le pays. Toutes les parties portent
atteinte aux droits de l’homme et violent
le droit humanitaire international. Il est
essentiel que des investigations impartiales,
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
73
transparentes et globales soient entamées
pour vérifier les allégations, identifier les
auteurs et les punir. Le Rapporteur Spécial
sur la situation des droits de l’homme au
Soudan a réitéré sa demande au gouvernement de l’unité nationale de publier
les rapports des comités d’enquête pour
mettre terme à l’impunité et pour promouvoir le règne de la loi42.
Malheureusement, la justice au Darfour
est déficiente à cause de l’absence de ressources et de volonté politique. Dans le
premier quart de l’an 2006, il y avait un seul
procureur dans l’ensemble de l’Ouest du
Darfour et il n’y avait pas plus de deux ou
trois procureurs pour de longues périodes.
Des rapports établissent qu’en juillet 2007,
plusieurs procureurs sont arrivés à la
région. Cependant, la majorité d’entre eux
résidaient dans les grandes villes loin des
détenus et des plaignants dans les villages
lointains, depuis longtemps privés d’un
système de justice équitable, accessible et
fonctionnel43.
Après avoir traité des obstacles
entravant la capacité de l’État à garantir
la sécurité humaine, la partie suivante
s’intéressera aux possibilités d’instaurer le
règne de la loi dans l’avenir. Le premier pas
dans ce long chemin serait la réforme des
systèmes de gouvernance dans le dessein de
mettre fin aux actes discriminatoires et aux
violations de la sécurité humaine.
2e partie :
La voie de la réforme
Les gouvernements arabes ont tenté à
plusieurs reprises, durant la dernière décennie, de traiter la question de la réforme.
Simultanément, le rôle des mouvements
politiques et de la société civile s’est
remarquablement accru. Au lendemain
des attentats du 11 septembre 2001, plusieurs pays arabes ont été poussés par les
forces occidentales à mettre en œuvre une
réforme politique. Ces trois facteurs ont
joué différents rôles dans les tentatives de
réforme dans les pays arabes.
Les Forums de la jeunesse arabe, dont la
tenue a coïncidé avec l’établissement de ce
rapport, ont vivement condamné les aspects
de faiblesse politique dans la région, tout en
critiquant sévèrement le parcours politique
général sur plusieurs échelles. Dans leur
analyse de l’absence de sécurité dans les
pays arabes, les participants ont insisté sur
l’exclusion de la société civile de la prise
des décisions ; l’absence des libertés politiques ; la politisation de l’islam ; l’absence
des fondements principaux de la bonne
gouvernance ; le terrorisme ; l’absence de la
dévolution pacifique du pouvoir ; la répression du pluralisme ; les obstacles auxquels
les jeunes font face pour accéder aux postes
étatiques ; la répression des minorités ; la
bureaucratie suffocante et la prévalence
74
Rapport arabe sur le développement humain 2009
de la corruption au niveau des organismes
gouvernementaux. Beaucoup ont signalé
que les formes de démocratie présentes
dans les pays arabes ne sont que des prétentions et des présomptions. Par ailleurs,
certains ont affirmé que la démocratie ne
peut être importée de l’extérieur, mais
doit être encouragée et développée dans le
cadre de la culture arabe.
Les jeunes du Mashreq arabe ont abordé
la question de la faiblesse des groupes de
l’opposition politique qui, à leur avis, ne
jouent aucun rôle. La même critique a été
reprise par les jeunes du Maghreb arabe.
L’unanimité s’est établie autour du fait que
le plus grand danger qui menace la sécurité
humaine dans le monde arabe provient des
régimes autoritaires, des restrictions des
libertés fondamentales et des déficiences
au niveau de l’institutionnalisation, de la
transparence et de la responsabilisation.
Les jeunes libanais convinrent avec leurs
pairs au Maghreb arabe du fait que l’intervention étrangère a exacerbé les conflits
politiques internes dans la région. Quant
aux participants égyptiens et soudanais, ils
ont approché les dangers de la détention
arbitraire et de la torture que les citoyens,
et surtout les étudiants et les membres des
groupes de l’opposition, encourent.
1. Les efforts des gouvernements
pour la réforme
Des initiatives de réformes politiques prises
par des leaders dans les pays arabes se sont
succédé au cours des dernières années.
Elles ont débouché, entre autres, sur la mise
en place d’assemblées représentatives élues
aux Émirats arabes unis, à Oman et à Qatar ;
le retour d’un parlement élu à Bahreïn ; le
déroulement des élections présidentielles à
candidatures multiples en Égypte en 2005
et l’organisation d’élections partielles des
conseils municipaux en Arabie saoudite
en 2006 (bien qu’elles soient limitées aux
hommes). Ces initiatives de réformes ont
également abouti à la promulgation du
code de l’état civil en Algérie et au Maroc
ainsi qu’à la mise en place de la « commission de l’équité et de la réconciliation » au
Maroc.
Les motivations de ces réformes sont
largement débattues. Pour certains, les
gouvernements obéissent à la nécessité :
le malaise et les agitations populaires ont
poussé les gouvernements à apporter du
changement et à prévenir d’éventuels
troubles à l’ordre public. D’autres y
voient un « conseil » donné par les alliés
stratégiques de ces gouvernements et
qui consiste à faire des concessions aux
demandes populaires au lendemain de la
guerre du Golfe en 1991 ou de l’invasion
de l’Irak en 2003. Quelles qu’en soient les
motivations et aussi significatives qu’elles
puissent­ être, ces réformes n’ont rien
changé aux bases structurales du pouvoir
dans les États arabes où l’exécutif domine
toujours et n’est soumis à aucun contrôle.
Certainement, la valeur des réformes introduites par les gouvernements a diminué du
fait des amendements constitutionnels et
législatifs restreignant les droits des individus dans d’autres domaines, en particulier
leur droit à l’organisation et la participation
à des élections libres et impartiales.
La nouvelle constitution irakienne a
été accompagnée d’une extension de l’état
d’urgence qui permet la suspension des
dispositions constitutionnelles relatives aux
libertés. En Égypte, l’amendement de l’article 76 de la constitution sur les élections
présidentielles, permettant les candidatures
multiples, a été suivi de la promulgation
d’une loi limitant le droit à la candidature aux chefs de partis déjà existants au
moment de la mise en application de la loi.
L’état d’urgence a été prorogé en mai 2008
pour deux années supplémentaires ou
jusqu’à la promulgation d’une loi antiterroriste. Ceci a été suivi d’une approbation
d’amendements constitutionnels autorisant
le transfert des civils aux tribunaux militaires et interdisant la création de tout parti
se réclamant d’une religion ou d’une classe
sociale, et l’organisation d’une activité
politique quelconque sur un fondement
religieux.
Dans le même contexte, en Algérie,
l’approbation de la Charte pour la paix
et la réconciliation nationale, qui traite
des effets des confrontations violentes des
années 1990, a été suivie de l’extension de
deux années du mandat présidentiel, de
l’annulation de la limitation du nombre de
mandats présidentiels et de la continuation
de la dissolution du Front islamique du
salut. De même, en Tunisie, la constitution a été amendée pour prolonger l’âge
maximum du président et pour annuler
la limitation du nombre de mandats présidentiels. Quant au Parti de la renaissance,
de tendance islamique, il n’est toujours pas
reconnu légalement.
L’Arabie saoudite, les EAU, Qatar et le
Soudan ont tous suivi le même chemin : le
gouvernement des Émirats a proclamé les
élections du Conseil national de l’unité,
sauf qu’il a limité les membres élus à la
moitié et les électeurs à deux mille seulement, choisis par les gouverneurs des
sept émirats. L’Arabie saoudite a autorisé
la constitution d’une organisation pour
les droits de l’homme, mais le processus
électoral n’a eu lieu que dans quelques
villes et uniquement au niveau des conseils
municipaux. Le gouvernement soudanais
a annoncé la promulgation d’une nouvelle
constitution après la ratification de l’accord
de Nivasha, et a ensuite établi une loi par
laquelle il s’accorde de larges prérogatives
quant à l’acceptation et la dissolution
des associations politiques. Enfin, Qatar
a mis au point une constitution appelant
aux élections du Conseil de l’État, puis il
a provisoirement privé quelque six mille
citoyens de la nationalité sous prétexte
qu’ils n’avaient pas de preuves justifiant
leur appartenance à la nation44.
Les journalistes et les académiciens
pensent souvent qu’il existe plusieurs
courants au sein des élites au pouvoir dans
les États arabes. Certains vont plus loin
dans la description de ces courants – entre
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
Des initiatives de
réformes politiques
prises par des
leaders dans
les pays arabes
se sont succédé
au cours des
dernières années
Les motivations
de ces réformes
sont largement
débattues
75
Les lignes
séparatrices les
plus importantes
au sein des élites
au pouvoir reflètent
apparemment
un écart entre
les générations
Les gouvernements
arabes ont suivi
différentes
politiques avec
les mouvements
islamiques
76
fondamentalistes rigides et réformistes – et
associent l’adoption des réformes à ce qu’ils
croient être la montée en force du courant
réformiste. Il est vrai que certains membres
des élites au pouvoir, et même leurs institutions, ne convergent pas toujours sur
tous les détails de la politique publique.
Toutefois, rien ne dit que ces divergences
portent sur la transition à une démocratie
meilleure. En réalité, les lignes séparatrices
les plus importantes au sein des élites au
pouvoir dans les États arabes – celles qui
sont visibles aux observateurs extérieurs –
reflètent, apparemment, un écart entre les
générations, entre les centres de pouvoirs
institutionnels et entre les affiliations
idéologiques.
Les divisions idéologiques au sein des
élites au pouvoir dans les pays arabes sont
également considérées comme un obstacle
à la réforme. Leur trait principal est la division entre les mouvements islamiques, qui
envisagent de restructurer le système politique dans leurs pays selon leur conception
de la charia islamique, et entre la majorité
des membres des élites au pouvoir, qui
montrent leur respect envers les principes
de la charia mais qui sont ouverts à d’autres
sources qui les guident dans le développement du système politique. Cette division
est beaucoup plus apparente dans les États
qui permettent aux mouvements islamiques de participer à l’activité politique,
bien qu’ils ne soient pas reconnus en tant
que partis politiques. Alors que les mouvements islamiques en opposition demandent
plus de liberté politique, la principale différence entre eux et les élites au pouvoir est
sur la manière d’adopter des lois islamiques
et la façon dont chaque partie en conçoit
l’application.
2. Demandes de réforme :
les groupes sociétaux
La transformation peut-elle se réaliser par
la mobilisation politique des groupes sociétaux qui considèrent que leurs intérêts et
ceux de l’État convergent vers le règne de
la loi ? Dans les pays arabes, quatre pouvoirs peuvent jouer un rôle à cet égard, les
groupes d’opposition politique (à leur tête
les mouvements islamiques), les organisations de la société civile, les gens d’affaires
et enfin les citoyens, quand la chance
se présente à eux pour participer aux
Rapport arabe sur le développement humain 2009
élections. Quelles sont donc les possibilités
de changement que ces parties peuvent
apporter dans l’avenir ?
Les forces de l’opposition politique et
les mouvements islamistes
Dans la plupart des pays arabes qui ma­ni­
festent des formes de multipartisme,
tels que l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, la
Tunisie et le Yémen, ou dans les pays arabes
où le multipartisme est instauré depuis l’indépendance, tels que le Liban et le Maroc, le
mouvement islamique représente l’élément
le plus important de l’opposition politique.
De plus, les mouvements islamiques font
partie des groupes principaux au pouvoir
depuis la chute de Saddam Hussein en
Irak, le coup d’État d’août 1989 au Soudan
et les élections de 2006 dans le Territoire
palestinien occupé. Certains mouvements
islamiques de l’opposition soutiennent la
réclamation du droit à la création de partis
politiques, du droit syndical, de la liberté
de la pensée, des élections justes et de la
limitation du pouvoir exécutif.
Les gouvernements arabes ont suivi
différentes politiques avec les mouvements
islamiques. Ils ont, entre autres, adopté
certaines de leurs demandes et leur ont
accordé le droit syndical et le droit à la
participation politique côte à côte avec
les autres partis comme c’est le cas dans
le Territoire palestinien occupé, au Yémen
et, dans une certaine mesure, au Maroc.
Les associations islamiques technocrates
existent­ également à Bahreïn et au Koweït.
Par contre, en Égypte et en Tunisie les
mouvements islamiques sont carrément
interdits et le gouvernement algérien a
banni l’aile principale de ce mouvement. Et
pourtant, le gouvernement égyptien donne
le droit aux membres des Frères musulmans
de participer aux élections en tant que candidats indépendants. Dans tous les cas où les
gouvernements arabes font des concessions
pour le pluralisme politique, ils prennent,
néanmoins, des précautions contre une victoire éventuelle des mouvements islamiques
aux élections parlementaires et recourent à
des voies juridiques (en utilisant leur majorité dans les assemblées représentatives) et
administratives pour les empêcher d’arriver
au pouvoir.
Malgré leur positionnement sur la scène
politique, la transition vers la démocratie
n’est pas la demande stratégique des mouvements islamiques. C’est plutôt leur chemin
vers le pouvoir, qui leur permettra de
mettre en œuvre leur but stratégique qui
n’est autre que la reconstruction des sociétés arabes sur leur vision de l’islam. Sans
commentaire sur les intentions de leurs
leaders, elles constituent à juste titre l’objet
de doute de certains groupes dans les pays
arabes et ailleurs. La préoccupation majeure
au sujet de ces mouvements est qu’une
fois arrivés au pouvoir, ils annuleraient les
mêmes libertés dont ils avaient besoin pour
y accéder. La liberté de croyance, d’opinion
et d’expression ainsi qu’une panoplie de
libertés personnelles ont été, à plusieurs
occasions, considérées par quelques leaders
de l’opposition islamique comme étant
incompatibles avec ce qu’ils croient être
le vrai islam. Les manifestes de certains de
ces mouvements, tels que le programme
des Frères musulmans en Égypte, n’ont
pas dissipé ces doutes45. D’autre part, vu
la réputation populaire des mouvements
islamiques, il n’est pas concevable de continuer à empêcher les groupes qui refusent
d’utiliser la violence de constituer des
partis politiques lé­ga­lement reconnus.
Encadré 3-6
Les organisations de la société civile
Les mouvements de la société civile sont
actifs dans plusieurs pays arabes où ils
ont développé une identité politique et
commen­cé à exprimer leurs attitudes
envers les questions d’actualité. Alors que la
résistance aux appels ardents des organisations de la société civile à la transparence et
davantage de liberté d’expression en Tunisie
et en Syrie ont abouti à la suspension de
leur activité dans ces deux pays, les mouvements au Liban, en Égypte et au Maroc ont
réalisé un très grand progrès. Les méthodes
adoptées par le mou­vement « Kifaya » en
Égypte ont poussé les citoyens à profiter
des rassemblements de contestation pour
imposer leurs demandes au gouvernement.
Ceci a été reflété par une vague sans
pré­cédent de contestations populaires
auxquelles ont participé différentes classes
et tranches sociales notamment en 2007
et 2008.
Les réactions des gouvernements arabes
aux pressions des organisations de la société
civile appelant à l’octroi des droits sont
divergentes. Certains interdisent l’activité
de ces organisations, d’autres la tolèrent
Il n’est pas
concevable de
continuer à
empêcher les
groupes qui
refusent d’utiliser
la violence de
constituer des
partis politiques
légalement
reconnus
La deuxième déclaration d’indépendance : Vers une initiative de réforme
politique dans le monde arabe
Plusieurs organisations arabes de la société civile ont saisi l’occasion du Sommet arabe
de Tunis qui a eu lieu en mai 2004 pour réitérer l’appel fait en dehors du cadre officiel
lors d’une conférence organisée à Beyrouth en mars 2004. Cinquante-deux organisations
venant de treize pays arabes ont assisté à cette conférence. Cette rencontre a eu lieu grâce
à l’initiative de l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme, Human Rights Watch,
et l’Organisation palestinienne des droits de l’homme. La conférence a donné naissance
à un document intitulé « la deuxième déclaration d’indépendance », qui résumait les
revendications de la société civile pour un changement politique, tout en rejetant les
propositions de réforme provenant de l’extérieur, soulignant que ces propositions ne
refléteraient pas l’intérêt arabe. La déclaration a fixé les principes de la réforme politique
dans la région arabe. Elle a appelé :
• Au respect du droit à l’autodétermination pour tous les peuples
• À l’adhésion aux principes des droits de l’homme, et le rejet de toutes les interprétations basées sur le particularisme culturel et la manipulation du nationalisme.
• Au rejet de la fragmentation des droits de l’homme et la hiérarchisation de certaines
catégories de droits par rapport à d’autres.
• À la tolérance entre les différentes religions et écoles de pensée.
• À l’établissement de structures parlementaires solides.
• À l’intégration des garanties dans les Constitutions arabes pour le pluralisme politique
et intellectuel.
• Au rejet de la violence dans la vie politique.
• À l’opposition à l’état d’urgence sauf en cas de guerre ou de catastrophe naturelle.
Source : Institut du Caire pour l’Étude des droits de l’homme 2004.
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
77
Les organisations
de la société civile
jouent un rôle
cardinal dans la
mise en lumière
des questions des
droits de l’homme
Encadré 3-7
tout en la rendant difficile au maximum
par les procédures routinières, en mettant
des obstacles à l’opération de leur enregistrement et en imposant un audit très strict
sur leur financement, surtout s’il provient
de l’étranger.
La majorité de ces organisations s’est
habituée à ces restrictions et essaye de
leur faire face. Pour la plupart d’entre
elles, la promotion du développement
démocratique dans les pays arabes peut
se faire via des canaux principaux comme
l’élaboration de déclarations qui expriment
l’attitude envers les questions de liberté,
la sensibilisation par le biais de la publication de rapports sur la situation des droits
de l’homme dans les pays en question et
l’organisation de cycles de formation et
de congrès sur les questions relatives aux
Le secteur privé dans le monde arabe – Plan d’action : feuille
de route pour une réforme
Le secteur public et le secteur privé n’ont pas un rôle distinctif et indépendant au Moyen-Orient, la ligne de démarcation entre ce qui est public et
ce qui est privé n’est pas clairement définie. Il faudrait oublier la notion
du secteur privé telle qu’elle est connue dans les pays occidentaux où le
système juridique est très développé, et où la transparence et la responsabilisation du gouvernement et des entreprises de façon équitable nous
donne une idée claire sur la division entre les deux. Ces mesures-là ne
s’appliquent pas aux pays du Moyen-Orient/Golfe puisque l’État détient
toujours les dix plus grandes entreprises du Conseil de coopération du
Golfe (CCG) (ex. : SABIC, Emirates Bank Group, Qatar Telecom).
Le secteur privé est également dominé par les affaires de familles qui
ont des relations étroites avec l’État. Ce sont ces relations qui définissent
la position du secteur vis-à-vis de la réforme politique. Il ne s’agit pas
d’un fait inhabituel ou surprenant : dans tous les pays industrialisés,
les grandes familles en affaires essayent de nouer des relations étroites
avec les centres du pouvoir politique, et courent parfois après des postes
importants. La demande pour une plus grande transparence ainsi que
pour une réforme politique est le résultat de l’élargissement progressif
des classes d’entrepreneurs, et la concurrence croissante entre les
groupes d’affaires.
Dans certains cas, cela a conduit à des exigences claires pour une
plus grande transparence et à la responsabilisation des décisions
gouvernementales, surtout en ce qui concerne les intérêts commerciaux.
À la lumière de ce qu’a été dit, le secteur privé joue un rôle réformateur
lorsque les gouvernements sont dans la plupart des cas incapables de
planifier et d’entretenir une réforme politique. Le secteur privé devrait
aller au-delà de ses limites naturelles pour encourager les gouvernements
à prendre des mesures réformistes ayant une influence directe sur ses
intérêts ; c’est le cas de la réforme judiciaire. Le secteur privé pourrait
commencer par la création d’associations non-politiques ou de groupes
de travail représentant la société civile. Il pourrait donc prendre des
initiatives et agir en tant que partenaire du gouvernement pour effectuer
des mesures réformistes efficaces.
Source : Sager 2007.
78
Rapport arabe sur le développement humain 2009
droits de l’homme. Certaines organisations
recourent à la loi lorsque l’occasion se présente pour mettre terme aux violations à
travers les tribunaux.
Les organisations de la société civile
jouent un rôle cardinal dans la mise
en lumière des questions des droits de
l’homme et dans la sensibilisation du
public à travers leurs interventions à ce
sujet. Toutefois, l’image générale de ces
organisations est souvent faussée par les
gouvernements qui les accusent d’être des
agents des États étrangers et de dépendre
du financement de ces derniers. Ces organisations affrontent également beaucoup
de compli­ca­tions, d’obstacles et de harcèlements imposés par l’État pour limiter
l’adhésion à ces organisations. De plus, les
efforts de ces organisations pour instaurer
le règne de la loi dans les sociétés arabes
ont été entravés par la réticence des partis
politiques à coopérer avec elles.
Les gens d’affaires
Le secteur privé ne joue pas un rôle politique indépendant dans les pays arabes,
même si son émergence a eu lieu dans la
vie politique des économies du marché en
pleine croissance dans la région. Jusqu’à
présent, les gens d’affaires n’ont été que
des partenaires secondaires de la bureaucratie de l’État. La raison principale qui
empêche les gens d’affaires de devenir une
force influente est le poids économique
important de l’État dans les pays arabes –
qui dépasse celui des autres pays en voie
de développement dans la région. En effet,
le taux de consommation des États et leurs
revenus par rapport au PIB sont supérieurs
à ceux des autres pays du Sud. C’est ce qui
permet aux pays arabes de contrôler la vie
économique contrairement aux autres pays
en développement. Ce contrôle repose
en grande partie sur le pétrole, dont les
revenus vont au gouvernement, et qui est
la source principale des revenus directs et
indirects des pays arabes exportateurs de
pétrole. Dans un certain nombre de pays
arabes, comme l’Algérie, l’Égypte, la Libye
et le Soudan, l’État a préservé une grande
partie du secteur public, dont le rôle est
toujours influent dans l’économie, malgré
ses actions de transfert des actifs de l’État
vers le secteur privé et les entreprises étrangères. Les recettes de l’état par rapport
au PIB dans les États du Moyen-Orient
et de l’Afrique du Nord (MENA) dépassent largement celles des pays du Sud en
général, ce qui permettrait de clarifier ces
observations.
En 2005, ce taux a atteint 25,6 % dans
les pays de la région MENA, et 13,0 % dans
les pays à bas revenu, alors que dix ans
auparavant (1995) la moyenne de ces pays
était de 26,1 %, 13,3 % dans les pays à bas
revenu, et 17,2 %46 dans les pays à revenu
moyen. D’après le Rapport conjoint sur
l’économie arabe – Joint Arab Economic
Report (JAER) – 2006, ce taux a atteint
son maximum en 2005 dans les pays
membres de l’OPEP, avec 68,4 % en Libye,
48,62 % en Arabie saoudite et, autour de
40 %, en Algérie, Oman, Qatar, Koweït ;
et entre un tiers et moins d’un cinquième
dans les autres pays arabes. Le taux le plus
bas a été retrouvé au Soudan où il a atteint
17,84 %. Cette augmentation pourrait être
expliquée par le fait que le pétrole, dont
les revenus vont en grande partie à l’État,
représente 71 % du revenu total du gouvernement des pays arabes47.
Ce genre d’économie politique se traduit par la domination du gouvernement
sur le secteur privé dans la plupart des pays
arabes. Le gouvernement reste le partenaire
principal, soit parce qu’il a des structures
enracinées dans le secteur privé comme
c’est le cas dans les pays du Golfe, soit parce
que les banques détenues par l’État sont la
source d’accumulation de capitaux pour les
grandes entreprises privées, soit parce que
les contrats gouvernementaux représentent
une source de profits pour les entreprises
qui exécutent les projets48.
Contrairement au rôle qu’a joué le
secteur privé dans la promotion de la
transition démocratique dans certains
pays d’Amérique latine et d’Asie du Sud,
notamment la Corée du Sud, les échelons
supérieurs du secteur privé dans les pays
arabes, à l’exception de quelques pays,
restent les partenaires du gouvernement et
leur influence ne cesse d’augmenter.
Même lorsque les gouvernements
arabes se dirigent vers le pluralisme politique, les gens d’affaires du secteur privé
ont tendance à soutenir le parti ou la famille
au pouvoir. Les partis politiques libéraux
ayant une base sociale influente auprès
des gens d’affaires, ou au sein de la classe
moyenne progressiste, n’existent pas. Ainsi,
les entrepreneurs arabes de la région n’ont
pas eu un rôle dans le processus de réforme
politique. Ils se sont peut-être contentés de
l’influence politique et de l’espace économique qu’ils ont obtenu grâce au passage
aux politiques de marché dans les pays
arabes.
Le rôle des citoyens arabes
Les entrepreneurs
arabes de la
région n’ont pas
eu un rôle dans
le processus de
réforme politique
Peu de citoyens arabes pensent avoir le
pouvoir, en qualité de citoyens individuels,
de changer les conditions actuelles de leur
pays à travers la participation politique.
Ce qui explique le faible niveau de participation politique dans les États arabes les
plus stables. L’augmentation du niveau de
participation dans d’autres pays est liée
soit à la mobilisation réussie des électeurs
sur des bases confessionnelles ou tribales
n’ayant généralement aucun rapport avec
les questions politiques, comme c’est le cas
Tableau 3-3
La participation électorale dans 18 pays arabes
entre 2003 et 2008
État
Parlementaire
Présidentielle
Locale
Algérie
35,5 % (2007)
59,3 % (2004)
--
--
--
70 % (2005)
Bahreïn
72 % et 73,6 %
(deux tours en 2006)
--
61 % (2006)
Djibouti
72,6 % (2008)
78,9 % (2005)
--
23 % (2005)
--
79,6 % (2005)
--
--
54 % (2007)
--
56 % (2007)
Koweït
59,4 % (2008)
--
moins de 50 % (2005)
Liban
46,4 % (2005)
--
--
Maroc
37 % (2007)
--
54 % (2003)
70,1 % et
67,5 % (deux
tours en 2007)
73,4 et 69,4 %
(deux tours en 2006)
--
--
Arabie saoudite
Égypte
Irak
Jordanie
Mauritanie
31,2 % (2007)
28,1 % (2005)
73,4 % et 69,4 %
(deux tours en 2006)
98,2 % et 97,9 %
(deux tours en 2007)
Oman
62,7 % (2007)
Qatar
--
--
30 % (2007)
Soudan
--
86 % (2000)
--
Syrie
56 % (2007)
95,8 % (2007)
49,5 % et 37,8 % (2007)
TPO
77,6 % (2006)
66,5 % (2005)
--
Tunisie
91,4 % (2004)
91,5 % (2004)
82,7 % (2005)
Yémen
75,9 % (2003)
65,1 % (2006)
65 % (2006)
Source : PNUD/Bureau régional pour les États arabes 2008, Union interparlementaire 2008, Organisme
général de l’information votre accès à l’Égypte 2008. (Voir les références statistiques.)
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
79
La région est
soumise à
des pressions
extérieures visant
la réalisation de
transformations
politiques
Encadré 3-8
au Koweït et au Yémen, soit à l’atmosphère
tendue de certaines élections, c’est le cas de
l’Irak et de la Mauritanie après l’abandon
provisoire du régime militaire en mai 2007.
Enfin, l’augmentation des niveaux de participation dans des États comme la Tunisie ou
le Yémen n’a pas nécessairement conduit
à de réelles avancées dans le processus de
réforme politique dans ces deux cas.
La demande populaire pour une
transformation démocratique et la participation des citoyens dans ce processus
est un développement à la fois naissant et
fragile dans les pays arabes. Ces objectifs
ne figuraient pas parmi les priorités de la
majorité des mouvements de protestation
qui ont eu lieu ces trois dernières décennies. Historiquement, parmi les vagues de
protestation publique les plus importantes
dans les villes arabes, on retrouve celles
qui se dressaient contre les mesures gouvernementales prises par les pays arabes en
réponse aux prescriptions du Fonds monétaire international. C’est le cas de l’Égypte
en janvier 1977, du Maroc en 1981 et en
1984, de la Tunisie en 1985, de l’Algérie
en 1988 et de la Jordanie en 1989. Dans
certains cas, comme celui de l’Algérie et de
la Jordanie, ces protestations ont conduit
à l’adoption d’importantes réformes
politiques qui n’ont pas été toujours
maintenues. Ces réformes représentaient
cependant une forme de compensation
donnée aux citoyens pour avoir permis à
ces politiques économiques de se développer, quoique progressivement. L’absence de
démocratie en tant que pierre angulaire et
principale revendication des mouvements
organisés de l’opposition, des mouvements
de masse, et des électeurs en général, a
longtemps porté les gouvernements arabes
à croire qu’une réelle pression intérieure
imposant une évolution démocratique
n’aura pas lieu, et que la situation ne nécessite donc pas une attention particulière49.
3. Les pressions extérieures
Les perspectives de transition vers une
primauté de la loi à travers les forces
dynamiques intérieures paraissent limitées
et instables, ce qui explique la vulnérabilité de la région aux pressions extérieures
visant la réalisation des transformations
politiques. Les pouvoirs occidentaux
ayant des intérêts stratégiques au MoyenOrient ont effectivement lancé plusieurs
appels où ils revendiquent le respect
des droits de l’homme, la mobilisation
de la société civile et l’accélération de la
réforme politique. Les initiatives les plus
importantes de ce genre ont eu lieu dans
le contexte du Processus de Barcelone en
1995 et du G8 de l’Afrique du Nord et du
Moyen-Orient élargi en juillet 2004. On
pourrait ajouter à ces actions les activités
de l’ancienne administration américaine,
Enquête sur la sécurité humaine – La participation politique par rapport à l’abstentionnisme
L’enquête a révélé que l’intérêt des citoyens
aux élections était relativement faible au
Maroc, un de ces pays arabes qui ont progressé vers une libéralisation politique. Il est
évident que la participation aux élections pour
cet échantillon de personnes n’est pas considérée comme un moyen nouveau et décisif
pour influencer le parcours de l’État. L’intérêt,
comme l’indique le taux de participation aux
élections, a été plus élevé dans deux pays où
la participation politique populaire a consolidé la montée des forces confessionnelles
(Liban), ou l’approfondissement du schisme
politique (le Territoire palestinien occupé). Au
Koweït, la petite proportion de l’échantillon
intéressée par les activités de volontariat et la
participation politique révèle de façon claire
un certain degré d’apathie du public.
%
80
60
40
20
0
Koweït
Liban
Participation aux activités de volontariat
Participation régulière aux élections
Participation occasionnelle aux élections
80
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Maroc
TPO
telles que « l’Initiative de partenariat du
Moyen-Orient », et les déclarations politiques de l’ex-président américain appelant
à une transition démocratique dans les pays
arabes. Cependant, le discours politique
des États-Unis sur la réforme dans les pays
arabes était contradictoire au cours de ces
dernières années. En 2004, les États-Unis
ont fortement préconisé l’introduction
de changements démocratiques tangibles
dans le « Grand Moyen-Orient ». Plus
tard, la politique américaine a préféré des
déclarations politiques plus prudentes
puisqu’elle a jugé nécessaire de faire des
alliances avec des gouvernements arabes
non démocratiques mais coopératifs dans
Encadré 3-9
la soi-disant « guerre contre la terreur ».
Après 2006, les efforts diplomatiques des
États-Unis se sont tournés vers d’autres
priorités. L’objectif principal de cette
diplomatie n’était plus la réforme politique
au Moyen-Orient comme c’était le cas
en 2004 et 2005, mais plutôt de surmonter
les réserves arabes sur la conférence de paix
au Moyen-Orient qui réunira les dirigeants
arabes, les Israéliens, les Palestiniens et les
Américains, de s’assurer le soutien des pays
arabes afin de stabiliser le gouvernement
irakien, et de joindre les pays arabes aux
efforts internationaux visant à convaincre
le gouvernement iranien à renoncer à son
programme d’enrichissement de l’uranium.
Azmi Bishara* – Les droits de l’homme et la citoyenneté : la première pierre de la construction d’une nation
La citoyenneté est la deuxième face de la souveraineté.
L’accomplissement de la souveraineté, dans son sens
moderne, va de pair avec l’avènement de la pleine citoyenneté. Une société solide est une société qui garantit à ses
habitants une citoyenneté stable, et ne considère pas la
citoyenneté comme un cadeau à donner ou à retirer, protège
son peuple des autorités arbitraires et tyranniques, prend
en charge leur santé et leur éducation et les protège à un
âge avancé. La création de ce genre de société est l’un des
éléments les plus importants de la construction d’une nation.
Ceci est particulièrement vrai dans le cas des pays en
voie de développement, avec leurs institutions faibles, leurs
sphères publiques émaciées, profondément prises dans
le processus d’autoréalisation. Beaucoup de ces États ont
succombé à l’idée que la création d’une armée en uniforme,
un gouvernement centralisé, un système éducatif nationalisé,
une histoire officielle « unifiée », une compagnie aérienne
nationale, est ce qu’il faut pour construire une nation.
Le défi de former une société stable est devenu plus
grand dans les conditions confessionnelles et le pluralisme
ethnique qui peuvent transformer des questions politiques
en questions identitaires et en conflits horizontaux entre les
groupes religieux, culturels, et ethniques. La citoyenneté
complète dépasse les limites du formel et empêche l’unité
nationale de s’effondrer. Plus on ajoute de composantes
aux droits de citoyenneté, plus son sens s’élargit. C’est cette
diversité qui fait la force de la société.
Au niveau arabe, on pourrait affirmer que les droits civils
et politiques de la citoyenneté sont incomplets, ce qui vide
la citoyenneté de son contenu. En réalité, dans plusieurs cas
arabes la citoyenneté ne veut rien dire.
Dans les États n’ayant pas une grande classe moyenne, où
la croissance économique et la privatisation dans certains cas
et la corruption dans d’autres sont accompagnés d’un appauvrissement généralisé, le discours sur les droits politiques et
civils n’a pas de sens s’il n’est pas accompagné d’un débat
sur les droits sociaux.
Le droit au travail, le droit à un traitement médical, le
droit à l’éducation et le droit à un logement convenable sont
tous des exemples de droits sociaux. Ils ne sont garantis que
par des institutions soutenues par l’État et financées par une
économie nationale à base de revenus fiscaux. L’exception,
bien sûr, c’est l’État rentier qui achète l’acceptation des gens,
moyennant des dons, tout en réduisant au strict minimum leur
représentativité. Ces questions sont des composantes liées et
interdépendantes.
Lorsque la classe moyenne est soit inexistante, soit en
érosion ou en atrophie, comme c’est le cas dans la plu­part des
pays arabes, elle ne peut pas revendiquer ses droits sociaux.
L’absence de ces droits peut polariser la nation.
Les membres de la classe privilégiée reçoivent des soins
médicaux dans les meilleurs hôpitaux, dans le pays ou à
l’étranger, et reçoivent leur éducation dans des écoles privées. Les pauvres sont incapables de consulter un médecin,
d’obtenir un traitement, de garantir une vie décente à leurs
enfants ou de se protéger contre la vieillesse. Ils se dirigent
vers l’enseignement public de masse dont la qualité a baissé
à cause de la négligence et du sous-investissement. Cette
incapacité flagrante à subvenir aux besoins essentiels et à
fournir les bases fondamentales d’une vie décente se reflète
sur les domaines culturel, religieux et même linguistique ; on
remarque par exemple l’orientation de l’éducation privée des
classes privilégiées vers la domination de l’aspect religieux
conservateur sur le système d’enseignement officiel en
langue­ arabe. Dans les deux cas, au fil du temps, la citoyenneté commune perd son sens : le pouvoir en place continue à
imposer son autorité sur le pays en lançant un appel à l’unité
nationale pour faire face à d’autres forces ou parties hostiles
plus puissantes, ou à des complots intérieurs ou extérieurs.
Les garanties sociales communes et les institutions qui
les soutiennent, financées par les revenus publics dans l’intérêt du public, ne se limitent pas à différencier clairement
misère et vie décente, mais constituent également de nos
jours des éléments importants nécessaires à la construction
d’une nation.
* Ancien député du Parti national démocratique au Knesset israélien, et écrivain politique palestinien.
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
81
Ce chapitre insiste
sur le grand écart
entre les attentes
des citoyens
arabes et la réalité
La réforme
intrinsèque
demeure le premier
choix et l’idéal
pour l’instauration
d’une sécurité
complète dans
les pays arabes
Il n’est pas surprenant que les victoires électorales de certains mouvements
islamiques pendant ces dernières années
réduisent l’enthousiasme des parties extérieures vis-à-vis de réformes qui amènent
au pouvoir des groupes opposés à leurs intérêts. En 2007, le président Bush a reconnu
la difficulté d’une transition démocratique
qui, selon ses propres termes, a permis aux
ennemis de la démocratie de se regrouper et
de mener une campagne contre les démocraties nouvellement créées dans la région,
en Irak et au Liban en particulier. Quelles
que soient les raisons qui ont mené à
l’adoption d’une réforme politique comme
étant le premier objectif de la politique
du « Grand Moyen-Orient », sa relégation
a confirmé les craintes des réformateurs
arabes. Ils ont conclu que la démocratie
dans la région, du point de vue des grandes
puissances, n’est importante que dans la
mesure où elle réalise leur propre sécurité
et objectifs, sinon elle occupe une place
inférieure dans l’échelon de leurs priorités.
Pour refléter cette tendance régionale,
la question de la réforme n’occupe plus
une place importante dans les communiqués publiés par les sommets arabes. Dans
ce contexte, une comparaison pourrait
être établie entre les résolutions publiées
lors de la conférence de Tunis intitulée « le
Sommet du développement et de la modernisation » en 2004 et celles publiées plus
tard dans d’autres pays arabes. Le sommet
de Tunis a abordé les questions de la société
civile, les droits de la femme et les droits
de l’homme, comme sujets principaux, en
plus de la ratification de la Charte arabe
des droits de l’homme. Les autres sommets
ont cependant pris une position défensive
et apologétique, en soulignant l’importance de la sécurité arabe, les dangers qui
la menacent et l’importance de préserver
l’identité arabe.
Conclusion
Ce chapitre a examiné le rôle joué par
les États arabes pour garantir la sécurité
humaine telle qu’elle est définie dans ce
Rapport. Il a évalué la performance des
États arabes selon quatre critères et conclu
qu’il existe une déficience au niveau de ce
que l’État présente en vue de garantir la
sécurité humaine nonobstant les engagements constitutionnels des États arabes et
82
Rapport arabe sur le développement humain 2009
les chartes internationales ratifiées par la
majorité d’entre eux
L’État qui respecte l’autorité des lois et
les droits civils et politiques est le meilleur
garant de la sécurité humaine. Ce chapitre
insiste sur le fait qu’un grand écart existe
entre les attentes des citoyens arabes pour
la protection de leurs droits et libertés, et la
réalité, même si la distance entre les deux
n’est pas la même dans tous les États arabes.
Ce chapitre établit que la diversité
ethnique, confessionnelle, tribale et religieuse ne constitue pas en elle-même un
danger pour la sécurité humaine. Toutefois,
il est é­vident que dans les pays arabes la
politisation des identités conduit à la polarisation, à la violence et aux conflits armés.
La tolérance active de la diversité est le
seul moyen certain de pallier l’éruption
potentielle de conflits communaux. La
responsabilité de maîtriser les situations
volatiles revient aux États arabes qui sont
censés gérer leur propre diversité à travers
les politiques d’insertion sociale et d’équité.
La coexistence pacifique dans les sociétés
multiethniques et multiconfessionnelles
dépend des formes évoluées de la citoyenneté. Les répercussions catastrophiques de
l’incapacité d’adopter ce comportement se
manifestent dans l’effondrement de l’État
tout entier.
En outre, ce chapitre a analysé les
limitations des facteurs contribuant au processus de réforme. Les réformes introduites
par les gouvernements arabes ont généralement pour but de maintenir le contrôle
sur la population au lieu de renforcer la
sécurité humaine. L’État privilégie encore
sa propre sécurité aux dépens de celle de
la société. La société elle-même, et principalement ses élites économiques, la société
civile et celle des groupes d’opposition, est
faible et manque d’un agenda de réforme.
Pour sa part, la communauté internationale
a adopté des politiques et des initiatives
intrusives qui ont entravé la réforme arabe,
d’abord par la superficialité et ensuite par
l’ambiguïté diplomatique. Le résultat final
est que les États arabes sont toujours à la
traîne des pays en voie de développement
dans l’adoption de sérieuses mesures pour
le renforcement de la sécurité humaine de
leurs citoyens.
La réforme intrinsèque demeure le
premier choix et l’idéal pour l’instauration d’une sécurité complète dans les
pays arabes, à commencer par les droits
fondamentaux des gens. Cette réforme
ne peut être imposée de l’extérieur, et les
modèles de démocratie ne peuvent être
importés en bloc. Les pays arabes doivent
adapter les différentes formes institutionnelles au contexte de chacun d’entre eux,
tant que ces formes respectent tous les
droits de l’homme, préservent les libertés,
ga­ran­tissent la participation du peuple
et assurent le règne de la majorité d’une
part et les droits de la minorité d’autre
part. Tous les groupes sociaux doivent être
autorisés à s’organiser et à concurrencer
dans l’espace public tant qu’ils respectent
le droit à la différence et ne recourent ni à
la violence ni à l’avortement du processus
démocratique.
En somme, la relation entre les réformateurs et leurs partisans internationaux doit
être menée dans un esprit de partenariat et
non de dépendance molle et d’ingérence
rudimentaire. Dans les pays arabes et
ailleurs, il doit être reconnu que, des deux
côtés, les forces régressives, les intérêts particuliers et les préjugés peuvent constituer
de véritables entraves à la construction de
l’État arabe du xxie siècle basé sur la tolérance, la paix et la sécurité.
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
83
Notes
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
84
Clapham 1985
Marshall 1977.
Van Hensbroek 2007.
KUNA 2009 (en arabe).
PNUD 2007.
PNUD et Article 19 Campagne Globale pour la Liberté d’Expression 2007.
OADH 2008 (en arabe).
Le Conseil des droits de l’homme. Groupe de travail pour la revue périodique universelle.
Première session. Genève 7-18 avril 2008. Résumé préparé par le Haut-commissariat des Nations
Unies pour les droits de l’homme selon le paragraphe 15 (c) de l’annexe de la décision du Conseil
des droits de l’homme 1/5. Ce résumé a été publié sur quatre États arabes, l’Algérie, Bahreïn, le
Maroc et la Tunisie. Voir p. 4 de chacun de ces rapports. La périodicité de la revue pour le premier
cycle est de quatre ans. Par conséquent, les informations contenues dans ces rapports se basent
sur les événements après le 1er janvier 2004.
OADH 2008 (en arabe).
Wolfe 1977 ; et Bienen 1978.
Hafez 2003 ; Bayat 2005 ; Le Centre des Émirats pour les études stratégiques et la recherche
2004 (en anglais).
ONUDC 2005.
Voir le rapport du Conseil des Nations Unies pour les droits de l’homme sur l’Algérie, Bahreïn,
le Maroc et la Tunisie. Résumé préparé par le Haut-commissariat des Nations Unies pour les
droits de l’homme selon le paragraphe 15 (c) de l’annexe de la décision du Conseil des droits
de l’homme 1/5. Le Conseil des droits de l’homme. Rapport sur Bahreïn pp. 4-5. Rapport sur la
Tunisie pp. 2-3. Rapport sur l’Algérie p. 6. Rapport sur le Maroc p. 4.
Kawakibi 2004 (en arabe).
ONU 2005.
ONU 2005.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008l.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008k.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008k.
HRW 2007.
ONU – Conseil des Nations Unies pour les droits de l’homme 2008h.
Human Rights Watch 2007 (en anglais).
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Darfour,
2007d.
HRW 2007.
ONU – Conseil des Nations Unies pour les droits de l’homme 2008h.
ONU – Rapport des Nations Unies pour le Secrétaire général 2008e.
ONU – Rapport des Nations Unies pour le Secrétaire général 2008e.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008l.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008l.
ONU – Rapport des Nations Unies pour le Secrétaire général 2008e.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008l.
ONU 2007c.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008l.
HCDH 2008.
ONU – Rapport des Nations Unies pour le Secrétaire général 2008h.
ONU – Rapport des Nations Unies pour le Secrétaire général 2008h.
HRW 2007.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008l.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008l.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008k.
Le gouvernement a fourni des informations sur des cas de crimes de violence à l’encontre des
femmes au sud et au nord du Darfour, certains des accusés étaient des membres des forces régu-
Rapport arabe sur le développement humain 2009
42
43
44
45
46
47
48
49
lières (forces armées et police) Ces efforts de combat contre l’impunité à travers les investigations, la poursuite des auteurs et l’indemnisation doivent se poursuivre.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008l.
ONU – Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan,
2008l.
OADH 2008 (en arabe).
Brown, Hamzawi et Ottaway 2006.
Banque mondiale 2007b.
FMA, LEA, FADES et OPEP 2006 (en arabe).
Heydemann 2004.
Bayat 2003.
L’État arabe et la sécurité humaine — Performance et perspectives
85
Chapitre
4
L’insécurité personnelle
des groupes vulnérables
Le chapitre précédent a procédé à l’évaluation des efforts déployés par les pays
arabes en vue de garantir la sécurité humaine aux citoyens ; il s’est alors avéré que
ces performances n’étaient pas satisfaisantes en général. Dans de nombreux pays,
le cadre de sécurité que l’État assure semble entaché de lacunes juridiques, d’autant plus qu’il est contrôlé et organisé par des institutions de l’Autorité, fondées
sur la réquisition des libertés personnelles des citoyens en échange d’une sécurité
sociale et personnelle limitée. Dans la plupart des cas, la sécurité personnelle est
soumise à des règles sévères privant les citoyens de la liberté d’expression et de
la participation efficace.
Le présent chapitre traite de la situation des personnes originaires ou résidentes des pays arabes, et qui ne jouissent d’aucune sécurité personnelle. Ces
groupes – composés de femmes contraintes et maltraitées, de victimes de la traite
des humains, d’enfants soldats, de personnes déplacées internes, de réfugiés –
sont vulnérables à de graves menaces dues à la discrimination, à l’exploitation et
au déplacement. Ils méritent une attention particulière, parce que leurs conditions
de vie se trouvent hors des regards de la société. Souvent hors de la vue du large
public, ils sont exposés à la persécution dans leurs familles et leurs sociétés,
traités comme des esclaves ou peu s’en faut, déracinés à l’abandon partout où
la vie les a emportés, si peu à même de défendre leurs propres droits ou de leur
trouver des défenseurs. Leur insécurité est en marge du corps social qui les prive
presque de toute protection personnelle.
La violence à l’égard des
femmes : impunité et insécurité
Phénomène
mondial, la
violence contre
les femmes n’est
pas limitée aux
pays arabes
Les estimations indiquent qu’à l’échelle
mondiale, une femme sur trois est battue­,
violée ou subit des rapports sexuels forcés1.
Phénomène mondial, la violence contre les
femmes n’est pas limitée aux pays arabes.
Pourtant, comme l’a montré le RADH
2005, à propos de la promotion de la femme
dans les pays arabes, les femmes qui sont
prisonnières de liens tels que les rapports
patriarcaux, la discrimination réglementée, la subordination sociale, l’hégémonie
masculine enracinée, sont continuellement
exposées, dans les sociétés arabes, à la violence domestique institutionnalisée. Pire
encore, l’abus contre la femme dans certains pays arabes peut aller jusqu’à l’homicide sans que le coupable soit pour autant
sérieusement condamné, sinon à une peine
légère, s’il vient à prouver qu’il s’agit d’un
crime d’honneur.
Dans les pays arabes, la femme occupe
une place inférieure au sein de la famille
et ne jouit que d’une protection minime
dans le système juridique, notamment en
ce qui concerne les violations infligées
La femme arabe
est exposée à
la violence sa
vie durant
Encadré 4-1
par des membres mâles de sa famille. La
femme arabe est exposée à la violence sa
vie durant. Dans sa prime jeunesse, elle est
confrontée à toutes sortes d’abus, à la violence physique, sexuelle et psychologique,
à la mutilation génitale féminine (MGF),
au mariage précoce, à la prostitution des
mineurs et à la pédophilie. De tels abus
peuvent s’étendre, à l’âge de l’adolescence
et de la puberté, pour inclure l’abus sexuel,
le viol, la prostitution, la corruption forcée,
la traite des femmes, la violence et le viol
maritaux. Ils peuvent même aller jusqu’à
l’homicide prémédité2.
La violence contre les femmes prend
diverses formes. La « Déclaration sur l’éli­
mination de la violence contre la femme »
issue d’une décision de l’Assemblée générale des Nations Unies, définit la « violence
contre la femme » comme suit : « tous actes
de violence dirigés contre le sexe féminin,
et causant ou pouvant causer aux femmes
un préjudice ou des souffrances physiques,
sexuelles ou psychologiques, y compris la
menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans
la vie publique ou dans la vie privée 3. »
L’étendue de la violence et sa portée contre la femme dans les pays arabes
Malgré leur gravité et leur étendue, les cas enregistrés de
violence contre les femmes ne reflètent pas la réalité dans la
région arabe ; ils se réduisent aux cas observés ou dénoncés.
De nombreux cas échappent aux études faites à ce sujet. À
cela s’ajoute que certaines formes de violence passent sous
silence et ne sont pas dénoncées, comme par exemple les
cas d’injure et de violence verbale que les femmes éprouvent
quelque gêne à déclarer.
Certains spécialistes classent la violence qui menace
la femme en deux types : la violence directe et la violence
indirecte. La violence directe comprend toutes les formes de
préjudice. Exemples : les coups, le viol, l’homicide et d’autres
pratiques qui causent un dommage corporel à la femme.
L’abus sexuel, qui va du harcèlement au viol, fait partie de ce
type. Bien que les cas de violence sexuelle contre la femme
dans la région arabe se multiplient, ils restent dissimulés, car
en parler est considéré, au niveau social, comme un déshonneur pour la femme victime et sa famille.
Quant à la violence indirecte, elle renvoie à la manière
dont les institutions et l’héritage socioculturel prédominants
– y compris valeurs, coutumes et lois – pratiquent activement
la discrimination contre la femme. La violence verbale peut
être incluse dans les formes de violence indirecte, car elle est
le résultat de cette discrimination qui permet aux hommes
d’exercer la violence contre les femmes.
Les jeunes filles sont souvent exposées à la violence
verbale, punies et mises en garde contre des types de
compor­te­ments susceptibles de mettre leur chasteté en danger. À vrai dire, ce sont les femmes divorcées qui sont les plus
exposées à ce genre de violence, parce que la famille considère leur liberté comme un danger probable qu’il faut limiter.
Les femmes mariées souffrent de la violence verbale lorsque
la relation conjugale traverse des perturbations ou lorsque le
mari se défoule de ses frustrations et de ses problèmes sur
des personnes plus faibles que lui (telles que son épouse, sa
fille et sa sœur).
Pour d’autres spécialistes le spectre de la violence inclut
également la violence sociale. Ce dernier type compte la
restriction de l’intégration sociale des femmes qu’on prive
d’exercer leur rôle dans la communauté, ou le refus de
reconnaître les droits sociaux et personnels de l’épouse pour
la réduire à assouvir les penchants affectifs et intellectuels
de son époux. Cela nuit sûrement au respect de soi, au développement émotionnel, à la santé psychique, à la liberté et à
l’intégration sociale des femmes.
La femme est confrontée à ce genre de violence sociale
lorsque la famille se met à la harceler, à l’assujettir, à l’empêcher de quitter la maison sans permission, à la marier sans
son consentement, à rejeter son opinion sur des questions
qui touchent sa vie et son avenir.
Le divorce arbitraire est à son tour une forme de violence
sociale contre la femme. Par exemple, un mari peut répudier
sa femme à son insu ou pour des raisons qui ne sont pas
permises dans la charia islamique.
La violence relative à la santé est une autre forme de violence sociale dont souffrent de nombreuses femmes. Obliger
la femme à vivre dans des situations inadéquates, la priver
d’une protection sanitaire convenable ou ignorer ses besoins
en termes de prévention dans le domaine de la procréation
– comme l’organisation des périodes de contraception, la
limitation du nombre de naissances – contribue à détruire sa
santé et à raccourcir sa vie. Dans la culture arabo-musulmane,
les gens ont tendance à multiplier la descendance. Il est vrai
que les conséquences d’une telle attitude ne constituent pas
vraiment une forme de violence organisée contre la femme,
mais elles illustrent une partie des préjudices que l’héritage
socioculturel porte à la femme. L’essentiel ici est de voir si le
désir de faire un grand nombre d’enfants est partagé par les
époux et si cela ne porte pas atteinte à la santé physique de
la femme.
Enfin, la violence économique constitue une autre forme
de violence visant souvent les femmes. Les exemples vont de
la privation de la femme de son héritage à la mainmise sur
ses ressources économiques. Parfois le mari oblige sa femme
salariée à lui céder son salaire sous prétexte de contribuer
au budget du foyer et d’assurer les besoins de la famille. À
ce titre, les biens et le revenu de la femme sont confisqués
sans raison.
Source : Maryam Sultan Lootah, en arabe, document de base pour le rapport.
88
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Mutilation génitale féminine
Certains ont distingué deux types de violence, directe et indirecte, contre la femme.
Les pratiques dont il est question dans la
première catégorie regroupent toutes sortes
d’abus qui vont de la maltraitance au viol
et à l’homicide. Cette catégorie comprend
également les autres pratiques relatives
à la violence physique commise contre la
femme comme la mutilation génitale féminine (MGF) qui lui causent des souffrances
insoutenables dont les conséquences,
aux niveaux physique et psychique, sont
durables et peuvent conduire à une mort
précoce, suite à une hémorragie, une infection et un choc neural.
La MGF est une opération illégale très
peu mentionnée dans les livres de médecine. Elle est considérée par la loi internationale comme un crime4. Une telle opération
constitue un triple crime : 1) le préjudice
physique ; 2) la violation de la dignité de la
femme ; 3) l’exercice d’une pratique médicale non autorisée. Cependant, les positions
des codes juridiques face à cette pratique
oscillent entre la permission et la prohibition. Certains pays continuent même à
l’autoriser. D’autant plus que l’interdiction
juridique de la MGF risque de rester sans
effet dans la réalité, car les convictions coutumières héritées l’approuvent et la fa­vo­
risent. S’y ajoutent les efforts conjugués des
personnalités publiques influentes et des
forces politiques et sociales conservatrices
qui s’emploient à la défendre.
Il convient de signaler que l’Égypte, vers
le milieu de l’année 2008, avait apporté à
Encadré 4-2
Tableau 4-1
Estimation de la prévalence des mutilations génitales
féminines (MGF), 6 pays arabes
Pays
Année
Estimation du pourcentage des victimes
de la mutilation génitale féminine
pour la tranche d’âge 15-49 ans (%)
Somalie
2005
97,9
Égypte
2005
95,8
Djibouti
2006
93,1
Soudan (Nord)
2000
90
Mauritanie
2001
71,3
Yémen
1997
22,6
Source : OMS 2008.
la loi relative à l’enfant5 des amendements
interdisant la MGF considérée comme un
acte criminel. Elle a ainsi mis fin à la lacune
juridique qui permettait aux professionnels de la santé, et à d’autres, de se livrer à
cette pratique. Bien que la plupart des pays
arabes où elle est pratiquée pro­mulguent
des lois l’interdisant, la lenteur du progrès
dans ce domaine est révélatrice du maintien d’une pratique nuisible dans tous les
sens du mot. Ce maintien est favorisé par la
pauvreté, la baisse du niveau du sens hygiénique et de l’éducation sexuelle, l’expansion de la discrimination légale contre la
femme et l’absence d’un discours religieux
éclairé et convaincant.
La violence indirecte renvoie à un
grand nombre de pratiques socioculturelles, de coutumes héritées et de lois renfermant la discrimination fondée sur le
genre. Certaines revendications féminines
é­lar­gissent cette notion de manière à ce
qu’elle couvre la violence sociale dont l’un
des aspects concerne la restriction de la
La MGF est
une opération
illégale très peu
mentionnée
dans les livres
de médecine
Au Yémen, une mariée enfant a eu recours à la Cour pour obtenir justice
Au début de l’année 2008, une jeune mariée Njoud Ali, prend
un taxi public et se rend à la Cour, à l’ouest d’al-Amana à
Sanaa, au Yémen, et demande le divorce de son époux auquel
on l’avait obligée à se marier. Son époux, trois fois plus âgé
qu’elle, la violait et la battait presque chaque jour. Elle a
décidé alors de mettre terme à sa situation.
L’histoire de la jeune mariée, malgré son côté tragique, ne
devait attirer l’attention de personne si ce n’était l’âge auquel
on l’avait mariée ; elle avait à peine neuf ans.
Lorsque Shaza Nasser, avocate célèbre notamment parmi
les défenseurs des droits de l’homme, avait appris par hasard
l’histoire de Njoud Ali, elle a décidé de plaider la cause de
l’enfant, et sans honoraires. Une semaine après, un jugement
historique a été rendu : le « mariage » est annulé.
La souffrance de Njoud et sa révolte avaient fait un écho
énorme. Pour beaucoup de gens, elle fut victime du patriarcat
dans toute sa tyrannie et sa brutalité. Mais pour d’autres,
c’était une source d’inspiration. Car de nombreuses victimes
du mariage précoce ont élevé haut leur voix pour demander
justice, au moment où les défenseurs actifs et les responsables dans le gouvernement du Yémen revendiquent que
des dispositions soient prises pour arrêter cette pratique. À la
suite du cas de Njoud, des législateurs se mobilisaient pour
élever l’âge minimum légal du mariage de 15 à 18 ans.
Source : Verna 2008 ; Kawthar 2008.
L’insécurité personnelle des groupes vulnérables
89
Figure 4-1
Pourcentage des femmes de 20-24 ans mariées avant
l’âge de 18 ans dans 15 pays arabes, 1987-2006*
Algérie
Djibouti
Tunisie
Liban
cruciale pour son bien-être ou son avenir.
Certains classent le divorce parmi les violences sociales ; c’est-à-dire lorsque le mari
répudie sa femme sans l’avertir ou pour des
raisons injustifiées légalement (Maryam
Sultan Lootah, document de base pour le
rapport).
Jordanie
Syrie
Maroc
Le mariage précoce des mineures
Irak
Égypte
TPO
Soudan
Comores
Mauritanie
Yémen
Somalie
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
Source : UNICEF 2007.
*Ces données se réfèrent à l’année la plus récente disponible durant la période indiquée
dans le titre.
Tableau 4-2
Pays
Estimation de la prévalence de la violence sur les femmes
(violence physique), 7 pays arabes
Pourcentage des femmes
victimes de l’agression
Source
Année de
l’étude
Algérie
31,4 %
CDH
2008
Égypte
35 %
(des femmes mariées)
CESAO
2007
OMS
2006/7
2002
22,7 % (Sud/Centre)
Irak
10,9 % (Kurdistan)
Liban
35 %
FNUAP
Syrie
21,8 %
UNIFEM
2005
TPO
32 %
UNICEF
2000
50 % (des femmes
mariées)
FNUAP
2003
Yémen
Source : CESAO 2007 ; FNUAP et Yemeni High Council for Women 2007 ; ONU 2008 ; UNIFEM 2005 ;
FNUAP 2005 ; OMS 2007 ; UNICEF 2000.
Le sujet est tabou
dans une culture
caractérisée par
la domination
masculine
90
participation de la femme à la vie publique,
et l’autre concerne la privation de la femme
mariée de pratiquer ses droits sociaux et
personnels et son obligation à répondre
aux exigences passionnelles de son mari.
Une telle violence porte atteinte à la place
qu’occupe la femme, car elle entrave son
développement affectif et sa stabilité psychique en l’empêchant de mener une vie
naturelle et d’avoir des rapports interactifs
avec la société au sein de laquelle elle vit.
La femme peut être confrontée à ce
type de violence lorsque sa famille ou
l’un de ses membres lui interdit de sortir
de chez elle ou d’exprimer son opinion
sur des questions ayant une importance
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Dans plusieurs endroits de la région arabe,
on marie les filles à un âge précoce et, dans
la plupart des cas, à des hommes plus âgés
qu’elles. Le mariage précoce et la grossesse à l’âge de l’adolescence mettent en
péril la santé des mères et des enfants et
aug­mentent la vulnérabilité des femmes à
la violence. Le mariage précoce mène au
divorce, à la dissolution de la famille, à la
mauvaise éducation des enfants, et encourage forcément la grossesse précoce et
l’élévation du taux de la procréation. Ceci
conduit à des risques de santé certains, pour
la jeune mère et pour les bébés. La jeune
mariée ignore probablement les moyens
contraceptifs et les maladies sexuellement
transmissibles ; aussi est-elle plus exposée à
l’austérité et à la méchanceté de l’époux.
Pour ces raisons, le foyer où pénètre la
mariée, enfant ou adolescente, est entouré
d’insécurité.
Bien que les mariages précoces soient
en baisse dans les pays arabes, le nombre de
femmes mariées à l’adolescence est encore
relativement élevé dans certains d’entre
eux. Comme le montre la figure 4-1, le
pourcentage des femmes entre 20 et 24 ans
qui se sont mariées avant l’âge de 18 ans
selon les estimations de l’UNICEF, s’élève
à 45 % en Somalie, à 37 % en Mauritanie et
au Yémen, à 30 % dans les Îles Comores et
à 27 % au Soudan.
La violence physique
Il est difficile de mesurer l’étendue de
la violence physique contre les femmes
dans les sociétés arabes, sujet tabou dans
une culture caractérisée par la domination masculine. Cette violence se pratique
de manière cachée dans les foyers sur les
épouses, les sœurs et les mères. Les victimes ne dénoncent probablement pas ce
qu’elles subissent des membres de leur
famille. Quant à l’opinion publique et les
responsables de l’autorité et de la police,
ils évitent de se mêler de ces questions
privées, notamment de ce qui touche aux
femmes. Cela est vrai particulièrement
pour les groupes les plus pauvres où ce
comportement est considéré comme une
fatalité pour la femme. Ce qui explique que
la non-dénonciation de ces crimes est très
répandue, parce que les femmes savent que
porter plainte ne sert à rien, et peut-être
aussi parce que la plainte est considérée
Encadré 4-3
en elle-même comme quelque chose de
honteux. Un reportage, fait dans le cadre
du Rapport national sur le développement
humain en Irak en 2008, a montré que de
nombreuses femmes mariées acceptent la
violence de leurs maris. Cette acceptation
peut se comprendre du fait que l’héritage
social relatif à la supériorité des droits dont
jouit l’homme tout le long des siècles est
devenu un élément inhérent à la constitution de leur personnalité.
La discrimination
contre la femme
est l’élément le
plus évident dans
les lois de l’État
Les droits légaux de la femme dans le cadre des lois du statut personnel
Si l’on observe la manière dont les différentes lois du statut personnel arabe, qui recouvrent les musulmans et les
non-musulmans, sont appliquées, on repérera un exemple
évident de discrimination institutionnalisée, fondée sur
le genre. Cela est dû principalement au fait que les lois du
statut personnel sont inspirées des interprétations juridiques
religieuses et des opinions individuelles qui remontent à des
périodes historiques lointaines. Depuis ce temps, la culture
discriminatoire s’est enracinée. D’autant plus que l’on prête
à ces interprétations et opinions une aura de sacralité et
d’infaillibilité, alors que les croyances religieuses absolues
et bien établies s’y mêlaient à certains aspects de la réalité
historique relative aux communautés locales.
Les lois du statut personnel des musulmans découlant
totalement des principes de la charia (loi islamique) accordent
à l’homme seul le droit de divorcer comme il le désire. Seul le
mari, en cas de divorce révocable, possède le droit d’annuler le
divorce, selon sa volonté et sa décision. Par contre, la femme
ne peut divorcer que sur décision de la cour pour des raisons
déterminées par cette dernière, telles que les préjudices causés par le mari, son absence ou sa désertion, son manquement
à l’obligation alimentaire, ou son emprisonnement. Selon ces
mêmes lois, seul le mari a le devoir d’entretenir sa famille indépendamment de la fortune de son épouse. En retour, celle-ci
est appelée à obéir à son époux. Ainsi, l’obligation alimentaire
revient au mari, en échange des contraintes imposées à la
femme. À cela s’ajoute le droit à la polygamie.
C’est uniquement pour préserver ces principes essentiels
que des tentatives de réforme et de suppression de certains
aspects de différenciation et de discrimination ont touché de
nombreuses lois relatives à la famille arabe. On cite, dans
ce cadre, quelques tentatives limitées à l’atténuation de
certaines pratiques brutales : arrêter l’exécution de la sommation de réintégration du domicile conjugal, dite sentence de
« maison d’obéissance » (ta‘a), émise par la Cour (qui force
l’épouse d’obéir à son époux) ; le devoir de l’époux et du
notaire d’informer la première épouse de l’intention de son
mari de prendre une deuxième épouse ; restreindre le droit
de l’époux au remariage en exigeant de lui une justification
valable et le respect de l’équité entre les deux épouses ; accorder à l’épouse le droit de demander le divorce si son mari en
épouse une autre. D’autres exemples portent sur le droit du
khol‘ (qui permet à la femme de divorcer sans subir de dommages si elle renonce à ses droits financiers) et dans ce cas,
les deux époux ont le droit de mettre un terme à leur mariage.
À cela s’ajoute que l’époux est tenu d’informer son ex-femme
s’il désire la rappeler au domicile conjugal et d’enregistrer son
retour. La femme a le droit d’introduire quelques conditions
dans l’acte du mariage tant que celles-ci ne s’opposent pas
aux principes fixés par la charia en matière matrimoniale.
L’épouse a é­ga­lement le droit à la garde des enfants jusqu’à
la fin de la période légale de la garde, si cela est dans leur intérêt, comme elle a le droit de continuer à vivre dans le domicile
conjugal pendant la durée de la garde des enfants.
Quant aux lois du statut personnel des non-musulmans,
elles émanent de leurs croyances confessionnelles et religieuses et, généralement, elles limitent le champ devant la
femme pour ne pas dire qu’elles lui interdisent de divorcer.
Par exemple, l’épouse orthodoxe ne peut divorcer que pour
des raisons bien limitées et selon un jugement de la Cour chrétienne. Par contre, l’épouse catholique ne peut nullement et
en aucun cas divorcer. Aussi n’obtient-elle qu’une séparation
de corps. Quant aux droits des époux, il est évident que pendant le mariage, c’est le mari qui a la mainmise sur sa femme.
Alors que la plupart des pays arabes appliquent des lois
unifiées, en ce qui concerne l’organisation légale, certains
pays ont réformé les lois à cet égard, comme Bahreïn, Qatar,
le Liban et l’Égypte. Aussi est-il important de développer des
règles claires, précisant le statut personnel et visant à réaliser
la clarté au niveau légal. Les tentatives de mettre fin à la
discrimination ne peuvent aboutir qu’en développant cette
loi souhaitée.
En bref, la discrimination contre la femme est l’élément le
plus évident dans les lois du statut personnel dans les pays
arabes où elle est plus flagrante que dans d’autres régions.
Des pays tels que l’Égypte ont introduit des réformes pour
alléger cette discrimination, mais ces tentatives n’arrivent pas
au niveau des transformations avancées apportées aux lois
dans les pays du Maghreb comme la loi du statut personnel et
les réformes des codes de la famille en Tunisie, au Maroc et,
à un degré moindre, de celui du statut personnel en Algérie.
Il est clair, d’après les leçons tirées des lois appliquées au
Maghreb, qu’il est possible de formuler des lois arabes qui
préservent les fondements de la religion tout en adoptant des
interprétations capables de réaliser une grande part d’égalité
entre les hommes et les femmes et de contribuer à éliminer
l’injustice historique à l’encontre de la femme dans les rapports familiaux.
Source : Mohamed Nour Farahat, en arabe, document de base pour le RADH 2005.
L’insécurité personnelle des groupes vulnérables
91
Les lois du mariage
Certains pays
ont réalisé un
vrai progrès
dans la réforme
de l’état civil
Tableau 4-3
Pays
Algérie
Arabia saouditec
Dans les lois de plusieurs pays arabes, de
nombreux articles et actes juridiques relatifs aux codes de la famille confirment le
pouvoir de l’homme sur la femme dans le
mariage. L’attitude induite par ces dispositions juridiques indique que la sécurité et
le bien-être de la femme, ne peuvent être
assurés que par l’homme, puisqu’elle lui est
inférieure. Partant, les lois qui sont censées
assurer la sécurité à la femme dans la vie
conjugale, sont celles-là mêmes qui fa­ci­
litent à l’homme la pratique de la discrimination contre elle et la mettent, en effet, à
la merci de ses humeurs.
Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) – Vue
d’ensemble des ratifications par les pays arabes, 2009
Date de
ratificationa
Réserves sur articles
et matièreb
22 mai 96
2, 9, 15, 16, 29
7 septembre 00
9, 29
Bahreïn
18 juin 02
2, 9, 15, 16, 29
Comores
2 décembre 98
Pas de réserves
Djibouti
2 décembre 98
Pas de réserves
6 octobre 04
2, 9, 15, 16, 29
18 septembre 81
2, 9, 16, 29
Irak
13 août 86
2, 9, 16, 29
Jordanie
1er juillet 92
9, 15, 16
Koweït
2 septembre 94
9, 16, 29
Liban
21 avril 97
9, 16, 29
Libye
c
16 mai 89
2, 16
Mauritaniec
10 mai 01
Réserves générales
Maroc
21 juin 93
Pas de réserves
Oman
7 février 06
9, 15, 16, 29
EAU
Égypte
c
Ratification sur le
protocole optionnel
18 juin 04
Qatar
Soudan
28 mars 03
2, 9, 15, 16, 29
Tunisiec
20 septembre 85
9, 15, 16, 29
Yémen
30 mai 84
29
TPO
d
Convention sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes
Renforcer la sécurité personnelle de la
femme arabe nécessite des transformations
fondamentales dans les lois qui concernent
les questions du mariage, du divorce et de
la violence contre les femmes, ainsi que le
code personnel de la femme. Bien que certains pays tels que la Tunisie, l’Algérie et
le Maroc aient réalisé un vrai progrès dans
Somalie
Syrie
Les lois du code personnel qui
consacrent­ la suprématie de l’homme au
sein de la famille, dévoilent une situation
qui place la femme dans un état de soumission. Dans le cadre de ces lois qui prédominent dans la plupart des pays arabes,
la femme n’a pas le droit de demander le
divorce ni de s’opposer à la polygamie.
Le divorce est considéré ordinairement
comme l’un des droits de l’homme et non
une solution à certains problèmes conjugaux, même lorsque ce droit est accordé
officiellement à la femme. Or, un progrès
s’est réalisé ces dernières années et s’est
traduit dans les lois et les réformes progressistes dans certains pays arabes. Parmi
ces transformations : la promulgation de la
loi dite khol‘ (qui permet à la femme de
prendre l’initiative de demander le divorce)
en Égypte (2000), et les réformes apportées
au code de la famille au Maroc (2002) et en
Algérie (2005) qui ont adopté des lois semblables à celles du code de la famille appliqué en Tunisie, où la femme a le droit de se
marier sans le consentement de son tuteur.
Dans ces deux pays, les premiers pas vers
une législation équitable se traduisent par
la restriction de la polygamie, la permission
à la femme de déclarer son objection à la
polygamie dans l’acte du mariage, la remise
du divorce à une décision de la Cour ou
au consentement mutuel des époux et la
possibilité pour la femme de devenir son
propre tuteur à l’âge de 21 ans.
Source : UN Division for the Advancement of Women 2009.
Note : a/Ratification sur la convention : regroupe les travaux de la ratification, de
l’accession et de la succession.
b/Les réserves des pays arabes tournent principalement autour de l’opposition
entre les lois nationales et la charia d’une part et d’autre part les matières 2, 9,
15, 16 et 29 qui stipulent respectivement ce qui suit :
Article 2 stipule l’égalité devant la loi et interdit la discrimination contre la femme
dans les constitutions et les législations nationales.
Article 9 touche les droits de la nationalité.
Article 15 concerne l’égalité des femmes avec les hommes du point de vue de la
capacité juridique dans les questions civiles.
Article 16 intéresse le mariage et les rapports familiaux.
92
Article 29 concerne l’arbitrage entre les États parties et la soumission de tout
différend concernant l’interprétation ou l’application de la convention, à la Cour
internationale de justice
c/La déclaration montre que l’État n’est pas obligé d’appliquer des articles de la
CEDAW qui s’opposent à la charia.
d/Le 22 mai 1990, la République arabe du Yémen et la République démocratique
populaire du Yémen se sont unies sous le nom de la République Yéménite. Le
Yémen est considéré comme une partie dans les conventions qui ont été signées
avant l’union, depuis la date où l’un des deux États était devenu partie dans les
conventions. Concernant la CEDAW la République démocratique populaire du
Yémen avait ratifié la convention le 30 mai 1984.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
la réforme du statut personnel, beaucoup
d’autres sont encore à la traîne.
La plupart des pays arabes ont signé
« la Convention sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination à l’égard des
femmes » (CEDAW) et l’ont ratifiée ; ils
sont donc tenus d’appliquer ses recommandations, à l’exception des articles sur lesquels ils ont émis des réserves. Mais le fond
de la question demeure celui des nombreuses réserves fondamentales émises par
ces pays à l’égard de la Convention, sous
prétexte que certains de ses articles s’opposent à la charia, notamment l’article 2
consacré au principe d’égalité entre les
hommes et les femmes. Comme l’a montré
le RADH 2005, l’opposition à ce principe
annule en réalité l’accord de ces pays sur la
convention et suscite des doutes sur l’intention de respecter ses recommandations.
Les pays arabes sont tenus s’ils veulent
prouver leur bonne intention et réaliser un
progrès réel dans l’application des recommandations de la CEDAW de revoir leur
attitude et leurs réserves.
Encadré 4-4
Le Maroc lève ses réserves
relatives à la CEDAW
Le 11 décembre 2008, le Maroc a
levé ses réserves sur la Convention
sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard
de la femme (CEDAW). Le Maroc a
ratifié la Convention, le 21 juin 1993
mais en émettant des réserves sur
trois articles incompatibles avec les
enseignements de la loi islamique
(charia). L’une des réserves concerne
l’article 16, relatif à l’égalité entre
les époux dans l’acte du mariage ou
dans sa dissolution, parce que la
charia n’accorde le droit de divorce
à la femme que par la décision d’un
juge. Mais ces réserves ne sont plus
nécessaires après que le par­lement
avait voté « le code de la famille
(moudawwana) » amendé en 2004 et
qui a, de manière générale, élargi les
droits de la femme. Le deuxième­livre,
notamment le quatrième chapitre de
la moudawwana, évoque les droits et
des devoirs concernant la question du
divorce.
Source : International Knowledge Network
of Women in Politics 2008 ; UNIFEM – Stop
Violence Against Women 2008.
Les crimes d’honneur
Dans plusieurs pays arabes, les crimes d’honneur sont la pire forme de violence faite
aux femmes. De tels crimes s’en prennent
aux seules femmes ; ils sont censés punir
ce que leurs familles considèrent comme
un compor­tement immoral. Ce peut être
une relation sexuelle extraconjugale mais
aussi bien une simple fréquentation mixte
en dehors du cercle de la famille. Le châtiment peut aller jusqu’au meurtre ; particulièrement lorsqu’une grossesse résulte de
l’acte interdit. Dans certains pays, la loi se
met du côté des auteurs de ces crimes en
atténuant leur condamnation.
Nous attirons l’attention sur le débat
soulevé en Jordanie autour des articles 98
et 340 du code pénal jordanien. L’article 98
prévoit que l’auteur du crime bénéficie
d’une remise de peine si le crime était
commis « sous l’effet de la colère provoquée par un acte illicite et présentant un
aspect dangereux, commis par la victime ».
Plus encore, l’article 340 et précisément le
premier paragraphe avant son amendement
en 2001 après une longue lutte législative,
accorde à l’homme une exemption de
peine totale, s’il tue ou blesse ou défigure
sa femme ou une proche parente ou le partenaire de l’adultère. On continue­toujours
de signer au nom de cette loi des remises de
peine, en se référant à l’article 98 auquel les
juges recourent souvent.
Deux études sur l’homicide des femmes
au Liban, parues en 20076 et en 20087 sous
la supervision de « l’Organisation libanaise
de lutte contre la violence à l’égard de la
femme » et l’association Kafa, montrent­que
l’article 562 du code pénal libanais permet
de réduire la peine pour les crimes commis
dans le but de « préserver l’honneur ». La
conséquence d’un tel texte juridique est la
réduction des punitions pour divers crimes
prémédités qui visent les femmes, ce qui
ne manque pas de faciliter la perpétration
de ces crimes contre elles. L’une des études
faites à ce propos montre que 26 % sur 66
crimes prémédités étaient commis pour
des raisons relatives à l’honneur, cependant
55 % des sentences prononcées contre les
auteurs de ces crimes étaient rendues avec
indulgence et tolérance, et vont de la disculpation à une condamnation qui ne dépasse
pas 14 ou 15 ans d’emprisonnement. En
revanche, un crime capital au Liban est
passible de la peine de mort qui peut être
L’insécurité personnelle des groupes vulnérables
Les crimes
d’honneur sont
la pire forme de
violence faite
aux femmes
Le châtiment peut
aller jusqu’au
meurtre
93
Encadré 4-5
La loi relative
au viol est soit
ambiguë, soit
injuste à l’égard
de la femme
Sondage sur la sécurité humaine –
Comment se comporte-t-on avec une « femelle égarée » ?
Dans le sondage réalisé pour ce rapport sur la sécurité humaine, des questions ont été
posées aux personnes interrogées dans le Territoire palestinien occupé, au Liban et au
Maroc sur la manière dont réagiraient les membres de la famille si l’une de leurs femmes
commettait ce qui serait considéré comme une violation des coutumes ou des traditions
établies. Cette question n’était pas posée aux membres de l’échantillon koweïtien. La
majorité dans le Territoire palestinien occupé préférait d’abord comprendre de quoi il s’agit
et donner des conseils. Ceci est valable aussi pour le Liban, mais à un degré moindre. Au
Maroc, les opinions sont partagées à égalité entre trois types de réponses (conseil, punition
financière, violence physique). Les Palestiniens interrogés avaient le choix entre plusieurs
réponses. 60 % d’entre eux sont d’accord pour arrêter les allocations pour les femmes et
les garder à la maison et 40 % ont choisi la punition physique, alors que plus de 40 % de
l’échantillon marocain est d’accord pour le châtiment physique. D’autre part, le nombre de
ceux qui ont opté pour fermer complètement les yeux sur le sujet et de ceux qui ont choisi
de tuer était réduit.
Les réactions au sein de la famille à l’égard de celle qui viole les coutumes et les traditions.
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Laisser
tranquille
Liban
Vérifier
l’affaire
Conseiller
Punition
financière
TPO
commuée en prison à perpétuité. Une étude
parue en 1999 se référant aux registres des
autorités libanaises entre 1995 et 1998
montre que les crimes d’honneur atteignent
environ 12 crimes par an au Liban8.
Il n’y a pas de statistiques de sources
arabes sûres, sur l’expansion des crimes
d’honneur dans les pays arabes, mais il est
possible de s’en faire une idée en se basant
sur des estimations limitées provenant
de sources mondiales, fondées sur des cas
dénoncés effectivement.
Le viol et la société
Il est rare que les cas de viol soient portés à
la connaissance de la police ou publiés par
la presse des pays arabes. Par conséquent,
l’impression dominante est que les abus
sexuels contre les femmes sont peu nombreux et peu fréquents. Généralement,
dans les pays arabes, les femmes qui se
94
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Confiner à
la maison
Frapper
Tuer
Maroc
rendent aux tribunaux, lorsqu’elles sont
victimes d’un viol, subissent des interrogatoires trop durs, se dévoilent devant tout
le monde et sont marquées de déshonneur
dans leur milieu familial. Les problèmes
du viol ar­rivent rarement à la justice dans
les pays arabes, parce que la loi relative
à ce sujet est, soit ambiguë, soit injuste à
l’égard de la femme, et parce que la famille
et la société contribuent à nier et à dissimuler le viol, à préserver la virginité de la
jeune fille et à sous-estimer l’importance
du crime dans le but de protéger la réputation et l’honneur. La conséquence d’un
tel agissement est la continuité de l’un des
dangers les plus violents, les plus répugnants, pouvant avoir un impact très fort
sur la sécurité personnelle de la femme, au
moment où la société s’en détourne. Et si
un cas est dévoilé aux yeux de tous, c’est
que certaines femmes qui ne manquent pas
de courage ont porté leur cause devant le
tribunal pour demander leurs droits et faire
Tableau 4-4
Pays
Crimes d’honneur dénoncés, 5 pays arabes
Crimes
d’honneur
dénoncés
Source
Égypte
52
Département de la promotion de la femme auprès
des Nations Unies/Bureau des Nations Unies qui
s’occupe de la drogue et du crime
Année 1995
Irak (Erbil and
Sulaimaniya)
34
Mission d’assistance des Nations Unies en Irak
(MANUI)
Avril-juin 2007
25-30
Commission économique et sociale des Nations
Unies occidentale de l’Asie (CESAO)
Année 2007
Save the Children (Sauver l’enfance)
Année 2005
Save the Children (Sauver l’enfance)
Année 1998
Jordanie
TPO
Liban
12
Période d’étude
Sources : CESAO 2007 ; Save the Children 2007 ; MANUI 2007 ; United Nations Division for the Advancement of Women
et UNODC 2005.
face aux différents partis pris indélogeables
qui entourent d’habitude un tel crime.
Le rapporteur spécial chargé de la
question de la violence contre les femmes
indique l’insuffisance grave des relevés existants sur la violence à l’égard des femmes
et des filles, bien que les gouvernements
soient tenus d’encourager les recherches, la
collecte des données et l’organisation des
statistiques à propos de la violence contre
les femmes et d’encourager également les
études sur les raisons qui se cachent der-
Encadré 4-6
rière ladite violence, et les conséquences
qu’elle entraîne9.
Dans les rapports des années 2006, 2 007
et 2008, le rapporteur spécial a enregistré de
nombreux cas de viol dans différents pays
arabes : l’Arabie saoudite, Bahreïn, l’Irak, la
Libye et le Soudan. Il a également insisté
sur le fait que l’omission de mentionner un
pays ou une région donnée, ne doit pas amener à comprendre que ledit pays ou ladite
région ne connaissent pas de problèmes de
violence à l’égard de la femme10.
Le viol collectif
Les dernières années ont vu apparaître une reconnaissance
publique croissante de l’existence de formes de violence
contre la femme comme le viol collectif. Voici quelques cas
dénoncés dans deux pays arabes (il s’agit de l’Algérie et
de l’Arabie saoudite). Ces cas ont été enregistrés par le
rapporteur spécial, chargé de la question de la violence
contre les femmes, ses causes et ses conséquences.
L’Algérie : l’incident s’est déroulé à « Hassi Messaoud » (dans
le sud de l’Algérie), la nuit du 13/14 juillet 2001. Des centaines
d’hommes ont lancé une attaque violente contre un groupe
de 39 femmes qui vivaient seules. Ils ont abusé presque de
l’ensemble des femmes, physiquement et sexuellement et
ont volé ce qu’elles avaient dans leurs chambres. Plusieurs
femmes ont été violées individuellement et collectivement.
Après cette affaire, 30 d’entre les auteurs de cette agression
ont comparu devant le tribunal de Ouargla où 20 d’entre eux
ont été condamnés à des peines allant de trois mois à trois
ans. Mais personne n’a été condamné pour viol. La Cour
suprême a rejeté ce jugement et ordonna que le procès soit
refait. En 2005, la Cour de Beskra condamne la plupart des
inculpés à de longues peines et à dédommager les victimes.
L’Arabie saoudite : le 22 mars 2007, une jeune fille âgée
de 19 ans rencontre un ami au village d’al-Qatif. À peine se
sont-ils rencontrés qu’une bande de sept hommes les enlève
sous la menace des canifs. Ils battent le jeune homme puis le
relâchent. Quant à la fille, les sept ravisseurs se relayent pour
la violer. La Cour générale à al-Qatif condamne quatre d’entre
eux à des peines de prison allant d’une année à cinq en plus
de 1 000 coups de fouet. Ces sentences seront majorées le
15 novembre 2007. Les rapports ont indiqué que trois d’entre
eux se sont constitués prisonniers avant la fin du procès. Mais
la contradiction la plus extraordinaire c’est que lors du procès,
la Cour a condamné la jeune fille victime et son ami en 2006
pour s’être rencontrés à l’écart, alors qu’ils étaient de sexes
différents et n’étaient pas de la même famille. Quelque temps
après, le rapporteur spécial du programme des Nations Unies
affirme que le roi d’Arabie saoudite a accordé son pardon à la
fille au mois de décembre 2007.
Source : ONU, Rapporteur spécial chargé de la question de la violence contre les femmes 2008n.
L’insécurité personnelle des groupes vulnérables
95
La traite des êtres humains
La traite des êtres humains constitue une
activité importante, secrète et transnationale dont la valeur totale est estimée
à des milliards de dollars. Elle touche des
hommes, des femmes et des enfants, victimes d’enlèvement et de pression, entraînés à exercer divers travaux dégradants au
profit des trafiquants qui les exploitent.
Cela signifie pour les hommes, être forcés
à travailler dans des conditions inhumaines
sans aucun respect pour les droits du travail. Pour les femmes, cela signifie d’habitude, le travail domestique, peu différent de
l’esclavage, mais également l’exploitation
sexuelle et le travail dans les boîtes de nuit.
En ce qui concerne les enfants, cela signifie
l’obligation de travailler comme mendiants
ou comme vendeurs ambulants ou encore
comme méharistes ; cela peut les mener
également à l’exploitation sexuelle, et aux
activités pornographiques. Pour certains
enfants, tragiquement, cela commence­
La traite des
humains constitue
une activité
importante, secrète
et transnationale
dont la valeur
totale est
estimée à des
milliards d’USD
Tableau 4-5
Pays
Algérie
par leur enrôlement forcé dans des armées
en combat, parfois même dans l’armée
officielle et souvent dans des milices qui
combattent­ces armées.
Il n’y a pas d’informations précises
sur la traite des êtres humains, parce que
la plupart de ces opérations criminelles
se cachent derrière des activités légales
et s’en­tre­mêlent dans des parcours transfrontaliers, sur lesquels il est difficile d’enquêter et dont il est difficile de suivre les
mouvements. Dans les pays où le pouvoir
central s’est effondré, les cercles de contrebande s’activent ouvertement. Parfois, dans
d’autres pays, la traite des êtres humains se
cache derrière les agences de recrutement.
Derrière cette vitrine, s’effectuent des
formes atroces d’exploitation. On abuse
de la crédulité des victimes, en leur faisant
croire que ces agences constituent­ un lien
entre le « client » et le marché du travail
ou l’employeur probable. À vrai dire, ces
agences promettent à leurs victimes monts
et merveilles dont la vérité ne se découvre
Cas de dénonciation de la traite des personnes selon les registres de l’Office des Nations Unies
contre la drogue et le crime (ONUDC)11
Pays
d’origine
Pays
de transit
Pays de
destination
Caractéristiques
des victimes
But
du trafic
Moyen
Faible
Très faible
Femmes et enfants
Exploitation sexuelle
Arabie
saoudite
Non mentionné
Très faible
Élevé
Femmes et enfants (garçons et filles)
Exploitation sexuelle et travail forcé
Bahreïn
Non mentionné
Très faible
Moyen
Femmes et enfants (garçons et filles)
Exploitation sexuelle et travail forcé
Djibouti
EAU
Égypte
Irak
Jordanie
Koweït
Faible
Non mentionné
Très faible
Femmes et filles
Exploitation sexuelle
Non mentionné
Non mentionné
Élevé
Femmes, enfants
(garçons et filles) et hommes
Exploitation sexuelle et travail forcé
Très faible
Moyen
Faible
Femmes
Exploitation sexuelle
Faible
Non mentionné
Faible
Femmes et enfants (garçons et filles)
Exploitation sexuelle et travail forcé
Faible
Très faible
Non mentionné
Femmes
Exploitation sexuelle
Non mentionné
Non mentionné
Moyen
Femmes et enfants (garçons et filles)
Exploitation sexuelle et travail forcé
Liban
Faible
Très faible
Moyen
Femmes et enfants (garçons et filles)
Exploitation sexuelle et travail forcé
Libye
Non mentionné
Non mentionné
Faible
Femmes
Non mentionné
Maroc
Élevé
Faible
Très faible
Femmes et filles
Exploitation sexuelle et travail forcé
Oman
Non mentionné
Non mentionné
Faible
Enfants (garçons et filles)
Exploitation sexuelle et travail forcé
Qatar
Non mentionné
Non mentionné
Moyen
Femmes et enfants
(garçons et filles)
Exploitation sexuelle et travail forcé
Somalie
Faible
Non mentionné
Non mentionné
Femmes, enfants
(garçons et filles) et hommes
Exploitation sexuelle et travail forcé
Soudan
Faible
Non mentionné
Très faible
Femmes, hommes et enfants
(garçons en particulier)
Exploitation sexuelle et travail forcé
Très faible
Non mentionné
Moyen
Femmes
Exploitation sexuelle
Syrie
Tunisie
Faible
Non mentionné
Non mentionné
Femmes et enfants
Exploitation sexuelle
Yémen
Très faible
Non mentionné
Faible
Femmes et enfants
Exploitation sexuelle et travail forcé
Source : UNODC 2006.
96
Rapport arabe sur le développement humain 2009
que lorsque ces dernières terminent leur
voyage à travers des conduits douteux et,
dans la plupart des cas, entourés de dangers. C’est alors que l’image du paradis
tant rêvé auquel elles espèrent arriver, en
Europe ou aux pays du Golfe par exemple,
s’évanouit, lorsqu’elles dé­couvrent que les
travaux qui les attendent n’ont rien à voir
avec les emplois promis12.
Dans les pays arabes, la traite des êtres
humains présente des caractéristiques précises et claires. D’abord, ces pays jouent
des rôles différents et dans certains cas, de
nombreux rôles. Il se peut que l’État soit la
destination de ce phénomène, comme c’est
le cas dans l’ensemble des pays du Golfe et
relativement en Jordanie et au Liban. Il se
peut également que ces pays soient un passage comme c’est le cas pour la Jordanie,
l’Algérie, le Liban, l’Égypte et le Maroc. Et
il se peut encore que ces pays soient euxmêmes l’origine des victimes, comme c’est
le cas pour la Jordanie, la Tunisie, l’Algérie,
le Soudan, la Somalie et le Maroc.
Les pays arabes ne constituent pas uniquement la source des victimes la traite des
êtres humains dans la région. Ces pays sont
devenus l’une des destinations majeures de
la traite des personnes venues des différents
coins de la terre : le sud-est de l’Asie, l’Europe de l’Est, l’Asie Mineure et l’Asie centrale. Le point d’arrivée de ce trafic dans la
région c’est est en premier lieu les pays du
Golfe et d’autres pays tels que la Jordanie,
le Liban et l’Égypte. Les pays sub-sahariens
en constituent un autre point de départ.
Des nombres infinis de personnes déferlent
de ces régions vers les pays nord-africains,
notamment, la Libye, le Maroc et la Tunisie
en vue d’aller en Europe. Il arrive que certains ne réussissent pas à passer et alors ils
ratent leur opportunité et continuent d’attendre le moment propice. Pour gagner leur
vie, et si la chance leur sourit, ils ac­com­
plissent des travaux manuels minables ou
ils se transforment en mendiants, en vendeurs ambulants, sinon, ils se livrent à la
prostitution. En plus de ces dynamiques
transfrontalières, le cycle de la traite des
êtres humains, peut être confiné à un seul et
même pays comme c’est le cas à Djibouti,
au Soudan, en Somalie, en Mauritanie et à
un degré moindre en Tunisie et en Égypte.
La fin la moins catastrophique qui
attend les victimes c’est de servir dans les
maisons. Nombre d’entre elles, par ailleurs
finissent par connaître de bien pires destins
lorsqu’on les oblige à vivre dans des situations très proches de l’esclavage, en tant que
domestiques chez les miliciens en guerre
au Soudan et en Somalie, ou pour assouvir
leurs désirs. Dans d’autres cas, lorsqu’elles
ne se réduisent pas à une situation voisine
de l’esclavage dans les maisons au Golfe,
en Mauritanie ou à Mali à titre d’exemple,
elles sont exportées vers des milices, dans
les pays voisins, comme « l’armée de Dieu
pour la résistance » en Ouganda qui recrute
les enfants et les prisonniers de guerre du
sud du Soudan. Les trafiquants utilisent
différentes méthodes pour intimider les
victimes afin de pouvoir les contrôler. Il
leur arrive de retenir tout simplement les
sommes d’argent dues à certaines d’entre
elles. Mais il existe d’autres méthodes
encore telles que :
• maintenir les victimes dans une situation de servitude et de dépendance par
le biais de leur endettement ; cela inclut
la rétention de leurs rémunérations sous
forme de « dépôts » ;
• les mettre en quarantaine en surveillant et limitant leurs contacts avec
l’extérieur ;
• les isoler de leur famille, leurs proches
et leur communauté religieuse ;
• confisquer leurs passeports, leurs visas
et leurs documents d’identité ;
• recourir à la violence ou à la menace
d’en user contre les victimes et leurs
familles ;
• les menacer d’humiliation en exposant
les circonstances de leur existence
devant leurs familles ;
• menacer les victimes d’em­pri­son­
nement ou de rapatriement pour cause
de violation des droits d’immigration
si elles informent les autorités de leurs
situations.
Ces pays sont
devenus l’une
des destinations
majeures de
la traite des
personnes
Les trafiquants
utilisent différentes
méthodes pour
intimider les
victimes afin
de pouvoir les
contrôler
Les femmes et les enfants pris
dans les scènes des conflits
Le viol comme arme dans les conflits
Les guerres étendent le domaine des violences subies par les femmes en périodes
de paix, tout en révélant d’autres formes,
plus vives et plus distinctes, de vulnérabilité. L’OMS classe ces vulnérabilités dans
des catégories qui regroupent des attentats
sexuels commis indifféremment par des
forces ennemies et « amies », le viol collectif
L’insécurité personnelle des groupes vulnérables
97
Pour de
nombreuses
femmes, la
transmission
du VIH par leurs
violeurs est
vécue comme un
arrêt de mort
Encadré 4-7
comme stratégie de nettoyage ethnique
et d’hégémonie13. Les conflits armés ont
poussé les femmes partout dans le monde
à l’esclavage sexuel militaire, à la prostitution forcée, au « mariage » forcé et à la
grossesse par viol. Ces conflits se sont transformés en des lieux propices à la pratique
du viol répété et du viol collectif. Au sein
de la guerre, les femmes sont obligées de
vendre leur chair pour qu’on leur épargne
la vie, pour avoir à manger, pour avoir un
gîte ou une « protection ». Les victimes de
ces attaques sont notamment les filles et
les femmes âgées, les maîtresses de familles
seules et les femmes qui cherchent du bois
à brûler et de l’eau potable. Les victimes
du viol souffrent de maux physiques et
psychiques durables. Pour de nombreuses
femmes, la transmission du VIH par leurs
violeurs est vécue comme un arrêt de mort.
Les conflits ethniques constituent les pires
spectacles de ce genre de viol collectif.
Les exemples les plus abominables dans
ce domaine sont ceux qu’avaient connus
dernièrement l’Ouganda, la République
démocratique du Congo, le Rwanda, la
Yougoslavie et, dans les pays arabes, le
Darfour.
En périodes de guerre, les femmes sont
attaquées dans un environnement caractérisé par l’absence de la loi, par l’immigration interne, par le conflit armé où les
rôles attribués aux deux sexes, des femmes
et des hommes, se définissent de manière
ségrégative. Sur ces scènes, les hommes
compensent l’insécurité qu’ils ressentent
et la perte de leur domination par leur
agressivité à l’égard des femmes. Lors des
Des cris dans le désert – Les femmes du Darfour
Après cinq ans de conflit armé dans la région du Darfour au
Soudan, les femmes et les filles qui habitent dans les centres
des émigrés, dans les campements, dans les villages et les
régions rurales, demeurent extrêmement vulnérables aux violences sexuelles. Ces dernières continuent sur un rythme très
rapide à travers toute la région dans le cadre des attaques
contre les civils et même durant les moments de paix relative
par ailleurs. Les responsables de tels actes sont des hommes
de la force de sécurité, des miliciens et des rebelles actuels et
anciens qui visent principalement (mais pas exclusivement)
les femmes et les filles dans la région du Fur, de Zighawa, de
Masalit, de Berti, de Tunjur et les autres groupes ethniques
non arabes.
Les femmes restées en vie, au Darfour, après les souffrances vécues à cause de la violence sexuelle, ne peuvent
pas demander justice ni compensation, de peur des conséquences que cela puisse engendrer au cas où elles informent
les autorités de ce qu’elles ont subi, d’autant plus qu’elles
sont à court de ressources pour mettre les agresseurs
derrière les barreaux. La police est présente effectivement,
mais uniquement dans les principaux villages et dans les
postes de l’État, et ne possède ni les moyens fondamentaux
ni la volonté politique pour réprimer les crimes de violence
sexuelle et faire des enquêtes nécessaires. Souvent, la police
omet d’enregistrer les plaintes et ne fait pas non plus d’investigations sur ces cas en utilisant de bons moyens. Si certains
agents de police s’engagent réellement à s’acquitter de leur
fonction, la plupart, par contre, agissent avec désinvolture
et hostilité à l’égard des femmes et des filles. Ces difficultés
s’aggravent en raison du refus de faire des investigations sur
des crimes commis par les soldats ou les miliciens, qui jouissent souvent d’immunité en vertu des lois qui les exemptent
de toute juridiction civile.
Le Gouvernement soudanais s’engage à lutter contre
la violence sexuelle au Darfour et commence au mois de
novembre 2005 à exécuter le plan national de lutte contre la
98
violence à l’encontre de la femme. Et au mois de décembre de
la même année, le ministère de la Justice forme une unité de
lutte contre la violence à l’égard de la femme et de l’enfant,
afin de superviser l’exécution de ce plan national et de coordonner le travail visant à réaliser ses objectifs. Par ailleurs,
les gouverneurs des trois États de Darfour forment des comités dans chacun de ces États – comptant des représentants
des organisations et des autorités locales – pour faire face au
phénomène de la violence contre les femmes.
Mais ces mesures ont échoué jusqu’ici à mettre fin aux
causes profondes de l’expansion large et persistante de la
violence sexuelle dans tous les coins du Darfour, et à lever
l’immunité des auteurs de ces crimes. Jusqu’à maintenant,
l’État n’a fourni aucun effort sérieux pour empêcher les
soldats et les miliciens (ou leur interdire) de pratiquer la
violence sexuelle ou pour inculper les criminels. Il n’a pas
non plus pris l’initiative de chercher les points faibles et les
défectuosités dans les secteurs de la police et de la justice.
Les femmes et les filles continuent d’être battues et violées.
Le déshonneur social et les obstacles qui entravent la justice
découragent les femmes et les filles lorsqu’elles décident de
demander justice et compensation, alors que les membres
des forces armées jouissent de l’immunité qui les protège des
poursuites judiciaires.
Depuis 2004, la Mission de l’Union Africaine au Soudan,
dite AMIS, a fait des efforts pour protéger les femmes et les
filles, victimes de la violence sexuelle. Mais le manque de
ressources, en plus des défis sécuritaires et logistiques, a
anéanti ces efforts. Le premier janvier 2008, une mission
conjointe des Nations Unies et de l’Union africaine au Darfour
(MINUAD) a pris la responsabilité de superviser la délégation
de l’Union Africaine et s’est chargée de protéger les organisations de bienfaisance et les organisations humanitaires, ainsi
que les habitants civils, et de poursuivre les accords de paix.
Source : HRW 2008c.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
assauts donnés par les soldats, incités par
leurs commandements pour se donner du
« courage », le viol peut être utilisé comme
un outil de guerre pour soumettre les victimes visées et les humilier.
Au mois de juin 2008, le CSNU adopte
à l’unanimité la résolution n° 182014 où il
« exige de toutes les parties à des conflits
armés qu’elles mettent immédiatement
et to­ta­lement fin à tous actes de violence
sexuelle contre des civils ». Le Rapport
indique que la violence sexuelle vise par­ti­
cu­liè­rement les femmes et les filles et s’emploie « notamment comme arme de guerre
pour humilier, dominer, intimider, disperser ou réinstaller de force les membres
civils d’une communauté ou d’un groupe
ethnique ».
Encadré 4-8
L’histoire d’une fille nommée Abir
La tuerie de Mahmoudia est survenue le 12 mars 2006, dans la maison
d’une famille habitant un petit village au sud de Bagdad en Irak.
Ce jour-là, cinq soldats américains de l’infanterie 502 ont suc­ces­si­
vement violé une jeune fille irakienne âgée de 14 ans, puis l’ont tuée après
avoir tiré sur sa mère Fakhria, âgée de 34 ans, et sur son père Kacem, âgé
de 45 ans, et sa petite sœur Hadil âgée de cinq ans.
Témoignant en échange d’une réduction de peine, un des coupables
raconte qu’ils ont aperçu la jeune fille ce jour-là à un point d’inspection et
l’ont suivie dans l’intention de la violer. Le 12 mars 2006, ils ont attaqué
la maison de Abir, ils ont séquestré le père, la mère et l’enfant de cinq ans
dans l’une des chambres de la maison et les ont tous exécutés. Ils ont
violé ensuite la jeune fille, l’un après l’autre, et l’ont tuée.
Dans la période comprise entre novembre 2006 et août 2007, des
tribunaux militaires américains ont condamné les auteurs de ces crimes à
des peines de prison allant de 90 ans à 110 ans.
Source : BBC News 2007a, 2007b, 2008.
Le viol des enfants en période
de conflit armé
Dans les situations de conflit, les cas de viol
et d’abus sexuel contre les enfants continuent à être systématiques et largement
répandus. Les enfants sont les plus exposés
aux dangers dans les camps des réfugiés et
dans les colonies des personnes déplacées
internes ou dans des pays voisins. Selon le
rapport du secrétaire général des Nations
Unies de l’année 2008 sur les enfants et le
conflit armé15, le nombre de cas dénoncés
de viol et d’abus contre les enfants, a augmenté en Somalie, de 115 en 2006 à 128
pendant la période comprise entre 16 mars
2007 et 15 mars 2008. Les Centres de protection des enfants avancent que les parties
compromises dans le conflit n’ont commis
que quelques-uns de ces prétendus cas
dénoncés, mais la continuation des combats­
expose les femmes et les enfants à la violence sexuelle à cause du dé­pla­cement, de
la misère, de l’effondrement du règne de la
loi et du retour des groupes armés et des
milices qui travaillent pour leur propre
compte. Certains rapports parlent des victimes âgées de 3 mois. La catégorie la plus
exposée aux dangers est celle qui comprend­
les femmes et les filles qui vivent dans des
endroits découverts et non protégés, réservés aux personnes déplacées internes (PDI)
et notamment celles qui, dans leurs régions,
appartiennent à des tribus minoritaires.
Dans les colonies des PDI à Raf, à Raho
et Tuur Jalle dans la région de Bosaso, 31 cas
de viol contre enfants ont été dénoncés en
un seul mois. Et dans la colonie de Boulou
Manghisse à Bosaso, 25 cas de viol contre
enfants ont été dénoncés au mois d’octobre 2007 et dans la première semaine de
novembre de la même année, trois filles de
7, 12 et 18 ans ont été violées dans la colonie. Au cours de l’année 2007, 40 enfants
ont été violés, et 12 enfants ont fait l’objet
de tentatives de viol dans 5 colonies de PDI
en Somalie, dont Cheikh Nour et Hargeisa.
Les PDI ont avancé que dans la plupart des
colonies, les auteurs de ces abus sont des
déplacés comme eux, des personnes de la
région d’accueil et des agents de police.
Bien que les viols dénoncés soient, dans
leur majorité, commis par des civils, plusieurs rapports ont indiqué que les auteurs
de certains abus sexuels sont des membres
appartenant aux parties en conflit, tels que
les miliciens, les soldats du Gouvernement
fédéral transitoire (GFT) et les troupes
éthiopiennes. Les barrages sur les routes,
montés par les miliciens et les bandes,
constituent les endroits où les violences
sexuelles dénoncées se pro­duisent souvent. Au mois de mai 2007, les membres
d’une milice ont arrêté un petit car à un
point d’inspection et ont violé 8 femmes et
5 filles. D’autres cas de viol se sont produits
au moment où des filles ont fui Muqdisho.
Dans la première moitié de l’année 2007, il
y a eu 4 cas certains de viol de jeunes filles
de la part des hommes portant des costumes officiels du GFT. Souvent, ces viols
sont commis par des criminels qui jouissent
d’une sorte d’immunité leur permettant de
L’insécurité personnelle des groupes vulnérables
Dans les situations
de conflit, les
cas de viol et
d’abus sexuel
contre les enfants
continuent à être
systématiques
et largement
répandus
Certains rapports
parlent de victimes
âgées de trois mois
99
De nombreux
cas ne sont pas
dénoncés de peur
du déshonneur
Les enfants
sont une
proie facile
100
déroger à la loi. Souvent aussi, les victimes
sont ignorées par les institutions de justice
traditionnelle et sociale qui préfèrent négocier avec la tribu des criminels en lui proposant un ar­ran­gement matériel (consistant
en un nombre de chameaux ou des sommes
d’argent telles que 800 USD) que le criminel ou l’un des membres de la tribu offre
à la victime, ou encore l’auteur du crime
lui-même épouse la victime. Ainsi, au dommage causé par le viol, la société ajoute le
déshonneur dont elle affuble la victime.
Selon le rapport du Secrétaire général
des Nations Unies de 2007 sur les enfants
et le conflit armé au Soudan16, le viol se
répand à une grande échelle au Darfour
comme arme de guerre. Il est clair que le
problème est beaucoup plus grand que
les 62 cas confirmés. Les auteurs de ces
crimes sont généralement des gens armés et
souvent­ en uniforme. Ils visent les femmes
et les filles déplacées internes ou celles qui
travaillent pour se nourrir. Dans la plupart
des cas, la victime identifie les criminels
comme étant des membres de l’armée soudanaise, de la police centrale de réserve
ou des milices Janjaweed. Des rapports
parlent fréquemment dans d’autres cas,
d’auteurs de viol armés et inconnus. Cela
montre de plus en plus que le viol vise les
filles précisément. Les rapports in­diquent
aussi 5 cas de viol de jeunes garçons parmi
les 62 cas confirmés la même année. Au
sud du Soudan également, et dans les
« trois régions », 6 cas de viol avérés ont
été dénoncés entre le 16 juillet 2006 et le
30 juin 2007, la responsabilité est attribuée
ici aux membres des forces armées agissant
seuls ou en groupe.
Le 15 avril 2007, deux fillettes de 10 et
de 12 ans étaient sur le chemin du retour
d’une ferme au nord du Darfour, lorsque
deux soldats armés habillés en kaki les
attaquèrent. L’un d’eux avait renversé par
terre la moins jeune et l’a violée pendant
que l’autre battait la plus petite. Lorsqu’un
groupe de PDI s’était rapproché, les deux
soldats ont pris la fuite vers le sud, comme
l’avait indiqué un rapport, dans la direction d’un camp pour les forces de l’Union
soudanaise tout près d’Oum Drissa. Le
15 octobre 2006, deux militaires de l’armée de libération du Soudan (Minawi) ont
violé une enfant de 12 ans à Taradona au
nord de Darfour, elle a été battue et violée
sauvagement. Ces actes ont été confirmés
et la responsabilité a été enregistrée contre
Rapport arabe sur le développement humain 2009
l’armée de libération de Soudan (Minawi).
Il a été confirmé aussi que 4 membres de
l’Union des forces soudanaises ont violé
au mois de septembre 2006 une fille de
16 ans à l’est de Djebel Marra ; l’acte a été
commis devant le bébé de celle-ci âgé de
6 mois, fruit lui-même d’un viol antérieur.
Les viols re­flètent les malheurs quotidiens
que vivent les filles, et dont la plupart surviennent lorsque celles-ci vont chercher de
l’eau, ramasser du bois à brûler ou accomplir d’autres tâches domestiques.
Il est rare que ces crimes de viol fassent
l’objet d’une enquête ou d’une poursuite
judiciaire au Darfour où les institutions
représentant la loi sont presque absentes.
De même que de nombreux cas ne sont
pas dénoncés de peur du déshonneur. Au
moment de préparer ce rapport, 3 cas
ont été enregistrés, dénonçant des viols
commis­ par 2 membres de la police centrale de réserve et un membre de l’Union
des forces soudanaises ; ils ont comparu en
justice pour avoir violé de jeunes garçons
de 13 ans.
Des enfants enrôlés dans la guerre
Les enfants sont une proie facile aux pratiques qui sapent leur sécurité. Ces pratiques
ne s’arrêtent pas à l’anéantissement de leur
liberté, mais elles leur causent également
des préjudices énormes qui vont des complexes psychiques, aux dommages physiques et même à la mort. La plus cruelle de
ces pratiques est le recrutement des enfants
pour la guerre. Celui-ci prend généralement
trois formes : la première consiste dans leur
recrutement pour le combat effectif, phénomène connu sous le nom de la militarisation
des enfants, la deuxième est de les employer
dans des activités « de support » comme le
transport de l’équipement, l’espionnage, la
surveillance, la transmission de messages et
les services sexuels, la troisième à les utiliser comme boucliers humains ou pour la
propagande.
Dans les pays en voie de dé­ve­lop­pement,
la guerre civile et l’occupation étrangère
créent des conditions favorables à l’exploitation des enfants. Parmi ces conditions,
l’effondrement de la sécurité générale et
de la stabilité politique, la perturbation du
travail des institutions pédagogiques, la dislocation familiale, la pauvreté, le chômage,
le déplacement des populations et leur
fuite en dehors du pays. Difficile de distinguer les enfants qui s’engagent « vo­lon­tai­
rement » dans des combats pour l’argent de
ceux qui font ce service sous pression, au
détriment de leur développement mental,
psychique et physique.
Pourtant, on peut distinguer deux cas
d’engagement des enfants dans les activités militaires dans les pays arabes. Au
Soudan et en Somalie les rapports parlent
largement de la militarisation des enfants ;
dans les autres régions de conflit, dans le
Territoire palestinien occupé, au Liban, en
Irak, ils parlent d’enfants, volontaires ou
forcés, jouant des rôles de support pendant
que leur souffrance continue à cause du
conflit armé dans ces régions17.
Seul un petit nombre de pays arabes
s’est engagé devant la communauté internationale à interdire le recrutement des
enfants pour des activités militaires. Treize
pays seulement ont ratifié le protocole
optionnel de la convention des droits des
enfants au sujet de leur participation aux
conflits armés. Ces pays sont : la Jordanie,
Bahreïn, la Tunisie, le Soudan, la Syrie,
l’Irak, Oman, Qatar, le Koweït, la Libye,
l’Égypte, le Maroc et le Yémen. Trois autres
pays (Djibouti, Somalie, Liban) ont signé le
Protocole optionnel sans le ratifier. Ce protocole souligne l’engagement de ces pays à
protéger les enfants contre la participation
aux conflits armés et incite à congédier les
enfants qui n’ont pas atteint l’âge de dixhuit ans18. Même si le recrutement des
enfants dans des opérations de combat est
limité à des régions de conflit dans les pays
arabes, les États arabes sont tous tenus de
déclarer clairement leur engagement à lutter contre ce phénomène. Cela est vrai surtout pour les pays qui ont ratifié le protocole exigeant la prise de toutes les mesures
nécessaires pour mettre à exécution cet
engagement.
Selon le contenu du Rapport mondial
sur les enfants soldats, émis par la Coalition
pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats, il y avait 17 000 enfants dans les forces
du gouvernement et des milices alliées et
des groupes armés opposés dans les régions
du nord, de l’est et du sud du Soudan au
mois de mars 2004. Entre 2 500 et 5 000
enfants ont travaillé dans des groupes armés
de l’opposition et de l’armée populaire de
libération du Soudan au sud (APLS). Malgré
les déclarations présumées de l’APLS selon
lesquelles, 16 000 enfants ont été libérés de
ses rangs, entre 2001 et 2004, le rapport
indique que cette armée recrute encore
des enfants. À cela s’ajoute que « l’Armée
de résistance de Dieu » en Ouganda garde
6 000 enfants comme otages au sud du
Soudan. La crise humanitaire au Darfour a
généré des effets effroyables sur les enfants
de la région. Au moment où les aspects de
cette crise commencent­ à se révéler, de
nombreux rapports continuent de parler
d’enfants séquestrés et contraints de travailler dans les forces armées et les milices
combattantes. Ces rapports mentionnent
que des enfants âgés de moins de 14 ans
ont été aperçus en train de servir dans les
forces armées et dans la police au Darfour
et également dans les rangs des milices
pro-gouvernementales connues sous le
nom de « Janjaweed ». Il existe des preuves
sûres sur le re­cru­tement des enfants dans
les forces armées soudanaises, dans le
Mouvement pour la justice et l’égalité, dans
les quatre sections de l’armée de libération
du Soudan, dans les forces de la défense
populaire, dans les forces de Janjaweed et
dans la police centrale de réserve.
Bien que l’utilisation des enfants dans
des activités militaires au Soudan n’ait pas
encore cessé, il y a des signes d’une amélioration au sud et à l’est, ainsi qu’au Darfour.
D’abord l’engagement que certaines parties
en conflit ont signé au sein de l’UNICEF
à démilitariser les enfants et à permettre
aux organismes internationaux d’inspecter leurs camps pour s’assurer qu’ils ont
respecté leur engagement. Par ailleurs, les
autorités gouvernementales sont d’accord
pour incriminer ces activités et allouer
des fonds pour réintégrer les enfants dans
le cadre d’une vie naturelle. Le gouvernement de l’Union nationale à Khartoum
et le gouvernement du sud du Soudan
se sont engagés à respecter ces engagements, après la visite de l’envoyé spécial
du Secrétaire général au Soudan au mois
de janvier 2007. Au Darfour, en juin 2007,
la faction « Minni Minnawi » dans l’armée
de libération du Soudan a signé un plan
de travail avec l’UNICEF pour mettre fin
au travail des enfants dans les opérations
de combat et s’est engagée selon ce plan à
libérer les enfants qui travaillaient dans ses
rangs. Mais le rapport international indique
que jusqu’au mois de juin 2007, cette faction n’a entamé aucune action concrète
pour honorer ses engagements. Le rapport
conclut que toutes les parties du conflit au
L’insécurité personnelle des groupes vulnérables
Seul un petit
nombre de pays
arabes s’est
engagé devant
la communauté
internationale
à interdire le
recrutement des
enfants pour des
activités militaires
Les autorités
gouvernementales
sont d’accord
pour incriminer
ces activités
101
Le fusil sera au
lieu du livre un
style de vie tout
à fait habituel
pour les enfants.
Les activités
des pirates et
des brigands en
Somalie s’étendent
jusqu’au large
102
Soudan sont responsables des crimes contre
les enfants, responsables de leur mutilation, de leur enlèvement, de leur viol et
de la pratique d’autres formes de violence
sexuelle lors de la période mentionnée dans
le rapport jusqu’au mois d’août 200719.
En Somalie, toutes les parties en conflit,
y compris le gouvernement transitoire, pra­
tiquent la militarisation des enfants. Cette
pratique a connu une grande expansion
depuis la chute de l’autorité centrale, l’accroissement des milices, la fuite massive
des gens et le déplacement intérieur de
grand nombre d’entre eux. Le représentant du Secrétaire général pour la Somalie
évalue à 200 000 le nombre des enfants –
c’est-à-dire à peu près 5 % des enfants en
Somalie – qui ont porté les armes ou participé un jour d’une manière ou d’une autre
aux activités des milices20. De nombreux
rapports font état de la participation des
enfants de 14 et de 15 ans à des attaques
organisées par des milices et indiquent que
plusieurs d’entre eux ont rejoint les bandes
criminelles nommées « Moryaan », c’est-àdire « parasites » 21. Parmi ces groupes qui
recrutent les enfants dans les combats­ :
le Gouvernement fédéral transitoire,
l’Alliance­ de la vallée de Juba, le Conseil
somalien de réconciliation et de construction à Muqdisho et l’armée Rahanwein de
résistance.
Selon le rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé en
Somalie pour l’année 200722, il existe un
défi à relever : il s’agit du recrutement et de
l’utilisation des enfants au sein des forces
en conflit, qui est une pratique enracinée
dans la culture somalienne. Dès qu’un garçon atteint l’âge de 15 ans, on le considère
comme un adulte ; il devient alors apte à
porter des armes. Dans le milieu social
nomade traditionnel somalien, il est tout
à fait normal que les enfants prennent la
défense de la famille et du clan à un âge
précoce. C’est pourquoi se servir des
enfants dans les conflits est un phénomène
très répandu et il est difficile de lui faire
face.
En plus, plusieurs phénomènes, comme
le déplacement, l’abandon, la négligence,
la perte des parents et la pauvreté se
conjuguent­ pour exposer de nombreux
enfants au recrutement, particulièrement
ceux qui vivent et travaillent dans les rues.
Les rapports indiquent que le recrutement
Rapport arabe sur le développement humain 2009
des enfants s’est développé sensiblement
en 2006, à cause de l’éclatement du conflit
à Muqdisho entre l’Union des cours islamiques (UCI) et les seigneurs de guerre de
« l’Alliance pour la restauration de la paix
et contre le terrorisme », et du conflit qui a
éclaté dans la région centrale et le sud de
la Somalie entre l’UCI et le Gouvernement
fédéral de transition (GFT). Cependant, il
est difficile de vérifier le nombre exact des
enfants utilisés ou engagés dans ces conflits
ou de connaître leur âge parce qu’il n’existe
pas de registre pour les naissances en
Somalie. La réalité prouve l’étendue de ce
phénomène. Outre les nombreuses attestations de témoins oculaires sur l’existence
d’enfants ne dépassant pas l’âge de 11 ans
aux points d’inspection et dans des véhicules militaires appartenant aux différentes
parties en conflits à Muqdisho en 2006, les
Centres de protection de l’enfance appartenant aux Nations Unies ont interviewé
14 enfants actifs servant dans l’UCI et les
groupes armés.
Les dommages physiques et psychiques
subis par ces enfants à cause de leur participation au conflit armé laisseront sans doute
des traces visibles sur leur personnalité
durant toute leur vie, encore faut-il qu’ils
restent en vie après de telles souffrances.
Leur privation d’une vie de famille stable
ne leur laisse aucune chance de recevoir
une éducation régulière et d’acquérir des
qualifications pour trouver un gagne-pain
normal. Aussi prennent-ils l’habitude d’utiliser la force pour résoudre les conflits et
assurer leur vie, et le fusil sera au lieu du
livre un style de vie tout à fait habituel
pour eux. Il n’est donc pas surprenant de
voir de nombreux adolescents faire partie
des bandes de crime organisé ou s’adonner à la piraterie sur les côtes somaliennes.
Les activités des pirates et des brigands en
Somalie s’étendent jusqu’au large. Lorsque
les moyens légitimes de vivre viennent à
manquer, à cause de l’expansion du chômage et de la pauvreté, ces activités se
transforment en sources de revenu à haut
risque, certes, mais de haute rentabilité
pour certains.
Situation des réfugiés et des
personnes déplacées internes
De toutes les régions du monde, la région
arabe constitue un cas particulier en ce qui
concerne les situations des réfugiés. C’est
la région où se rencontrent deux questions,
celle des réfugiés les plus anciens dans le
monde entier, c’est-à-dire la question des
Palestiniens, et celle, plus récente, la question de Darfour. Il convient de distinguer
ici entre deux sortes de réfugiés : ceux que
l’on oblige à quitter leur lieu d’habitation
d’origine mais qui restent­ au sein de leur
pays – les Personnes déplacées internes
(PDI) – et ceux qui sont forcés de quitter complètement leur pays. Cependant,
le statut légal des réfugiés dans la convention relative à la situation des réfugiés telle
qu’elle est définie par les Nations Unies en
1951, ne s’applique qu’à ceux qui, en raison d’une peur justifiée de la persécution
à cause de leur origine, leur religion, leur
nationalité, leur appartenance à un groupe
social donné ou à cause de leurs idées politiques sont en dehors du pays de leur nationalité, et ne peuvent ou ne veulent, à cause
de cette peur, être sous la protection de
ce pays ; et toute personne n’ayant pas de
nationalité et se trouvant à l’extérieur de
l’ancien pays de sa résidence habituelle à
cause de ces raisons et ne peut ou ne veut à
cause de cette peur retourner dans ce pays.
Les réfugiés
La question des réfugiés est en relation avec
la sécurité humaine dans trois domaines –
le lieu d’origine, le progrès de l’expérience,
son résultat final. Les raisons qui poussent
l’être à devenir réfugié constituent en ellesmêmes de graves dangers pour la sécurité humaine et se reflètent au minimum
dans la perte du travail et de la source de
revenu, et au maximum dans la menace des
vies humaines par l’armée de l’occupation
ou les milices rivales. La vie du réfugié est
entièrement entourée de dangers – tels que
l’incapacité de trouver un emploi ou une
source de revenu susceptible de répondre
à ses besoins fondamentaux, l’exposition à
la discrimination, à l’oppression et à l’exclusion sociale. L’épreuve du réfugié risque
de ne jamais avoir de fin parce qu’il peut
mourir comme tel et léguer sa situation à
toute une génération.
Il est réellement difficile de compter
le nombre des réfugiés dans le monde,
néanmoins, leur nombre a pu être estimé
dans les pays arabes à environ 7,5 millions
en 2008, selon le Haut Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR)
et l’Office de secours et de travaux des
Nations Unies pour les réfugiés de Palestine
dans le Proche-Orient (UNRWA). Cela
représente 46,8 % du nombre global des
réfugiés dans le monde, enregistrés par le
HCNUR et l’UNRWA en 2008 et qui est
estimé à 16 millions23.
Le plus grand nombre de réfugiés dont
la plupart sont palestiniens et irakiens
ré­sident en Jordanie, en Syrie et en TPO. La
Jordanie et la Syrie accueillent chacune plus
de deux millions de réfugiés, et à peu près
1,8 million de réfugiés habitent le TPO. Les
Palestiniens représentent plus que la moitié
du nombre global des réfugiés selon leurs
pays d’origine, car ils comptaient plus de
4 millions en 2007. Viennent en deuxième­
lieu les Irakiens dont le nombre dépasse
deux millions puis les Soudanais avec un
nombre estimé à 300 000 environ, et en
dernier lieu, les Somaliens dont le nombre
dépasse 200 000 réfugiés.
4,6 millions de réfugiés palestiniens
environ vivent dans des camps partagés entre trois pays arabes, en plus de la
Cisjordanie et la Bande de Gaza. La plus
grande concentration de réfugiés se trouve
Tableau 4-6
Le nombre global des réfugiés selon le HCNUR
et l’UNRWA selon le pays d’origine et de résidence, 2007
Le pays de provenance
des réfugiés
Irak
Somalie
Soudan
TPO * (réfugiés de
l’UNRWA)
La vie du réfugié
est entièrement
entourée de
dangers
Pays de résidence**
Syrie
Jordanie
Iran
Liban
1 500 000
500 000
57 414
50 000
Kenya
Éthiopie
Djibouti
Yémen
192 420
25 843
5 980
110 616
Tchad
Éthiopie
Égypte
Érythrée
242 555
35 493
10 499
729
Jordanie
TPO
Syrie
Liban
1 930 703
1 813 847
456 983
416 608
Source : HCNUR 2008 ; UNRWA 2008.
Remarques : Les réfugiés du HCNUR comptent parmi eux ceux qui ont reçu des aides du HautCommissariat et ceux qui sont dans la même situation qu’eux, et les réfugiés de l’UNRWA sont ceux
qui sont enregistrés dans les camps officiels.
* Au mois de juin 2008 et selon la définition utilisée par l’UNRWA, les réfugiés palestiniens sont des
gens dont la Palestine était leur lieu de résidence entre juin 1946 et mai 1948, et ceux qui ont perdu
leurs maisons et sources de revenu à cause du conflit arabo-israélien.
** Le nombre des résidents dans les principaux pays de destination des réfugiés.
L’insécurité personnelle des groupes vulnérables
103
Figure 4-2
Endroits des réfugiés palestiniens enregistrés chez
l’UNRWA (en milliers) 2008
5 000
4 500
4 000
3 500
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
500
0
Liban
Syrie
Cisjordanie
Gaza
Jordanie
Total
Source : UNRWA 2008.
Les sentiments
de la plupart des
réfugiés sont à
jamais entachés
de souvenirs
d’humiliation
104
en Jordanie, puis à l’intérieur du TPO et en
dernier lieu en Syrie et au Liban.
Les situations des réfugiés varient suivant le temps passé en réfugiés, le pays dans
lequel ils se sont réfugiés et les ressources
dont ils disposaient ou pouvaient escompter
lorsqu’ils ont quitté le lieu de leur résidence
originaire. Ces ressources peuvent être,
le niveau d’éducation, les compétences,
les épargnes, les amis et les connaissances
capables d’aider. Ceux qui vivent la première étape de leur exil ou de leur déplacement et ne possèdent aucune ressource,
courent les risques économiques communs
à travers la perte de l’emploi et d’un revenu
correct, de l’habitat et des conditions alimentaires et hygiéniques convenables.
À mesure que la durée de l’exil se prolonge, la capacité d’adaptation aux conditions difficiles se renforce, et c’est exac­
tement le cas des Palestiniens à l’intérieur
et à l’extérieur du TPO. Sauf que la réception d’aide et l’adaptation aux conditions
difficiles ne mettent pas fin à la souffrance
(Sari Hanafi, en anglais, document de base
pour le rapport). Les sentiments de la plu­
part des réfugiés sont à jamais entachés de
souvenirs d’humiliation, de persécution et
de la conviction d’avoir perdu leur patrie24.
Dans certains pays d’accueil, les camps des
réfugiés palestiniens se sont transformés en
quartiers d’habitation. Dans d’autres pays
tels que la Jordanie et la Syrie, les réfugiés
palestiniens ont le droit au travail et le
droit de profiter des services sociaux25. Par
contre, les réfugiés palestiniens au Liban
rencontrent d’énormes difficultés à trouver un emploi, et ils sont privés des droits
Rapport arabe sur le développement humain 2009
de posséder une maison en leur nom ; ils
vivent par conséquent dans des camps
pauvres et surpeuplés.
Certaines informations montrent que
les réfugiés irakiens en Jordanie se sont installés principalement en familles dont le
pourcentage du sexe féminin dépasse celui
du sexe masculin, et les personnes ayant
reçu une éducation en constituent une
grande proportion. 70 % d’entre eux ont
l’âge de travailler (au-dessus de 15 ans),
mais seuls 30 % travaillent effectivement
et alors la plupart d’entre eux dépensent
leurs épargnes ou reçoivent des transferts
d’argent­ de l’Irak. Le retour d’un petit
nombre d’entre eux en Irak à la fin de 2007
reflète parfois le manque d’épargnes plus
qu’il ne reflète l’amélioration de la situation de sécurité. Les agences des réfugiés
indiquent que des nombres croissants de
réfugiés demandent asile auprès des pays
industrialisés avancés. (Sari Hanafi, en
anglais, do­cument de base pour le rapport).
Un sondage réalisé récemment indique
qu’un grand nombre d’Irakiens n’ont pas
le permis de séjour nécessaire pour tout
étranger vivant en Jordanie. Il semble que
le revenu joue un rôle important dans l’obtention de ce permis. Car 80 % de personnes
aisées le possèdent alors que le pourcentage des réfugiés pauvres qui ont réussi à
l’avoir ne dépasse pas 20 %. Plus d’un tiers
(35 %) ayant répondu au sondage, disent
qu’ils désirent s’inscrire au HCNUR, mais
le pourcentage de ceux qui se sont effectivement inscrits était plus élevé parmi les
chrétiens pauvres – seuls 15 % des riches
se sont inscrits en comparaison avec les
50 % de pauvres (Sari Hanafi, en anglais,
do­cument de base pour le rapport).
Une autre étude montre que les Irakiens
en Syrie ne vivent pas dans les camps
des réfugiés mais dans des appartements.
Certains d’entre eux sont venus en Syrie
volontairement fuyant la mort et l’en­lè­
vement, dans l’attente de leurs familles
qui ne sont pas sûres de pouvoir les suivre.
Leurs soins de santé dépendent de leur
revenu : consulter un médecin est à la portée de ceux qui le peuvent matériellement,
quant aux pauvres, ils se rendent dans des
centres de soins premiers en cas d’urgence,
pour recevoir de simples services médicaux. Ils peuvent également se rendre aux
centres du croissant rouge palestinien qui
ne sont pas d’habitude fréquentés par les
Syriens. Ces centres fonctionnent bien malgré leur surcharge.
Bien que des établissements éducatifs syriens aient ouvert leurs portes aux
Irakiens, une étude a montré que le nombre
des Irakiens qui se sont inscrits dans des
écoles syriennes a atteint environ 30 000.
Selon cette étude, cela est dû au fait que les
enfants sont obligés de négliger leurs études
pour aller travailler et subvenir aux besoins
de leur famille. L’étude indique ainsi que
les Irakiens venus en Syrie ne ramènent
avec eux que peu d’argent de peur d’être
attaqués sur la route par les brigands. Une
fois en Syrie, ils comptent sur le transfert
d’argent que leur font leurs proches si toutefois ces derniers sont dans la capacité de
leur rendre ce service, sinon, les réfugiés
sont obligés de chercher un emploi dans ce
pays d’accueil qui n’arrive même pas à en
assurer à ses propres citoyens26.
La situation des réfugiés soudanais et
somaliens est assurément plus catastrophique, car les réfugiés fuient ces deux
pays pauvres d’origine vers des pays non
moins pauvres comme le Tchad et le
Yémen. D’autant plus que la situation dans
laquelle ils vivent est plus récente et surtout pour ceux qui ont fui Darfour et pour
les victimes du conflit armé entre l’UCI et
leurs ennemis, les seigneurs de la guerre et
les forces éthiopiennes. Un rapport établi
par le Programme alimentaire mondial
(PAM) indique que 670 000 personnes ont
fui dès que la guerre a éclaté à Muqdisho
en 200727. La situation s’est détériorée en
Somalie au point que les gens ont pris le
risque de traverser la mer. 30 000 parmi ces
réfugiés sont arrivés au Yémen au cours de
l’année 2007 après avoir traversé le golfe
d’Aden alors que 1 400 sont soit tués sur
la route, soit considérés comme disparus28.
Pour ceux qui trouvent asile en Jordanie,
au Tchad ou en Syrie, rester en vie ne réduit
pas pour autant leur sentiment qu’un danger imminent les guette. Les graves dangers et l’insécurité ont poussé ces réfugiés
à fuir. Cependant, ces dangers inhérents à
leur situation de réfugiés les accompagnent
et continuent de constituer pour eux, une
source permanente de menaces. Ils sont
devenus maintenant dans le pays d’accueil
à la merci des événements et des évolutions
politiques et économiques qui peuvent
se retourner contre eux à n’importe quel
moment, surtout si l’opinion publique relie
leur présence dans le pays à l’inflation ou
la rivalité pour les emplois et les services
publics. Si des États comme la Jordanie et la
Syrie traitent les réfugiés irakiens et palestiniens décemment, cela n’est pas le cas des
réfugiés soudanais et somaliens dans leurs
pays d’accueil. Les gens deviennent principalement réfugiés à cause des dangers qui
menacent leur sécurité, et la continuation
d’une telle situation constitue une autre
menace qui augmente leurs souffrances.
Les graves dangers
et l’insécurité
ont poussé ces
réfugiés à fuir
Les personnes déplacées internes
En plus des réfugiés, il y a les Personnes
déplacées internes (PDI). Les raisons dif­
fèrent d’un cas à l’autre, mais ils ont des
traits en commun. Ils sont tous des victimes
de conflits locaux ou internationaux, des
victimes de l’occupation ou des attaques
des milices en conflit.
Le nombre de PDI est de 9,86 millions
au moins29. Une bonne partie d’entre eux
se trouve dans 6 pays arabes : le Soudan, la
Syrie, la Somalie, Irak, le Liban et le Yémen.
La majorité se trouve au Soudan, et elle
s’estime selon l’IDMC30 entre 4,5 millions
et 5,8 millions de personnes. L’Irak vient en
deuxième position avec 2,4 millions, puis
la Somalie avec un million environ.
En Somalie, deux années de guerre anarchique et de violations graves des droits ont
généré une crise humanitaire qui va en s’aggravant. Le rapport du Secrétaire général à
propos de la situation en Somalie31 indique
qu’environ 750 000 personnes parmi les
habitants de Muqdisho, c’est-à-dire les
Tableau 4-7
Le nombre de
PDI est de 9,86
millions au moins
Estimation des nombres de Personnes déplacées internes
dans les pays arabes, 2007
Pays
Nombre des PDI
Nombre global (chiffres arrondis,
hautes estimations)
Les déplacés ayant reçu la
protection/assistance du HCNUR
Soudan
5 800 000
1 250 000
Irak
2 480 000
2 385 865
Somalie
1 000 000
1 000 000
Syrie
430 000
-
Liban*
390 000
200 000
TPO
115 000
-
Yémen
35 000
-
Source : HCNUR 2008 ; IDMC 2008.
* Relevés du HCNUR, les données pour le Liban se réfèrent à 2006.
L’insécurité personnelle des groupes vulnérables
105
deux tiers de la population, l’ont fui entre
le 15 mars et le 15 juillet 2008, ce qui a
élevé le nombre global de ceux qui ont fui
la ville depuis l’éclatement du conflit actuel
à environ un million de personnes, 300 000
d’entre elles vivent dans un camp monté
en dehors de la capitale. Les populations
des centres urbains sont tenues de faire
des choix difficiles : priver leurs enfants
des écoles, se passer des soins médicaux et
se contenter d’un seul repas par jour pour
pouvoir faire face à la pénurie alimentaire.
Si la situation humanitaire continue ainsi
à se détériorer, 3,5 millions de personnes
auront besoin d’aide vers la fin de 2008.
Selon un rapport de l’organisation Human
Rights Watch émis en 200832, 1,1 million
de Somaliens ont été déplacés loin de leurs
lieux de résidence, dans la région du centre
et du sud de la Somalie, au moment où des
centaines de milliers de PDI vivent tout le
long de la route entre Muqdisho et Afgooye
dans des camps déplorables qui sont devenus eux aussi une scène de combat féroce.
Encadré 4-9
Briser le silence autour de la violence contre la femme
Le silence autour des actes de violence contre la femme constitue le
principal obstacle à la limitation de ces pratiques et de ces violations,
parce qu’il est difficile de déterminer les faits et leurs conséquences.
Ce qui rend les choses plus difficiles encore, c’est que les programmes
culturels qui aideraient à traiter ce problème sont coûteux et inscrits
dans le long terme. Mais ce phénomène commence à se révéler au grand
jour grâce aux rapports émis par les organisations, nationales et internationales, des droits de l’homme et des droits de la femme, et à travers
les études faites par les Centre d’études et les Refuges pour femmes,
d’autant plus que les médias commencent dernièrement à briser les
tabous qui entourent ce sujet.
Tous les pays arabes ont besoin d’une série de lois qui incriminent
clairement les actes de violence contre les femmes. Mais changer les
lois n’est pas suffisant pour changer la culture de l’irresponsabilité qui
perpétue les menaces contre la sécurité personnelle de la femme arabe.
Cela demande un changement profond dans les orientations pour lutter
contre la discrimination enracinée à l’encontre de la femme. Car, des
questions complexes à propos de la culture, des habitudes héritées et
de la société se cachent derrière les tentatives de réforme nécessaires,
visant à promulguer des lois, à les appliquer et à les expliciter. Dans l’environnement du XXIe siècle, d’énormes défis attendent les pays arabes
pour accélérer la création des changements qui se sont fait tellement
attendre dans les domaines socioculturels, visant à renforcer la sécurité
personnelle des femmes. Il est nécessaire de prendre une position décisive contre les partis pris fondés sur le genre dans tous les domaines de
la vie, à commencer par des valeurs consolidées par le système éducatif
pour en arriver aux pratiques discriminatoires et aux stéréotypes régnant
dans les lieux du travail, dans les médias, et dans la société en général.
Source : L’équipe du rapport.
106
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Alors que les milices travaillant pour leur
propre compte se livrent à des opérations
de vol, de viol et d’homicide à l’encontre
des PDI, sur la route du sud dans la direction du Kenya.
Au Soudan, 30 000 personnes ont été
déplacées à la suite des combats dans la
ville d’Abyei33. Selon le HCNUR34, la protection reste un besoin essentiel pour les
PDI au Soudan car leurs colonies manquent de sécurité, de services de base et
d’opportunités de gérer les ressources
matérielles. Au Darfour, l’insécurité représente une contrainte majeure pour les
PDI, pour les réfugiés revenus et les travailleurs humanitaires, pendant que les
attaques et les guerres tribales dans les
villages continuent, causant ainsi d’autres
déplacements. Les travailleurs humanitaires trouvent des difficultés à accéder aux
personnes qui souffrent de ces situations,
d’autant plus que les attaques sont de plus
en plus fréquentes contre les ONG et les
organisations internationales sur la route.
Par conséquent, les hélicoptères restent le
seul moyen de transport, ce qui rend les
opérations coûteuses. Quant aux déplacés à Khartoum, ils ont des besoins précis,
relatifs à leur situation, comme les documents d’identité, la possession d’un terrain
agricole et la sécurité physique, en plus de
la nécessité de chercher des informations
sur leurs pays d’origine. Avec l’absence de
ressources matérielles et d’offres d’emploi,
les risques d’exploiter les femmes et les
enfants augmentent et, selon le HCNUR,
les besoins des PDI n’avaient pas reçu la
priorité nécessaire à cause des défis humanitaires imposés. Dans ce cadre, le HCNUR
insiste sur la nécessité d’attribuer une
attention particulière à la prévention de la
violence sexuelle et de la violence fondée
sur le genre répandues entre les PDI.
Conclusion
Les sociétés peuvent être évaluées d’après
leur manière de traiter les catégories vulnérables. C’est pourquoi ce chapitre a
essayé d’illustrer les étapes que les pays
arabes doivent­ parcourir pour pouvoir
comprendre­ et aborder les situations critiques des catégories ne jouissant pas
d’une attention suffisante. Il s’agit des
femmes régulièrement offensées et violées au moment où l’attention de l’opinion
publique est portée ailleurs, des esclaves
qui font l’objet de traite en vue de leur
utilisation dans les usines, dans les maisons
et dans les maisons closes, d’enfants militarisés et conduits au métier de la mort, de
PDI qui se jettent dans des voyages entourés de dangers, fuyant les guerres sévissant
dans leurs régions et souffrant du manque
de liberté et de la réduction des moyens
de survie.
Il n’est pas dans le pouvoir de l’État ni
de la société de protéger ce qu’ils ne voient
pas. Il est nécessaire donc de chercher des
solutions à ce niveau d’insécurité trop
élevé, et ce, en partant de la reconnaissance
de l’existence de ces catégories vulnérables
et de la connaissance de la gravité et de
l’origine de la menace qui les guette.
Notes
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
UNICEF et le Centre de recherche Innocenti 2000.
Décision de l’Assemblée générale des Nation unies 1994b.
ONU – Division de la population du Département des affaires économiques et sociales
(DEASNU) 2007a.
UNICEF 2009a. La mutilation génitale féminine « est une violation fondamentale des droits des
filles. C’est une pratique discriminatoire contraire aux droits à l’égalité des chances, à la santé, au
droit de ne pas être exposé à la violence, aux blessures, aux sévices, à la torture et aux traitements
cruels, inhumains ou dégradants, au droit à la protection contre les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé, et au droit de faire librement des choix en matière de reproduction. Ces
droits sont protégés en droit international ».
République Arabe de l’Égypte 2008 (en arabe).
Hoyek, Sidwi, and Abou Mrad 2005.
Beydoun 2008.
Moghaizel et Abd El-Satar 1996.
ONU – Rapport du rapporteur spécial de la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences 2008m.
ONU – Rapport du rapporteur spécial de la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences 2006.
L’index montre le nombre de sources qui rapportent une information variable à propos d’un
pays, selon une échelle de cinq degrés allant de « très bas » à « très élevé » en comparaison avec
tous les autres pays (comme les informations qui indiquent si le pays ou la région est le lieu
d’origine ou le pays de transit où se pratique la traite des êtres humains).
OMS 2008a.
OMS 1997.
ONU – Résolution du Conseil de sécurité 2008g.
ONU – Rapport du Secrétaire général des Nations Unies 2008g.
ONU – Rapport du Secrétaire général des Nations Unies 2007g.
McManimon 1999.
Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats 2004 ; 2008.
Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats 2004 ; 2008.
Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats 2004.
Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats 2008.
ONU – Rapport du Secrétaire général 2007b.
Calculs fondés sur les PNUD/RADH fondés sur les données du HCNUR 2008 et UNRWA 2008.
Abou Ziad 2008.
L’UNRWA informe que les réfugiés palestiniens en Jordanie reçoivent un passeport jordanien
temporaire qui ne leur accorde pas les droits d’une citoyenneté entière, comme le droit de voter
et l’accès à la fonction publique [http:// www.unrwa/refugees/Jordan.html].
Al-Khalidi, Hoffman, and Tanner 2007.
PAM 2008a.
UNOCHA 2008b.
IDMC 2008 (en anglais).
IDMC 2008 (en anglais).
ONU – Rapport du Secrétaire général 2008i.
HRW 2008a (en anglais).
Mission des Nations Unies au Soudan 2008.
HCNUR 2009.
L’insécurité personnelle des groupes vulnérables
107
Chapitre
5
Défis pour la sécurité
économique1
La sécurité
économique
constitue la voie
principale pour se
libérer du besoin
Le premier Rapport arabe sur le développement humain (RADH 2002) a caractérisé la
région arabe comme étant plus riche que développée. Cette caractérisation confirme
l’existence d’une fracture entre les richesses de la région d’une part, et les niveaux
réels de son développement humain, d’autre part. C’est là un fait qui montre les
échecs accumulés par les politiques suivies, lesquels échecs ont souvent été passés
sous silence par les analyses traditionnelles de l’époque. En fait, La fabuleuse
richesse pétrolière des pays arabes est trompeuse car elle dissimule les points de
faiblesse structurelle et l’insécurité qui en résulte aussi bien pour les États que pour
les citoyens.
Ce chapitre traite de certains types de vulnérabilité économique dans les pays
arabes, partant du fait que la sécurité humaine implique que les gens sont capables
d’exercer librement et en toute sécurité leurs choix, qu’ils peuvent être relativement
sûrs de ne point perdre demain les opportunités dont ils disposent aujourd’hui2.
Comme l’a montré le premier chapitre, le fait de se libérer à la fois de la peur et
du besoin est considéré comme fondamental dans cette conception de la sécurité
humaine. À cet égard, la sécurité économique constitue la voie principale pour se
libérer du besoin.
Introduction
Les lacunes
des politiques
adoptées ont des
conséquences
sur la sécurité
économique
Ce chapitre traite de la notion de sécurité économique de l’homme à partir des
dimensions les plus importantes définies,
à l’origine, par le RDH 1994 du PNUD, à
savoir : les niveaux du revenu réel de l’individu et ses différents types de croissance,
les options du travail, la pauvreté et la
protection sociale. C’est dans ce cadre que
le présent chapitre considère le parcours
confus de la croissance des pays arabes
basée sur le pétrole, la précarité du modèle
économique y afférent et les tendances
fluctuantes des retombées de la production
pétrolière dans la région. Il procède à
l’identification des lacunes des politiques
adoptées et qui ont des conséquences
sur la sécurité économique en termes de
chômage et de baisse persistante des revenus. Il suggère également que l’apport de
solutions globales est d’abord tributaire de
l’adoption de politiques sociales et économiques saines, intégrées et à long terme
et de son exécution de façon coordonnée.
Ces politiques doivent inclure la relance
de l’industrie et la mise en place efficace
de filets de protection sociale.
Figure 5-1
Fluctuation des prix du pétrole : croissance du PIB
régional (sur la base de l’USD fixe de 1990) et croissance
nominative des prix du pétrole 1976-2007
Prix du pétrole %
Distribution régionale des niveaux
du PIB en catégories de pays, 2007
PIB %
12
10
8
6,3 %
42,8 %
42,5 %
8,4 %
6
4
2
1976
1977
1978
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
70
60
50
40
30
20
10
0
-10
-20
-30
-40
Figure 5-2 a
0
-2
-4
Prix du pétrole
PIB
Revenu élevé
Revenu moyen supérieur
Revenu moyen inférieur
Revenu faible
Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de la DSNU 2008 ; British Petroleum 2008.
Notes : Les données de 1979 et 1986 ont été exclues du graphique pour non-harmonie
avec la ligne générale d’une manière concrète.
Vulnérabilité économique
régionale
La sécurité
économique reste
dépendante de
facteurs exogènes
110
L’histoire des économies arabes depuis
les années 1970 est largement liée à celle
du pétrole. À cette période, les pays producteurs de pétrole ont réalisé les plus
grands bénéfices et amassé des richesses
mirifiques. Mais les pays non producteurs
ont substantiellement bénéficié à leur tour
des services liés au pétrole, des transferts
de fonds des travailleurs émigrés, du flux
d’investissements émanant des pays pétroliers, des retours en investissement du
tourisme régional et des différentes formes
d’aides. Tant que la situation liée au bond
pétrolier était confortable, le pétrole était
une bonne ressource pour la région. Mais
la sécurité économique, liée aux fluctuations des marchés pétroliers, était et reste
dépendante de facteurs exogènes. Le
premier boom pétrolier, qui a réanimé les
pays arabes à la fin des années 1970, s’est
réduit à néant lors des années 1980 et au
début des années 1990, vu les fluctuations
aiguës des prix du pétrole dans le monde.
L’analyse qui va suivre adopte la
classification que la Banque mondiale a
donnée des pays arabes selon les catégories de revenus, à savoir le bas revenu, le
revenu moyen-inférieur, le revenu moyen­
supérieur et le haut revenu3. À la lumière
de cette classification, la catégorie des pays
à haut revenu comprend l’Arabie saoudite,
Bahreïn, les EAU, le Koweït et Qatar. La
catégorie des pays à bas revenu englobe les
Comores, la Mauritanie, le Soudan et le
Yémen. Le reste des pays arabes appartient
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Source : PNUD/RADH calculs basés sur le FMI
2007 ; Banque mondiale 2008.
Figure 5-2 b
Répartition de la population régionale :
en catégories de pays, 2007
4,6 %
11,8 %
22,5 %
61,1 %
Revenu élevé
Revenu moyen-supérieur
Revenu moyen-inférieur
Revenu faible
Source : PNUD/RADH calculs basés sur le FMI
2007 ; Banque mondiale 2008.
à la catégorie du revenu moyen. Les pays
à revenu moyen-supérieur sont le Liban,
la Libye et Oman. L’Algérie, Djibouti,
l’Égypte, le Maroc, la Tunisie et la Syrie
sont des pays à revenu moyen-inférieur4.
Exportations du pétrole, croissance
et fluctuations
Depuis les années 1970, le produit
intérieur brut (PIB) des pays arabes est
intimement lié à l’augmentation de la
recette des exportations dominées par
celle du carburant. Cela représente 75 ;
72,6 et 81,4 %5 des marchandises exportées respectivement des pays à haut, à
moyen et à bas revenu depuis l’année
2006. Cette disproportion, qui oscille
entre la hausse et la baisse depuis la haute
croissance des années 1970 à la croissance
Encadré 5-1
Walid Khadduri* – Fondements de la politique pétrolière arabe
Les recettes pétrolières arabes ont entraîné une richesse
exceptionnelle et une évolution des infrastructures et des
autres domaines de développement dans les douze pays
producteurs, pour lesquels le pétrole représente 90 % environ
des budgets publics annuels. Ce sont ces mêmes recettes qui
renforcent, par la même occasion, la croissance des industries
d’accompagnement, les opportunités d’emploi, le revenu
ainsi que les transferts d’argent des citoyens des autres
pays arabes. De ce fait, le pétrole constitue une force motrice
principale pour la sécurité économique arabe. Il est donc
nécessaire de comprendre les fondements politiques essentiels qui orientent le parcours de cette ressource stratégique.
La politique pétrolière arabe considère le pétrole comme
une marchandise à la fois stratégique et vitale pour l’économie
mondiale et reconnaît que les pays producteurs assument la
responsabilité de pourvoir les marchés mondiaux en pétrole
d’une manière sûre, sans interruption ni difficultés et à des
prix raisonnables. Ce sont ces mêmes postulats stratégiques
qui régissent la pensée et le processus de la décision politique.
Une telle responsabilité demande l’investissement de dizaines
de milliards de dollars en vue de renforcer les capacités susceptibles de répondre à la demande galopante sur le pétrole.
Elle exige également la compensation de tout manque d’approvisionnement majeur sur les marchés mondiaux qu’il soit dû
à des raisons industrielles, politiques ou à des catastrophes
naturelles. Pour répondre aux urgences, l’entretien de la
capacité de production de réserve englobe un coût estimé à
plusieurs millions dans la mesure où cette capacité reste souvent gelée et entre ainsi dans le cadre du revenu perdu.
Les Arabes devaient s’acquitter de cette responsabilité pendant au moins trois crises au cours des cinq dernières années :
à la fin de 2002 et au début de 2003 lorsque la grève observée
par les travailleurs du secteur pétrolier au Venezuela a stoppé
presque totalement l’exportation du pétrole de ce pays ; lors
de l’invasion de l’Irak en 2003 lorsque les exportations se sont
arrêtées pendant des mois ; à l’issue des dégâts que l’ouragan
Katrina a infligés aux installations de production dans le Golfe
du Mexique et les raffineries au Texas et en Louisiane. Les
efforts des pays arabes producteurs de pétrole se sont alors
conjugués pour compenser le manque d’approvisionnement,
empêcher tout manque éventuel au niveau du ravitaillement
des marchés et éviter toute perturbation dans l’économie
mondiale.
La vitesse et la flexibilité ayant caractérisé la réaction des
producteurs durant ces différentes occasions sont dues à leurs
politiques visant à sauvegarder la capacité de production de
réserve pour répondre aux urgences. Elle reste très coûteuse
car elle consiste à garder le pétrole facile d’accès dans les
champs pétroliers pour l’utiliser seulement en cas d’urgence
au lieu de l’utiliser pour financer les projets sociaux.
Dans la mesure où le pétrole reste une marchandise
mondiale, la politique pétrolière arabe nécessite une forte
coopération et un suivi continu avec les pays consommateurs
pour conserver l’équilibre entre l’offre et la demande. Cette
politique demande également la coopération avec les compagnies pétrolières mondiales en vue d’un transfert d’expertise et
de technologie. À travers une assurance de ravitaillement pour
les marchés mondiaux et la garantie du renouveau accru de la
technologie de production, cette politique réalise en fait deux
objectifs substantiels : l’intérêt international et l’intérêt propre
des pays producteurs eux-mêmes, et surtout ceux disposant
d’énormes gisements pétrolifères et visant à prolonger l’âge du
pétrole aussi longtemps que possible.
La plupart du temps, une série de mythes et d’assomptions
erronées enveloppe la politique pétrolière arabe, dont l’illusion
que la hausse des prix est le fait des pays arabes. Or, ce sont
les marchés libres qui les déterminent notamment à New York
et à Londres. Souvent, les spéculations qui ont lieu dans ces
marchés amènent l’augmentation ou la baisse des prix.
Il y a aussi un discours largement répandu sur « la sécurité
pétrolière » dans la tourmente des craintes de voir les Arabes
faire de la rupture des approvisionnements en pétrole une arme
politique. Un tel discours est fréquent dans les milieux internationaux, mais il prend de l’ampleur pendant les campagnes
électorales et politiques dans les pays industrialisés. Cela est
instrumentalisé pour soutenir l’argument des voix appelant
à trouver des alternatives énergétiques durables au « pétrole
arabe ». En fait, parmi les raisons de poursuivre les efforts
déployés afin de trouver des alternatives énergétiques à long
terme, le « problème de l’instabilité du pétrole arabe » serait la
raison la moins rationnelle. Pour placer ces craintes dans leur
cadre réel, on doit se rappeler que les États-Unis, par exemple,
consomment quotidiennement environ 21 millions de barils et
importent entre 9 et 10 millions autres par jour dont seulement
2,5 millions des États arabes.
Récemment, les théoriciens du « pic pétrolier » ont argué du
fait que les réserves prouvées dans les pays arabes ne pourront
pas répondre à la demande mondiale et que les probabilités
de découverte de nouveaux gisements dans la région restent
minimes. En fait, les pays arabes ont alloué annuellement
plus de 100 milliards d’USD pour renforcer leurs capacités.
Ils ont également commencé à exécuter de multiples projets
pour avoir sous la main d’autres ressources que la production
pétrolière. Mais une telle politique demande une coordination
avec les pays consommateurs qui sont appelés à être plus
transparents et plus francs en ce qui concerne leurs besoins
futurs en pétrole.
Alors que le pétrole arabe alimente l’économie mondiale,
il représente également la plus importante industrie locale
de la région et contribue largement à la richesse nationale.
L’utilisation et la répartition de cette richesse font l’objet de
controverse. Elle est, par moments, considérée comme une
arme à double tranchant. De telles réserves se sont confirmées
par l’absence de transparence au niveau des budgets publics et
l’absence de la bonne gouvernance dans les pays producteurs
de pétrole. Le pétrole a également causé le déclenchement de
guerres et de conflits armés. Néanmoins, ce sont les recettes
pétrolières qui ont abouti, depuis le début de son exportation
dans la région, à promouvoir les différents aspects du développement sur les plans social, éducationnel et sanitaire, comme
sur le plan du niveau de vie en général. Les pays arabes non
producteurs de pétrole continuent de bénéficier, par le biais
des offres d’emploi, des transferts d’argent et des investissements dans les domaines de l’infrastructure et à travers l’aide
économique. Beaucoup d’efforts restent à fournir pour que le
pétrole devienne une force qui influe positivement sur le processus du développement humain dans les pays arabes. Il est
indéniable que cette ressource joue un grand rôle dans ce sens.
*Ancien rédacteur en chef et rédacteur exécutif du Middle East Economic Survey (MEES).
Défis pour la sécurité économique
111
Figure 5-3
Les exportations des pays arabes et la croissance du PIB
(variation annuelle moyenne (%) en USD fixe de 1990)
%
10
8
6
4
2
0
1970-1979
1980-1989
1990-1999
2000-2007
1970-2007
-2
-4
-6
Exportations (biens et services)
PIB
Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de la DSNU 2008.
Tableau 5-1
Groupe de revenu
(nombre de pays)
Volatilité de la part de l’individu de la croissance réelle
du PIB dans les pays arabes, 1961-2006 (coefficient
de variation)
Quote-part dans le
PIB total (%)
Coefficient de
variation du PIB
par habitant
(1961-2000)
Bas revenu (4)
6,3
4,05
1,25
Revenu moyeninférieur (6)
42,5
3,12
0,61
Revenu moyensupérieur (3)
8,4
4,74
1,45
Haut revenu (5)
42,8
5,9
1,36
100
4,51
1,04
Total (18)
Coefficient de
variation du PIB
par habitant
(2000-2006)
Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de la Banque mondiale 2008.
Note : Il s’agit d’une mesure normalisée de la dispersion d’une distribution de probabilité.
Techniquement, le coefficient de variation est calculé en divisant l’écart-type par la moyenne. Le
coefficient de variation est utile pour comparer le degré de variation d’une série de données à une
autre, même si les moyennes sont très différentes les unes des autres.
Tableau 5-2
Valeur des exportations de pétrole des pays
producteurs de pétrole, 2003 et 2006
(en millions d’USD en prix courants)
Pays
2003
2006
Pourcentage d’augmentation
entre 2003 et 2006
Algérie
16 476
38 342
132,7
Irak
7 519
27 500
265,7
Koweït
19 005
53 178
179,8
Libye
13 567
36 950
172,3
Qatar
8 814
24 290
175,5
Arabie saoudite
82 271
188 468
129
EAU
25 153
69 810
177,5
Source : OPEP 2007.
112
Rapport arabe sur le développement humain 2009
exceptionnelle de la première décennie
du xxie siècle, en passant par la récession
économique des années 1980, reflétait
les fluctuations intenses ayant ravagé le
marché du pétrole. La Figure 5-1 montre
effectivement la relation intime entre le
cours du pétrole à l’échelle mondiale et la
croissance du PIB sur le plan régional. La
Figure 5-3 montre la moyenne de la croissance des exportations en comparaison
avec celle du PIB pour différentes périodes
de prospérité et de récession.
La chute des recettes pétrolières pendant les années 1980 a eu un lourd impact
sur les pays producteurs (à titre d’exemple,
l’Arabie saoudite a connu, avec les prix de
l’époque, une chute de 50 % de son PIB
entre 1981 et 1987). D’autres pays ont
connu une croissance économique déficitaire. Le Koweït, où le PIB a baissé de
18 % en 1981 et 1982, était notamment le
pays le plus touché. Les chocs se sont alors
propagés aux économies des pays non producteurs de pétrole et dont les transferts
d’argent reçus ont dégringolé. Des pays
comme la Jordanie et le Yémen ont é­ga­
lement connu une croissance économique
négative pendant certaines années.
Après 1980 et durant toutes les
étapes de récession et de relance que les
deux dernières décennies et demie ont
connues­, le revenu individuel n’a presque
enregistré aucune augmentation pro­por­
tion­nel­lement à la croissance économique
dans la région. Selon les données de la
Banque mondiale, la croissance de la part
réelle de l’individu du PIB dans les pays
arabes n’a pas dépassé les 6,4 % pendant 24
ans entre 1980 et 2004 (c’est-à-dire moins
de 0,5 % par an). Depuis les années 1990,
le taux de croissance du revenu individuel
a fluctué d’une manière aléatoire, tendant
le plus souvent vers la baisse.
Le tableau 5-16 montre cette ca­rac­
té­ris­t ique propre aux pays arabes en
réunissant tous les indices sur les fluctuations des taux de croissance du revenu réel
de l’individu par rapport au PIB. De ce
fait, le même tableau montre le coefficient
de disproportion entre différentes catégories de revenus arabes en se basant sur
les indicateurs de développement mondial
définis par la Banque mondiale.
La croissance du PIB durant la période
s’étalant de 1961 à 2000 a montré un haut
degré de fluctuation comme il est clair
dans le tableau précité. Généralement,
la fluctuation dans la croissance du PIB
est considérée comme élevée une fois
que le coefficient de la variation dépasse
un. Quand ce chiffre est inférieur à 1, la
variation est considérée basse. De ce fait,
il paraît que la région arabe a enregistré de
très hauts degrés de fluctuation concernant
les quatre types de revenus. Au niveau des
pays arabes eux-mêmes, Bahreïn a enregistré le plus grand pourcentage de variation
avec un coefficient de 11,3. Djibouti, où
le taux de fluctuation a été seulement de
0,57, a enregistré le plus bas pourcentage.
Comme le montre le tableau 5-1, cette
fluctuation au niveau des taux de croissance s’est relativement allégée pendant
la dernière étape de prospérité dans les
pays arabes et pour toutes les catégories.
Si cette évolution est source de réconfort,
elle ne doit en aucun cas justifier l’autosatisfaction ou le relâchement car la récente
chute aiguë des prix du pétrole inhibera
sans doute la croissance future et causera
de nouveau la fluctuation et l’instabilité.
À cet égard, l’histoire n’offre rien d’encourageant. En effet, si on combine les deux
périodes illustrées dans le tableau 5-1,
il est clair que le degré de fluctuation
entre 1961 et 2006 reste très élevé (le
coefficient de variation étant de 4,05).
Selon les données disponibles, les
poussées de croissance que les pays arabes
ont connues appartiendraient, surtout,
à ce modèle fluctuant. À l’aube de cette
première décennie du xxie siècle, les prix
du pétrole ont augmenté pour atteindre
des niveaux record. Une telle situation fait
que les économies de certains pays arabes
récoltent des recettes inégalables depuis
les années 1970. Selon les estimations de
la Banque mondiale7, la région du MoyenOrient et de l’Afrique du Nord a réalisé
entre 2000 et 2006 un taux de croissance
annuelle de 6,2 %. C’est le taux le plus
élevé depuis 30 ans. Ce taux frappant
est semblable au bond extraordinaire des
prix du pétrole. La fourchette des prix de
l’OPEP a oscillé entre 24 et 29 USD en
2003 et 51 à 66 USD en 2006, avant que
le baril n’atteigne le prix sans précédent de
147,20 USD en juillet 2008. Entre-temps,
les exportations du pétrole ont plus que
doublé entre 2003 et 2006.
Mais les chocs extérieurs qui ont touché les pays arabes sont liés à l’actuelle
récession mondiale qui a commencé
en 2007 avec la crise du marché de
l’hypothèque immobilière aux États-Unis.
Cette dépression mondiale va sûrement
laisser sa trace au niveau des pays arabes.
Elle pourrait même aboutir à un trouble
aigu dans les modèles de croissance des
principaux pays producteurs de pétrole.
Ces pays ont des investissements substantiels aux États-Unis, et ne peuvent
donc pas protéger leurs économies de
l’impact de la crise internationale qui
prend de l’ampleur. Cette même vague
va se prolonger aux autres pays arabes
qui vont forcément être touchés par les
répercussions de la dépression sur les
investissements et les transferts d’argent
des travailleurs dans les pays du CCG.
Certains analystes prédisent que ces derniers, qui sont soutenus par leur liquidité
financière et la force de leurs fonds souverains de richesse, pourraient éviter les
conséquences de la tempête en réduisant
leur production du pétrole afin de maintenir la stabilité des prix et empêcher ainsi
leur chute à des niveaux inférieurs. Alors
que ce rapport est en cours d’élaboration
et malgré la déclaration de l’OPEP, datant
du 17 décembre 2008, sur une réduction
aiguë de la production de l’équivalent de
2,2 millions de barils par jour, les prix
continuent leur baisse. En réalité, cela
revient à dire que le pétrole brut a perdu
pendant les cinq derniers mois tous les
acquis réalisés durant les quatre dernières
années.
La dépression
économique
mondiale va
sûrement laisser
sa trace au niveau
des pays arabes
Fragilité structurelle
des économies arabes
La croissance reposant uniquement sur le
pétrole a engendré la faiblesse des fondations structurelles des économies arabes.
En effet, plusieurs pays arabes se sont de
plus en plus orientés vers une économie
basée sur l’importation et les services. Or
les types de services disponibles dans les
pays arabes se trouvent en bas de la chaîne
de la valeur ajoutée. Leur contribution au
développement de la connaissance locale
est minime. Ils cantonnent ainsi les pays
arabes dans des positions inférieures sur le
marché mondial. De ce fait, la continuité
de cette tendance, qui se développe au
détriment de l’agriculture et de l’industrie, reste préoccupante.
Si la part des services au niveau du PIB
a sensiblement diminué de plus de 60 %
Défis pour la sécurité économique
La croissance
reposant
uniquement sur le
pétrole a engendré
la faiblesse
des fondations
structurelles des
économies arabes
113
Figure 5-4
Structure du PIB des pays arabes selon le secteur économique (A) et la nature de dépense (B),
1970-2007 des pays arabes et des pays à haut, moyen et bas revenus, respectivement.
Construction
Services
Exploitation minière
(principalement
le pétrole)
Agriculture
Consommation
2004
2006
2002
1998
Exportations
Investissement
2000
1996
1992
1994
1990
1988
1984
Importations
(A) Haut revenu
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
1986
1982
1978
Industrie
1980
1974
1976
1972
1970
2004
2006
2002
2000
1996
1998
1992
(B) Pays arabes
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
1994
1990
1988
1984
1982
1978
1980
1974
1976
1972
1970
1986
(A) Pays arabes
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
(B) Haut revenu
2005
2004
2006
2004
2007
2003
2002
2002
1999
Consommation
2001
Exportations
Investissement
2000
1997
1995
1993
1991
1989
1987
Importations
(B) Revenu moyen
(A) Revenu moyen
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
1985
1983
1981
1979
1977
1975
1972
1970
2007
2005
Industrie
Services
Agriculture
Exploitation minière
(principalement
le pétrole)
2003
1999
2001
1997
1995
1993
1991
1987
Construction
1989
1985
1983
1981
1979
1977
1975
1972
1970
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Services
Agriculture
2000
1996
1998
1994
1992
1990
Consommation
Industrie
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Importations
Exportations
Investissement
Consommation
2006
1998
1996
1994
1992
1990
1988
1986
1982
1980
1978
1976
1974
1972
1970
2006
2004
2002
2000
1998
1996
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de la DSNU 2008.
114
1988
Exportations
Investissement
(B) Bas revenu
1994
1992
1990
1988
1986
1984
1982
1978
1980
1976
1974
1972
1970
Construction
Exploitation minière
(principalement
le pétrole)
1986
Importations
(A) Bas revenu
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
1984
1982
1978
1980
1976
1974
1972
1970
2006
2004
2002
2000
1998
1994
1992
1990
1996
Industrie
Services
Agriculture
Exploitation minière
(principalement
le pétrole)
1984
Construction
1988
1986
1984
1982
1978
1980
1976
1974
1972
1970
%
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Figure 5-5
(A) Variabilité dans le taux de la valeur ajoutée du PIB (%), 1970-2000, selon le pays. (B) Part de la valeur
ajoutée dans le PIB du côté des producteurs (%). (C) Part du PIB du côté des producteurs (%), 1970, 1990 et
2007, selon la catégorie de pays. (D) Part des secteurs productifs non pétroliers (%) 1970, 1990 et 2007, selon
la catégorie de pays
(A)
(B)
%
15
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
0
-5
-10
-15
Pays arabes
Irak
Libye
Somalie
Syrie
Djibouti
Comores
Mauritanie
Algérie
Yémen
Qatar
Koweït
Soudan
Arabie saoudite
Oman
Bahreïn
Liban
EAU
Maroc
Jordanie
Égypte
Tunisie
5
Bahreïn
Soudan
Comores
Maroc
Arabie saoudite
Koweït
Qatar
Jordanie
Tunisie
Oman
EAU
10
Pays arabes
Syrie
Irak
Algérie
Égypte
Djibouti
Somalie
Liban
Libye
Mauritanie
%
-20
(C)
(D)
%
%
16
60
14
50
12
40
10
8
30
6
20
4
10
2
0
2004
2006
2002
2000
1996
1998
1992
1994
1990
1988
1984
1986
1982
1978
1980
1974
1976
1972
1970
0
Pays arabes
Pays à revenu moyen
Pays à haut revenu
Pays à bas revenu
Pays
arabes
1970
Pays à
haut revenu
Pays à
revenu moyen
1990
2007
Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de la DSNU 2008.
en 1968 à 45 % en 2007, la cause en est
essentiellement l’augmentation de la part
du pétrole. La part des services a globalement dépassé 50 % dans les pays arabes
non producteurs de pétrole. Elle est allée
au-delà de 65 %, à Bahreïn, Djibouti, en
Jordanie, au Liban et au Maroc. En plus,
ce secteur représente 50 % de la maind’œuvre globale dans la majorité des
pays arabes. La figure 5-4 (A) montre la
domination croissante des deux secteurs
de l’extraction minière (avec le pétrole en
priorité) et les services au niveau régional
et au niveau des différentes catégories de
pays. Elle montre également la diminution de la part du secteur agricole. On
remarque au niveau de la figure 5-4 (B)
le sens général ascendant de l’expansion
de l’importation et de la consommation
que compense l’augmentation des exportations. Or, la consommation et le niveau
des exportations ont diminué au milieu
des années 1980. Entre-temps, la part de
l’investissement est relativement restée
stable depuis le milieu des années 1970.
Il n’était pas étrange que la majorité
des pays arabes connussent durant les
quatre dernières décennies un haut degré
de ralentissement et de dépression dans le
domaine de l’industrialisation (figure 5-5,
A). En fait, les pays arabes étaient moins
industrialisés en 2007 qu’en 1970 ; ce
qui revient à environ quatre décennies.
Cela englobe les pays à revenu moyen et
les autres pays dont la base économique
était relativement variée sur le plan des
ressources dans les années 1960 comme
l’Algérie, l’Égypte, l’Irak et la Syrie. Il est
vrai que les EAU, la Jordanie, Oman et la
Tunisie ont réalisé un progrès notoire dans
le domaine du développement industriel.
Mais la part de l’industrie dans le PIB
Défis pour la sécurité économique
115
Pays à
bas revenu
Avec les
turbulences
qui secouent
de nouveau la
région arabe,
deux pressantes
questions
s’imposent
demeure glo­ba­lement très maigre même
dans les pays qui ont connu un développement industriel rapide (figure 5-5 B)
en comparaison avec les économies du
Sud-Est asiatique. Pour la majorité des
pays arabes, les marchandises manufacturées représentaient moins de 11 % de
la totalité des marchandises exportées en
2006/20078. Il paraît que toutes les catégories de pays s’ap­prochent de la modeste
moyenne régionale qui était de moins de
10 % en 2007 en comparaison avec une
base industrielle initiale diversifiée pour
chaque pays en 1970 (figure 5-5 G). Les
fondements structurels fragiles des économies arabes, dont le développement
compte essentiellement sur le pétrole,
se manifestent finalement de manière
très claire dans la diminution aiguë de la
part des secteurs productifs non pétroliers (l’agriculture et l’industrialisation)
dans le PIB au niveau de tous les pays
arabes à l’exception de la catégorie à haut
revenu. Il convient de signaler que l’industrialisation rapide dans cette dernière
catégorie s’explique, partiellement, par le
bas niveau d’où ces pays sont partis dans
les années 1970 et par la recrudescence
rapide de la valeur ajoutée des industries
pétrochimiques.
Nouvelles et vieilles questions
de politique pétrolière
Avec les turbulences qui secouent de
nouveau la région arabe, deux pressantes
questions s’imposent : les pays arabes
vont-ils glisser de nouveau vers un cycle
de prospérité et de récession comme dans
les années 1970 et 1980 ? Les pays pétroliers et non pétroliers vont-ils se partager
les bénéfices de la poussée que les recettes
pétrolières ont connue récemment comme
cela s’est produit durant cette même
Tableau 5-3
Pays
Les dépenses militaires dans 4 pays arabes
(en millions d’USD en prix constants de 2005)
1998
2003
2004
2005
2006
20 500
18 944
21 060
25 372
29 032
Algérie
1 801
2 453
2 801
2 925
3 014
EAU
3 036
2 853
2 629
2 559
-
Libye
414
536
699
749
741
Arabie saoudite
Source : SIPRI 2008.
116
Rapport arabe sur le développement humain 2009
période ? Une troisième question concerne
un ancien défi : comment faire face, d’un
côté, aux effets sur les pays arabes du
phénomène du chômage et de la pauvreté
et, de l’autre côté, au ralentissement des
efforts fournis pour limiter l’insuffisance
cumulée dans ces deux domaines.
Les réponses à ces questions se reflètent
directement sur la durabilité des économies arabes et leur capacité à contribuer
à la sécurité humaine en termes d’emploi,
de revenu et d’équité.
Du troisième boom de courte durée
à la crise financière
Pour la première question, il paraît que
les pays arabes producteurs de pétrole ont
choisi, en adoptant une stratégie prudente,
de distribuer l’énorme manne qui vient
de s’abattre sur eux entre investissements
étrangers, réserves extérieures et avoirs
de garantie pour la réalisation de la stabilité pétrolière et le remboursement des
dettes. Ils ont également entrepris de gros
investissements locaux dans le domaine
de l’immobilier, des constructions, du
raffinage du pétrole, du transport, des
communications et des services sociaux9.
Cette approche diffère clairement des
modèles qui ont régné dans le passé et qui
se sont concentrés sur l’importation et
l’exportation. Les organismes financiers
internationaux se sont précipités pour
louer les niveaux d’amélioration nette
plausibles et reflétés par les indices de la
macroéconomie dans le PIB, le commerce­
et l’investissement étranger direct. Mais
ce nouveau modèle peut exposer, plus
que jamais, les pays du CCG aux crises
de dépression de l’économie mondiale
dont le dernier anneau constitue un défi
pénible pour le modèle de développement
du Golfe centré sur la densité capitaliste.
Les énormes recettes réalisées par ces
pays ont permis, pour certains d’entre
eux, comme l’Algérie et l’Arabie saoudite,
de rembourser leurs dettes extérieures
tout en conservant une réserve considérable de devises. Dans son rapport
intitulé « Perspective économique régionale : le Moyen-Orient et l’Asie centrale »,
le Fonds monétaire international (FMI)
constate que cette poussée de prospérité a abouti à une augmentation des
réserves des pays du Moyen-Orient pour
passer de 163,9 milliards d’USD en 2002
à 198,3 milliards l’année suivante avant
d’atteindre 476 milliards d’USD en 2006
et 591,1 milliards en 2007. Ces données
englobent l’Iran et quelques pays arabes
qui ne sont pas principalement producteurs de pétrole ou ceux qui dépendent
de l’importation comme l’Égypte et la
Jordanie. Elles n’englobent pas les pays
arabes producteurs de pétrole en Afrique.
Mais la part du lion de cette énorme augmentation de réserves revient, sans aucun
doute, aux pays du Golfe.
En plus de l’investissement dans le
domaine du développement et le remboursement des dettes, les pays producteurs de
pétrole ont orienté une grande part de leurs
recettes aux secteurs militaire et sécuritaire. Selon les estimations de l’Institut­
de Stockholm des recherches sur la paix
(SIPRI), l’Arabie saoudite est le pays arabe
qui dépense le plus dans les deux secteurs
militaire et sécuritaire. Ce pays occupe le
neuvième rang mondial devançant ainsi
l’Espagne, l’Australie, le Brésil, l’Inde,
la Corée du Sud et le Canada. Viennent
ensuite, avec une très grande marge, l’Algérie et les EAU qui ont toutefois réduit la
fourchette de l’armement. L’Irak occupe la
quatrième place, suivi par la Libye, dont
les dépenses de défense sont de moitié par
rapport à l’Irak.
À l’exception de l’Arabie saoudite,
la dépense militaire ne constitue pas un
pourcentage élevé du PIB dans ces pays. Il
est vrai que les pourcentages ont diminué
en Arabie saoudite pendant cette période
en comparaison à ce qu’ils étaient dans les
années 1980 (15,2 % en 1988, 13,4 % en
1998) et, de nouveau, à la fin des années
1990 (14,3 % en 1998, 11,4 % en 1999).
Mais malgré la chute de cette tendance, la
dépense militaire de l’Arabie saoudite en
2005 est restée à la limite de 8,2 %. Elle
est ainsi très élevée par rapport à celle des
EAU, de l’Algérie et de la Libye. En 2005,
le pourcentage de la dépense militaire a
oscillé entre 2,9 % en Algérie et 2 % aux
Émirats et à la Libye. Certains observateurs notent que tant que les pays arabes
demeurent le théâtre de raids armés et
d’interventions militaires de la part des
puissances régionales ou extérieures, les
gouvernements arabes continueront à justifier ces dépenses au nom de la sécurité
régionale.
Encadré 5-2
Dangers de la crise financière sur les grands pays
producteurs de pétrole
En janvier 2009, le Conseil des relations extérieures a publié une étude
sur le volume des fonds souverains de richesse et les probabilités de leur
croissance dans les pays du Conseil de Coopération du Golfe. Les auteurs
de l’étude ont abouti aux estimations suivantes :
La valeur des capitaux du portfolio dans les Fonds souverains et
les Banques centrales des pays du CCG a diminué de 1,3 à 1,2 milliard
d’USD entre 2007 et 2008. Les pertes des actions au niveau des échanges
entre les marchés et le reste des capitaux ont, en effet, absorbé l’énorme
augmentation des recettes pétrolières qui ont atteint à ce moment leur
paroxysme. La situation des pays producteurs les moins importants était
la plus mauvaise vis-à-vis de cette baisse. Selon les auteurs de l’étude,
les capitaux externes des gouvernements des EAU, du Koweït et de Qatar
ont diminué d’à peu près mille milliards à 700 milliards d’USD entre 2007
et 2008. Les auteurs de l’étude prévoient que les pays du Golfe vont
tendre à augmenter les quotas de leurs portfolios en termes de capitaux
liquides en 2009 quels que soient les cours du pétrole. Les grands pays
du Golfe devront alors donner plus de liquidité en devises aux institutions
locales pour leur permettre de maintenir les niveaux de dépense.
Si le pétrole se maintient à moins de 50 USD le baril, la plupart des
pays finiront par s’appuyer sur leurs fonds pour soutenir les niveaux
actuels de dépenses, sans avoir que les intérêts et les dividendes pour
contribuer à la croissance des actifs sous gestion.
Source : Setser et Ziemba 2009.
D’un autre côté, le regain de prospérité
a poussé certains gouvernements à jouer
un rôle actif dans la recherche de la paix
dans la région. L’Arabie saoudite prit la tête
des États arabes en proposant l’Initiative­
de paix arabe fondée sur le principe de la
terre contre la paix pour un compromis
historique avec Israël. Elle est également
intervenue pour réaliser une réconciliation
entre les deux factions de la Résistance
palestinienne et elle a fourni des efforts
actifs au niveau du Liban. La Libye a joué,
de son côté, un rôle d’importance dans la
tentative d’un compromis pacifique pour
la crise du Darfour. Qatar était actif en
2008 dans plusieurs initiatives autour de
la crise libanaise, de la situation palestinienne et de la crise du Darfour.
Même si ces efforts diplomatiques
n’ont pas abouti à des résultats concrets,
des signes encourageants indiquent qu’une
nouvelle responsabilité régionale par rapport aux questions de paix et de stabilité
dans la région est possible. Cela nous
conduit à la deuxième question autour de
tous les pays arabes. Ceux d’entre eux qui
sont riches vont-ils utiliser leurs nouvelles
richesses dans le cadre d’une mise en
adéquation du concept de sécurité avec
les exigences du développement humain
Défis pour la sécurité économique
La part du lion
de cette énorme
augmentation de
réserves revient,
sans aucun doute,
aux pays du Golfe
Le regain de
prospérité a
poussé certains
gouvernements à
jouer un rôle actif
dans la recherche
de la paix dans
la région
117
La crise financière
et économique
mondiale qui
a suivi celle de
l’énergie et de
l’alimentation
présente des
signes de la
régression de
la croissance
économique
Plusieurs pays
n’ont pas les
moyens de mettre
en application des
politiques globales
et efficaces au
niveau de la
macroéconomie
118
et de leur consolidation dans leurs sociétés
et dans la région arabe entière ? Les initiatives n’étaient pas totalement absentes.
Il est possible de saluer ici la création de
l’Université du Roi Abdallah des Sciences
et des technologies qui offre aux lauréats
arabes, hommes et femmes confondus, des
bourses d’études pour faire des recherches
scientifiques tout en les soutenant avec
des facilités et des ressources des plus
hauts niveaux. Il y a aussi la Fondation
Mohammed Bin Rashid Al Maktoum qui
a apporté soutien et assistance en vue de
hausser le niveau de la connaissance et des
capacités humaines dans la région arabe et
L’Université arabe ouverte financée par le
prince Talal Bin Abdul Aziz. Ces initiatives constituent des efforts considérables
pour renforcer le développement humain
dans la région.
Toutefois, les premiers signes laissent
entrevoir que les pays non producteurs de
pétrole auraient moins profité du troisième
boom qu’ils ne l’avaient fait des deux
premiers. Quoique la richesse pétrolière
soit encore transfrontalière, et même si
plusieurs pays riches ont transféré une
partie de leurs investissements aux marchés
régionaux à l’issue des événements du
11 septembre, les flux financiers à l’intérieur des pays arabes sont devenus moins
abondants et n’ont plus le même impact
que par le passé. Premièrement, la croissance démographique dans les pays non
producteurs a consommé une large part de
ce flux financier. Deuxièmement, les transferts d’argent des travailleurs dans les pays
pétroliers ont été affectés négativement
par l’application des mesures de la « nationalisation de l’emploi », par le recours à la
main-d’œuvre asiatique, moins coûteuse,
au lieu des travailleurs arabes immigrés. Par
ailleurs, il convient d’ajouter les restrictions
sécuritaires qui ont affecté l’accès à l’emploi
dans les pays du Golfe et, en premier lieu,
les conditions des travailleurs palestiniens,
égyptiens et yéménites. Les pays non producteurs ont finalement commencé à subir
un coût énergétique élevé suite à l’augmentation du prix du pétrole importé et les
coûteuses subventions aux carburants.
Malgré tout, le pétrole est candidat à
rester la principale force motrice du développement dans la région même à travers
des canaux autres que celui utilisé par le
passé.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Au moment de l’élaboration de ce rapport, l’économie mondiale connaît la plus
mauvaise crise financière depuis la Grande
dépression. Ce qui paraissait, au premier
abord, un état de difficulté parmi d’autres
dont souffre le marché de l’hypothèque
immobilière et de l’habitat aux ÉtatsUnis, à l’été 2007, a pris de l’ampleur pour
se transformer en plus fortes pressions sur
la totalité du système financier mondial et
aboutir, en fin de compte, à l’é­crou­lement
de plusieurs institutions bancaires, à des
chutes spectaculaires des cours boursiers
et des gels de crédits. Au début de 2009,
ces fissures avaient déjà déclenché une
crise économique mondiale qui s’est traduite par la récession des économies les
plus développées au monde et l’apparition
des signes de détérioration rapide des économies émergentes et des autres en voie
de développement, y compris celles qui
avaient enregistré une forte performance
économique dans ces derniers temps.
Selon le Rapport des Nations Unies, paru
en janvier 2009, sur l’Économie mondiale :
situation et perspectives, le scénario de
base prédit un pourcentage de croissance
qui ne dépasse pas 1,0 % dans le monde
entier pour l’année 2009. Le scénario le
plus pessimiste dévoile, lui, un pourcentage de dé­ve­lop­pement négatif dans tous
les coins du monde pour cette année et
pour la première fois depuis 1930.
La crise financière et économique
mondiale qui a suivi celle de l’énergie et
de l’alimentation présente des signes de
la régression de la croissance économique
réalisée entre 2003 et 2006. La situation
est particulièrement grave pour plusieurs
pays qui n’ont pas les moyens de mettre
en application des politiques globales et
efficaces au niveau de la macroéconomie
en vue d’affronter les conjonctures difficiles. Alors que les gouvernements des
pays producteurs de pétrole dans le Golfe
ont répondu à la crise par une série de stimulations financières, les pays arabes à bas
et moyen revenu ne pourront pas le faire.
Les dirigeants arabes ont fait preuve
d’efficacité dans la mise en place d’un plan
d’action régional pour affronter la crise. Ils
ont notamment affirmé, au Sommet arabe
de développement économique et social, qui
a eu lieu au Koweït en janvier 2009, leur
détermination à coopérer pour consolider
les relations arabes et à réaliser les objectifs communs, surtout en ce qui concerne
le renforcement du développement
humain et économique y compris dans
les domaines liés à la mise à niveau des
jeunes et des femmes dans le traitement
des questions de l’alimentation et de l’eau.
La déclaration du sommet de Koweït, datée
du 20 janvier 2009, a également appelé
à la coopération en vue de renforcer les
capacités des pays arabes à affronter les
retombées de la crise financière mondiale
et à contribuer aux efforts internationaux
visant à garantir la stabilité financière
mondiale.
Types de chômage
Le chômage est une source majeure d’insécurité économique dans la majorité des
pays arabes. Selon les données de l’Organisation arabe du travail (OAT), le taux
global du chômage dans les pays arabes
Encadré 5-3
était de 14,4 % en 2005 en comparaison
avec 6,3 % sur le plan mondial10. Alors
que les taux de chômage local varient
sensiblement d’un pays à l’autre, oscillant
entre 2 % à Qatar et au Koweït et 22 %
en Mauritanie, le chômage dans le milieu
des jeunes représente dans tous les cas un
défi sérieux commun pour bon nombre de
pays arabes.
En examinant les tendances du chômage dans les pays arabes, il est impératif
de distinguer entre la catégorie du haut
revenu, à l’exception de l’Arabie saoudite, et les autres catégories. Malgré leur
lourde dépendance de la main-d’œuvre
étrangère, les pays à haut revenu n’ont
pas connu un taux élevé de chômage,
vu la nature de leurs économies qui sont
essentiellement pétrolières. Les données
de l’OAT indiquent que le taux du chômage dans la dernière catégorie se situait
entre 1,7 % de la population active, dans
Le chômage
est une source
majeure
d’insécurité
économique
Chômage, sécurité humaine et émigration
La relation entre l’émigration et la sécurité humaine a de
multiples facettes. Elle se manifeste aussi bien dans toutes les
étapes de l’émigration que dans ses résultats. À l’origine de la
décision, se trouve la conscience d’une certaine absence de
sécurité humaine qui motive les travailleurs à quitter leur pays
d’origine dans l’aspiration à un emploi et un revenu meilleurs.
Ces facteurs de motivation s’articulent essentiellement autour
du chômage, du sous-emploi et de la pauvreté. Ils englobent
aussi la propagation des conflits et l’instabilité politique. La
sécurité humaine est la plupart du temps exposée au danger
une fois cette décision d’émigrer entre en application avec la
détermination du moyen d’atteindre le pays d’accueil en vue
d’y trouver un emploi.
Chaque pays a un droit indéniable de souveraineté de
définir et d’appliquer sa propre politique d’immigration.
Mais les politiques d’immigration trop restrictives peuvent
pousser les candidats à l’immigration à recourir à des réseaux
criminels pour les transiter irrégulièrement au sud de l’Europe
où ils espèrent améliorer leur qualité de vie et leur sécurité
humaine. Autrement dit, la restriction excessive des politiques
d’immigration pourrait faciliter les opportunités d’action
rentable pour les bandes criminelles actives dans la traite des
êtres humains. Les accidents récents des embarcations, où
quelques Nord-Africains, de l’Égypte au Maroc, ont trouvé la
mort en essayant d’émigrer en Europe, confirment l’ampleur
de ce problème et sa gravité. Ils incarnent bien le problème
de la sécurité humaine dans ses manifestations les plus
mauvaises. Loin de se limiter uniquement aux dépenses
financières coûteuses, ce risque peut aller jusqu’à coûter la
vie aux candidats à l’immigration. Les médias focalisent leur
attention sur les embarcations d’émigrés clandestins alors que
certains des candidats à l’immigration prennent le haut risque
de conclure des accords pour obtenir des visas touristiques et
de faux papiers. D’autres encore se cachent dans des camions
ou des ferry-boats. D’autres enfin escaladent ou tentent
de contourner, à la nage, les barrières entourant l’enclave
espagnole de Ceuta.
Une autre voie de contrebande humaine mérite bien
l’attention. Un nombre inestimable de personnes provenant
de l’Afrique subsaharienne entre en Afrique du Nord
pour tenter d’entrer au sud de l’Europe. Le transit est leur
principal objectif. Ceux d’entre eux, échouant à passer les
frontières où le contrôle est de plus en plus serré, s’ajoutent
aux communautés grandissantes d’immigrants en Afrique
du Nord. Plusieurs estimations indiquent que plus de 100
mille immigrants résident actuellement en Algérie et en
Mauritanie et 1 million à 1,5 million en Libye. Des millions
d’immigrants, particulièrement des Soudanais, sont en
Égypte. La Tunisie et le Maroc accueillent un nombre moins
important, mais en augmentation continue, de ces émigrants
d’Afrique subsaharienne. Certains d’entre eux se retrouvent
dans des situations précaires dans de vastes territoires des
pays de l’Afrique du Nord. Ces émigrants représentent des
cas tragiques de ce manque d’insécurité dans leurs pays
d’origine avant d’être confrontés à une même situation dans
les pays d’accueil. Cette voie contribue au tarissement des
ressources déjà insuffisantes des pays arabes de l’Afrique du
Nord ; faisant ainsi obstacle à leur capacité de répondre aux
exigences du développement et de créer des conditions de
sécurité humaine et de vie décente pour leurs citoyens.
Source : Ibrahim Awad, en anglais, document de base pour le Rapport.
Défis pour la sécurité économique
119
Figure 5-6
(A) Taux de chômage chez les jeunes arabes
et (B) la part de la jeunesse arabe dans le chômage
total (%), pour l’année 2005/2006
(A)
%
50
45
40
35
30
25
20
15
10
TPO
Djibouti
Jordanie
Soudan
Somalie
Mauritanie
Irak
Algérie
Égypte
Arabie saoudite
Tunisie
Libye
* Yémen
EAU
Maroc
Qatar
Oman
Syrie
Bahreïn
Liban
Koweït
0
Pays arabes
Monde
5
(B)
%
80
70
60
50
40
30
20
10
Algérie
Jordanie
Irak
Tunisie
Djibouti
Somalie
Égypte
Arabie saoudite
Soudan
Mauritanie
* Yémen
Syrie
Liban
Bahreïn
EAU
Libye
Qatar
Koweït
Maroc
Monde
TPO
Pays arabes
0
Source : OAT 2008 (en arabe).
* Les données pour le Yémen ont pour source la Banque mondiale et du Fonds social
pour le développement, 2009.
son niveau le plus bas au Koweït, et 3,4 %
dans son niveau le plus haut à Bahreïn.
Entre ces deux cas, se place Qatar avec
2 %, les EAU avec 2,3 %. Mais les pressions croissantes sur le marché de l’emploi
dans ces pays indiquent que les sérieux
problèmes du chômage parmi les citoyens
pourraient devenir un défi majeur dans
l’avenir le plus immédiat. En contraste
avec ces taux bas de chômage, la situation
120
Rapport arabe sur le développement humain 2009
de l’Arabie saoudite constitue déjà un réel
défi à la sécurité économique avec un taux
de 6,1 % enregistré en 200511.
Durant les années 1980, le taux de
chômage dans les pays non producteurs
de pétrole se situait entre 16,5 %, comme
étant le taux le plus élevé en Algérie, et
4,5 % en Syrie comme le taux le plus bas.
Avec ses 14,2 %, le Maroc avait le 2e plus
grand taux de chômage, suivi de la Tunisie
avec 13,6 %, de l’Égypte avec 7,6 % et finalement de la Jordanie avec 6,2 %. Durant
les années 1980, la moyenne cumulée du
taux de chômage pour cette catégorie de
pays arabes était de 10,6 %. Durant les
années 1990, le taux le plus élevé est en
Algérie avec 25,3 %, puis au Maroc avec
13,6 %. La Jordanie et la Tunisie étaient
classées troisièmes avec 15,5 %. Le 4e rang
était celui de l’Égypte avec 9,6 %, puis de
la Syrie avec un taux de 8,1 %. Quant à
la moyenne cumulée du taux de chômage
en cette décennie, elle était de 14,5 %. De
cette façon, le taux de chômage durant ces
deux décennies a augmenté dans tous les
pays considérés. Les indices initiaux de
l’OAT montrent qu’en 2005 la moyenne
cumulée du taux de chômage dans les pays
arabes a atteint 15,5 %12 ; ce qui revient à
dire qu’il a augmenté de 1 % par rapport à
sa moyenne dans les années 1990.
Le taux annuel d’augmentation du
chômage entre 1980 et 2002 (l’année
la plus récente sur laquelle les données
sont disponibles) oscillait entre 6,6 % en
Jordanie, comme haute limite, et 0,8 % en
Tunisie comme basse limite. Le taux d’augmentation du chômage a atteint 2,8 % en
Algérie, suivi de la Syrie avec 2,4 % et de
l’Égypte avec 2,2 %. Pour la totalité des
pays arabes, la moyenne cumulée d’augmentation a atteint 1,8 %13 (en prenant en
considération le nombre des chômeurs en
2005). Une situation préoccupante si l’on
prend en considération que les pays arabes
auront besoin de 51 millions de nouvelles
opportunités d’emploi en 202014.
La plupart des opportunités d’emploi
visent l’absorption dans le marché de
l’emploi d’une jeunesse qui risque, dans
le cas contraire, de faire face à un avenir
incertain. Les estimations de l’OAT pour
l’année 2005/2006 indiquent la disproportion des taux de jeunes chômeurs dans
la région. Ces taux atteignent leur limite
extrême en Algérie (46 %) et leur basse
limite aux EAU (6,3 %). À l’exception
enquête SUR la sécurité humaine – La perception du
chômage et de la discrimination sur le marché du travail
dans 4 pays arabes
Encadré 5-4
1) Existe-t-il un chômeur de ta famille en quête d’emploi ?
%
70
60
50
40
30
20
10
0
Liban
TPO
Maroc
Koweït
En prenant en considération la moyenne du volume de la famille, les
réponses positives de la première question indiquent que les taux de
chômage oscillent entre 30-50 % au Maroc et le Territoire palestinien
occupé et 15-20 % au Liban.
2) Le chômage affecte des groupes particuliers dans la société ?
3) L aquelle des catégories sociales subit les plus mauvaises conditions
de travail à son embauche ?
Koweït
Personnes âgées
Immigrants
Minorités
Jeunes
Pauvres
Femmes
Maroc
Personnes âgées
Immigrants
Minorités
Jeunes
Pauvres
Femmes
TPO
Personnes âgées
Immigrants
Minorités
Jeunes
Pauvres
Femmes
Personnes âgées
Immigrants
Liban
de ce dernier pays, les pays à haut revenu
connaissent des taux de chômage dépassant les 10 % parmi les jeunes : l’Arabie
saoudite (26 %) ; Bahreïn (21 %) ; le
Koweït (23 %) ; Qatar (17 %). Des taux
de chômage relativement élevés dans les
milieux des jeunes ont été enregistrés
dans la catégorie des pays arabes à revenu
moyen : la Jordanie (39 %), la Libye et la
Tunisie (27 %) ; l’Égypte (26 %) ; le Liban
(21 %) ; Oman et la Syrie (20 %) ; le Maroc
(16 %). Les taux sont également élevés
dans les pays à bas revenu : la Mauritanie
(44 %) ; le Soudan (41 %), Djibouti (38 %) ;
le Yémen (29 %)15. En général, le taux de
jeunes chômeurs dans les pays arabes a
dépassé le double de la moyenne mondiale
avec un taux de 30 % comparé à 14 %.
Dans les pays arabes, le chômage
atteint les jeunes d’une manière disproportionnée sachant que les filles restent
les plus touchées par le chômage. En effet,
le taux de chômage pour les jeunes filles
est plus élevé que celui des jeunes garçons
et demeure le plus élevé dans le monde
entier. Les données de l’OAT pour l’année
2005 montrent que le taux de chômage
des garçons est de 25 % de la population
active alors que celui des jeunes filles est
de 31,2 %. Ce dernier atteint sa plus haute
limite en Jordanie avec 59 % environ (en
comparaison avec 35 % pour les jeunes
garçons). La limite la plus basse revient
aux EAU avec 5,7 % (en comparaison avec
6,4 % pour les jeunes garçons). Mais il reste
un nombre limité d’exceptions où le taux
de chômage des jeunes filles est inférieur à
celui des jeunes garçons. Selon les données
de la même organisation, ces exceptions
en­globent Bahreïn (18 % pour les filles et
28 % pour les garçons), la Tunisie (20 %
contre 29 %), la Mauritanie (41 % contre
49 %), le Yémen où les deux taux sont
égaux (14 %) pour les deux sexes16.
Des signes flagrants de discrimination
contre les femmes sur le marché du travail se manifestent dans les nombreuses
difficultés auxquelles les jeunes diplômées
sont confrontées et la concentration d’une
grande proportion de femmes dans le
secteur agricole où les salaires restent très
dérisoires et dans des emplois sans sécurité
sociale ni autres bénéfices supplémentaires. En fait, les pays arabes constituent
la seule région au monde où le nombre
de femmes travaillant dans le secteur
agricole a augmenté. Selon l’Organisation
Minorités
Jeunes
Pauvres
Femmes
%
0
10
20
30
40
50
60
Mauvaises conditions de travail
70
80
90
100
Au chômage
En répondant à la deuxième question sur la discrimination contre des
groupes particuliers, les interviewés ont vu que les pauvres, les jeunes,
les personnes âgées et les femmes sont ceux qui affrontent les plus grands
obstacles et que les jeunes sont ceux qui en souffrent le plus. Puisque
la pauvreté est à la fois parmi les résultats et les causes du chômage et
que la catégorie des pauvres englobe aussi d’autres groupes, la situation
fâcheuse subie par les jeunes reste la plus dramatique et la plus aiguë.
Les réponses à la troisième question montrent dans la majorité des
cas la forte relation entre la discrimination et les mauvaises conditions
de travail. Ces mêmes réponses révèlent que la catégorie qui affronte les
plus mauvaises conditions de travail est celle des jeunes au Koweït, les
immigrés au Liban et les femmes au Maroc.
Défis pour la sécurité économique
121
La création
d’emplois,
spécialement
pour les jeunes,
est d’une extrême
importance
122
internationale du travail (OIT), ce nombre
s’est légèrement accru entre 1997 et 2007
pour passer de 31,2 à 32 % dans les pays
du Maghreb et de 28,4 à 31 % dans les
pays du Mashreq. Le taux d’emploi dans
l’industrie, lui, a diminué de 19,1 à 15,2 %
au Maghreb, de 20 à 18,8 % au Mashreq.
Les taux de chômage dans le milieu des
femmes ne confirment pas seulement
l’échec des économies arabes à trouver
de nouvelles opportunités d’emploi mais
ils indiquent aussi des attitudes sociales
défavorables enracinées contre l’embauche
des femmes.
Les niveaux de chômage, qui sont
d’ailleurs en eux-mêmes préoccupants,
ne donneraient peut-être pas une image
complète de la nature sérieuse de ce problème dans les pays où les citoyens feraient
recours à n’importe quel moyen pour
garantir leur survie quand ils ne trouvent
pas un emploi permanent. Pour cette
raison, les définitions qui s’appliquent aux
pays en voie de développement ne seraient
pas appropriées aux pays arabes où il
suffit de quelques heures de travail par
semaine pour rayer le nom de l’individu
du registre du chômage. De là, quand il
est question d’étudier les conditions de
la main-d’œuvre instable dans la région,
il convient de prendre en considération
les données, quoique très limitées, sur le
pourcentage et le volume des conditions
des travailleurs du secteur informel où
ils manquent de contrats de travail et des
bénéfices qui en découlent. Les chiffres
les plus récents dont dispose le PNUD
in­d iquent que l’Algérie, l’Égypte, le Maroc
et la Tunisie ont un secteur informel
tellement large qu’il englobe entre 40 et
50 % de l’emploi non agricole. La majorité
des travailleurs dans ce secteur sont des
femmes en Égypte et au Maroc et des
hommes en Algérie, en Syrie et en Tunisie.
Les tendances à la baisse de l’emploi
dans les pays arabes sont souvent justifiées
par trois facteurs principaux. Vient en tête
le repli qui a touché le large secteur public
employant plus du tiers de la population
active dans le cadre des réformes et des
plans de réajustements structurels. Le
deuxième facteur n’est que la nature
limitée du secteur privé avec sa modeste
performance et son incapacité sur le plan
de la génération d’emplois. La troisième
explication réside dans les formes et la
qualité de l’enseignement général dispensé
Rapport arabe sur le développement humain 2009
et qui n’est pas centré sur les compétences
techniques et professionnelles demandées.
Dans un tel contexte, la création d’emplois, spécialement pour les jeunes, est
d’une extrême importance pour les pays
arabes, surtout que le chômage masqué
vient sérieusement approfondir ce défi.
La transition entre l’école et le marché
de l’emploi est rarement facile à cause du
manque d’emplois et du hiatus qui sépare
les qualifications acquises par les jeunes
diplômés et les exigences du marché de
l’emploi. Conséquemment, 40 % d’entre
eux, âgés de 15 à 25 ans, ne trouvent pas
d’emploi ; ce qui augmente le taux du chômage même parmi les personnes éduquées.
Mais une démographie ma­jo­ri­
tai­rement jeune représente aussi des
horizons prometteurs d’opportunités
ouvertes devant les pays arabes quoique
dans un cadre temporel limité. Elle représente aussi une richesse qui peut ouvrir
la voie à ces groupes pour se transformer
en population active fraîche, engagée,
économiquement dynamique, jouissant
d’une bonne santé, avec moins de charges
familiales et avec la capacité de revenu,
d’épargne et d’investissement.
Pour ce faire, le politique, le social,
et l’économique doivent être gérés dans
le sens de la mobilisation du potentiel de
cette population active ; ce qui est loin de
s’accomplir maintenant avec une vitesse
suffisante. Plusieurs études montrent que
les politiques de l’État ont à se centrer
sur la restructuration du système éducatif
pour combler les lacunes en termes de
qualification professionnelle, répondre
aux indices du marché de l’emploi et motiver les capacités cognitives convenables
aux perspectives de l’économie régionale
et mondiale17. Les épargnes nationales
ont besoin d’être converties efficacement
en d’importants investissements pour
l’expansion des services de la santé et de
l’habitat et pour renforcer le marché de
l’emploi en vue de subvenir aux besoins
de cette population active et lui permettre
ainsi d’augmenter sa productivité. Un
effort spécial est requis pour déloger
certaines barrières sociales qui se dressent
devant l’accès des femmes aux emplois à
haute productivité. Au niveau de plusieurs
cas de transformations politiques préconisées, le partenariat entre le secteur public
et privé se présente comme le meilleur scénario pour mobiliser les ressources, réaliser
le transfert des compétences et créer des
emplois. La composante essentielle de
cette équation n’est que l’amélioration de
l’environnement institutionnel nécessaire
pour un secteur privé viable et basé sur les
petits et moyens projets commerciaux en
plus des affaires indépendantes.
Autrement, la rançon serait d’insupportables pressions sur les ressources
naturelles et économiques de la part d’une
large et improductive population mécontente. Ce coût sera également très visible
dans l’insécurité personnelle et l’exclusion
des jeunes chômeurs. Chose qui va vite
se réincarner dans des mouvements de
protestation avant d’atteindre, parfois,
les signes de l’extrémisme. Cela pourrait
mener en fin de parcours vers un sabotage
de la sécurité de la société tout entière.
Figure 5-7
Pourcentage des employés dans le secteur informel
(% de l’emploi non-agricole) selon le sexe, dans 5 pays
arabes, 1994-2003
%
70
60
50
40
30
20
10
0
Maroc
1995
Femmes
Algérie
1997
Égypte
2003
Syrie
2003
Hommes
Tunisie
1994-1995
Les deux sexes
Source : PNUD 2007.
Dynamiques de la pauvreté
et de l’inégalité au cœur
d’une croissance instable
En examinant la relation entre pauvreté
et chômage, il est important de se rendre
compte que le fait de disposer d’un emploi
n’implique pas forcément le fait de se libérer de la pauvreté. Bien que la situation
varie d’un pays arabe à l’autre, cet état de
fait reste valable dans la mesure où l’obtention d’un emploi est loin de garantir la
subvention aux besoins fondamentaux de
l’individu. Les données disponibles sur
chaque pays indiquent que le nombre de
pauvres dépasse d’un certain pourcentage
celui des chômeurs, indépendamment de
la nature des critères utilisés pour mesurer
la pauvreté. Même lorsque les chômeurs
forment une grande part de ceux qui
prennent en charge les familles pauvres,
comme c’est le cas en Jordanie (21,5 %)
et au Yémen (24,9 %), la majorité des
familles, qui vivent l’insécurité économique dans les deux pays, sont prises en
charge par des personnes ayant un emploi
(Heba El-Laithy, en anglais, document de
base pour le rapport).
L’insécurité économique associée à la
pauvreté peut être mesurée selon deux
perspectives. La première concerne la
pauvreté de revenu qui évalue le bien-être
des individus en se basant sur leurs revenus
(on y définit le bien-être à travers ce dont la
personne peut disposer en termes de marchandises et de services en se basant sur
sa dépense de consommation réelle). La
deuxième concerne la pauvreté humaine
qui va au-delà du PIB pour englober une
conception plus large où le bien-être
des individus est défini en fonction non
seulement du revenu, mais aussi d’autres
valeurs comme l’éducation, la santé et la
liberté politique. Alors que la pauvreté
de revenu est l’échelle la plus adoptée
par les concepteurs des politiques dans
le monde entier, le concept de pauvreté
humaine donne, avec tous les indices qui
s’y rap­portent, une image plus globale de
la relation complexe et à multiples facettes
entre le revenu et le bien-être.
Autrement, la
rançon serait
d’insupportables
pressions sur les
pays arabes
Pauvreté de revenu
L’approche de la pauvreté en termes de
revenu est la plus largement adoptée au
niveau de l’ingénierie politique. La mesure
la plus utilisée sur une grande échelle est
l’approche qui adopte le pourcentage
chiffré ; ce qui veut dire le pourcentage du
total des habitants vivant en dessous d’un
niveau de vie conventionnellement défini
comme seuil de pauvreté. De ce fait, le
pourcentage chiffré est un critère pour
mesurer la propagation de la pauvreté
ou la portée qu’elle a atteinte dans une
société donnée. Il est possible de l’adopter
aussi comme mesure relativement claire
de l’instabilité économique. La Banque
mondiale a vulgarisé les seuils internationaux de pauvreté de 1 et 2 USD par jour
et par personne. Le tableau 5-4 compare
Défis pour la sécurité économique
Le nombre de
pauvres dépasse
d’un certain
pourcentage celui
des chômeurs
123
En 2005,
34,6 millions
d’Arabes vivaient
au-dessous du
seuil international
de pauvreté
de 2 USD
La pauvreté de
revenu sera plus
répandue parmi
les populations
du milieu rural
124
l’application des 2 USD dans la région
arabe et dans quelques autres régions en
voie de développement.
Relativement et généralement, le degré
de pauvreté de revenu dans les pays arabes
est bas, malgré la différence des niveaux de
revenu, la volatilité de la vraie croissance
par habitant et l’augmentation des taux de
chômage. En 2005, 20,37 % de la population arabe vivait au-dessous du seuil de
pauvreté de 2 USD par jour. Puisque cette
estimation est basée sur les chiffres relatifs
à l’Algérie, Djibouti, l’Égypte, la Jordanie,
le Maroc, la Tunisie et le Yémen, dont les
populations représentent 63 % de la population totale des pays arabes non en conflit,
on peut conclure qu’en 2005, 34,6 millions d’Arabes vivaient au-dessous du seuil
de pauvreté.
Ces estimations reflètent le degré de
pauvreté selon son seuil international.
On peut aussi considérer les tranches des
populations en dessous du seuil national de la pauvreté avec ses niveaux les
plus bas (c’est-à-dire le plus bas seuil de
pauvreté). Le tableau 5-5 contient une
comparaison entre les taux de l’extrême
pauvreté et leurs tendances dans neuf pays
arabes sur la base des seuils nationaux
bas de la pauvreté. Premièrement, toutes
les estimations de la pauvreté dans cette
comparaison ont utilisé la dépense comme
critère de bien-être. Certains pays comme
le Soudan, où les sondages ont utilisé des
mesures non monétaires, ont été exclus.
Deuxièmement, toutes les estimations de
la pauvreté sont dérivées des évaluations
faites aussi bien par la Banque mondiale que par le PNUD, qui appliquent
uniformément la même méthodologie.
Troisièmement, les rapports de tous les
pays ont été émis par une seule équipe
consultative qui a utilisé une méthodologie commune : a) tous les rapports ont
estimé le seuil national de la pauvreté sur
la base du coût des aliments et des autres
besoins essentiels non alimentaires, b)
les différences de prix entre les pays ont
été prises en considération, c) les besoins
sont méthodiquement définis de manière
détaillée selon les différentes tranches
d’âge, d) tous ont pris en considération le
volume des économies productives.
Le tableau 5-5 montre que le taux de
l’extrême pauvreté entre 2000 et 2005 a
atteint 18,3 %. Il est un peu supérieur à
Rapport arabe sur le développement humain 2009
celui des années 1990 (17,6 %). Le plus
significatif est que ce même taux représente plus que le double quand on compare
les pays à bas revenu (36,2 %) avec ceux à
revenu moyen (15,9 %).
Pour les objectifs de notre analyse,
il est à noter que l’application du seuil
international de pauvreté, de 2 USD par
jour, et le seuil national bas, donne respectivement une image identique du niveau
de l’extrême pauvreté dans la région.
Si telle est l’image de l’extrême pauvreté dans les pays arabes à la limite de
son seuil le plus bas, il est raisonnable de
prévoir qu’un taux élevé de la population
vit à la limite du seuil le plus bas ou le plus
haut de la pauvreté. En fait, le taux total
de la pauvreté, selon ce seuil, oscille entre
28,6 % au Liban, 30 % en Syrie, comme
seuil limite le plus bas, et 59,9 % au Yémen
comme seuil limite le plus haut. Par
contre, il atteint 40,9 % en Égypte. Dans
la mesure où les pays soumis à l’analyse
dans le tableau 5-6 représentent 65 % de la
population arabe globale, il est raisonnable
de prédire que le taux total des moyennes
de la pauvreté peut atteindre 39,9 %. En
vertu de cette échelle, on peut estimer le
chiffre des Arabes pauvres à 65 millions,
soit le double de ce qui est indiqué dans les
tableaux 5-4 et 5-5 qui mesurent respectivement la pauvreté en fonction du seuil
international de la pauvreté équivalent à
2 USD par jour et du seuil national bas de
la pauvreté.
Il est prévisible que la pauvreté de
revenu et l’insécurité qui lui est associée
seront plus répandues parmi les populations du milieu rural. La population
rurale des 18 pays arabes analysés dans
le tableau 5-7 est d’environ 128 millions
répartis entre les groupes de pays, comme
illustré.
La prévalence de la pauvreté dans
le milieu rural est évidente dans 6 pays
à bas revenu et à revenu moyen-inférieur : l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, la
Mauritanie, la Syrie et le Yémen. Cette
sous-catégorie compte environ 64,4 % de
la population rurale dans la région. Ces
données sont groupées et résumées dans
Ali (2008) où sont démontrées les estimations de la pauvreté sur la base du seuil
national supérieur de pauvreté18. Selon les
années des sondages sur le budget de la
famille, le pourcentage des pauvres dans le
Tableau 5-4
Incidence de la pauvreté de revenu – Comparaison entre les régions du monde, 1981-2005
(pourcentage de personnes vivant avec moins de 2 USD par jour)
Région
1981
1984
1987
1990
1993
1996
1999
2002
2005
Asie de l’Est et du Pacifique
92,6
88,5
81,6
79,8
75,8
64,1
61,8
51,9
38,7
Y compris la Chine
97,8
92,9
83,7
84,6
78,6
65,1
61,4
51,2
36,3
Europe orientale et Asie centrale
8,3
6,5
5,6
6,9
10,3
11,9
14,3
12
8,9
Amérique latine et des Caraïbes
22,5
25,3
23,3
19,7
19,3
21,8
21,4
21,7
16,6
Moyen-Orient et Afrique du Nord
26,7
23,1
22,7
19,7
19,8
20,2
19
17,6
16,9
Asie du Sud
86,5
84,8
83,9
82,7
79,7
79,9
77,2
77,1
73,9
Y compris l’Inde
86,6
84,8
83,8
82,6
81,7
79,8
78,4
77,5
75,6
74
75,7
74,2
76,2
76
77,9
77,6
75,6
73
69,2
67,4
64,2
63,2
61,5
58,2
57,1
53,3
47
32
28,52
26,51
22,45
24,42
24,59
23,23
20,8
20,37
Afrique subsaharienne
Total
Pays arabes (MENA sans l’Iran)
Source : Chen et Ravallion 2007.
Note : Les données globales sur les pays arabes couvrent l’Algérie, Djibouti, l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, la Tunisie et le Yémen.
Tableau 5-5
Pays
Incidence de la pauvreté (extrême) calculée sur la base du seuil national
(1991-1999 et 1999-2006)
Année
de l’enquête
Incidence de
la pauvreté
(%)
Pop. moyenne
(1995-2000)
en millions
Estimation
du nombre
de pauvres
(millions)
Année
de l’enquête
Incidence
de la pauvreté
(%)
Pop. moyenne
(2000-2005)
en millions
Estimation
du nombre
de pauvres
(millions)
Liban
1997
10
3,6
0,4
2005
7,97
3,9
0,3
Égypte
1999
16,7
63,6
10,6
2005
19,6
69,7
13,7
Jordanie
1997
15
4,6
0,7
2002
14,2
5,2
0,7
Syrie
1997
14,3
15,6
2,2
2004
11,4
17,7
2,1
Algérie
1995
14,1
29,4
4,1
2000
12,1
31,7
3,8
Maroc
1991
13,1
27,9
3,7
1999
19
29,7
5,6
Tunisie
1995
8,1
9,3
0,8
2000
4,1
9,8
0,4
14,6
153,9
22,4
15,9
167,6
26,6
Pays à revenu
moyen
Mauritanie
1996
50
2,4
1,2
2000
46
2,8
1,3
Yémen
1998
40,1
16,9
6,8
2006
34,8
19,6
6,8
Pays à revenu
bas
41,4
19,2
8
36,2
22,4
8,1
Total
17,6
173,1
30,4
18,3
190
34,7
Source : PNUD/RADH calculs basés sur PNUD 2005, 2007, 2008 ; Banque mondiale 2007, 2008. (Cf. les références statistiques.)
milieu rural était entre 17,8 % en Jordanie
(2002) et 59 % en Mauritanie (2004). Les
autres pays ont enregistré également des
moyennes très élevées : 64 % au Yémen
(2005) ; 52 % en Égypte (2005) ; 32 %
en Syrie (2004) ; 27 % au Maroc (2000).
Parmi les aspects significatifs dans toutes
les périodes des sondages concernant les
6 pays sans exception, on trouve que le
degré de pauvreté dans le milieu rural
dépasse significativement celui du milieu
urbain19.
Pauvreté humaine
Il est possible de mesurer la pauvreté
humaine, concept dont l’usage a été
vulgarisé par le PNUD en vue de rendre
compte de l’état de privation dans lequel
se trouve l’individu en termes de capacités
et d’opportunités, en utilisant l’Indicateur
de pauvreté humaine (IPH). Il s’agit d’un
complexe de critères basé sur trois composantes : longévité, connaissance et niveau
de vie. La première composante est liée
aux probabilités de survie et se mesure
Défis pour la sécurité économique
125
Tableau 5-6
L’incidence de la pauvreté par rapport au seuil national
supérieur de pauvreté, 9 pays arabes 2000-2006
Année de
l’enquête
Seuil
de la pauvreté
Taux
de la
pauvreté
Population
(millions)
Nombre
de
pauvres
(millions)
Égypte
2004/5
PPA 2,7 USD/jour
40,93
72,8
29,8
Syrie
2003/4
NUPL
30,1
18,3
5,5
Liban
2004/5
NUPL
28,6
4
1,1
Jordanie
2006
PPA 2,7 USD/jour
11,33
5,5
0,6
Maroc
2000
PPA 2,7 USD/jour
39,65
28,4
11,3
Tunisie
2000
PPA 2,7 USD/jour
MIC
23,76
9,56
2,3
36,52
138,56
50,60
Yémen
2005
PPA 2,43 USD/jour
59,95
21,1
12,6
Djibouti
2002
PPA 2,43 USD/jour
52,6
0,76
0,4
Mauritanie
2000
PPA 2,43 USD/jour
53,95
2,5
1,3
Pays
à bas
revenu
59,10
24,36
14,40
Total
39,90
162.92
65.00
Source : Banque mondiale 2008.
Tableau 5-7
La population rurale dans les pays arabes, 2007
Population rurale
(en millions)
Taux de la population
rurale par rapport au
total (%)
Taux de la tranche
de revenu de la
population rurale (%)
Bas revenu (4)
39,1
61,8
30,1
Revenu moyeninférieur (6) *
83,2
47,6
64
Revenu moyensupérieur (3)
2,1
16,9
1,6
Groupe de revenu
(nombre de pays)
Haut revenu (5)
5,6
17,6
4,3
Total (18)
130
46,3
100
Source : PNUD/RADH calculs basés sur PNUD 2007.
* L’Égypte représente la majorité de la population rurale de la catégorie du revenu moyen,
avec un taux de 50 % du total de la population.
La pauvreté
humaine affecte les
enfants au niveau
de leur accès à
l’école primaire
126
par le taux d’habitants dont l’espérance de
vie est inférieure à 40 ans. La deuxième
compo­sante se réfère au non-apprentissage
de la lecture et de la communication et se
mesure par le pourcentage de l’illettrisme
parmi les adultes. La troisième est une
valeur complexe qui se mesure par le taux
de la population n’ayant pas accès à l’eau
potable et celui des enfants de moins de
cinq ans souffrant de sous-poids. En fonction de l’IPH, les pays obtenant moins de
10 % se situent au plus bas de l’échelle de
la pauvreté humaine. Ceux qui obtiennent
plus de 30 % sont classés dans un rang
supérieur. Les taux se situant entre ces
deux critères indiquent un certain degré
de pauvreté humaine moyenne.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Les résultats précités sont en forte
liaison avec ceux qui sont déduits sur la
base de la pauvreté de revenu. Les pays
arabes à bas revenu connaissent le plus
haut niveau de la pauvreté humaine avec
un IPH moyen de 35 %. L’insécurité est un
préjudice qui porte atteinte au niveau de la
santé, de l’éducation et du niveau de vie ;
ce qui remet en question l’efficacité de la
performance de l’État quant à la garantie
des nécessités de base de la vie.
La pauvreté humaine affecte particulièrement les enfants au niveau de leur
accès à l’école primaire et, par voie de
conséquence, entrave la poursuite de leurs
études post-élémentaires. En Égypte, le
taux d’enfants pauvres à l’école primaire
est 7 % inférieur à celui des riches, 12 %
à l’école complémentaire et 24 % aux
classes secondaires. Au Maroc, le quart
des enfants entre 10 et 15 ans environ
n’ont pas pu terminer leurs études primaires à cause de la pauvreté. Un grand
nombre d’entre eux abandonne l’école
pour travailler à un âge précoce dans le but
d’aider leurs familles. Dans tous ces cas, le
taux de scolarisation inférieur joue un rôle
essentiel dans le prolongement de l’état
d’insécurité pour les pauvres.
Les pays arabes, enregistrant 30 % ou
plus en référence aux critères de l’IPH
incluent trois cas de la catégorie de bas
revenu et un de celle du revenu moyeninférieur : le Yémen (36,6 %), la Mauritanie
(35,9 %), le Soudan (34,3 %) et le Maroc
(31,8 %). Dans la presque totalité de ces
pays, le plus haut degré d’insécurité est
enregistré dans la composante éducation
avec un taux d’illettrisme de 30 % parmi
les adultes. En plus, le non-accès à l’eau
potable joue un rôle déterminant au
Soudan, au Yémen et en Mauritanie.
La diminution des moyennes de l’extrême pauvreté a comme effet direct celle
de l’insécurité émanant de la pauvreté
humaine. Entre 1996-1998 et en 2005, le
résultat de l’IPH a décliné d’un tiers environ passant de 33 à 22,2 %. Sur ce plan,
le tableau 5-8 reflète les performances de
chaque pays et leur contribution dans cette
tendance régionale. Comme le montre le
même tableau, ce sont les pays appartenant à la catégorie du haut revenu et du
revenu moyen-supérieur qui ont réalisé la
baisse la plus importante. En comparaison
avec les autres pays en dé­ve­lop­pement,
les pays arabes auraient pu avoir une
meilleure performance en ce qui concerne
l’IPH proportionnellement à leur PIB et
à leur niveau de développement humain.
À titre d’exemple, les Émirats arabes
unis sont classés 31e sur l’indicateur de
développement humain (IDH) ; mais ils
se débrouillent trois fois moins bien que
la Hongrie dans le domaine de la pauvreté
humaine sachant bien que celle-ci occupe
le 38e rang sur le plan du développement
humain. Cela s’applique à tous les pays
arabes à l’exception de la Jordanie, du
Liban et de la Syrie. Cette performance
relativement faible des pays arabes, en
comparaison avec d’autres pays, est attribuée au taux élevé de l’analphabétisme
chez les adultes et, jusqu’à un certain
degré, à la sous-alimentation parmi les
enfants de moins de cinq ans.
Tableau 5-8
Incidence de la pauvreté humaine dans 18 pays arabes,
2006
Valeur
de l’IPH
(%)
Probabilité
de nonsurvie
jusqu’à
l’âge de
40 ans (%)
Taux
d’analphabétisme
des adultes
(15 ans et
plus) (%)
Taux
d’habitants
n’ayant
pas accès
à l’eau
potable (%)
Taux des
enfants en
sous-poids
pour leur
âge (%)
Bas (4)
35,0
22,8
40,5
31,7
42,1
moyeninférieur (7)
20,4
7,2
28,9
8,3
6,8
moyensupérieur (3)
12,0
5,0
11,0
18,0
8,0
Groupe
de revenu
(nombre de
pays)
Haut (4)
11,7
5,1
14,7
8,2
13,7
Total (18)
22,3
10,4
29,1
13,9
15,4
Source : PNUD/RADH calculs basés sur le PNUD 2007.
Note : les valeurs de l’IPH contenues dans ce chapitre ont été basées sur les valeurs du PNUD
de l’année 2009.
Inégalité dans le revenu
Les données sur l’inégalité dans le revenu
dans les pays arabes sont minimes. Cette
inégalité se mesure par référence au coefficient Gini20. Seuls 7 des 11 pays arabes,
dont les indications sont disponibles sur la
répartition des dépenses de consommation21, offrent des données sur le coefficient
Gini pour l’an 2000 ou pour les années
suivantes. Ces pays sont l’Égypte (0,32 en
2004-2005), la Jordanie (0,359 en 2002),
le Liban (0,360 en 2005), la Mauritanie
(0,391 en 2000), la Syrie (0,375 en 2004),
la Tunisie (0,408 en 2000), le Yémen
(0,366 en 2005). Dans les sept pays, la
moyenne du coefficient Gini atteint dans
Figure 5-8
cet échantillon 0,365 ; ce qui confirme que
les pays arabes font preuve d’un degré de
modération d’inégalité par rapport aux
moyennes mondiales qui, elles-mêmes,
indiquent un pourcentage modéré d’inégalité atteignant 0,3757 dans la première
décennie du xxie siècle. Cela peut être
considéré comme un parachèvement
cumulatif des performances des contrats
sociaux depuis l’indépendance.
Vu la rareté des données dans les pays
arabes, il est difficile d’analyser, dans un
temps limité, les changements dans le
degré d’inégalité dans le revenu. Mais
d’après les preuves livrées par les deux
Les pays arabes
auraient pu avoir
une meilleure
performance en
ce qui concerne
l’Indicateur de
pauvreté humaine
Incidence de la pauvreté humaine en 2006 et sa chute, par pays (%),
depuis 1996
Valeur de l’IPH en 2006
Yémen
Mauritanie
Soudan
Maroc
Djibouti
Comores
Égypte
Algérie
Tunisie
Oman
Libye
Syrie
Arabie saoudite
Liban
EAU
Qatar
Jordanie
%
50
40
30
20
10
0
-10
-20
-30
-40
-50
-60
Les pays arabes
IPH en 2006
Déclin depuis 1996
Source : PNUD 1996, 1998, 2007.
Défis pour la sécurité économique
127
L’inégalité au
niveau de la
richesse s’est
significativement
accrue
La marginalisation
est visible dans les
ceintures urbaines
d’habitat insalubre
dernières décennies, le pourcentage de
ce même degré a augmenté au Maroc, en
Syrie et au Yémen. Par contre, il a diminué
en Algérie, en Égypte, en Jordanie et en
Tunisie. Les deux pays ayant connu le plus
d’augmentation dans ce domaine restent la
Syrie et le Yémen. La plus grande baisse
concerne, elle, l’Algérie où le coefficient
Gini a diminué de 13,7 % entre 1988
et 1995. L’Égypte a connu aussi une diminution concrète d’inégalité au cours de
cinq ans. Les autres pays ont eux-mêmes
connu de légers changements.
Malgré les niveaux modérés d’inégalité
dans le revenu, l’exclusion sociale a augmenté durant les deux dernières décennies
dans la majorité des pays arabes. En plus,
des indices indiquent que l’inégalité au
niveau de la richesse s’est significativement
accrue. Il est très clair que la concentration
de la propriété foncière et des capitaux est
tellement remarquable qu’elle provoque
le sentiment d’exclusion chez les autres
catégories sociales même si leur pauvreté
absolue ne s’est pas accentuée. Une telle
exclusion s’aggrave par le surpeuplement
de ruelles manquant d’hygiène, d’eau
saine, de services de loisirs, d’électrification fiable et d’autres services. Ces
conditions se combinent avec le taux élevé
du chômage pour créer une dynamique de
marginalisation visible dans les ceintures
urbaines d’habitat insalubre atteignant
42 % en 200122 ; ce qui augure d’une mauvaise situation.
Des fractures dans les politiques
adoptées
Les types d’insécurité économique illustrés dans ce chapitre sont les résultats
des différentes lacunes des politiques
adoptées. Premièrement, la faiblesse
structurelle des économies arabes est
l’un des résultats clairs d’une croissance
volatile mue uniquement par le pétrole.
La croissance économique elle-même était
trébuchante et en chute. En parallèle, les
secteurs productifs, notamment l’industrialisation, étaient de faible performance
et non compétitifs.
Deuxièmement, ce modèle de croissance a négativement affecté le marché
de l’emploi, si bien que les pays arabes
connaissent les plus hauts taux de chômage dans le monde entier. En plus, ce
128
Rapport arabe sur le développement humain 2009
modèle n’est plus convenable dans un
environnement mondialisé où la connaissance constitue, plus que le capital ou la
population active, le plus grand pilier de la
valeur ajoutée des économies compétitives
comme le montre le RADH 2004. La
majorité des pays arabes n’ont pas réagi
avec la vitesse suffisante pour améliorer
la qualité de l’enseignement, accroître les
fonds de leur connaissance, motiver l’innovation locale et le passage à des modèles de
développement basés sur la technologie.
Par conséquent, ces pays sont incapables
d’offrir des opportunités d’emploi suffisantes, satisfaisantes et avec des salaires
convenables à des millions d’Arabes dont
la majorité sont des jeunes.
Troisièmement, le degré de pauvreté,
défini comme étant la part des habitants
en dessous du haut seuil national de pauvreté, est largement plus haut que le niveau
reflété par le seuil mondial équivalent à
2 USD par jour ou le seuil national bas
de pauvreté. Même si ce chapitre a étudié
les effets résultant de l’utilisation du haut
seuil de pauvreté dans 9 pays arabes, il est
tout à fait raisonnable de prédire, après
examen des données, que le taux global
des moyennes est dans la limite de 39,9 %.
Malgré les moyennes relativement élevées
de la dépense individuelle dans ces pays,
on peut conclure que la pauvreté dans les
pays arabes est un phénomène plus important qu’il n’est communément supposé.
Une telle situation a une simple explication : la plus grande majorité des pauvres se
concentre dans des pays comme l’Égypte,
l’Irak, le Maroc, la Mauritanie, la Somalie,
le Soudan, la Syrie, et le Yémen. Il s’agit là
de pays à forte densité démographique et à
bas taux de dépense individuelle.
Abstraction faite du seuil de pauvreté
choisi, qu’il soit national ou mondial, la
région arabe n’a pas réalisé un progrès
significatif sur le plan de la réduction de
la pauvreté dans la première décennie du
xxie siècle si l’on prend, comme période
de base, les années 1990. Les pays arabes
les moins développés sont encore loin
d’atténuer l’intensité de ce phénomène. Il
est incertain que l’un d’entre eux puisse
réaliser le premier objectif de dé­ve­lop­
pement du nouveau millénaire, à savoir la
réduction de moitié du taux de pauvreté
avec l’échéance de 2015. En premier lieu,
cette lacune émane de politiques sociales
obsolètes et déphasées qui se font au
Encadré 5-5
Importance des politiques sociales intégrées
En comparaison avec les autres pays sous-développés, les
pays arabes n’ont que récemment adopté des politiques
sociales intégrées visant le traitement de la pauvreté, de
l’inégalité et du développement économique et social comme
des questions intimement imbriquées. Ils ont aspiré, quoique
tardivement, à appliquer les leçons des études faites sur
le développement moderne louant les politiques sociales
basées sur l’investissement et la production et non sur la
redistribution et la consommation. Cette approche ne néglige
pas l’intervention de l’État dans le bien-être social. Mais elle
revendique encore un rôle plus large pour les acteurs non
gouvernementaux dans la formulation et l’exécution des politiques et des services sociaux.
Politiques :
Dans les pays arabes, les politiques pluridimensionnelles
visent simultanément à traiter l’insécurité économique pour
atteindre les objectifs suivants :
• Pousser les taux de croissance économique au-delà de
celles de la croissance démographique dans le but de
créer un impact direct et positif sur les niveaux de revenu
et ce en donnant la priorité au soutien financier des petits
projets commerciaux. Une telle mesure ayant comme
horizon une grande amélioration de l’avenir économique
des pauvres.
• Permettre à toutes les couches sociales de participer à la
marche du développement à travers l’égalité des chances
et la répartition équitable des bénéfices.
• Viser la pauvreté dans toutes les mesures liées à la sécurité économique et promouvoir les conditions de vie des
pauvres à travers le développement de l’infrastructure
matérielle et sociale de l’environnement où ils évoluent.
• Faciliter l’accès aux bienfaits des programmes scolaires,
éducationnels et de sensibilisation.
• Réduire le clivage entre les sexes aux deux niveaux social
et économique en dotant la femme de compétences, de
connaissance, des facilités d’assurance, de technique
et de technologie dans le but de renforcer sa capacité à
réaliser ses choix en termes d’activités productives.
• Renforcer la prise en charge médicale élémentaire et en
élargir la couverture.
• Fournir plus d’efforts en vue réduire les taux de croissance
démographique dans les pays arabes.
• Procéder aux investissements économiques dans les
domaines offrant plus d’opportunités d’emploi pour les
pauvres et présenter des programmes de stages professionnels en pleine activité pour aider à leur intégration
dans le marché de l’emploi.
• Augmenter le financement et minimiser les complications
bureaucratiques dans les filets de protection sociale et
dans l’offre des services sociaux.
Obstacles :
• Les conflits et les occupations avec tout ce qu’ils in­duisent
en termes de dépenses militaires au détriment du
domaine social.
• L’échec du système d’enseignement dans la construction
des qualifications professionnelles et scientifiques.
• La faiblesse des systèmes de services sociaux et la baisse
de leur niveau pour absence d’éléments dirigeants convenables, de compétence administrative et à cause de la
réticence à l’habilitation des couches ciblées, de l’insuffisance et de l’inadéquation des procédures d’audit et de
financement, de l’étroitesse de la base financière et des
ressources humaines, du manque d’expertise, de qualification et d’engagement chez les employés en général.
• L’insuffisance des fonds pour la reproduction à grande
échelle des projets réussis.
• Le déploiement déséquilibré de l’attention politique entre
les zones urbaines et rurales.
• L’expertise limitée de la société civile dans l’exécution
des opérations du développement et de ses programmes.
• La centralisation bureaucratique et l’absence de la coordination entre les instances gouvernementales et entre elles
et les parties actives de la société civile.
• La domination des politiques sociales par une gestion à
court terme des crises au lieu d’une vision intégrée et à
long terme.
Source : El-Laithy et Mcauley 2006.
détriment de politiques de développement
soutenant les pauvres.
Finalement, les efforts d’instauration
et de mise en œuvre de filets de protection sociale, nécessaires pour minimiser
l’impact des marasmes économiques sur
les couches vulnérables, ne sont pas équilibrés entre les différentes catégories de
pays arabes. En général, on distingue entre
les arrangements formels ou traditionnels,
où le soutien social est échangé en cas de
besoin entre proches parents et membres
du même clan, et les programmes officiels
habituellement pris en charge par les
gouvernements ou, ces derniers temps,
par les ONG. Les réseaux formels de
sécurité sociale fournissent gé­né­ra­
lement les secours en argent liquide ou en
nature, le soutien aux nécessités de base
(spécialement la nourriture) et l’emploi
dans les projets publics. Une définition
plus large des filets de protection sociale,
englobe généralement la sécurité sociale
moderne et les programmes de la sécurité
sociale répandus dans les pays en voie
de développement. La sécurité sociale
Défis pour la sécurité économique
129
Les pressions de
la vie moderne
démolissent de
façon accrue
les réseaux
traditionnels de
sécurité sociale
Les moyens
traditionnels dans
la politique de
la lutte contre la
pauvreté ne sont
pas adéquats aux
cas de pauvreté
largement répandus
La pauvreté
généralisée pose
de graves défis
aux concepteurs
des politiques
130
« est généralement associée, quoique sans
exclusivité, à l’offre d’un revenu aux
pauvres alors que l’assurance sociale est
liée, elle, à l’épargne qui est, par essence,
contributive »23.
Vu leur culture arabo-musulmane,
les pays arabes connaissent un large et
solidaire réseau traditionnel de systèmes
de sécurité sociale. Mais les pressions
de la vie moderne le démolissent de
façon accrue24. Un grand nombre de pays
arabes a commencé à mettre en place des
mesures quasi modernes de sécurité et
d’assurance sociales. Le succès de telles
mesures dépend des ressources publiques
que l’État octroie à ces réseaux.
Par contre, les pays à haut revenu ont
instauré de réseaux formels relativement
larges et profonds pour la sécurité sociale
sans bousculer par la force des choses les
arrangements traditionnels hérités de
l’époque prépétrolière. Ces derniers sont
fréquemment révisés dans le but d’améliorer leur performance et l’ampleur de
leur couverture. Les réseaux formels de
sécurité se ressemblent au niveau de leur
champ d’action25. En effet, ils présentent
leur soutien aux veuves, aux femmes
divorcées, aux malades, aux personnes
âgées, aux femmes en chômage et non
mariées, aux familles des détenus et aux
étudiants.
Une étude réalisée par Abdel Samad et
Zeidan (2008)26 résume les aspects d’insuffisance des réseaux formels de sécurité
sociale dans les pays arabes à moyen
revenu. Protection incomplète contre les
risques, traitement inégal des individus,
couverture limitée pour les habitants,
bas niveau de bénéfices, administration
coûteuse et incompétente et financement
non durable sont parmi ces insuffisances
essentielles.
Dans les pays arabes à bas revenu,
il n’est pas surprenant que les réseaux
formels de sécurité sociale soient récents
et fondés, à titre d’exemple au Yémen en
1996, après l’application des politiques
du réajustement structurel. Ces mesures
ont stipulé la création d’un Fonds pour les
services sociaux, un autre pour encourager
la production dans les domaines de l’agriculture et la pêche et un troisième pour
le développement social. Ils ont également
Rapport arabe sur le développement humain 2009
initié un projet pour les travaux publics,
un programme pour l’emploi et la lutte
contre la pauvreté, un programme pour
la sécurité alimentaire et une initiative
spécifique aux régions du Sud.
Les réseaux de sécurité sociale peuvent­
être un moyen efficace pour la lutte contre
la pauvreté dans les pays à revenu haut
et moyen-supérieur où les pauvres re­pré­
sentent relativement une petite tranche
de la population. Mais ces moyens traditionnels dans la politique de la lutte contre
la pauvreté ne sont pas adéquats aux cas
de pauvreté largement répandus. Selon le
PNUD (2006), la pauvreté généralisée,
c’est-à-dire celle qui touche la majorité
de la population, pose de graves défis aux
concepteurs des politiques. Elle peut,
en effet, affecter le comportement des
acteurs économiques et la méthode avec
laquelle réagissent les institutions aux
stimulations politiques sur le plan microéconomique. Elle limitera amplement
aussi le champ et l’efficacité des politiques
offertes aux gouvernements sur l’autre
plan macroéconomique27.
Souvent, la pauvreté généralisée est
également liée à de plus larges conditions
économiques. À titre d’exemple, la majorité des pauvres dans les pays arabes les
moins développés font partie des habitants
des zones rurales où l’activité agricole et
les autres activités à basse production
représentent la première ressource de
subsistance et où les niveaux du capital
humain sont très bas. Paradoxalement,
ces mêmes zones connaissent une croissance démographique galopante, d’où la
multiplication de la main-d’œuvre non
qualifiée. De telles économies se meuvent
généralement dans un cercle fermé où se
conjuguent la croissance démographique,
la détérioration écologique et l’épuisement
des ressources naturelles. Par conséquent,
cela aboutit, en fin de parcours, à la déstabilisation du système social et politique.
Au Yémen et au Soudan, la découverte et
la production du pétrole, avec tout ce que
cela implique en termes d’augmentation
des recettes pétrolières, ont ouvert un
champ, quoique limité, pour sortir de ce
cercle vicieux. Mais ce domaine ne fait
malheureusement pas encore l’objet d’une
exploitation complète.
Conclusion
Ce chapitre a montré que la dépendance des économies arabes des recettes
pétrolières a affaibli leur ossature et les
a laissées à la merci des aléas et fluctuations des marchés mondiaux. De ce fait,
la croissance économique a tellement pris
une trajectoire sinueuse durant les trois
dernières décennies qu’elle a été é­ga­
lement caractérisée par une baisse relative
de la part de l’individu du PIB. Le niveau
de performance des secteurs productifs,
particulièrement dans le domaine de l’industrialisation, a parallèlement diminué
au point que le niveau d’industrialisation
des pays arabes est devenu plus bas qu’il ne
l’était il y a 40 ans. Pour les pays producteurs de pétrole, la récession économique
mondiale actuelle constitue un danger
pour les nouveaux modèles innovés et
ouverts en matière d’investissement et de
commerce ainsi que pour les projets de
développement locaux qui représentaient
l’espoir d’une croissance durable.
L’expansion économique basée sur le
pétrole a également eu des impacts négatifs sur le marché de l’emploi. Certains
pays arabes connaissent, en effet, le taux
le plus élevé de chômage dans le monde,
no­tamment dans les rangs des jeunes. Une
telle donne n’est pas sans avoir de très graves
retombées sur la sécurité humaine. Même
si la pauvreté ne représente pas un grave
défi pour la région arabe, comme c’est le
cas dans les autres pays en voie de développement, les pays les moins développés de
cette même région sont encore devancés
par leurs homologues qui ont, eux, échoué
en tant que groupe dans la réalisation de
performances sur le plan de la réduction
de la pauvreté depuis 1990. Dans leur globalité, ces tendances dé­voilent les foyers
de la grande vulnérabilité économique et
l’insécurité chronique dans le marché de
l’emploi sans oublier l’exclusion accrue des
couches vulnérables.
Défis pour la sécurité économique
131
Notes
1
2
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5
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27
132
Ce chapitre s’inspire essentiellement d’une contribution personnelle présentée par Ali AbdelGadir et Khaled Abu-Ismail en se basant sur leur étude : Development Challenges for the Arab
Region : A Human Development Approach 2009 (Les Défis du développement pour les pays arabes :
du point de vue du développement humain). L’étude a été faite avec le concours du PNUD et de la
Ligue arabe. Heba El-Laithy et Ahmed Moustafa ont également présenté une louable contribution. PNUD 1994.
PNUD 1994.
En 2008, les pays arabes ont été classés selon les catégories de revenu sur la base de la part de
l’individu du PIB sur la référence de la valeur de l’USD en 2007. La moyenne de la part de
l’individu du PIB pour ces catégories est : le bas revenu (2 152 USD), le revenu moyen-inférieur
(5 343 USD), le revenu moyen-supérieur (14 045 USD), le haut revenu (27 934 USD).
Ce chapitre ne traite pas la situation dans le Territoire palestinien occupé, l’Irak et la Somalie
pour absence de données fiables sur les tendances économiques dans ces pays. Mais leurs situations particulières sont discutées dans d’autres chapitres du présent Rapport.
Calculs du PNUD/RADH fondés sur les données statistiques du commerce des marchandises de
première nécessité, 2008 (UN Comtrade) et la Banque mondiale 2008 (en anglais).
Le tableau 5-1 montre le coefficient de variation des catégories de revenus arabes comme il a
été assemblé sur la base des données des Indicateurs du développement mondial émises par la
Banque mondiale. Sur cette base, on veut que les indices de variation soient descriptifs et non
représentatifs. Pour les pays arabes, les pesées moyennes ont été utilisées pour le coefficient de
variation de sorte que les poids soient les parts réelles du PIB en 2007.
Banque mondiale 2006.
UNCTAD 2008.
Islam et Chowdhury 2006.
Dans cette section, les données assemblées sur le chômage dans les pays arabes font référence,
selon les estimations de l’Organisation arabe du travail, aux tableaux statistiques de la maind’œuvre. Voir www.alolabor.org.
Des résultats similaires étaient contenus dans un récent rapport émis par la Banque mondiale en
2007. Les taux du chômage de 2004 étaient de 1,9 % à Bahreïn, 3 % aux EAU, 1,7 % au Koweït,
2,1 % à Qatar, alors qu’il était de 7 % de la population active en Arabie saoudite.
OAT 2008.
L’équivalent de la tendance temporelle en Algérie atteint 0,0279 (avec une valeur de courbe qui
atteint 7,2 et une déviation critériée estimée à 0,69). Pour les autres pays, l’équivalent – en plus
de la valeur de courbe, du degré de déviation critériée – a atteint 0,0223 (3,9/0,4) en Égypte,
0,0655 (6,2/0,63) en Jordanie, 0,0082 (1,4/0,08) au Maroc, 0,024 (6,2/0,52) en Syrie, 0,0082
(6,3/0,65) en Tunisie.
Voir les détails in Ali et Abu-Ismail 2009. Ce chiffre est nettement supérieur aux 34 millions
d’emplois selon l’estimation de la Banque mondiale 2007a.
Des résultats similaires étaient contenus dans le Rapport de la Banque mondiale 2007a et qui
estime la moyenne du chômage dans les rangs des jeunes approximativement à 46 % en Jordanie,
33 % au Maroc et 41 % en Tunisie.
Des résultats similaires étaient contenus dans le Rapport de la Banque mondiale 2007a.
Rouidi Fahimi et Kent 2007.
Ali et Abu-Ismail 2008.
La plus haute incidence de la pauvreté urbaine est enregistrée au Yémen avec 49 % de la population, la Mauritanie et la Syrie viennent en seconde position avec 29 % pour chacun des deux pays,
l’Égypte perche au troisième rang avec 25 %, la Jordanie et le Maroc ont respectivement un taux
de 13 et 12 %.
L’indice GINI est un chiffre entre 0 et 1. Il mesure le degré d’inégalité dans une société donnée.
Le chiffre 0 représente le sommet de l’égalité dans la répartition du revenu, alors que le chiffre 1
indique la parfaite inégalité.
Ali et Abu-Ismail 2009.
CESAO 2007a.
Cf., à titre d’exemple, la Banque mondiale 2008a.
Des contributions charitables à référence religieuse sont institutionnalisées d’une manière accrue
sous forme d’aumônes légales (zakat et sadaqa) dans les pays de la région.
CESAO 2005.
Nasr 2001 ; Abdel Samad et Zeidan 2007.
PNUD/SURF-AS 2006.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Chapitre
6
Faim, alimentation
et sécurité humaine
La faim constitue
la menace la plus
répandue et la plus
dangereuse pour la
sécurité humaine
La région arabe
est marquée par
un inquiétant
ralentissement
des efforts à
accomplir en vue
d’atteindre le
premier objectif du
millénaire pour le
développement
La faim constitue la menace la plus répandue et la plus dangereuse pour la
sécurité humaine. En effet, sans alimentation suffisante lui permettant d’exercer
les fonctions essentielles de la vie, l’homme se sent privé de sécurité personnelle
et réduit à l’incapacité totale.
Malgré l’abondance des ressources alimentaires et le recul des proportions de
la faim dans les pays arabes en général, par comparaison aux autres régions du
monde, on remarque tout de même une certaine hausse du taux de malnutrition
parmi les populations arabes ; et bien que les pays arabes ne soient pas atteints
au même degré par la faim et ne comptent pas les mêmes nombres d’affamés, la
situation globale de la région est marquée par un inquiétant ralentissement des
efforts à accomplir en vue d’atteindre le premier objectif du millénaire pour le
développement par rapport à l’année 1990. Ces pays ne sont donc pas habilités
à réduire de moitié les taux d’affamés à l’horizon de 2015, comme prévu. À ce
phénomène, s’ajoute la permanence des effets cumulatifs de la faim hérités
du passé. Dans certains pays, ce sont les enfants nés avec un poids corporel
défectueux qui continuent à endurer les plus lourdes suites de cette situation,
notamment dans les milieux miséreux, vivant avec moins de deux dollars par jour.
Ce chapitre expose, dans un premier
temps, les principales caractéristiques des
effets de la faim sur la sécurité humaine.
Il présente, ensuite, les situations de faim,
leurs causes et leurs diverses manifestations dans la région arabe, en prenant en
considération de nombreux facteurs dont,
entre autres, l’insuffisance des aliments.
Le chapitre examinera, enfin, les mesures
susceptibles d’assurer l’autonomie alimentaire aux pays arabes, et ce à travers
l’entraide, le développement des rapports
de complémentarité régionaux et l’exploitation des politiques de lutte contre la
pauvreté expérimentées par d’autres pays.
Les effets de la faim
sur la sécurité humaine1
Sur le plan individuel
La faim attaque la santé : Elle entrave et
handicape la croissance physique et l’évolution intellectuelle chez les enfants en
affaiblissant, d’un côté, leur capacité de
concentration mentale et leur compétence
d’apprentissage et, de l’autre, en limitant
leur fréquentation régulière de l’école. Par
ailleurs, il s’est avéré impossible de remédier
aux séquelles pathologiques consécutives à
la carence nutritionnelle, notamment celle
Retard dans la réalisation de l’objectif 1 du Millénaire
pour le développement. Cible 2.
Encadré 6-1
Cible 2 : Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population
souffrant de la faim
Dans la région arabe les moyennes de malnutrition ont baissé à un rythme
lent accusant un dangereux déséquilibre dans les efforts de dé­ve­lop­pement
déployés. En effet, entre 1990 et 2000, les nombres d’enfants âgés de moins
de 5 ans et de poids insuffisant, n’ont enregistré aucune diminution notable,
passant de 12,7 % à 13,2 % seulement. Ceci s’explique par la lenteur du
rythme des déterminismes socio-économiques de l’indice : modestes prestations accomplies pour le développement de la région considérée dans sa
totalité, taux très élevés de l’analphabétisme surtout parmi les femmes,
dans les pays les moins développés, incapacité des plus démunis d’accéder
aux services sanitaires élémentaires, les sanctions totales imposées alors à
l’Irak et les conflits vécus par la Somalie, le Soudan et le TPO.
Les sous-régions et les pays montrent de grandes différences en matière
de réduction du taux d’enfants de poids insuffisant, âgés de moins de 5 ans.
En effet, au Mashreq et au Maghreb arabes, le taux d’enfants en question a
baissé respectivement, entre 1990 et 2000, de 10,8 % à 9,1 % et de 8,4 %
à 7,5 %. Tandis que les pays arabes les moins développés ont continué à
souffrir des plus hautes moyennes d’affamés dans la région, à savoir 27,4 %
en 2000, sachant que ce taux s’élevait, en 1995, à 37,6 %.
Pourcentage des habitants vivant en deçà du seuil minimum
de consommation de énergétique alimentaire
Pays arabes
Les pays arabes
les moins
développés
Les pays
du CCG
Pays du
Maghreb
Pays du
Mashreq
%
0
5
2002
10
1996
15
20
25
30
1991
Source : CESAO 2007.
En 1991, la privation d’aliments menaçait de façon inquiétante le bien-être
global de toute la région ; situation qui a persisté jusqu’à l’an 2000. Les personnes qui vivaient en deçà du niveau minimal en consommation d’énergie
alimentaire constituaient, en 1991, environ 8,8 % de l’ensemble des habitants
arabes de ladite région et 8,9 % en 2002. Conformément à ces moyennes,
le nombre de personnes privées de nourriture est passé, lors de la période
1991-2002, d’à peu près 20 millions à 23,3 millions. Ce qui signifie qu’il est
très peu probable que l’on puisse réaliser la 2e cible du 1er des Objectifs du
Millénaire pour le développement (OMD), à l’échéance de 2015.
La faible baisse du nombre d’individus en proie à la faim dans la région
arabe résulte de la stagnation des moyennes au Mashreq et au Maghreb
arabes, et dans les pays arabes les moins développés. En outre, les hauts
niveaux de privation connus par les pays les moins développés ont haussé
la moyenne territoriale à un degré supérieur aux moyennes enregistrées par
les trois autres sous-régions. Au Mashreq et au Maghreb arabes, en 1991
et 2002, la différence enregistrée entre les taux de ceux vivant en deçà du
seuil minimal de consommation d’énergie alimentaire était basse. Et les
pays arabes les moins développés n’ont réalisé aucun progrès remarquable
dans cette perspective. Le résultat en est que le nombre d’affamés a atteint
les 26,5 % de la population en 1991 et 26,3 % en 2002. Seuls les pays
membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont pu réaliser sur ce
front un bon progrès, bien qu’il n’ait été complè­tement atteint qu’aux 5 premières années. D’ailleurs, les rapports disponibles montrent que le taux des
personnes privées de nourriture dans les pays membres du CCG a régressé
de 5,5 % à 3,4 % entre 1991 et 1996. Mais ce taux a connu par la suite une
certaine stagnation.
Source : CESAO 2007a.
134
Rapport arabe sur le développement humain 2009
datant du stade de l’allaitement ; et même
en cas d’amélioration des conditions de vie,
les enfants ayant souffert de malnutrition
à ce stade seront accablés, tout au long de
leur existence, par les traces morbides de la
faim infantile, telles que l’arrêt de la croissance, l’atrophie et la débilité. Autant de
conséquences néfastes qui se répercuteront
négativement sur leur santé physique et
mentale et entraîneront inéluctablement la
perte de toute chance d’acquisition du savoir
et d’accès à la vie active et, par conséquent,
au revenu.
La faim transforme les affections infantiles normalement curables en maladies
mortelles : La malnutrition et la carence
en vitamines ou en aliments nutritifs
(vitamine A, zinc, iode, fer) affaiblissent
le corps de l’enfant et nuisent consi­dé­ra­
blement à son système immunitaire ; ce
qui accentue le risque de mort, notamment
en cas de maladies contagieuses, comme la
malaria et les inflammations pulmonaires.
Les rapports disponibles indiquent que ces
causes sont à l’origine du décès de près des
trois quarts de nourrissons dans la plupart
des pays arabes, et de 50 % de la même
tranche d’âge dans les pays « riches ».
La faim rend la grossesse dangereuse :
Chez la femme enceinte, la faim augmente
les risques de complications, voire de
décès à l’accouchement. La malnutrition
provoque plusieurs dysfonctionnements
critiques en période de procréation maternelle, telles que l’hémorragie et l’intoxication sanguine. Quant aux nouveau-nés
issus de mères affamées, ils sont de poids
suffisant et encourent la mort lors de la
période d’allaitement. De surcroît, ils sont
menacés, pendant leur enfance, de redoutables dégradations, comme l’atrophie
physique et mentale et la baisse extrême,
à l’âge d’adolescence, des capacités dynamiques et de la productivité. Par ailleurs,
la fille née avec un corps chétif donnera, à
son tour, naissance à des enfants de poids
insuffisants. Cette espèce de transmission morbide perpétue le processus de la
carence alimentaire, instaurant ainsi une
reproduction spontanée de la faim.
Sur le plan collectif
La faim affaiblit la société, en augmentant les taux de maladie, de mortalité et
de d’infirmité : En s’attaquant au système
immunitaire de l’organisme humain, la
faim altère dangereusement la résistance
des individus aux maladies contagieuses,
telles que la dysenterie, la rougeole, la
malaria et les infections pulmonaires
aiguës. Aussi augmente-t-elle les risques
de décès dus aux maladies liées au sida.
De même, en accroissant la moyenne de
mortalité, la faim affecte la pyramide
démographique, car elle se reflète sur les
« années de vie ajustées sur l’infirmité »
(DALY), vu les années perdues à cause
des décès prématurés, des maladies et
de l’invalidité. En général, 6 parmi les
10 facteurs occasionnant cette perte sont
liés à la faim. Ces facteurs sont : la maigreur, la carence en protéines et en sources
d’énergie, le défaut d’iode, de fer et de
vitamine A.
La faim impose des fardeaux financiers
et diminue la productivité : Les États
concernés par ce fléau se voient contraints à
des dépenses indispensables au traitement
des maux liés à la faim, comme les maladies infantiles répandues et récidivantes,
les maladies contagieuses, telles que le sida
et la tuberculose. Les économies réalisées
doivent également faire face au coût indirect occasionné par l’absentéisme forcé du
lieu de travail et la baisse de la productivité, par la montée de la mortalité et de
l’invalidité prématurées et par le déclin de
la rentabilité du système scolaire.
La faim mine la stabilité sociale : Si la
faim s’aggrave et se transforme en problème collectif, elle devient une menace
pour l’organisation sociale et politique.
En effet, considérés d’un point de vue historique, les groupes affamés ont toujours
eu le plus de tendance à la sédition ou à
entrer en conflit avec d’autres collectivités, ou encore à émigrer vers les grandes
concentrations urbaines. Cet exode soumet l’infrastructure des villes concernées
à un surcroît de pression et contribue à
l’augmentation de la criminalité et à la
prolifération des petits délits de corruption, dans ces milieux où les hommes sont
prêts à tout pour ne pas mourir de faim.
Il faut remarquer également que lorsque
Figure 6-1
Recensement des affamés à l’échelle internationale,
dans une perspective comparative durant trois périodes
Millions
900
800
700
600
500
400
300
200
100
0
Monde en
développement
1990-1992
Asie et
Pacifique
Amérique latine Proche-Orient et
et Caraïbes
Afrique du Nord
1995-1997
Afrique subsaharienne
2003-2005
Source : FAO 2008.
Note : Dans ce graphique, la région du Moyen-Orient et celle de l’Afrique du Nord englobent
l’Afghanistan, l’Iran et la Turquie et 13 pays arabes : l’Algérie, l’Arabie saoudite, les EAU,
l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Liban, la Libye, le Maroc la Syrie, la Tunisie et le Yémen.
certains pays en recourent à d’autres pour
nourrir leurs affamés. Ils risquent d’exposer leur politique intérieure à des pressions
étrangères.
Évidemment, la sous-nutrition et la
carence alimentaire ne constituent guère
les causes principales de la mortalité
prématurée et de l’invalidité dans les pays
développés. Toutefois les problèmes en
rapport avec l’alimentation n’y manquent
pas pour autant. Parmi ces problèmes, on
trouve l’obésité qui se répand comme une
épidémie, et constitue, après le tabagisme,
la seconde cause de décès.
Faim et carence nutritionnelle
dans les pays arabes
En l’an 2000, l’Assemblée Générale des
Nations Unies a adopté les Objectifs du
Millénaire pour le développement (OMD).
Le premier de ces objectifs stipule qu’au
début de 2015 le nombre de pauvres et
d’affamés devrait être réduit à la moitié
par rapport à la situation qui prévalait en
1990. Mais où en sont actuellement les
pays arabes quant à la réalisation de cet
objectif ?
Selon les statistiques du PAM, les pays
a­rabes se caractérisent, parmi les pays
en développement, par le plus bas taux
d’individus sous-alimentés, re­la­t i­vement
au nombre total d’habitants. Ne les dépassent dans ce taux que les pays émergents
Faim, alimentation et sécurité humaine
135
La région arabe
est l’une des deux
seules au monde
qui aient connu un
accroissement des
nombres de sousalimentés depuis
les années 1990
Figure 6-2
d’Europe­ centrale et ceux de l’ex-Union
soviétique. Cependant, la région arabe est
l’une des deux seules au monde qui aient
connu un ac­crois­sement des nombres de
sous-alimentés depuis les années 1990,
puisque le nombre de personnes atteintes
de sous-nutrition, dans les pays en question, est passé approximativement de
19,8 millions d’individus, enregistrés dans
la période 1990-1992, à 25,5 millions
d’individus pour la période 2002-20042.
Recensement des affamés dans 15 pays arabes,
1990-1992 et 2002-2004
Milliers
1990-1992
Koweït
Liban
Djibouti
Jordanie
Mauritanie
Comores
TPO
Syrie
Arabie saoudite
Algérie
Maroc
Égypte
Yémen
Soudan
EAU
10 000
9 000
8 000
7 000
6 000
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
2002-2004
Source : FAO 2008 (en anglais).
Figure 6-3
Changements dans la prévalence de la sousalimentation, 1990-2004
Population %
70
60
50
40
30
20
10
1990-1992
Tunisie
* Libye
EAU
Liban
Syrie
Arabie saoudite
Égypte
Algérie
Koweït
Maroc
Jordanie
Mauritanie
TPO
Djibouti
Soudan
Yémen
Comores
0
2002-2004
Source : FAO 2008 (en anglais).
* Les données sur la Libye < 2,5
136
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Les rapports de l’Organisation des
Nations Unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO) adoptés en l’occurrence couvrent 15 pays arabes sur 22 au
total3. Ont été exceptés de cet ensemble
de pays la Somalie et l’Irak, étant donné
que l’Occupation­ et les conflits armés
vécus par ces deux derniers pays ont rendu
inaccessibles les informations précises sur
leur situation alimentaire et sanitaire, et
ce depuis 1990-1992.
Les 25,5 millions d’affamés de la
région arabe représentent environ 10 % du
nombre global de la population de cette
région, sachant que ce nombre représente
3 % seulement du nombre des sujets souffrant de malnutrition à l’échelle mondiale.
Or ce niveau relativement bas, par rapport
à la population de la planète, s’explique
par les hauts niveaux de revenus des États
producteurs de pétrole ou bien par le
pouvoir d’achat que viennent renforcer
les transferts de devises effectués par la
main-d’œuvre arabe expatriée et/ou par
les politiques d’approvisionnement que
pratiquent certains gouvernements.
Le Soudan est le pays arabe qui
regroupe le plus grand nombre d’affamés,
soit plus de 8 millions d’individus, vu
que ce pays est déchiré par les guerres
intestines et subi des sanctions internationales. Le Yémen, l’un des pays les moins
développés (PMD) et trop dépendant
de l’importation des aliments occupe la
deuxième position, après le Soudan, avec
8 millions d’affamés. Mais le plus étonnant c’est l’existence, dans les pays arabes
riches, comme l’Arabie saoudite, les EAU
et le Koweït, de tranches de population
incapables d’acquérir la nourriture en
quantités suffisantes.
Les nombres d’affamés calculés non
pas en fonction des effectifs absolus, mais
en fonction du nombre d’habitants de
chaque pays, montrent que la faim n’a pas
encore dégénéré en drame humanitaire.
En effet, aux EAU, en Tunisie et en Libye,
le nombre de personnes mal nourries était
inférieur à 2,5 % du nombre total d’habitants dans la période allant de 2002 à
2004. À l’opposé, on relève aux Comores,
au Soudan, et au Yémen, pays où domine
l’insécurité alimentaire et où sévit la faim,
des taux respectifs de : 60 %, 26 % et 38 %
de la population. Tandis qu’en d’autres
pays les moyennes varient entre 2,5 %
et 4 %, à l’exception de la Jordanie et du
Maroc (6 %), du Koweït (5 %) et de la
Mauritanie (10 %).
Les dénombrements disponibles à
l’échelle nationale ne sont pas centrés sur
le rapport entre la faim et des catégories
précises d’habitants de ces sociétés.
Toutefois, le PAM indique que la déficience alimentaire est plus répandue dans
les populations rurales déshéritées, touchant plus particulièrement les femmes
et les enfants4. Par ailleurs, bien qu’on ne
dispose pas de statistiques détaillées sur
la plupart des pays arabes, une étude sur
le Yémen – pays arabe classé deuxième en
matière de propagation de la sous-nutrition – a délimité avec une grande précision
les groupes les plus exposés à la faim.
Ces derniers regroupent les familles
possédant ou exploitant de petits lopins
de terre, ou bien celles entretenues par des
femmes, ou encore celles à faible niveau
d’instruction. L’étude en question montre
également que le facteur le plus lié à la sousalimentation est le degré d’instruction.
Ainsi, les familles où domine l’analphabétisme représentent le cinquième des
familles affamées. En revanche, ce taux
baisse jusqu’en deçà du dixième au sein
des foyers dont les membres ont reçu un
enseignement universitaire. Ce phénomène s’explique généralement par le fait
qu’au Yémen les revenus dépendent étroitement de l’instruction5.
Tendances depuis 1990-1992
La figure 6-3 expose la situation des pays
arabes en ce qui concerne la réalisation
du 1er OMD, visant à réduire à hauteur
de 50 % le taux des individus affamés, au
titre de la période 1990-2015. La figure
montre qu’aucun progrès n’a été réalisé
en vue d’atteindre la 2e cible de l’objectif
en question, à l’échelle de toute la région
arabe. Cependant, Il est à préciser que
cette tendance générale ne manifeste pas
la grande disproportion existant entre les
différentes situations des pays concernés,
considérés séparément.
Cette figure montre, en effet, l’écart
sensible distinguant les pays arabes en
matière de lutte contre la faim, durant
les deux périodes susmentionnées,
exception faite de Djibouti, du Koweït
et de la Mauritanie (le taux relativement
élevé d’expansion de la faim au Koweït,
Encadré 6-2
Enquête sur la sécurité humaine – Accès à la nourriture
dans 4 pays arabes
La question posée aux individus interrogés était de savoir si, selon eux,
l’obtention de la nourriture était facile ou difficile ou bien s’ils considéraient que cela ne constituait absolument pas un défi. Le taux le plus bas
de personnes ayant jugé l’affaire difficile était au Koweït. Dans ce même
pays, se trouve également le taux le plus élevé de personnes ayant trouvé
l’affaire facile. Les réponses enregistrées dans les autres pays différaient
de celles relevées au Koweït, mais se ressemblaient dans les 3 pays. En
effet, environ 40 % des individus interrogés, dans ces échantillons, étaient
d’accord sur le fait qu’ils obtenaient facilement la nourriture, alors qu’un
taux d’interrogés allant de 56 % à 59 % jugeaient l’affaire difficile. Ceux
qui estimaient que l’accès à la nourriture était, pour eux, une affaire sans
importance ne représentaient qu’une minorité de 3 % de l’échantillon
en question. Ce qui est remarquable est le fait qu’au Koweït aucun des
interrogés n’a dit que l’acquisition de la nourriture était une affaire sans
importance pour lui. Peut-être parce que, pour ces derniers, les deux
constats : affaire sans importance et affaire facile désignent la même
réalité.
Est-ce que l’obtention de la nourriture est une opération facile ou difficile,
ou bien ne constitue absolument pas un défi ?
%
100
80
60
40
20
0
Liban
Facile
TPO
Difficile
Maroc
Koweït
Pas un problème
Lorsque les interviewés ont été sondés sur le degré d’accessibilité de
la nourriture pour eux durant les six derniers mois, une minorité d’entre
eux au Koweït (20 %) et environ le tiers au Maroc ont répondu qu’il leur
a été difficile d’obtenir les produits alimentaires, ou bien qu’ils ont été
contraints de réduire la consommation de certains types au cours de ces
six mois. Toutefois, 56 % des Palestiniens et plus de la moitié des Libanais
interrogés ont indiqué qu’ils avaient éprouvé des difficultés en général.
Leurs réponses reflètent sans aucun doute le fait que la période en question a coïncidé avec la détérioration de la situation à Gaza à l’hiver 2008
et l’atmosphère de tension à Beyrouth à l’époque.
Pourcentage des interrogés ayant trouvé difficile d’obtenir
de la nourriture dans les 6 mois précédant l’enquête
%
60
50
40
30
20
10
0
Liban
TPO
Faim, alimentation et sécurité humaine
Maroc
137
Koweït
Encadré 6-3
Sondage sur la sécurité humaine –
Les habitudes alimentaires dans 4 pays arabes
Les types d’alimentation au Liban, au Koweït, au Maroc et en TPO se ressemblent, mais le type palestinien en diffère sensiblement. En effet, les
Palestiniens consomment les plus faibles quantités d’aliments essentiels,
excepté les légumes et les œufs. Ils mangent­ plus de légumes que les
Koweïtiens, plus d’œufs que les Libanais et les Marocains. Cependant, ils
diffèrent des quatre échantillons par leur consommation de la plus basse
quantité de viandes et de poissons. Ils consomment du poisson moins
d’une fois par semaine et de la viande moins de deux fois par semaine.
Ceci peut être dû à la rareté des poissons et au coût de la viande dans le
TPO. En général, les poissons et les viandes sont les moins consommés
par les gens interrogés, dans les trois autres pays. Les Koweïtiens se distinguent de cette tendance dominante car ils mangent du poisson 2 fois par
semaine et de la viande 4 fois par semaine.
8
6
4
2
0
Viande
Poisson
Liban
Œufs
TPO
Produits
laitiers
Maroc
Légumes
Fruits
Koweït
L’écart le plus net apparaît si on compare la consommation alimentaire
de la bande de Gaza et la Cisjordanie. Bien que les gens consomment
des légumes, en moyenne, 6 fois par semaine leur consommation des
autres espèces d’aliments diffère. En effet, le sondage montre qu’à Gaza
on consomme moins d’œufs, de produits laitiers, de légumes, de viande
et de poissons. Moyennes qui spécifient le niveau d’alimentation dominant dans cette région. D’ailleurs, la situation alimentaire de la majorité
des Palestiniens s’est, en général, considérablement dégradée. Mais les
habitants de Gaza sont les plus touchés en raison de l’embargo et des
restrictions imposées par Israël à la circulation des personnes et des
marchandises.
7
6
5
4
3
2
1
0
la déficience alimentaire a accusé plutôt
une légère baisse.
À travers ce passage en revue, transparaît une douloureuse vérité : le nombre
d’individus sous-alimentés, comme nous
l’avons déjà mentionné, a augmenté de
5,7 millions entre les deux périodes 19901992 et 2002-2004. Ceci signifie que
toute la région arabe s’éloigne considérablement du « 1er objectif » plutôt qu’elle ne
s’en approche. Le tableau s’assombrirait
davantage si l’on prenait en considération,
dans ce diagnostic, la situation d’autres
pays arabes au sujet desquels on ne dispose
pas de rapports crédibles, comme l’Irak et
le Soudan, pays plongés dans l’insécurité
totale et où les opérations de secours
échouent à cause des conflits civils et de la
violence armée.
Il est du devoir de tous les pays arabes
de remédier à cette situation qui ne cesse
de se dégrader depuis la période 19901992. Pour ce faire, il leur faut d’abord
surmonter les obstacles empêchant l’éradication de la faim. Mais cette entreprise
nécessite de trouver les moyens efficaces
de lutte contre le fléau et la généralisation
des programmes susceptibles d’assurer la
mise en œuvre méthodique et responsable
de ces moyens. Dans ce cadre, il convient
d’accorder une importance particulière
aux composantes démographiques les plus
vulnérables, telles que les femmes, les
enfants et les personnes âgées.
L’obésité, un problème grandissant
dans les pays arabes
Viande
Cisjordanie
Poisson
Œufs
Produits
laitiers
Légumes
Fruits
Bande de Gaza
entre 1990 et 1992, s’explique par la
guerre du Golfe durant cette période). À
ces derniers pays, il convient d’ajouter le
Soudan qui a réalisé un certain progrès.
Cependant, la faim y est encore dangereusement répandue. Quant à l’Arabie
saoudite, l’Égypte, la Jordanie, le Liban,
le Maroc et le Yémen, leur situation s’est
aggravée, non seu­lement en nombres
d’affamés, mais aussi en degré de propagation de la faim. L’Algérie et la Syrie, en
revanche, ont vu s’élever le nombre de
personnes affamées, mais l’expansion de
138
Rapport arabe sur le développement humain 2009
De prime abord, obésité et malnutrition
semblent contradictoires. Or, un facteur
commun les assemble : les mauvaises habitudes alimentaires. Comme l’a remarqué
la directrice générale de l’OMS, dans son
discours du mois d’octobre 20086, il est
étonnant de voir les rapports télévisés sur
la malnutrition montrer aux spectateurs
des enfants atteints de déficience alimentaire soignés par des personnes adultes
souffrant d’obésité. Ce paradoxe choquant
s’explique par le simple fait suivant : les aliments bon marché et de qualité médiocre
privent les enfants d’aliments nutritifs de
base, mais engraissent les adultes. Ce n’est
donc pas la satiété qui provoque l’obésité. Cette dernière, comme le montre la
figure 6-4, n’est pas spécifique des pays
« riches » ; elle se répand largement dans
les pays à bas revenus, tels que l’Égypte,
la Jordanie, le Maroc et la Syrie, autant
que dans les pays riches du Golfe. Elle
peut toucher aussi bien les pauvres que les
riches.
Il n’est pas sans intérêt que l’obésité et
le surpoids touchent plus de femmes que
d’hommes dans les pays arabes, alors qu’inversement, aux États-Unis, par exemple,
ces problèmes sont plus communs­chez les
hommes. D’une façon générale, l’obésité,
dans les pays arabes, s’explique par la
consommation excessive d’aliments riches
en graisses et en sucre. Cet excès s’accompagne d’un affaiblissement de l’activité
physique. L’expansion de ce fléau parmi
les femmes s’explique partiellement par
certaines coutumes qui leur interdisent,
dans la plupart des cas, la pratique des
sports et des autres exercices physiques.
L’obésité contribue au déclenchement
de nombreuses maladies non contagieuses,
comme le diabète, l’hypertension artérielle, les pathologies cardio-vasculaires,
l’arthrose, les troubles psychiques et certains types de cancer. Il faut signaler que
ces phénomènes morbides connaissent un
accroissement continu et constant dans les
pays arabes. Par ailleurs, de nombreuses
études démontrent que la déficience du
poids à la naissance et la carence alimentaire endurée pendant l’enfance entraînent
l’obésité à l’âge d’adolescence, si cette
dernière coïncide avec l’abondance des
aliments. Il est à noter également que
dans les milieux ouvriers, il arrive souvent
que la baisse de productivité soit liée à
l’obésité.
Causes de la faim et de la
malnutrition dans les pays arabes
Nombreux sont les facteurs qui contribuent­
aux problèmes de déficience alimentaire.
Parmi les facteurs les plus directs et les
plus décisifs, on trouve : le manque de
moyens indispensables à l’achat en quantités suffisantes des aliments destinés à la
consommation quotidienne, et le défaut
d’approvisionnement en denrées nécessaires. Quant aux facteurs indirects, résultant
à la fois, de l’effet cumulé des causes et des
conséquences, ils regroupent la pauvreté,
l’ignorance, la maladie, le chômage et l’inégalité entre les sexes. D’autres facteurs tout
Figure 6-4
La propagation de l’obésité dans les pays arabes,
à Nauru et au Japon*, selon le sexe, la catégorie d’âge
des moins de 15 ans, 2005
Nauru
Japon
Somalie
Soudan
Comores
Djibouti
Maroc
Mauritanie
Algérie
Irak
Oman
Syrie
Libye
Liban
Qatar
Tunisie
Jordanie
Bahreïn
Arabie
saoudite
EAU
Égypte
Koweït
% 0
10
20
Femmes 15 +
30
40
50
60
70
80
90
Hommes 15 +
Source : OMS 2005.
Notes : Nauru est le pays qui enregistre le plus haut taux de propagation de l’obésité. Le
Japon en présente le plus bas.
* Évaluée en fonction de l’Indice de masse corporelle (IMC) ≥ 30 kg/m2 qui est un oléomètre
basé sur la hauteur et le poids du corps. IMC > 30 signifie l’obésité, tandis qu’un IMC de 25 à
30 signifie le surpoids.
aussi importants concourent indirectement
à la perpétuation du cercle de la misère, de
la faim, de la maladie et de la souffrance.
Il s’agit des conditions climatiques, des
catastrophes naturelles, de l’échec des
politiques de développement, de l’absence
de stabilité politique et des conflits armés.
Pas plus que l’indigence et le chômage ne
sauraient être des phénomènes purement
économiques, la sous-alimentation et
l’inanition ne sont pas nécessairement des
phénomènes naturels et inéluctables. Ces
dernières sont toujours le résultat d’une
intervention ou d’une non-intervention
humaine. En effet, les pays arabes les plus
exposés à la sous-nutrition sont ceux qui
endurent les conflits ou les guerres civiles
ou encore l’occupation. Dans d’autres pays
arabes, c’est la propagation de l’indigence
qui est la cause essentielle de la hausse
des taux d’affamés. Bref, on peut regrouper les causes de la sous-alimentation en
3 catégories fondamentales : la faiblesse
du pouvoir d’achat requis pour l’obtention
Faim, alimentation et sécurité humaine
La sousalimentation
et l’inanition
ne sont pas
nécessairement
des phénomènes
naturels et
inéluctables
139
de la nourriture, la pénurie des aliments
et la persistance de ces deux conditions.
Les développements suivants discutent ces
causes de façon plus détaillée.
A. Causes immédiates
Insuffisance de la part alimentaire
individuelle
La FAO effectue annuellement une évaluation de la part d’aliments disponibles
pour chaque individu en utilisant les
« Bilans alimentaires ». Cet instrument de
mesure se présente sous forme de colonnes
de chiffres et est conçu pour le calcul des
quantités alimentaires produites dans
un pays donné en une année. On ajoute
à ces quantités celles qui sont importées
ou stockées pendant la même année. De la
somme totale ainsi obtenue, on retranche
les quantités perdues suite aux dégâts
résultant de l’emmagasinage ou du transport et celles utilisées comme fourrage, ou
encore celles employées à des fins autres
que la consommation humaine. Ensuite,
la quantité restante est divisée par le
nombre d’habitants du pays. Le nombre
total des produits alimentaires disponibles
est finalement converti en son équivalent
Figure 6-5
Calories
par jour
Moyenne de l’apport calorique quotidien par habitant
dans 11 pays arabes, 1990-1992 et 2002-2004
Prévalence
de la faim
> 20 %
Prévalence
de la faim
5-19 %
Prévalence
de la faim
2,5-4 %
4 000
3 500
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
500
Syrie
Algérie
Égypte
Liban
Koweït
1990-1992
Arabie saoudite
2002-2004
Mauritanie
Jordanie
Maroc
Yémen
Soudan
0
Source : FAO 2008.
140
Rapport arabe sur le développement humain 2009
en calories7. Ainsi on peut déterminer la
provision de chaque individu en énergie
alimentaire.
Par ailleurs, afin d’évaluer l’assistance
alimentaire et les modes de nutrition
dans la région, en s’appuyant sur des données disponibles, les pays arabes ont été
répartis en trois catégories, en fonction
du taux de propagation de la faim et de la
sous-nutrition dominant en chacun d’eux,
entre 2002 et 2004. La première catégorie est celle constituée de pays où le taux
d’expansion de la faim varie entre 2,5 %
et 4 % du nombre global d’habitants. C’est
le cas de l’Algérie, de l’Arabie saoudite,
de l’Égypte, du Liban et de la Syrie. La
deuxième catégorie est celle où le taux en
question se situe entre 5 % et 19 %. C’est
le cas de la Jordanie, du Koweït, du Maroc,
et de la Mauritanie. Quant à la troisième
catégorie, elle englobe le Soudan et le
Yémen, où le taux atteint 20 % et plus.
Cette évaluation ne couvre pas les EAU,
la Libye et la Tunisie, où la faim et la sousnutrition ne constituent pas des problèmes
significatifs. On peut cependant ajouter
une quatrième catégorie dont il s’agira par
la suite dans ce rapport et qui comprend
les pays éprouvés par les conflits tels que
l’Irak, la Somalie, le Soudan et le TPO.
• Baisse de la consommation alimentaire
au-dessous des besoins quotidiens
La figure 6-5 montre la part en unités
calorifiques dont s’approvisionne l’individu dans les pays arabes, et ce dans une
perspective comparant les deux périodes
1990-1992 et 2002-2004.
On constate une disparité évidente
entre les trois groupes de pays en matière
de disponibilité en énergie alimentaire.
Cette dernière est à son plus bas niveau au
Soudan et au Yémen (la plus haute prévalence de la faim) Et à son plus haut niveau
dans les pays de la première catégorie
(la plus basse prévalence de la faim). Les
niveaux des parts individuelles en calories
enregistrés, qui varient entre 2 000 calories (au Yémen) et 3 100 calories (en
Égypte), montrent un total global supérieur au minimum requis dont a besoin
une personne pour préserver son poids et
un niveau d’activité normal. Pourtant, la
figure révèle que la véritable raison de la
haute prévalence de la faim dans la région
arabe réside dans la disproportion, au sein
de chacune des sociétés, des moyennes
de disponibilité des calories à la portée
des individus, et par conséquent, dans la
répartition inéquitable des produits alimentaires disponibles.
Si nous considérons la variation des
moyennes de disponibilité des calories,
entre celles enregistrées lors de la période
1990-1992 et celles enregistrées lors de la
période 2002-2004 selon l’OMD, nous ne
remarquons aucun changement au Liban,
au Maroc et au Yémen et nous constatons
une légère augmentation dans les autres
pays, à l’exception du Koweït qui a connu
une importante augmentation en part
individuelle, ayant atteint 700 calories
depuis 1990-1992.
les niveaux analogues enregistrés dans un
pays développé : la Grèce.
La figure montre qu’entre les trois
catégories de pays arabes, au titre de
l’année 2004, une différence nette des
niveaux relatifs aux parts individuelles en
aliments disponibles, mais globalement,
elle ne montre pas le même écart entre les
pays relevant de la même catégorie. Ces
niveaux sont en rapport pro­por­t ion­nel­
lement inverse avec l’expansion de la faim
et la malnutrition. La première catégorie
occupe le 1er rang dans le domaine de la
disponibilité de la nourriture pour tout
individu. La quantité globale varie, par
exemple, entre 2 200 g par jour au Liban
où l’expansion de la faim atteint 3 % de la
population et 1 500 g par jour en Arabie
saoudite où 4 % de la population sont
privés d’aliments nutritifs. Dans la 3e catégorie, les moyennes des parts individuelles
varient entre 850 g par jour au Yémen, où
plus d’un tiers de la population souffre de
faim et 1 150 g par jour au Soudan où plus
du quart de la population est la proie de la
faim et de la sous-nutrition. La deuxième
• Le caractère limité du ravitaillement
alimentaire et son effet sur les types de
régime et de nutrition
La figure 6-6 expose la part individuelle
quotidienne (qui se mesure par grammes/
personne/jour) de chaque res­source alimentaire disponible, dans les pays arabes,
tout en comparant les niveaux de 2004 à
ceux de 1990 et en les confrontant avec
Figure 6-6
Grammes
par personne
par jour
Les niveaux
relatifs aux parts
individuelles
en aliments
disponibles sont
différents entre les
trois catégories
des pays arabes
Consommation individuelle quotidienne en grammes des diverses
ressources alimentaires, 1990-2004, 11 pays arabes et la Grèce
Prévalence
de la faim
> 20 %
Prévalence
de la faim
5-19 %
Prévalence
de la faim
2,5-4 %
Comparateur
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
500
Haricots
Sucre
Œufs et produits laitiers
1990
2004
Grèce
1990
2004
Arabie saoudite
1990
2004
Syrie
1990
2004
Algérie
1990
2004
Égypte
1990
2004
Liban
1990
2004
Koweït
1990
2004
Mauritanie
1990
2004
Jordanie
1990
2004
Maroc
1990
2004
Yémen
1990
Soudan
2004
0
Légumes et fruits
Féculents
Légumineuses
Huiles et graisses
Viande rouge
Poisson
Source : FAO 2008.
Faim, alimentation et sécurité humaine
141
catégorie a enregistré des niveaux intermédiaires entre ceux enregistrés par la
première et la troisième. Néanmoins, les
niveaux enregistrés par ces pays, toutes
catégories confondues, restent sensiblement inférieurs par rapport aux niveaux
des parts individuelles atteintes dans des
pays développés, comme la Grèce.
Dans les quatre pays, les céréales
constituent­ l’aliment le plus disponible et
l’une des plus importantes sources d’énergie de protéines et du groupe des
vitamines B. Le blé est la céréale la
plus consommée dans les pays arabes,
à l’exception du Soudan où domine la
consommation du sorgho. L’orge occupe
la deuxième place dans les pays d’Afrique
du Nord. Par contre, en Orient, ce sont le
riz et le maïs qui occupent cette position.
Au Soudan et au Yémen, les pays les moins
développés, le maïs et le millet sont les plus
consommés. Aucun de ces pays, du reste,
n’a réalisé l’autosuffisance en matière
de céréales, étant donné qu’ils comptent
plus ou moins tous, sur l’importation. Le
blé, produit des climats tempérés exporté
surtout par les pays industrialisés, est la
Figure 6-7
plus importée des céréales. Il est suivi
par l’orge et, à un degré moindre, le maïs.
Dans les pays arabes, on note aussi que
les quantités de céréales consommées ont
un peu diminué au cours des quelques
années écoulées, sauf en Arabie saoudite,
en Égypte, au Maroc, et en Mauritanie
où les quantités consommées se sont stabilisées puis ont augmenté par rapport à
la moyenne générale d’approvisionnement
en calories.
Les fruits et les légumes constituent
la seconde plus importante composante
alimentaire dans la plupart des pays
a­rabes, excepté la Mauritanie, le Soudan
et le Yémen où la moyenne d’approvisionnement de l’individu de ces aliments
enregistre une baisse variant entre 60 g et
200 g par jour. Les produits laitiers et les
œufs comptent également parmi les principaux constituants alimentaires, surtout en
Mauritanie, au Soudan et au Yémen. Bien
mieux, les moyennes d’approvisionnement
individuel des quantités de produits laitiers
disponibles dans ces pays équivalent à leurs
homologues dans les pays développés.
L’abondance de tels produits dans ces pays
L’apport calorique quotidien et sa répartition suivant les principes
nutritifs de base, 11 pays arabes 1990-1992 et 2002-2004
Prévalence
de la faim
> 20 %
Calories
par jour
3 500
Prévalence
de la faim
5-19 %
Prévalence de la faim
2,5 %-4 %
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
500
Protéine
Source : FAO 2008.
142
Rapport arabe sur le développement humain 2009
2004
1990
Arabie saoudite
2004
1990
Syrie
1990
2004
Algérie
1990
2004
Égypte
2004
1990
Liban
2004
1990
Glucides
Mauritanie
1990
2004
Koweït
2004
1990
Graisse
Jordanie
2004
1990
Maroc
2004
1990
Yémen
Soudan
1990
2004
0
arabes relativement au bas revenu s’explique par la prolifération qu’y ont connue
récemment les fermes laitières.
Les viandes constituent un aspect
limité de l’ensemble des aliments disponibles dans les pays arabes. L’Arabie
saoudite, le Koweït et le Liban occupent
des positions avancées en consommation
des viandes avec une part individuelle se
situant entre 135 et 190 g par jour. Les
poissons et autres produits alimentaires
marins constituent une petite partie de la
consommation alimentaire dans tous les
pays arabes.
Depuis la période 1990-1992, les
modes d’alimentation ont changé dans
la plupart des pays arabes. En effet, si
les céréales forment encore la première
composante du repas arabe, on y trouve
à présent de plus grandes quantités de
fruits, de légumes, de produits laitiers,
d’œufs, d’huiles végétales, de sucre, et à un
modeste degré, de viande et de poissons.
Malgré cette tendance à la diversification
alimentaire, qui reflète les préférences
des consommateurs capables d’acheter de
plus grandes quantités d’aliments chers et
de haute valeur nutritive, le mode d’alimentation arabe, comparé à celui des pays
développés, demeure globalement pauvre
en aliments préservateurs des maladies et
riches en sels minéraux et en vitamines
comme les fruits, les légumes, les produits
laitiers et les poissons.
• Déséquilibre alimentaire
La sous-nutrition peut être causée par
une consommation insuffisante ou non
équilibrée de l’énergie alimentaire ou
bien par une carence d’aliments toutes
sortes confondues. Comme indiqué précédemment, le manque des principes
nutritifs fondamentaux dans la nourriture,
éléments qui dotent l’organisme d’énergie
(par exemple, les protéines, les matières
grasses, les féculents) provoque des problèmes de santé, tels que la cachexie,
l’atrophie musculaire, la déficience du
poids, la myopathie. Ces phénomènes
morbides sont possibles, même si la quantité d’approvisionnement globale requise
en calories est suffisante. Néanmoins les
quantités des aliments nutritifs fondamentaux provenant des exigences calorifiques
totales indispensables à la sécurité de
l’état de santé s’échelonnent relativement
sur une vaste étendue : 55 %-75 % pour
les féculents, 15 %-35 % pour les matières
grasses et 10 %-15 % pour les protéines8.
La figure 6-7 résume la quantité
d’approvisionnement global quotidien en
aliments fondamentaux par rapport à l’approvisionnement de l’individu en calories
et la manière dont varient les moyennes
durant la période de 1990-1992 et celle de
2002-2004. Ces données s’appliquent aux
pays arabes au sujet desquels on dispose
des rapports, y compris les pays où la faim
ne constitue pas un problème humanitaire.
Les taux des principaux aliments
nutritifs dans l’alimentation arabe se
caractérisent en général par l’équilibre,
abstraction faite du volume d’énergie disponible. Par ailleurs, ces taux n’ont guère
changé depuis la période 1990-1992. On
observe également que les sources d’aliments d’origine animale constituent des
taux variant entre le tiers et le quart des
approvisionnements en protéines et en
matières grasses et entre 7 % et 13 % des
approvisionnements en énergie alimentaire disponible dans l’ensemble de ces
pays, à l’exception du Koweït, du Liban,
de la Mauritanie et du Soudan, étant donné
que dans ces pays les aliments d’origine
animale représentent environ 50 % des
sources de protéines et de matières grasses
disponibles et un cinquième de l’énergie,
sachant bien que ces taux équivalent à
ceux enregistrés dans les pays développés. Cependant, si les aliments d’origine
animale assurent un apport nutritionnel
riche en protéines de haute qualité, elles
causent en revanche la hausse des niveaux
de triglycérides saturés nuisibles à la santé
des consommateurs. Ceci étant le résultat
de la consommation en quantités relativement élevées d’œufs et de produits laitiers,
mais avec de faibles quantités de fruits et
de légumes (comme c’est le cas au Soudan
et en Mauritanie) ; et à la consommation
de quantités relativement élevées de viandes, d’œufs et de produits laitiers (comme
au Koweït et au Liban).
Il convient toutefois de considérer avec
prudence ces chiffres qui semblent, de
prime abord, encourageants. En effet, ils
ne reflètent pas forcément le degré d’équité
sociale en matière de répartition des ressources alimentaires. Aussi n’indiquent-ils
pas non plus le niveau de consommation
effectif ou le degré d’équilibre alimentaire
réel caractéristique des milieux indigents.
Ils font plutôt état des tendances générales
Faim, alimentation et sécurité humaine
Malgré la tendance
à la diversification
alimentaire,
le mode
d’alimentation
arabe demeure
globalement pauvre
La sous-nutrition
peut être
causée par une
consommation
insuffisante ou
non équilibrée
de l’énergie
alimentaire
143
Figure 6-8
Production des céréales, 21 pays arabes 1990-2005
Kilogrammes
par hectare
relatives à la situation alimentaire de chacune des catégories sociales constitutives
des sociétés du monde arabe.
12 000
10 000
8 000
6 000
4 000
2 000
1990 Rendement des céréales
Somalie
Moyenne
mondiale
Libye
Soudan
Maroc
Yémen
Irak
Mauritanie
Comores
Algérie
Djibouti
Tunisie
Jordanie
TPO
Syrie
Liban
Koweït
Oman
EAU
Égypte
Arabie
Saoudite
Qatar
0
2005 Rendement des céréales
Source : Banque mondiale 2008.
Figure 6-9
Taux régionaux d’autosuffisance en matière des principales
denrées alimentaires ( %), par type, 1990-2004
SSR (%)
120
100
80
60
40
20
1990
Légumes
Poisson
Viandes
Lait et
produits
laitiers
Céréales
Légumineuses
Sucre
Graisses
et huiles
0
2004
Source : PNUD/RADH calculs basés sur les données de l’AOAD 2008 (en arabe).
Note : Le taux d’autosuffisance alimentaire est calculé, dans la base de données de l’OADA,
en divisant les denrées alimentaires produites par les aliments disponibles pour la
consommation (mesurée en mégatonnes).
Dépendance aux produits alimentaires importés,
15 pays arabes, 2005*
Figure 6-10
%
25
20
15
10
5
Bahreïn
Moyenne
mondiale
Qatar
Tunisie
Mauritanie
Maroc
Oman
Soudan
Jordanie
Arabie
saoudite
Liban
Libye
Syrie
Algérie
Égypte
Yémen
0
2005, les importations alimentaires (% des importations de marchandises)
Source : Banque mondiale 2008.
*Les valeurs pour le Liban et la Libye sont relatives à 2004.
144
Rapport arabe sur le développement humain 2009
• Contribution relative des importations
et des exportations des produits alimentaires dans la composition de la part
alimentaire individuelle.
La quantité d’aliments disponibles d’un
pays reflète le degré d’évolution de ses
secteurs de production alimentaire et
sa dynamique d’échange des marchandises avec le monde extérieur. Bref, la
disponibilité de la nourriture est liée aux
capacités d’offre ; laquelle offre dépend,
à son tour, d’un ensemble de facteurs,
tels que la production agricole, l’accès
aux marchés internationaux, le dé­ve­lop­
pement des industries agroalimentaires
et le volume d’aide étrangère. Cette offre
dépend également de la demande qui est,
elle-même, fonction du niveau de revenu
des individus.
La figure 6-8 montre que les récoltes
céréalières dans certains pays sont inférieures à la moyenne internationale et que
la production a baissé, entre 1990 et 2005,
dans sept pays.
La figure 6-9 montre de façon précise
l’étape parcourue par la région dans son
entreprise visant à la réalisation de l’autonomie alimentaire en produits essentiels,
au cours de la période de 1990-2004.
Cette figure précise, entre autres, que
tous les pays arabes jouissent relativement
d’une certaine autonomie en ce qui est des
produits alimentaires consommés par les
riches (comme les viandes, les poissons et
les légumes) en quantités plus grandes que
celles des denrées que consomment les
pauvres (comme les céréales, les graisses
et les glucides).
La figure 6-10 présente globalement
le degré de dépendance des pays arabes,
en 2005, de l’importation des produits
alimentaires. On constate que le taux
de dépendance de tous ces pays, excepté
Bahreïn, est supérieur à la moyenne
internationale.
Cette grande dépendance est due à
plusieurs facteurs (Jalila El-Ati, en arabe,
document de fond pour le rapport) :
• Au Yémen, par exemple, l’un des pays
les moins développés, 80 % des habitants vivent à la campagne, et 50 % des
forces actives travaillent dans le secteur agricole. On remarque également
que la pénurie d’eau et la rareté des
terres arables occasionnent la baisse
de la production agricole. La contribution de cette dernière au PIB ne
dépasse pas 15 % et ne peut répondre
aux besoins de la galopante croissance
démographique de ce pays (3,6 % par
an, contre 2,6 dans les autres pays
arabes, en général). Il en résulte, entre
autres problèmes, l’accroissement du
nombre d’individus atteints de carence
nutritionnelle.
• En Jordanie, l’un des pays à revenu
moyen, souffrant de pénurie d’eau et
d’autres, la production agricole représente juste 2 % du PIB et fournit de
l’emploi à 10 % seulement des forces
actives. Par conséquent, le recours à
l’importation des produits alimentaires est primordial pour répondre aux
besoins de la population. Néanmoins,
il faut reconnaître que l’exercice
économique du pays subit les retombées négatives de facteurs externes,
no­tamment ceux de la fluctuation
des prix du pétrole et l’aggravation
des conflits que connaît la région. La
faiblesse économique consécutive aux
effets de ces facteurs a contribué à la
dégradation des moyennes d’approvisionnement individuel en calories, de
2 820 calories/jour durant la période
1990-1992, à 2 670 calories durant la
période 2002-2004. Réduction qui
a aggravé l’expansion de la carence
alimentaire.
• En Arabie saoudite, l’un des pays à
haut revenu, l’agriculture représente
5 % seulement du PIB et n’occupe
que 7 % des forces actives. L’une des
conséquences de cette situation est
le fait que ce pays compte quasi to­ta­
lement sur l’importation des produits
alimentaires étrangers. Par ailleurs,
malgré le développement économique
qu’a connu l’Arabie saoudite grâce à
la récente augmentation des prix du
pétrole, les tentatives d’élimination
de la faim sont restées infructueuses.
En vérité, le nombre de personnes
sous-alimentées s’est accru depuis
la période 1990-1992. Autant de
problèmes qui incitent à remettre en
question les politiques préconisées en
matière de répartition des aliments,
d’équité sociale et d’orientations
démographiques.
• D’un autre côté, en Syrie, l’un des pays
à revenu moyen, 33 % des habitants
travaillent dans le secteur agricole ;
lequel contribue au quart du PNB, et
occupe le tiers du territoire national. En
outre, grâce aux investissements dans
ce secteur et aux efforts récemment
déployés pour son développement,
la Syrie a dépassé le seuil requis pour
s’assurer l’autonomie alimentaire dans
la plupart des plus importants produits
alimentaires. Ainsi ce pays a pu améliorer son activité dans le domaine de
l’exportation des fruits, des légumes,
des légumineuses, des céréales et
de l’huile d’olive. L’essor du secteur
agricole a contribué au renforcement
de la moyenne d’approvisionnement
en énergie alimentaire disponible,
en lui procurant 200 calories supplémentaires par jour, par rapport à la
situation qui prévalait depuis la période
1990-1992. Cette augmentation est
susceptible d’atténuer l’expansion de
la sous-alimentation de 5 à 4 %. Mais
elle ne suffit pas à réduire le nombre
d’individus sous-alimentés qui découle
de la croissance démographique (en
moyenne 3,1 %).
L’analyse conduite jusqu’ici confirme
les résultats auxquels ont abouti la plupart
des études, à savoir que l’effet du développement sur l’atténuation de la gravité de
la faim dépend aussi bien de la nature du
progrès économique en question que de
l’étendue de ce progrès et de la manière de
le réaliser. Il est cependant certain que les
efforts de développement de l’agriculture
sont d’une plus grande efficacité dans l’extirpation de la faim et de la malnutrition
que ceux accomplis dans l’industrialisation des centres urbains.
Dans les pays arabes, les périls de la
dépendance excessive vis-à-vis des marchés internationaux en vue de satisfaire la
demande alimentaire se sont aggravés au
printemps 2008, lorsque les cours des produits alimentaires se sont soudainement
élevés dans le monde entier. En effet, au
milieu de cette année, ces prix ont enregistré une hausse de 40 %, par rapport à ce
qu’ils valaient, à la même saison, l’année
précédente. Presque tous les habitants
des pays arabes ont ressenti cette hausse,
y compris ceux des pays riches du Golfe,
tels que les EAU et l’Arabie saoudite.
La sagesse veut donc que les pays arabes
Faim, alimentation et sécurité humaine
Les efforts de
développement
de l’agriculture
sont d’une plus
grande efficacité
dans l’extirpation
de la faim que ceux
accomplis dans
l’industrialisation
des centres urbains
145
La pauvreté
et l’indigence
constituent
un véritable
cercle vicieux
tentent de tirer profit des ressources aquatiques et des terres disponibles, en vue
d’atteindre l’autosuffisance alimentaire
espérée. Ce sujet sera débattu dans la
dernière partie de ce chapitre.
B. Causes indirectes
La pauvreté et la faim
La pauvreté et l’indigence constituent un
véritable cercle vicieux. En effet, la faim
prolonge la durée de la pauvreté parce
qu’elle réduit la productivité. La pauvreté,
elle, handicape les capacités de production
de l’individu et l’empêche d’acquérir la
nourriture dont il a besoin. Les personnes
indigentes ne sont pas exposées aux seuls
dangers de la faim ou de la pénurie des aliments, mais aussi aux maladies chroniques
liées au mode d’alimentation, aux usages
et mœurs, aux contraintes et pressions de
leurs accablantes conditions de vie. Les
pauvres et les analphabètes ont tendance,
plus que d’autres, à adopter des comportements chargés de risques pour la santé, tels
que la consommation du tabac ou d’aliments gras, frits et prêts-à-consommer, à
haute teneur en calories et peu coûteux
ou à prix modique. Pire, ces personnes
sont privées d’assistance médicale et
Figure 6-11
Association de la pauvreté et de la faim
%
70
60
50
40
30
20
10
Arabie
Saoudite
Koweït
EAU
Yémen
Égypte
Syrie
Jordanie
Liban
Maroc
Algérie
Tunisie
Soudan
Mauritanie
0
Revenu inférieur à 1 USD par jour 1990-2005
Indice de la pauvreté humaine
Seuil de pauvreté national 1990-2004
% Faim 2004
Revenu de moins de 2 USD par jour 1990 à 2005
Source : PNUD 2007.
Note : Les moyennes générales du Produit national et de la pauvreté relatives aux seuils
internationaux citées dans cette discussion sont basées sur la parité du pouvoir d’achat
(PPA), conformément au Programme de comparaison international concernant la période
1993-1996 ICP. Par comparaison, la PPA des taux de pauvreté présentés dans le chapitre 5
se rapportent à l’année 2005.
146
Rapport arabe sur le développement humain 2009
dépourvues de conscience sanitaire. Elles
sont exposées ainsi, à cause de la privation,
au surmenage social à la fois physique et
psychique. La révision des 144 études sur
l’obésité dans les pays développés montre
qu’il existe une relation inversement pro­
por­t ion­nel­le entre l’obésité et la condition
socio-économique. La même étude fait
remarquer que les indigents sont souvent
obligés de prendre des repas rapides et
n’ont point conscience de l’importance
que peut revêtir un régime alimentaire
salubre et hygiénique9. Ceci indique que le
taux d’obésité et ses effets dangereux sur
la santé augmenteront dans les pays où la
malnutrition s’intensifie en synergie avec
le développement urbain. La lutte contre
ce double fardeau que représentent la faim
chronique et la propagation des maladies
non contagieuses nécessite l’instauration
de politiques alimentaires spéciales centrées sur les catégories vulnérables parmi
les pauvres des zones rurales et urbaines.
Cependant, l’indigence n’est pas
nécessairement liée à l’insuffisance nutritionnelle. Certes, les produits alimentaires
que les milieux indigents tendent à
consommer sont bon marché, mais ils sont
nutritifs et facilement accessibles. Les statistiques disponibles nous apprennent que
les deux indices d’indigence et de sousnutrition, ne coïncident pas. En effet, le
nombre de sous-alimentés peut dépasser
le nombre des pauvres, dans certains cas
où l’incapacité de se procurer la nourriture
n’est pas due à la faiblesse des revenus. La
crise alimentaire peut être due à d’autres
facteurs, tels que les obstacles opposés au
déplacement ou les troubles politiques. Il
se peut même que le nombre d’individus
souffrant de déficience alimentaire soit
inférieur à celui des indigents. C’est le
cas des régions où sont adoptées des politiques d’approvisionnement alimentaire
en faveur des pauvres, ou bien lorsque
l’alimentation dominante est composée
d’aliments peu coûteux mais satisfaisant,
quand même, les besoins de l’organisme
en énergie.
L’observation de la propagation de la
pauvreté et sa liaison avec la propagation
de la faim et la sous-nutrition dans les
pays arabes au sujet desquels on dispose
de rapports (figure 6-11), montre que les
plus sévères moyennes de pauvreté (soit
le nombre d’individus vivant avec moins
d’un USD par jour) et de privation d’un
ou de plusieurs services fondamentaux
sont concentrées dans les pays où le taux
de propagation de la sous-nutrition est
élevé, c’est-à-dire dans les pays à bas
revenu, à savoir le Soudan, la Mauritanie
et le Yémen.
Plus de 60 % des habitants de la
Mauritanie, plus de 45 % des habitants du
Yémen et plus de 40 % des habitants de
l’Égypte vivent avec moins de 2 USD par
jour. On peut être tenté d’établir une comparaison. En Égypte, la part de l’individu
en PNB (calculé sur la base de la valeur
du pouvoir d’achat) équivaut presque à
son homologue au Maroc (respectivement
4 337 USD et 4 555 USD, en 2005) et
pourtant le niveau de pauvreté (calculé
sur la base du pourcentage des habitants
vivant avec moins d’un USD par jour) et
le niveau atteint par la faim en Égypte
sont nettement inférieurs (respectivement
20 % et 4 %) à ceux du Maroc (res­pec­t i­
vement 34 % et 6 %). Ceci s’explique par
le fait qu’en Égypte les types d’alimentation et les programmes gouvernementaux
pour le renforcement de l’alimentation ont
contribué à la limitation de la propagation
de la sous-alimentation.
Comme le montre la figure 6-11, dans
les pays arabes, d’après les rapports disponibles, le nombre de pauvres est supérieur
au nombre de personnes sous-alimentées.
En effet, en Algérie, en Arabie saoudite, en
Égypte, en Jordanie, au Koweït, au Liban,
au Maroc, en Mauritanie, au Soudan et en
Syrie, le taux d’individus vivant avec moins
de 2 USD par jour dépasse le taux d’affamés. Tandis qu’au Yémen, les moyennes
de pauvreté et de faim s’équivalent. Par
ailleurs, les statistiques de la Banque mondiale confirment qu’en Tunisie, aussi bien
qu’ailleurs au Maghreb et au Mashreq, la
propagation de l’indigence, en général,
est supérieure à celle de la sous-nutrition.
Cependant, on observe qu’en Algérie, en
Jordanie et au Maroc, le pourcentage des
affamés est supérieur à celui des individus
vivant dans le dénuement total, c’est-àdire avec moins d’un USD par jour.
D’autres comparaisons instructives
peuvent être établies dans cette perspective. Ainsi la part de l’individu en PIB
est à peu près la même, en Jordanie et au
Liban (respectivement avec : 5 530 USD et
5 584 USD). Dans ces deux pays, le taux
de propagation de la pauvreté et de la faim
est également presque le même. D’autre
part, l’Arabie saoudite, l’un des pays à haut
revenu, n’est pas pour autant en meilleur
état que la Syrie, pays à revenu moyen, en
ce qui concerne le taux de propagation de
la faim (4 % du nombre total d’habitants
dans les deux pays, d’après les rapports
de la Banque mondiale)10. Ceci démontre, encore une fois, que la disponibilité
des ressources, à elle seule, ne suffit ni à
réaliser le développement de la société,
ni à assurer une évolution économique
permanente. Il est dans le pouvoir de tout
État, dût-il ne disposer que de ressources
relativement limitées, de relever le défi
de réduire la faim et la pauvreté. Ce défi
requiert l’établissement de politiques de
développement étudiées, bien planifiées
et globalisantes de par leur contenu.
Il exige également l’instauration de
ré­formes structurelles tant économiques
que financières, susceptibles de garantir le
développement équitable de tous les secteurs sociaux et un traitement particulier
des conditions de vie des couches sociales
les plus démunies.
L’occupation, les conflits civils et la faim
En dépit de l’indisponibilité de rapports
crédibles et actualisés sur les pays arabes
souffrant de l’occupation et de conflits
civils (ce qui empêche de les comparer aux
autres pays arabes), les données avancées
par le PAM donnent une idée générale de
l’ampleur du problème (voir la figure 6-1).
Les pays vivant ces conditions particulières voient se dégrader leurs situations
alimentaires, et ce pour diverses raisons
dont la plus importante est peut-être la
perturbation du mode de vie quotidien,
en vertu duquel les gens se sont habitués
à un rythme de déplacement et à un style
d’achat journalier des produits élémentaires. Ces troubles entraînent également
la perte de la sécurité personnelle. Cette
insécurité comporte nombre de périls
pour ceux qui vivent dans les régions
concernées par les conflits. En effet, ces
perturbations peuvent causer la mort de
milliers de cultivateurs et d’autres gens
employés dans le cycle de la production,
du transport, et de la distribution des
denrées alimentaires. De surcroît, ces
pays pratiquent le recrutement de milliers
de leurs citoyens pour l’armée, au lieu
de les employer dans les secteurs de la
production agro-alimentaire. On y assiste
Faim, alimentation et sécurité humaine
Il est dans le
pouvoir de tout
État de relever le
défi de réduire la
faim et la pauvreté
147
aussi à la fuite massive de producteurs et
de distributeurs d’aliments vers des zones
moins dangereuses et plus sécurisées.
À ceci s’ajoute le fait que ces émigrés ne
sont guère à l’abri d’extrêmes difficultés,
puisque trahis par les circonstances, ils ne
trouvent généralement point de ressources
leur permettant de vivre dans la dignité.
Par ailleurs, l’effet de ces perturbations
empire, quand les conflits armés provoquent la destruction des routes, des
systèmes d’irrigation, des réseaux d’électricité et d’autres services infrastructurels,
l’arrêt de la production et de la distribution des aliments, l’incapacité de faire
face aux catastrophes naturelles, telles
que les inondations et la sécheresse. Dans
ces conditions extrêmes, la pénurie des
aliments ne conduit pas seulement à leur
cherté, mais aussi à la déstabilisation des
opérations de transport qui dégénèrent
en entreprises périlleuses guettées par les
milices et les bandes de malfaiteurs.
Dans ces conditions, il n’est nullement
étonnant que ces crises transforment les
pays concernés en foyers de catastrophes
humaines dont les répercussions s’étendent
aux pays voisins et suscitent l’inquiétude
Tableau 6-1
des milieux internationaux, et nécessitent
ainsi l’intervention des forces étrangères,
vu le grand nombre de victimes de la
misère et de la faim. Le tableau suivant
montre comment ces crises ont entravé
la capacité des habitants de ces régions
de se procurer les produits alimentaires
nécessaires.
La FAO a arrêté une liste faisant état
des 36 pays les plus exposés aux dangers
consécutifs à la hausse des cours des
denrées alimentaires sur les marchés
internationaux, et qui ont, par conséquent, besoin de l’aide étrangère. Cette
liste comprend 4 pays arabes dont 3 vivent
sous l’occupation étrangère ou bien la
guerre civile ou encore les deux à la fois.
Au bilan final statuant sur l’opération production/approvisionnement alimentaire,
la Somalie et l’Irak ont été qualifiés de
pays souffrant d’insuffisance exceptionnelle. La Mauritanie, quant à elle, fait face
à une grave incapacité dans l’acquisition
de la nourriture. Le Soudan, enfin, a été
considéré comme un pays dont certaines
régions souffrent de déséquilibre aigu en
matière de sécurité alimentaire11.
Aide alimentaire aux zones de conflit dans les pays arabes, 2000-2008
Pays
Population touchée par les
pénuries alimentaires
Bénéficiaires de l’aide alimentaire du PAM
Autres effets de la crise
Somalie
Le nombre de personnes ayant
besoin d’aide alimentaire fut
estimé, début décembre 2008,
à près de 3,5 millions, soit la
moitié de la population.
Le nombre de bénéficiaires du Programme
alimentaire international est passé de
700 000, en août 2006, à 1,4 million, en
mai 2008.
En janvier 2008, les taux de malnutrition aiguë
dans les régions du Puntland Shabelle, Hiran et
du centre et du sud Nugal étaient supérieurs au
seuil d’urgence de 15 %.
Irak
En 2005, 39 % des ménages
ont été confrontés à des
problèmes alimentaires en Irak
En 2005, plus de 4 millions de personnes
(soit 15 % de la population) souffraient
d’insécurité alimentaire même s’ils
recevaient des repas distribués. Si la
distribution de ces repas en vient à
disparaître, 8,3 millions de personnes
(soit 31,8 % de la population) vivront dans
l’insécurité alimentaire totale.
En 2005, la prévalence de la malnutrition aiguë
chez les enfants dans six gouvernorats (Wassit,
Salah al-Din, Najaf, Qadissia, Muthana et Thiqar)
a été supérieure à 10 % soit le degré qualifié de
« dangereux ». À Qadissia, elle a atteint le seuil
« critique » de 17 %.
Soudan
En 2005, 53,8 % des familles
déplacées à l’intérieur du
Darfour souffraient d’insécurité
alimentaire.
En 2005, le nombre de bénéficiaires d’aides
alimentaires au Grand Darfour a atteint
1 936 554 personnes.
En septembre 2004, 25,7 % des enfants âgés
de 6 à 59 mois souffraient de graves taux de
malnutrition aiguë.
TPO
En 2008, 53 % de la population
de la bande de Gaza et 21 %
de celle de la Cisjordanie ont
été confrontés à l’insécurité
alimentaire
Entre mars et mai 2008, 39,33 % de foyers
ont bénéficié d’aides alimentaires
En 2005, il s’est avéré que 9,9 % des enfants
âgés de moins de 5 ans étaient atteints
d’atrophie, et que ce taux était en accroissement,
comparé aux données de 1996 et 2000.
Source : PAM 2008 (voir les références statistiques).
148
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Politiques économiques
et mondialisation
La possibilité d’obtention de la nourriture
subit, dans une large mesure, l’impact
des politiques économiques préconisées
par les gouvernements et de leur degré
d’ouverture sur les marchés internationaux. L’une de ces politiques consiste à
subventionner les marchandises afin d’en
atténuer le coût pour le consommateur.
Mais il est une autre politique qui consiste
à annuler cette aide et cette subvention. La
plupart des pays arabes ont pratiqué cette
politique d’aide subventionnelle en tant
Encadré 6-4
qu’élément de base du pacte social qui est
fondé sur le principe stipulant que l’État
doit veiller à la satisfaction des besoins
essentiels des citoyens en échange de leur
allégeance. Dans les années 1960 et 1970,
cette espèce de contrat social était l’un
des traits fondamentaux caractéristiques
des régimes gouvernementaux de certains
pays arabes où les programmes de développement étaient fondés sur le modèle
socialiste. Cette politique était, de même,
la méthode suivie par les gouvernements
de certains pays arabes exportateurs de
pétrole, afin de sauvegarder le régime dirigeant. C’est probablement la raison qui
L’obtention de la
nourriture subit
dans une large
mesure, l’impact
des politiques
économiques
et de leur degré
d’ouverture sur
les marchés
internationaux
Deux initiatives pour la réduction de la pauvreté – Le Brésil et le Mexique
L’expérience du Brésil pour le soutien des pauvres,
à l’époque du président Lula da Sylva
Programme mexicain pour réduire la pauvreté
et la sous-nutrition
Le président du Brésil, Luis Iñacio Lula Da Sylva, a réussi
à réduire les inégalités socio-économiques au profit des
classes sociales déshéritées. Problème qu’aucun autre gouvernement de ceux qui l’ont précédé, qu’il soit démocratique
ou dictatorial, n’a pu résoudre. En effet, en janvier 2003,
le gouvernement de Lula a commencé l’exécution du programme baptisé « Programa Fome Zero » – ou de la faim
zéro, dans le but d’accélérer l’amélioration de la sécurité
alimentaire au profit d’environ 44 millions d’individus. Il se
base sur un ensemble de mesures visant à assurer la sécurité alimentaire aux brésiliens et d’améliorer leurs revenus,
par l’augmentation des approvisionnements alimentaires
fondamentaux, le renforcement de la capacité d’accéder aux
aliments et l’organisation d’interventions orientées. Autant
de mesures qui doivent aboutir à une atténuation rapide de
la faim.
En octobre 2003, a commencé l’exécution de l’un des
éléments du Programme d’éradication de la faim, à savoir le
« Bolsa Familia Programa » qui vise, en même temps et directement le traitement de la déficience de l’enseignement et
de l’éducation scolaire. Ce programme apporte aux familles
pauvres un soutien financier soumis à des conditions,
dont entre autres, le respect de la discipline scolaire et la
fréquentation des centres hospitaliers officiels. En 2006, le
gouvernement a pu faire parvenir ses services aux familles
méritantes dont l’ensemble est estimé à 11,2 millions. Le
Brésil a pu diminuer le taux de propagation de la pauvreté
de 12 % en 1990-1992 à 7 % en 2002-2004, ainsi que le
nombre d’affamés, de 18,5 millions à 12,8 millions pendant
la même période. Au mois de juillet 2007, ce programme
social fut soutenu par une dotation de 2,6 milliards d’euros
pour l’amélioration des conditions de vie des pauvres, en
équipant d’installations sanitaires les rues et les quartiers
populaires des banlieues.
Le Programme « Oportunidades » ou « Opportunités », lancé
en 1997, accorde des montants d’argent aux familles indigentes à condition qu’elles fournissent la preuve que leurs
enfants vont à l’école de façon régulière et que les membres
de la famille fréquentent périodiquement les cliniques médicales. Ce programme gouvernemental entend améliorer, à
moyen terme, la santé de la cellule familiale et l’éducation
de ses membres et, à long terme, l’assistance de ces familles
pour qu’elles puissent dépasser le seuil de pauvreté, grâce à
l’instruction susceptible de leur procurer des offres d’emploi
et des chances d’amélioration de leurs revenus.
Ce programme couvre les familles nécessiteuses qui ne
peuvent satisfaire leurs besoins élémentaires en alimentation, en santé et en éducation. Cinq millions de familles (soit
25 millions d’individus) sont concernées par ce programme
appelé à satisfaire les besoins déterminés par voie de versement de sommes d’argent directement aux mères, afin de
renforcer leur autonomie, d’une part, et de s’assurer de la
bonne utilisation de cet argent au profit des enfants, à savoir
pourvoir aux frais de scolarité, à l’achat des fournitures
scolaires, à l’alimentation, et à la fréquentation périodique
régulière des centres hospitaliers, par tous les membres de
la famille. Dans le domaine de l’enseignement, les bourses
d’études pour le cycle secondaire inférieur et supérieur
(respectivement du 7e au 9e grade et du 10e au 12e grade)
accordées aux filles sont supérieures à celles accordées
aux garçons, afin de réduire l’écart entre les deux sexes à
l’institution scolaire. Quant à la femme enceinte, qui assiste
régulièrement aux conférences mensuelles d’instructions aux
mères et respecte un régime exigeant 5 examens médicaux
avant l’accouchement et 2 examens dentaires et insistant sur
la nécessité d’en prendre soin, bénéficie de la gratuité des
traitements, et l’attribution des dépenses de l’accouchement
et des soins postnataux de 3 mois et reçoit également des
compléments nutritionnels, pour elle et pour son nourrisson.
Source : Kenneth 2002.
Source : Braine 2006 et Villatoro Saavedra 2007.
Faim, alimentation et sécurité humaine
149
Les pays arabes
ont dû supporter
la flambée des
prix des denrées
alimentaires
150
explique la baisse du nombre d’individus
sous-alimentés à un niveau inférieur au
nombre de nécessiteux vivant avec moins
de 2 USD par jour. Or, à partir de la fin
des années 1970, certains gouvernements
de pays arabes ont tenté pour la première
fois d’appliquer les recommandations du
FMI et projeté d’abandonner ce qu’il a été
convenu alors d’appeler le « fardeau des
subventions ». Cependant, ils n’ont pas
tardé à comprendre­l’ampleur des difficultés de cette mesure, lorsque les tentatives
de suppression du soutien en question ont
provoqué l’éclatement d’actes de sédition
et de troubles sociaux de grande envergure, en Tunisie, en Égypte, au Maroc et
même en Algérie, qui est pourtant l’un des
pays exportateurs de pétrole.
En dépit de ces problèmes, la plupart
des pays arabes ont tenu, depuis les années
1980, à libéraliser l’économie. Il ne s’agit
pas pour nous ici de juger ces politiques ;
mais on ne peut pas nier le fait qu’elles ont
exposé les prix des produits alimentaires
aux fluctuations des cours internationaux.
En effet, depuis 2006, les pays importateurs de produits alimentaires, à savoir
la majorité des États de la région, ont dû
supporter la flambée des prix des denrées
alimentaires qui s’est déclarée dans les
marchés mondiaux. La FAO et la Banque
mondiale attribuent la cause de la progression rapide des cours à plusieurs facteurs
dont on peut citer les changements climatiques ayant marqué la production des pays
exportateurs de céréales, l’épuisement de
la réserve de céréales, l’accélération de la
consommation de la viande et des produits
laitiers dans les économies émergentes,
no­tamment en Chine. Cependant, entre
autres causes principales, on trouve l’accroissement, aux États-Unis et en Europe,
de la demande en carburant biologique
dérivé des cé­réales, énergie à laquelle on
recourt de plus en plus vu la hausse du
prix du pétrole et du coût du transport.
Tous ces problèmes se sont ajoutés à la
prolifération de la spéculation sur les
céréales dans les bourses mondiales ; ce qui
s’est traduit par une forte augmentation de
200 % du prix du blé. Augmentation qui
s’est produite parallèlement à la hausse des
cours des denrées alimentaires en général.
Cette hausse a atteint 75 %, depuis le
début du xxe siècle12. De ce déchaînement
des cours a résulté l’aggravation de la crise
alimentaire dans plusieurs pays arabes,
Rapport arabe sur le développement humain 2009
étant donné que les gouvernements de
ces pays ont mal géré les programmes de
soutien à l’alimentation.
En vérité, rien n’oblige de s’engager à
appliquer de façon radicale ces politiques,
sachant bien qu’elles conduisent à la propagation de la faim et de la sous-nutrition.
D’ailleurs, l’expérience de certains États
latino-américains, notamment le Brésil
et le Mexique, prouve qu’il est tout à
fait possible de pratiquer des politiques
économiques libérales, tout en assurant le
minimum d’alimentation vitale, au profit
des indigents.
Effets de la sous-nutrition
sur la sécurité humaine
dans les pays arabes
La faim détruit radicalement la sécurité
humaine. Elle nuit à la santé, à la productivité et aux relations avec autrui. Elle
constitue également une menace pour la
durée de vie même établie à partir de la
naissance. Quant aux bousculades lors
des opérations de distribution du pain,
elles dégénèrent en violentes attaques ou
en actes de sédition. Certains pays arabes
ont en effet connu de pareils troubles, ces
dernières années.
Sur le plan individuel, la faim, aiguë
ou chronique, peut être la cause directe
de mort ou de maladie incurable. Les
estimations indiquent que près de 25 000
personnes (adultes et enfants) meurent
quotidiennement de faim ou de maux en
rapport avec elle, dans différentes régions
du monde13. En dépit du manque de
rapports sur les pays arabes à cet égard,
l’accélération de la hausse des prix des
céréales, à la moyenne de 200 %, depuis
2001, a aggravé la difficulté de se procurer du pain, dans plusieurs pays arabes,
y compris les pays pétroliers, comme les
Émirats et l’Arabie saoudite. À partir du
mois d’octobre 2007, l’Égypte, le Maroc
et la Mauritanie ont vécu l’éclatement
de mouvements de protestation collectifs
contre les interruptions de l’approvisionnement en pain et contre la cherté de
cette denrée. Les Syriens, les Libanais et
les Yéménites ont dû, eux aussi, affronter
de grandes difficultés pour acquérir cette
denrée, aliment de base chez les Arabes.
Enfin, au début de 2008 en Égypte, les
disputes devant les boulangeries ont coûté
la vie à quelques personnes et causé des
blessures de nombreuses autres.
Il est possible que les protestations
en rapport avec les crises alimentaires
s’étendent au-delà des frontières des pays
atteints et provoquent des tensions entre
des États voisins ou des entités politiques.
Les tentatives de forcer les frontières égyptiennes commises par les Palestiniens de
Gaza pour échapper à l’embargo imposé
par Israël, au mois de janvier 2008, en sont
un exemple remarquable. Les habitants
de cette partie du Territoire palestinien
occupé, violemment affamés, ont arraché une partie des barrières dressées sur
les frontières entre Gaza et l’Égypte et
Tableau 6-2
Pays
déferlé par centaines de milliers à Sinaï, à
la recherche de vivres et de médicaments.
Cet assaut massif a irrité les autorités
égyptiennes et n’a cessé qu’après la restauration des barrières par l’armée.
Les enfants et les femmes représentent
les catégories sociales les plus touchées par
la sous-nutrition et la faim. Le nombre­
d’enfants de poids insuffisant à moins de
5 ans ou souffrant d’atrophie musculaire
a atteint le taux de 14,6 % en 2000 et
22,2 % en 2005. Tandis que le taux d’enfants de poids insuffisant à la naissance a
atteint 12 % en 2000-200614.
Il est intéressant de remarquer que le
taux d’enfants de poids insuffisant diffère
Il est possible que
les protestations
en rapport avec les
crises alimentaires
s’étendent au-delà
des frontières des
pays atteints
Effets de la faim sur les enfants – Les pays arabes par rapport
aux autres régions et groupes de pays
Prévalence
de la sous-alimentation
(% de la population)
Prévalence de
cas des enfants
de moins de 5
dont le poids
est inférieur à la
moyenne
Prévalence
des enfants de
moins de 5
avec un retard
de croissance
Prévalence
de cas de poids
insuffisant
à la naissance
1990-1992
2002-2004
2000-2006
2000-2006
2000-2006
Algérie
5
4
10,2
21,6
6
Égypte
4
4
5,4
23,8
14
Jordanie
4
6
3,6
12
12
Koweït
24
5
.. .. .. Liban
2,5
3
3,9*
11*
6
Libye
2,5
2,5
..
..
.. Mauritanie
15
10
30,4
39,4
.. Maroc
6
6
9,9
23,1
15
Arabie saoudite
4
4
..
.. ..
Somalie
..
.. 33*
23,3*
11
Oman
.. .. ..
.. 8
Soudan
31
26
38,4
47,6
..
Syrie
5
4
6,9*
18,8*
9
2,5
2,5
4*
12,3*
7
4
3
..
.. 16
4,9*
9,9*
7
Yémen
34
38
45,6*
53,1*
.. Afrique du Nord
et Moyen-Orient
6
7
14,6*
22,2*
12
Pays à revenu
moyen-inférieur
16
11
10,7
24,8
7
Asie de l’Est
et Pacifique
17
12
12,9
26,2
6
Pays
développés
3
3
.. .. .. Tunisie
EAU
TPO
Les enfants et
les femmes
représentent les
catégories sociales
les plus touchées
par la sousnutrition et la faim
Source : Banque mondiale 2007.
* Les données se réfèrent à la période 2000-2005 (dernière année disponible).
.. Données non disponibles.
Faim, alimentation et sécurité humaine
151
Le nombre
d’enfants
arabes au poids
insuffisant à la
naissance est le
double de celui du
Sud-Est asiatique,
du Pacifique
et des pays
La faim et la
malnutrition
agissent
négativement
sur les résultats
scolaires
152
d’un pays à un autre. Ainsi, au Yémen, il
s’est élevé jusqu’à 45,6 % en 2003, alors
qu’au Liban il a atteint 3,3 % en 2002.
Comme l’explicite le tableau 6-2,
en dépit des réalisations des pays arabes
en matière de lutte contre la sous-nutrition, les enfants comptent encore, à des
degrés différents, parmi les affamés et les
nécessiteux vivant avec moins de 2 USD
par jour. Certains pays arabes continuent
à enregistrer des moyennes élevées en
nombres d’enfants de moins de 5 ans
au poids anormalement bas ou atteints
d’hypotrophie, et ce comparativement à la
situation des enfants de la même tranche
d’âge vivant dans des conditions normales.
Le plus haut taux d’expansion de ces deux
pathologies infantiles dues à la faim a été
enregistré dans les pays à forte concentration d’indigents, comme la Mauritanie, le
Soudan et le Yémen. À l’autre extrémité
de cette échelle évaluative, figurent l’Algérie, la Jordanie et le Liban, avec le taux
le plus bas d’enfants souffrant des mêmes
pathologies. Quant à l’obésité infantile,
elle a atteint des proportions quelque peu
inquiétantes dans certains pays arabes,
comme notamment l’Algérie, l’Égypte, et
le Maroc, où elle atteint des taux se situant
entre 13 % et 15 % des enfants âgés de
moins de 5 ans. Bien que la malnutrition
ne soit pas l’unique cause de cette anomalie, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle
interfère avec les conditions de pauvreté
qui augmentent les risques de contracter
des maladies, telles que la dysenterie et les
maladies contagieuses.
Mais ce qui est alarmant c’est que malgré l’infériorité des taux de sous-nutrition
dans les pays arabes, comparativement aux
taux enregistrés dans les autres pays en
développement, les proportions d’enfants
concernés y atteignent les degrés les plus
élevés. En effet, à titre d’exemple, le taux
d’enfants arabes sous-alimentés dépasse
celui enregistré dans les pays du Sud-Est
asiatique et ceux du Pacifique, et ce malgré
la propagation de ce type d’insuffisance
dans ces derniers. Qui plus est, le nombre
d’enfants arabes de poids insuffisant à la
naissance est le double de celui du Sud-Est
asiatique, du Pacifique et des pays à bas
revenu.
La faim et la malnutrition agissent
négativement sur les résultats scolaires.
Les enfants affamés s’inscrivent à l’école
tardivement, s’ils le font, et la quittent
Rapport arabe sur le développement humain 2009
prématurément. Et même s’ils continuent
à fréquenter l’école régulièrement, leur
rendement demeure inférieur à celui des
enfants bien nourris. Il est rare que les
familles pauvres et pâtissant d’insécurité alimentaire parviennent à assurer
l’instruction à leurs garçons et filles. Ces
derniers sont alors affectés à des travaux
ménagers ou bien employés pour procurer
un revenu supplémentaire, ou un soutien
aux leurs. Le décrochage scolaire est le
plus répandu parmi les filles, tant que leur
éducation n’est pas jugée prioritaire.
Réflexions sur la sécurité alimentaire
dans les pays arabes15
Depuis 1974, la sécurité alimentaire
représente un souci national primordial,
à l’échelle planétaire. En effet, c’est l’année de la crise alimentaire mondiale qui
a incité les pays à considérer la sécurité
alimentaire comme l’une des composantes
constitutives de la sécurité nationale.
Beaucoup se sont rendu compte que la
condition sine qua non pour la réalisation
de la sécurité alimentaire réside dans l’autarcie, surtout en matière de ressources
céréalières. Les pays arabes n’ont pas tardé
à adopter cette position, et de nombreux
pays en voie de développement importateurs d’aliments ont réussi à réaliser ce
type d’autonomie, en exécutant le programme de « la Révolution verte » créateur
de cultures hybrides dont les semences
ont été développées par des centres de
recherche internationaux.
Ceux qui, des pays arabes importateurs
d’aliments,
disposent
des
ressources nécessaires ont adopté des
politiques d’autosuffisance en matière de
céréales et plus particulièrement en blé.
La Syrie est l’un des pays ayant atteint cet
objectif. Quant à l’Arabie saoudite, non
seulement elle a pu parvenir à cette même
fin, mais elle a en plus réalisé un excédent
sur la demande du marché, bien que cette
surproduction ait été réalisée aux dépens
des nappes phréatiques essentiellement
avares.
En dépit des conjonctures locales,
régionales et internationales, l’autonomie
alimentaire demeure le but idéal des politiques agricoles pour la plupart des pays
arabes. Cependant, malgré leur importance en tant qu’expression du désir de
Figure 6-12
Déclin de la valeur ajoutée de l’agriculture dans la
production économique, 12 pays arabes, 1990 et 2005
% du PIB
35
30
25
20
15
10
5
1990, Agriculture,
valeur ajoutée
Monde
Oman
EAU
Jordanie
Arabie saoudite
Djibouti
Algérie
Tunisie
Yémen
Maroc
Égypte
Syrie
0
Mauritanie
sauvegarde de la souveraineté nationale,
ces politiques contredisent le principe
de bonne gestion économique qui veut
que le coût des opérations d’investissement n’excède pas le profit escompté, au
risque­ d’affaiblir le pouvoir économique.
Les politiques préconisant l’autonomie
étaient pratiquées en tant que stratégies
d’autoprotection contre la déficience des
approvisionnements alimentaires pouvant
résulter soit du boycottage économique,
soit de la décroissance de la production
mondiale ou bien encore d’autres causes.
Sans doute ces dangers ne sont-ils plus
réellement menaçants, vu les opérations
d’intégration économique et commerciale
effectuées à l’échelle internationale. Il
n’est plus pratiquement possible, non plus,
pour n’importe quel pays, d’assurer une
autosuffisance permanente, vu les changements environnementaux qui tendent
actuellement à conditionner l’opération
de production.
À supposer qu’un pays puisse réaliser
l’idéal d’une autonomie alimentaire totale,
certaines couches sociales continueraient,
tout de même, à souffrir de faim et de
sous-alimentation. Ce constat a conduit à
l’abandon du concept d’autarcie au profit
de celui d’autonomie de chaque individu
en denrées essentielles. Désormais, sur
cette base, la notion d’autonomie en
matière d’alimentation repose sur quatre
fondements :
1) La disponibilité des aliments : assurer
un approvisionnement alimentaire suffisant, que les aliments servant à cette
fin soient produits localement ou proviennent des marchés internationaux.
2) La stabilité alimentaire : assurer un
approvisionnement alimentaire stable,
tout au long de l’année et lors du passage d’une saison à l’autre.
3) l’accessibilité de la nourriture : s’assurer que l’alimentation est disponible à
la portée de tous les revenus.
4) La salubrité de la nourriture.
Ces quatre fondements, pris ensemble,
signifient l’habilitation de tous les habitants
d’un pays donné, sans crainte de privation,
à se procurer les produits alimentaires de
base à longueur d’année, que ces produits
soient importés ou de provenance locale.
Partant, le concept de sécurité alimentaire
se résume dans la notion de compter sur
soi-même. Ceci signifie d’une part qu’il
est du devoir des gouvernements de veiller
2005 Agriculture,
valeur ajoutée
Source : Banque mondiale 2008.
à doter les gens des vivres de base tirés des
rendements locaux complétés par les produits importés de l’étranger. Ceci nécessite
d’autre part, que les devises requises pour
l’importation des produits alimentaires
proviennent de sources indépendantes
dont la plus importante sera constituée
des revenus résultant de l’exportation des
marchandises et des services.
Cependant les pays arabes peuvent-ils
assurer la production des denrées alimentaires dont leurs populations ont besoin ?
N’y aurait-il pas des limites contrai­
gnantes qui pourraient les en empêcher ?
Si oui, quelles sont ces limites ? Sont-elles
naturelles, financières, administratives ou
humaines ? En d’autres termes, les pays
arabes pourraient-ils réaliser l’autonomie
alimentaire totale ?
Il est sûr que l’ensemble de la région
arabe ne manque pas de ressources
financières. En effet, les bénéfices tirés
de l’exportation du pétrole, notamment
depuis 2002, sont plus que suffisants pour
satisfaire tous les besoins de la région en
matière de développement et non seu­
lement dans le domaine de l’agriculture.
L’essentiel à cet égard est de définir les
modalités d’actionnement des ressources
en question afin de couvrir les lacunes
occasionnées par la déficience de fi­nan­
cement dans des domaines renfermant des
potentialités naturelles de dé­ve­lop­pement.
Il est clair que la principale solution,
Faim, alimentation et sécurité humaine
Il n’est plus
pratiquement
possible, pour
n’importe quel
pays, d’assurer
une autosuffisance
permanente, vu
les changements
environnementaux
qui tendent
actuellement
à conditionner
l’opération de
production
Le concept
de sécurité
alimentaire se
résume dans la
notion de compter
sur soi-même
153
Encadré 6-5
L’eau virtuelle et le commerce des aliments
Le concept de l’eau virtuelle est digne d’intérêt, en raison de son rapport
avec l’analyse des flux commerciaux et la pénurie d’eau. En effet, la
production des marchandises et des services requiert généralement la
disponibilité de l’eau. On appelle l’eau utilisée dans la préparation des
productions agricoles et industrielles une « eau virtuelle » comprise dans
le produit. Par exemple, si nous voulons produire 1 kg de blé, nous aurons
besoin de 1 à 2 m3 d’eau. Quant aux productions du capital animal, elles
ont besoin de plus grandes quantités. En effet, la production d’un seul
kilogramme de fromage demande environ 5 m3 d’eau. De même la production d’un seul kilogramme de viande demande environ 16 m3 d’eau.
Ce concept suggère que dans un monde où règnent sécurité, entraide,
coopération et prospérité, dans les limites du raisonnable, un pays ayant
des ressources alimentaires limitées peut compter sur l’importation des
produits agricoles contenant en eux-mêmes de grandes quantités d’eau
assimilée (comme les viandes, par exemple). Ainsi il pourra réserver
ses propres ressources aquatiques à la production d’autres denrées de
moindre contenance en eau (voir le tableau). Inversement, il est possible
à un pays jouissant d’abondantes ressources aquatiques de tirer profit de
l’exportation des produits à haute contenance en eau.
Quantité d’eau virtuelle contenue dans
des produits choisis, 2003
Produit
Litre d’eau
par kg
Blé
1 150
Riz
2 656
Maïs
450
Pommes de terre
160
Soja
2 300
Bœuf
15 977
Porc
5 906
Volaille
2 828
Œufs
4 657
Lait
865
Fromages
5 288
Source : UNESCO 2006.
L’analyse du commerce des aliments montre que la plupart des échanges
commerciaux s’opèrent, à vrai dire, entre pays jouissant de la manne des
eaux abondantes, ce qui signifie que ce sont des facteurs autres que
l’eau qui gouvernent le commerce international des aliments. Toutefois
un nombre croissant de pays désertiques devant faire face à la pénurie
d’eau (entre autres l’Égypte et la Tunisie) ont commencé à adopter de
façon continue des politiques visant à augmenter leurs importations en
denrées principales, et exploitent leurs eaux dans des emplois productifs
plus profitables du point de vue financier. Ces politiques s’accompagnent
habituellement de conventions commerciales de longue durée entre pays
importateurs et pays exportateurs ; lesquelles conventions tendent à
préparer la consolidation de la stabilité dans les relations internationales.
Source : UNESCO 2006.
154
Rapport arabe sur le développement humain 2009
en l’occurrence, réside dans le dé­ve­lop­
pement d’un climat d’investissement dans
les domaines prometteurs en question.
Par ailleurs, la région arabe ne manque
pas de ressources humaines et de forces
de travail. Bien mieux, ces ressources
suffiraient amplement à la réalisation de
la quasi-totalité des projets de dé­ve­lop­
pement, si elles n’étaient pas assujetties
aux multiples formes d’un chômage manifeste ou déguisé.
La surface totale de la région arabe est
de 14 millions de km2, soit 10 % des terres
fermes de la planète. Les estimations de
2004 indiquent que cette région comprend 69,6 millions d’hectares de terres
cultivables, dont 18,5 millions d’hectares
en friche. Ces mêmes estimations indiquent également que la part individuelle
est de 0,23 ha. Par ailleurs, compte tenu
de sa superficie globale, cette région se
caractérise par un très faible taux de terres
exploitables. Étant de 35 % seulement, ce
taux est le plus faible du monde. En outre,
la désertification et la dégradation de la
productivité des terres agricoles comptent
parmi les plus grandes menaces défiant la
production agricole. Enfin, la contribution
de l’agriculture à l’exercice économique
est en décroissance.
D’autre part, la région arabe possède
d’énormes quantités de bétail et de poissons. On y trouve environ 373 millions
de têtes de cheptel, dont la plus grande
partie est au Soudan, pays qui constitue
à ce titre une grande réserve de richesse
animale ; mais cette fortune naturelle
est inexploitée. La région arabe compte
également un littoral de 22 400 km et des
lacs d’eau douce ou semi-douce. La région
arabe produit aussi 3,8 millions de tonnes
de poissons. Ces quantités proviennent
essentiellement d’Égypte, du Maroc, de
Mauritanie, d’Oman et du Yémen.
Toutefois, les ressources des terres
ne constituent pas l’unique contrainte
qui limite l’extension de la production
agricole. La première et la plus grave
entrave est la pénurie d’eau. Les études
estimatoires signalent que la région dispose de 300 milliards de mètres cubes
d’eau16 représentant moins de 1 % des
ressources aquatiques mondiales, sachant
que la région représente 5 % de la population du globe. En 2001, la moyenne de la
part individuelle en eau a atteint 1 000 m3
alors que cette part est 7 fois plus grande
à l’échelle mondiale. Lors de la période
1996-2006, la région arabe a utilisé 71 %
de ses ressources aquatiques, alors que la
moyenne mondiale ne dépasse guère les
6,3 %. Enfin plus des deux tiers de cette
quantité sont consommés par le secteur
agricole17.
Les pays arabes tombent, l’un après
l’autre, en deçà du seuil de la pénurie
hydrique18. En effet, le nombre de pays
souffrant de cette carence est passé
de 3, en 1955 (Bahreïn, la Jordanie et le
Koweït), à 11 en 1990. S’y sont alors ajoutés 8 autres, à savoir : l’Algérie, l’Arabie
saoudite, les EAU, Qatar, la Somalie, le
TPO, la Tunisie et le Yémen. Bien plus, on
prévoit que 7 autres pays s’y joindront en
2025.
La demande considérable et croissante
en eau a aggravé l’insuffisance des res­
sources aquatiques dont a besoin le secteur
agricole. À l’origine de ce déséquilibre, on
trouve la croissance démographique, le
développement urbain et la croissance de
la population urbaine, le développement
et l’extension de l’industrie touristique,
etc. En plus de cela, ces mêmes facteurs
ont contribué à l’aggravation du niveau de
pollution de l’eau et à la baisse de la qualité des ressources aquatiques destinées à
divers usages. Par ailleurs, l’exploitation
abusive des ressources d’eau souterraines a
causé nombre de problèmes dans les pays
du Golfe, à Gaza, en Cisjordanie dans
le Territoire palestinien occupé et dans
d’autres lieux, en augmentant le degré de
salinité des nappes phréatiques.
En somme, étant donné que les res­
sources en eau sont insuffisantes pour
couvrir la demande de la production
alimentaire, les pays arabes continueront à importer leurs aliments, et ce en
fonction de leurs capacités financières.
L’importation des aliments implique en soi
l’importation des eaux nécessaires à leur
production, un fait qui a donné naissance
au concept d’eau virtuelle (voir encadré
6-5). Ce concept revêt une signification
fort intéressante pour les pays arabes. En
effet, si ces derniers réussissent à établir
un équilibre entre leurs importations et
leurs exportations alimentaires, de sorte
que les importations soient concentrées
sur les denrées dont la production exige de
grandes­quantités d’eau et les exportations,
à l’inverse, le moins d’eau possible, ils
seront à même d’économiser sen­si­blement
leurs ressources aquatiques à travers les
échanges commerciaux.
Ce concept s’applique au commerce
agricole qui s’opère aussi bien entre pays
arabes qu’entre ces derniers et les pays
étrangers. On estime que l’équivalent
de la moyenne des volumes des importations arabes en produits alimentaires,
entre 2001 et 2003 demandait 235 milliards de mètres cubes d’eau virtuelle. Or
ce volume est approximativement égal à
la quantité d’eau effective dont dispose la
région et suffit à alimenter la production
des denrées alimentaires, puisque 33 %
auraient été utilisés dans la production
agricole et 67 % dans le traitement des
importations en bétail, volaille et poissons.
Les recherches menées sur l’eau virtuelle aident à mieux planifier l’itinéraire
de l’évolution future. Pour élever leur
niveau en productivité d’eau et être par
conséquent plus compétitifs, les pays
arabes se doivent d’étudier les différents
aspects économiques et commerciaux
de cette pragmatique commerciale, tout
en accordant un intérêt particulier aux
conventions internationales ayant un
impact sur le commerce des aliments. Les
pays arabes ne devraient pas négliger cette
importante stratégie, eux qui comptent de
plus en plus sur l’importation pour réaliser
leur sécurité alimentaire.
La question de l’eau virtuelle revêt
une importance capitale pour l’Égypte
et d’autres pays arabes, et mérite d’être
cernée de près et étudiée de façon approfondie. En vérité, s’ils adoptent la norme de
rentabilité maximale dans le re­clas­sement
des priorités spécifiant l’importance des
ressources, les pays arabes seront dans
de meilleures dispositions pour tracer les
perspectives d’une politique territoriale
sur « la gestion intégrale des eaux » et son
orientation dans la bonne direction.
Au-delà de cette question essentielle,
figure l’importance stratégique que
représente le renforcement de l’investissement agricole visant la consolidation
de la sécurité alimentaire dans la région.
L’approche commerciale actuellement
en vigueur, à travers la suppression des
barrières douanières, dans la grande aire
arabe de commerce libre, ne suffira pas en
soi à la réalisation de la complémentarité
agricole désirée. En effet, si l’objectif est
de promouvoir le commerce, il faudrait
Faim, alimentation et sécurité humaine
Le concept d’eau
virtuelle revêt une
signification fort
intéressante pour
les pays arabes
155
L’éradication
de la faim exige
l’intensification et
la dynamisation
des campagnes
contre la faim
en suivant une
stratégie articulée
autour de deux
volets, traitant à la
fois les causes et
les conséquences
ayant un rapport
avec la pauvreté,
la maladie et
l’analphabétisme
156
justement que la production agricole soit
quantitativement suffisante et qualitativement assez diversifiée, mais à condition
que cela se réalise à partir des ressources
aquatiques disponibles. Là réside la nécessité de l’investissement.
Il a été proposé aux gouvernements
a­rabes de prendre des initiatives sus­cep­
tibles d’inciter à l’échange des excédents
de production, comme, par exemple, le
troc des viandes du Soudan contre les
poissons du Maroc. Ces initiatives seront
suivies par d’autres visant l’extension des
opérations d’industrialisation, de commercialisation et de transport. Interviendront,
enfin des initiatives d’orientation des
ressources en jeu vers des investissements
assurant une rentabilité optimale proportionnellement aux coûts de ces ressources.
Une telle approche facilitera aux gens
l’accès aux produits alimentaires (par voie
d’augmentation de l’approvisionnement),
et haussera, en même temps, les revenus, à travers l’essor du développement.
Parallèlement, les pays arabes devraient
constituer une réserve stratégique, pour
chaque pays et à l’échelle régionale, si
possible, afin de contrebalancer la déficience des approvisionnements en denrées
alimentaires produites localement ou
importées. Cette réserve stratégique est
capable, à elle seule, d’aplanir la voie vers
la réalisation de la sécurité et de la stabilité
alimentaires, permettant ainsi de faire
face aux redoutables caprices du climat.
L’accroissement de la production de
biocarburants extraits de plantes telles
que les céréales et le sucre a récemment
grevé de fardeaux financiers énormes
l’importation des denrées en question.
Afin d’atténuer ces charges, il incombe
aux gouvernements arabes d’offrir aux
cultivateurs des motifs stimulants susceptibles de les amener à étendre et à enrichir
la production horizontalement et verticalement. Cette question sera elle-même
fortement liée aux recherches entreprises
en rapport avec de nouvelles formes et
ressources énergétiques et surtout avec les
énergies renouvelables, telles que l’énergie
éolienne et l’énergie solaire, le but étant
d’accroître les approvisionnements aquatiques par l’application de méthodes de
dessalement profitables en termes de coût
et de rendement.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Conclusion
Bien que les tendances actuelles n’au­
gurent rien de bon pour la plupart des pays
arabes, il est du devoir des États concernés
de fournir le maximum d’efforts pour réaliser la deuxième cible du premier OMD,
et ce en éradiquant la faim, en améliorant
la situation nutritionnelle et en développant leurs politiques, afin que soit édifiée,
le plus complètement possible, la sécurité
alimentaire.
Éradication de la faim
et de la sous-alimentation
Le traitement de ce défi exige l’intensification et la dynamisation des campagnes
contre la faim en suivant une stratégie
articulée autour de deux volets, traitant à
la fois les causes et les conséquences ayant
un rapport avec la pauvreté, la maladie et
l’analphabétisme. Il convient de prendre
en considération, lors de l’élaboration de
cette stratégie, deux facteurs fondamentaux : d’une part, la nécessité d’intervenir
pour améliorer la productivité et les revenus ; et d’autre part, la prise de mesures
rapides de secours et d’aide alimentaire
immédiate et directe, au profit des catégories sociales pauvres et des familles
nécessiteuses.
Dans cet ordre d’idées, on peut traduire cette approche en programmes à
long terme et peu onéreux, centrés de
façon simultanée et exhaustive sur les
objectifs suivants :
• Facilitation de l’accès immédiat et direct
des familles nécessiteuses à la nourriture, mettant en œuvre des filets de
protection pour l’approvisionnement et
des programmes de transfert de fonds.
Il faudrait, de même qu’une certaine
rigueur intransigeante soit observée
pour que ces dernières mesures profitent aux groupes sociaux les plus
vulnérables. Il convient également de
concentrer les soins sur les personnes
à besoins spécifiques telles que les
mères, les nourrissons et les enfants
avant et après l’âge de scolarisation.
L’accomplissement de ces buts interdépendants empêchera la transmission du
cycle de la pauvreté d’une génération à
une autre, et permettra de perfectionner la croissance physique et l’évolution
mentale des enfants, afin qu’ils puissent
fréquenter régulièrement l’école, parfaire leurs compétences scientifiques,
renforcer leurs chances d’accéder à
l’emploi, augmenter leur productivité
et accroître leur revenu.
• Soutien à l’instruction primaire au
profit des catégories vulnérables et
marginalisées vivant à la campagne et
majoritairement constituées de filles,
étant donné que l’éducation est l’un
des droits de l’homme et devant être
gratuite, généralisée et obligatoire.
• Renforcement de l’égalité des sexes
en matière d’accès à la nourriture. Il
convient de surmonter tous les obstacles qui s’opposent à l’institution
de l’égalité entre hommes et femmes,
si l’on veut avancer vers la réalisation
du développement humain, réduire la
pauvreté et la faim, sauver la vie des
enfants et lutter contre les maladies.
• Accélération du développement économique, surtout en agriculture. Il est
intéressant, dans ce domaine, de doter
les petits agriculteurs des moyens et des
expériences nécessaires pour augmenter le niveau de production de façon à
encourager leurs familles et les sociétés
locales à consommer leurs récoltes.
De cet ensemble de moyens, on peut
retenir : l’introduction de techniques
simples et pas chères, la facilitation de
l’obtention des semences et des engrais
organiques, la sensibilisation à l’intérêt
des pratiques saines en matière d’utilisation des eaux, telles que l’irrigation
goutte à goutte.
Le développement urbain rapide, la
mondialisation des industries alimentaires
transformationnelles et son expansion
dans les principaux marchés ont porté
préjudice aux petits cultivateurs et
ouvriers agricoles itinérants aux campagnes. Au cours des dernières décennies, un
en­semble de sociétés a réussi à s’accaparer,
de façon permanente, du commerce international des produits alimentaires, de ses
industries et de ses ventes. Certes, cette
mainmise a élargi les gammes de choix
au profit des consommateurs, contribué
à la baisse des prix et amélioré la qualité
des aliments. Mais elle a ouvert la voie à
l’instauration d’une chaîne quasi monopolistique de l’approvisionnement où une
minorité de sociétés géantes et de gros­
sistes se sont érigés en maîtres absolus dans
la réglementation des prix, des quantités
et des circuits de distribution. Quelques
cultivateurs ont pu s’intégrer dans les
principaux marchés locaux et en ont tiré
de gros bénéfices, mais la majorité des
petits cultivateurs n’ont pas pu obtenir
les informations complètes, ni bénéficier
de stages de formation ou de crédits qui
leur auraient permis de s’insérer dans
les marchés « mondialisés ». Cependant,
en dépit de cela, l’un des objectifs les
plus importants pour la région consiste à
œuvrer pour réaliser la complémentarité
en matière de production des aliments,
et surtout les céréales. Il convient de
concentrer les efforts sur l’exploitation des
plaines immenses et arables de la région,
notamment en Irak et au Soudan, qui a
tout pour devenir le grenier de toute la
région arabe. En plus, les pays arabes ne
manquent pas de ressources financières
pour l’exécution de ce projet. L’expérience
et la main-d’œuvre ne leur font pas défaut
non plus. Aussi, peut-on concevoir les
deux projets suivants :
Le premier est le projet ambitieux qui
a été proposé par le Secrétaire général
du Conseil de l’Union économique arabe
(UEA). Il vise à la réalisation de la complémentarité dans le processus de production
de toutes sortes d’aliments : céréales,
fruits, légumes, viandes et produits laitiers, à travers la coordination des activités
agricoles et productives entre pays arabes.
Le second projet, le moins ambitieux,
se borne, quant à lui, à la complémentarité dans la production des céréales.
Cependant, il n’y a absolument pas de
contradiction entre les deux projets. Bien
plutôt, le projet à moindre envergure servira de phase préparatoire à l’exécution du
plus ambitieux. Le plus important est que
la réussite de n’importe lequel des deux
sera, en soi, une motivation susceptible de
stimuler le développement de la complémentarité économique arabe qui, jusqu’à
présent, n’a encore réalisé aucun progrès.
Toutefois, pour atteindre de cet objectif,
il faut une bonne disposition politique et
la réalisation de la stabilité politique, dans
certains pays, comme le Soudan et l’Irak.
Ceci confirme, encore une fois, le constat
d’interdépendance des différentes dimensions de la sécurité humaine dans les pays
arabes, que ce soit dans le domaine de la
disponibilité de la nourriture ou bien dans
le domaine du rétablissement de la paix et
Faim, alimentation et sécurité humaine
Il convient de
concentrer
les efforts sur
l’exploitation des
plaines immenses
et arables de
la région
157
de la stabilité, par la voie de la liquidation
de l’occupation et de l’intervention étrangère et par le règlement des conflits ayant
un rapport avec la question identitaire
dans la région.
Réalisation de la sécurité alimentaire
Il existe un rapport
d’interdépendance
reliant l’agriculture,
le développement
rural, la sécurité
alimentaire et
l’autosuffisance
L’éradication de la
faim nécessite de
fournir des efforts
continus, intenses
et innovateurs
dans tous les
pays arabes
158
L’insécurité alimentaire a partiellement
résulté du déclin du niveau de productivité individuelle en agriculture et du fossé
grandissant au sein du secteur agricole
et entre ce secteur et les autres composantes du système économique. D’autres
facteurs sont également responsables de
cette crise. On peut en citer : (a) l’in­ves­t is­
sement impropre et non-conforme dans les
secteurs agricoles manquant de capitaux
suffisants et encore en cours de contribution au revenu national ; (b) l’utilisation
facilitée par la libéralisation du commerce
de la technologie qui remplace la maind’œuvre, en combinaison avec la réduction
de la capacité d’assimiler les travailleurs
dans d’autres secteurs conventionnels.
Il existe, par ailleurs, un rapport
d’interdépendance reliant l’agriculture,
le développement rural, la sécurité alimentaire et l’autosuffisance. Partant, il
est essentiel de traiter la corrélation entre
l’économie partielle des unités agraires et
les dynamiques du bien-être des familles.
Ce rapport renvoie à des considérations
d’une plus grande étendue relatives aux
politiques de redistribution (entendue du
point de vue de l’économie politique). On
Rapport arabe sur le développement humain 2009
peut exposer ces considérations comme
suit : (1) l’acquisition assurée de terres
productives et de crédits financiers ; (2)
l’adoption de politiques visant au soutien
des prix de façon à ce que cela puisse
profiter à certaines catégories indigentes
de ruraux ou d’habitants de zones accablées de privation ; (3) le renforcement du
changement des rôles des deux sexes ; ce
qui nécessite de permettre aux femmes
accomplissant un rôle accru dans le milieu
des producteurs agricoles d’accéder aux
terres, aux outils appropriés, aux services
et aux crédits ; (4) la gestion compétente
des ressources aquatiques ; (5) la motivation du secteur privé afin de l’engager à
investir dans les opérations de production
et de commercialisation, et à adopter des
projets encourageant la complémentarité
entre l’agriculture et l’industrie ; (6)
la promotion des nouvelles recherches
portant sur la diversité végétale locale,
l’énergie renouvelable, y compris l’énergie
solaire.
Si les tendances actuelles persistent,
comme le montre ce chapitre, les pays
arabes ne réussiront probablement pas
à réaliser le premier des OMD malgré
l’écart de performance existant entre
eux ou bien entre leurs sous-régions.
Par conséquent, l’éradication de la faim
nécessite de fournir des efforts continus,
intenses et innovateurs dans tous les pays
arabes, notamment dans les pays les moins
développés et de s’engager à établir une
coopération régionale dans ce domaine.
Notes
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
Cette séquence repose principalement sur un document de fond préparé par Jalila El-Ati.
Calculs du PNUD/RADH en référence aux indicateurs du développement dans le monde publié
par la Banque mondiale 2007 (en anglais).
FAO 2006.
PAM 2008b.
Kabbani et Wehelie 2004.
Chan 2008.
L’approvisionnement quotidien en calories équivaut au total de la valeur de calories puisées des
produits alimentaires divisé par le nombre d’habitants et le nombre de jours.
FAO 1999.
Sobal et Stunkard 1989.
Banque mondiale 2008b.
FAO 2009.
Banque mondiale 2008b.
FAO 2006.
Banque mondiale 2007b.
Cette discussion finale a été présentée par le Secrétaire général du Conseil de l’Union économique
arabe, Ahmed Jouayli.
Comptes du PNUD/RADH, en référence aux données statistiques (FAOSTAT), auprès de la
FAO 2008.
Voir le Chapitre 2.
D’après le PNUD 2006b, le seuil individuel de la pauvreté en eau est de 50 litres par jour.
Faim, alimentation et sécurité humaine
159
Chapitre
7
La santé sous l’angle
de la sécurité humaine –
une approche inédite
La santé
représente
un élément
essentiel pour
la sécurité
humaine
La santé n’est
pas garantie
pour tous les
citoyens dans
les pays arabes
Il est admis que la santé est l’un des piliers fondamentaux du développement
humain, parce qu’elle constitue le point d’appui de toute activité humaine. Mais, la
santé représente également un élément essentiel pour la sécurité humaine, parce
que la survie et la protection contre la maladie sont inhérentes aux différents
concepts relatifs au bien-être de l’humanité. En effet, une bonne santé permet à
l’homme de faire des choix, de jouir de sa liberté et de progresser. En revanche,
la détérioration de la santé – en cas de maladie, de blessures ou d’invalidité –
sape ces capacités humaines fondamentales et peut conduire à des régressions
catastrophiques pour les individus, les communautés et les économies. Il en résulte
une interdépendance de la santé et des autres conditions de la sécurité humaine
dans les domaines politique, économique, environnemental et alimentaire. Il
convient donc de l’aborder dans sa globalité.
Les pays arabes ont réalisé pendant les quatre dernières décennies un progrès
remarquable dans le domaine de la prévention des causes de la mort naturelle,
ce qui a conduit à la longévité. Cela se manifeste dans la hausse de la moyenne
d’espérance de vie et la baisse du taux de mortalité chez les nourrissons.
Cependant, la santé n’est pas garantie pour tous les citoyens dans les pays arabes,
puisque les femmes continuent à souffrir de négligence et de comportements
sexistes. S’ajoutent à cela, les systèmes sanitaires, souvent frappés d’inertie
bureaucratique, la baisse des compétences professionnelles et l’insuffisance du
financement au moment où les risques de santé s’aggravent suite à la propagation
de nouvelles maladies contagieuses. En dépit de l’abondance des ressources dans
la région arabe, les cinq dernières années ont connu une stagnation de tous les
indicateurs principaux de la santé, d’autant plus que les idées et les approches
mondiales pionnières dans les domaines de la santé et de la sécurité humaine ne
se sont pas encore ancrées dans la majorité des pays arabes.
La santé dans la politique
publique sur le plan
international
Nous débutons ce chapitre introductif par
l’exposition des tendances internationales
en matière de santé et de sécurité, ce qui
va nous mettre devant une perspective
importante pour les approches de la santé
dans les pays arabes en ce moment. Ce
sera là le sujet de notre débat.
Santé et sécurité humaine
La sécurité sanitaire
est un phénomène
transfrontalier et
multidimensionnel
qui fait de l’être
humain son centre
d’intérêt et englobe
d’autres domaines
de développement
ainsi que les parties
concernées par
ces domaines
162
À la fin de la guerre froide et avec l’a­vè­
nement de la mondialisation, la sécurité et
le développement qui étaient jusqu’alors
deux domaines séparés, ont commencé à
se rencontrer et à s’imbriquer. Très vite, la
santé publique est devenue l’un des points
d’intersection fondamentaux desdits
domaines. Dans ce contexte, deux types
de discours sur la santé et la sécurité, ayant
chacun ses motivations et ses finalités, ont
vu le jour dans le cadre des politiques et
des programmes publics internationaux.
Le premier type peut être qualifié
de discours de développement. Il est
représenté par les efforts des Nations
Unies, ses fonds et ses programmes de
dé­ve­lop­pement, ses Commissariats, ses
commissions régionales et internationales,
ainsi que par l’OMS. Pendant les années
1990, caractérisées par la circulation
dense et accélérée des personnes et des
marchandises, les politiques internationales de développement ont commencé à
être influencées par la prise de conscience
grandissante que les dangers qui guettaient
la santé dans un pays donné, pouvaient
rapidement en atteindre d’autres. Cette
perception s’est développée à la suite
des effets catastrophiques de nouvelles
maladies transnationales comme le sida
et le retour d’autres maladies telles que
le choléra, la tuberculose et la malaria. La
publication du RADH 1994 illustre parfaitement cette perception. Du point de vue
développement, ce rapport a insisté sur les
nouveaux défis pour la santé en considérant « la sécurité sanitaire » comme l’une
des composantes de la sécurité humaine1.
Ce RDH 1994 appelle es­sen­t iel­lement
à considérer la santé comme un droit
humain de l’individu et un bien public
qui doit être à la portée de tous. Il est du
devoir de l’État et de son intérêt d’assurer
ce droit fondamental qui représente pour
lui, à la fois, un engagement éthique et
une condition sine qua non de sa survie.
Néanmoins, les sources des défis contemporains de la santé et leur impact sont si
complexes que l’État ne peut y faire face
tout seul. La sécurité sanitaire est donc
un phénomène transfrontalier et multidimensionnel qui fait de l’être humain
son centre d’intérêt et englobe d’autres
domaines de dé­ve­lop­pement ainsi que les
parties concernées par ces domaines.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Le Rapport attire l’attention sur les
dangers principaux menaçant la santé de la
majorité des gens dans le monde, à savoir les
maladies et les épidémies qui se pro­pagent
rapidement, les décès et les maladies liés
à la pauvreté, les milieux non sécurisés et le déplacement des populations.
Garantir la santé des individus ne repose
pas uniquement sur les services médicaux
habituels et la protection sanitaire, mais
également sur d’autres facteurs, tels que
la sécurité politique, économique, alimentaire et environnementale. Ces facteurs
peuvent être exposés à des régressions,
ou à des bouleversements qui risquent de
perturber la vie quotidienne des gens. La
protection des individus contre ces risques
nécessite des initiatives positives de la part
des appareils d’État et des institutions non
gouvernementales, ainsi que de la part des
individus eux-mêmes et de leurs sociétés.
Faire face à ces dangers, menaçant la santé
et ne connaissant point de frontières,
nécessite des accords de partenariat locaux
et internationaux pour empêcher la propagation et les répercussions de ces maladies
complexes ou pour les gérer adéquatement
quand elles ont lieu.
En 2003, la Commission de la sécurité
humaine a publié un rapport de suivi,
intitulé Human Security Now (La Sécurité
humaine maintenant)2 où elle a présenté
un exposé détaillé et actualisant les
analyses du RDH 1994. Les efforts de la
commis­sion ont porté essentiellement sur
les menaces sanitaires les plus dangereuses
pour la sécurité humaine, à savoir : a) les
maladies contagieuses au niveau mondial,
y compris les émergentes, telles que le
sida, et le syndrome respiratoire aigu
sévère (SRAS) ; b) les crises de santé causées par les conflits armés et les situations
humanitaires d’urgence ; c) les problèmes
de santé résultant de la pauvreté et qui
risquent d’ébranler la stabilité des familles
et des communautés, voire de pays entiers.
Dans ce cadre, l’approche de la sécurité
humaine, appelée à faire face à ce genre
de menaces renfermant des conséquences
locales et mondiales, est fondée sur deux
éléments fondamentaux : la protection et
la participation. Cependant assurer ces
deux éléments fondamentaux dépasse
les limites des approches traditionnelles
fondées sur les relations horizontales entre
les gouvernements ; elle nécessite, en plus,
l’établissement de programmes verticaux
et de systèmes de contrôle associant aussi
les parties non gouvernementales.
Le discours de la Commission de la
Sécurité Humaine et celui du PNUD
ont reformulé les objectifs concernant
la sécurité nationale et la santé publique
dans le cadre du développement global
centré sur l’être humain, ce qui a élargi
ces deux concepts et approfondi leur
interdépendance.
Santé et sécurité stratégique
Quant au second type de discours international, il est beaucoup plus étroit ; on
peut le nommer discours stratégique. Ce
parcours est né dans la même période que
le premier, traduisant ainsi l’inquiétude
des institutions militaires et diplomatiques occidentales à l’égard des armes
biologiques et l’utilisation délibérée des
épidémies dans les guerres. Ces inquiétudes se sont manifestées de nouveau à
la suite de l’attentat au gaz sarin dans le
métro de Tokyo en 1995, puis suite à la
panique répandue au sein de la population
à cause de l’utilisation de la poudre d’anthrax, après les attaques du 11 septembre
2001. Le but de ce discours est de « sécuritariser » la surveillance internationale de
la santé, en tant que protection contre une
guerre biologique probable et un soi-disant
« bioterrorisme ». Les principales parties
concernées par cette question, no­tamment
en Occident, visent à introduire les moyens
du contrôle des armes biologiques dans le
domaine de la santé publique mondiale et
de consolider la Convention sur l’interdiction des armes biologiques et les toxines
(BTWC) par le biais d’un protocole susceptible d’en vérifier l’application.
Ces deux types de discours diffèrent complètement quant aux objectifs,
quoique leurs partisans et leurs lobbies
s’accordent à reconnaître en la santé et
la sécurité des questions transnationales
convergentes. Ainsi, ces deux discours se
sont rencontrés sur des points précis et
avaient contribué à la classification des
priorités sanitaires internationales, en
fonction des différentes circonstances. Les
experts conviennent que le bilan de cette
rencontre s’est généralement traduit par
l’élargissement du discours relatif à la sécurité humaine dans les politiques de la santé
publique, si bien qu’il englobe à présent les
menaces issues des maladies contagieuses
et des armes biologiques3. Néanmoins, ce
discours a suscité des réserves de la part
des pays en voie de développement, dont
certains du monde arabe.
À propos des effets secondaires,
certains analystes remarquent que les
pressions exercées par les lobbies contre
le bioterrorisme, en vue d’adopter des
interprétations stratégiques du concept de
sécurité dans la santé publique, ont peutêtre conduit à fournir plus d’efforts pour
soutenir les politiques intergouvernementales en domaine de santé. Lesquels efforts
se sont reflétés dans le Règlement sanitaire
international (RSI) promulgué et contrôlé
par l’OMS4. En vigueur durant les 30 premières années des opérations de l’OMS,
ce règlement exigeait des États membres
d’informer sur les manifestations d’une
liste de six maladies, réduite en 1981
à trois : le choléra, la malaria et la fièvre
jaune. Les critiques faites à cette liste
réduite – et dont le contenu est insignifiant
en comparaison avec de nouveaux dangers
tels que le VIH/sida, le virus Ebola et la
grippe aviaire, en plus de l’insuffisance de
l’information sur les maladies dans plusieurs pays – ont poussé l’OMS en 2005
à établir un nouveau système de règles de
santé internationales assez enrichi, mis à
exécution en 2007.
À présent, les nouvelles règles exigent
des pays parties à la Convention de signaler
à l’OMS « tout événement survenu sur son
territoire pouvant constituer une urgence
de santé publique, de portée internationale » (article 6.1), situations recouvrant
n’importe quel événement inattendu ou
inhabituel dans les domaines de la santé
publique, abstraction faite de son origine
ou de sa source (article 7). Elles stipulent
également que les pays parties informent
l’OMS « dans la mesure du possible » des
risques pour la santé publique identifiés
à l’extérieur de leurs territoires, pouvant
entraîner la propagation de la maladie et
se manifestant dans l’entrée et la sortie
de cas humains ou d’insectes vecteurs de
maladies (article 9.2)5.
Exiger la communication de « tout événement pouvant constituer une urgence de
santé publique, de portée internationale »
(article 6.1) permet de révéler une longue
chaîne de risques. Seulement, le fait que la
communication des informations dépend
encore de la bonne volonté des États, n’a
La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite
Le but du discours
stratégique est de
« sécuritariser »
la surveillance
internationale de
la santé, en tant
que protection
contre une guerre
biologique probable
163
L’internalisation
des concepts
de santé et de
sécurité humaine
a été limitée dans
les pays arabes
pas convaincu les sceptiques que les nouvelles règles s’adressent au type de régime
sécuritaire conforme aux concepts de
gouvernance mondiale6. Par ailleurs, certains pays en développement dont un bon
nombre de pays arabes ont l’impression
que de telles règles répondent plus aux
soucis de la sécurité nationale en Occident,
et que les informations échangées ne serviraient peut-être pas leurs propres intérêts,
ce qui va entraver la mise en œuvre d’un
système vigoureux de surveillance et de
prévention des maladies.
La sécurité sanitaire
dans le contexte arabe
Le mouvement
réformateur arabe
n’a pas adopté la
sécurité humaine
en tant que
paradigme pour
le changement
et la réforme
Encadré 7-1
Lors de l’assemblée consultative sur la
santé et la sécurité humaine, organisée
au Caire en 20027, à laquelle ont contribué
l’OMS, le Fonds des Nations Unies pour
la population (FNUAP) et ONUSIDA,
les participants ont essayé d’adapter au
contexte régional, les concepts internationaux relatifs à la sécurité humaine,
réclamés initialement par le PNUD et
la Commission des Nations Unies sur la
sécurité humaine. Au terme de trois jours
de discussion, les participants ont reconnu
l’étendue globale et l’interdépendance de
Les termes employés dans le discours sur la santé
et la sécurité humaine
La sécurité sanitaire
Le soulagement relatif de la maladie et de l’infection (2002, la rencontre
consultative du Caire sur la santé et la sécurité humaine), la protection
contre la maladie, l’invalidité et le décès évitable (Commission de la
sécurité humaine, 2003).
La sécurité sanitaire publique
Un ensemble d’activités efficaces et multidisciplinaires nécessaires pour
réduire l’incidence des situations aiguës de santé publique menaçant la
santé des citoyens (ce Rapport).
La sécurité sanitaire publique sur le plan mondial
Les activités nécessaires, proactives ou réactives, minimisant la
vulnérabilité face à des événements graves dans le domaine de la santé
publique, exposent au danger la santé des populations, à travers des
régions géographiques et les frontières internationales (OMS, 2007).
La santé et la sécurité humaine
Une approche de la santé dans le cadre de la sécurité humaine implique
la considération de la santé « comme un état complet de sécurité
physique, mentale et sociale, et non seulement une absence de maladie
ou d’infirmité » (Commission de la sécurité humaine, 2003).
164
Rapport arabe sur le développement humain 2009
la santé et de la sécurité humaine et ils ont
admis que la question de la santé comprenait plusieurs domaines et secteurs, ainsi
que des agences spécialisées ; ils ont aussi
confirmé que la bonne santé était l’un des
droits fondamentaux de l’homme. Sauf
qu’à la fin, l’assemblée a adopté une définition de la sécurité sanitaire assez étroite,
en la considérant comme un « soulagement
relatif de la maladie et de l’infection ». La
majorité des experts dans le domaine de
la santé considèrent qu’une telle définition
est inadéquate, si on l’évalue à la lumière
des dimensions, plus globales, communément admises du concept de santé, ou
encore si on la vérifie à la lumière des
dimensions positives du concept de sécurité (ce qu’il faut faire) plutôt que de ses
dimensions négatives seulement (ce qu’il
ne faut pas faire).
Dans le contexte arabe, l’échec dans
l’élaboration d’une position pratique et
globale en matière de santé et de sécurité
humaine reflète l’internalisation limitée
de ces concepts dans les pays arabes.
Plusieurs facteurs seraient derrière cette
situation :
Premièrement : Le mouvement réformateur arabe n’a pas adopté la sécurité
humaine en tant que paradigme pour le
changement et la réforme, ou comme
base de programmes d’action dominés
généralement par un cadre de référence
socio-économique. Dans le domaine de la
santé, cette différence dans la perspective
se traduit par l’adoption d’une approche
étroite et limitée. Celle-ci met l’accent
sur l’expansion des services sanitaires et
cliniques ainsi que d’autres aspects ayant
trait aux exigences de la protection sanitaire traditionnelle qui continuent d’être
sollicitées à la fois par les gouvernements
et par la société civile.
Par
conséquent,
Deuxièmement :
en l’absence de systèmes d’orientation
alternatifs, les approches susceptibles de
gérer les risques de la sécurité locale et
internationale sont réduites à la notion de
sécurité d’État. Aussi, les aspects sécuritaires non politiques ou ne concernant pas
di­rec­tement l’État, suscitent-ils peu de
débats. Il est naturel que cela s’applique
à la sécurité sanitaire et aux autres composantes de la sécurité humaine. À titre
d’exemple, il n’y a pas de débat public
autour de l’impact majeur du conflit armé
sur l’affaiblissement du système sanitaire
ou sur le détournement des ressources,
dans le but de répondre aux besoins de
santé urgents et liés au conflit en question,
au détriment des besoins sanitaires fondamentaux des populations.
Troisièmement : La question de la santé
occupe un rang inférieur sur l’échelle des
priorités par rapport aux budgets et aux
programmes relatifs au développement
dans les pays arabes. Plus encore, la santé
publique est considérée comme secondaire par rapport à d’autres questions,
telles que les besoins fondamentaux, la
création d’emplois, et le développement
économique. Partant, cela empêche les
organismes sanitaires de faire face aux
défis actuels ou potentiels, auxquels sont
confrontés les habitants de la région, alors
qu’on fournit peu d’efforts pour explorer
d’autres options où plusieurs secteurs et
ressources de financement concourent
pour approcher et soutenir la santé et la
sécurité humaine.
Quatrièmement : Les débats publics
accordent peu d’attention à la santé. Il y a
donc un paradoxe flagrant entre la gravité
de certains problèmes sanitaires dans la
région arabe d’une part, et l’absence de
cette question dans les discussions engagées par les États arabes8 d’autre part.
Les discussions portant sur les questions
sanitaires ont tendance à insister sur
les questions ayant trait aux services et
aux moyens techniques de santé. Quand
les débats abordent la sécurité dans le
domaine de la santé publique, il n’y a pas,
semble-t-il, une appréhension approfondie de l’ensemble des activités efficaces
et multidisciplinaires nécessaires pour
réduire l’incidence des conditions aiguës
de santé publique qui menacent la santé
des citoyens.
Cinquièmement : La société civile
arabe est généralement affaiblie par les
restrictions et l’exclusion, au niveau
politique. Aussi, ne participe-t-elle pas
souvent aux questions relatives à la santé,
et donc, les acteurs non étatiques ont très
peu d’effet sur le système sanitaire et
l’élaboration des politiques de santé. Et
c’est plutôt l’institution médicale dans les
pays arabes influents qui domine le secteur de la santé. L’existence d’institutions
sanitaires non démocratiques imitant dans
leur organisation les institutions politiques
arabes a permis aux « experts » au sein
de la hiérarchie professionnelle d’avoir
la mainmise sur ce secteur. Il en résulte
que le manque de participation du public
constitue un obstacle devant les initiatives
relatives à la santé et à la sécurité.
Tous ces facteurs réunis, en plus des
liens faibles et souvent contestés, entre
les discours international et régional, ont
conduit à la situation actuelle où les parties
arabes concernées par la santé semblent
s’opposer aux approches pratiques fondées
sur la sécurité humaine dans le domaine
de la santé ou les ignorer.
La santé publique
est considérée
comme secondaire
La situation sanitaire
dans les pays arabes
Le présent rapport déduit les indicateurs
de la santé et du système sanitaire, en
grande partie, des données publiées par les
organismes des Nations Unies. Cependant,
l’exactitude de ces données suscite des
doutes dans certains cas. En quelques
occasions, des agences des Nations Unies,
des organisations non gouvernementales, et ceux de la société civile font des
études statistiques indépendantes. Dans
la plupart des cas cependant, ce sont les
gouvernements eux-mêmes qui sont la
source des informations. Les systèmes
d’enregistrement vitaux ne sont pas disponibles dans la plupart des États arabes, et
quand ils le sont, ils sont rarement fiables.
En effet, dans la majorité des cas, les données « nationales » ne sont pas fondées sur
des études ou des enquêtes nationales ni
ne représentent toutes les couches de la
société. Par conséquent, les généralisations
issues de telles données sont d’une utilité
limitée. Par ailleurs, Il n’est pas d’usage
pour les États de donner des informations
qui révéleraient les incohérences internes
et qui pourraient mettre en doute l’utilité
des données en question, en particulier
lors de l’examen des questions de l’égalité
et de la justice sociale.
Cependant, il convient d’admettre de
prime abord que les pays arabes ont connu
de grandes améliorations en matière de
santé, au cours des dernières décennies,
tout en sachant qu’ils étaient au départ
dans une situation vraiment défavorable.
En effet, entre les années 1960 et le début
du nouveau millénaire, les pays arabes ont
fait plus de progrès que la plupart des pays
en développement dans l’augmentation de
La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite
Les systèmes
d’enregistrement
vitaux ne sont
pas disponibles
165
Figure 7-1
Tendances régionales de l’espérance de vie (en années),
1960-2005
80
70
60
50
40
reposaient pas uniquement sur l’importance des investissements conçus pour
l’expansion quantitative dans les systèmes
sanitaires, mais ils étaient le fruit des
développements socio-économiques ayant
suivi le boom pétrolier des années 1970
et contribué à améliorer les conditions
sanitaires9.
30
20
Les indicateurs de santé10
10
0
1960
1970
1980
1985
1990
1995
2000
2005
L’espérance de vie globale à la naissance (en années)
Source : Calculs du PNUD/RADH basés sur les données de la Banque mondiale 2008.
Note : Le chiffre est la moyenne pondérée par rapport à la population du pays.
Figure 7-2
Tendances régionales dans les taux de mortalité infantile
(pour 1 000 naissances vivantes) 1960-2005
160
140
120
100
80
60
40
20
0
1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
Taux global de mortalité infantile (sur 1 000 naissances vivantes)
Source : Calculs du PNUD/RADH basés sur les données de la Banque mondiale 2008.
Note : Le chiffre est la moyenne pondérée par rapport à la population du pays.
Les pays arabes
ont fait plus de
progrès que la
plupart des pays
en développement
dans l’augmentation
de la longévité
et le retardement
de la mort
166
la longévité et le retardement de la mort.
Cela peut être observé à travers l’augmentation de l’espérance de vie de 23 ans et la
baisse du taux de la mort infantile de 152 à
39 sur mille naissances vivantes. Même si
le résultat global des indicateurs est positif,
les défis persistent ; les pays arabes peuvent atteindre une meilleure couverture
sanitaire pour leurs citoyens en fonction
des richesses qui y sont disponibles.
L’un des défis majeurs aujourd’hui, est
de résoudre les disparités observées entre
les différents États arabes et de faire face
aux différentes formes d’injustice qui s’y
trouvent. Dans ce contexte, il convient
de rappeler que les succès antérieurs ne
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Dans la plupart des pays arabes, l’espérance de vie à la naissance est d’environ
70 ans. Néanmoins, on peut observer de
grands écarts à ce propos entre les groupes
comme entre les sous-régions. À Djibouti,
en Irak, en Somalie et au Soudan, par
exemple, l’espérance de vie ne dépasse pas
60 ans, alors qu’à Bahreïn, aux EAU, au
Koweït, à Oman et à Qatar, elle dépasse
74 ans. Comme dans d’autres régions du
monde, l’espérance de vie des femmes
dépasse celle des hommes. À l’exception
de Qatar et de la Somalie où l’écart est
respectivement d’un et de deux ans, la
différence entre les sexes dans l’ensemble
de la région varie entre 3 et 5 ans.
L’écart entre les sous-régions arabes
se manifeste au niveau des autres indicateurs. Par exemple, le taux de mortalité
maternelle (TMM) oscille entre 4 morts
sur 100 000 naissances vivantes au Koweït
et plus de 400 sur 100 000 à Djibouti,
au Soudan, en Somalie, en Mauritanie et
au Yémen ; quant au taux de mortalité
parmi les nourrissons, il varie entre moins
de 8 sur 1 000 naissances vivantes aux
Émirats et plus de 76 sur 1 000 naissances
en Mauritanie et au Yémen, et 88 sur
1 000 naissances à Djibouti.
Dans la région arabe, on note un écart
entre les niveaux du progrès concernant
la réalisation du cinquième (5a) OMD –
visant à réduire de trois quarts le taux de
mortalité maternelle d’ici 2015 – en raison
de la différence des situations socio-économiques d’une sous-région à l’autre. Par
conséquent, si dans ce domaine, la région
dans son ensemble est sur la bonne voie, ce
n’est pas le cas pour l’ensemble des quatre
sous-régions. En 2000, le TMM était le plus
faible dans les pays du CCG, à savoir un
taux équivalent à 17 cas sur 100 000 naissances vivantes, parce que 98,2 % des
naissances dans les pays du CCG sont
assistées par un personnel qualifié. D’autre
Figure 7-3
Figure 7-4
Espérance de vie à la naissance,
22 pays arabes, 2005
Taux de mortalité maternelle (pour
100 000 naissances vivantes) 21 pays arabes, 2004
Koweït
Qatar
Arabie
saoudite
Bahreïn
EAU
*Somalie
Djibouti
Soudan
*Irak
Yémen
Mauritanie
Comores
Maroc
Égypte
Liban
Algérie
Jordanie
Arabie
saoudite
TPO
Libye
Tunisie
Syrie
Oman
Qatar
Bahreïn
Koweït
EAU
Jordanie
Oman
Libye
Tunisie
Syrie
Égypte
Liban
Algérie
Maroc
*Irak
Comores
Yémen
Soudan
Djibouti
Mauritanie
*Somalie
0
20
40
60
80
Espérance de vie à la naissance (en années)
0
200
400
600
800
1 000
1 200
1 400
Taux de mortalité maternelle (pour 100 000 naissances vivantes)
Source : PNUD 2007.
* Les données pour l’Irak et la Somalie remontent à 2006, UNICEF 2008.
Figure 7-5
Source : PNUD 2007.
* Les données pour l’Irak et la Somalie remontent à 2006, UNICEF 2008.
** Les taux de mortalité maternelle ci-dessus ont été modifiés sur la
base des révisions de l’UNICEF, de l’OMS et du FNUAP en vue d’expliquer
les problèmes enregistrés relatifs aux cas d’insuffisance d’information et
de classification.
Figure 7-6
Taux de mortalité infantile
(pour 1 000 naissances vivantes), 19 pays arabes,
2005
Taux de mortalité des enfants
de moins de cinq ans (pour 1 000 naissances
vivantes), 19 pays arabes, 2005
EAU
EAU
Bahreïn
Bahreïn
Koweït
Koweït
Oman
Oman
Syrie
Syrie
Libye
Libye
Qatar
Qatar
Tunisie
Arabie
saoudite
Jordanie
Liban
Tunisie
Égypte
Jordanie
Arabie
saoudite
Liban
Égypte
Algérie
Algérie
Maroc
Maroc
Comores
Comores
Soudan
Soudan
Yémen
Yémen
Mauritanie
Mauritanie
Djibouti
Djibouti
0
20
40
60
Taux de mortalité des nourrissons
(sur 1 000 naissances vivantes)
Source : PNUD 2007.
80
100
0
20
40
60
80
100
120
Taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans
(sur 1 000 naissances vivantes)
Source : PNUD 2007.
La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite
167
140
Encadré 7-2
Les États arabes sur la bonne voie pour améliorer la santé
maternelle et réaliser le cinquième Objectif du Millénaire
pour le développement
Cible 6 : baisse : Réduire de trois quarts le taux de mortalité maternelle
entre 1990 et 2015.
Taux de mortalité maternelle, la région arabe
(sur 100 mille naissances vivantes)
450
400
410,7
350
300
Progrès
1990-2000
vitesse linéaire du
progrès nécessaire
pour atteindre la cible
271,9
250
200
150
102,7
100
50
0
1985
1990
1995
2000
2005
2010
2015
2020
Source : CESAO, Les Objectifs du Millénaire pour le développement dans la région
arabe 2007 : les jeunes, une vue d’ensemble 2007.
Le taux de mortalité maternelle (TMM) dans les pays arabes est tombé à
environ 272 sur 100 000 naissances vivantes en 2000, soit une baisse de
près de 34 % par rapport au niveau atteint en 1990. En supposant que le
rythme du progrès accompli entre 1990 et 2000 peut être maintenu, les
pays arabes dans leur ensemble pourront répondre à l’objectif de réduire
le TMM de trois quarts d’ici à 2015. La baisse considérable de la mortalité
maternelle est liée à l’augmentation significative des accouchements
assistés par du personnel de santé qualifié. Cette augmentation a dépassé
les 16 % au cours de cette décennie. En plus, la réduction de la grossesse
à l’adolescence – associée à des risques élevés – a contribué à la baisse
globale de la mortalité maternelle. Effectivement, les adolescentes de 15 à
19 ans sont deux fois plus exposées que leurs aînées dans les vingtaines
à mourir en accouchant ; à moins de 15 ans, elles le sont cinq fois plus.
Source : CESAO 2007a.
Les écarts entre les
zones rurales et
les zones urbaines
sont larges
168
part, bien que le TMR dans les pays arabes
les moins développés ait chuté de 37,9
pour cent à 637,6 pour 100 000 naissances
vivantes en 2000, il reste nettement plus
élevé que le taux dans les pays en voie
de développement qui atteint 450 pour
100 000 naissances vivantes. Le taux des
mortalités maternelles dans les pays arabes
les moins développés est le plus élevé dans
la région arabe. En 2000, 44,8 % des
nouveau-nés ont été mis au monde sous
la supervision d’un personnel qualifié, ce
qui a permis d’enregistrer une hausse de
22 % par rapport à 1990. Les différentes
tendances dans la supervision du personnel qualifié qui assiste les accouchements
ainsi que le taux de mortalité maternelle
dans les pays arabes les moins développés
sont largement influencées par la situation
Rapport arabe sur le développement humain 2009
prévalant au Soudan, qui enregistre près
de 50 % des naissances vivantes dans cette
sous-région. Un peu moins de la moitié
de ces naissances n’est pas assisté par un
personnel qualifié. En 2000, le taux de
mortalité maternelle au Soudan était de
509 pour 100 000 naissances vivantes.
Ainsi, les taux de mortalité des enfants
de moins de cinq ans varient entre moins
de 20 sur 1 000 naissances vivantes dans
la plupart des États du Golfe et plus
de 100 pour 1 000 cas à Djibouti, en
Mauritanie et au Yémen. Les écarts entre
les zones rurales et les zones urbaines sont
larges, avec des taux plus élevés pour les
premières.
Il est à remarquer que la sous-alimentation est largement répandue dans
les pays pauvres et les États déchirés
par la guerre, ce qui reflète la pénurie
progressive des aliments. En Somalie, la
prévalence de l’insuffisance pondérale
chez les enfants de moins de cinq ans
est de 26 % et s’élève à plus de 40 % au
Soudan et au Yémen (selon les données
disponibles pour la période 1996-2005).
D’autant plus que la progression des cas
de sous-nutrition chez les enfants, même
dans certains pays riches, est une autre
source de préoccupation. Par exemple, la
sous-nutrition – modérée ou sévère – chez
les enfants de moins de cinq ans est de
14 % aux Émirats arabes unis et de 10 %
au Koweït, ce qui indique que, malgré les
vastes ressources financières de certains
États, les prestations de santé escomptées
n’ont pas eu lieu11.
Les statistiques de l’OMS indiquent
que les facteurs les plus importants à l’origine des écarts des niveaux de santé dans
les pays arabes sont : le niveau de revenu,
le lieu de résidence (urbain ou rural), et
le niveau d’instruction de la mère. Les
indicateurs les plus importants de l’effet
de ces facteurs sont la probabilité que les
enfants survivent au-delà de cinq ans, le
nombre de cas de nanisme, les chances
pour les mères d’avoir un accouchement
assisté par un personnel qualifié et la disponibilité des vaccins contre la rougeole,
au cours de la première année de vie du
nourrisson. Dans six États arabes sur lesquels ces données étaient disponibles – à
savoir l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, le
Soudan, la Tunisie et le Yémen – les facteurs les plus influents ont été les niveaux
de revenu et d’instruction de la mère. En
Figure 7-7
Différences des conditions de santé
dans les pays arabes, taux de mortalité infantile et des
enfants de moins de cinq ans (pour 1 000 naissances),
2005
120
Figure 7-8
Différences des conditions de santé
dans les pays arabes, taux de mortalité maternelle
(pour 100 000 naissances vivantes), 2005
700
600
100
500
80
400
60
300
40
200
100
20
0
0
Pays à
haut revenu
Pays à
revenu moyen
Pays à
haut revenu
Pays à
bas revenu
Taux de mortalité infantile
Pays à
revenu moyen
Pays à
bas revenu
Taux de mortalité maternelle (modèle d’estimation
pour 100 000 naissances vivantes), 2005
Taux de mortalité infantile de moins de cinq ans
Source : Calculs du PNUD/RADH fondés sur la base de données de la
Banque mondiale 2008.
Source : Calculs du PNUD/RADH fondés sur la base de données de la
Banque mondiale 2008.
Note : La classification est fondée sur la part individuelle du PIB et sur
l’équivalent de la PPA en USD (avec la valeur mondiale actuelle de
l’USD), et selon les catégories suivantes : le faible revenu 1 100 USD2 200 USD, le revenu moyen 3 600 USD-11 000 USD, le haut revenu
20 000 USD-44 000 USD. Les pays à bas revenu sont : les Comores,
Djibouti, la Jordanie, la Somalie, le Soudan et le Yémen. Les pays à
revenu moyen sont : l’Algérie, l’Égypte, le Liban, la Libye, le Maroc, la
Mauritanie, la Syrie, le TPO et la Tunisie. Les pays à haut revenu sont :
l’Arabie saoudite, Bahreïn, les EAU, le Koweït, Oman et Qatar.
Note : La classification est fondée sur la part individuelle du PIB et sur
l’équivalent de la PPA en USD (avec la valeur mondiale actuelle de
l’USD), et selon les catégories suivantes : le faible revenu 1 100 USD2 200 USD, le revenu moyen 3 600 USD-11 000 USD, le haut revenu
20 000 USD-44 000 USD. Les pays à bas revenu sont : les Comores,
Djibouti, la Jordanie, la Somalie, le Soudan et le Yémen. Les pays à
revenu moyen sont : l’Algérie, l’Égypte, le Liban, la Libye, le Maroc, la
Mauritanie, la Syrie, le TPO et la Tunisie. Les pays à haut revenu sont :
l’Arabie saoudite, Bahreïn, les EAU, le Koweït, Oman et Qatar.
Encadré 7-3
Les pays ont besoin de fournir plus d’efforts pour lutter contre la malaria et la tuberculose
La 8e Cible du 6e Objectif du Millénaire pour le
Développement : l’arrêt de la propagation de la malaria et
d’autres maladies graves d’ici à 2015 et leur régression à
partir de cette date.
La malaria : Bien que la malaria ait été pratiquement éradiquée dans la majorité des pays arabes, elle reste fortement
endémique dans les pays les moins développés où, en
moyenne, 3 313 cas sur 100 000 ont été signalés en 2005.
Djibouti, la Somalie, le Soudan et le Yémen représentent
98 % des cas déclarés dans la région ; le Soudan à lui
seul compte environ 76 % de ces cas. Par conséquent, la
réalisation de l’un des OMD dans cette sous-région et dans
l’ensemble de la région, est fortement tributaire des progrès
en Somalie, au Soudan, et au Yémen. La manière d’informer
sur la malaria dans ces pays, ne contribue pas à connaître le
nombre réel de cas, parce que la surveillance est faible, voire
inexistante dans certaines régions. L’absence de centres de
soins, de laboratoires adéquats et de bonnes conditions
de sécurité constituent autant de facteurs qui entravent les
progrès réalisés dans les efforts de l’enquête.
La tuberculose : Elle constitue encore un problème de santé
publique important, voire la principale cause de décès
dû aux maladies contagieuses parmi les adultes dans la
région arabe. En 2005, le nombre de personnes atteintes
de tuberculose a été estimé à 240 000 personnes dont
43 000 morts. Les pays les plus touchés par cette maladie
étaient les pays arabes les moins développés où se trouvent
environ 56 % de l’ensemble de cas de tuberculose nouvellement détectés.
Des estimations indiquent que 41 % des patients atteints
de tuberculose n’ont pas accès à des soins de santé de
qualité.
Taux de prévalence de la tuberculose (pour 100 000 personnes)
Pays du
Mashreq
Pays du
Maghreb
Pays du
Conseil de
Coopération
du Golfe
Pays arabes
Pays arabes
les moins
développés
0
100
2005
300
200
1990
Source : CESAO 2007a (en anglais)
Source : CESAO 2007a.
La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite
169
400
500
Figure 7-9
• À l’exception d’un petit nombre d’indicateurs, la performance des États à
revenu moyen ressemble ordinairement
à celle des pays à haut revenu.
• Les données nationales et régionales disponibles offrent une image incomplète
des écarts et des inégalités au sein de
ces États. Cela met en évidence, pour
les décideurs, les universitaires et les
praticiens de la santé, l’importance des
rapports de développement humain et
national effectués dans les pays arabes
parce qu’ils prennent en considération
les différences existant dans chaque
pays.
Charges des maladies transmissibles et non
transmissibles et des blessures, 21 pays arabes, 2002
Bahreïn
EAU
Qatar
Tunisie
Liban
Koweït
Arabie
saoudite
Oman
Syrie
Libye
Jordanie
Égypte
Maroc
Algérie
Irak
Soudan
Yémen
Comores
Somalie
Djibouti
Mauritanie
Les principaux problèmes de santé
0
20
40
60
80
100
Années de vie perdues à cause de blessures (%), 2002
Années de vie perdues à cause de maladies non transmissibles (%), 2002
Années de vie perdues à cause de maladies transmissibles (%), 2002
Source : OMS 2008.
d’autres termes, selon les indicateurs de
l’OMS, les enfants arabes, appartenant
aux familles à revenu plus élevé ou dont
la mère possède un niveau d’instruction
supérieur, jouissent d’un état de santé
et de soins de santé trois ou quatre fois
meilleurs que ceux des enfants de familles
à faible revenu ou ayant des mères moins
instruites12.
À l’échelle de la région arabe, les
indicateurs de santé montrent, dans leur
ensemble, qu’une amélioration du revenu
national est corollaire de l’amélioration
du niveau de santé, ce qui provoque des
disparités flagrantes entre les pays arabes.
Les changements depuis 2002
La comparaison des indicateurs de santé
dans les pays arabes pour les années 2003
et 2007 montre une augmentation de
l’espérance de vie et une diminution de
la mortalité infantile alors que d’autres
indicateurs sont restés stables.
• Les écarts continuent entre les pays
arabes à bas revenu et les pays à revenu
moyen ou haut.
170
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Les effets de la violence et des maladies
transmissibles continuent d’être les
principales causes de décès dans les pays
pauvres ou déchirés par la guerre, tels
que la Somalie, le Soudan et le Yémen.
Cependant, la plupart des pays de la
région arabe traversent une phase de transition caractérisée par une forte extension
des maladies non transmissibles et des
blessures liées aux accidents de la circulation, et d’autres types d’atteintes. Les
dangers provoqués par les maladies non
transmissibles, comme celles causées par
le tabagisme, le diabète et l’hypertension
artérielle, liées à l’adoption de modes de
vie modernes, s’aggravent.
La figure 7-9 montre que les pays
arabes à haut taux de mortalité parmi les
enfants et les adultes comme les Comores,
Djibouti, la Mauritanie et la Somalie,
souffrent de taux élevés de maladies transmissibles13 en comparaison avec les pays de
la région où les taux de mortalité sont
faibles parmi les enfants et les adultes.
La santé dans les zones de conflit
Les effets des conflits violents sur la sécurité humaine et la santé publique14 sont
notoires. La guerre sape les systèmes de la
santé publique, et peut entraîner l’apparition soudaine de maladies transmissibles
et d’affections liées à la malnutrition. Les
guerres sont à leur tour derrière l’apparition et l’aggravation de diverses maladies
non transmissibles, y compris celles qui
affectent les vaisseaux sanguins et augmentent les risques de crises cardiaques
(par exemple, les maladies vasculaires au
Liban ont augmenté au cours de la guerre
civile)15. Elles sont en outre associées
aux problèmes aigus de la santé mentale,
comme dans les cas observés et enregistrés
en Irak16 et dans le TPO, qui seront discutés, avec plus de détails, dans le chapitre 8
du présent rapport.
Les facteurs qui interagissent
avec la sécurité sanitaire
Le débat sur la sécurité humaine et les
événements eux-mêmes montrent que la
santé est profondément affectée par des
facteurs qui ne sont pas forcément liés à
la santé. Il s’agit notamment de la détérioration des conditions de l’environnement,
de l’occupation étrangère, des conflits liés
à l’identité, à la pauvreté et au chômage,
dont les effets sont discutés dans d’autres
chapitres. La question qui se pose ici est
la suivante : est-ce que le contraire est
également vrai ? Est-ce que la santé a un
impact important sur les aspects de la
sécurité humaine qui ne sont pas liés à la
santé ? Compte tenu de la place centrale
et interactive attribuée à la santé en tant
que composante de la sécurité humaine, il
est tout à fait naturel que l’amélioration du
niveau de santé renforce effectivement la
sécurité humaine qui demeure en même
temps influencée par ses autres composantes. Les deux relations peuvent être
illustrées comme suit :
Premièrement : la santé et le revenu
La hausse du taux de mortalité parmi les
adultes, en particulier le décès précoce
des personnes ayant la charge de leur
famille, peut avoir des effets immédiats
et dévastateurs sur l’avenir de celle-ci,
tels que l’appauvrissement et la perte de
la sécurité alimentaire. Une telle perte
peut également avoir des effets indirects
sur la famille, lorsque des groupes qui
chutent au-dessous du seuil de la pauvreté
sont en contact direct avec des couches
sociales adoptant la violence pour vivre, et
qui sont prêtes à exploiter la vulnérabilité
desdits groupes. Une augmentation dans
la fréquence de la maladie peut avoir les
Encadré 7-4
L’hépatite C en Égypte
L’hépatite est une infection du foie et peut être causée par plusieurs mécanismes, y compris par des agents infectieux. Quant à l’hépatite C, elle est
causée par le virus de l’hépatite C (VHC). Le virus infecte les cellules du
foie, provoquant une inflammation aiguë du foie et des complications à
long terme. Parmi les personnes exposées au VHC, 40 % environ guérissent
complètement, mais le reste, qu’ils présentent ou non des symptômes,
deviennent transporteurs chroniques et peuvent développer un cancer du
foie. Le virus de l’hépatite C se transmet généralement par le partage de
seringues infectées, par la réception du sang contaminé d’un porteur, et
l’exposition accidentelle à du sang infecté. On estime qu’environ 3 % de la
population de la planète ont le VHC. L’Europe, à elle seule, contient environ
4 millions de porteurs.
L’hépatite est largement répandue en Égypte, avec un taux élevé de
morbidité et de mortalités dues aux maladies chroniques du foie. 20 %
environ d’Égyptiens donneurs de sang sont atteints de cette maladie.
L’Égypte a des taux de VHC plus élevés que ceux enregistrés dans les pays
voisins et d’autres pays du monde qui connaissent les mêmes conditions
socio-économiques et les mêmes normes d’hygiène relatives aux opérations chirurgicales et aux procédures médicales ou paramédicales et
dentaires.
Source : OMS 2002.
mêmes effets, lorsque celle-ci conduit à
la diminution du revenu des familles17.
Ces effets deviennent particulièrement
évidents dans le cas des dépenses exorbitantes18 que nécessitent les soins de santé.
Il est bien établi que, lorsque la productivité des travailleurs est réduite à cause
de la maladie et de l’invalidité, les effets
qui en découlent affaiblissent la performance économique, et augmentent les
coûts de la santé pour les employeurs et
les États et réduit le produit intérieur brut.
À l’inverse, une bonne santé publique a
un effet positif sur le développement et
l’essor économique et, par conséquent,
sur la sécurité. C’est, en effet, le principal moteur des mouvements appelant à
« l’investissement dans la santé » dans les
milieux concernés par le développement19.
Deuxièmement : connaissance,
croyances et comportements en
relation à la santé
Les comportements sanitaires des gens
sont énormément influencés par leurs
connaissances relatives à la santé et leur
attitude à l’égard des risques liés à celle-ci.
Le comportement des gens, constitue l’un
des facteurs déterminants du taux de mortalité ainsi que de la fréquence des cas de
La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite
Une bonne santé
publique a un
effet positif sur le
développement,
l’essor économique
et la sécurité
Les comportements
sanitaires des gens
sont énormément
influencés
par leurs
connaissances
relatives à la santé
171
La santé publique
est influencée
par la somme
des croyances
et des valeurs
dominantes
dans la société
Certaines
croyances
et pratiques
répandues ont
une grande
incidence sur la
sécurité sanitaire
des femmes
Encadré 7-5
maladie et d’invalidité et des conséquences
socio-économiques qui en résultent. Ceci
contribue, à son tour, à établir un lien
significatif entre le comportement et la
sécurité humaine.
Le tabagisme est un exemple hautement
significatif de cette relation. C’est que la
région arabe connaît un pourcentage élevé
de fumeurs. Elle contient même l’un des
taux les plus élevés de tabagisme dans le
monde20. Et bien que cela s’applique principalement aux hommes, nous constatons
que dans certains pays, comme le Liban,
par exemple, le taux de tabagisme chez
les femmes n’est pas moins élevé que celui
des hommes. Outre le tabagisme, de nombreux pays arabes souffrent ces derniers
temps d’un nouveau fléau qui s’appelle la
pipe à eau (le narghilé). Comme on le sait,
le tabagisme contribue de façon majeure à
l’augmentation des taux de mortalité, à la
provocation des maladies et à la création
de dépendances à l’égard des services de
soins. Par conséquent, le tabagisme devient
une charge économique supplémentaire
pour la famille et épuise les ressources sur
le plan social en général. Dans de nombreux pays développés, l’impact négatif
du tabagisme sur le développement et
l’économie est très clair21. Il est prévu que
les pays arabes connaîtraient les mêmes
effets. Dans cette perspective, le tabagisme dans les pays arabes constitue une
menace non seu­lement pour la santé mais,
La première apparition de la femme sur la scène de la vie
Qu’elle soit une paysanne en Algérie, un médecin au Caire, une secrétaire
à Beyrouth, une étudiante à Bagdad, une ouvrière en Syrie, la femme
arabe partage avec ses sœurs arabes le même destin : une vie d’exclusion,
de captivité, au sein de laquelle elle est amenée à lutter pour expier son
péché d’être née femme, dans une société machiste où le féminin reste
toujours synonyme de honte et de menace.
Sa naissance est déjà perçue par son entourage comme une occasion
de deuil plutôt qu’un moment de festivités et de bonheur. Elle est reçue
dans une atmosphère de déception à peine dissimulée. Ils espéraient un
garçon et donc la venue d’une fille est une humiliation pour sa mère et
un choc pour son père : « les hommes engendrent des hommes » disonsnous dans notre culture. Ils annoncent ouvertement : « Elle a donné
naissance à une fille », « il a engendré un garçon »... Ce qui se passe le
jour où la fille quitte le ventre de sa mère n’est qu’un avant-goût de ce qui
l’attend. C’est le début d’une vie qu’elle doit endurer comme si c’était une
« situation blâmable » qui serait constamment exposée à l’intolérance et
à la répression.
Source : Salman 2003.
172
Rapport arabe sur le développement humain 2009
également, pour la sécurité humaine et le
dé­ve­lop­pement. Les attitudes publiques,
influencées par la tradition, contribuent
à maintenir le silence autour du VIH/sida
dans les pays arabes, un silence qui, en
empêchant la diffusion des connaissances
sur la maladie, participe à son avancée. La
dernière partie de ce chapitre va mettre
l’accent sue la question du VIH/sida et sur
la sécurité humaine.
Troisièmement : l’incidence des us et
coutumes sur la santé de la femme22
Comme il a été indiqué plus haut, la santé
publique est influencée non seulement par
les conditions économiques, la stabilité
sociale et politique, l’efficacité et la qualité
des systèmes de santé ; elle l’est également
par la somme des croyances et des valeurs
dominantes dans la société. Ces dernières
ont leur impact sur les attitudes des
citoyens à l’égard de la santé et la manière
dont ils bénéficient des installations sanitaires et des processus médicaux. Certaines
croyances et pratiques répandues ont une
grande incidence sur la sécurité sanitaire
des femmes. Cela se manifeste dans l’attitude enracinée dans la société consistant
à préférer la progéniture mâle, avec tous
les effets multiples que cela entraîne et
dans les pratiques nuisibles comme la
mutilation génitale féminine (MGF). (Le
chapitre 4 parle de l’impact grave de cette
pratique sur la sécurité personnelle de la
femme ; cette partie sera consacrée aux
effets de cette pratique sur la santé).
Le garçon avant la fille
Traditionnellement, dans les familles
arabes les plus pauvres particulièrement,
la naissance d’un enfant mâle est vécue
dans la joie et la liesse. Quant à la naissance d’une fille, elle peut être perçue
comme un triste événement pour toute
la famille et livre la mère à la pitié des
proches et des voisins. Cet accueil négatif
du nouveau-né de sexe féminin traduit
une prise de position significative pouvant
conduire les parents à la négligence et à
l’ignorance cruelles de leur fille lors de sa
prime enfance et au-delà.
L’un des aspects de cette discrimination aux conséquences négatives sur la
santé de la femme est l’opinion dominante
que l’instruction d’un garçon est plus
importante que celle d’une fille. L’une des
conséquences évidentes de ce parti pris est
que les deux tiers des analphabètes sont
des femmes, dans une région où deux personnes sur trois souffrent d’illettrisme. En
2005, environ 40 % des femmes arabes ne
savaient ni lire ni écrire. L’analphabétisme
compromet la santé des femmes parce qu’il
les empêche de connaître les principes
fondamentaux de la santé, de l’hygiène, et
du système d’alimentation, ce qui met en
danger la santé de la femme et celle de sa
famille. En outre, l’analphabétisme et le
faible niveau de connaissance contribuent
à perpétuer les coutumes et les pratiques
nuisibles à la santé qui peuvent parfois
être mortelles. Ces dernières incluent, à
titre d’exemple, la grossesse précoce ou à
un âge avancé, ce qui constitue de sérieux
dangers pour la santé de la femme et celle
de ses enfants, qui risquent d’être nés avec
des anomalies congénitales.
Les traditions avant la santé des femmes
Comme il a été indiqué dans le chapitre 4,
les mutilations des organes génitaux des
femmes en âge de procréer se pratiquent
encore largement dans les pays arabes. Le
Fonds des Nations Unies pour la population
(FNUAP) évalue le taux de cette pratique
comme suit : Djibouti (93 % des femmes),
le Soudan (90 %), la Somalie (98 %),
l’Égypte (95,8 %), la Mauritanie (71,3 %)
et le Yémen (22,6 %)23. La mutilation
génitale féminine (MGF) est généralement
pratiquée entre l’âge de huit ans et l’âge
de dix ans ; certaines filles s’y soumettent
ultérieurement, surtout avant le mariage.
Cette pratique est fondée à l’origine sur
une interprétation erronée ou trompeuse
des enseignements religieux et de la culture
populaire selon lesquelles cette pratique
conserverait à la femme sa chasteté et
compterait parmi les exigences du mariage
« vertueux », dans une société où toute la
culture est centrée sur l’homme. Dans tous
les cas, cette pratique est fortement préjudiciable à la santé des femmes.
Les filles sont souvent forcées de subir
une opération, sans anesthésie d’ailleurs,
effectuée généralement par des personnes
non qualifiées, entre autres, les sagesfemmes, les coiffeuses, et les barbiers ayant
été autorisés à pratiquer la circoncision, et
qui utilisent souvent des instruments non
stérilisés, dans des lieux insalubres. Parmi
les nombreuses complications possibles
pour la santé, certains risques sont immédiats et d’autres à long terme.
Les dommages psychologiques : les
dégâts subis par la jeune fille suite à la
cruauté de cette opération laissent chez
elle des séquelles pour la vie24. Les complications possibles qui s’ensuivent risquent
de conduire à un choc nerveux, pro­ba­
blement mortel.
Le choc hémorragique : ce genre de
choc résulte de l’endommagement des tissus et vaisseaux sanguins dû à l’ignorance
des exécuteurs de cette opération des
règles les plus élémentaires de l’anatomie.
Les cas de décès sont si nombreux parmi
les jeunes filles qui subissent ce genre
d’opération, bien que les cas déclarés
soient rares, car les parents et ceux qui
exécutent l’opération en question les
signalent ra­rement, de peur de comparaître en justice. Dans certains cas, quand
l’hémorragie est moins aiguë, les plaies
sont traitées par un mélange de substances
traditionnelles insalubres, comme le sont,
par ailleurs, les instruments et les mains
de ceux qui effectuent l’opération.
Les infections : les jeunes filles risquent
fréquemment de contracter le microbe
du tétanos, le VIH et l’hépatite B et C.
Ces infections peuvent affecter l’appareil
urinaire et les reins, ce qui conduit parfois
à la formation de kystes, à de nouvelles
infections voire à l’insuffisance rénale.
L’utérus et les trompes de Fallope peuvent
aussi être infectés, ce qui peut entraîner
la stérilité. La lente guérison des blessures
provoquées par la MGF entraîne un
ensemble de susceptibilités et de douleurs
physiques atroces et de souffrances psychologiques qui surgissent ultérieurement
dans la vie de la femme, altérant ainsi les
relations conjugales, et rendant la grossesse
et l’accouchement difficiles.
La MGF est
fortement
préjudiciable à la
santé des femmes
Quatrièmement : la gestion
des systèmes sanitaires
De nombreuses études récentes ont jeté la
lumière sur les réalisations des systèmes
sanitaires et les défis auxquels ils font face
dans les pays arabes25. Dans un rapport
de l’OMS sur les systèmes sanitaires pour
l’an 200026, les États arabes sont classés
au bas de l’échelle quant aux résultats
La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite
173
La protection
sanitaire continue
de souffrir de
problèmes
chroniques
relatifs à la bonne santé, à la capacité de
répondre aux besoins des consommateurs,
et au financement équitable. En outre, il
existe d’importantes différences organisationnelles historiques entre les systèmes
sanitaires arabes, ce qui rend la comparaison difficile entre eux. Néanmoins,
plusieurs observations pourraient être
faites sur l’ensemble des systèmes sanitaires arabes27 dont l’étude serait utile vu
leur importance pour la sécurité humaine.
1. Conceptions étroites
Pour la plupart des gens, la notion de
« système sanitaire » désigne le système
de protection sanitaire. Sous l’angle de la
sécurité humaine, cette définition reste
insuffisante. Si nous avions à adopter une
définition plus globale de la notion de « système sanitaire » de manière à ce qu’elle
comprenne toutes les activités ayant un
impact direct sur la santé comme la garantie d’une nutrition adéquate, des denrées
alimentaires fondamentales suffisantes
et l’accès des citoyens à l’eau potable,
ces questions peuvent acquérir une plus
grande importance lors de la formulation
des politiques de la santé. Ceci, à son tour,
permettrait d’avoir des résultats positifs
dans le domaine de la sécurité humaine.
Malheureusement, les politiques sanitaires dans les pays arabes n’adoptent pas
cette vision globale, et ne soumettent pas
ces questions au débat public. Ce qui est
courant par contre, c’est que les dispositions et les méthodes de distribution des
produits liés directement à la santé, ainsi
que les questions fondamentales de la
nutrition, de l’alimentation et de l’accès
à l’eau potable, sont très souvent laissées,
sans aucune coordination, aux soins d’instances non concernées par la santé, telles
que le ministère de l’agriculture.
2. Des services sanitaires inéquitables,
de niveau inférieur et parfois adossés sur
une approche purement technique
Pendant des décennies, plusieurs États
arabes ont investi de grosses sommes dans
le secteur de la santé, principalement
en matière de services de protection
sanitaire. Pourtant, malgré ces investissements, cette dernière continue de souffrir
de problèmes chroniques. Voici un certain
nombre d’observations importantes à cet
égard :
174
Rapport arabe sur le développement humain 2009
• Plusieurs personnes manquent encore
de certains services fondamentaux
dans le domaine de protection sanitaire
(dont, par exemple, la protection sanitaire gratuite des nourrissons). Cela est
particulièrement vrai pour les groupes
marginalisés en milieu urbain et dans
les zones rurales.
• Les hôpitaux épuisent d’énormes quantités de ressources dans les pays arabes,
et les ministères de la santé dans lesdits
pays dépensent plus de la moitié de
leurs budgets sur les services médicaux
dépendant des hôpitaux. En fait, certains hôpitaux publics et privés dans les
pays arabes connaissent une renommée
internationale. Toutefois, il existe de
sérieuses disparités entre leurs niveaux
de performance : les milieux urbains
bénéficient d’une couverture sanitaire
plus large que celle des zones rurales,
et il n’y a pas de coordination entre les
secteurs public et privé.
• Un certain nombre de gouvernements
arabes ont tenté d’améliorer les services
de protection sanitaire fondamentale
offerts au public. Toutefois, ces tentatives restent incomplètes dans la
plupart des pays arabes et sont subordonnées au système de protection
sanitaire existant et aux hôpitaux de
troisième ordre.
• Le secteur de la santé publique est
largement critiqué pour sa mauvaise
qualité, pour l’absence des compétences, pour son incapacité à répondre
aux besoins des patients et le renvoi
fréquent de ces derniers au secteur
privé.
Le Bureau régional de l’OMS a mis en
garde contre les effets dangereux d’une
telle situation28. Il a défini des déficiences
à plusieurs niveaux : l’évaluation des
besoins réels, l’adoption de méthodes
appropriées de conventions et d’achat,
l’existence d’installations adéquates, l’entretien préventif, l’utilisation rationnelle
des ressources et l’intransigeance sur le
plan de la qualité. Le marché du matériel
et des équipements médicaux dans les
pays arabes est considéré comme une
entreprise rentable29 qui nécessite plus
d’investissements. Ceci est important
pour le secteur de la protection sanitaire,
car il est reconnu que la disponibilité de
la haute technologie peut augmenter
la demande. Toutefois, les coûts de la
Figure 7-10
« Le tourisme
médical » épuise
de précieuses
devises
La plupart des
États arabes
réservent des
montants
relativement
dérisoires au
secteur de la santé
Disparités dans les dépenses sanitaires
dans les pays arabes, 2004
1 000
900
800
700
600
500
400
300
200
100
La part individuelle des dépenses sanitaires pour
2004 (équivalent au pouvoir d’achat en USD)
Source : PNUD 2007.
La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite
175
Bas revenu
Comores
Mauritanie
Yémen
Soudan
Syrie
Revenu moyen
Djibouti
Maroc
Algérie
Libye
Égypte
Tunisie
Liban
Jordanie
EAU
Haut revenu
Oman
Koweït
0
Qatar
Le financement de la santé, dans la plupart
des pays arabes, varie entre 2,4 et 6 %
du PIB. Ce pourcentage est plus élevé
au Liban et en Jordanie (12 et 10 % respectivement), et plus bas à Qatar et en
Somalie (2,4 et 2,6 %, respectivement).
Les écarts évidents dans la région se voient
dans le financement effectif de la santé.
Cette différence varie entre 25 USD et
871 USD par habitant. Les arrangements
actuels pour le financement de la protection sanitaire ont aussi un impact majeur
sur la sécurité humaine. Car, à l’exception
des pays arabes du Golfe, la plupart des
États arabes réservent des montants relativement dérisoires au secteur de la santé.
Dans de nombreux pays à bas et moyen
revenu, où les dépenses privées en matière
de santé sont comprises entre 20 et 72 %
du total des dépenses sanitaires, les gouvernements dépensent peu dans le secteur
de la santé. Une exception cependant :
Djibouti et le Liban, où le financement
public de la santé, proportionnellement
aux dépenses totales du gouvernement,
dépasse la moyenne mondiale. En termes
de financement absolu, les pays riches
en pétrole font de gros investissements,
Arabie saoudite
3. Le financement de la santé est
généralement insuffisant
toutefois, ces sommes ne se traduisent pas
en couverture sanitaire équitable pour
toute la population.
Le financement de la santé par le secteur privé ne compense pas les dépenses
totales, car les programmes d’assurancemaladie, concernant les fonctionnaires
et constituant les principaux canaux de
financement privé des services sanitaires
dans les pays développés ne fournissent que
de maigres avantages. Ceci constitue des
charges importantes en matière de santé
pour les citoyens arabes et leurs familles31.
Comme l’illustre la figure 7-12, la dépense
individuelle de santé dans 19 pays arabes
sur 20 ayant fait l’objet de l’étude est très
élevée en comparaison avec celle d’autres
régions du monde. Cela a un grand impact
sur les familles à bas revenu, car lorsqu’une
maladie grave ou coûteuse attaque le père
de famille, elle peut plonger la famille
dans la pauvreté. Même les familles à
revenu moyen sont exposées aux risques,
car leur pouvoir d’achat est limité, alors
que le coût de la santé est en hausse avec
l’adoption généralisée des politiques du
marché dans ce secteur, qui ne prennent
pas en compte les niveaux de revenu des
différentes couches.
Bahreïn
haute technologie, en plus des coûts de
la protection sanitaire pourraient épuiser
d’importantes ressources dans l’économie
des pays à bas et à moyen revenu.
De nombreux pays arabes ont construit
des centres régionaux pour attirer les
patients qui souhaitent jouir des services
médicaux de haute technologie. Et comme
les personnes aisées, même dans les pays
pauvres, sont les seules à pouvoir traverser
les frontières nationales à la recherche
de protection sanitaire, « le tourisme
médical » épuise de précieuses devises
(le dollar) dans leurs pays d’origine. Au
Yémen, par exemple, 29 % environ du
total des dépenses privées et publiques,
est utilisé pour des traitements à l’étranger. En cas de maladie, chaque ménage
yéménite dépense de son argent propre
environ deux rials sur trois consacrés par
l’État à la protection sanitaire30. Ceci, à
son tour, exerce une pression sur les gouvernements pour construire des centres
de haute technologie qui, pour la plupart,
sont construits au détriment des services
sanitaires préventifs.
4. Les systèmes de santé publique
souffrent de l’insuffisance des ressources
et de la baisse du niveau de performance
Les systèmes sanitaires dans les pays
arabes souffrent parfois du manque de
compétences dans le domaine de la santé
publique, à en juger par la performance
inférieure aux attentes de nombreux
établissements de la santé publique,
Figure 7-11
La part des dépenses sanitaires publiques par
rapport au total des dépenses publiques (%) dans
20 pays arabes, 2005
%
14
l’incapacité de la structure actuelle à sensibiliser le public aux questions de santé,
la rareté des professionnels spécialisés en
la matière, le rang inférieur qu’occupe la
santé publique dans la prise des décisions
gouvernementales. Cette situation se
reflète à son tour, dans les impressions
et les perceptions populaires négatives
sur la performance du secteur de la santé
publique. À cause de ces insuffisances,
le secteur sanitaire n’est pas suffisamment préparé pour s’acquitter des tâches
nécessaires à assurer la sécurité de la santé
publique.
5. Problématique de l’administration
dans les systèmes sanitaires
12
10
8
6
4
2
Irak
Monde
Maroc
Mauritanie
Oman
Yémen
Koweït
Libye
Tunisie
Syrie
Égypte
Soudan
Comores
Jordanie
Arabie
saoudite
EAU
Qatar
Algérie
Liban
Bahreïn
Djibouti
0
Source : Banque mondiale 2008.
Figure 7-12
La part individuelle des dépenses sanitaires
par rapport aux dépenses sanitaires privées (%)
dans 20 pays arabes, 2005
%
100
90
80
70
60
50
Dans les institutions sanitaires arabes,
l’administration souffre d’une bureaucratie hiérarchique et inefficace, dont
les objectifs politiques sont souvent en
contradiction avec la promotion de la
santé publique. Les hauts fonctionnaires,
dont le pouvoir et les intérêts se trouvent
à l’extérieur des hôpitaux ou des cliniques, exercent leur pouvoir au sein de
ces institutions également. La gestion de
ces institutions est souvent menée sous
l’influence des recommandations, des
normes et des vieux systèmes incompétents, souvent sans aucune valeur. Quant
aux motivations dans de tels systèmes,
elles fonctionnent contre toute attente, ce
qui ne manque pas de freiner l’innovation,
l’initiative et le développement du niveau
des compétences. En outre, le contrôle hiérarchisé risque d’empêcher les institutions
sanitaires de s’adapter et d’être en harmonie avec la participation populaire et la
participation nécessaire pour atteindre les
objectifs de la sécurité humaine.
40
6. Manque de visibilité concernant les
facteurs déterminants et fondamentaux
de la santé
30
20
10
Oman
Arabie
saoudite
Monde
Bahreïn
Liban
Maroc
Jordanie
EAU
Qatar
Tunisie
Koweït
Algérie
Yémen
Égypte
Soudan
Djibouti
Syrie
Mauritanie
Libye
Irak
Comores
0
Source : Banque mondiale 2008.
*Note : La dépense sanitaire individuelle est une dépense directe versée par les ménages,
y compris les gratifications et les paiements en nature, aux praticiens de la santé et aux
fournisseurs de produits pharmaceutiques, d’appareils thérapeutiques et d’autres produits
et services dont le principal objectif est de contribuer à l’amélioration ou au renforcement
de l’état de santé des individus ou des couches de population. Elle fait partie des dépenses
privées de la santé.
176
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Les systèmes sanitaires arabes actuels ne
confirment pas suffisamment l’ensemble
des facteurs sanitaires déterminants,
importants et indirects, reconnus par les
responsables du développement humain,
tels que la qualité et le niveau de couverture dans les domaines de l’enseignement,
de la participation des femmes et de la justice sociale et économique. Ces systèmes
ne disposent pas de l’état d’esprit nécessaire pour aborder des facteurs clés tels
que le genre, la classe sociale, l’identité et
les considérations ethniques, qui ont tous
des effets évidents sur la sécurité humaine.
7. Répartition inégale des professionnels
et des aides-soignants dans le domaine
de la santé
À l’exception des pays arabes les plus
pauvres, comme la Somalie, le Soudan
et le Yémen (où il y a moins de 50 médecins pour 100 000 habitants), la majorité
des pays arabes disposent d’un nombre
relativement acceptable de médecins par
rapport au nombre des habitants, bien
que la plupart des médecins dans les pays
arabes du Golfe soient des immigrés.
Néanmoins, les médecins ne sont pas
répartis équitablement au sein de leur
pays, puisque la plupart d’entre eux se
concentrent dans les zones urbaines. Le
nombre de praticiens dans le secteur de
la santé publique : dentistes, infirmiers et
assistants médicaux, est très insuffisant et
leur répartition entre le milieu urbain et
les zones rurales, et entre les hôpitaux et
les centres principaux n’est aucunement
équitable. Les pays arabes souffrent d’une
forte « fuite des cerveaux », en particulier
parmi les professionnels de la santé, à partir des pays à bas revenu ou moyen revenu,
vers les États du Golfe à haut revenu, ou
vers les pays de l’Amérique­du Nord et de
l’Europe.
Le syndrome d’immuno­
déficience acquise (sida) :
une menace qui préoccupe
tout le monde32
Selon les données de l’OMS, le sida est
moins répandu, dans la région arabe, que de
nombreuses autres maladies, notamment
la malaria, l’insuffisance hépatique, et les
maladies respiratoires. À titre d’exemple,
le nombre des tuberculeux dans les pays
arabes33 est 400 fois supérieur à celui
des personnes atteintes du sida. En effet,
le VIH est probablement moins répandu
dans les pays arabes que dans d’autres
pays en développement. Néanmoins,
il n’y a aucune raison de faire preuve de
complaisance à ce propos. Ce virus destructeur ne peut être combattu que par
une plus grande sensibilisation du public,
et à travers des méthodes scientifiques de
prévention. En outre, il existe d’autres
bonnes raisons de se pencher sérieusement
Encadré 7-6
Garantir la sécurité dans le domaine de la santé publique –
Les fonctions fondamentales d’un système efficace
• Surveiller et analyser la situation sanitaire.
• Élaborer et appliquer les règlements de santé.
• Relever les dangers et les sources de préjudice et leur impact sur la
santé publique, les contrôler et les analyser.
• Évaluer la possibilité d’accès aux services nécessaires de santé et
veiller à assurer cet accès dans la pratique.
• Améliorer la qualité de santé et la sensibilisation du public aux
questions de santé.
• Développer et former un personnel sanitaire spécialisé.
• Encourager la participation des communautés locales et permettre
aux citoyens d’obtenir des services sanitaires.
• Garantir la qualité des services sanitaires.
• Établir des politiques et développer des performances institutionnelles
dans les domaines de planification, de gestion et de coordination
dans le secteur de la santé.
• Effectuer des recherches pour trouver des solutions créatives aux
problèmes de la santé publique et mettre en œuvre de telles initiatives
• Atténuer les impacts sur la santé, en cas d’urgence et de catastrophes.
Source : L’équipe du rapport.
sur la nature de cette maladie et sur les
caractéristiques de son extension dans les
pays arabes.
Un danger tenace, imminent
et mal compris
Le VIH ou le syndrome de l’immunodéficience acquise est une maladie
mortelle, provoquée par le virus de
l’immunodéficience humaine. Le VIH
détruit la capacité du corps à lutter contre
les infections et la maladie, et peut à la
fin conduire à la mort. Actuellement, le
traitement antirétroviral est disponible et
peut ralentir la réplication du virus et peut
grandement améliorer la qualité de vie,
mais il n’élimine pas la maladie. À la fin de
2006, le nombre cumulatif de personnes
atteintes du VIH depuis sa découverte en
1981 s’élève à environ 65 millions, et le
nombre de décès à cause du sida dans le
monde entier avait atteint un total d’environ 32 millions, c’est-à-dire qu’aucune
autre maladie n’a causé dans l’histoire de
l’humanité34.
Les pays arabes ne sont pas à l’abri
de ce danger. Selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida
(ONUSIDA), plus de 31 600 adultes et
enfants, dans ces pays, sont morts du sida
en 2007, (80 % de ces décès sont survenus
La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite
Les médecins ne
sont pas répartis
équitablement au
sein de leur pays
Les pays arabes
souffrent d’une
forte « fuite des
cerveaux » parmi
les professionnels
de la santé
177
Ceux qui vivent
avec le virus VIH
sont parfois privés
de leurs droits de
l’homme les plus
fondamentaux
Tableau 7-1
État
au Soudan). Il faut noter, aussi, l’augmentation relative du nombre de personnes
atteintes du sida. 90 500 nouveaux cas
ont été détectés, entre 2001 et 2007, dans
les pays arabes dont 50 000, rien qu’au
Soudan.
Le pouvoir destructeur du VIH ne
réside pas uniquement dans son action sur
le corps, mais aussi dans le déshonneur
social qui l’accompagne. Ceux qui vivent
avec le virus sont parfois privés de leurs
droits de l’homme les plus fondamentaux :
ils risquent d’être licenciés et privés de
formation et de promotion. Leurs enfants
peuvent être également privés de précieuses opportunités, et se voir refuser
les soins des médecins, ils risquent même
de devenir l’objet d’humiliation et de
maltraitances.
En outre, il arrive que les personnes
séropositives ne prennent conscience de
leur état que longtemps après qu’elles
soient atteintes. Dans de tels cas, le virus
peut rester dans le corps pendant une longue période. Souvent, celles qui pensent
être infectées évitent de faire les examens
médicaux nécessaires, par honte ou par
crainte du déshonneur et de la discrimination. Celles qui connaissent leur état
s’abstiennent souvent d’informer les êtres
qui leur sont très proches, y compris leurs
conjoints, ce qui expose ces derniers à la
contagion.
Dans de telles conditions socioculturelles qui manquent de transparence,
le VIH continue de se propager, alors
Estimation du nombre de personnes atteintes du VIH,
12 pays arabes, 2007
Estimation 2007
[Estimation basse-haute]
Jordanie
< 1 000
[< 2 000]
Bahreïn
< 1 000
[< 2 000]
Koweït
< 1 000
[< 2 000]
Liban
3 000
[1 700-7 200]
Tunisie
3 700
[2 700-5 400]
Égypte
9 200
[7 200-13 000]
Mauritanie
14 000
[8 300-26 000]
Djibouti
16 000
[12 000-19 000]
Maroc
21 000
[15 000-31 000]
Algérie
21 000
[11 000-43 000]
Somalie
24 000
[13 000-45 000]
Soudan
320 000
[220 000-440 000]
Source : L’ONUSIDA et l’OMS 2008.
178
Rapport arabe sur le développement humain 2009
que peu de programmes sont conçus ou
réalisés pour atteindre les principales
populations à risque, comme les personnes
s’adonnant aux stupéfiants par injection,
les prostituées et les homosexuels. Quand
on s’aperçoit que les facteurs de risque qui
causent cette maladie sont aussi liés à la
pauvreté, au déplacement, à la situation
des réfugiés, à l’émigration permanente
ou temporaire et aux droits des femmes,
il devient évident que le VIH/sida est un
défi sérieux et à grande échelle pour la
sécurité humaine. Faire face à une telle
menace n’est possible qu’en suivant une
politique de développement multisectorielle et multiniveaux qui s’attaque aux
racines profondes de la propagation du
virus et qui, en tant que telle, va au-delà
de la simple sensibilisation à la santé dans
le sens traditionnel du terme.
Réévaluation des données
Selon les estimations de l’OMS et
l’ONUSIDA35, le nombre de personnes
séropositives dans les pays arabes était
435 000 au monde en 2007 dont 73,5 % au
Soudan. Dans ce contexte, une observation
importante s’impose : le nombre estimé
des personnes séropositives au Maghreb
(en particulier l’Algérie, le Maroc, et la
Tunisie) est beaucoup plus élevé qu’au
Mashreq (qui comprend l’Égypte, la
Jordanie et la Syrie). Cela peut être lié à
l’existence de centres de dépistage et de
consultation bénévoles d’autres moyens
de surveillance au Maghreb, qui de toutes
les manières sont plus efficaces que leurs
semblables au Mashreq, ce qui explique
peut être les chiffres réduits dans l’autre
région.
Par exemple, l’ONUSIDA estime qu’en
2007, le nombre de personnes ayant le
VIH/sida était moins de 1 000 à Bahreïn,
en Jordanie et au Koweït. Ces taux relativement faibles contrastent avec le nombre
estimé de personnes infectées en 2007 à
Djibouti (16 000), au Maroc (21 000), en
Algérie (21 000) et en Somalie (24 000).
Dans le cas du Soudan, on estime que le
nombre est beaucoup plus important, car
il s’élève à 320 000.
Selon les classifications des épidémiologistes, les épidémies sont soit
« généralisées » (elles affectent plus de 1 %
de la population totale), soit « intenses »
(elles affectent plus de 5 % dans certains
groupes de la population et dans certaines
régions). Dans la région arabe, les pays dans
lesquels l’épidémie a atteint la phase de la
généralisation, en 2007, sont le Soudan
(1,4 %) et Djibouti (3,1 %)36. La plupart
des épidémies se concentrent dans des
couches déterminées de populations exposées au risque, comme les consommateurs
de drogues par injection, les prostituées
et leurs clients, les homosexuels37, les prisonniers, et les filles qui se marient avant
l’âge de 18 ans, en particulier, celles qui
épousent des hommes beaucoup plus âgés
qu’elles38.
Une observation significative à propos
du Soudan : le pourcentage des femmes
séropositives est relativement élevé. Par
rapport à une moyenne mondiale de 48 %
en 2007, 53 % des adultes séropositifs au
Soudan étaient des femmes. Ce pourcentage était de 30,4 % dans les autres pays
arabes, pour la même année39, c’est-àdire qu’il était proche de celui existant
en Europe occidentale. Certains indices
montrent que jusqu’à 80 % des infections,
dans les pays arabes, sont transmises aux
femmes au sein des relations conjugales.
Des études effectuées en Arabie saoudite,
par exemple, indiquent que la plupart des
femmes séropositives étaient mariées et
avaient été contaminées par leurs époux40.
Une augmentation du taux des infections parmi les femmes peut refléter le
faible pouvoir de négociation des femmes
arabes au sein de leurs familles. Pour des
raisons, à la fois, économiques, culturelles
et sociales, les femmes sont incapables
d’exiger de leurs maris de faire des tests
du VIH/sida ou d’utiliser un préservatif, lorsqu’elles soupçonnent qu’ils sont
atteints du VIH. Tel est le point principal
d’intersection entre le rôle des attitudes
régressives et celui des croyances en
vigueur, dans l’encouragement des pratiques néfastes à la santé des femmes en
général, comme cela a été indiqué plus
haut, et dans leur impact déterminant sur
la vulnérabilité croissante des femmes face
au VIH/sida.
Un autre fait frappant, dans ce domaine,
se manifeste dans la baisse du pourcentage
des personnes séropositives, parmi celles
qui reçoivent la thérapie, triple combinaison, ou des médicaments antirétroviraux.
C’est pourquoi la région arabe est la dernière au monde qui profite de l’avantage
Tableau 7-2
Taux comparatifs d’accès aux traitements du VIH/sida
dans les pays à bas et moyen revenu,
décembre 2003 – juin 2006
Pays
Pourcentage des personnes
ayant accès au traitement
Tous les pays
24 %
Amérique latine/Caraïbes
75 %
Afrique subsaharienne
23 %
Est et sud-est de l’Asie
16 %
Europe/Asie centrale
13 %
Afrique du Nord/Moyen-Orient
5 %
Source : OMS et ONUSIDA 2006.
des progrès de la médecine. En 2006,
5 % seulement de personnes nécessitant
un traitement dans les pays arabes y ont
eu accès, en comparaison avec 75 % en
Amérique latine. Même en Afrique, dans
les pays subsahariens, une région à revenu
plus bas qu’à la région arabe, dont le taux
de séropositifs est d’environ 25 millions
de personnes, 23 % de ceux qui ont besoin
du traitement l’obtiennent41. Ce qui rend
cette situation vraiment singulière, c’est
que le traitement contre le VIH/sida est
maintenant disponible gratuitement dans
la plupart des pays arabes.
Une augmentation
du taux des
infections parmi les
femmes peut refléter
le faible pouvoir
de négociation
des femmes
arabes au sein de
leurs familles
Voies de transmission du VIH
dans les pays arabes
Dans la région arabe, le VIH/sida est principalement transmis à travers les rapports
sexuels non protégés avec l’autre sexe. En
effet, cette voie a transmis la maladie à
67 % des cas connus dans la région arabe.
Elle varie entre 90 % en Arabie saoudite,
83 % au Maroc et 64 % en Égypte42.
Dans ce contexte, il convient de noter
à nouveau qu’un nombre important de
femmes séropositives, dans la région,
contracte le VIH dans le cadre des relations conjugales. Le deuxième moyen de
transmission le plus fréquent est l’utilisation, par les consommateurs de drogues,
d’injections contaminées. Au niveau
régional, cela représente 6 % des cas de
transmission du virus43. En revanche, la
transmission du virus par l’intermédiaire
des relations sexuelles non protégées
entre deux hommes ne constitue pas un
pourcentage élevé dans aucun pays arabe,
mais l’ONUSIDA et l’OMS croient qu’il
y a là une tendance à minimiser ce facteur. La transmission du VIH de la mère
La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite
La région arabe
est la dernière au
monde qui profite
de l’avantage
des progrès de
la médecine
179
Prévenir les
problèmes de santé
est beaucoup plus
efficace et moins
coûteux que de
les traiter après
leur apparition
à l’enfant représente la troisième cause la
plus fréquente de contagion. Quant à la
transmission du virus par le sang ou par des
instruments médicaux contaminés, et bien
que ce mode de transmission représentât
une moyenne de 12 % des cas en 2000, le
taux est tombé à 3 % en 200544. Le faible
taux d’infection par ce mode de transmission revient peut-être à l’amélioration des
méthodes de stérilisation, relativement
faciles à suivre en ce qui concerne ce virus,
ainsi qu’aux examens plus minutieux des
stocks de sang et de ses dérivés.
Une bonne santé est une
condition sine qua non de la
sécurité humaine
Comme l’illustre ce chapitre, la santé se
caractérise par un certain nombre de caractéristiques qui en font une entrée idéale
pour discuter et traiter des questions liées
à la sécurité humaine. La santé est un point
de départ essentiel pour réaliser la stabilité sociale et la croissance économique.
C’est une condition fondamentale pour
assurer la sécurité humaine et la sécurité
nationale – c’est ce que montre l’impact
de l’extension du VIH/sida dans certains
pays – parce que la santé se recoupe avec
de nombreuses autres composantes de la
sécurité humaine. Par conséquent, une
intervention efficace en matière de santé
exige une coopération sûre entre un
ensemble de spécialités, de secteurs, de
partenaires et d’organismes. En outre, la
santé en tant que valeur reconnue internationalement, peut contribuer à construire
des alliances étendues qui vont au-delà des
frontières nationales, culturelles et ethniques. Ces alliances peuvent, à leur tour,
créer des opportunités pour consolider le
vaste champ de la sécurité humaine.
Priorités des systèmes sanitaires
dans les pays arabes
Il est généralement reconnu que prévenir
les problèmes de santé est beaucoup plus
efficace et moins coûteux que de les traiter après leur apparition. En outre, étant
donné l’importance de la prévention dans
les interventions liées à la santé, elle peut
représenter un point de départ idéal pour
débattre de la sécurité humaine. La prévention peut offrir aux décideurs et aux
180
Rapport arabe sur le développement humain 2009
professionnels de la santé une meilleure
façon d’introduire et d’effectuer des
approches assurant des niveaux de santé
plus élevés, au profit d’un plus grand
nombre de citoyens dans les pays arabes.
L’être humain en est le bénéficiaire principal ; il est également un agent principal
de changement dans les deux domaines
de la santé et de la sécurité humaine. Par
conséquent, les programmes de santé les
plus efficaces sont ceux qui permettent
aux individus et aux sociétés de se sentir
propriétaires de ces programmes. La
même chose s’applique aux interventions
concernant la sécurité humaine, qui insistent sur l’importance de la santé comme
étant une condition sine qua non de la
sécurité humaine.
En outre, mettre l’accent sur la santé
comme étant un droit de l’homme est l’une
des priorités centrales les plus importantes
d’intervention dans les domaines de la santé
et de la sécurité. Les constitutions dans
de nombreux pays stipulent clairement le
droit à la santé. Il est temps d’activer ce
droit en mettant l’accent sur les facteurs
sociaux, économiques et culturels de la
santé et de réformer les systèmes sanitaires
en accordant une importance particulière
aux écarts relatifs à l’accès des citoyens à
ce droit. Et ce, en leur en facilitant les voies
tout en tenant à la bonne qualité des services sanitaires. L’accent devrait également
être mis sur des priorités compatibles avec
des domaines déterminés par le Bureau
régional de l’ouest de la Méditerranée,
attaché à l’OMS. Ces priorités se résument
comme suit :
• Développer les capacités administratives des ministères de la santé.
• Consacrer des fonds équitables et
suffisants au financement des systèmes
sanitaires.
• Assurer des ressources humaines équilibrées en matière de santé
• Permettre à tout le monde d’obtenir
des services de santé fondamentaux.
• Accroître les moyens susceptibles de
présenter les données, de les procurer
et de les utiliser.
• Définir des interventions à des coûts
raisonnables visant les problèmes centraux de la santé.
• Développer des programmes pour
renforcer le niveau de santé.
• Soutenir les initiatives sociétales.
• Protéger et préserver la santé dans les
situations d’urgence et de catastrophe.
• Analyser les facteurs non liés à la
santé mais qui en influencent les
facteurs déterminants, tels que la
mondialisation, la pauvreté, le genre et
l’environnement, tout en profitant des
leçons tirées.
La plupart des réformes des systèmes
sanitaires, ont mis l’accent, jusqu’à ce jour,
sur les aspects techniques de la réforme et
sur l’élaboration des politiques, la prestation des services et les considérations
nationales liées à la santé. De manière
générale, les projets de réforme en matière
de santé dans les pays arabes affirment
que leur objectif est d’améliorer l’équilibre entre le coût, l’efficacité et l’équité.
Cependant, les professionnels de la santé
dans les pays arabes ont noté, en réalité,
que les deux premiers facteurs (le coût
et l’efficacité) ont été l’objet d’un intérêt
plus grand que le troisième (l’équité). En
outre, les auteurs de ce Rapport estiment
que l’équité et l’égalité constituent les
domaines où les interventions sanitaires
doivent se faire si leur objectif était de
renforcer la sécurité humaine. Les premiers bénéficiaires de cette approche sont
les catégories défavorisées, telles que les
pauvres et ceux qui subviennent à leurs
besoins, en particulier les enfants et les
personnes âgées, ainsi que les catégories
vulnérables qui souffrent de l’exclusion,
telles que les réfugiés, les travailleurs
immigrés, ceux qui ont des besoins spéciaux, les minorités et les femmes.
Il y a beaucoup à gagner des alliances
dans le domaine de la santé publique, en
impliquant les organisations de la société
civile et les citoyens qui bénéficient des
services sanitaires. Il serait également
bénéfique d’adopter des dispositifs de prise
de décisions auxquelles le personnel de la
santé lui-même participera et de donner la
priorité à la santé publique tout en renforçant la coopération et la complémentarité
dans le domaine de l’équipement des
services médicaux, aussi bien entre les
États arabes et les institutions médicales
qu’entre ces institutions elles-mêmes.
Il faut également que la notion de
participation aux efforts visant à lutter
contre les pratiques enracinées dans la
culture populaire et portant préjudice à la
santé de la femme soit largement partagée.
Par ailleurs, la solidarité et la coopération
Sondage sur la sécurité humaine –
Impressions répandues et prise de conscience générale
du VIH/sida
Encadré 7-7
À quel point le VIH/sida constitue-t-il une menace dans votre pays ?
Le Maroc est le seul pays où la majorité des réponses considèrent que le
VIH/sida constitue une vraie menace (60 %). En revanche, dans le Territoire
palestinien occupé, un pourcentage similaire estime que le VIH/sida ne
constitue aucune menace. À l’exception du Maroc, 20 % des réponses
dans les trois autres pays reconnaissent que le VIH/sida est une menace
réelle. La moitié des personnes interrogées au Liban estime que la maladie
est une menace, mais maîtrisable. Les Koweïtiens étaient partagés entre
ceux qui pensaient que le sida ne constituait aucune menace et ceux qui
croyaient qu’il était maîtrisable.
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Liban
TPO
Menace principale
Maroc
Koweït
Menace maîtrisée
Aucune menace
Quel est le nombre de voies de transmission du VIH/sida ?
Fait surprenant ! Les Palestiniens qui croient que le virus ne constitue pas
de menace, sont les mieux informés sur la façon dont il est transmis. La
moitié des Palestiniens interrogés ont pu identifier correctement 5 voies
de transmission du virus ; 35 % ont pu en identifier 4. En revanche, le pourcentage de ceux qui ont identifié 5 voies de transmission était de 44 %
environ au Maroc, 27 % au Liban, et 25 % au Koweït. Le taux de ceux qui
pouvaient nommer 4 moyens de transmission était plus élevé au Koweït,
suivi par le Liban. Une observation empirique à tirer de cet échantillon,
certes modeste, c’est l’existence d’un lien réel entre la connaissance du
public de la manière dont se transmet le VIH/sida d’un côté et les faibles
taux d’infection de l’autre.
60
50
40
30
20
10
0
Liban
0
TPO
1
2
Maroc
3
entre les institutions gouvernementales,
les organisations de la société civile, les
hommes de religion, les médias et les associations de femmes constituent un moyen
pour les pays arabes de se débarrasser de
l’accumulation des ignorances, des aspects
négatifs de la culture populaire, et de la
discrimination contre la femme, qui ont
tous ensemble contribué à la pérennisation
La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite
4
Koweït
5
L’équité et l’égalité
sont les domaines
où il convient
d’intervenir en
vue de renforcer la
sécurité humaine
181
de ces situations. L’enseignement joue
un rôle décisif dans la sensibilisation aux
dangers de ces pratiques ; de même qu’il
faut recourir à l’autorité de l’État et aux
textes de loi pour interdire les pratiques
préjudiciables à la santé des enfants et des
femmes, tout en sanctionnant ceux qui les
encouragent ou y participent.
De cette manière, les stratégies nationales de lutte contre le VIH/sida doivent
regarder au-delà des aspects liés uniquement à la santé. Car la maladie se meut
également dans un contexte culturel,
social et économique. Il faut également
abandonner les anciennes orientations
concernant le VIH/sida. Dans ce domaine,
le fait d’avoir échoué à accorder la priorité
qui se doit à ce défi, le déni de son existence, l’étouffement du débat général à
ce sujet, l’attribution de ses causes aux
182
Rapport arabe sur le développement humain 2009
étrangers, l’exploitation des craintes
chez la majorité des gens afin d’accroître
la souffrance des victimes par le biais de
pratiques discriminatoires aggravent la
situation dans les pays arabes. La nouvelle méthode de travail doit commencer
par l’interprétation de ce défi comme
une menace croissante pour la sécurité
humaine individuelle et collective dans la
région. Cette nouvelle méthode doit également avoir la sympathie du public, être
soutenue par la connaissance et fondée sur
l’instruction générale ; Elle doit instaurer
les bases du dépistage volontaire et permettre d’offrir gratuitement le conseil et
le traitement aux personnes séropositives
comme étant une priorité absolue. À cela
doit s’ajouter la nécessité de renforcer la
coopération régionale et internationale
dans ce domaine.
Notes
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
PNUD 1994.
CHS 2003 (en arabe).
Fidler 2003.
Kelle 2007.
OMS 2005 (en arabe).
Kelle 2007.
Gutlove 2002.
Mohammed Fouad et Samer Jabbour 2004 (en arabe).
Tabutin and Schoumaker 2005.
Sauf indication contraire, les données citées dans cette partie sont tirées du Rapport sur le
développement humain 2007/2008, publié par le PNUD. Certains chiffres peuvent différer de ceux
cités dans d’autres sources, comme l’OMS/EMRO. Toutefois, ces différences sont insignifiantes.
UNICEF 2007.
OMS 2007.
Selon l’OMS, les maladies transmissibles ou infectieuses sont causées par des micro-organismes
pathogènes, tels que les bactéries, les virus, les parasites ou les champignons. Ces maladies
peuvent se transmettre, directement ou indirectement, d’une personne à une autre. Les maladies
zoonotiques sont des maladies infectieuses qui peuvent devenir contagieuses si elles sont
transmises à l’homme. Parmi les maladies transmissibles, figurent : le choléra, l’hépatite B et C, la
malaria et la tuberculose. [http ://www.who.int/topics/infectious_diseases/en/]
Iqbal 2006.
Sibai and Alam 1991.
Al-Jawadi and Shatha 2007
Il convient de souligner ici que les effets d’une telle situation sont importants non seulement dans
le cas de décès prématuré ou de la maladie des mâles qui subviennent aux besoins de la famille
mais, également, dans le cas des femmes qui, bien qu’elles ne jouent pas nécessairement un rôle
dans l’économie officielle, offrent néanmoins des services inestimables pour assurer la sécurité et
le bien-être de leurs familles.
Les dépenses de santé coûteuses se définissent comme supérieures ou égales à 40 % du revenu
familial disponible.
Ce mouvement a été critiqué par des membres de la société civile et des activistes, car il invite à
considérer la santé comme un produit plutôt que comme un droit de l’homme.
OMS 2003.
OMS 2005a.
Lafteya El-Sabae, en arabe, document de base pour le rapport.
OMS 2008a.
OMS 2008a.
OMS 2004.
Abdullatif 2006.
Jha and Chaloupka (eds.) 2000.
OMS 2000 (en arabe).
OMS 2006b.
OMS 2005b.
OMS 2005b.
Khadija Moalla, en arabe, document de base pour le rapport.
Banque mondiale 2008b.
ONUSIDA 2006.
ONUSIDA et OMS 2008.
ONUSIDA et OMS 2008.
ONUSIDA et OMS 2005a.
ONUSIDA et OMS 2006b.
ONUSIDA et OMS 2008.
ONUSIDA et OMS 2005a.
ONUSIDA et OMS 2006c.
OMS 2008b.
OMS 2008b.
ONUSIDA et OMS 2005b.
La santé sous l’angle de la sécurité humaine – une approche inédite
183
Chapitre
8
Occupation, intervention
militaire et insécurité
humaine
L’occupation et
l’intervention
militaire exposent
la sécurité humaine
à la violence
sur trois plans :
institutionnel,
structurel et
matériel
L’occupation et
l’intervention
militaire ont des
effets composés
L’occupation et l’intervention militaire exposent la sécurité humaine à la violence
sur trois plans : institutionnel, structurel et matériel1. Sur le plan institutionnel, elles
constituent une violation du Droit international interdisant l’usage de la force entre
États sauf en cas de légitime défense. En outre, elles annulent les lois en vigueur
dans le pays occupé, allant même jusqu’à la formation d’un gouvernement qui se
soucie plus des intérêts de la force occupante que de ceux des citoyens. Sur le plan
structurel, une telle situation peut engendrer de nouvelles conditions influant sur
la répartition des richesses et du pouvoir, ce qui pourrait approfondir la discorde
entre les habitants. Sur le plan matériel, l’occupation ou l’intervention militaire
s’impose par la force, entraînant une résistance par la violence ainsi que de graves
atteintes et dégâts au sein des citoyens du pays occupé, comme parmi les forces
de l’occupant. L’une des conséquences d’une telle situation est l’inhibition de
l’activité économique, la détérioration des moyens de subsistance et des libertés
fondamentales. Ainsi, l’occupation et l’intervention militaire s’opposent aux droits
fondamentaux de l’homme, déstabilisant systématiquement la sécurité humaine,
en même temps qu’elles retardent énormément le développement humain. Telle
est la leçon de l’histoire qui s’applique à toutes les formes d’occupation et
d’intervention militaire, sans exception aucune, aussi bien dans la région arabe
que dans les autres contrées du monde.
Lors de la préparation de ce rapport (fin
2008), trois pays arabes étaient soumis
à l’occupation ou à l’intervention militaire : le Territoire palestinien occupé (la
Cisjordanie et la Bande de Gaza depuis
1967), l’Irak (depuis avril 2003) et la
Somalie (depuis décembre 2006). Le
chapitre présent étudie les origines de l’occupation et de l’intervention militaire pour
ces trois cas ainsi que les effets composés
qui en découlent. Il faudrait, de prime
abord, souligner que les impacts pour ces
trois cas vont au-delà de la violence institutionnelle, structurelle et matérielle. En
effet, l’occupation et l’intervention militaire ébranlent de différentes manières
la sécurité humaine dans les pays arabes,
qu’ils soient voisins ou non. D’abord, elles
génèrent un déplacement transfrontalier
et forcé des populations, ce qui constitue
un défi humanitaire pour les États voisins,
y sème les germes de tension et favorise
l’apparition de groupes extrémistes pouvant recourir à la violence. Ensuite, elles
renforcent l’attrait pour les orientations
prônant la poursuite du cycle de la violence
dans la région. Cela suscite des réactions
portant préjudice aux droits et aux libertés civiles. Enfin, en tant que menace à
la souveraineté nationale, l’occupation
et l’intervention militaire permettent
aux gouvernements arabes de prendre la
protection de la sécurité nationale comme
un prétexte pour retarder la marche de la
démocratie et continuer à gouverner sans
se reporter à la volonté des citoyens.
Origines et raisons
Les résolutions
446 et 452 du
Conseil de sécurité
affirment que
les politiques
suivies par Israël
dans la création
des colonies ne
reposent sur
aucun fondement
juridique
Territoire palestinien occupé : en juin
1967, Israël a occupé des territoires en
Égypte (Sinaï)2 et en Syrie (les hauteurs
du Golan)3, en plus de la Cisjordanie et
Gaza qui étaient respectivement soumises
à l’Administration jordanienne et égyptienne depuis 1948. Les gouvernements
israéliens qui se sont succédé depuis lors
prétendaient être prêts à se retirer de certaines parties de ces territoires en échange
de la paix et de mesures susceptibles de
garantir la sécurité d’Israël. Par ailleurs,
Israël prétend que les formules de la résolution 242 du CSNU (1967) l’autorisent à
garder certaines parties de ces territoires,
car la version originale (anglaise) de cette
résolution fait allusion au « retrait des
forces armées israéliennes des territoires »
occupés en juin 1967, non de tous les
territoires occupés. Cette résolution avait
pourtant affirmé « l’inadmissibilité de
l’acquisition de territoires par la guerre ».
Israël a élargi la sphère de l’occupation
en créant de nouvelles colonies dans ces
territoires. Dans ses deux résolutions 446
et 452 (juillet 1979), le CSNU affirme
que les politiques suivies par Israël dans
la création des colonies ne reposent sur
aucun fondement juridique et demande au
gouvernement et au peuple israéliens de
cesser immédiatement de créer des colonies ou de les construire ou même d’en
projeter l’édification.
L’Irak : le 20 mars 2003, les États-Unis
ont mené une campagne militaire contre
l’Irak. Le régime de Saddam Hussein
est tombé suite à l’invasion de la capitale, Bagdad, le 9 avril 2003. On avança
plusieurs explications à cette campagne,
dont la plus répandue est la suivante :
L’Administration américaine fut poussée
à mener cette campagne préventive en
vue d’ôter à l’Irak ses armes de destruction massive et de contrecarrer le soutien
apporté par le régime irakien à des organisations terroristes hostiles aux États-Unis,
telles qu’al-Qaida4. Les agences de renseignements américaines n’ont pas soutenu
186
Rapport arabe sur le développement humain 2009
de telles justifications avant la guerre ; elles
ne les ont pas confirmées après non plus5.
Au mois de mai 2003, la résolution
1483 du CSNU a considéré les États-Unis
d’Amérique et le Royaume Uni comme
« deux forces occupantes », avec tout ce
que cela suppose en « attributions, responsabilités et engagements, confor­mément
au Droit international ».
En juin 2004, la résolution 1546
du CSNU a considéré la présence des
forces américaines et alliées comme une
réponse à la sollicitation du gouvernement irakien. La période 2004-2006
connut des élections qui aboutirent à la
constitution d’un gouvernement irakien
central. Cette période fut caractérisée par
les efforts déployés essentiellement par
les États-Unis dans le but de rétablir la
loi et l’ordre et d’entamer les travaux de
reconstruction. Cependant, cette évolution importante ne suffisait pas à vaincre
la vague de mécontentement croissant
que le peuple manifestait à l’égard de la
présence militaire. En novembre 2008, les
États-Unis et l’Irak ont signé un accord6
stipulant le retrait des forces américaines
du territoire irakien le 31 décembre 2011.
Dans sa déclaration du 27 février 20097,
le Président américain a annoncé que
« les tâches militaires prendraient fin » le
31 août 2010.
La Somalie : Depuis la chute du gouvernement de Siad Berri en 1991, la Somalie
a subi deux types d’intervention militaire.
La raison déclarée de la première intervention effectuée par les forces américaines
en 1992 était de sauver des centaines de
milliers­de Somaliens souffrant de famine
ou victimes de la guerre entre les deux ailes
du Parti du Congrès de la Somalie unifiée.
L’année suivante, les forces américaines
se sont retirées après que leur mission de
sécuriser les livraisons de ravitaillement
alimentaire urgent a revêtu l’aspect d’une
tâche militaire consistant à restituer
l’ordre, ce qui a abouti à des affrontements
sanglants avec les forces de Mohamed
Farah Aidid (Salah Al-Nasrawi, en arabe,
document de base pour le rapport).
La seconde intervention en Somalie
a eu lieu en décembre 2006, lorsque
les forces éthiopiennes sont intervenues
pour soutenir le gouvernement fédéral
de transition (GFT) contre les forces de
l’Union des cours islamiques (UCI). Ces
dernières avaient réussi à étendre leur
domination à certaines régions du pays,
notamment au sud, et sur la capitale
Muqdisho. Par ailleurs, les forces éthiopiennes ont prétendu être entrées au pays
sur une demande du GFT, comme elles
ont affirmé que leur installation dans ce
pays constituait une simple mesure temporaire en vue de dissuader les menaces de
l’UCI8. À cela s’ajoute le fait qu’il existe
deux mouvements armés s’opposant au
gouvernement éthiopien, œuvrant au sein
de la Somalie et bénéficiant du soutien
de l’Érythrée. Dès l’entrée des forces
éthiopiennes en Somalie, l’Organisation
de l’Union africaine (OUA) a dépêché
une force de maintien de la paix en application de la résolution 1744 prise par le
Conseil de sécurité en décembre 2007.
En décembre 2008, l’Éthiopie a déclaré
qu’elle allait retirer ses forces de la Somalie
après y avoir accompli beaucoup d’actions
pour instaurer la paix et la stabilité9.
Dans les trois cas précédents, l’occupation et l’intervention militaire constituent
une violation du droit international. Ce
dernier, qui représente le cadre référentiel régissant actuellement les relations
entre peuples et nations, interdit en effet
l’occupation par la force des territoires
d’autrui ou le recours à la force militaire
contre un autre État sauf en cas de légitime défense10. L’intervention dans ces
pays revêt une autre caractéristique, celle
d’avoir approfondi les divisions de classes,
les divisions sociales, confessionnelles
et tribales et accentué les tensions et les
conflits qui viennent s’ajouter aux luttes
dans lesquelles baigne le pays.
L’impact de l’intervention
militaire sur la sécurité humaine
I. Menace à la vie
A. L’Irak
Les menaces qui planent sur la vie des
Irakiens sont corollaires de l’insécurité
quasi-totale dans le pays. On peut déceler
les causes immédiates de dégradation de la
sécurité en Irak – depuis l’invasion menée
par les États-Unis – dans l’essence même
de l’intervention militaire ayant entraîné
la polarisation des forces dans ce pays. En
effet, le mécontentement s’est accentué et
s’est largement répandu, notamment dans
les régions du centre et du sud de l’Irak,
à cause des restrictions imposées par
l’occupation aux mouvements et libertés
des habitants. Les décrets édités par le
premier gouverneur provisoire de l’Irak
manquaient de perspicacité. En effet, ils
ont entraîné la dissolution de l’armée et
des forces de l’ordre ainsi que du parti
du Baath dont les membres furent bannis
des sphères gouvernementales, de même
que la dislocation des appareils étatiques
principaux. Cela a abouti à la destruction
effective des institutions qu’il aurait été
possible de solliciter pour le maintien de la
sécurité et de l’ordre dans les circonstances
que connaît le pays. D’autre part, ces décisions ont provoqué la colère et l’animosité
de ceux qui avaient perdu leurs fonctions
et leurs revenus.
Dans de telles situations, l’Irak a
connu des combats sanglants auxquels
ont participé de nombreuses parties et
pour différentes raisons. La conséquence
en était des milliers de victimes. Avec la
croissance de l’anarchie, les forces alliées
présidées par les États-Unis n’ont pas
réussi à honorer leurs engagements quant
à la garantie de la sécurité des citoyens
irakiens dont une grande partie considérait la présence, l’autorité et les tâches de
ces forces comme illégitimes. (Le nombre
de soldats américains ayant participé à
Encadré 8-1
L’intervention
revêt une autre
caractéristique, celle
d’avoir approfondi
les divisions
de classes, les
divisions sociales,
confessionnelles
et tribales
L’Irak a connu
des combats
sanglants auxquels
ont participé
de nombreuses
parties ; la
conséquence en
était des milliers
de victimes
Le cas particulier du Liban
Dans la région arabe, le cas du Liban illustre parfaitement les risques
auxquels sont exposés les citoyens à cause de l’intervention étrangère.
Ce pays a en effet été plusieurs fois victime de l’occupation israélienne,
comme il a souffert de la présence temporaire de forces occidentales –
américaines en 1958, italiennes, américaines, britanniques et françaises
en 1982. Le Liban a également connu la présence syrienne suite à la
sollicitation du Gouvernement libanais, une présence qui a duré de 1976
à 2005. Israël a occupé certaines régions libanaises à plusieurs reprises,
dont la plus atroce et la plus vaste était celle de 1982 dans le cadre de l’affrontement avec l’OLP, lorsque les forces israéliennes ont atteint Beyrouth
pour se retirer par la suite vers le sud du Liban. Bien qu’Israël se soit retirée de la région en 2000, ses raids aériens et attaques armées terrestres
se sont répétées sporadiquement. Pendant l’été 2006, Israël a mené sa
dernière grande attaque qui a duré 33 jours après que le Hezbollah a
franchi la ligne bleue séparant les deux pays, tué trois soldats israéliens et
enlevé deux autres. Les rivalités des puissances étrangères se transposant
dans les affaires intérieures du Liban ont entraîné parfois la paralysie du
Gouvernement et la détérioration de la sécurité aussi bien de l’État que
des citoyens.
Source : Équipe du rapport.
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
187
l’invasion de l’Irak était entre 250 000
en 2003 et 143 000 en septembre 200811,
celui des soldats britanniques entre
18 000 au mois de mai 2003 et 4 100 en
mai 2008)12. Parmi les autres parties ayant
contribué à cette situation se trouvent­ les
agences de sécurité privées. Ces dernières
ont été introduites en Irak pour pallier à
l’insuffisance des forces américaines en
accomplissant certaines de leurs tâches
sécuritaires vitales parallèles. Les estimations du nombre de ces agences de
sécurité privées étaient trop divergentes.
Toutefois, le Bureau fédéral américain
pour les statistiques fait état de l’existence
de 181 entreprises de ce genre, œuvrant
en Irak, avec un effectif atteignant 48 000
personnes13.
Quant aux milices irakiennes, elles
représentent une troisième composante
dans le chaos de ce conflit qui a ravagé
le pays. En font partie des groupes armés
constitués de mouvements islamistes
sunnites, de baathistes et de membres
d’al-Qaida infiltrés en Irak sous prétexte
de combattre la présence militaire américaine. L’une des évolutions importantes
fut la création des Conseils dits de Sahoua
(Éveil) constitués par les cheikhs de
tribus sunnites en 2007 et encouragés
par les forces américaines, dans le but de
combattre les membres d’al-Qaida, actifs
en Irak. Il y a également les milices chiites
dont les plus importantes sont les Brigades
de Badr qui dépendent du Conseil
suprême de la révolution islamique et
l’Armée d’al-Mahdi présidée par Muqtada
Figure 8-1
Nombre de morts violentes par jour en Irak, 2003-2006,
selon trois sources
1 000
900
800
700
600
500
400
300
200
100
0
Mars 2003-avril 2004
Enquête sur
la santé de la
Famille en Irak
Mai 2004-mai 2005
Compte des cadavres
en Irak
Juin 2005-juin 2006
Burnham et autres
Source : The New England Journal of Medicine 2006.
188
Rapport arabe sur le développement humain 2009
al-Sadr. On trouve également les forces
kurdes des Peshmerga qui se chargent de
tâches sécuritaires au Kurdistan, au nord
de l’Irak. Certaines estimations évoquent
le chiffre de 35 milices œuvrant en Irak14,
alors que d’autres avancent le chiffre de
7415. Néanmoins, il n’y a pas de sources
fiables pour confirmer ces informations.
Ces milices sont assez armées et finissent
par se transformer en autorité effective ;
leur influence s’est accrue si bien qu’il
s’avère difficile de coordonner leur action
ou de les intégrer dans un seul État dans
l’avenir.
Deux facteurs ont favorisé la prolifération des milices, à savoir le vide sécuritaire
et politique du pays, et la sélection à base
ethnique adoptée par les forces étrangères,
poussant les forces qui se disputent le pouvoir et les richesses en Irak à asseoir leur
autonomie afin d’obtenir ce qu’elles considèrent comme leur juste part des deux.
Par ailleurs, non seulement ces milices ont
imposé leur domination à la vie publique,
mais elles ont aussi la mainmise sur les
ressources nationales, telles que le pétrole
qu’elles vendent en contrebande hors du
pays pour financer leurs activités.
Cette situation caractérisée par
l’anarchie a entraîné deux conséquences
néfastes : la première est l’attachement
de plus en plus solide des individus à
leurs confessions pour se protéger contre
les autres confessions rivales, avec tout
ce qui s’ensuit en termes de violence. La
deuxième conséquence consiste dans le
retrait de larges couches irakiennes de la
vie publique, la violence et le terrorisme
ayant paralysé leur capacité à s’organiser
politiquement et à œuvrer pacifiquement
en faveur de la patrie unique pour tous
(Salah Al-Nasrawi, en arabe, document de
base pour le rapport). En vérité, l’absence
d’un consensus général quant à la position
à adopter vis-à-vis de l’intervention étrangère a dénaturé le concept de « résistance »
et en a accentué la complexité. C’est
que ce concept reflète un état de gêne
et de perplexité : adopter une position
patriotique dont le souci majeur est l’indépendance, ou bien adopter un point de
vue étroit qui se contente de défendre les
intérêts propres à des groupes et catégories
bien précises au sein du pays.
Les catégories des victimes de la violence sont aussi variées que les formes
de violence subies. La majorité des
victimes de cette situation tragique sont
des citoyens irakiens de confessions,
de croyances et d’origines ethniques
différentes. Mais on trouve également
des étrangers civils travaillant en Irak,
qu’ils soient des fonctionnaires aux
Nations Unies ou aux ambassades arabes
et étrangères, ou même des employés
d’entreprises privées. Des responsables
sécuritaires, des hommes politiques éminents dans le Gouvernement irakien ont
été victimes de la violence. Néanmoins,
les minorités religieuses, notamment les
chrétiens des deux confessions chaldéenne
et assyrienne, les Yazidis et les Sabéens
constituent les couches les plus exposées
à la violence parmi les habitants du pays.
En effet, pour les contraindre à quitter le
pays, ces communautés ont souvent été la
cible d’attaques par des voitures piégées
et des kamikazes (Salah Al-Nasrawi, en
arabe, document de base pour le rapport).
Des années après l’intervention menée par
les États-Unis, les preuves d’une polarisation sectaire se trouvent partout en Irak
où chaque communauté confessionnelle
se barricade dans son quartier résidentiel
pour se protéger des attaques de l’autre,
où les membres d’une confession renient
leur identité ou se déguisent si jamais ils
se trouvent obligés de pénétrer un quartier barricadé d’une autre communauté
confessionnelle que la leur.
Les estimations sont disparates quant
au taux de mortalité des Irakiens pendant la période allant de mars 2003 à
juin 2006. Ainsi, l’organisation Iraq Body
Count (IBC, statistique des cadavres en
Irak)16 qui puise ses sources dans la presse
quotidienne, cite 47 668 cas de décès en
Irak à cause de la violence depuis l’invasion. En revanche, une étude effectuée
par Burnham et d’autres17 – en se basant
sur des informations collectées auprès de
1 849 familles réparties entre 47 échantillons – rapporte que le nombre de décès
a atteint 601 027. Un sondage plus vaste
et plus récent sur la santé de la Famille
en Irak18, effectué par le Gouvernement
irakien et portant sur un échantillon de
9 345 familles entre 2006 et 2007, montre
que le nombre de décès à cause de la violence atteint 150 000. Les figures 8-1, 8-2
et 8-3 illustrent les estimations disparates
des trois sondages mentionnés et celles
d’autres sources.
Figure 8-2
Estimations du taux de mortalité (pour 1 000), toutes
causes confondues, selon la tranche d’âge, le sexe,
avant et après l’invasion*, 2002-2006
Décès (pour 1 000)
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Moins de
15 ans
15-59 ans
(hommes)
15-59 ans
(femmes)
Tous âges
Source : The New England Journal of Medicine 2006
* Pour chaque groupe d’âge : avant l’invasion à gauche ; après l’invasion à droite.
Figure 8-3
Estimations du taux de mortalité à cause de la violence
en Irak (pour 1 000) selon deux enquêtes de terrain*,
2003-2006.
Décès (pour 1 000)
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
Mars 2003-avril 2004
Mai 2004-mai 2005
Juin 2005-juin 2006
Source : The New England Journal of Medicine 2006.
* Burnham et autres à droite ; à gauche, le groupe d’étude pour l’enquête sur la santé de la
Famille en Irak, pour les trois périodes.
Quelles que soient les sources adoptées, il est clair que le nombre de décès,
résultant de la détérioration des conditions
sanitaires ou de la violence, a augmenté
depuis l’invasion. Selon un sondage sur la
santé de la Famille, le taux de mortalité
a en général doublé, passant de 3,17 ‰
habitants avant l’invasion à 6,01 ‰ après.
Quant au nombre de décès résultant de la
violence, il a décuplé, passant de 0,1 ‰ à
1,09 ‰ après l’invasion. Seule la région
du Kurdistan a connu une baisse dans le
taux de mortalité, passant de 3,7 à 3,68
‰ après l’invasion. Par ailleurs, les mortalités dues à la violence – 0,07 ‰ après
l’invasion – étaient moins répandues au
Kurdistan que dans les autres régions
irakiennes. La raison en est que cette
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
La majorité des
victimes de
cette situation
tragique sont des
citoyens irakiens
de confessions,
de croyances et
d’origines ethniques
différentes
189
province jouit d’une certaine autonomie
vis-à-vis du pouvoir central de Bagdad
depuis qu’elle a été proclamée région
interdite aux forces aériennes irakiennes,
plus de onze ans avant l’invasion.
Pour ce qui est des forces étrangères,
4 212 militaires américains ont trouvé la
mort depuis le début de la campagne militaire en mars 2003 jusqu’à janvier 200919,
ainsi que 178 Britanniques dont des
militaires et des civils travaillant au ministère britannique de la Défense jusqu’en
décembre 200820. Le nombre de victimes
au sein des forces de l’ordre irakiennes
était beaucoup plus élevé. Selon un rapport du Congrès américain, le nombre de
morts dans les rangs des forces de l’ordre et
de sécurité irakiennes est estimé à 5 73621
entre juin 2003 et novembre 2006, alors
que les forces américaines auraient perdu
2 196 éléments durant la même période22.
Cependant, la situation a commencé
à s’améliorer progressivement aussi bien
pour les civils que pour les militaires
irakiens, à partir de février 2007. Selon
un site électronique23, les atteintes au sein
des civils ont passé de 1598 en août 2007
à moins de 1 000 en septembre/octobre de
la même année et à moins de 500 victimes
mensuellement au cours de la période
suivante. En février 2008, le nombre de
victimes civiles a atteint 443 personnes.
Quant aux forces irakiennes, le nombre
de morts a diminué à moins de 100 en
août de la même année, contre 232 au
mois précédent. À l’exception du mois
d’octobre 2007, le taux mensuel s’est tenu
Encadré 8-2
à 100 depuis lors. En effet, le nombre
de victimes au sein des forces irakiennes
a atteint 80 personnes en février 2008.
De même, le nombre de morts parmi les
forces américaines a connu une baisse
similaire, atteignant moins de 100 entre
juillet et septembre 2007 et moins de 50
depuis octobre de la même année. Au
début de mars 2008, le nombre de morts
américains avait atteint 4 00024.
Quoi qu’il en soit, le nombre des victimes de la violence en Irak a commencé
à diminuer après septembre 2007. Les
raisons principales ayant contribué à une
telle situation sont : a) l’augmentation du
nombre des forces militaires américaines,
avec un flux imprévu de 30 000 soldats ;
b) la stratégie du Général Petraeus
s’appuyant sur les tribus irakiennes afin
de pourchasser les combattants non
irakiens d’al-Qaida ; c) l’augmentation
et l’entraînement approprié de l’effectif
des forces de sécurité irakiennes ; d) la
trêve annoncée par l’armée du Mahdi,
présidée par Muqtada al-Sadr, en vertu
de laquelle toute attaque contre les forces
américaines et la Brigade de Badr ont été
interrompues, du moins jusqu’à la rédaction du présent Rapport. À cela s’ajoute
le fait que les fortifications ceinturant les
quartiers habités par des communautés
confessionnelles bien déterminées ont
contribué à repousser les autres forces
belligérantes et à réprimer les attaques
interconfessionnelles. Les prochains jours
montreront la nature de l’évolution de la
situation sécuritaire et la dimension de la
Le compte des morts n’est jamais le même en Irak
En 2007, Opinion Research Business (ORB), institution britannique célèbre dans le domaine des sondages d’opinion,
a effectué une enquête dont il ressort que plus d’un million
d’Irakiens ont trouvé la mort à cause du conflit que connaît
leur pays depuis l’invasion menée par les États-Unis en 2003.
Ce sondage, portant sur 2 414 adultes interrogés dans des
rencontres directes, montre que 20 % des gens ont connu
le décès d’au moins un membre de leur famille à cause du
conflit en cours. Le dernier recensement général des habitants effectué en 1997 rapporte qu’il y a en Irak 4,05 millions
de familles. C’est d’ailleurs le chiffre que l’institution a adopté
pour en conclure que 1,03 million de personnes ont succombé
à la guerre.
La marge d’erreur dans le sondage réalisé en août et septembre 2007 équivalait à 1,7 %, ce qui montre que le nombre
de victimes varie entre 258 946 et 1,12 million de personnes.
L’institution avait trouvé que le nombre de morts était de
1,2 million de personnes ; mais elle a décidé d’entamer une
autre étude dans les régions rurales afin que le sondage
soit plus exhaustif. Elle a donc abouti à ce résultat modifié.
L’enquête a couvert 15 des 18 provinces irakiennes, mais n’a
pas englobé les deux régions les plus instables en Irak – à
savoir Karbala et al-Anbâr – et la région d’Arbil au nord du
pays, où les autorités locales ont refusé aux chercheurs d’accomplir leur travail.
Source : Projet du Rapport sur la sécurité humaine, 2008.
190
Rapport arabe sur le développement humain 2009
montée des milices armées après le retrait
progressif des forces américaines de l’Irak.
B. le Territoire palestinien occupé
Les droits essentiels de l’homme sont
souvent violés dans le TPO. Depuis le
déclenchement de l’Intifada d’al-Aqsa
le 29 septembre 2000, ces violations se
sont accentuées. La plu­part des risques
et périls qui menacent la sécurité des
Palestiniens proviennent des forces israéliennes. Depuis quelque temps, les conflits
au sein des organisations palestiniennes
constituent­ une autre menace pour la
sécurité des Palestiniens. En l’absence d’un
compromis politique éventuel avec Israël,
les conflits entre ces organisations ont pris
de l’ampleur, notamment entre le Fath et
Hamas. Ils ont atteint leur paroxysme avec
l’effondrement du gouvernement d’unité
nationale qui avait rassemblé les deux
ailes principales de l’Autorité nationale
palestinienne (ANP). Cet effondrement a
succédé aux affrontements armés entre les
deux camps, ayant pour résultat l’accès du
Hamas au pouvoir à Gaza, en juin 2007.
Le Président de l’ANP a constitué un
gouvernement parallèle à Ramallah. Mais
depuis lors, chacune des deux parties prétend être le représentant légitime unique
du peuple palestinien.
Lors de la préparation de ce rapport
en janvier 2008, la trêve entre Israël et
Hamas avait déjà pris fin. Israël avait en
effet riposté aux missiles que le Hamas
Tableau 8-1
Figure 8-4
Morts à cause de la
violence dans le TPO et en Israël, en
fonction de la nationalité des victimes
et des agresseurs, 2000-2008
8,9%
11,1%
0,2%
0,8%
5,2%
73,2%
0,7%
Palestiniens tués par les forces
de l’ordre israéliennes
Palestiniens tués par des civils israéliens
Civils israéliens tués par des Palestiniens
Éléments des forces de l’ordre
israéliennes tués par des Palestiniens
Ressortissants étrangers
tués par des Palestiniens
Ressortissants étrangers tués par
les forces de l’ordre israéliennes
Palestiniens tués par des Palestiniens
Source : B’Tselem 2008.
avait lancés par une campagne militaire de
grande envergure contre Gaza. Cette ville
souffrait déjà du blocus israélien depuis
que Hamas avait dominé la Bande en
juin 2007. Cette campagne, tant décriée
par l’opinion internationale à cause de
l’usage disproportionné de la force25, a provoqué un nombre considérable de blessés
parmi les civils (dont un chiffre important
Nombre de morts suite aux affrontements dans le Territoire palestinien
occupé et en Israël 2000-2008.
Nature de l’incident
TPO
Israël
Bande de
Gaza
Cisjordanie
Total
634
318
952
3
Mineurs israéliens tués par des Palestiniens
4
35
39
84
Palestiniens tués dans des assassinats ciblés
279
107
386
Palestiniens visés par des assassinats ciblés
151
82
233
Palestiniens tués par des Palestiniens pour suspicion
de collaboration avec Israël
11
109
120
Palestiniens tués par les forces d’occupation
israéliennes et qui ont participé aux combats
1 221
467
1 688
60
Palestiniens tués par les forces d’occupation
israéliennes sans avoir participé aux combats
(exception faite des victimes d’assassinats ciblés)
1 382
840
2 222
5
387
484
871
4
Mineurs palestiniens tués par les forces d’occupation
israéliennes
Palestiniens dont le rôle est inconnu dans le conflit,
tués par les forces d’occupation israéliennes
Source : B’Tselem 2008.
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
191
Encadré 8-3
La campagne militaire contre Gaza
Depuis le début de la campagne militaire israélienne contre la Bande de
Gaza en décembre 2008, et jusqu’à l’accord de cessez-le-feu unilatéral
déclaré par Israël le 18 janvier 2009, puis par Hamas et les organisations
palestiniennes, 1 314 Palestiniens ont trouvé la mort, dont 412 enfants, 110
femmes, en plus d’un plus grand nombre de blessés, selon le ministère
palestinien de la Santé. Le nombre de blessés a atteint 5 300, dont 1 855
enfants et 795 femmes. Les attaques israéliennes ont massivement détruit
les maisons et l’infrastructure générale et détérioré les canalisations
d’eau et les établissements de santé publique et des services médicaux.
Par ailleurs, les écoles dépendant des Nations Unies, auxquelles se sont
réfugiés les déplacés, ont été bombardées. Les ambulances n’ont pas été
épargnées. Certains travailleurs humanitaires ont été tués. Dans plusieurs
cas, les malades et les blessés ont été abandonnés, sans aide ni soin. Le
15 janvier 2009, 90 000 personnes ont été déplacées de leurs maisons.
Des chiffres alarmants de morts et de blessés parmi les enfants :
Depuis le 15 janvier 2009, les enfants constituent 32 % des morts (346).
À peu près 1 709 enfants ont été blessés, dont certains ont été atteints de
plusieurs blessures. Entre 3 et 14 janvier de la même année, la mortalité
infantile a augmenté de 340 %. À Gaza, vivent 800 000 enfants environ,
soit 56 % des habitants de la région, l’une des régions les plus densément
peuplées du monde.
400
Nombre d’enfants palestiniens tués à Gaza
1-15 janvier 2009 (chiffres du ministère de la Santé)
350
300
250
200
150
100
50
0
01-Jan
03-Jan
05-Jan
07-Jan
09-Jan
11-Jan
13-Jan
15-Jan
Invasion
terrestre
Source : UN-OCHA 2009.
Accentuation rapide du déplacement interne : Le nombre des
Palestiniens s’étant réfugiés aux constructions de l’UNRWA au ProcheOrient a augmenté de façon accrue au début de l’attaque terrestre
israélienne le 3 janvier 2009. Le 8 janvier, 16 000 Palestiniens habitaient
dans les bâtiments de l’Agence. Cette dernière procurait déjà le 14 janvier
un abri aux 37 937 déplacés palestiniens dans ses 41 constructions et
installations. Bien que le chiffre exact de ces déplacés ne soit pas encore
connu jusqu’à présent, le Centre al-Mizan pour les droits de l’homme
estime leur nombre entre 80 000 et 90 000, dont 50 000 enfants.
14-01-2009
13-01-2009
12-01-2009
11-01-2009
10-01-2009
09-01-2009
08-01-2009
07-01-2009
06-01-2009
05-01-2009
04-01-2009
03-01-2009
Nombre de Palestiniens dans les refuges de l’UNRWA
à Gaza 2-14 janvier 2009
02-01-2009
40 000
35 000
30 000
25 000
20 000
15 000
10 000
5 000
0
Sources : UN-OCHA 2009.
192
Rapport arabe sur le développement humain 2009
d’enfants et de femmes) qui souffraient
déjà des effets néfastes du blocus. Le
18 janvier 2009, Israël a annoncé un cessez-le-feu unilatéral, qui a été également
annoncé par le Hamas et les organisations
palestiniennes le même jour.
Plusieurs sources ont confirmé les
violations des droits des Palestiniens à la
vie et à la liberté. Le présent chapitre se
base essentiellement sur les communiqués
rapportés par l’organisation israélienne des
droits de l’homme (B’Tselem) qui fait état
d’un nombre de violations beaucoup plus
grand que tous ceux qui ont été présentés
par les organismes palestiniens des droits
de l’homme, voire par les instances palestiniennes elles-mêmes. B’Tselem offre les
informations suivantes sur le nombre des
Palestiniens et Israéliens ayant trouvé la
mort à cause de la violence en Cisjordanie,
à Gaza et en Israël :
La figure 8-4 détaille par nationalité
des victimes et des agresseurs, d’un total
de 5 970, le nombre des morts par violence
dans le Territoire palestinien occupé et en
Israël entre 2000 et 2008. Il y avait 4 908
morts parmi les Palestiniens et 1 062 parmi
les Israéliens. B’Tselem détaille également
les incidents ayant occasionné des morts,
en majorité parmi les civils palestiniens,
comme le montre le tableau 8-1.
La lutte entre les différentes
parties palestiniennes antagonistes a provoqué la mort d’un très grand nombre de
Palestiniens. Cependant, les victimes de
ces conflits dont le nombre s’élève à 594
ne représentent qu’un faible pourcentage
de la totalité des personnes tuées par les
Israéliens26. Cette remarque ne signifie
en aucun cas que la violence au sein des
milieux palestiniens est moins dangereuse
mais vise seulement à situer les faits
dans leur contexte réel. En effet, d’après
le Bureau palestinien central des statistiques27, le nombre global des Palestiniens
atteints par munitions vives, par balles
de caoutchouc, par gaz ou par d’autres
armes était de 32 569 dans le Territoire
palestinien occupé entre janvier 2000 et
mars 2008.
C. La Somalie
Depuis la chute du régime de Siad Berri
en 1991, la Somalie n’a jamais retrouvé
la stabilité. Tout au long de cette période
écoulée depuis lors, beaucoup d’efforts
africains, arabes ou onusiens n’ont pas
réussi à instaurer un gouvernement unifié
capable de maîtriser le pays, notamment les
régions qui jouissent d’une autonomie en
Somaliland au nord-ouest et en Puntland
au nord-est. Lorsque le GFT a été constitué en 2004, il avait d’abord à œuvrer en
dehors de Baidoa, au centre du pays. Par
ailleurs, il n’avait pu consolider sa présence
et s’imposer dans la capitale que grâce au
Encadré 8-4
concours des forces éthiopiennes. À l’issue
de l’effondrement du régime de Siad Berri,
une vague de violence a éclaté. Plusieurs
parties locales y ont pris part, dont les
nombreuses milices constituées par les
chefs locaux ou « seigneurs de guerre »,
l’armée somalienne et les forces de l’UCI.
Les affrontements violents en Somalie ont
opposé les milices l’une à l’autre, l’UCI
aux milices et au GFT et, finalement, les
forces éthiopiennes soutenues par les raids
aériens américains à l’UCI.
Après l’entrée des forces éthiopiennes à
Muqdisho en décembre 2006 pour soutenir le gouvernement fédéral de transition,
AbdelQawi A. YusUf* – La Somalie : un État assiégé
En Somalie, il y a un État assiégé. Cette entité, fondée le
1er juillet 1960 suite à l’unification des régions qui étaient
jusqu’alors sous la tutelle des Administrations anglaise et
italienne, risque de se disloquer à cause des tempêtes qui
l’assaillent. Le gouvernement fédéral de transition (GFT), issu
du 13e congrès pour la réconciliation tenu en 2004, poursuit
ses efforts pour asseoir sa domination et réinstaurer la paix
et la stabilité à Muqdisho, tout en continuant sa lutte contre
les bandes du crime organisé, les anarchistes, les extrémistes
islamistes et les séparatistes qui s’opposent à la relance des
institutions gouvernementales.
Dans de telles conditions, la Somalie demeure un pays
menacé de détérioration au point de finir dans un stade
primitif de la nature où, pour reprendre l’expression du
philosophe anglais Thomas Hobbes, la vie de l’homme est
« solitaire, pauvre, désagréable, brutale et brève ». Certains
vont jusqu’à considérer que la Somalie a déjà atteint ce stade.
Comment alors la situation s’est-elle détériorée à ce point et
aussi cruellement ? Dans tous les pays, la préservation de la
sécurité humaine incombe à l’État, à ses institutions et à ses
appareils. Si donc l’État lui-même est disloqué et vraiment
instable, il est difficile d’imaginer comment il pourrait assumer ce rôle vital pour son peuple.
Après la chute de la dictature de Siad Berri en 1991, l’État
s’est réellement replié pour devenir une miniature de ce qu’il
était. Son autorité a failli se limiter à Muqdisho, la capitale
du pays. Ayant duré plus de deux décennies, le régime totalitaire répressif a fini par reléguer l’État et ses institutions aux
ruines de l’Histoire. Pire encore, les rebelles qui ont conquis
la capitale n’y ont semé que ravage et destruction. En effet,
ils y ont commis de monstrueux carnages, fusillé les civils
uniquement pour leur appartenance tribale. La pourriture
a prédominé alors que le pillage des biens de l’État et des
propriétés privées n’a fait que s’accentuer. Les banques et
les musées ont été pillés, les édifices et les archives de l’État
saccagés, les industries et les entreprises publiques démantelées et vendues à l’étranger. Le pillage n’a épargné ni les
câbles électriques ni les canalisations d’eau. Tout ce qui a de
la valeur a été volé dans le seul but d’enrichir les seigneurs de
guerre à Muqdisho et de financer leurs milices.
Depuis lors, la Somalie s’est scindée en deux provinces :
la première, échappant à tout contrôle, est devenue le siège
de l’anarchie et un fief des bandes du crime organisé et
des hors-la-loi appelés aussi « parasites » (Moryaan) et des
extrémistes islamistes. Les efforts de toutes ces composantes
ont concouru pour entraver le fonctionnement des institutions étatiques. La seconde province comprend les régions
autonomes nord-est et nord-ouest du pays, c’est-à-dire respectivement Puntland et Somaliland. Le Puntland qui exerce
officiellement son autonomie, prétend faire partie intégrante
de la Somalie. Quant au Somaliland qui a un gouvernement
élu par le peuple, il a déclaré son indépendance vis-à-vis de
la Somalie en 1992 bien que son nouveau statut ne soit pas
encore reconnu par la communauté internationale.
Bien que la séparation du Somaliland constitue un défi
pour le GFT, c’est le rôle assigné à ce dernier dans cette
province où règnent l’anarchie et l’insécurité qui représente
le plus grand danger aussi bien pour l’État et ses institutions
en Somalie que pour les pays voisins et la communauté
internationale. Dans cette contrée ravagée par l’insécurité,
les intérêts sont contradictoires et les pratiques courantes
variées : vente des rebuts d’entreprises étrangères, importation de médicaments et produits alimentaires périmés,
organisation de camps d’entraînement pour les terroristes,
trafic de stupéfiants, pillage des propriétés privées. Dès
lors, cette alliance de bandes organisées et d’extrémistes
islamistes craint par-dessus tout que les institutions de l’État
ne deviennent de nouveau opérationnelles.
Tant que le GFT n’a pas réussi à restaurer la loi et l’ordre
dans cette région où règne l’anarchie, la sécurité humaine
demeurera illusoire en Somalie. Ceci requiert l’aide concertée
de l’OUA et de l’ONU et des négociations réussies avec les
deux entités autonomes, Somaliland et Puntland, dans le but
de constituer un État somalien démocratique et décentralisé.
* Expert juridique international de Somalie.
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
193
L’ampleur de la
crise somalienne
actuelle a dépassé
de loin ce que le
pays a éprouvé
durant la dernière
décennie
Les enfants sont
victimes de la
violence armée
dans plusieurs
régions en Somalie
194
les conflits armés se sont accentués, détruisant la capitale et ravageant le pays en
général. Lors de la préparation du présent
rapport, l’ampleur de la crise somalienne
a dépassé de loin ce que le pays a éprouvé
durant la dernière décennie. Selon les rapports de Human Rights Watch28, l’effusion
de sang des 2 dernières années a fait plus
de victimes que les 16 années précédentes
d’apatridie et de luttes. En effet, les combats entre les belligérants voulant dominer
la capitale ont presque détruit la ville et
sacrifié des milliers d’habitants. Du début
de 2008 à la fin de septembre de la même
année, plus de 2 200 blessés de guerre ont
été soignés à l’hôpital de Médina et à celui
de Keysaney à Muqdisho. Des dizaines
de milliers de citoyens ont été contraints
à l’exode.
Depuis les débuts de 2007, toutes les
parties du conflit à Muqdisho bombardent
presque quotidiennement les quartiers de
forte densité. L’artillerie aussi bien que les
mortiers et les roquettes Katioucha ont
été employés de façon aléatoire si bien
que l’on pourrait croire que les tireurs ne
visaient guère de cible militaire précise ni
veillaient à épargner les civils29.
Selon le rapport du Secrétaire général
de l’ONU sur les enfants et le conflit armé
en Somalie30, ces derniers constituent les
principales victimes de la violence armée
dans plusieurs régions du pays, no­tamment
ceux qui vivent dans des colonies de PDI
jouxtant des édifices militaires ou gouvernementaux. Entre le 16 mars 2007 et
le 15 mars 2008, le nombre des victimes
a cruellement augmenté parmi les civils,
notamment à Muqdisho, à cause de la
violence entre le GFT et les forces éthiopiennes d’une part et les groupes hostiles
au gouvernement – y compris le groupe
« al-Shabaab », les éléments restants de
l’UCI, la « Hawiya » et d’autres milices
claniques – d’autre part. En effet, 1 850
blessés par les armes, dont 217 enfants,
ont bénéficié de soins dans l’hôpital de la
capitale. Les Observatoires de protection
de l’enfance ont enregistré le décès de plus
de 125 enfants entre le 16 mars 2007 et
le 15 mars 2008, contre 82 cas de décès
enregistrés durant la même période
entre 2006 et 2007. Au cours des premiers
mois de 2008, les enfants ont été exposés à
des risques plus grands encore, à cause des
bombardements anarchiques, des attaques
aux roquettes et aux fusils. Dans la seule
Rapport arabe sur le développement humain 2009
période de février à la mi-mai 2008, et
lors des échanges de tirs dans deux seuls
quartiers de Muqdisho, 33 enfants, dont
plusieurs au-dessous de 10 ans, ont été
portés blessés graves. En outre, les observatoires de protection des enfants ont
rapporté que des enfants avaient été blessés ou tués, à cause des échanges de tirs ou
d’attaques aux roquettes ou aux grenades,
alors qu’ils étaient chez eux, jouaient au
football dans la rue, se rendaient au marché ou étaient sur leur chemin de retour
de l’école.
Les comportements de toutes ces parties, sans exception, semblent suspects. En
effet, elles n’ont réussi ni à avertir les civils
des éventualités des combats ni à mettre
fin aux razzias ni à encourager les efforts
déployés pour sauver les gens en détresse.
À cela s’ajoute le fait qu’elles ont maltraité
des dizaines de séquestrés au cours de
campagnes d’arrestation massive31.
II. Menace pour la liberté
La détention arbitraire illégale constitue
non seulement un autre danger menaçant
la sécurité humaine dans ces trois pays,
mais une violation du droit fondamental de
l’homme à la liberté. Plusieurs événements
d’arrestation, d’emprisonnement ou de
séquestration et d’enlèvement ont eu lieu
de façon arbitraire sans distinction de cas.
C’est la situation qui prévaut aussi bien en
Somalie qu’en Irak où les forces gouvernementales et les milices antagonistes ne
cessent de commettre de telles violations.
A. L’Irak
Citant le ministère des Droits de l’homme
à Bagdad, la Mission d’assistance des
Nations Unies en Irak (MANUI) affirme
que le nombre des détenus, des arrêtés
pour raison sécuritaire et des prisonniers
purgeant des peines dans le pays, a atteint
50 595 personnes à la fin de juin 2008. Le
chiffre le plus élevé, 56 320, a été enregistré fin mars 2008. Selon le rapport précité,
23 229 étaient détenus par les forces multinationales, 17 152 par le ministère de la
Justice, 613 par le ministère du Travail et
des Affaires sociales, 5 535 par le ministère
de l’Intérieur, 1 060 par le ministère de la
Défense32. De plus, selon Human Rights
Watch (HRW), les forces multinationales
en Irak capturaient encore le 12 mai 2008
quelque 513 enfants irakiens considérés comme « un danger certain pour la
sécurité », de même qu’elles ont délivré
un nombre inconnu d’enfants à l’autorité
irakienne. HRW souligne également que
les enfants captifs chez les autorités irakiennes sont exposés à des sévices33.
Toujours selon HRW34, l’augmentation du nombre des personnes détenues
par les autorités irakiennes et les forces
multinationales à travers l’Irak – comme
le montre le tableau 8-2 – constitue l’une
des conséquences de ces législations
irakiennes dont l’interprétation du terrorisme a été une base juridique principale
des arrestations et poursuites découlant
du « Plan de sécurité de Bagdad »35. Ce
plan initié en parallèle avec la croissance
des forces américaines en 2007, a engendré
l’accentuation rapide du nombre des détenus aussi bien par les autorités irakiennes
que par les forces multinationales.
Les conditions atroces de détention
en Irak sont devenues un phénomène de
mauvais renom. En juin 2007, la MANUI
a exprimé son inquiétude à propos de la
détention de suspects, pour de longues
durées par les forces multinationales, sans
les présenter devant la justice. La mission
onusienne s’inquiétait également à propos
des mesures de révision administrative ne
remplissant pas les conditions juridiques
qui garantissent aux détenus le droit à
un procès équitable, conformément aux
normes internationales36. Par ailleurs,
certaines prisons gérées par les ministères
irakiens ont revêtu l’aspect d’établissements secrets de détention. Ce sont les
forces américaines qui les ont dévoilées.
Tableau 8-2
Or, les mêmes forces américaines ont
parfois pratiqué la torture à leur tour, ce
qui a suscité une vague de protestations
à travers le monde, notamment lorsque
quelques chaînes de télévision ont diffusé
des scènes de torture infligées aux prisonniers d’Abou Ghraib. En février 2007, le
Premier ministre irakien a promulgué un
édit dotant les chefs militaires de plus
grands pouvoirs pour arrêter les gens et
limiter leur droit d’expression et de réunion. Le droit d’arrêter une personne sans
même un mandat d’arrêt n’était qu’un des
pouvoirs accordés aux chefs militaires au
nom de la prévention contre toute escalade
du conflit. Les conditions de détention
et les pratiques qui les caractérisent
constituent des facteurs ayant accentué
les tensions politiques. Cela a poussé les
forces militaires étrangères et le gouvernement irakien à entamer la suppression
des prisons secrètes et à entreprendre la
rationalisation des mesures de détention
vers la fin de 2007.
L’enlèvement constitue, quant à lui,
une autre violation de la liberté. Le rapport de la MANUI, ayant trait à la période
de juin 2006, note que l’enlèvement est
devenu l’un des crimes les plus répandus
en Irak. Les ravisseurs demandent des
sommes gigantesques aux familles de
leurs otages ou expriment même des
revendications politiques aux pays dont les
otages sont originaires quand ces victimes
sont étrangères. Pire encore, les ravisseurs
tuent parfois leurs otages bien qu’ils
re­çoivent des rançons. C’est le cas aussi
pour les étrangers dont les pays ne donnent
pas suite aux revendications des ravisseurs
Nombre total des détenus à travers l’Irak et des détenus par les forces
multinationales, 1er janvier 2006-30 juin 2008
Période
Nombre de détenus, de personnes
arrêtées ou condamnées à des
peines de prison à travers l’Irak
Nombre de séquestrés par
les forces multinationales
1er janvier-28 février 2006
29 565
14 229
1er mars-30 avril 2006
28 700
15 387
1  mai-30 juin 2006
25 707
12 616
er
1  juillet-31 août 2006
35 542
13 571
1er septembre-31 octobre 2006
29 256
13 571
1  novembre-31 décembre 2006
30 842
14 534
1er janvier-31 mars 2007
37 641
17 898
1er avril-30 juin 2007
44 325
21 107
1er janvier-30 juin 2008
50 595
23 229
er
er
Source : MANUI 2006, 2007, 2008 (cf. les références statistiques).
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
195
ou lorsque certains problèmes ne sont pas
réglés avec les gouvernements des États
concernés. À ce propos, la MANUI a reçu
des rapports sur des enlèvements à caractère clanique comme sur une complicité
entre les ravisseurs et la police37.
La détention,
l’emprisonnement
et l’enlèvement
représentent la
deuxième violation
dangereuse des
droits de l’homme
dans le Territoire
palestinien occupé
Environ 10 000
personnes
sont encore
emprisonnées
dans trente centres
de détention
Les détentions
sans procès
et les mauvais
traitements des
prisonniers sont
pratiqués par
toutes les parties
somaliennes
impliquées
dans le conflit
196
B. Le Territoire palestinien occupé
La détention, l’emprisonnement et l’enlèvement représentent la deuxième violation
dangereuse des droits de l’homme dans le
TPO. Amnesty International affirme que
les autorités israéliennes ont arrêté des
milliers de Palestiniens depuis le début de
ce siècle. Environ 10 000 personnes sont
encore emprisonnées dans 30 centres de
détention, selon le ministère des Affaires
des prisonniers et des libérés auprès de
l’ANP38. Certains détenus, privés de leur
liberté durant de longues années, ont été
jugés par des tribunaux militaires dont
les procédures ne s’accordaient nullement
avec les normes internationales de la justice. D’après les estimations d’Amnesty,
700 personnes se sont vues condamnées
à la détention préventive en 2007, ce qui
signifie qu’ils étaient emprisonnés sans
chefs d’accusation et sans comparaître
devant un tribunal.
L’ordre de détention préventive émane
de l’autorité militaire israélienne pour une
durée de six mois prolongeable sine die.
Alors que l’autorité israélienne prétend
qu’une telle mesure repose sur l’article 78
de la quatrième Convention de Genève
relative à la protection des civils en temps
de guerre et autorisant les forces d’occupation à capturer des personnes pour
des « raisons impératives de sécurité »,
Amnesty International considère que le
traitement réservé par Israël aux détenus
pour de telles raisons s’oppose non aux
normes internationales des droits de
l’homme mais aussi aux clauses mêmes
de l’article 78 auquel il se réfère. En effet,
Israël a transgressé les clauses dudit article
en faisant de cette mesure préventive
exceptionnelle une pratique courante dont
l’objectif est de sanctionner les personnes
suspectées par l’institution militaire
d’œuvrer contre les intérêts israéliens39.
Par ailleurs, Amnesty International
souligne que les gouvernements de la
Cisjordanie et de la Bande de Gaza
dans le TPO portent atteinte aux droits
des Palestiniens résidant dans leurs
zones respectives, notamment après les
Rapport arabe sur le développement humain 2009
affrontements armés entre le Fath et
le Hamas en 2007. Les conditions des
droits de l’homme en Cisjordanie se sont
manifestement détériorées. En effet,
l’arrestation arbitraire de personnes suspectées d’appartenir au Hamas par les
forces de l’ordre palestiniennes est devenue
monnaie courante. Les détenus subissent
souvent la torture ou d’autres formes de
maltraitance. À Gaza, le même sort est
réservé aux personnes arbitrairement
capturées par les forces du Hamas. Ainsi
les prémices d’une certaine amélioration
ayant caractérisé la situation sécuritaire
se sont estompées suite à l’accession du
Hamas au pouvoir en Cisjordanie40.
C. La Somalie
À la lumière de l’accentuation des risques
qui continuent à menacer la sécurité
humaine en Somalie, les restrictions des
libertés des civils ne se réduisent pas
uniquement à l’arrestation et à l’emprisonnement. Rien ne prouve non plus que
la loi soit respectée. Au contraire, il règne
un état d’anarchie et de transgression
de la loi, un dysfonctionnement quasi
général et une précipitation même dans
les mesures répressives où les parties
antagonistes recourent souvent à des
méthodes violentes. En effet, les instances
judiciaires ne sont pas bien établies dans
la plupart des régions du pays, ne sont
pas basées sur des lois codifiées ou sont
simplement inexistantes. Dans de telles
conditions, les informations puisées aussi
bien dans la presse africaine qu’auprès des
organisations des droits de l’homme n’indiquent pas un taux élevé d’arrestations et
d’emprisonnements arbitraires, malgré les
pratiques effectives de détention sans procès et de maltraitances que subissent les
prisonniers de la part de toutes les parties
somaliennes impliquées dans le conflit. À
Muqdisho par exemple, les opposants sont
jetés en prison pour délit d’opinion hostile
au gouvernement ou simplement parce
qu’ils sont suspects de commettre des
actes contraires à l’Islam. Au Somaliland,
le gouvernement a arrêté des journalistes et persécuté d’autres. Il est devenu
habituel de voir fouetter, dans les places
publiques41, un individu considéré comme
coupable ou même un suspect.
Selon HRW42, les fonctionnaires du
GFT procèdent souvent à l’arrestation des
résidents à Muqdisho pour la simple raison
qu’ils sont suspectés d’avoir des relations
avec les rebelles. Et le plus souvent aussi,
les personnes arrêtées subissent des sévices
corporels lors des interrogatoires auxquels
ces fonctionnaires les soumettent.
III.Menace pour les conditions
économiques et les moyens de
subsistance
Il ressort des trois cas exposés que l’occupation, l’intervention militaire et les diverses
formes de violence qui en dé­coulent
constituent de sérieux handicaps portant
préjudice à la situation économique,
comme le montre cette section.
A. L’Irak
Il n’est pas prévu à court terme que
l’économie irakienne soit relancée dans
ces conditions où prédominent l’insécurité, les luttes intestines et les effets des
changements économiques très rapides
ayant eu lieu après 2003. Par ailleurs, le
régime baathiste révolu n’avait pas valorisé le potentiel considérable de l’Irak.
Il n’a en fait laissé derrière lui qu’une
économie affaiblie par un ensemble de
facteurs : les années de guerre et les sanctions, la mauvaise gestion économique, le
développement non durable et instable,
l’effondrement de l’infrastructure et des
institutions ainsi que la rareté des opportunités en faveur des projets privés (Salah
Al-Nasrawi, en arabe, document de base
pour le rapport).
Cependant, si mauvais qu’il soit, le
legs économique demeure incomparable à
l’effondrement qui a succédé à l’invasion
menée par les États-Unis. En effet, la
légère relance de l’économie qui a eu lieu
depuis la moitié de 2007 n’a pas eu un effet
concret sur le niveau de vie en général. Les
rapports de la Banque mondiale montrent
que le PIB de l’Irak a diminué de 11,4 %
annuellement dans la période 2000-2006.
Cette détérioration est l’une des conséquences d’une chute de la production
industrielle de 17 % annuellement, et
d’une chute de 3,6 % de la production
agricole. Les industries de transformation
ont connu à leur tour une chute annuelle
de 12,8 %43.
Une étude effectuée par le Conseil
des affaires étrangères aux États-Unis44
décrit l’économie irakienne comme étant
accablée par le chômage, la lenteur du
développement et la chute des revenus
du pétrole par rapport au seuil attendu.
Des 20 milliards d’USD réservés par les
États-Unis à la relance de l’économie en
Irak, seuls 805 millions d’USD ont été
déboursés jusqu’à la fin de 2007. Durant
cette même période, le PIB n’a pas dépassé
le taux des 4 %, bien que les estimations
soient disparates à ce sujet. L’une des
raisons en est que les revenus du pétrole
irakien, estimés à 3 milliards d’USD
mensuellement sont nettement inférieurs
au volume des réserves pétrolières considérables du pays.
Selon l’OIT45, différentes sources se
rapportant à la période 2004-fin 2006
affirment qu’entre 1,3 et 2 millions de la
force active irakienne sur un ensemble de
7 millions étaient au chômage. Le taux de
chômage parmi les jeunes entre 15 et 24
ans a atteint 30 %, c’est-à-dire presque le
double du taux global.
Des sources du marché du pétrole
disent que la production pétrolière en
Irak a enregistré une hausse à partir de
mars 2008 sans pour autant atteindre le
niveau escompté jusqu’à présent. En effet,
la production est passée de 2,290 millions de barils par jour en janvier 2008 à
2,4 millions en février de la même année.
Néanmoins, elle a de nouveau connu une
baisse en atteignant 2,37 millions de barils
par jour au mois de mars 200846. La même
étude évoque quelques changements
positifs dans l’économie irakienne en rapportant l’avis de certains analystes selon
lequel le taux de développement effectif a
atteint 17 %, les salaires ont doublé depuis
2003, les marchandises sont disponibles
sur le marché, à un prix inférieur et le
nombre d’abonnés à la téléphonie mobile
et au Net est monté en flèche. Ces études
louent également l’essor que l’économie
a connu dans la province du Kurdistan
au nord du pays ; mais elles finissent par
reconnaître qu’en général le niveau de
vie demeure en dessous de ce qu’il était
avant l’occupation et que la production
pétrolière maximale avant la guerre était
supérieure au niveau atteint en 2007,
quatre ans après l’invasion.
L’étude du Conseil des affaires étrangères aux États-Unis47 impute la faible
performance de l’économie irakienne à
4 facteurs, tous en rapport avec l’intervention militaire :
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
Le PIB de l’Irak a
diminué de 11,4 %
annuellement dans
la période allant
de 2000 à 2006
Le niveau de vie
en Irak demeure
en dessous de ce
qu’il était avant
l’occupation
La production
pétrolière maximale
avant la guerre
était supérieure
au niveau atteint
en 2007
197
Figure 8-5
Tendances de la production de pétrole
(en millions de barils par jour) 2000-2007
Millions de
barils par jour
3
2,5
2
1,5
1
0,5
0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Production du pétrole en Irak
Source : EIA 2208.
1. L’insécurité : les investisseurs du secteur privé préfèrent ne pas investir
vu les conditions sécuritaires aussi
aléatoires que risquées et parce que
les précautions nécessaires retardent
les transports, augmentent le coût de
production et celui de la réalisation des
travaux en général.
2. Le trafic de pétrole : La contrebande en
matière de pétrole entraîne la sous-production de cette source d’énergie. Un
rapport publié par le Bureau de comptabilité du gouvernement américain
en mai 2007 estime que la quantité de
pétrole vendue quotidiennement en
contrebande depuis 2003 serait d’une
valeur de 5 à 15 millions d’USD, ce
qui équivaut à 10 000 jusqu’à 300 000
barils par jour. La complicité des responsables corrompus, des trafiquants et
des rebelles est établie. Dans certaines
régions au sud de l’Irak, les trafiquants
peuvent gagner jusqu’à 5 millions
d’USD par semaine. Malgré le déboursement de 7,4 milliards d’USD pour la
reconstruction des secteurs du pétrole
et de l’électricité, la production de ces
deux secteurs demeure en deçà de ce
qu’elle était avant la guerre.
administrative :
Avec
3. L’inertie
l’accentuation de l’insécurité, de la
198
Rapport arabe sur le développement humain 2009
corruption et de la dislocation sociale,
les instances gouvernementales se
retrouvent incapables de s’acquitter
convenablement de leurs tâches. Le
problème s’amplifie avec l’augmentation du nombre des fonctionnaires de
l’administration publique – cela avait
déjà commencé avec le démantèlement
du corps gouvernemental du temps
de l’administration du Gouverneur
provisoire de l’Irak – et à cause de
l’insuffisance des fonctionnaires expérimentés et compétents.
4. La fuite des cerveaux : L’intervention
militaire et ses conséquences ont
entraîné la fuite hors du pays de
quelque deux millions de professionnels irakiens compétents, dont des
ingénieurs et des médecins. Certaines
estimations avancent le taux de 40 %
en parlant des professionnels irakiens
ayant fui le pays. Par ailleurs, un aspect
de la violence enraciné dans la division
des classes fait que les milices prennent
à partie les professionnels. En 2003
par exemple, 2 000 médecins irakiens
environ ont trouvé la mort. Les rapports de l’UNICEF notent que le taux
de scolarisation en Irak a diminué de
45 % entre 2005 et 2007 à cause de ce
phénomène de « professeurs disparus ».
Une autre étude48 attribue la récession
économique aux mesures prises par les
forces américaines. Aussi affirme-t-elle
que la faible performance économique du
pays est due à la destruction de l’infrastructure en Irak au cours de la première guerre
du Golfe en 1991, puis la guerre contre
l’Irak en 2003. La destruction massive
issue de la dernière guerre – caractérisée
par les attaques fréquentes des centrales
électriques et d’autres équipements – a
compliqué la mission de reconstruction
suite à l’invasion de l’Irak en 2003.
Le document annexe concernant
l’Irak dans le présent rapport a montré
les conséquences de la corruption ayant
participé à dilapider les ressources du pays
(Salah Al-Nasrawi, en arabe, document
de base pour le rapport)49. Quelques
semaines après l’occupation, la pourriture
a commencé à se répandre comme elle
ne l’a jamais été auparavant, si bien que
Transparency International a classé l’Irak
en 2008 au deuxième rang sur la liste des
180 pays affectés par la corruption des
secteurs public et privé50.
Tableau 8-3
B. Le Territoire palestinien occupé
Plus de quarante ans d’occupation et
d’expansion des colonies israéliennes ont
empêché les Palestiniens de gérer leurs
affaires et entravé tous les plans visant à
instaurer une économie susceptible de
répondre à leurs besoins essentiels.
Selon le rapport présenté par le
Secrétaire général de l’ONU à l’Assemblée­
générale et publié en mai 200851, la
construction des colonies se poursuit en
Cisjordanie sous l’égide de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la
guerre de 1967. En 2007, il y avait plus de
450 000 colons résidant dans 149 colonies
en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.
Conformément aux sources des Nations
Unies, l’infrastructure israélienne mise au
service des colonies couvre actuellement
environ 40 % de la Cisjordanie, routes,
obstacles, zones tampon et bases militaires
inclus52.
En juin 2002, Israël a entamé la
construction d’un mur le long de la ligne
la séparant de la Cisjordanie. Lorsque le
mur sera achevé, 10,2 % des terres de la
Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est,
seraient isolées et reliées directement à
Israël sur le plan géographique53. En 2004,
la Cour internationale de justice a publié
sa décision consultative postulant que
le mur constitue une violation du droit
international. Actuellement, les autorités
israéliennes continuent à violer l’autonomie de l’ANP en monopolisant les réseaux
de communications et de transport, les
passages frontaliers, les aéroports et de
grandes superficies de terres. En outre,
elles entravent la liberté des Palestiniens
en leur imposant de passer par des postes
de contrôle. En septembre 2007, il y avait
607 postes de contrôle en Cisjordanie54
où les Palestiniens étaient contraints à
s’arrêter pendant de longues heures dans
l’attente d’être fouillés avant qu’on leur
permette de circuler vers leur destination,
sans que leurs besoins et leurs urgences ne
soient pris en considération55.
D’autres
pratiques
israéliennes
ont porté préjudice à la capacité des
Palestiniensquant à la gestion de leurs
propres affaires économiques de façon
régulière, stable et sûre. Ceci concerne
en vérité aussi bien les salariés que les
gens d’affaires. En effet, la politique de
bouclage au TPO paralyse l’activité des
Nombre des bâtiments endommagés dans le Territoire
palestinien occupé entre 2000 et 2007, selon la gravité
des dommages
Nombre de
bâtiments
partiellement
détruits
Nombre de
bâtiments
totalement
détruits
Nombre de
bâtiments
publics
détruits
Nombre de
bâtiments
de sécurité
détruits
Total
Cisjordanie
42 752
2 855
155
83
45 845
Bande de
Gaza
26 578
5 248
88
..
31 914
69 330
8 103
243
83
77 759
Territoire
palestinien
occupé
Source : PCBS 2008.
gens, la circulation des marchandises et la
plu­part des services. Une autre pratique
non moins paralysante est le refus par
Israël de verser à l’ANP ce qui lui revient
des recettes fiscales. Depuis la victoire
de Hamas aux élections législatives en
janvier 2006, Israël a imposé à Gaza un
blocus général qu’elle a accentué suite à
l’intensification du conflit entre le Hamas
et le Fath en 2007.
Le rapport de la Banque mondiale établi
en 2008 sur le coût du système de bouclages pour la Cisjordanie et la Bande de
Gaza, montre que cette politique impose
à la mobilité des Palestiniens trois sortes
d’obstacles. D’abord, le bouclage interne
qui entrave la liberté de mouvement entre
la Cisjordanie et Gaza ; ensuite, le bouclage externe qui limite l’accès depuis la
Cisjordanie et Gaza à Israël et à Jérusalem ;
L’infrastructure
israélienne mise
au service des
colonies couvre
actuellement
environ 40 % de
la Cisjordanie
Figure 8-6
Comment Israël
contrôle les routes palestiniennes,
novembre 2004
9%
4%
9%
1 %
16 %
7 %
54 %
En septembre 2007,
il y avait 607 postes
de contrôle en
Cisjordanie
Postes de contrôle permanents
Postes de contrôle provisoires
Barrages routiers
Portillons sur route
Amas de terre
Levées de terre
Tranchées
Source : Banque mondiale 2008.
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
199
Figure 8-7
Le bouclage dans le Territoire
palestinien occupé 1993-2004
2003
2004
2001
2002
1999
2000
1997
1998
1995
1996
1994
1993
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
Nombre de jours de bouclage effectif
Source : Banque mondiale 2008.
Figure 8-8
Le chômage dans le Territoire
palestinien occupé 1996-2004
% de l’ensemble de la main-d’œuvre
35
30
25
20
15
10
5
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
0
Total chômage
Source : Banque mondiale 2008.
7 millions d’USD
le déficit de la
Cisjordanie et de
Gaza pour une
seule journée
de bouclage
200
enfin, le bouclage externe international
qui limite l’accès de la Cisjordanie à la
Jordanie et l’accès de Gaza à l’Égypte. Ce
rapport note également qu’en novembre
2005, il y avait plus de 600 obstacles
matériels (10 par kilomètre en moyenne)
comportant 61 postes de contrôle permanents, 6 avec un effectif partiel de soldats,
102 avec barrages routiers, 48 portillons
sur les routes, 374 amas de terre, 28 levées
de terre et 61 tranchées56.
Ce bouclage entraîne l’éclatement de
l’économie palestinienne. Isolés par les
entraves à la mobilité et incapables de prévoir les temps de fermeture, les villages et
les villes palestiniens luttent pour survivre
en fonction des ressources qui leur restent.
Par ailleurs, les autorités israéliennes ont
l’habitude d’annuler les laissez-passer
octroyés aux habitants de la Cisjordanie et
de Gaza pour travailler en Israël, ce qui
Rapport arabe sur le développement humain 2009
réduit excessivement les revenus de ces
derniers, car ils ne sont pas payés pour
les jours où ils ne peuvent se rendre à
leur travail à cause de ces mesures. Lors
des bouclages, il est impossible pour les
entreprises d’obtenir les produits intermédiaires importés de l’étranger et dont elles
ont besoin pour produire leurs marchandises et les commercialiser dans d’autres
régions que la leur.
Cette étude effectuée par la Banque
mondiale estime à 7 millions d’USD le
déficit de la Cisjordanie et de Gaza pour
une seule journée de bouclage. Elle estime
également à 2,4 milliards d’USD le déficit
global en rapport avec le travail entre 2001
et 2005 et à 928 millions d’USD le déficit
découlant des bouclages, ce qui ramène à
3,3 milliards d’USD le déficit global pour
cette période, soit 58 % de la totalité des
aides étrangères fournie à l’ANP.
Les effets du coût économique des
bouclages n’affectent pas le revenu à lui
seul. En réalité, les coûts de production
augmentent tellement que les producteurs
et les importateurs sont obligés de transporter les marchandises en empruntant
des détours et des voies secondaires plus
longues, si toutefois le commerce n’est
pas complètement paralysé à cause de ces
bouclages. L’étude de la Banque mondiale
rapporte que les coûts de transport de
Ramallah à Bethléem ont plafonné à 348 %
entre 2000 et 2005, à 105 % de Ramallah
à Naplouse et à 167 % de Ramallah à
Jenin57. Ces handicaps risquent de limiter
la compétitivité de l’économie palestinienne et de réduire les investissements
dans ses différents secteurs58.
Il n’est donc pas étrange que la pauvreté et le chômage se répandent parmi
les Palestiniens vu cette réalité amère. Le
RADH 2007/2008 note que la Cisjordanie
et Gaza ont connu, entre 1990 et 200559,
des taux de développement négatifs quant
à la part qui revient à l’individu du PIB,
soit moins de 2,9 % annuellement. Ledit
rapport affirme également que le chômage
a touché, entre 1996 et 2005, plus du
quart de la main-d’œuvre (26,7 %) et que
le taux du chômage parmi les femmes a
atteint 71 %60.
Un rapport de la Banque mondiale sur
l’état de l’économie palestinienne deux
ans après l’Intifada d’al-Aqsa, datant de
2003, affirme que les indicateurs économiques principaux ont connu une chute
aiguë. En effet, à la fin de mai 2002, le
taux du revenu individuel avait baissé de
moitié par rapport à ce qu’il était en 2001.
Le chômage avait touché la moitié de la
main-d’œuvre alors que l’infrastructure
avait subi des dégâts dont la valeur serait
de 728 millions d’USD. À cela s’ajoute le
fait que les exportations palestiniennes
ont baissé du tiers et que le taux des investissements a atteint 140 millions d’USD,
soit un dixième en moins que ce qu’il était
en 1999, lorsqu’il atteignait 1,5 milliard
d’USD. Cette étude ajoute que le blocus
israélien était la cause principale de la
crise palestinienne61.
Un autre rapport publié par l’OIT en
2008 note qu’une personne sur trois en âge
d’activité (15 ans et plus) était embauchée
de façon permanente ou partielle dans le
TPO. Le revenu individuel issu du PNB
s’est stabilisé à 1 178 USD en 2007, soit un
taux inférieur de 27 % du pic historique
enregistré en 1999. En novembre 2007,
le dénuement total a touché 40 % des
habitants de Gaza et 19 % en Cisjordanie,
ce qui représente en fait une situation
meilleure que celle de l’année précédente.
Cela est dû en premier lieu au fait que les
fonctionnaires des services civils ont commencé de nouveau à percevoir leurs salaires
après qu’Israël les en avait privés suite à la
victoire du Hamas aux élections62.
Les Palestiniens ont dû payer cher
l’exercice de leur droit démocratique de
vote. En effet, après les élections qui ont
eu lieu dans des conditions normales en
janvier 2006, et ayant amené Hamas au
pouvoir, le flux de l’aide internationale
a été interrompu. Et bien que ces aides
internationales aient repris – mais uniquement en faveur du gouvernement du
Fath en Cisjordanie après la rupture avec
Hamas – les conditions économiques n’ont
connu aucune amélioration substantielle,
à cause notamment des agressions continuelles contre ces régions. La nouvelle
donne réside dans la sanction qu’Israël
commence à infliger à Gaza après que
Hamas l’a conquise. Ces sanctions ont
revêtu l’aspect de blocus général : toute
communication avec l’étranger lui a été
interdite. Cela a entraîné l’effondrement
de la plus grande partie de l’activité
industrielle et agricole et la perturbation
de l’infrastructure et des services à cause
des coupures d’électricité pour de longues
heures et à cause de la détérioration de
la qualité des eaux. En outre, la dernière
agression israélienne commise contre
Gaza en décembre dernier a provoqué des
dégâts considérables dans l’infrastructure
de même qu’elle a connu une cruauté sans
précédent dans le traitement des civils
palestiniens.
C. La Somalie
Le pays s’est effondré en 1991, en une
existence non étatique, avec deux régions
sécessionnistes du Nord : Somaliland et
Puntland. La situation a perduré après
l’intervention militaire américaine et
internationale au début des années 1990.
Au cours des dernières années, une tentative d’unification à orientation idéologique
a eu lieu sous l’impulsion de l’UCI, afin
d’établir une autorité centralisée et de
dominer les différentes régions du pays.
Néanmoins, cette tentative a échoué suite
à l’intervention militaire éthiopienne
directe en décembre 2006 pour soutenir
le GFT. Malgré les efforts d’« unification »,
l’État somalien demeure une entité
fragile exposée aux mêmes dangers qui
l’ont menacé durant les deux décennies
écoulées.
D’après les registres du gouvernement
somalien central depuis les années 1960
et 1970, il ressort que le pays, manquant
de ressources, comptait essentiellement
sur l’aide étrangère (l’Union Soviétique
dans le temps) ou adoptait des politiques
économiques inefficaces (lors de la période
non socialiste à partir de 1980). À cette
époque-là, l’infrastructure, y compris
l’énergie électrique, a été endommagée.
En l’absence d’un gouvernement central,
plusieurs grands établissements publics ont
disparu. La stabilité relative de Somaliland
a toutefois permis une certaine relance de
l’économie.
Selon la Banque mondiale, le taux global du chômage en 200263 a été estimé à
65,5 % (pour les citadins) et 40,7 % environ (pour les ruraux) et de 47,4 % (taux
national). Ces chiffres seraient de simples
indicateurs témoignant de la situation
actuelle car ils ne prennent pas en considération le taux de sous-emploi ni celui du
chômage saisonnier, etc.64.
En 2002, le taux des personnes vivant
dans le dénuement total était estimé
à 43,2 %, dont 23,5 % dans les régions
urbaines et 53,4 % parmi les nomades et
les ruraux. Le nombre des démunis atteint
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
L’infrastructure, y
compris l’énergie
électrique, est
endommagée et
le gouvernement
central est absent
201
5 millions
d’habitants vivent
dans la pauvreté
en Somalie
Encadré 8-5
2,94 millions de personnes, dont 0,54 million de citadins et 2,4 millions de nomades
et de ruraux. Le taux des personnes vivant
avec 2 USD par jour en Somalie est estimé
à 73,4 %, dont 60,7 % de citadins et 79,9 %
de nomades et de ruraux. En fonction de
ce critère, 5 millions d’habitants de ce
pays vivent dans la pauvreté, dont 1,4 million dans les zones urbaines et 3,6 millions
dans les campagnes et les villages65.
IV.Menace pour le droit
à l’alimentation, à la santé
et à l’instruction
Avec la violence, le chômage et le déplacement forcé66 qui sont le corollaire de
l’occupation et de l’intervention militaire,
s’amenuisent les chances d’obtenir une
nourriture suffisante, des soins médicaux
convenables et une habitation salubre et
décente.
La piraterie en Somalie
Les actes de piraterie s’accentuent en face des côtes somaliennes si bien qu’elles menacent le commerce international
de troubles violents. La piraterie procure l’argent pour ravitailler la guerre vicieuse en Somalie. Elle pourrait devenir une
arme pour le terrorisme mondial ou même provoquer une
catastrophe écologique. Jusqu’au 30 septembre, la Chambre
de commerce­ internationale et le Bureau maritime international ont enregistré 63 tentatives ou actes de piraterie dont
l’activité s’est déplacée depuis la fin de 2007 de la région de
Muqdisho vers le golfe d’Aden, traversé annuellement par
16 000 bateaux transportant le pétrole du Moyen-Orient et les
marchandises de l’Asie vers l’Europe et l’Amérique du nord.
Ainsi, l’une des voies maritimes les plus importantes dans le
monde devient menacée de dangers à cause de l’instabilité
chronique en Somalie.
La piraterie est un problème que connaissent les eaux
somaliennes depuis au moins dix ans. Toutefois, le nombre
de tentatives et d’attaques réussies s’est accentué durant les
trois dernières années. La seule période où la piraterie avait
presque totalement cessé en Somalie, c’était pendant les six
mois où l’UCI avait pris les rênes du pouvoir et précisément
durant la seconde moitié de l’année 2006. Cela montre que le
contrôle de la piraterie est tributaire d’un gouvernement efficace. En effet, la piraterie est réapparue après la réduction de
l’influence de l’UCI ; avec un gouvernement peu opérationnel,
ses longs rivages de sable isolés et une population à la fois
désespérée et aguerrie, la Somalie offre un environnement
propice à la piraterie.
Il semble d’ailleurs que le Puntland, province semiindépendante au nord-ouest, constitue le point de départ de
la plupart des pirates en Somalie. Elle est l’une des régions
les plus pauvres du pays, aussi l’attraction financière de la
piraterie y est-elle assez forte. Durant les 15 dernières années,
l’industrie somalienne de pêche s’est effondrée cédant la
place à la pêche intensive des bateaux européens, asiatiques
et africains. Certains pirates prétendent participer à la protection des ressources naturelles de la Somalie et que les
rançons qu’ils touchent doivent­ être considérées comme un
impôt légal et légitime. Dans un pays où l’activité commer­
ciale légale devient très difficile, où l’agriculture pendant
les années arides ne suffit même pas à la subsistance et où
l’ombre de la mort plane au-dessus de tous à cause de l’insécurité et de la violence, les dangers de la piraterie doivent être
considérés proportionnellement aux gros revenus escomptés.
Vers la fin de 2007, les dangers de plus en plus croissants
dans les eaux territoriales somaliennes ont poussé le PAM à
suspendre les ravitaillements alimentaires par voie maritime
(c’est le mode unique suivi par ce Programme pour livrer
90 % de son aide alimentaire à la Somalie, étant donné que
le transport de quantités considérables de denrées alimentaires par voie terrestre est une entreprise très risquée). En
novembre 2007, après l’application du système d’escorte
navale grâce aux frégates militaires, le PAM a pu reprendre
son aide alimentaire à la Somalie. Depuis lors, bien qu’aucun
rapport ne soit établi sur les attaques des pirates, le système
d’escorte navale est devenu un élément essentiel dans cette
opération d’aide alimentaire et un facteur dissuasif pour les
pirates. Les aides alimentaires étrangères sont devenues une
nécessité incontournable dans un pays dépourvu d’autorité
centrale efficace, où sévissent la sécheresse et la guerre et où
vivent plus d’un million de PDI.
En se réservant la part du lion des fortunes rassemblées,
les pirates en transfèrent une somme importante en faveur
des personnalités influentes dont certaines participent effectivement à la guerre en cours. Nul doute que ces injections
systématiques en argent attisent la guerre. Il est vrai que
l’élimination de la piraterie ne mettrait pas fin à la guerre mais
elle contribuerait au moins à diminuer les sommes disponibles pour l’achat des armes. L’absence de la sécurité navale
permettrait un enrichissement plus grand aux trafiquants des
hommes et des armes et encouragerait la pêche illégale dans
les eaux territoriales somaliennes. Des attaques éventuelles
des pirates contre les pétroliers traversant le golfe d’Aden
pourraient provoquer une catastrophe écologique de grande
envergure. Les pirates devenant de plus en plus audacieux
et disposant des armes les plus sophistiquées, un pétrolier
est susceptible d’être incendié ou écrasé contre la rive, ce qui
pourrait d’ailleurs engendrer une catastrophe écologique qui
détruirait la vie maritime et les oiseaux pour plusieurs années.
Source : Middleton 2008.
202
Rapport arabe sur le développement humain 2009
A. L’Irak
L’aggravation de la crise alimentaire, qui
avait empiré depuis l’imposition des
sanctions et après l’échec du programme
« pétrole contre nourriture » en Irak, a
entraîné une augmentation intense du
nombre des personnes sous-alimentées. La
détérioration de la situation a poussé les
instances et organisations internationales à
apporter une aide alimentaire urgente au
peuple irakien. Au début de 2008, le PAM
a entamé une campagne urgente pour
une durée de 12 mois avec un montant de
126 millions d’USD afin de venir en aide
à quelque 750 000 PDI67. L’Oxfam, qui
a estimé le nombre de sous-alimentés en
Irak à 4 millions de personnes, a entrepris
l’exécution d’un programme similaire68.
L’invasion de l’Irak est venue s’ajouter
à douze ans de sanctions et, juste avant,
à la guerre irako-iranienne et à celle du
Golfe au début des années 1990. Dans ces
conditions, l’Irak ne pouvait plus entretenir les services de protection sociale. En
effet, avant l’invasion, le taux de mortalité
infantile était de 102 par mille habitants,
celui de la mortalité maternelle de 291
pour 10 000 cas de naissance. Quant au
taux de malnutrition, il touchait 19 % des
habitants. Cinq ans après l’invasion, les
conditions de santé se sont détériorées en
Irak à cause de plusieurs facteurs (Samer
Jabbour et Imane Nuwayhid, en arabe,
document de base pour le rapport).
Premièrement, l’effondrement de
la sécurité, dès le début de l’invasion a
déclenché une vague de pillage qui n’a
épargné ni les hôpitaux ni les centres
médicaux. Deuxièmement, la perpétuation de la violence et de la contre-violence
a entraîné une grave détérioration dans les
services de santé et exposé les hôpitaux,
les cliniques et les services paramédicaux
à des tensions supplémentaires. Comme
mentionné plus haut, le nombre de morts à
cause de cette violence était entre 74 00069
et 600 00070 environ entre mars 2003 et
juin 2006 selon certaines estimations
et celui des blessés encore beaucoup
plus grand. Troisièmement, le niveau de
vie a connu une baisse inquiétante. En
effet, d’après une enquête effectuée en
Irak en 200471, 54 % des familles ayant
participé au sondage ne disposaient que
d’eaux non potables, 78 % souffraient
quotidiennement des coupures d’électricité, 36 % manquaient d’équipements
sanitaires chez eux. Quatrièmement,
selon un rapport publié par le Bureau du
Moyen-Orient dépendant de l’OMS72,
18 000 médecins – soit le quart du total
de l’ensemble des médecins irakiens – et
un nombre indéterminé d’infirmiers, de
chirurgiens-dentistes et de pharmaciens
ont émigré hors de l’Irak (Samer Jabbour
et Imane Nuwayhid, en arabe, document
de base pour le rapport).
Depuis 2003, les dégâts, la négligence
et la violence ont engendré la ruine du
secteur sanitaire en Irak. Effectivement,
les hôpitaux souffrent actuellement d’une
insuffisance chronique en équipements :
les ascenseurs, les climatiseurs, les égouts
sont souvent détériorés. Les cuisines et
les buanderies ne répondent guère aux
besoins croissants. Le plus souvent, les
pavillons des urgences, les blocs opératoires ne sont pas fonctionnels à cause
du manque de médicaments, d’équipements et de matériaux nécessaires. C’est
un défi commun aux établissements de
santé en Irak, y compris ceux qui étaient
suf­fi ­samment équipés dans le passé73.
Le rapport du Comité international de
la Croix-Rouge (CICR)74 affirme que
les tâches dont doivent s’acquitter les
hôpitaux irakiens surpassent de loin leurs
capacités. Leurs fardeaux se sont alourdis
suite au flux croissant des victimes de
la violence. La plupart de ces hôpitaux
manquent de médicaments et de matériel
médical nécessaire si bien que plus de la
moitié des blessés hospitalisés suite à des
actes de violence meurent à cause de l’absence d’équipes médicales spécialisées et à
cause du manque de sang nécessaire pour
les transfusions.
Par ailleurs, les services médicaux ne
sont pas efficaces dans les dispensaires
qui n’obtiennent plus les subventions
suffisantes après l’effondrement du système sanitaire central. Beaucoup d’efforts
sont déployés actuellement pour que ce
système en grande difficulté retrouve
son équilibre. Il est vrai que la santé des
enfants est réellement affectée, mais cette
situation alarmante n’a point épargné les
adultes. En effet, l’insécurité croissante et
la difficulté de bénéficier de services médicaux convenables empêchent le traitement
des maladies non contagieuses. Il n’est
donc pas étrange que les traumatismes
associés aux situations de violence se multiplient en Irak. À cela s’ajoutent les états
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
Les dégâts, la
négligence et
la violence ont
engendré la
ruine du secteur
sanitaire en Irak
Les traumatismes
associés aux
situations de
violence se
multiplient en Irak
203
Le taux des aides
alimentaires peut
atteindre 80 % des
familles à Gaza
204
d’angoisse et d’anxiété qui se répandent au
sein de la plupart des communautés. On
craint également que les maladies mentales
et psychiques ne s’accentuent à cause de la
dislocation du tissu social et de la régression de la protection que procuraient les
familles et les communautés locales. Il est
regrettable que la plupart des rapports sur
la santé psychique en Irak portent exclusivement sur les forces étrangères (Samer
Jabbour et Imane Nuwayhid, en arabe,
document de base pour le rapport).
Conformément au rapport « Sauver les
enfants »75, 122 000 enfants irakiens ont
trouvé la mort en 2005 avant d’atteindre
l’âge de 5 ans. Des rapports médicaux
avaient averti que certaines maladies
comme la pneumonie, la malaria, la rougeole et la dysenterie constituaient la cause
principale de mortalité infantile en Irak.
Le travail des mineurs est un autre
phénomène qui se répand de plus en plus
en Irak. Il entre en contradiction avec les
conventions internationales sur l’emploi
et l’exploitation des enfants. Des rapports
internationaux, régionaux et irakiens,
y compris ceux des organisations des
droits de l’homme et de la société civile,
affirment que l’exploitation des mineurs
s’est tel­lement répandue en Irak et touche
même les enfants de moins de dix ans qui
exercent­des travaux ne convenant ni à leur
âge ni à leurs forces physiques. Il est courant
de voir des enfants nettoyer les rues, surtout après que la municipalité de Bagdad et
tant d’autres ont entrepris l’embauche des
enfants en tant qu’éboueurs moyennant
moins d’un dollar par jour. Cela a malheureusement tenté un nombre considérable
d’enfants d’abandonner l’école.
Un autre phénomène non moins dangereux qui a eu beaucoup d’effets néfastes
sur la vie des enfants est le taux croissant
de l’absentéisme ou de l’abandon total
des études. Les circonstances du besoin
matériel et de la pauvreté la plus sordide
seraient la cause d’un tel comportement
mais ces facteurs deviennent plus aigus
avec les conditions sécuritaires désastreuses. Par ailleurs, l’accentuation de la
violence et du terrorisme et, notamment,
l’extermination ethnique et clanique, ont
poussé des milliers de familles à abandonner leurs demeures pour se réfugier
dans des régions souffrant à leur tour de
l’insuffisance des équipements nécessaires
aux enfants.
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Les enfants sont obligés de participer
à des travaux forcés et risqués comme
par exemple le bâtiment ou les travaux
domestiques. Dernièrement, les enfants
commencent à rallier les équipes de sécurité
individuelle ou à travailler dans des ateliers
ou usines du secteur privé. Dans un rapport
spécial76, le bureau de la MANUI a prévenu
contre une catastrophe humaine éventuelle
dont les victimes seraient les enfants de
l’Irak souffrant de problèmes sociaux et
sanitaires ainsi que de la détérioration
générale du niveau de l’enseignement.
Le rapport recommande le déploiement
d’efforts afin de garantir les conditions
susceptibles de fournir aux enfants un
niveau de vie décent qui se répercuterait
positivement aussi bien sur leur vie en
particulier que sur celle de la société tout
entière. D’autres rapports traitent­de cas de
toxicomanie dont souffrent les mineurs. Il
s’agit en fait de stupéfiants, d’alcoolisme ou
de tabagisme. Selon l’un de ces rapports,
plus d’un million de mineurs travaillaient
dans des conditions pénibles à la fin de
2004 et étaient victimes de violence et
d’abus sexuels.
Les scènes de violence et de guerre
jettent leur ombre sur la vie des enfants
au cours de leur croissance. Si les enfants
ne sont pas influencés directement par
les dangers de la violence ethnique et
clanique, les opérations d’extermination
et de déplacement forcé, le nettoyage ethnique, les cadavres inconnus décapités, il
est certain quand même qu’ils garderont
au fond d’eux-mêmes des plaies profondes
qui auront des répercussions sur leurs
rapports avec les autres et déséquilibreront leur sérénité et leur confiance dans
l’avenir77.
B. Le Territoire palestinien occupé
La
détérioration
économique
en
Cisjordanie et Gaza se manifeste
clairement dans la situation de l’approvisionnement en denrées alimentaires. Selon
l’OIT, la moitié des familles palestiniennes
environ compte sur les aides alimentaires de la communauté internationale.
Actuellement, 33 % (soit 0,7 million) des
habitants qui appartenaient aux couches
de revenu moyen en Cisjordanie comptent­
sur les aides alimentaires à leur tour.
Pire encore, ce taux peut atteindre 80 %
des familles à Gaza, soit 1,3 million de
personnes.
Les conditions sanitaires sont en
vérité le reflet d’une situation économique détériorée. L’UNRWA et les
autorités israéliennes supervisaient les
conditions sanitaires en Cisjordanie et
dans la Bande de Gaza jusqu’à 1994, date
à laquelle l’ANP a pris cette responsabilité. Malgré plus de 40 ans d’occupation,
les Palestiniens bénéficiaient en 2004 de
niveaux sanitaires raisonnables78, d’un
revenu annuel de 1 026 USD, d’un taux
d’alphabétisation atteignant 91 % de
l’ensemble des habitants, d’une espérance
de vie de 72 ans et d’un taux relativement
bas de mortalité infantile (20,5 pour mille
naissances) et maternelle (11 pour 100 000
naissances vivantes). Cela s’explique par
l’esprit de solidarité et par le soutien de la
société civile aux centres de soins et autres
établissements médicaux. Néanmoins, ces
conditions ont commencé à se détériorer
après 2003 et l’éclatement de l’Intifada
d’al-Aqsa, la construction du mur de séparation et l’imposition du blocus au TPO.
La construction du mur de séparation,
l’établissement de postes de contrôle au
passage et de barrages routiers ainsi que
le bouclage des villages et des bourgades
en Cisjordanie ont entravé les accès à des
services vitaux tels que les écoles ou les
lieux de travail, ainsi qu’à 41 services de
protection sanitaire. 36 % de ces services
rapportent qu’un grand nombre de malades
ne peut y accéder, alors que 53 % affirment
qu’ils accueillent un nombre supplémentaire de malades qui y ont été transférés
à cause du blocus. 63 % dé­clarent qu’ils
souffrent du retard des soins d’urgence
alors que 55 % notent qu’ils rencontrent
beaucoup de difficultés pour trouver les
médicaments indispensables au traitement
des maladies chroniques. On craint que
l’achèvement du mur n’isole 71 cliniques
et ne constitue un obstacle entravant la
circulation des ambulances palestiniennes
pour lesquelles il est interdit d’accéder à la
zone entre le mur et la ligne verte de 1967
(Samer Jabbour et Imane Nuwayhid, en
arabe, document de base pour le rapport).
L’absence de budget et le boycott
occidental du gouvernement palestinien
en 2006 ont plongé l’enseignement dans
une crise aiguë. La situation s’est aggravée suite à la grève observée par les
fonctionnaires de ce secteur pour ne pas
avoir perçu leurs salaires. Par conséquent,
les élèves des écoles publiques ont été
privés de leurs droits à l’instruction et les
étudiants contraints à interrompre leurs
études supérieures pendant deux mois79.
Selon le ministère palestinien de
l’Éducation­ et
de
l’Enseignement
Supérieur, 300 écoles ont été fermées
et 8 universités bombardées entre 2000
et 2005. En mars 2004, le Centre palestinien des droits de l’homme rapporte que
73 instituts, dont certains centres de formation professionnelle, ont été détruits à
Gaza. Selon ces mêmes rapports, l’université et l’institut polytechnique d’al-Khalil
ont été fermés durant 2003, au détriment
de 600 000 étudiants. Dans la même
année, l’université de Jérusalem était
menacée par la construction d’un mur qui
allait la diviser et la spolier du tiers de son
terrain. Il a fallu une campagne internationale contre cette violation pour que le mur
soit érigé à l’extérieur du campus80.
Les barrages routiers et autres obstacles limitant la liberté de circulation
ont eu leurs effets sur le déroulement
de l’enseignement dans le TPO. À titre
d’exemple, l’on peut citer que le retard dû
à la pose des obstacles en amas de terre
entre avril 2001 et décembre 2003 sur la
route de Sarda entre Ramallah et l’université de Birzeit en Cisjordanie, a doublé
le temps requis pour que les enseignants
et les étudiants ar­rivent à l’université, si
toutefois les autorités israéliennes ne leur
interdisent carrément de s’y rendre. C’est
pourquoi deux tiers de la seconde session
de l’année universitaire 2001-2002 ont été
perdus, nécessitant une extension de deux
mois, aux dépens des vacances d’été81.
Figure 8-9
300 écoles ont
été fermées et
8 universités
bombardées entre
2000 et 2005
dans le TPO
Pauvreté et dépendance de l’aide alimentaire,
Cisjordanie et Gaza, 2007
%
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Pourcentage des familles comptant
sur l’aide alimentaire internationale
Cisjordanie
Pourcentage des habitants
vivant dans le dénuement
Gaza
Source : OIT 2008.
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
205
La mortalité en
Somalie représente
un taux parmi
les plus élevés
dans le monde
Entre 2000 et 2005, le nombre d’étudiants palestiniens originaires de Gaza a
diminué de 400 à 13. L’année universitaire
2004-2005 a vu à son tour diminuer de
120 à zéro le nombre d’étudiants issus
de Jenin et de Naplouse au nord de la
Cisjordanie82.
En outre, les élèves vont de moins en
moins aux écoles dans le territoire occupé
à cause des obstacles qu’ils rencontrent.
On craint sérieusement que cette régression dans la régularité des études aussi
bien dans les écoles et lycées que dans
les universités n’accentue l’incapacité de
ces institutions de contribuer au dé­ve­lop­
pement de la société palestinienne83.
C. La Somalie
Le taux d’atteinte
par la tuberculose
en Somalie est
le plus élevé
au monde
Figure 8-10
Les guerres civiles en cours, la pauvreté
largement répandue, l’infrastructure
en usure, les conditions détériorées du
système sanitaire sont autant de facteurs
qui se répercutent sur la situation de la
santé en Somalie. En effet, la mortalité
des nourrissons en Somalie (90 décès
pour mille naissances en 2006), celle des
enfants de moins de cinq ans (145 décès
pour 1 000), la mortalité maternelle
(1 400 pour 100 000 naissances vivantes
en 2005) représentent un taux parmi les
plus élevés dans le monde84. La déshydratation causée par les maladies ayant trait à
la dysenterie, la pneumonie ou la malaria
constitue l’une des causes principales
Diminution du nombre d’enfants pouvant aller à l’école,
2000-2005
%
100
95
90
85
80
75
70
2000
2001
2002
2003
2004
2005
L’inscription à l’école primaire (% net)
Source : Banque mondiale 2008.
206
Rapport arabe sur le développement humain 2009
du décès des nourrissons et des enfants,
étant donné qu’elle provoque la moitié
des cas de décès parmi eux en général. En
1998, 20 % seulement des enfants ont été
vaccinés contre les maladies principales.
Actuellement, la malnutrition et l’anémie
sont largement répandues.
L’espérance de vie a diminué en
Somalie pour atteindre 47 ans en 200685.
L’atteinte par la tuberculose est d’un taux
très important sinon le plus élevé dans
le monde, à savoir 374 cas pour 100 000
habitants. En 2003, il y avait plus de
30 000 cas de malaria. Dans la même
année, plusieurs cas de polyarthrite ont
été découverts parmi les enfants si bien
qu’il était impossible de maîtriser la
maladie en 2006. La Somalie manquait
toujours de ressources et de systèmes procurant la protection sanitaire élémentaire,
mais la situation a empiré actuellement.
En effet, pour 100 000 habitants il n’y a
que 4 médecins, moins d’un chirurgiendentiste et moins d’un aide-soignant et 9
infirmiers. Le pays risque de perdre certains travailleurs de la santé étant donné
que plusieurs d’entre eux sont tentés par
l’émigration à la recherche d’une vie plus
paisible et sûre et un meilleur revenu
(Samer Jabbour et Imane Nuwayhid, en
arabe, document de base pour le rapport).
Les statistiques du PAM montrent
qu’une grande partie des habitants souffre
de sous-nutrition, que plus d’un cinquième parmi eux réside dans des régions
où l’insécurité alimentaire est largement
répandue ; c’est le cas de la vallée de Juba,
des régions de Gedo, Bakol et Bay au sud
du pays. Par ailleurs, il y a en Somalie
1,53 million d’habitants qui reçoivent des
aides alimentaires86.
Pour ce qui est de l’enseignement,
l’entrée au primaire a diminué de 2000
à 2006, jusqu’à atteindre 22 %87 des
enfants en âge de scolarisation, ce qui a
réduit le pourcentage des adultes alphabétisés à 19,2 % 88. Une enquête menée
par le PNUD et la Banque mondiale en
200289 révèle que la Somalie connaît
l’un des taux les plus bas de scolarisation
en Afrique. Une autre enquête effectuée
par l’UNICEF sur la scolarisation estime
à 286 808, dont 64 % de garçons et 36 %
de filles, le nombre d’enfants scolarisés de
la première à la huitième classe en 2002.
Ces chiffres ont servi à estimer le taux de
scolarisation des deux sexes au primaire
comparativement au nombre approximatif des habitants appartenant à la même
tranche d’âge. Par conséquent, le taux
global de la scolarisation au primaire en
Somalie a atteint 16,9 %, dont 20,8 % de
garçons et 12,7 % de filles. À cela s’ajoute
le fait que des milliers d’orphelins et de
vagabonds sont laissés pour compte et sont
obligés d’affronter tous seuls des conditions extrêmement dures. Ainsi beaucoup
d’enfants sont enrôlés par les milices. C’est
là d’ailleurs l’une des tristes évolutions
enregistrées par les rapports des Nations
Unies et traitées dans le 4e chapitre du
présent rapport.
Le taux d’alphabétisation des adultes
somaliens est l’un des plus bas au monde.
Il oscille entre 34,9 % dans les régions
urbaines et 10,9 % dans les régions rurales.
Ce taux est encore inférieur parmi les
femmes parce qu’il atteint jusqu’à 6,7 %
dans ces régions. Une telle situation reflète
partiellement, en réalité, l’absence des
opportunités d’instruction en Somalie
suite à la guerre civile, notamment dans
les régions lointaines où de larges couches
de la population en âge de scolarisation
ont perdu l’opportunité de suivre l’en­sei­
gnement fondamental.
V. Menace contre l’environnement
L’occupation et l’intervention militaire,
en tant que formes de guerre, portent préjudice aux systèmes écologiques de deux
manières principales. D’abord, l’environnement peut constituer une source de
conflit car il comprend les ressources qui
suscitent les rivalités pouvant dégénérer en
conflits armés. Ensuite, l’environnement
peut se dégrader à cause de la guerre issue
de la concurrence ou d’autres raisons du
conflit. À titre d’exemple, les guerres
nuisent­ à l’environnement en détruisant
les récoltes et l’infrastructure, ce qui
oblige l’État à réparer les dommages et à
réhabiliter la situation moyennant un coût
élevé après la fin des conflits. Or, l’environnement demeure, même après l’arrêt des
combats, exposé aux dangers laissés par la
guerre. C’est le cas des bombes non explosées, des armes perdues, des immeubles
délabrés, des épaves de bateaux naufragés,
des avions détruits. C’est aussi le cas des
mines et des poisons répandus dans l’eau
ou l’air.
A. L’Irak
En 2003, à cause de la guerre, les ordures
ont été jetées à tort et à travers dans les
rues. C’est que le système de collecte des
poubelles a été profondément perturbé par
différents obstacles ainsi que par le pillage
des équipements. En outre, le conflit a
laissé derrière lui de grandes quantités de
débris d’immeubles bombardés (potentiellement atteints par l’uranium appauvri
et l’amiante) et de matériel militaire (véhicules, munitions non explosées et uranium
appauvri)90.
La guerre en Irak a souillé l’eau, l’air
et la terre par différents polluants. Outre
l’évacuation des résidus de la guerre dans
le Tigre, les coupures répétitives d’électricité ont perturbé l’approvisionnement
en eau, ce qui a poussé les gens à utiliser
les eaux non potables. L’un des exemples
illustrant la pollution de l’air au cours
de la guerre est l’événement survenu le
20 mars 2003 : l’ex-autorité irakienne a
incendié le champ de pétrole de Rumeila
pour boucher la vue aux avions en raid
par la fumée dont les nuages ont couvert
le ciel si bien qu’on pouvait les voir du
Koweït. La même autorité a eu recours à
cette pratique dans d’autres régions. La
fumée charriait des substances toxiques
affectèrent la santé des civils comme des
militaires. Les tranchées creusées pendant
la guerre ont exposé le sol, les eaux des
nappes phréatiques et l’eau potable à la
pollution91.
Le taux
d’alphabétisation
des Somaliens
est l’un des plus
bas au monde
B. Le Territoire palestinien occupé
Les politiques israéliennes ont eu un effet
négatif sur l’environnement. L’une des
conséquences les plus graves fut l’é­pui­
sement des ressources palestiniennes en
eau, ce qui a d’ailleurs entraîné la détérioration de la situation des eaux en général.
Le déficit en eau a atteint 50 millions
de m3 annuellement en Cisjordanie et à
Gaza, alors que le taux de pollution des
eaux a augmenté de façon inquiétante.
Les niveaux de concentration en chlore
dans 90 % des canalisations d’eau oscillent
entre 250 et 2 000 ml/l (les normes
internationales stipulent que ces niveaux
ne doivent pas dépasser 250 ml/l), alors
que le niveau de concentration en nitrate
dépasse le seuil international qui est de
50 ml/l92.
En négligeant les équipements de
canalisation des eaux dans les territoires
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
La guerre en Irak
a souillé l’eau,
l’air et la terre par
différents polluants
207
Les colonies
injectent des
millions de
mètres cubes de
leurs eaux usées
dans le Territoire
palestinien occupé
occupés et en manquant aux normes
internationales à ce sujet, les pratiques
israéliennes ont contribué à la détérioration de l’environnement palestinien. En
effet, les colonies injectent des millions de
mètres cubes de leurs eaux usées dans les
rivières et ailleurs en terre palestinienne.
Dans la seule Cisjordanie, les colonies habitées par quelque 350 000 colons déversent
en moyenne 40 millions de m3 par an,
comparativement aux habitants globaux
de la Cisjordanie qui déversent 33,72 millions de m3. À Gaza, les eaux usées sont
déversées dans les régions sablonneuses ou
transportées par des citernes et pompées
dans Wadi al-Salqa, Wadi Gaza et autres
lits de rivière. Cependant, une partie de
ces eaux se déverse dans la Méditerranée
ou s’infiltre dans le sol et se mêle aux eaux
des réserves souterraines93.
Les autorités israéliennes ont construit
une station pour emmagasiner les eaux
usées à Beit Lahya au nord de la Bande
de Gaza. Cette installation se trouve à
proximité d’un grand complexe résidentiel. Le Centre al Mizan pour les droits
de l’homme rapporte que la station se
trouve au-dessus de la plus grande et jadis
la meilleure nappe aquifère de Gaza.
Malheureusement, cette réserve en eau
est à présent polluée, ce qui ruine les perspectives de développement agricole94.
C. La Somalie
Les conflits
communautaires,
la confiscation des
terres et la forte
pression sur les
ressources se sont
conjugués pour
détruire la Somalie
et détériorer son
environnement
208
L’intervention militaire en Somalie a
accéléré l’effondrement des contraintes
législatives et traditionnelles régissant
l’accès aux ressources naturelles et à leur
emploi. L’Union internationale pour la
protection de la nature95 considère que
les conflits communautaires, la confiscation des terres et la forte pression sur les
ressources se sont conjugués depuis une
longue période pour détruire la Somalie
et détériorer son environnement. Les
dégâts qui se sont accentués à cause des
vagues d’occupation et des conflits de
plus en plus atroces se manifestent dans
la déforestation, le déboisement dans les
régions peuplées. Ces dégâts ont touché
l’environnement maritime vu la pêche
excessive de quelques rares espèces par
des parties étrangères œuvrant de façon
illégale. La désertification due au pâturage
extensif et à la mauvaise gestion de location des terres, le commerce du charbon
végétal, avec les pays du Golfe, constituent
Rapport arabe sur le développement humain 2009
une autre manifestation de cette détérioration environnementale dans un contexte
politico-militaire atroce. Ce sont là des
facteurs qui ont accéléré la déforestation
et la perturbation du système des crues
saisonnières ainsi que l’érosion du sol.
Le commerce du charbon végétal a
engendré la destruction des forêts d’acacia
au sud de la Somalie, cette région qui
préserve l’équilibre écologique en faveur
des pasteurs et des éleveurs. En effet, les
commer­çants avides de faire des bénéfices
considérables procèdent au déracinement
de rangées tout entières de ces arbres pour
les exporter à l’étranger. La transformation en charbon des arbres abattus est une
opération qui pollue l’air et les milieux
locaux. En 2000, la production globale du
charbon végétal a été estimée à 112 000
tonnes, pour augmenter à 150 000 tonnes.
80 % de cette quantité était destinée
à l’exportation vers les pays du Golfe
contre 20 % seulement à la consommation
locale96. L’un des aspects de cette exploitation affreuse des conditions anarchiques
en Somalie est le rejet dans les cours d’eau
locaux de déchets toxiques d’insecticides
utilisés en Europe.
Conclusion
Ce chapitre a traité des impacts exponentiels que l’intervention militaire a sur la
sécurité humaine dans trois pays arabes.
Au TPO, en Irak comme en Somalie,
l’occupation et l’intervention militaire
ont coûté cher en perte de vies humaines
et de libertés, avec toutes les répercussions négatives sur les revenus, l’emploi,
l’alimentation, la santé, l’enseignement
et l’environnement. Cette intervention
étrangère a déclenché l’étincelle de la
résistance et un cycle de violence et de
contre-violence impliquant l’occupant et
l’occupé avec des effets sur les pays voisins
perturbant la sécurité humaine et nationale dans la région.
Le règlement des conflits dans ces trois
pays demeurera tributaire des plans conçus
par des parties étrangères. Même lorsque
les pays arabes ont adopté des positions
unifiées à propos de certaines questions,
ils n’ont pas réussi à honorer leurs engagements ou à appliquer les résolutions qu’ils
ont prises à cet égard.
Dans les conditions présentes, une
question se pose : que peut-on faire pour
mettre fin à l’intervention militaire ?
On est tenu de rappeler que les forces
d’occupation dans les trois cas, et dans
des conditions différentes, ont reconnu
l’aspect provisoire de cette occupation.
Israël n’a pas réfuté le concept de deux
États, israélien et palestinien, vivant côte à
côte. Le début effectif du retrait des forces
américaines d’Irak est prévu pour la fin
201197. L’Éthiopie a déclaré à son tour que
sa mission a pris fin en décembre 200898.
Cependant, le devoir s’impose de
déployer des efforts sérieux pour traduire
les volontés hésitantes en plans d’action
concrète, notamment pour ce qui est du
conflit israélo-palestinien, où l’hégémonie
israélienne entrave les négociations de
règlement et où il est indispensable de
fournir des efforts diplomatiques particuliers pour dissiper les doutes et mettre
un terme aux actions de provocation et
d’hostilité dans les deux camps. En Irak,
l’accord conclu entre les États-Unis et le
gouvernement irakien sur le retrait des
forces américaines constitue un pas dans
la bonne direction. De même, le retrait de
l’Éthiopie des terres somaliennes ouvre la
voie à de nouvelles initiatives.
Néanmoins,
les
questions
qui
de­meurent d’actualité pour les trois pays
considérés ci-dessus sont celles qui ont
trait à la reconstruction des institutions de
l’État et de la société ainsi que la relance
de l’économie dans la période postérieure
au conflit dans ces pays. En effet, les
différentes composantes irakiennes sont
appelées à se rencontrer dans le cadre d’un
processus politique global. Les tentatives
de réconciliation en Somalie n’avancent
guère alors que le conflit opposant le Fath
au Hamas n’est toujours pas résolu. De
nouvelles tentatives doivent être entreprises dans la région pour instaurer la
paix grâce à un nouveau dialogue autour
du conflit israélo-palestinien auquel les
pays voisins – la Syrie par exemple – prendraient part. Il est impératif également de
donner la priorité à l’aplanissement des
obstacles qui entravent le processus de
développement dans le TPO. Dans l’un de
ses éditoriaux99, New York Times dit que
« Cela signifie le gel de la construction de
nouvelles colonies en Cisjordanie. Cela
signifie également de lever les barrages
routiers inutiles pour la sécurité entre les
villes et villages palestiniens. À JérusalemEst, cela signifie de cesser l’évacuation des
Palestiniens de leurs terres comme cela
signifie qu’il faudrait réduire l’état de siège
à Gaza pour permettre l’importation du
ciment et des matériaux de construction ».
La situation actuelle confirme le
fait que beaucoup de responsabilités
in­combent aux Nations Unies quant à
l’avenir des pays soumis à l’occupation
étrangère ou à l’intervention militaire.
Cependant, les Nations Unies ont été
marginalisées dans les questions de l’Irak
et du TPO. En Somalie, les Nations Unies
ont poursuivi leurs efforts pour réinstaurer la stabilité et établir des conditions
plus humaines. Cela exige la coopération
de tous les intéressés. En réalité, le cadre
impartial susceptible de réaliser la sécurité
humaine et nationale dans les trois pays
ne saurait être que les Nations Unies. La
Ligue arabe pourrait gagner en crédibilité
et en efficacité si elle coopérait avec les
organisations internationales en vue de
réaliser cet objectif. Cependant, pour ce
faire, les forces internationales et régionales doivent laisser la voie libre devant
les Nations Unies et la Ligue arabe pour
qu’elles réparent les dommages concrets.
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
Les questions
qui demeurent
d’actualité sont
celles qui ont trait
à la reconstruction
des institutions de
l’État, de la société
ainsi que la relance
de l’économie
La situation
actuelle confirme le
fait que beaucoup
de responsabilités
incombent aux
Nations Unies
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Notes
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Galtung, 1964.
En vertu du traité de paix signé entre Israël et l’Égypte, Israël s’est retiré définitivement du Sinaï
en 1982.
Le 14 décembre 1981, le Knesset israélien a ratifié la « loi des monts du Golan » qui applique les
lois israéliennes à la région du Golan.
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Loi contre le terrorisme n° 13 (2005). Selon le Rapport de YRW, le terrorisme est en général
défini comme « tout acte criminel commis par un individu, un groupe organisé et visant un
individu, un groupe d’individus, des institutions officielles ou non officielles et endommageant
les biens publics ou privés dans le but de troubler la situation sécuritaire, la stabilité et l’unité
nationale ou de semer la peur, la terreur ou la panique parmi les gens ou de susciter l’anarchie à
des fins terroristes ».
HRW 2008b.
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Beehner 2007.
OIT 2007.
Platts 2008.
Beehner 2007.
Arnove et Abunimah 2003.
Il est difficile de présenter des statistiques exactes sur la corruption institutionnelle dans les
nouvelles instances gouvernementales. Cependant, la Commission de l’intégrité publique en Irak,
créée après la guerre, rapporte plus de 2 500 cas de corruption engageant un montant global
de 18 milliards d’USD. Un nombre important de directeurs généraux, de délégués ministériels,
de ministres ont été incriminés dans 42 de ces cas dont certains comportaient la pratique de
plusieurs sortes de contrebande. Bien que les tribunaux irakiens aient examiné quelques cas
concernant de hauts responsables et prononcé des jugements à leur encontre, la plupart des
inculpés n’ont pas été mis en prison ni même arrêtés. Certains ont été assistés pour fuir hors du
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pays avant que le gouvernement n’ait pu récupérer les fonds qu’ils avaient détournés. Les pires
cas de chantage et de corruption ont eu lieu dans le secteur du pétrole. Les enquêteurs de la
Commission d’intégrité et d’autres instances internationales ont découvert de grandes opérations
de trafic de pétrole dans les années d’après guerre. Le rapport de l’inspecteur général au ministère
du Pétrole note que la corruption dans le secteur de l’énergie a coûté des millions d’USD à l’Irak,
à cause du manque des registres de production, de l’absence de systèmes de contrôle interne et
de la faiblesse des structures organisationnelles et des équipes de travail, notamment dans les
divisions de vérification. Le pire est peut-être que certaines milices et forces politiques alliées
aux chefs des tribus contrôlent les installations pétrolières, y compris les champs de pétrole, les
pipelines et les ports d’exportation qu’ils exploitent comme fiefs privés, loin de toute supervision
du gouvernement, des instances internationales ou des forces d’occupation. Ce phénomène ne
permet point de connaître exactement le volume des exportations pétrolières (Salah Al-Nasrawi,
en arabe, document de base pour le rapport).
Transparency International 2008.
ONU – Rapport du Secrétaire général des Nations Unies, 2008f.
ONU – Rapport du Secrétaire général des Nations Unies, 2008f.
UN-OCHA 2007.
UN-OCHA 2008a.
Al-Tufakji 2003 (en arabe).
Akkaya, Fiess, Kaminski and Raballand 2008.
Akkaya, Fiess, Kaminski and Raballand 2008.
Akkaya, Fiess, Kaminski and Raballand 2008.
Dernières informations disponibles sur cette période.
PNUD 2007.
Banque mondiale 2004.
OIT 2008b.
Les dernières informations disponibles sur la Somalie à partir d’organisations internationales
datent de 2002.
PNUD et La Banque mondiale 2003.
PNUD et La Banque mondiale 2003.
La question des déplacés a été traitée dans le chapitre 4 de ce rapport : « L’insécurité personnelle
des groupes vulnérables ».
PAM 2009.
Oxfam 2007.
Compte des cadavres en Irak (Iraq Body Count) 2003-2009, Base de données statistiques en ligne
2008.
Burnham et al. 2006.
PNUD et Ministère de la Planification et de la Coopération pour le Développement 2005.
Susan Watts, Sameen Siddiqi, Alaa Shukrullah, Kabir Karim, and Hani Serag 2007.
Al-Awqati 2008 (en arabe).
CICR 2007.
Save the Children 2007.
UNAMI 2006.
OMS 2006a.
OMS 2005c.
Commission indépendante pour les droits de l’homme, 2006.
Centre palestinien des droits de l’homme 2005 (en arabe).
UNESCO 2005.
Barghouti et Murray 2005.
Barghouti et Murray 2005.
UNICEF 2009.
UNICEF 2009.
FAO 2006.
UNICEF 2009, dernières informations disponibles pour cette période.
PNUD et Banque mondiale 2003.
PNUD et Banque mondiale 2003.
PNUE 2007.
PNUE 2007.
Ministère des Affaires environnementales 2000 (en arabe).
Ministère des Affaires environnementales 2000 (en arabe).
Institut des recherches appliquées 2005 (en arabe).
UICN 2006.
Baxter 2007.
Gouvernement des États-Unis et République d’Irak 2008.
Ministère des Affaires étrangères de la République démocratique fédérale d’Éthiopie 2009.
New York Times 2009.
Occupation, intervention militaire et insécurité humaine
211
Chapitre
9
Conclusions
La sécurité
humaine
constitue une
protection pour le
développement
humain lors
des périodes
de régression
politique, sociétale
et économique
Le présent Rapport a commencé par définir la sécurité humaine comme étant « la
libération des êtres humains des menaces intenses, extensives, persistantes, et
compréhensives auxquelles leur vie et leur liberté sont vulnérables ». Le premier
chapitre considère qu’une telle définition et le cadre conceptuel qui la sous-tend
ont des significations particulières dans les pays arabes, dans la conjoncture
actuelle et contribueraient à déterminer les priorités dans les stratégies et les
plans de développement. En effet, la sécurité humaine constitue une protection
pour le développement humain lors des périodes de régression politique, sociétale
et économique, comme celles que la région a connues durant ces dernières années
et qui continuent à réduire les horizons de son avenir. La sécurité humaine est
distincte de celle de l’État, mais l’une ne s’oppose pas nécessairement à l’autre.
En revanche, la sécurité de l’État est indispensable à celle des individus. La
contradiction entre les deux se manifeste lorsque l’État se préoccupe absolument
des questions de sécurité nationale aux dépens des droits et libertés fondamentaux
des citoyens, ou lorsque ses pratiques transgressent le règne de la loi. Dès lors,
l’État faillit à sa mission de protecteur de la sécurité humaine et devient lui-même
une partie du problème.
La sécurité des personnes
d’abord
Certains acteurs
faisaient partie du
problème, mais ils
peuvent constituer
un élément
de la solution,
s’ils changent
de parcours
Les menaces à la sécurité humaine sont
aussi interdépendantes que multidimensionnelles Avec des effets composites.
Elles sont dues à plusieurs facteurs, variant
entre les phénomènes naturels, les États
autoritaires et les convoitises des forces
régionales ou internationales. Elles
peuvent­être associées à des acteurs locaux
tels que les appareils sécuritaires de l’État
ou les rebelles aussi bien qu’à des acteurs
mondiaux, comme les réseaux de traite
des êtres humains ou les forces d’occupation. Elles peuvent s’aggraver sous l’effet
d’autres phénomènes qui envahissent le
monde, tels que la mondialisation qui a
accentué la diffusion transfrontalière des
facteurs de risque affectant la sécurité
humaine.
Certains acteurs évoqués par le rapport faisaient partie du problème, mais ils
peuvent­ constituer un élément de la solution, s’ils changent de parcours. D’autres,
y compris la société civile arabe émergente
et les organismes régionaux et internationaux, pourraient être plus actifs et
constamment engagés à construire la sécurité humaine. Les chapitres précédents ont
rapporté plusieurs propositions quant aux
parcours offerts aux partenaires voulant
contribuer à cet édifice, chacun dans
l’activité qui lui est propre, y compris des
plans et des mesures précis, exécutables,
pour réduire les menaces à travers toutes
les dimensions de la sécurité humaine.
Les analyses du Rapport ont montré
que le concept de sécurité humaine offre
Encadré 9-1
un cadre adéquat pour axer de nouveau le
contrat social ainsi que les politiques de
développement arabes sur les propriétés
vitales – mais négligées – et qui laissent
un impact sur le bien-être des citoyens
arabes. Bien que les niveaux de sécurité
Rami G. Khouri – Une autre année s’est écoulée
Il semble que la vulnérabilité, les anomalies et les insuffisances se sont conjuguées lors de l’année précédente dans
les pays arabes. Voici les tendances principales qui, à mon
sens, caractérisent le profil de la région actuellement, et qui
se poursuivront durant plusieurs années à venir.
La caractéristique principale des pays arabes, c’est cette
association étrange entre l’affirmation de soi et la dépendance à l’égard d’acteurs étrangers ; ce qui reflète un état de
grande polarisation entre deux aspects contradictoires, dans
nos sociétés.
D’une part, nombreux sont, dans les pays arabes, les
États, les groupes ethniques ou les mouvements politiques
qui se tournent encore vers l’étranger en quête de protection
et de salut. Ils comptent plus sur les forces étrangères que
sur leurs peuples pour leur survie. À plus d’un égard, nous
sommes encore prisonniers de la mentalité de la période
postcoloniale. Le grand intérêt prêté à de nouvelles politiques
moyen-orientales de l’Administration Obama aux États-Unis
n’est que l’une des manifestations spectaculaires de cette
tendance.
D’autre part, le seul changement important survenu dans
les pays arabes, au cours des deux décennies écoulées, se
manifeste dans la tendance de millions d’Arabes à abandonner cette mentalité de « dépendance vis-à-vis de l’Occident »
pour affirmer leurs identités ainsi que leurs intérêts. Divers
mouvements islamistes constituaient l’espace principal de
l’affirmation de soi. Néanmoins, ils n’ont pu traduire leurs
bilans en impulsion susceptible d’édifier un État solide et
homogène.
Ces mouvements demeurent en effet défensifs et
réactionnaires en premier lieu. Ils sont capables d’affronter
les forces occidentales, Israël et certaines forces internes,
mais sont dépourvus de toute détermination à traiter les
revendications des masses populaires, telles que la création
d’opportunités d’emploi, la protection de l’environnement et
la modernisation politique.
Les sociétés qui connaissaient, autrefois, une certaine
complémentarité et une certaine cohésion ont commencé
à se disloquer et se diviser en quatre composantes principales : des bureaucraties que l’État gère par le biais d’un
lourd arsenal de forces de l’ordre, un secteur privé pénétré
par les dimensions mondialisées de consommation, des
identités traditionnelles sûres d’elles-mêmes et tranchées
(es­sen­tiel­lement islamistes et tribales) ; des bandes criminelles diverses comme les bandes de jeunes, les milices, les
émigrés clandestins, les réseaux de trafic de drogue, et de
pillage organisé qui vivent sur les revenus du gouvernement.
Ces quatre secteurs sociaux cohabitent dans une sérénité
relative, chacun occupant son propre espace dans la société
en comptant sur ses propres ressources.
Le grand perdant dans ce sens est certes la cohésion et la
transparence de l’État arabe moderne qui n’a pas réussi à promouvoir le sens de la citoyenneté parmi ses ressortissants.
La libéralisation et la démocratisation sont pour le
moment léthargiques. Ce sont là effectivement deux revendications enterrées sous le poids abrutissant des États
sécuritaires arabes minés par la corruption, les mouvements
de masses animés par l’émotion et la peur, ainsi que sous
l’impact débilitant des interventions israéliennes, américaines et étrangères.
À l’instar du nationalisme, l’activité politique authentique
ainsi que la lutte électorale pacifique pour le pouvoir dans les
pays arabes, sont les victimes de nos propres excès. Comme
les pressions économiques augmentent à travers tout le
Moyen-Orient après la récession mondiale actuelle, les prévisions relatives à la démocratisation vont encore chuter dans
l’ordre des priorités régionales.
Suite à ces tendances, l’importance des questions
politiques principales pour les peuples de la région perdra
d’intérêt. C’est le cas pour la plupart des populations et des
États à travers le monde.
Les ramifications des dysfonctionnements du MoyenOrient, et les pires – terrorisme, immigration clandestine,
lutte ethnique, corruption, États policiers et autres atrocités
perpétrées aussi bien par l’État que par des acteurs privés
– ne feront l’objet que d’irritants occasionnels pour le reste
du monde. Nous nous sommes marginalisés au lieu de nous
constituer en acteurs sérieux sur la scène mondiale et nous
voici réduits au rôle de criailler contre les nuisances et les
mécréants.
Le catalyseur, le plus ancien et le plus fort, du mécontentement, du déséquilibre et de l’extrémisme, dans notre
région, à savoir la lutte arabo-israélienne, ne connaît pas
d’évolution réelle. Au lieu de figurer sur l’agenda diplomatique comme question urgente, cette affaire revêt un aspect
plutôt trompeur, éludant sans cesse « le processus de paix ».
Si l’on prend en considération les nouveaux facteurs assez
complexes, on comprend que la résolution du conflit deviendra plus difficile que jamais.
Dans les pays arabes, ces tendances générales génèrent
l’anxiété et le désespoir. Par ailleurs elles sont instables, et
les peuples arabes ne sauraient les supporter pendant les
prochaines années à venir. L’aspect positif de ces tendances
ainsi que de leurs conséquences réside dans le fait qu’elles
émanent de décisions politiques humaines. Il est donc possible de les redresser toutes en optant pour des politiques
plus positives et plus équitables dans l’avenir.
Source : Khouri 2009.
214
Rapport arabe sur le développement humain 2009
humaine ne soient pas identiques dans
les pays arabes, aucun de ces pays ne peut
prétendre qu’il s’est libéré de la peur et du
besoin, étant donné que plusieurs d’entre
eux sont affectés par les répercussions de
l’insécurité dans les pays voisins. D’où
l’insistance du Rapport sur l’importance
capitale des facteurs suivants :
• Protéger l’environnement : Sauvegarder
la Terre et en améliorer la situation
en préservant l’eau, l’air et le milieu
sur lesquels repose la vie des peuples
dans les pays arabes, étant donné
les pressions de plus en plus fortes
aussi bien sur les plans local, régional
et mondial qu’environnemental et
démographique.
• Renforcer le règne de la loi : Garantir les
droits, les libertés et les opportunités
fondamentales sans différenciation
ni discrimination, c’est ce que seul
un État de bonne volonté, soumis
au contrôle, réceptif aux intérêts de
ses citoyens et régi par des lois justes
peut offrir à ces citoyens ; atténuer les
conflits identitaires et reposant sur la
rivalité pour s’emparer du pouvoir et
des richesses, dans le cadre d’un État
jouissant de la confiance des citoyens.
• Protéger les droits des catégories vulné­
rables : l’État et la société sont appelés
à reconnaître la maltraitance et les
exactions que subissent au quotidien
les catégories vulnérables, notamment
les femmes, les enfants et les réfugiés
dans la région. Il faut également envisager l’amélioration de leurs conditions
juridiques, économiques, sociales et
individuelles.
• Réorienter l’économie : Planifier pour
atténuer la faiblesse structurelle des
économies arabes reposant sur le
pétrole ; augmenter les revenus tout
en optant pour l’instauration d’économies variées et équitables fondées sur
la connaissance, génératrices d’emplois
et capables de garantir leur subsistance
aux générations de l’après-pétrole. Les
choix dans ces domaines deviennent
de plus en plus urgents, vu la crise
monétaire mondiale qui a éclaté lors de
la finalisation du présent Rapport.
les capacités humaines, à perturber
la vie de millions de personnes et à
entraver la marche du développement
humain dans toutes les sous-régions,
notamment les plus pauvres. Il ressort
de la dernière crise alimentaire que
les économies de sécurité alimentaire
dans l’économie mondiale nécessitent
le nouveau réalisme d’une définition de
la sécurité alimentaire dans la région
moins centrée sur la souveraineté alimentaire absolue, que sur la réalisation
d’une suffisance en denrées essentielles
pour tous les membres de la société.
• Promouvoir la santé : Améliorer les
niveaux de santé en tant que droit
humain pour tous, en tant que l’une
des conditions fondamentales de la
sécurité humaine, et en tant que
capacité de renforcement dans une
série d’activités humaines. Les progrès
importants réalisés par les pays arabes
dans ce secteur ont été accompagnés
d’échecs politiques et institutionnels
qui ont entraîné des disparités au
niveau de l’accès aux services médicaux de qualité, et une accentuation
des menaces relatives à la prolifération
de maladies, telles que le VIH/sida, la
malaria et la tuberculose.
Aucun des pays
arabes ne peut
prétendre qu’il
s’est libéré de la
peur et du besoin
• Régler les conflits et les prévenir : Les
conflits permanents dans la région,
y compris ceux en rapport avec l’intervention des forces régionales et
internationales, se sont avérés néfastes
à la sécurité et le développement
humains. Ces conflits ont infligé
d’énormes dommages et dégâts, à
travers l’usage de la force contre les
habitants, sans tenir compte de la
vie des civils. Ils ont également causé
d’inimaginables souffrances humaines
et jeté la confusion. Ils ont souillé la
réputation des puissances qui s’y sont
impliquées et miné le progrès fragile de
la réforme politique dans la région, renforçant ainsi les tendances extrémistes
et poussant les voix modérées hors de
l’arène publique. Pour progresser vers
une société humaine, il faut mettre
fin à ces conflits et entamer, après leur
résolution, une nouvelle période de
relance.
• Éliminer la faim : Éradiquer la faim et la
malnutrition qui continuent à affaiblir
Conclusions
215
Environnement : c’est
aujourd’hui qu’on protège
demain
Le taux élevé
des jeunes
dans la région
pose des défis
supplémentaires
Les pays
arabes ont un
besoin urgent
de politiques
démographiques
et développementales globales
Le défi de la
pénurie d’eau
doit être relevé
en appliquant les
principes d’une
bonne gestion
des ressources
aquatiques
216
Les pressions démographiques augmentent
la demande en ressources naturelles telles
que l’énergie, l’eau, les terres arables qui
sont de plus en plus exposées aux dégâts
dans la région arabe. La rareté des richesses
naturelles pourrait engendrer la récession
économique, l’émigration grandissante et
la concurrence accrue entre communautés
et pays. Cette concurrence peut dégénérer
en conflits sociaux, surtout quand elle est
instrumentalisée idéologiquement. Tant
que les modes de développement n’ont
pas résolu la question de la durabilité,
les dommages pourraient affecter les
fondements mêmes de ce développement
et la sécurité humaine dans l’avenir. Le
taux élevé des jeunes dans la région pose
des défis supplémentaires. Les jeunes
représentent en réalité l’avenir pour leurs
peuples et constituent l’investissement
majeur que pourrait faire un État dans
le domaine du développement. Ils sont
également le souci principal pour les décideurs. Avant de devenir économiquement
productifs, les jeunes consomment des
ressources et nécessitent des investissements fondamentaux, notamment dans le
domaine de l’enseignement. Si les jeunes
souffrent du chômage pendant une longue
période, cette étape non productive dans
leur vie devient synonyme de frustration
et d’insécurité personnelle tout en pesant
lourdement sur les épargnes de la famille,
sur l’économie et les ressources de base.
Les pays arabes ont un besoin urgent de
politiques démographiques et développementales globales, capables d’orienter
efficacement ce flux de populations jeunes
et de leur offrir des « opportunités » tant
attendues dans la région. Il faut également
maintenir la baisse, quoique lente, dans les
taux de fertilité, par des politiques sociales
visant à dépasser les conceptions sclérosées des rôles des sexes et les obstacles
entravant l’émancipation de la femme,
comme par des politiques de développement s’assignant comme objectif la
création d’emplois et par des politiques
d’enseignement susceptibles de bâtir un
potentiel humain prêt à intégrer les marchés contemporains du travail.
Les pays arabes n’ont pas manifesté
jusqu’à présent l’habileté administrative
Rapport arabe sur le développement humain 2009
convenable, susceptible de protéger la
sécurité de l’environnement. En réalité,
seuls trois pays arabes sont répertoriés
parmi les cent premiers pays figurant dans
l’Indice de durabilité environnementale. Il
s’agit en fait d’un critère composite selon
lequel les pays sont classés en fonction
des plans qu’ils établissent pour gérer
les ressources écologiques et naturelles,
la population et le développement. Il est
d’une importance capitale de fournir plus
d’efforts afin d’élaborer et d’exécuter des
stratégies nationales de développement
durable, d’examiner la situation de l’environnement à l’intérieur et autour des
pays. Les gouvernements arabes disposent
de plusieurs moyens pour encourager les
forces sociales principales et le secteur
privé à contribuer aux efforts fournis pour
protéger l’environnement. Ces moyens
comprennent : le système fiscal, les incitations à l’usage de technologies favorables à
l’environnement, les campagnes appelant
à l’adoption de politiques encourageant
l’emploi des énergies renouvelables non
polluantes, l’adoption de politiques encourageant l’utilisation durable des sources
d’énergie, l’usage des moyens de transport
collectif au lieu des voitures personnelles,
l’application de mesures efficaces de lutte
contre la désertification et la déforestation.
La rareté de l’eau représente l’un des
défis les plus graves pour la région arabe
qui vient en tête des régions menacées
par le manque d’eau dans le monde. Ce
défi doit être relevé en appliquant les
principes d’une bonne gestion des ressources aquatiques dans les politiques de
développement, les cadres institutionnels,
la régulation de l’offre et de la demande
en eaux. Ces principes font appel à une
bonne gestion de ressources – terres, eaux
et autres – de manière coordonnée visant à
relever le niveau de bien-être économique
et social à ses degrés les plus hauts possibles et de façon équitable, sans sacrifier
le moindre élément de durabilité dans les
systèmes écologiques1.
Du moment que les questions de l’environnement sont de nature mondiale, les
initiatives visant à les traiter doivent aussi
se faire sur le plan mondial. À l’instar des
autres pays du monde, les pays arabes se
sont intéressés aux questions de la sécurité écologique et ont ratifié la plupart
des conventions internationales relatives
à l’environnement. Alors que la grande
responsabilité incombe aux pays industrialisés pour ce qui est des changements
climatiques sensibles, les pays arabes
peuvent eux aussi apporter leur contribution, en tenant leurs engagements, en
appliquant les conventions, en développant des instances de contrôle nationales
et régionales fortes, des systèmes d’alarme
ainsi que des plans d’action pour remédier
à la rareté de l’eau, à la désertification, à
la pollution atmosphérique et à la dégradation du sol sur le plan régional. Les
pays arabes sont tenus de concevoir des
mesures multiples pour s’adapter aux
changements climatiques et en alléger les
effets, en posant des stratégies susceptibles
de limiter les risques des catastrophes et
en adoptant des mécanismes pour gérer
les risques considérés comme un élément
critique de l’adaptation2. Le chapitre 2
du présent Rapport contient un nombre
de recommandations proposées dans ces
domaines.
Dans ce contexte, il convient de signaler l’importance des recommandations
émanant de la première conférence arabe
du Forum arabe pour l’environnement et
le développement3 tenu en octobre 2008
pour discuter le Rapport : L’Environnement
arabe : défis de l’avenir. En plus des plans
et programmes nationaux sur l’en­vi­ron­
nement, la conférence a recommandé une
action sérieuse pour affronter les défis
intersectoriels suivants :
a) Institutions environnementales : Soutenir
financièrement les institutions écologiques, leur attribuer les pouvoirs
exécutifs pour planifier, coordonner
et exécuter des programmes de
protection environnementale ainsi
que pour assurer la planification à
long terme nécessaire à affronter les
effets des changements climatiques,
tels que le ralentissement de la croissance économique ou la production
de biocarburants et ses effets sur la
disponibilité en nourriture, le revenu
pétrolier national et les plans de développement en général.
b) Intégration des considérations envi­
ronnementales dans la planification
pour le développement : par le biais de
l’emploi des mécanismes du marché et
l’introduction de la comptabilité des
ressources naturelles et des principes
de comptabilité écologique et toutes
les formes d’évaluation écologique
stratégique et cumulative, en plus de
l’effet écologique des projets.
c) Législation environnementale : Intégrer
aux législations arabes des textes
engageant leurs pays à employer des
moyens économiques pour réaliser le
respect de la loi environnementale,
à réglementer l’exercice d’activités
environnementales, de sorte que seules
les personnes habilitées en savoir et
en expertise peuvent s’y adonner et
mettre en œuvre toutes les législations
environnementales et supprimer tous
les obstacles entravant leur exécution.
d) Enseignement : Réviser les curricula
d’enseignement à tous les niveaux pour
introduire le sujet de l’environnement
de manière à accroître l’engagement
environnemental chez les étudiants.
e) Recherche scientifique : Augmenter
le budget destiné à la recherche
scientifique dans le domaine de l’environnement, créer des réseaux de
savants et de centres de recherche dans
Encadré 9-2
Les pays arabes
sont tenus de
concevoir des
mesures multiples
pour s’adapter
aux changements
climatiques et en
alléger les effets
Les dirigeants arabes s’engagent à faire progresser
la réforme politique
Nous, dirigeants des États arabes, réunis dans le cadre de la 16e session
ordinaire du Conseil de la Ligue des États arabes, à Tunis […] affirmons […]
notre ferme détermination à :
• Concrétiser la volonté de faire évoluer le système d’action arabe
commune, à la faveur de la décision du Sommet de Tunis de réviser la charte de la Ligue des États arabes et de moderniser ses
méthodes d’action et ses institutions spécialisées, et à la lumière
des différentes initiatives arabes contenues dans les propositions du
Secrétaire général et sur la base d’une vision consensuelle et d’une
démarche graduelle et équilibrée.
• Réaffirmer l’attachement de nos États aux principes humanitaires
et aux nobles valeurs des droits de l’homme dans leur dimension
globale et complémentaire, ainsi qu’au contenu des différents pactes
internationaux et du pacte arabe sur les droits de l’homme adopté
par le Sommet de Tunis, au renforcement de la liberté d’expression,
de pensée et de culte, et à la garantie de l’indépendance de la
justice.
• Œuvrer, à la lumière du document sur le processus de réforme et de
modernisation du monde arabe, à poursuivre la réforme dans nos
pays, pour s’adapter aux mutations mondiales accélérées, à la faveur
de la consolidation de la pratique démocratique, de l’élargissement
de la participation à la vie politique et publique et du raf­fer­mis­
sement du rôle de l’ensemble des composantes de la société civile, y
compris les organisations non gouvernementales, dans la conception
des contours de la société de demain. Œuvrer également à élargir la
participation de la femme dans les domaines politique, économique,
social, culturel et éducatif, à renforcer ses droits et sa place dans la
société et à poursuivre la promotion de la famille et la protection de
la jeunesse arabe.
Source : LEA 2004.
Conclusions
217
De grands espoirs
se fondent
sur l’État civil
comme étant le
défenseur majeur
et le garant de la
sécurité humaine
ce domaine sur les plans national et
régional.
f) Communications et mass media :
Organiser des formations sur l’environnement au profit des rédacteurs
et des experts en communication ;
réserver des pages et des programmes
sur l’environnement dans tous les
moyens de communication dans le but
d’améliorer le niveau de conscience
des masses à propos de la détérioration
de l’environnement ; généraliser une
meilleure compréhension du coût et
du bénéfice relatifs à l’application du
programme de la gestion écologique et
à la rationalisation de l’utilisation des
ressources naturelles.
L’État : solution ou problème ?
Il est impératif de
modifier le contrat
social et les modes
d’interaction
politique sur la
base de l’égalité
des droits et
des chances
La concentration de
toute autorité au
sein de l’exécutif
cédera la place au
contrôle public
218
De grands espoirs se fondent sur l’État
civil – c’est-à-dire, l’État régi par des lois
qui respectent les droits civils et politiques
– comme étant le défenseur majeur et le
garant de la sécurité humaine. Toutefois, le
présent rapport souligne que, dans les pays
arabes, les aspirations des citoyens à la protection de leurs droits et libertés se sont
rarement réalisées sur le terrain, même si
la distance entre espoir et réalité varie d’un
État arabe à l’autre. Les dirigeants arabes
ont clairement reconnu l’importance du
règne de la loi et des droits politiques
dans la « Déclaration sur le processus de
développement, de modernisation et de
réforme dans le monde arabe », adoptée
à l’issue du 16e Sommet arabe de Tunis
en 20044. Cependant, depuis lors, peu
de choses ont été réalisées dans ce sens.
Par conséquent, les recommandations du
RADH 2004 Vers la liberté dans le monde
arabe, sont toujours d’actualité5.
Tous les pays arabes sont appelés à
élargir et à approfondir le processus démocratique afin de permettre aux citoyens
de participer, sur un pied d’égalité, à
l’élaboration des politiques publiques. Un
système politique contrôlé par les élites,
malgré ses aspects démocratiques, n’aura
pas de résultats favorables pour la sécurité
humaine qui englobe tous les citoyens,
abstraction faite de la classe sociale, de la
croyance, du genre et de l’appartenance
ethnique/tribale. Il est impératif, dans
ce cas, de modifier le contrat social et les
modes d’interaction politique sur la base
Rapport arabe sur le développement humain 2009
de l’égalité des droits et des chances, afin
de tisser des liens de citoyenneté entre les
individus dans la société. Ces liens doivent
être assurés par l’État en tant qu’institution
qui est au-dessus des catégories sociales,
transcendant les tribus et leurs chefs, les
groupes ethniques et leurs dirigeants, les
confessions et leurs prédicateurs. Tel est
l’État pour tous ses citoyens, le protecteur
de leur sécurité personnelle et humaine,
le garant de leurs droits individuels et
humains.
Un tel État s’engage clairement à respecter les concepts mondiaux des droits
de l’homme. Il ne se contentera pas de
ratifier les conventions internationales,
mais il tiendra aussi à inclure leurs dispositions dans la législation nationale, et
à supprimer les obstacles juridiques et
organisationnels qui en empêcheraient la
mise en œuvre significative. Cet État saura
également incarner une séparation claire
les pouvoirs : la concentration de toute
autorité au sein de l’exécutif cédera la
place au contrôle public dans le cadre d’un
système de poids et contrepoids garanti par
un judiciaire indépendant et un législatif
véritablement représentatif et autorisé. Le
secteur de la sécurité est réformé selon
les principes de professionnalisme et de
service public. Cet État est également
amené à préserver son indépendance en
établissant ses politiques, en répondant
aux pressions internes et externes et à
gagner l’approbation et le soutien de
son propre peuple. Somme toute, il
serait un État légitime, au-dessus des
intérêts étroits qui se meuvent dans
son espace politique, et saurait jouir de
l’acceptation volontaire de ses citoyens
des principes par lesquels le pouvoir se
pratique. Afin d’aboutir à un tel État,
des progrès seront nécessaires dans les
domaines suivants :
Citoyenneté : La citoyenneté dans la
région arabe doit être égalitaire et
significative. Les êtres humains sont
nés dans des circonstances qui varient
l’accès aux options de développer leurs
capacités, mais ils sont tous dignes des
mêmes droits fondamentaux. Le droit
de citoyenneté doit être identique pour
toutes les personnes vivant dans un pays
donné, indépendamment de leur origine
ethnique, des croyances religieuses, du
genre, de la santé, de la culture, de la
richesse ou de tout autre attribut personnel. Partie intégrante de cette égalité,
la reconnaissance et l’acceptation de
la diversité, dans toutes ses composantes, dérive du même droit humain
fondamental. La mise en œuvre de ces
droits fondamentaux exige la reconnaissance de la citoyenneté pour tous
et des mesures nécessaires pour appréhender tout un système de ressources,
de services, d’aspects de protection et
d’opportunités offertes à ces citoyens,
et la manière dont celles-ci sont réparties entre eux. De nombreuses études
ont montré que la discrimination et les
inégalités socio-économiques entravent
la sécurité humaine et le développement
humain. En revanche, l’égalité constitue­
un moyen essentiel de mobiliser et
de renforcer les compétences et la
performance humaine dans toutes les
dimensions du développement.
Autonomie judiciaire : L’autonomie judi-
ciaire est une exigence fondamentale
pour améliorer la sécurité humaine dans
les pays arabes. Premièrement, la protection des droits de l’homme dépend
de l’existence d’une justice équitable,
autonome, capable de contrôler tous
les acteurs politiques et économiques,
sous une protection constitutionnelle et
juridique. Deuxièmement, l’autonomie
judiciaire facilite la stabilité politique
et la généralisation de la justice. Enfin,
elle constitue un élément vital pour le
développement d’économies saines,
raisonnables et inclusives. L’autonomie
judiciaire ne peut être obtenue u­ni­
quement par le biais d’institutions
statiques, mais aussi par l’éveil et le
développement permanents. Si les engagements contenus dans les constitutions
arabes et les conventions internationales
sont pris au sérieux, les corps législatifs
dans les pays arabes doivent être disposés
et habilités à agir sur un pied d’égalité à
l’égard des systèmes judiciaires, en leur
qualité de principes authentiques du
pouvoir, et non à travers la médiation de
l’exécutif. Les pouvoirs exécutifs dans
la région sont tenus de faire preuve d’un
engagement similaire à traiter le pouvoir
judiciaire sur un pied d’égalité.
Habilitation
des
corps
législatifs :
Malgré le large éventail de pouvoirs
constitutionnels accordés aux corps
législatifs dans les pays arabes, les parlements tiennent généralement un rôle
subordonné. Dans les domaines où les
parlements jouissent d’un certain degré
d’autonomie par rapport à l’exécutif, ils
manquent généralement de l’utiliser de
manière efficace pour contrôler le processus législatif. Deux aspects doivent
être pris en considération pour traiter
de l’incapacité des instances parlementaires dans les pays arabes. Le premier
c’est le processus électoral, souvent
conçu de manière à limiter les possibilités de l’autonomie parlementaire. C’est
que les élections restent, elles aussi, sous
l’emprise du pouvoir exécutif dans les
pays arabes. Généralement supervisées
par le ministère de l’Intérieur, elles ne
vont pas sans éveiller quelque défiance
à l’égard de l’insistance traditionnelle
du ministère sur les questions de sécurité intérieure. La loi électorale est très
souvent taillée sur mesure en faveur de
telle ou de telle partie. La neutralité est
un élément important, à la fois dans les
procédures électorales et dans le scrutin.
Mais l’élément le plus important encore
dans ces procédures est le climat politique général dans lequel les élections
se déroulent : le pluralisme reste encore
une exception plutôt qu’une règle dans
la région arabe, ce qui restreint les
choix des électeurs dans les élections
législatives. Par conséquent, il convient
d’arrêter les modifications régulières
des lois électorales. La deuxième question qu’il faudrait examiner dans les
domaines parlementaires dans les pays
arabes est l’absence de moyens et de
méthodes nécessaires pour interroger les
pouvoirs exécutifs.
Réforme du secteur de la sécurité : Souvent
l’État peut être lui-même une source de
violence, en dépit de sa capacité et de son
rôle central dans le contrôle de celle-ci.
C’est le cas de nombreux pays arabes qui
sont encore fortement influencés par une
approche sécuritaire traditionnelle dans
le domaine de la sécurité intérieure.
Cela s’accompagne d’une insuffisance
illustrée par la restriction du sens de la
notion de sécurité, à tel point quelle ne
peut aborder les déséquilibres majeurs.
En tant qu’instrument consolidant la
stabilité du régime, le secteur de la
sécurité dans les pays arabes est soumis
Conclusions
219
Les principaux
objectifs de la
réforme dans
le secteur de
la sécurité se
manifestent
au niveau du
développement de
corps sécuritaires,
capables d’assurer
la sécurité et les
mécanismes de
contrôle efficaces
Ce qui caractérise
les réformes
institutionnelles
réussies, c’est
qu’elles sont le
fruit d’un appel
à la réforme
émanant de
différentes couches
de la société
220
à un strict contrôle gouvernemental,
ce qui en compromet l’intégrité et la
capacité à garantir la sûreté et la sécurité
de tous ceux qui vivent à l’intérieur des
frontières de l’État. Les sociétés arabes
sont de plus en plus confrontées à des
menaces transfrontalières, de nature
collective, y compris le trafic d’armes
et de drogue, le crime international et
la répartition, entre les pays, de maigres
ressources naturelles, comme l’eau. Ces
menaces exigent une remise en question
de la politique sécuritaire, dans son
ensemble, ainsi que de la nature des
rôles, des missions, des acquisitions,
de la formation et de la répartition des
ressources. Aborder la sécurité du point
de vue de la protection des personnes et
des communautés contre la violence est
une obligation. Les décisions relatives à
la sécurité dans les pays arabes doivent
être analysées et comparées par rapport
à leur impact sur le développement et la
cohésion sociale.
Les principaux objectifs de la réforme
dans le secteur de la sécurité se manifestent au niveau du développement de
corps sécuritaires au coût raisonnable,
capables d’assurer la sécurité et les mécanismes de contrôle efficaces compa­tibles
avec les normes démocratiques. Le
secteur de la sécurité doit être soumis
à un système de poids et contrepoids au
niveau de l’État. Réaliser une gestion
transparente, soumise à l’interrogation
dans le secteur de la sécurité dépend de
l’existence d’une administration et d’un
contrôle civils des agences de sécurité
ainsi que leur éloignement de la politique
et d’autres rôles non liés à la sécurité.
Dans des pays arabes ayant connu des
conflits, la réforme est appelée à aborder
un troisième objectif, celui d’examiner
l’héritage des conflits passés, à savoir :
le désarmement, la démobilisation et
la réinsertion des anciens combattants
dans la société, la réforme judiciaire sous
forme de justice transitionnelle et la
réduction des armes légères et des mines
antipersonnel6.
Société civile : Ce qui caractérise les
réformes institutionnelles réussies, c’est
qu’elles sont le fruit d’un appel à la
réforme émanant de différentes couches
de la société et non pas un simple changement provenant du sommet. L’accent
Rapport arabe sur le développement humain 2009
a été souvent mis sur le rôle de la société
civile dans les tentatives de réforme
institutionnelle ; c’est le cas pour la
déclaration de Tunis et le document
d’Alexandrie7. Toutefois, la participation
non étatique dans la réforme dépasse les
limites de la société civile ; elle englobe
également le secteur privé. Les pays
arabes font face à une nouvelle réalité
où la représentation des secteurs privés
s’accroît constamment et à plusieurs
niveaux, dans les domaines législatif et
exécutif ; ils deviennent influents dans
l’élaboration des politiques publiques,
en particulier celles relatives aux affaires
économiques et sociales. Les expériences
relatives à l’expansion de la démocratie à
l’extérieur de la région arabe ont souvent
été associées à l’accroissement du poids
politique du secteur des affaires et son
partenariat avec l’élite dirigeante dans la
gestion de la société et de la politique.
Bien que ces alliances se contentent
parfois de polariser l’élite commerciale
en tant que partenaire secondaire de
l’État, elles ont poussé les autorités,
dans de nombreux cas, à considérer la
bonne gouvernance, le règne de la loi,
le questionnement et la transparence,
comme étant des principes fondateurs
de l’État. Il est probable que l’essor politique du secteur privé arabe stimulera
la transformation démocratique dans
l’environnement sociopolitique8.
Assurer la sécurité
des groupes vulnérables
Le phénomène de la violence à l’encontre
des femmes ne se limite pas aux pays arabes
même si quelques-unes de ses formes, telles
que les crimes d’honneur et les mutilations
génitales féminines, semblent­ plus accentuées dans les pays arabes qu’ailleurs dans
le monde. Toutefois, c’est la vulnérabilité
institutionnelle et culturelle qui constitue
une spécificité arabe. Plus particulièrement, la famille continue d’être dans la
région arabe la première institution sociale
qui reproduit les relations, les valeurs et
les pressions patriarcales à travers la discrimination entre les sexes. À ce propos, les
États arabes ont l’obligation de fournir aux
femmes les moyens susceptibles de garantir leurs droits et leur sécurité. Comme
exprimé dans les précédents Rapports
Arabes sur le Développement Humain, qui
ont appelé à une réforme sociétale globale
fondée sur les droits, la promotion de la
femme arabe est tributaire du respect
total des droits de citoyenneté pour toutes
les femmes arabes, la protection de leurs
droits au niveau des affaires personnelles
et des relations familiales, la garantie du
respect total de leurs droits et libertés
individuelles, et surtout, leur protection
durant toute leur vie contre l’abus et la violence physique et psychique. L’application
desdits droits nécessite des changements
juridiques et institutionnels visant à
mettre en harmonie les législations nationales avec La Convention sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes (CEDAW).
En plus du cadre juridique, l’environnement social constitue l’un des facteurs
importants de la discrimination contre
la femme. La violence à l’encontre des
femmes ne peut être traitée uniquement
dans sa dimension juridique ; il est par
contre indispensable de l’affronter dans
l’ensemble de la société par le biais
de l’éducation et de la sensibilisation
publique. Comme l’indiquent les rapports
précédents9, le manque de clarté dans les
concepts culturels et sociaux par rapport
aux rôles, aux fonctions et aux droits
représente une entrave à la promotion de
la femme. L’enseignement et les médias
doivent participer effectivement au
changement des images biaisées à travers
les émissions sociales visant à contribuer
à la promotion de la femme. Les racines
culturelles de la discrimination contre les
femmes s’étendent sur plusieurs niveaux
qui nécessitent tous une action simultanée :
• L’éducation familiale établit une discrimination entre les hommes et les
femmes en ce qui concerne les questions liées aux libertés, aux responsabilités et aux droits. Cet environnement
ébranle la confiance de la femme
en elle-même et l’image qu’elle se
construit d’elle-même. C’est pourquoi
il faudra comprendre les mécanismes
de cette discrimination pour y mettre
terme.
• Dans l’enseignement, les efforts
œuvrant à consolider l’égalité des
sexes sauront tirer profit de l’introduction des méthodes et des techniques
modernes aux programmes de l’enseignement pour aider à restructurer les
manuels, les méthodes d’enseignement
et l’évaluation.
• Dans les médias, le problème ne se
limite pas à la rareté et à la faiblesse des
programmes qui visent à promouvoir
le statut de la femme et à renforcer le
respect de son rôle dans la société. Le
problème va au-delà lorsqu’un grand
nombre de programmes médiatiques
conduisent à entraver les efforts visant
à la promotion de la femme, et dégénère encore plus avec l’analphabétisme
qui fait des médias audiovisuels la première source de culture populaire. La
priorité doit être accordée à la consolidation des méthodes de contrôle et
d’analyse de l’image de la femme dans
les médias arabes. Les médias doivent
également
contribuer
activement
au développement de la conscience
publique autour de CEDAW.
Il existe aussi dans les pays arabes une
crise liée à l’aliénation et à l’ostracisme
dont souffrent les groupes vulnérables et à
la négligence de la part des gouvernements
des droits fondamentaux de ces groupes,
du moment que leurs membres appartiennent à la famille humaine. Dans la plupart
de ces pays, ces groupes ne subissent pas
uniquement une discrimination institutionnelle, mais aussi une partialité de
l’ensemble de la société. Ce comportement
ne se limite pas aux femmes mais s’étend à
d’autres groupes marginalisés, tels que les
minorités, les personnes âgées, les jeunes,
les enfants, les handicapés, les PDI et les
réfugiés. La négligence envers ces groupes
vulnérables et leur marginalisation représentent un point noir dans les registres des
droits de l’homme dans les pays arabes et
doivent donc être éliminées sans retard ni
tergiversation.
Les réfugiés et les PDI souffrent d’une
discrimination institutionnelle et sociale
et sont traités comme des habitants de
deuxième classe dans plusieurs pays
arabes. Conformément aux principes des
droits de l’homme et en vue de garantir
ces droits à tous les demandeurs d’asile
sur leurs territoires, les pays arabes sont
désormais fortement appelés à :
• Ratifier les conventions internationales pour la protection des réfugiés,
car au moment de l’établissement de
ce rapport, la Jordanie, la Syrie et le
Liban n’avaient pas encore signé cette
convention importante.
Conclusions
La garantie du
respect total
des droits de la
femme nécessite
des changements
juridiques et
institutionnels
La négligence
envers les groupes
vulnérables et leur
marginalisation
représentent un
point noir dans les
registres des droits
de l’homme dans
les pays arabes
221
L’application du
modèle de l’État
rentier a un impact
négatif sur le
développement
L’affrontement des
défis économiques
dans la région
nécessite un
modèle alternatif
du développement
• Traiter les causes de la guerre et du
conflit à leurs racines et soutenir les
initiatives de paix impliquant des
acteurs de la base populaire, des ONG
et des gouvernements dans la région.
• Se focaliser sur des projets intégrés
visant à assimiler les réfugiés résidant
dans des camps à long ou à court
terme. Cela atténuerait certaines
pressions exercées sur les ressources et
l’infrastructure dans les villes arabes
qui souffrent des flux de réfugiés.
• Réaliser la réhabilitation des camps de
réfugiés et les concevoir comme des
espaces urbains non pas sur la base
de la situation politique et sociale
des réfugiés mais en vue d’en faire
une partie intégrante de la ville. Les
schémas directeurs des centres urbains
basés sur la mise à niveau doivent
prendre en considération la structure
physique, socio-économique et culturelle des espaces en question. Il faudra
également adopter une approche de
participation intégrée émanant des
bases populaires pour définir les principaux traits des besoins différents des
réfugiés : femmes, hommes, enfants
et personnes à différents niveaux de
revenu, etc.
• S’assurer de l’engagement total des
ministères du travail, du développement social et de la justice ainsi que
des organismes nationaux des droits
de l’homme, dans le contrôle et la
promotion des droits de l’homme des
demandeurs d’asile.
• S’assurer que les individus ne sont pas
rapatriés là où ils risqueraient leur vie
et leur liberté conformément au principe de non-refoulement.
Redéfinir la sécurité économique
Les pays arabes doivent penser sérieusement à un avenir qui dépasserait le modèle
économique actuel dans la région et la
société sur laquelle il repose. La procrastination mènerait à l’insécurité économique
dans la région.
L’un des traits généraux distinctifs du
contrat social dans les pays arabes c’est
que le citoyen accepte les limitations
de la représentation publique et de la
responsabilité de l’État en échange des
profits que ce dernier lui procure. Un
222
Rapport arabe sur le développement humain 2009
tel contrat est possible si l’État dispose
d’autres ressources, en dehors des impôts
directs, telles que le pétrole, pour financer
les dépenses publiques. Bien que l’application du modèle de l’État rentier varie à
travers la région arabe, son impact, comme
on le sait, a été négatif sur le développement dans toute la région, à l’instar de la
baisse des investissements dans les autres
secteurs productifs ; ce qui rend le revenu
de l’État tributaire des réserves limitées
du pétrole, de la fluctuation des prix dans
le monde, de la domination de certains
modes de consommation qui, souvent, ne
contribuent pas à la création d’emplois,
et de la dévaluation du savoir dans des
sociétés où le progrès est souvent lié à la
richesse plutôt qu’aux activités cognitives
et intellectuelles. Un tel pacte social ne
favorise pas la mise en place d’une économie sûre, autonome et compétitive à long
terme, et doit donc être dépassé.
L’un des aspects positifs de la baisse
prévue du revenu du pétrole et de l’aide
officielle pour le développement dans
les années à venir, c’est qu’elle pourrait
conduire à s’appuyer davantage sur les
sources de revenu nationales et donc à
renforcer la responsabilisation mutuelle
de l’État et des citoyens.
À partir des expériences économiques
dans la région et dans d’autres régions du
monde y compris les pays de l’OCDE, des
doutes s’installent concernant la tendance
à dépendre uniquement des forces du
marché pour organiser les affaires économiques. Ceci dit, l’affrontement des défis
économiques dans la région nécessite un
modèle alternatif du développement arabe
basé sur trois piliers : le développement
économique diversifié, la génération des
emplois et la réduction de la pauvreté, tous
dans le cadre de la coopération régionale.
Et quand les leçons tirées des échecs économiques mondiaux récents sont prises en
considération, les outils de ces politiques
devraient être hétérodoxes : ils devraient
refléter un moyen terme pragmatique entre
les politiques du marché libre basées sur le
principe du « laissez-faire, laissez-passer »
et l’intervention excessive de l’État. Plus
précisément, ce Rapport a clairement souligné la nécessité d’accorder la priorité au
travail dans les trois domaines suivants :
Diversification économique : la promotion de la base productive des économies
arabes et sa diversification sont l’un des
facteurs déterminants dans le traitement
des formes d’insécurité économique établies dans ce Rapport. L’attention actuelle
dans la région doit absolument être réorientée de l’expansion économique basée
principalement sur les revenus du pétrole
vers une croissance constante de la part du
secteur industriel et de sa productivité,
une hausse remarquable de la productivité agricole et la reconsidération de la
concentration intense sur le secteur des
services. Ceci requiert une révision du
cadre macroéconomique qui donnerait
lieu à plus d’investissements publics dans
l’infrastructure, favorisant par là une croissance basée sur l’industrie d’exportation.
Cette révision doit envisager un secteur
financier solide et un environnement de
crédits robuste, ouvert et accessible pour
permettre aux sociétés privées de financer
l’investissement et la croissance.
L’une des voies pour assurer un financement stable à long terme aux secteurs
stratégiques, est la création de banques
de développement, quelles soient des
institutions publiques comme au Brésil,
en Corée et au Japon, ou privées comme
en Allemagne. Les pays qui ont tardé à
franchir le pas de l’industrialisation ont
réussi remarquablement en se servant de
ce type de banques de développement
comme bouclier financier pour l’application de leurs politiques stratégiques dans
le domaine de l’industrie.
Ces deux objectifs politiques, à savoir le
développement de l’infrastructure et l’octroi de crédits financiers stables et fiables,
constituent les deux pierres angulaires des
stratégies industrielles nationales et régionales qui visent à diversifier les sources de
croissance. En ce qui concerne la politique
agricole, il faudra accorder plus d’intérêt
à des questions essentielles comme celles
d’assurer l’accès aux terrains productifs
et aux crédits, les bénéfices d’un soutien
ciblé des prix, le changement des rôles
basés sur le genre et une gestion efficace
des ressources en eau.
Mondialisation : L’influence de la mondialisation sur les pays arabes n’est pas
moins importante que dans le reste du
monde. C’est pourquoi il est nécessaire de
mieux gérer son pouvoir et d’en tirer profit. Le changement technologique de plus
en plus rapide relève de manière continue
le plafond du niveau technologique et
exige des pays développés de hausser le
niveau de productivité et de compétitivité
dans l’économie mondiale afin de trouver
un rôle fructueux dans les changements
mondiaux. La réalité est que les secteurs
les plus dynamiques dans l’économie mondiale intégrée concernent les produits et
les services à haute technologie. En contre­
par­t ie, les dernières décennies montrent
que le fait de s’appuyer sur les produits à
bas prix et la main-d’œuvre non qualifiée
pourrait générer une « croissance paupérisante », ce qui est laisse les économies en
développement dans un état d’insécurité
grave. C’est pourquoi la première étape à
franchir vers la sécurité économique doit
englober un développement plus large
des capacités technologiques potentielles,
la mobilisation et le développement des
forces intellectuelles ainsi que l’orientation
vers la production et les services à valeur
ajoutée. Dans ce contexte, les recommandations proposées dans le RADH 2003,
Vers l’instauration d’une société du savoir,
sont encore d’actualité aujourd’hui.
Création d’emploi : Toute stratégie économique globale conçue au service des
pauvres doit renouveler son engagement à
créer l’emploi et l’investissement qui sont
les catalyseurs de la promotion de la croissance. Le programme des réformes arabes
actuelles a mis de côté le modèle de développement de l’État pour en prôner un
autre contrôlé par le pouvoir du marché et
visant à créer un climat propice à l’investissement et au capital privé. Toutefois, la
réalité montre que ce modèle ne constitue
pas forcément une solution à l’aggravation
et à l’extension de la crise du chômage
dans la région, car le cœur du problème,
selon les auteurs du Rapport, réside dans la
nature du développement qui repose sur
le pétrole.
L’application d’un modèle fondé sur
les revenus du pétrole a généré une croissance fluctuante sans créer d’opportunités
d’emploi. Par ailleurs, ce modèle a créé des
inégalités dans le revenu qui a tendance à
baisser plus que dans les autres régions du
monde. Il a également aggravé la situation
relative à la pauvreté du revenu. La croissance de la production doit absolument
être reliée à la réduction de la pauvreté,
ce qui exige de générer les opportunités
d’emploi en contrepartie d’un salaire
Conclusions
Toute stratégie
économique
globale conçue
au service des
pauvres doit
renouveler son
engagement à
créer l’emploi
La croissance
de la production
doit absolument
être reliée à la
réduction de
la pauvreté
223
convenable et ce, à une grande échelle.
Le chômage, en plus de ses répercussions
économiques, est le défi politique et social
le plus sensible auquel sera confrontée la
région dans un avenir im­minent. Ce défi
Encadré 9-3
ne réside pas uniquement dans la création d’emploi, mais englobe la création
d’opportunités d’emploi productives et
dignes à l’ensemble des populations qui
ont atteint l’âge de travailler. Pour réaliser
Georges Corm* – Les Arabes dans l’ère de l’après-pétrole
Parmi les facteurs qui ont déstabilisé les sociétés arabes, il y a
la domination du pétrole sur les économies arabes pétrolières
ou non pétrolières depuis le début des années 1970. Car les
revenus drainés du secteur du pétrole n’ont pas influencé
uniquement les pays exportateurs de pétrole. Une partie de
ces revenus s’est répandue dans toutes les économies arabes
par le biais des transferts de devises de la main-d’œuvre
arabe vers les pays non exportateurs de pétrole, en plus des
flux des investissements bilatéraux. C’est pourquoi les taux
de croissance annuelle dans les pays arabes sont devenus
intimement liés aux fluctuations des prix du pétrole, de telle
sorte que le rythme de croissance augmente ou ralentit en
fonction des fluctuations des prix mondiaux.
Du fait du pétrole et de l’économie de rente, les pays
arabes se sont habitués à la consommation d’un ensemble
important de produits et de services importés, sans pour
autant augmenter leur capacité productive et exportatrice
pour financer ces importations, en dehors du secteur de
l’énergie. Les efforts d’investissement se sont focalisés
également pendant l’ère pétrolière sur le développement de
la capacité de production de l’énergie et sur son exportation
en vue d’en augmenter les revenus. Quant au mouvement
d’investissement dû aux excédents financiers, sa distribution
s’est faite entre les grands groupes financiers familiaux et
les petites épargnes du plus grand nombre des travailleurs
arabes dans les pays pétroliers. Dans les deux cas, les investissements se sont orientés principalement vers les secteurs
de l’immobilier, du logement, du tourisme et de la banque.
Les excédents financiers n’ont pas été exploités effectivement
dans la construction des capacités productives locales en vue
d’affronter les défis de la mondialisation et de l’après-pétrole.
Pour cela, il faut commencer à penser sérieusement à
réajuster les voies du développement afin que les Arabes
deviennent producteurs dans les domaines sur lesquels
repose le mouvement de la mondialisation, à l’instar de ce
qui a été fait par plusieurs pays qui accusaient un retard
économique, tels que l’Irlande, Singapour, la Corée du Sud,
le Taïwan et Malte. Cela signifie qu’il faut mettre en œuvre des
plans interdépendants pour enrayer l’émigration des cerveaux
arabes. Car le mouvement de la mondialisation impose à tous
les États de développer les capacités de la connaissance et de
la création qui s’appuient en premier lieu sur la compétence
humaine, la bonne organisation, l’encouragement de la créativité technologique dans des domaines modernes tels que
l’électronique, l’informatique, les recherches en matière de
santé, en médecine, en biologie et sur les nouvelles variétés
de nourriture, en plus des recherches se rapportant à l’élimination de la pollution de l’environnement et à la production
des sources d’énergie alternatives.
Il convient de rappeler que les États arabes ont accompli
de grands efforts dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, mais sans garantir les opportunités d’emploi
suffisantes et appropriées aux compétences arabes qui
arrivent au marché de l’emploi annuellement et en grands
nombres, mais se trouvent contraintes d’émigrer en quête
d’une vie professionnelle remarquable et active, mais inexistante dans leurs pays. Cette situation fait partie d’un cercle
vicieux dû à la concentration des investissements dans le
domaine immobilier, commercial, bancaire et dans certaines
industries légères qui ne nécessitent pas de grandes capacités
technologiques (exception faite de l’industrie pétrochimique
qui est le prolongement du secteur pétrolier).
La réalité est que les économies arabes s’appuient, en
plus de la rente pétrolière, sur la rente immobilière, la rente
des agences d’importation des produits étrangers et la rente
financière et bancaire. Ces économies ne sont pas encore
entrées dans l’époque de la rente qui provient de la capacité
technologique dans la fabrication des produits et des services
modernes, qui s’appuient sur le savoir plus que sur la maind’œuvre traditionnelle. Par ailleurs, afin d’encourager les
leaders économiques arabes à s’engager dans les opérations
d’investissement exigeant de hautes compétences humaines,
des connaissances scientifiques et technologiques, et pouvant drainer des bénéfices importants du fait de la créativité
technologique, il est nécessaire de restructurer les systèmes
fiscaux ainsi que le panier des motivations octroyées à l’investissement afin que celui-ci s’oriente progressivement vers
la diversification de ses domaines. Il existe de nombreux professionnels arabes qui possèdent de grandes compétences et
qui peuvent faire développer des moyens et des techniques
nouveaux dans la fabrication de produits modernes demandés à l’échelle mondiale. Mais ces professionnels ne trouvent
pas dans leurs patries de bailleurs de fonds pour la protection
de leurs créations par le biais de l’enregistrement de leurs
brevets d’invention au niveau international et leur développement de telle sorte qu’elles deviennent utilisables dans les
industries et les services modernes. Dans ce domaine, nous
pouvons suivre l’exemple de certains pays, plus pauvre que
les pays arabes, mais qui ont réussi à changer l’orientation
restreinte et peu performante de leur développement, en s’appuyant sur le savoir et la technologie et en s’engageant dans
la mondialisation pour en tirer profit de manière optimale.
Les pays arabes, avec ou sans pétrole, n’ont pas encore
accédé au monde de la modernité économique, conformément
aux exigences de la mondialisation. C’est que l’édification
des gratte-ciel, des aéroports élégants, et l’acquisition des
voitures de luxe ne sont que les apparences de la modernité
économique, et non sa substance palpitante puisée dans les
sciences, les connaissances et la création technologique.
* Georges Corm, consultant économique et financier international et juriste libanais. Ancien ministre des Finances (1998-2000) de la République libanaise.
224
Rapport arabe sur le développement humain 2009
cet objectif, les politiques économiques
globales peuvent avoir un effet similaire
à celui des programmes qui visent la
lutte contre la pauvreté. La question
qui s’impose à ce sujet est la suivante :
Qu’est-ce qui fait que la croissance assure
plus de soutien et d’utilité aux pauvres ?
La réponse la plus convenable réside dans
la nécessité de créer des situations qui
contribuent à la concentration de la croissance dans les secteurs économiques qui
peuvent permettre de générer des profits
directs aux pauvres ; la mise en place d’un
environnement susceptible de multiplier
en leur faveur les opportunités d’emploi et
de revenus véritables ; le renforcement de
leurs capacités humaines fondamentales.
Cela exige que les politiques globales
soient inhérentes à une stratégie de
développement élargie et favorable à
l’investissement, non seulement au niveau
de l’infrastructure, mais également au
niveau des activités génératrices d’emploi,
telles que les travaux publics, en plus du
développement des capacités humaines en
investissant dans les domaines de l’enseignement et de la santé.
Réduire la pauvreté : Il est certain qu’une
partie des hommes, des femmes et des
enfants seront relégués dans la misère,
même avec le concours des efforts visant
à la réalisation de la diversité économique
et à la création d’emploi. Pour les faire
sortir de cette misère, il est nécessaire de
développer des programmes et des politiques précis et ciblés en vue de relever les
niveaux de revenu et de consolider l’accès
aux services dans le contexte des stratégies
de développement national.
Parmi les composantes importantes qui
n’ont pas été exploitées totalement dans les
pays arabes figurent les projets des travaux
publics qui doivent viser les catégories
pauvres et procurer les fonds économiques
valables pour les sociétés locales pauvres.
Lorsque ce sont les catégories non nécessiteuses qui profitent amplement de tels
fonds, la participation au financement
doit être obligatoire et réintégrée dans les
budgets des projets publics.
Il y a également une autre composante
importante, celle de la mise en place de
filets de protection sociale, qui jouent un
rôle crucial dans l’atténuation de l’impact de la récession économique sur les
catégories vulnérables, et qui sont encore
inégalement répartis entre les pays de la
région. La plupart des pays arabes abritent un ensemble de réseaux d’assurance
sociale interdépendants, complétés par
des réseaux officiels et des réseaux gérés
par l’État de manière différente dans
chaque pays. Les pays arabes à haut revenu
ont mis en place une série de réseaux d’assurance, relativement élargis et profonds,
qui proposent un soutien particulier aux
femmes veuves, divorcées, aux malades,
aux personnes âgées, aux jeunes filles
sans emploi, aux familles des détenus et
aux étudiants. Les pays à revenu moyen
ont adopté la même démarche mais sans
couvrir tous les nécessiteux ni atteindre le
soutien, l’égalité et le coût optimal espérés
à travers les programmes proposés. Quant
aux pays à bas revenu, ils ont à peine commencé depuis quelques années à mettre en
place des filets de protection sociale officiels, lesquels souffrent des mêmes déficits
que ceux des pays à revenu moyen, même
si c’est à un degré plus élevé.
En vue de financer les grands investissements globaux au profit des pauvres
et de créer l’emploi, on préfère s’appuyer
en premier lieu sur la mobilisation des
ressources locales. Il n’est peut-être pas
sage de s’appuyer sur les aides du développement officiel ou sur les flux du capital
privé pour accélérer la croissance, sachant
que la mobilisation de certaines ressources
peut être effectuée par le biais de l’orientation des investissements publics vers les
domaines productifs, c’est-à-dire dans le
capital humain, physique et naturel.
Les politiques publiques peuvent
é­ga­lement créer un environnement plus
propice aux investissements privés impliqués dans plusieurs domaines, soit à travers
des politiques globales plus attractives, soit
à travers une redistribution des acquis de
manière plus équilibrée. En cas d’augmentation des opportunités d’emploi, les gens
deviennent plus enclins à l’épargne et/ou
travaillent davantage pour élargir la base
de leur revenu matériel. Par ailleurs, les
possibilités de mobilisation des ressources
locales semblent plus élevées dans la région
en raison de la baisse des taux d’impôts.
Conclusions
Il est également
important de
mettre en place
de filets de
protection sociale
225
Réduire l’insécurité alimentaire
et sanitaire
Le Rapport a
interprété la
sécurité alimentaire
en termes de
suffisance en
produits vitaux pour
tous les individus
de la société
La baisse du
niveau de
suffisance en
aliments de base
constitue l’une des
lacunes les plus
dangereuses dans
le développement
de la région
226
L’insécurité humaine, la faim et la malnutrition continuent d’affecter trop
d’Arabes. Bien qu’il soit possible que certains États soient en avance par rapport à
d’autres en atteignant le premier objectif
du Millénaire pour le développement, à
savoir, l’élimination de la pauvreté et de
la faim, la région arabe accuse dans son
ensemble un retard important en raison
essentiellement de l’expansion continue
de la faim dans les pays les moins développés de la région.
Ce Rapport n’a pas interprété la sécurité
alimentaire en termes de suffisance souveraine et absolue en matière de production
alimentaire, ce qui aurait constitué un
objectif non pratique en raison de la
pénurie d’eau à l’échelle de la région,
mais en termes de suffisance en produits
vitaux assurés pour tous les individus de
la société. Autrement dit, on ne s’est pas
focalisé sur la question de la suffisance au
niveau de l’État, mais au niveau humain.
Dans ce contexte, la baisse du niveau de
suffisance en aliments de base constitue
l’une des lacunes les plus dangereuses dans
le développement de la région. À travers
le monde, comme dans la région arabe,
les politiques non régulées du marché ont
facilité la concentration croissante des ressources en terres et en eau entre les mains
des grandes firmes commerciales dont le
nombre se réduit de plus en plus. Cette
tendance a contraint les petits agriculteurs
à un investissement confiné dans des terres
de plus en plus marginales. Les meilleures
terres, qui ont pendant longtemps assuré
la production alimentaire à ceux qui les
cultivaient, sont consacrées aujourd’hui,
de manière continue­, aux cultures qui
drainent des profits élevés, en vue de
répondre aux modes de consommation
des riches ou aux besoins de l’exportation.
En même temps, les rapports de force non
équilibrés, en particulier dans les régions
rurales, ont permis aux groupes influents
d’avoir la mainmise sur les meilleures
terres et de confisquer les ressources en
eau en contrepartie d’un coût beaucoup
moins important que la valeur sociale
de ces ressources. Toutes ces politiques
ont généré des marchés qui se sont mis à
produire des quantités moins importantes
que la demande en matière de produits
Rapport arabe sur le développement humain 2009
alimentaires de base, lesquels produits
constituent la part la plus importante
de l’alimentation des pauvres et de leurs
modes de dépense. Dans ce contexte, il est
possible de surmonter la pénurie alimentaire dans la région arabe en intervenant
sur les politiques conformément aux principes suivants :
Faciliter l’accès à l’acquisition des
terres : Les pays arabes doivent créer un
impôt progressif sur les terres productives
en imposant des moyennes fiscales qui
augmentent selon la superficie des terres
acquises. Cette mesure forcerait les grands
propriétaires terriens à vendre une partie
de leurs terres et utiliser les bénéfices pour
financer l’expansion des opérations d’irrigation. Il convient de traiter les questions
reliées à l’accès aux terres, à leur distribution et à leur acquisition dans le cadre
des politiques de soutien aux pauvres.
L’un des points essentiels dans ce domaine
concerne la garantie d’un cadre juridique
et institutionnel qui faciliterait à la femme
l’exercice de ses droits dans la gestion des
ressources. Il est important par ailleurs
de veiller à ce que les droits d’acquisition
des terres ne soient pas discriminants à
l’encontre de la femme en raison du rôle
crucial qu’elle joue dans le secteur agricole. Le changement des statuts juridiques
en vue d’affirmer les droits de la femme
et consolider ses revendications en matière
de fonds physiques et matériels est susceptible de générer des incitations nouvelles à
la production et d’éliminer les causes principales de l’insécurité des femmes rurales.
Étendre les régimes d’assurance et du
financement au développement rural :
L’intervention du gouvernement pour
s’assurer de l’existence d’un système
d’assurance et d’opportunités d’emploi
en vue de consolider le développement
rural en soutien aux pauvres peut s’avérer
nécessaire. Cela signifie qu’il faut accorder
aux activités agricoles des facilitations
ciblées en matière d’assurance. Les lois qui
exigent des banques commerciales qu’elles
procèdent à la diversification des opérations de crédit et à leur extension aux
régions rurales, comme c’est le cas en Inde
et au Vietnam, permettent de consolider
la petite production et le petit commerce
agricoles. Le financement des travaux non
agricoles qui impliquent dans les régions
rurales une main-d’œuvre importante
à investir dans les projets des travaux
publics génère également des éléments
susceptibles de stabiliser le revenu en cas
d’accidents climatiques imprévus.
Investir dans les ressources en eau : Il
convient d’effectuer des investissements
importants pour augmenter la capacité
d’approvisionnement en eau, sa production et sa distribution à des fins diverses.
Selon certaines estimations, le total du
capital requis pour le renforcement de la
capacité de la région en matière de dessalement de l’eau pendant la seule période
des trois prochaines décennies s’élève à
hauteur de 73 milliards d’USD, c’est-àdire, à 2,6 milliards d’USD en moyenne
annuelle. En outre, tant qu’il n’existe pas
d’investissement dans le domaine de l’eau,
il sera difficile d’augmenter la production
alimentaire, d’alléger les charges financières dues aux importations agricoles et
d’améliorer la sécurité alimentaire. Ces
investissements doivent par ailleurs être
accompagnés de réformes majeures en
matière de gestion de l’eau pour assurer
l’accès aux ressources en eau dans les
régions rurales de manière plus équitable
et plus durable.
Mettre l’accent sur la recherche et le
développement : La connaissance est
un élément vital pour l’agriculture et
la production alimentaire, mais qui fait
partie des conditions non exploitées. Il y
a une nécessité à effectuer des recherches
sur les problèmes des sociétés locales
dans les régions menacées, y compris
celles qui portent sur la protection des
diversités culturelles locales des maladies
et des pandémies, la diversification des
produits nutritionnels, la création de sites
d’exception sur les marchés et sur la flore
dont la croissance peut s’acclimater d’un
environnement plus chaud et plus sec.
Actuellement, des budgets sans importance sont consacrés à la recherche et
au développement dans les domaines de
l’agriculture et de la production alimentaire. La somme des budgets alloués par
tous les pays arabes durant les dernières
années à la recherche et au développement
dans ce secteur ne constitue guère qu’une
partie infime du budget annuel d’une multinationale travaillant dans le domaine de
l’alimentation et de l’agriculture.
La santé constitue un objectif humain
central et un instrument vital dans le
renforcement des capacités humaines, qui
affecte plusieurs aspects de la sécurité
humaine. Bien que les pays arabes aient
atteint des résultats concrets de manière
générale en matière de santé publique, ils
sont restés loin derrière les pays industrialisés. Malgré le progrès impressionnant
qui se reflète dans l’augmentation des
moyennes d’espérance de vie à la naissance
et dans la baisse des taux de mortalité
infantile, les autres indicateurs sanitaires
principaux se rapportant à la région
stagnent­depuis quelques années. Il y a par
ailleurs des disparités évidentes en matière
de protection sanitaire à l’intérieur d’un
même pays et entre les pays de manière
générale. Souvent les systèmes sanitaires
font preuve d’une mauvaise gestion des
données, de telle sorte qu’il est difficile
de se faire une idée exacte de la situation
de la santé publique. En outre, certaines
pratiques enracinées dans les coutumes
sociales continuent de porter préjudice à
la santé de bon nombre de personnes, particulièrement des femmes, et qui exigent
un changement des attitudes sociales de
manière générale. Il convient de faire baisser les taux de malnutrition et de retard
de croissance infantile et d’augmenter la
valeur nutritionnelle des aliments en rendant disponibles les produits nutritionnels
équilibrés et plus accessibles aux familles
afin de faire baisser aussi bien la malnutrition que l’obésité. Ce défi implique
les politiques alimentaires et sanitaires
et exige la mise en place de mécanismes
de fixation des prix de l’alimentation,
d’extension des centres de soins médicaux
élémentaires et de sensibilisation à la
culture de la santé publique.
Il faut également que les débats se
concentrent sur les priorités de l’amélioration des niveaux de la santé publique,
de son champ et des moyens de son développement. Les pays arabes sont dotés
des ressources matérielles et humaines,
comme de la volonté générale nécessaire
au changement. Ce qui est exigé, c’est une
vision prospective qui prenne en compte
toutes les questions complexes, refuse les
solutions rapides et propose un mode de
réalisation progressif et pratique. Pour
développer et réaliser une telle vision, il
faut procéder à l’examen d’un certain
nombre de principes fondamentaux :
Conclusions
Le défi de la
sécurité alimentaire
implique les
politiques
alimentaires et
sanitaires
Il faut que
les débats se
concentrent sur
les priorités de
l’amélioration
des niveaux de la
santé publique,
de son champ et
des moyens de son
développement
227
Se concentrer sur les gens et sur la prévention : Dans de nombreux pays arabes,
les systèmes sanitaires publics doivent être
plus interactifs et plus soucieux de prévention en se focalisant davantage sur les
gens comme étant l’axe principal de leur
action10. Le modèle vital du trai­tement de
la santé en vigueur dans la région, qui se
focalise sur la protection dans les hôpitaux,
les services de soins médicaux et le trai­
tement des maladies plutôt que sur les gens
est un modèle trop restreint pour subvenir
aux besoins attendus. Le système, dans sa
totalité, doit entrer en communication et
en interaction avec tous les autres secteurs
en vue de promouvoir la santé publique et
encourager son financement par le biais
de mécanismes appropriés impliquant les
différents secteurs.
Généraliser l’accès : Les autres changements qui doivent être opérés concernent
la baisse du coût des soins médicaux pour
les gens ordinaires dont les dépenses en
matière de santé dépassent de manière
continue leurs moyens. Ceci impliquerait
une redéfinition des priorités des dépenses
publiques dans les pays à faible et à moyen
revenu où les dépenses du gouvernement
en matière de santé ne cessent de baisser.
Par ailleurs, les pays à haut revenu, qui
dépensent beaucoup dans le domaine des
soins médicaux, sont appelés à traduire
ces investissements en acquis concrets
en palliant les déficiences au niveau de
leurs systèmes sanitaires et en se focalisant particulièrement sur la protection
préventive. Les pays arabes se doivent
de fournir plus d’efforts pour mettre en
place des législations dans le domaine de
l’assurance médicale en en garantissant
Encadré 9-4
Les priorités de la santé publique
• La promotion de l’égalité en mettant l’accent sur les catégories
les plus désavantagées.
• La prévention orientée vers les personnes et la fixation d’un coût
acceptable pour les soins médicaux élémentaires.
• Le renforcement des soins de santé primaires et l’intégration des
services médicaux fragmentés.
• La consolidation des institutions de la santé publique.
• Le soutien des initiatives de développement sanitaire qui mettent­
à profit la participation des sociétés civiles locales.
Source : Jabbour 2007.
228
Rapport arabe sur le développement humain 2009
la mise en application et de motiver les
employeurs du secteur privé pour octroyer
aux employés des avantages appropriés en
termes de soins médicaux.
Promouvoir la sensibilisation et la
participation publique : La participation
publique est un élément essentiel dans
la définition et l’application du processus
approprié. Absorbé par des questions plus
urgentes et plus en rapport avec la sécurité
humaine (telles que la nourriture, les droits
et les besoins fondamentaux), le citoyen
dans les pays arabes pense rarement aux
questions de santé en tant que priorités.
C’est pourquoi il est indispensable de
hausser le niveau de la connaissance générale relative aux questions de santé ainsi
que le niveau de prise de conscience des
droits et obligations afférents. En outre,
les secteurs les plus florissants dans les
pays arabes, si l’occasion se présente à
eux, peuvent, en partenariat avec des
gouvernements réceptifs et un soutien
international, lancer des initiatives locales
dans le domaine de la santé.
Il est également nécessaire de développer des forums locaux marqués par
une large représentativité des citoyens
en particulier et disposant des prérogatives nécessaires pour appliquer les
recommandations approuvées. Les pays
arabes peuvent, par exemple, lancer des
programmes de villes, de voisinages ou
de villages sains basés sur la participation
publique, de manière à ce que la coopération entre les gouvernements et les citoyens
remplace les approches unilatérales. De
tels programmes sont susceptibles de présenter des lignes directrices et éducatives
reproductibles dans d’autres domaines de
développement.
Coordonner et coopérer aux niveaux
régional et international : Sur le plan
des politiques et des programmes, la
coopération régionale est susceptible de
faire progresser la performance dans les
domaines de la santé et du dé­ve­lop­pement.
Ce genre de coopération a contribué à
l’amélioration des conditions sanitaires
dans les pays du Golfe. Cependant, la
baisse continue des indicateurs de santé
dans les pays voisins est inacceptable et
nécessite le recours à plus de coopération.
Il convient également de mobiliser les
ressources et les expertises disponibles
chez les gens et chez les organisations non
gouvernementales au lieu de se satisfaire
des capacités des gouvernements. Les
organismes internationaux de coopération jouent aussi un rôle capital dans ce
domaine en renforçant les liens entre les
gouvernements, les sources de savoir et les
ressources disponibles en vue de soutenir
les plans nationaux en matière de santé.
Affronter les menaces sanitaires émergentes : Les menaces sanitaires émergentes,
y compris le sida et les maladies chroniques contagieuses, doivent être prises
au sérieux. Toutefois, l’intérêt politique
porté à ces menaces demeure limité ou
totalement absent dans des contextes de
non-transparence et où les catégories les
plus exposées à ces menaces font face à
la négligence et à la marginalisation. Les
sciences médicales ont développé des traitements antirétroviraux pour les personnes
atteintes du VIH/sida, mais bien qu’elles
soient disponibles gratuitement dans la
plupart des pays arabes, il est impossible
d’en tirer profit d’une manière efficace tant
que le comportement social envers cette
maladie n’a pas changé, et sa prévention
reste tributaire de l’émergence de nouveaux modes de comportement individuel
chez les personnes atteintes. Il est devenu
donc urgent de se dégager de l’atmosphère
de secret et de stigmatisation qui enveloppe cette maladie, et ce, par le biais de
programmes de sensibilisation sociale à la
compassion impliquant la participation de
leaders ayant une forte influence sur la vie
des gens, tels que les leaders religieux et
d’autres personnalités publiques. Quant
aux maladies contagieuses majeures, la
protection, la prévention et le dépistage
précoce représentent les missions principales de l’infrastructure de la santé aux
niveaux national et local.
Mitigation des menaces externes
et résolution des conflits
L’instabilité règne encore dans la région
arabe qui souffre aussi de l’occupation,
de l’intervention militaire des forces
étrangères et des conflits internes et transfrontaliers privant les gens de leurs droits
fondamentaux et entravant le développement dans les régions en question. Ce
Rapport a passé en revue les aspects de la
violence institutionnelle, structurelle et
matérielle imposée aux pays arabes par
l’occupation et l’intervention militaire
étrangère, tout en signalant plus particulièrement les cas du TPO, de la Somalie
et de l’Irak.
C’est à la communauté internationale,
mais surtout à la Ligue arabe et à l’Union
Africaine que revient la responsabilité
primordiale d’aider les organisations
régionales dans la lutte contre les dangers
qui menacent la sécurité humaine dans de
telles situations. La première et principale
responsabilité de l’ONU est de maintenir
la paix et la sécurité dans le monde et ne
doit pas, par conséquent, abandonner le
rôle important qu’elle joue dans la région
à cet égard. Elle peut également apporter
une contribution significative en Irak en
aidant le pays à réussir sa transition vers
le développement et la construction parallèlement à la définition d’une stratégie
de retrait des forces américaines. L’ONU
dispose aussi d’une capacité évidente,
bien que sous-utilisée, à participer aux
négociations visant à mettre fin au conflit
arabo-israélien autour des territoires
arabes occupés. De même, la communauté
internationale peut faciliter en Somalie
l’action des forces arabo-africaines sous
l’égide de l’ONU conformément aux
recommandations présentées par les
leaders somaliens dans le Congrès de la
réconciliation nationale.
Quelle que soit la nature du programme adopté, la priorité doit être
accordée à mettre fin à la souffrance et au
décès dus aux conflits. La situation catastrophique dans le Territoire palestinien
occupé, en Somalie et au Soudan, ainsi
que la crise humanitaire et l’effondrement
de l’infrastructure en Irak suite à deux
décennies de guerres et de sanctions
insensées, représentent des priorités qui
ne sauraient être retardées. Malgré l’importance des subventions internationales,
il est impossible de se passer des initiatives
locales et régionales dans la lutte contre
les situations d’urgence, car elles peuvent
contribuer de leur côté au développement
de l’infrastructure nécessaire.
La persistance de l’instabilité de la
situation dans la région à cause de tels dangers confirme l’importance du lien étroit
entre la sécurité humaine et la sécurité
dans son sens conventionnel à l’échelle
nationale, régionale et internationale.
Conclusions
La protection, la
prévention et le
dépistage précoce
représentent
les missions
principales de
l’infrastructure
de la santé
C’est à la
communauté
internationale
que revient la
responsabilité
primordiale d’aider
les organisations
régionales dans
la lutte contre
les dangers qui
menacent la
sécurité humaine
229
Le défi le plus
important est celui
du conflit araboisraélien au cœur
duquel se trouve
le conflit israélopalestinien
Encadré 9-5
L’occupation, les conflits armés, les conflits
identitaires et le recours à la violence sont
tous des facteurs qui menacent la sûreté
des peuples concernés dans la région et
leur prospérité. Souvent, l’environnement
géostratégique s’associe aux conditions
politiques envenimées dans les pays arabes
pour exacerber les conflits et continuer à
dépendre des forces externes pour parvenir à des consensus. Cependant, cette
dépendance même représente une source
d’insatisfaction profonde parmi les peuples
de la région, poussant l’opinion publique à
lutter contre les forces étrangères perçues
comme une menace à la sécurité humaine
en raison de leur occupation des territoires
des pays arabes et la destruction de la vie
des citoyens.
La diminution du mécontentement
populaire à l’encontre des forces extérieures nécessite beaucoup plus que
des contre-campagnes pour gagner « les
cœurs et les esprits ». Cette situation est
l’aboutissement de rapports de forces
historiques ayant exposé les pays arabes
aux interventions extérieures et au « deux
poids deux mesures » dans les questions
Discours du Secrétaire général des Nations Unies sur le besoin
vital de la création d’un État palestinien et de l’instauration
d’une paix équitable, permanente et globale
Le Moyen-Orient n’a pas connu depuis longtemps une situation aussi
complexe, aussi précaire et aussi dangereuse. Une profonde méfiance
continue d’empêcher Palestiniens et Israéliens d’engager un réel processus de paix… Il y a de nombreuses causes à l’instabilité et à l’incertitude
qui règnent dans cette région. Mais pour la plus grande partie du monde
arabe, la blessure encore fraîche, même après 40 ans, est la poursuite de
l’occupation du territoire arabe et le fait que les Palestiniens demeurent
dépouillés de leur droit à leur propre État.
Les bases de la solution sont claires : la fin de l’occupation commencée en 1967, la création d’un État palestinien indépendant et viable, vivant
côte à côte avec un État israélien jouissant de la sécurité et d’une pleine
reconnaissance, et une paix juste, durable et globale dans la région,
comme prévu dans les résolutions du Conseil de sécurité.
Source : ONU – Département de l’information 2007.
S’il existe un fait que la crise de Gaza a bien confirmé, c’est bien celui de
la profondeur des échecs du passé et le besoin urgent de parvenir à une
paix équitable, permanente et globale pour tous les peuples du MoyenOrient. De la même manière que nous avons besoin d’un gouvernement
palestinien unifié et engagé dans le processus de paix, nous avons besoin
également que le gouvernement israélien honore ses engagements. Tout
comme nous avons besoin que les Palestiniens règlent les questions
de sécurité – comme le fait méritoirement l’autorité palestinienne en
Cisjordanie – nous avons besoin que les Israéliens gèlent définitivement
la colonisation.
Source : Ban Ki-Moon 2009.
230
Rapport arabe sur le développement humain 2009
liées aux droits politiques et aux droits de
l’homme. Il s’agit là d’une expérience douloureuse dans la mémoire collective et qui
ne pourra être dépassée que par le respect
indubitable des droits politiques, civils et
religieux dans les pays arabes et non par
de simples communiqués rassurants. Une
telle sincérité, dont les premiers signes sont
manifestes, améliorera remarquablement
le climat d’une participation effective des
parties régionales aux négociations visant
à régler les différends qui sont depuis longtemps à l’origine de l’érosion de la sécurité
humaine dans la région.
Il se peut que les conflits dans les pays
arabes ne soient pas résolus définitivement
dans un futur proche. Toutefois, l’intensité et l’étendue de ces conflits et de leurs
complications peuvent être atténuées.
Le défi le plus important au MoyenOrient est celui du conflit arabo-israélien
au cœur duquel se trouve le conflit israélopalestinien. Il est le centre de gravité de la
vie politique dans la région ; et sa valeur et
ses significations pratiques et symboliques
s’enracinent chaque jour davantage. Le
traitement de la cause palestinienne n’a
commencé qu’au début des années 1990
en raison du fait que ce conflit ne constituait durant plusieurs décennies qu’un
conflit parmi d’autres, internationaux,
lors de la guerre froide, et régionaux. Sans
une approche globale de ce conflit et des
questions politiques et économiques qui
lui sont liées, il est très probable qu’il
demeure l’un des conflits les plus épineux
dans le monde.
Conformément au droit international,
une occupation qui se transforme en un
régime à long terme est illégale et injustifiée. L’occupation n’est permise qu’en tant
que procédé provisoire pour le maintien
de la sécurité et de l’ordre sur un territoire
donné suite à un conflit armé dans l’attente de l’instauration de la paix. Quelles
sont donc les conséquences juridiques d’un
régime d’occupation qui a duré plus de 40
ans ? Certes, les obligations des forces de
l’occupation stipulées par le droit international ne perdent pas leurs effets à cause
du contrôle permanent imposé. Mais c’est
plutôt le contraire qui est juste, ce qui
donne lieu à plus de questionnements.
Est-il donc possible qu’une occupation
imposée et prolongée constitue un régime
légitime sur le Territoire palestinien
occupé ? Quelles sont les conséquences
juridiques pour les victimes de l’occupation et des forces d’occupation ?
Par rapport à la perspective du développement humain, une paix durable ne
sera atteinte que par l’arrêt de l’occupation
israélienne des territoires qu’elle a occupés
en 1967 et par la restauration des droits
palestiniens notamment celui de l’autodétermination11. L’absence d’une telle
solution a contribué jusqu’à présent à une
frustration sur le plan du développement
humain dans la région.
La crise en Somalie, qui dure depuis
près de deux décennies, est devenue l’une
des pires catastrophes humaines dans
le monde ; et ce pays représente encore
un défi à la communauté internationale.
Depuis 1991, la Somalie représente un
exemple flagrant de la notion de « l’État
en faillite ». La détérioration de la sécurité persiste encore et les taux de blessés
parmi les civils et notamment les femmes
et les enfants qui paient le prix du conflit
ne fait qu’augmenter. Plusieurs tentatives
de mise en place de mesures transitoires
ont échoué et le conflit a conduit à l’exacerbation des ressentiments entre les
différentes catégories locales. Ce scénario
varie constamment de telle sorte qu’il est
devenu difficile de se faire une idée précise
et claire du développement politique du
pays.
Il semble que la communauté internationale a concentré son attention sur un
aspect marginal de ce problème, c’est-àdire le phénomène de la piraterie, au lieu
de l’orienter vers le nœud de la crise, à
savoir le besoin d’un consensus politique.
L’on espère qu’une approche positive se
développera, surtout que l’Éthiopie a
commencé depuis janvier 2009 de retirer
ses forces et qu’un nouveau gouvernement
est au pouvoir depuis février 2009, rendant possible la relance d’un processus
politique crédible.
Durant les dernières décennies, l’Irak a
vu s’écrouler sa richesse et son infrastructure qui ont fait sa gloire dans le passé. La
sécurité humaine a été dangereusement
menacée en Irak à cause d’une série
d’épisodes de destruction héritée, dont la
guerre avec l’Iran (1980-1988), la guerre
du Golfe (1991), le régime des sanctions
(1990-2003) et d’autres actes de violence
sous le régime de Saddam Hussein ainsi
que durant l’occupation entamée en 2003
par les États-Unis d’Amérique.
Le cycle de violence commencé en
2003 a eu des conséquences humaines
dévastatrices sur la société irakienne.
Il a pratiquement arrêté la marche du
développement humain dans le pays.
Suite aux tensions et aux conflits générés
par les opérations militaires des groupes
armés, les crimes individuels et organisés, la corruption massive et les actes de
violence commis par différentes parties
ont endommagé si profondément le tissu
social et l’infrastructure de l’Irak qu’il sera
difficile de les réparer. En outre, le plus
dangereux, peut-être, c’est l’effet combiné
de tous ces facteurs qui a provoqué la crise
des réfugiés, conduisant au déplacement
de 4 millions d’Irakiens, dont environ
2 millions à l’extérieur de l’Irak. Plusieurs
spécialistes et décideurs s’accordent à
penser qu’il y a lieu de soutenir les efforts
visant la reconstruction de l’Irak après la
fin du conflit, en raison de plusieurs facteurs concomitants, dont l’amélioration
relative de la sécurité à Bagdad, le retrait
décidé des forces américaines et les résultats des élections locales de janvier 2009,
Encadré 9-6
En Somalie, il
semble que la
communauté
internationale
a concentré son
attention sur un
aspect marginal
de ce problème, au
lieu de l’orienter
vers le nœud
de la crise
Il y a lieu de
soutenir les
efforts visant la
reconstruction
de l’Irak
L’Initiative de paix au sommet arabe de Beyrouth, 2002
1. Le Conseil demande à Israël de revoir sa politique et de s’orienter
vers la paix en annonçant qu’il adopte la paix globale comme choix
stratégique.
2. Il lui réclame également de :
a.se retirer totalement des territoires arabes qu’il occupe, y compris
le Golan syrien jusqu’aux lignes du 4 juin 1967, et du territoire qu’il
continue d’occuper au Liban-Sud,
b.parvenir à une solution équitable du problème des réfugiés palestiniens, conformément à la résolution 194 de l’Assemblée générale
des Nations Unies,
c.accepter l’établissement d’un État palestinien indépendant et souverain sur le Territoire palestinien occupé depuis 1967 en Cisjordanie
et dans la bande de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale.
3. Les États arabes :
a.considéreront alors clos le conflit arabo-israélien et s’engageront
dans un accord de paix avec Israël pour réaliser la sécurité pour tous
les États de la région,
b.établiront des relations normales avec Israël dans le cadre de cette
paix globale.
4. Le Conseil assure le refus de toutes les formes d’implantation définitive des Palestiniens, qui est en contradiction avec les particularités
des pays arabes d’accueil.
5. Le Conseil invite le gouvernement d’Israël et tous les Israéliens à
accepter cette initiative pour protéger les chances de paix et mettre
un terme à l’effusion de sang, afin de permettre aux États arabes et à
Israël de vivre en paix, côte à côte, et assurer aux générations futures
un avenir sûr, où règnent la prospérité et la stabilité.
Source : LEA 2002.
Conclusions
231
lesquelles élections ont ranimé l’espoir de
voir le nouveau régime politique participer à la stabilité générale dans toutes les
régions du pays. Peut-être les élections
d’octobre 2009 déclencheraient des
ententes politiques éventuelles dans toute
Encadré 9-7
la nation, dépassant le rôle de la religion,
la pérennité des identités ethniques et
confessionnelles aussi bien que le différend
profond autour de la décentralisation.
Mohamed El Baradei* – La Recherche de la paix au Moyen-Orient.
Le conflit arabo-israélien se résume, à la base, dans l’existence de deux peuples qui se disputent une parcelle de terre.
Ces deux revendications s’enracinent dans les croyances
religieuses et dans deux perspectives différentes de l’histoire. Chacune des deux parties a le sentiment profond de sa
légitimité. Pour le peuple juif, la revendication de la « terre
promise » symbolise la fin de plusieurs siècles de persécution
culminant dans l’holocauste. Quant aux Palestiniens, ils se
demandent, de leur côté, comment il se peut que la « question juive » soit résolue à leur détriment, comment la terre sur
laquelle ils ont vécu mille ou deux mille ans doit être partagée
en deux États.
L’insécurité
Israël vit toujours dans le sentiment de l’insécurité, au milieu
d’un environnement où il est largement isolé et avec lequel il
est en rupture. En moins de 60 ans, quatre guerres ont eu lieu,
deux intifada et plusieurs conflits mineurs, où le sang des
innocents a été versé. Seuls deux États, l’Égypte et la Jordanie,
ont reconnu Israël, avec lequel ils ont signé des accords de
paix. Mais la paix instaurée était souvent plus proche d’une
« paix froide » – autrement dit, une paix « officielle », accompagnée seulement par un minimum d’inter­ac­tions entre les
peuples. Souvent, la sagesse voulue de cette paix appelait le
doute de la part des mouvements de protestation dans ces 2
pays, et même dans tous les pays arabes, vu la continuation
de l’occupation par Israël des territoires palestiniens. Entretemps, des réfugiés palestiniens en grand nombre continuent
de vivre dans des situations qui sont la misère même – ils
ne peuvent pas, par exemple, avoir accès à l’acquisition des
terres, ni prétendre aux documents de voyage appropriés –
situation qui a accentué leur sentiment d’humiliation.
Les Arabes ne manifestent pas aujourd’hui de disposition
à reconnaître Israël tant que la question palestinienne n’a pas
été résolue. En même temps, Israël continue de renforcer son
occupation en faisant face à ce qu’elle imagine comme étant
une menace existentielle à son entité et dans l’absence de
paix dans la région.
S’il y avait des leçons à tirer du passé proche du MoyenOrient, c’est que ces conflits ne peuvent être résolus par le
biais de la force militaire. Toutes les formes de violence ont
été expérimentées – occupation par la force, affrontement
militaire, répression, terrorisme et assassinats ciblés – sans
que la paix et la sécurité soient à la portée des deux parties.
Tout événement violent générait encore plus de violence et
augmentait l’insécurité.
La solution n’est pas dans la reconstruction de l’histoire, ni
dans le redressement et la réparation des injustices passées.
Si nous voulons résoudre le conflit central du Moyen-Orient,
nous devons regarder devant et non derrière, en manifestant
notre disposition à régler le différend, notre affirmation des
droits réciproques et notre détermination à agir selon l’esprit
de tolérance.
Il est clair que le statu quo actuel ne peut être accepté.
C’est que les risques de l’acquisition de l’arme nucléaire ou
des armes de destruction massive par d’autres pays dans la
région susciteront toujours de profondes inquiétudes sur le
plan international. En outre, la montée des groupes extrémistes – et la facilité avec laquelle ils recrutent de nouveaux
éléments dans la région – les maintiendra à la tête des
insécurités internationales. Par ailleurs, la dépendance de
plusieurs États du pétrole et du gaz naturel au Moyen-Orient
continuera à ajouter une dimension de risque économique
mondial à tout conflit. En outre, lorsque les événements de
la région favorisent l’apparition de faux conflits religieux et
culturels entre le monde musulman et l’Occident, les répercussions d’une telle situation seront ressenties partout.
Des raisons d’espérer
En dépit de la noirceur de cette situation, je perçois une lueur
d’espoir. Car au cœur du conflit et de la violence, il ne faut pas
oublier deux percées psychologiques majeures.
La première, c’est la disposition des pays arabes, exprimée lors des sommets arabes, d’instaurer des relations
naturelles pleines et entières avec Israël, à condition que
ce dernier se retire au niveau des frontières de juin 1967,
garantisse une solution équitable au problème des réfugiés
palestiniens et reconnaisse la création d’un État palestinien.
Cette acceptation est très loin des décisions du sommet arabe
tenu en 1967 à Khartoum et qui résument la position politique
des Arabes envers Israël dans trois « non » : « Non à la paix,
non à la reconnaissance, non à la négociation ».
La deuxième percée, c’est la reconnaissance par Israël
du droit des Palestiniens à créer un État autonome. Ici également, Israël s’est bien éloigné de sa position antérieure qui
consistait pendant plusieurs années à douter du droit des
Palestiniens à l’indépendance, à douter même de l’existence
d’une identité qui leur soit spécifique.
La réalisation de la sécurité au Moyen-Orient exige,
naturellement, la résolution d’autres problèmes en plus du
conflit israélo-palestinien. L’instauration de la stabilité au
Liban et en Irak, la normalisation des relations avec l’Iran, le
trai­tement des questions urgentes concernant le développement, la bonne gouvernance et la modernisation dans toutes
les régions du monde ne sont qu’une partie infime des défis
qu’il faut affronter.
* Directeur général de l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)
Source : El-Baradei 2006.
232
Rapport arabe sur le développement humain 2009
Malgré ces progrès relativement positifs, le doute sur l’avenir de l’Irak sera
toujours de rigueur. Les élections de fin
2009 seront, assurément, très importantes
en elles-mêmes. Mais elles mettront
en relief le défi le plus pesant en Irak, à
savoir, celui de la mise en œuvre d’une
alliance nationale qui puisse garantir la
stabilité après le retrait des forces américaines. En l’absence de la force étrangère
hégémonique qui a imposé sa domination
sur les orientations politiques, les parties
prenantes principales dans le pays doivent
décider de la manière de conduire l’action
des appareils de l’État, du style de son
organisation et du partage des prérogatives
entre elles, de la manière de résoudre
les différends autour des propriétés terriennes et d’utiliser les revenus pétroliers
et les autres ressources de l’État. Tous ces
objectifs sont réalisables en Irak, mais leur
réalisation dépend de la consolidation du
cadre politique visant la réconciliation
nationale et la reconstruction du pays.
Ces efforts seront affectés par des facteurs
exogènes, tels que la manière dont sera
organisé le retrait des forces américaines,
d’une part, et d’autre part, l’influence des
forces régionales.
Pour toutes les sociétés sortant d’un
conflit, les efforts de réconciliation sont
considérés comme l’agent de texture de
toutes les opérations de reconstruction.
La réconciliation ne doit pas se limiter
au plan national, mais doit toucher également les niveaux locaux. Elle doit être
à la fois politique et sociale, englobant
un processus de résolution des questions
de mémoire collective et d’histoire par
le biais d’un mouvement organisé impliquant la participation de la population
et des institutions de la société civile. En
consolidant une historiographie consensuelle du pays, la réconciliation nationale
pourrait empêcher les interprétations
partisanes des événements passés visant à
l’enrôlement des entités confessionnelles
et des groupes à des fins politiques. C’est
un devoir que d’encourager ces initiatives
qui visent à l’établissement de la fraternité et de l’unité en Somalie, en Irak et
au Soudan.
Ce qui est inquiétant, c’est que les
capacités et la performance des organisations arabes ont montré leur incapacité à
jouer un rôle déterminant dans la gestion
des crises et la résolution des conflits. Ce
fait résulte par certains aspects de la fragmentation et des tensions à l’œuvre dans la
région. On s’attend à ce que la Ligue arabe,
qui fait prévaloir la notion d’unité culturelle arabe, œuvre à la mise en place d’un
consensus entre les États arabes, comme à
sa mise en application. Pourtant les efforts
pour gérer des conflits spécifiques et
résoudre des différends ont été conduits de
manière unilatérale, en dehors du cadre de
la Ligue. L’établissement de mécanismes
régionaux efficaces pour traiter les crises
est l’un des défis que doivent relever les
pays arabes ; ces mécanismes constituent­
un moyen nécessaire à la gestion des
questions brûlantes impliquant plusieurs
aspects dans la région. À défaut de cette
capacité régionale, que les pays arabes se
doivent d’acquérir pour leurs propres intérêts, les crises de la région continueront
d’attirer l’intervention étrangère, qu’elle
soit unilatérale ou multilatérale.
Il est nécessaire
d’établir des
mécanismes
régionaux
efficaces pour
traiter les crises
Note finale
L’observateur peut facilement écarter la
possibilité du changement étant donné
les défis colossaux auxquels les pays
arabes font face en ce moment. Mais ces
derniers doivent trouver les moyens et les
méthodes pour améliorer leurs situations.
Le débat ne peut avoir lieu que sur les
priorités, les horizons et les instruments
nécessaires à l’amélioration du niveau de
développement et à la consolidation de ses
fondements. Ce rapport vise à aider à la
définition des priorités en partant des défis
que les peuples arabes doivent relever.
Le concept de sécurité humaine représente une contribution valide en vue d’une
citoyenneté mondiale libérée de la peur
et libérée du besoin. L’approche du développement humain selon la perspective de
la sécurité humaine se distingue par trois
caractéristiques : elle permet aux gens
d’exercer leur liberté à opérer des choix ;
elle ne s’appuie pas sur la force militaire
ni ne s’impose aux peuples par la force ;
et elle ne peut être réalisée par une seule
partie ou un seul État au détriment de la
sécurité humaine des autres.
Pour les acteurs internationaux,
approcher le développement humain
dans les pays arabes selon la perspective
de la sécurité humaine, en son plein sens,
peut induire un changement politique
Conclusions
233
Il faut une
coopération
efficace dans la
reconstruction
de la solidarité
arabe dans le
cadre d’un ordre
mondial élargi
234
important, en imposant à ces acteurs de
traiter les questions de la région non pas
sous l’angle étroit de leurs intérêts stratégiques – approche qui a totalement échoué
à établir des relations stables avec les pays
arabes – mais en pensant aux intérêts,
aux droits et à la sécurité des gens qui
vivent dans les pays arabes. Cette nouvelle
approche présente des bases plus durables
dans la création de partenariats fructueux
avec la région arabe.
Les auteurs de ce rapport pensent que
l’arrêt de l’occupation étrangère dans la
région, la création des liens d’une citoyenneté équitable et l’établissement du règne
de la loi dans les pays arabes, sont des
nécessités dans le traitement de l’insécurité politique, sociale et personnelle dans
la région. Ils insistent également sur l’importance cruciale de la coopération arabe
dans toutes les dimensions de la sécurité
humaine. Une telle coopération part d’une
vision réaliste et progressive qui prend en
compte les intérêts de chaque pays arabe
en lui-même. Elle est également fondée
sur les intérêts partagés par ces pays, à
commencer par les intérêts porteurs de
bien à leurs peuples.
Les projets émanant d’une telle vision
peuvent participer à l’atténuation des
pressions environnementales, du chômage,
de la pauvreté et du manque de réseaux
de protection sociale et de gestion des
crises en matière de sécurité alimentaire
et sanitaire. Aussi est-il besoin d’une coopération efficace dans la reconstruction de
la solidarité arabe dans le cadre d’un ordre
mondial élargi où ce sont l’unité des objectifs et le désir de plus de complémentarité
et de fusion qui font prévaloir le bien de
la région. La responsabilité de la mise en
œuvre des projets sérieux incombe dans
ces domaines aux organisations en charge
de la coopération arabe, à commencer par
la Ligue arabe, l’Organisation arabe pour
Rapport arabe sur le développement humain 2009
le développement agricole, le Bureau arabe
des affaires de drogue, l’Organisation
arabe du travail et l’Organisation arabe
des droits de l’homme.
Au niveau individuel des pays, ce
rapport insiste sur le fait de renoncer aux
stratégies de développement focalisées
sur la croissance économique en tant que
priorité absolue, en faveur des stratégies
de soutien aux pauvres traitant la croissance économique, la création d’emplois
et la réduction de la pauvreté comme des
priorités interdépendantes. Il faut que ces
stratégies s’harmonisent avec les orientations qui conduisent à la réalisation des
OMD, et que les promoteurs intellectuels
de ces stratégies s’inspirent du concept de
sécurité humaine dans ses définitions les
plus riches, y compris la valeur de la liberté.
La question importante est de savoir
si les pays arabes, sur lesquels se portent
encore beaucoup d’espoirs, seront à la
mesure de ces aspirations. Permettront-ils
à leurs jeunes sociétés civiles de développer leurs capacités à jouer les rôles qui leur
sont attribués ?
Les populations ont commencé dans
la plupart des pays arabes à se montrer
réfractaires à l’emprise des régimes politiques qui datent de périodes révolues,
alors que l’autorité dans l’État arabe
commence à s’éroder au fil du temps. En
même temps, la confiance dans les institutions de la société civile dans toutes leurs
dimensions n’est pas encore ancrée dans
les populations. Beaucoup d’Arabes sont
plutôt enclins à faire confiance aux institutions axées sur des allégeances invétérées,
liées particulièrement à la parenté, au clanisme et à la religion. Malgré l’immensité
de ces défis supplémentaires aussi bien
pour l’État que pour la société civile, les
relever est une condition essentielle pour
la consolidation de la sécurité humaine
dans les pays arabes.
Notes
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
Pour de plus amples détails sur les principaux défis qu’affronte la mise en œuvre des principes de
la Gestion intégrée des ressources en eau et des recommandations liées à leur traitement, voir :
Le Conseil arabe de l’eau 2008.
Pour plus de détail, voir : « Le Rapport et les résolutions du conseil des ministres arabes de l’environnement ». LEA 2007.
AFED 2008a.
LEA 2004a.
PNUD, 2004. Rapport arabe sur le développement humain 2004 : Vers la liberté dans le monde
arabe. Le rapport a abordé la question de la performance de l’État par rapport aux droits de
l’homme et a établi des recommandations politiques visant à consolider la sécurité humaine. Les
principales recommandations ont touché en premier lieu au renforcement des bases juridiques
et institutionnelles sur lesquelles se fonde la liberté, à l’adhésion aux lois internationales relatives
aux droits de l’homme, à l’imposition du règne de la loi aux gouvernements, à l’implication des
libertés et des droits fondamentaux au cœur de la constitution, à la consolidation des droits civils
et politiques dans les lois, à la garantie de l’autonomie du pouvoir judiciaire, à l’élimination de
l’état d’urgence et à la garantie des libertés individuelles. PNUD 2005.
Sayigh 2007.
Bibliotheca Alexandrina 2004.
Hamzaoui 2009 (en arabe).
PNUD 2006a.
Jabbour 2007.
En ce qui concerne le droit des Palestiniens à l’autodétermination, la Cour internationale de justice a exprimé sa position dans « L’Avis consultatif sur les conséquences juridiques de l’édification
d’un mur dans le Territoire palestinien occupé », publié à La Haye le 9 juillet 2004, elle y déclare
que :
« La construction du mur dresse […] un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de
son droit à l’autodétermination et viole de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce
droit. »
Elle cite également le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui a été consacré
dans la Charte et réaffirmé par la résolution 2625 (XXV) : « Tout État a le devoir de s’abstenir de
recourir à toute mesure de coercition qui priverait les peuples mentionnés dans cette résolution
de leur droit à disposer d’eux-mêmes… ». L’article 1 commun entre le Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels et Le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques réaffirme, le droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes et assigne aux États la
responsabilité de la consolidation de l’usage de ce droit et de son respect conformément aux
statuts de la Charte des Nations Unies.
La Cour rappelle qu’en 1971 elle avait assuré que les présents changements apportés au droit
international par rapport aux territoires ne disposant pas d’eux-mêmes, selon la charte des
Nations Unies, rendent le principe de l’autodétermination applicable sur l’ensemble de ces territoires. La Cour déclare que ces changements ne laissent aucun doute sur le fait que l’ultime but
de la confiance sacrée mentionnée dans le paragraphe 1 de l’article 22 de la Charte de la Ligue
des Nations est l’autodétermination des peuples concernés. La Cour a mentionné ce principe à
plusieurs occasions dans sa jurisprudence. En réalité, la Cour a montré que le droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes est aujourd’hui un droit pour tous les gens.
Conclusions
235
Bibliographie et références
Liste des documents de base
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