2 Des sanctions ciblées contre les marchés de capitaux russes
Transcription
2 Des sanctions ciblées contre les marchés de capitaux russes
Études REVUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER - REVUE BIMESTRIELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - JANVIER-FÉVRIER 2015 2 Des sanctions ciblées contre les marchés de capitaux russes Arnauld ACHARD, Dmitry GUBAREV, Svetlana GAREEVA, Pierre MONTEIL, avocat associé, Orrick, Herrington & Sutcliffe LLP (Paris) avocat associé, Orrick, Herrington & Sutcliffe LLP (Moscou) avocat, Orrick, Herrington & Sutcliffe LLP (Moscou) avocat, Orrick, Herrington & Sutcliffe LLP (Paris) 1 À la suite des violations des droits de l'homme perpétrées en Ukraine et afin d'infléchir la position de la Fédération de Russie, l'Union européenne a adopté des sanctions économiques dans le cadre de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Le règlement n° 833/2014 du 31 juillet 2014 impose à certains établissements financiers russes des restrictions d’accès au marché des capitaux. 1 - « S’il est une arme dont tous les gouvernements, belligérants ou neutres, et dont les opinions publiques comprennent l’importance dans le conflit actuel, c’est l’arme économique. (...) Le rôle essentiel de la guerre économique n’est pas niable : le blé ou le pétrole sont aussi nécessaires que les munitions 2 ». La perspective d’adopter des sanctions économiques contre un État, ou un groupe d’individus, ne date pas d’hier. En 1806, le décret de Berlin, signé par l’empereur Napoléon, imposait un blocus à la Grande Bretagne. Certes, les sanctions évoluent, mais l’objectif reste le même : sanctionner un État, ou parfois un groupe d’individus, contre lequel il n’est pas possible ou souhaitable d’engager un conflit armé. 2 - L’Union européenne et les États-Unis ne pouvaient rester impassibles face à la menace que représentait l’afflux croissant d’armes et de combattants russes dans l’Est de l’Ukraine. Dès le 6 mars 2014, le Président des États-Unis d’Amérique a adopté des executive orders permettant au Treasury Department’s Office of Foreign Assets Control (OFAC) 3 d’adopter des sanctions en inscrivant plusieurs personnes ou entités russes sur la liste des Specially Designated Nationals (SDN). 3 - Le même jour, sur le continent européen, « les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union Européenne ont fermement condamné la violation par la Fédération de Russie, sans qu’il y ait de provocation, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et ont appelé la Fédération de Russie à ramener immédiatement ses forces armés vers leur lieu de stationnement permanent [...] » 4. Lorsqu’une situation internationale exige une action opérationnelle de l’Union, le Conseil des affaires étrangères, une des formations du Conseil de l’Union européenne, présidée par le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut adopter des mesures de sanctions à l’égard de pays tiers dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne (PESC) 5. 1. Avec la participation de Veronika Kovalikova. 2. R. Cassin. L’évolution des conditions juridiques de la guerre économique. In : Politique étrangère 1939, n° 5, 4e année, p. 488-512. 3. L’OFAC (the U.S. Treasury Department’s Office of Foreign Assets Control) a adopté une série de sanctions économiques à l’égard de la Russie le 16 juillet 2014, modifiée le 12 septembre 2014. 4. Cons. UE, déc. 2014/514/ PESC, 31 juill. 2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine. 5. Le droit européen ne définit pas avec précision les mesures restrictives. Leur adoption est fondée sur l’article 215 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui parle uniquement de « l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers » et « des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques ». 4 - Dans ce cadre, des mesures restrictives ont été adoptées consistant à interdire de visa et à geler les avoirs de personnes visées. Ces mesures restrictives ont été complétées par des mesures ciblant la coopération sectorielle et les échanges avec la Russie. Un embargo a été mis en place sur les importations et exportations d’armes et de matériel connexe, les exportations de biens à double usage et de technologies à des fins militaires ou à usage final militaire ont été interdites, les exportations vers la Russie de certains équipements et technologies liés à l’énergie seront soumises à une autorisation préalable. Souhaitant frapper le cœur de l’économie russe, les sanctions ont également visé certains titres échangés sur les marchés financiers. 5 - Ainsi, le règlement du Conseil n° 833/2014 en date du 31 juillet 2014 6, désormais modifié par le règlement du Conseil n° 960/2014 du 8 septembre 2014 7 et le règlement n° 1290/ 2014 8 du 4 décembre 2014, ont imposé plusieurs catégories de sanctions à l’encontre de la Fédération de Russie dont l'étendue a été précisée par .une note d'orientation de la Commission Européenne en date du 16 décembre 2014 9. Parmi l’arsenal de sanctions adoptées, des dispositions concernent notamment l’accès aux marchés de capitaux de grands émetteurs russes. Elles permettent d’exercer une pression sur le gouvernement russe en renchérissant le financement des entités ciblées. Selon une note d’information publiée sur le site officiel de l’Union européenne 10, ces mesures viseraient à restreindre le financement des entités visées auprès des investisseurs européens. Confrontées à un besoin de financement à court terme, les entités visées seraient ainsi contraintes de se tourner vers l’État et la Banque centrale ce qui constituerait « un fardeau supplémentaire pour les finances publiques russes » 11. 6 - L’Union européenne tente de mettre fin à cette situation de conflit qui représenterait, selon certains, « le plus sérieux des défis 6. Cons. UE, régl. n° 833/2014, 31 juill. 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine : JOUE n° L 229, 31 juill. 2014, p. 1. 7. Cons. UE, régl. n° 960/2014, 8 sept. 2014, modifiant le règlement (UE) n° 833/ 2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine : JOUE n° L 271, 12 sept. 2014, p. 3. 8. Cons. UE, régl. n° 1290/2014, 4 déc. 2014 modifiant le règlement (UE) n° 960/ 2014 modifiant le règlement (UE) n° 833/2014 : JOUE n° L 349, 5 déc. 2014, p. 20. 9. Note d'orientation de la Commission du 16 décembre 2014 relative à la mise en œuvre de certaines dispositions du règlement (UE) n° 833/2014. 10. http://europa.eu/newsroom/files/pdf/info-note-capital-markets.pdf 11. La réponse à la question n° 15 du document « Note d’information sur les marchés de capitaux ». http://europa.eu/newsroom/files/pdf/info-note-capitalmarkets.pdf 13 Études REVUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER - REVUE BIMESTRIELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - JANVIER-FÉVRIER 2015 pour le système international depuis la fin de la guerre froide » 12. Les mesures d’intensité croissante adoptées successivement traduisent la volonté de « choisir la ou les dispositions les mieux à même de produire les résultats escomptés 13 ». Le règlement n° 833/2014 et le règlement n° 960/2014 prévoient des sanctions ciblées contre les marchés de capitaux. Les textes visent certains établissements financiers ou grandes entreprises russes (1) et en particulier certains types de titres (2). Délimitées dans l’espace (3), les sanctions européennes ont à leur tour donné lieu à des représailles sous forme de sanctions prises par les autorités russes contre des entités françaises (4). 1. Les sociétés émettrices visées par les sanctions européennes 7 - L’article 5 du règlement n° 833/2014 met en place des restrictions d’accès aux marchés des capitaux frappant cinq grandes institutions bancaires 14, certaines grandes sociétés du secteur de l’énergie 15 et de la défense 16. Ces entités sont détenues ou contrôlées majoritairement par l’État et occupent une place clé dans le secteur financier russe. Selon une note d’information publiée sur le site officiel de l’Union européenne, ces sociétés émettrices sont réputées jouer un rôle prépondérant dans la mise en œuvre de la politique financière et économique du gouvernement russe 17. 8 - Les sanctions économiques concernant les marchés de capitaux russes ne se limitent pas aux seules entités directement visées par le règlement. Elles concernent aussi indirectement les « personnes morales, entités ou organismes établis en dehors de l’UE dont plus de 50 % des droits sont détenus, directement ou indirectement, par une de ces entités » 18 ou encore les « personnes morales, entités ou organismes agissant pour le compte ou selon les instructions » 19 d’une entité visée 20. 9 - Récemment, l’Union européenne avait déjà eu recours à des sanctions économiques de même nature. Prenant en compte « la répression violente exercée contre le peuple syrien », le règlement n° 36/2012 du 18 janvier 2012 21, avait adopté des mesures restrictives portant sur certains services financiers suite au conflit syrien. Le règlement imposait des sanctions visant de manière générale l’État et les établissements financiers et de crédit. Contrairement aux sanctions qui avaient été adoptées contre la Syrie, le règlement n° 960/2014 portant sur la Russie limite son champ d’application aux entités listées expressément. Il ne vise pas le financement de l’État lui-même sur les marchés financiers. En outre, le règlement portant sur la Syrie vise également toute « personne morale, entité ou organisme détenu ou contrôlé » par une personnes visée par le règlement » 22. Ainsi, le règlement visant la Syrie a un champ 14 12. Article de T. Orlowski, Ukraine : les clés pour comprendre le conflit : Le Figaro en date du 9 sept. 2014. 13. S. Duhamel, L’usage des mesures restrictives autonomes de l’Union Européenne : deux poids deux mesures ou des mesures de poids ? : EU Diplomacy Paper 9/2012. 14. Sont visées, dans l’annexe III du règlement, Sberbank, VTB Bank, Gazprombank, Vnesheconombank (VEB) et Rosselkhozbank. 15. L’article 5 renvoie à l’annexe VI qui vise les sociétés du secteur de l’énergie suivantes : Rosneft, Transneft et Gazprom Neft. 16. Le règlement énumère trois sociétés principales de ce secteur, à savoir OPK Oboronprom, United Aircraft Corporation et Uralvagonzavod. 17. http://europa.eu/newsroom/files/pdf/info-note-capital-markets.pdf 18. Cons. UE, régl. n° 960/2014, 8 sept. 2014, préc., art. 5(1.)(b) et 5(2.)(c). 19. Cons. UE, régl. n° 960/2014, 8 sept. 2014, préc., art. 5(1.)(c) et 5(2.)(d). 20. Aucune liste des entités couverte par ces deux catégories n’est prévue par le règlement. Il appartient donc aux opérateurs de définir au cas par cas si leur cocontractant est susceptible de répondre à une de ces définitions. 21. Cons. UE, règl. (UE) n° 36/2012, 18 janv. 2012 concernant les mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement UE n° 442/ 2011 : JOUE n° L 16, 19 janv. 2012, p. 1. 22. En effet, l’article 24 (a)(iv) du règlement n° 36/2012 dispose que les opérations énumérées sont interdites à « une personne morale, entité ou organisme détenu ou contrôlé par une personne [susmentionnée] ». Pour comparer, le règlement relatif à la Russie n’inclut que les personnes, entités ou organismes établis « en d’application plus large que le règlement n° 960/2014 qui ne vise que les personnes morales, entités ou organismes détenus à plus de 50 % par une des entités listées. 2. Les titres financiers et les services d’investissement visés par les sanctions européennes 10 - Initialement, l’article 5 du règlement n° 833/2014 visait les transactions de toute nature portant sur les valeurs mobilières et les instruments du marché monétaire émis par les entités visées après le 1er août 2014 et dont la maturité excédait 90 jours. Les modifications apportées par le règlement n° 960/2014 élargissent le nombre d’instruments et d’opérations visées par les sanctions. Désormais, sont visés également toutes les valeurs mobilières et tout instrument du marché monétaire émis après le 12 septembre 2014 et ayant une maturité supérieure à 30 jours. À titre de comparaison, l’article 24 du règlement relatif à la Syrie imposait des sanctions portant uniquement sur l’achat, la vente, les services de courtage, la publicité ou tout autre service relatif aux « obligations de l’État ou garanties par l’État [...] ». Il ne vise qu’une seule catégorie des valeurs mobilières, contrairement au règlement concernant la Russie qui vise toutes les valeurs mobilières. 11 - De nombreux titres financiers sont susceptibles d’être ciblés par les interdictions énoncées dans le règlement. S’agissant de la définition des valeurs mobilières 23, le critère déterminant est celui de leur négociabilité sur le marché de capitaux 24. Dès lors qu’un instrument n’est pas négociable, il ne devrait pas être qualifié de valeur mobilière et n’est donc pas susceptible d’être concerné par les interdictions énoncées dans le règlement. Selon la définition de la Direction générale du Trésor français, le titre visé « doit être éligible à la négociation ». L’expression « le titre négociable » « semble renvoyer à des titres standardisés, ayant été admis à un marché règlementé et ayant reçu une identification (code isin) » 25. Si des restrictions à la cessibilité empêchent un instrument d’être négociable, il ne pourra pas être qualifié de valeur mobilière 26. De même, les instruments de paiement ne peuvent pas être qualifiés de titres négociables sur les marchés de capitaux. Ces derniers sont, d’ailleurs, expressément exclus du champ d’application du règlement. 12 - Au sens du règlement n° 833/2014 27, les instruments du marché monétaire regroupent des « catégories d’instruments habituellement négociés sur le marché monétaire, telles que les bons du Trésor, les certificats de dépôt et les effets de commerce, à l’exclusion des instruments de paiement ». Concernant les produits dérivés, la note d'orientation de la Commission en date du 16 décembre 2014 relative à la mise en dehors de l’Union, dont plus de 50% des droits de propriété sont détenus, directement ou indirectement, par une entité visée [plus haut] ». 23. Conformément à l’article 1(f) du règlement n° 960/2014 la notion de valeur mobilière comprend les catégories suivantes d’instruments « (i) les actions de sociétés et autres titres équivalents à des actions de sociétés, de sociétés de type partnership ou d’autres entités ainsi que les certificats de titres en dépôt représentatifs d’actions ; (ii) les obligations et les autres types de créance, y compris les certificats d’actions concernant de tels titres ; (iii) toute autre valeur donnant le droit d’acquérir ou de vendre de telles valeurs mobilières ». 24. L’article 1(f) du règlement n° 960/2014, selon lequel les valeurs mobilières sont « les catégories suivantes de titres négociables sur le marché des capitaux, à l’exception des instruments de paiement [...] ». 25. Le site officiel de la Direction générale du Trésor, Questions fréquemment posées dans le cadre des sanctions Russie. 26. Questions Regarding Directive 2004/39/EC : http://ec.europa.eu/yqol/index.cfm ?fuseaction=question.show&questionId=285 : « If restrictions on transfer prevent an instrument from being tradable in such contexts, it is not a transferable security ». 27. Le règlement n° 960/2014 du 8 septembre 2014 ne touche pas à la définition donnée aux instruments du marché monétaire à l’article 1 (g) du règlement n° 833/2014 du 31 juillet 2014. REVUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER - REVUE BIMESTRIELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - JANVIER-FÉVRIER 2015 œuvre de certaines dispositions du règlement (UE) n° 833/2014 distingue : i. d'une part, les contrats financiers qui ouvrent droit à l'acquisition ou à la vente d'une valeur mobilière ou d'un instrument du marché monétaire soumis de l'article 5 paragraphes 1 et 2 tels que les options, contrats à terme, les warrants ou les opérations à livraison différée, sont concernés par l'interdiction énoncée à l'article 5 ; 28 ; et ii. d'autre part, les autres produits dérivés, qui ne sont pas concernés par l'interdiction de l'article 5, tels que les contrats d'échange de taux d'intérêts ou d'échange de devises, les contrats d'échange sur risque de crédit, ou encore les produits dérivés utilisés à des fins de couverture sur le marché de l'énergie. 13 - En outre, selon l’interprétation de la Direction générale du Trésor, le marché concerné par les sanctions est le marché primaire. La Direction générale du Trésor a d’ailleurs précisé que « le titre doit faire l’objet d’une émission par une entité visée à l’article 5 : il s’agit donc du marché primaire qui met en relation un émetteur et un acheteur. Le marché secondaire est nettement exclu. Nous pensons également écarter le marché gris sauf à le considérer sous l’angle de l’assistance financière [...] » 29. 14 - La modification du règlement n° 833/2014 en septembre dernier a élargi le champ d’application des sanctions aux financements bancaires lorsqu’il s’agit d’accorder de « nouveaux prêts ou crédit » 30 aux entités visées ainsi que le fait d’y participer, directement ou indirectement. En visant les crédits bancaires dotés de la maturité supérieure à 30 jours accordés aux entités ciblées, le règlement englobe dans son champ d’application notamment les prêts bilatéraux, les prêts interbancaires, les prêts syndiqués, mais également les opérations de refinancement ou de restructuration par le biais de crédits, de crédits-baux, ou encore de locations financières. Le règlement prévoit deux exceptions. La première exception a trait aux crédits à l’export ou à l’import, entre l’Union européenne et un État tiers 31, qui se trouvent exclus des sanctions 32. La deuxième exception concerne les « prêts ayant pour objectif spécifique et justifié de fournir un financement d’urgence visant à répondre à des critères de solvabilité et de liquidité à des personnes morales établies dans l’Union, dont les droits de propriété sont détenus à plus de 50 % par une entité visée à l’annexe III ». Les notions comme celles de « financement d’urgence » et celle de « critères de solvabilité et de liquidité » peuvent être interprétées à l’aune du règlement du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement 33. Il s’agirait de l’hypothèse où un établissement établi au sein de l’Union européenne rencontre des difficultés à respecter les règles prudentielles, comme par exemple les différents ratios imposés par ledit règlement du 26 juin 2013. 15 - Sont concernés par les sanctions l’achat, la vente, les prestations de services d’investissement ou d’aide à l’émission sur les valeurs mobilières visées. Le considérant 6 du règlement n° 960/ 2014 exclut les services financiers autres que ceux visés par l’article 5 du règlement et mentionne expressément l’exclusion des 28. Cons. UE, règl. n° 960/2014, 8 sept. 2014, art. 5. 29. Il est important de souligner que cette interprétation ne vaut que jusqu’au moment où une « interprétation commune a posteriori ne vienne l’infirmer. » 30. Cons. (UE), régl. n° 960/2014, 8 sept. 2014, préc., art. 5 (3). 31. Clarification imposée par le règlement (UE) n° 1290/2014 du Conseil du 4 décembre 2014 modifiant le règlement (UE) n° 960/2014 modifiant le règlement (UE) n° 833/2014. 32. Le règlement exclut de son champ d’application « les prêts ou crédits ayant pour objectif spécifique et justifié de fournir un financement pour des importations ou des exportations non soumises à interdiction de biens et services non financiers entre l’Union et la Russie ». 33. PE et cons. (UE), régl. n° 575/2013, 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 : JOUE n° L 176, 27 juin 2013, p. 1. Études activités de dépôt, les services de paiement et d’assurance, ainsi que les prêts octroyés par des personnes visées. 3. L’application géographique des sanctions 16 - Les sanctions ne s’appliquent qu’aux entités situées en dehors du territoire de l’Union européenne. Par conséquent, les sanctions ne sont pas applicables aux filiales ou aux succursales des personnes visées, établies dans l’Union européenne. La Direction générale du Trésor précise que « ces entités doivent appliquer le règlement européen et ne sont pas visées par les sanctions 34 ». Or, si ces entités agissent pour le compte ou sur instruction d’une personne visée, elles seront couvertes par les sanctions, peu importe qu’elles soient établies dans l’Union européenne ou en dehors 35. 17 - Le règlement interdit expressément d’agir comme « substitut des entités visées » 36. Le règlement interdit de participer sciemment et volontairement à des activités qui permettraient de contourner les mesures restrictives 37. 18 - Selon l’article 8 du règlement n° 833/2014, il appartient aux États membres d’arrêter le régime des sanctions à appliquer en cas d’infraction aux dispositions du présent règlement et de prendre toutes les mesures nécessaires pour en garantir la mise en œuvre. Les sanctions prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. En France, le Code des douanes prévoit des sanctions pénales en cas de violation des sanctions économiques 38. Les personnes qui contreviennent ou tentent de contrevenir aux mesures de restriction prévues par le règlement encourent cinq ans d’emprisonnement, une amende et des confiscations 39. 4. L’envers et l’endroit : les sanctions adoptées par le gouvernement russe A. - Les sanctions mises en œuvre par les autorités russes 19 - Face aux sanctions étrangères visant les personnes morales et les personnes physiques russes, le Président de la Fédération de Russie a adopté, le 6 août 2014, le décret n° 560 portant sur « l’application des mesures économiques spéciales en vue de protéger la sécurité de la Fédération de Russie » publié le même jour 40. Ce décret interdit les importations en Fédération de Russie des produits agricoles, des matières premières et des aliments en provenance des pays qui ont soutenu ou mis en œuvre des sanctions à l’encontre de personnes morales ou physiques russes. 34. http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/404065 35. L’article 5(1) (c) et 5(2)(d) du règlement n° 960/2014. 36. Cons. (UE), régl. n° 960/2014, 8 sept. 2014, préc., art. 12. 37. L’article 12 du règlement n° 960/2014 dispose qu’« il est interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet de contourner les interdictions énoncées aux articles 2, 2 bis, 3 bis, 4 et 5, y compris en agissant en tant que substitut des entités visées à l’article 5, ou en utilisant la dérogation prévue à l’article 5, paragraphe 3, pour financer une entité visée à l’article 5. » 38. Le Guide de Bonne conduite publié sur le site de la Direction générale du Trésor explique, dans son point 8.1, la manière dont les sanctions économiques et financières doivent être mises en œuvre. 39. L’article 459 1 bis du Code des douanes prévoit que toute infraction à la réglementation européenne sera punie « d’une peine d’emprisonnement de cinq ans, de la confiscation du corps du délit, de la confiscation des moyens de transport utilisés pour la fraude, de la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction et d’une amende égale au minimum au montant et au maximum au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction ». 40. Le texte du décret a été publié le 6 août 2014 sur le site : http://pravo.gov.ru/ proxy/ 15 ips/ ?docbody=&nd=102360122&intelsearch=%F3%EA%E0%E7+%EF%F0%E5%E7%E8%E4% Études REVUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER - REVUE BIMESTRIELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - JANVIER-FÉVRIER 2015 20 - À la suite de l’adoption du décret, une liste de marchandises a été adoptée par le gouvernement russe et officiellement publiée le 7 août 2014. Conformément à ce document, les importations en Fédération de Russie de fruits, de légumes, de viande, de poissons, de fruits de mer, de lait, de produits laitiers et d’une large gamme d’aliments transformés venant des États-Unis, de l’Union européenne, de l’Australie, du Canada et de Norvège, sont interdites pendant une période d’un an. Pour l'heure, il ne semble pas que les autorités russes entendent revenir sur les sanctions adoptées. Il s'agit des seules sanctions adoptées à ce jour par les autorités russes. B. - Les sanctions potentielles envisagées par les autorités russes 21 - Les autorités envisagent d’imposer également des sanctions additionnelles, comprenant, d’une part, des restrictions relatives aux importations de véhicules et de biens de consommation que la Fédération de Russie peut produire elle-même 41 et, d’autre part, des restrictions touchant les compagnies aériennes qui survolent l’espace aérien sibérien 42. C. - Les mesures de soutien 22 - Les autorités russes examinent un certain nombre de mesures pour la protection des personnes morales et des personnes physiques russes affectés par les sanctions étrangères. 23 - Le 8 octobre 2014, la Douma de la Fédération de Russie a adopté en première lecture un projet de loi relatif à une compensation, accordée sur les fonds du budget de l’État 43, fournie aux personnes dont la propriété à l’étranger a fait l’objet de mesures de saisie par les cours étrangères. Ayant attiré un certain nombre de critiques, ce projet est actuellement examiné par le gouvernement russe qui devrait adresser ses remarques à la Douma de la Fédéra- tion de Russie avant le 30 janvier 2015 44. La date de la seconde lecture n'a pas encore été fixée. 24 - Ce texte, adopté par la Douma en première lecture, autoriserait les autorités russes à procéder aux saisies des biens des entités et des individus des pays qui ont engagé une procédure conduisant à une saisie des biens appartenant aux entités et personnes physiques russes. Les autorités russes seraient également en mesures de saisir les biens des États qui ont procédé aux saisies des biens des entités et des personnes physiques russes. 25 - En outre, les autorités russes envisagent désormais la mise en place d'un plan « anti-crise » afin de soutenir l'économie (en utilisant le « National Welfare Fund », le budget de l'État ainsi que des garanties étatiques). Ce projet de plan prévoit notamment la recapitalisation des banques appartenant à l'État par le biais du « National Welfare Fund » ainsi que d'autres aides telles que des réductions fiscales pour les petites et moyennes entreprises 45. D. - L’impact des sanctions sur l’économie russe 26 - Les sanctions ont des conséquences économiques et politiques. Plusieurs études ont montré que la majorité des sociétés russes affectées par les sanctions disposent de liquidités suffisantes pour rembourser leurs dettes à court terme. Les experts estiment néanmoins que si les sanctions perdurent sur le long terme celles-ci causeront des dommages durables à l'économie russe. 27 - Les banquiers russes estiment que les restrictions d'accès au financement international auront, sauf si elles sont levées dans un avenir proche, des effets négatifs sur les marchés financiers et, plus généralement, sur l'économie de la Fédération de Russie. 28 - De plus, selon un rapport récent de la banque centrale de la Fédération de Russie 46 l’inflation augmentera et les prix du pétrole continueront à baisser en 2015. Par conséquent, la croissance de l’économie russe connaîtra un ralentissement. La situation ne se stabilisera guère avant l’année 2017. Mots-Clés : Fédération de Russie - Sanctions européennes - Marché de capitaux - Valeurs mobilières 41. http://www.vedomosti.ru/politics/news/33305991/rossiya-mozhet-zapretitimport-avtomobilej-i-odezhdy 42. http://www.vedomosti.ru/politics/news/31488921/rossiya-gotovitsya-otvetitna-sankcii 43. Pour consulter le projet de loi sur le site officiel de la Douma de la Fédération de Russie : http://asozd.duma.gov.ru/main.nsf/ (Spravka) ?OpenAgent&RN=607554-6&02 16 44. http://top.rbc.ru/politics/21/11/2014/546f1affcbb20f06d3907da2 45. Please see: http://top.rbc.ru/economics/21/01/2015/ 54bfa6e39a7947642514ef69 46. Pour consulter le rapport sur le site official de la banque central de la Fédération de Russie : http://www.cbr.ru/publ/ddcp/2014_03_ddcp.pdf