Les entrepreneurs français à Moscou craignent le contrecoup des
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Les entrepreneurs français à Moscou craignent le contrecoup des
Les entrepreneurs français à Moscou craignent le contrecoup des sanctions Beaucoup dans la communauté des affaires espèrent que la page sera rapidement tournée, vue l'importance des intérêts économiques en jeu Le constructeur automobile russe Avtovaz (Lada) est détenu majoritairement par Renault-Nissan Reuters @Lopinion_fr Publié le lundi 17 mars à 18h06 Par L'Opinion Les faits - Dimanche, plus de 95 % des électeurs de Crimée se sont prononcés en faveur du rattachement de la péninsule à la Russie. Les dirigeants occidentaux condamnent « l’illégalité » de ce vote et les ministres des Affaires étrangères européens ont décidé lundi de sanctionner une vingtaine de responsables russes et ukrainiens. Par Jeanne Cavelier (à Moscou) A Moscou, la communauté française des affaires est dans l’expectative, redoutant la réaction des autorités russes après le train de sanctions annoncé lundi par les Etats-Unis et l'Union européenne suite au référendum en Crimée. « Quelles seront les représailles ?, s’interroge Emmanuel Quidet, président de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe (CCIFR). La simple réciprocité ne peut pas s’appliquer, puisque nos propres hauts fonctionnaires ne possèdent pas d'avoirs en Russie. » Alarmiste, il a demandé officiellement vendredi dernier à rencontrer Laurent Fabius, « pour lui faire part des inquiétudes » des entrepreneurs qu'il représente sur les conséquences des sanctions économiques promises par l’Union européenne. La France est aujourd’hui le troisième investisseur étranger en Russie (en termes de volumes des investissements directs), à hauteur de 12 milliards d’euros. Les 1200 sociétés présentes dans le pays, et les 6000 qui entretiennent des relations commerciales avec la Russie, couvrent des secteurs très divers. Certaines ont investi massivement ces dernières années pour s’associer avec des entreprises russes : le pétrolier Total a acquis 20% de Novatek dans le cadre du projet gazier de Yamal, Alstom a racheté 25% des parts du fabricant de matériel ferroviaire Transmashholding, Renault est devenu actionnaire majoritaire d’Avtovaz, le premier constructeur automobile russe (marque Lada) … Cependant, toutes les grandes sociétés contactées lundi par l’Opinion – Renault, Auchan, EDF, Schneider Electric, Saint-Gobain ou encore Alstom – n’ont pas souhaité commenter la situation ou bien n’étaient pas disponibles pour répondre. Les dirigeants de PME sont plus diserts. Malgré la gesticulation politique, ils continuent à faire des affaires, estimant qu’il est encore trop tôt pour changer de stratégie. « Nous observons la situation avec une certaine dose de fatalisme, affirme Jean-Claude Abeillon, directeur général de la société de services commerciaux et industriels CIFAL à Moscou, présente en Russie depuis les années 1960. Dans tous les cas, les sanctions nous affecteront, les entreprises européennes essuieront des pertes commerciales et d’emplois, à des degrés différents. L’impact sera bien sûr moindre dans les secteurs non stratégiques, comme les biens de consommation ou le luxe, que pour les sociétés impliquées dans des secteurs étatiques russes. » Même attentisme du côté de Brainpower, filiale de BPI group, agence de recrutement et conseil RH : « Nous n’avons pas décidé de changement de cap, souligne son DG pour la Russie et la CEI Caroline Galliaerde. Nous réalisons 85 % de notre chiffre d’affaires avec des entreprises étrangères et pour l’instant, aucune à ma connaissance ne rapatrie ses expatriés ni ne gèle ses activités en Russie. Le marché reste attractif. » Comme beaucoup, elle espère que le rattachement de la Crimée à la Russie sera rapidement oublié au vu des intérêts économiques réciproques. François Hollande l’avait souligné lors de sa visite à Moscou le 28 février 2013 : la coopération entre les deux pays a beaucoup progressé ces dix dernières années. La France a multiplié par cinq ses exportations vers la Russie et celle-ci par quatre ses exportations vers la France. Pour la période de janvier à septembre 2013, les échanges atteignent 14,11 milliards d’euros, selon les douanes françaises, avec 8,14 milliards d’exportations russes en France et 5,97 milliards d’importations françaises en Russie. « Une escalade de sanctions serait un désastre pour les deux économies, rappelle Gilles Chenesseau, vice-président du Cercle Kondratieff (association de promotion des échanges franco-russes) et directeur commercial de Tsar Voyages. Nous pensons que la raison l’emportera : nous avons tissé tellement de liens ces dernières années qu’aucune des parties ne peut en sortir gagnante. » Mais c’est aux politiques d’en décider. @Jeakav