Oedemes des membres

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Oedemes des membres
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la FMC
du généraliste
n°
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ALIX/PHANIE
Un œdème d’un membre
inférieur (OMI) évoque
en priorité une insuffisance
veineuse, surtout en été.
Mais il faut savoir évoquer
une autre cause. L’urgence
est de ne pas négliger
une phlébite. Reconnaître
un lymphœdème est
particulièrement important
pour le traiter vite et
lui chercher une étiologie.
c a h i e r
d é ta c h a b l e
Les œdèmes
des membres inférieurs
objectifs
> Évaluer en
quelques minutes
l’urgence de
la prise en charge
d’un OMI
> Un geste pour
reconnaître
un lymphœdème.
P RAT I Q U E
EN I MAG ES
L’hémorragie
externe
La compression
« à distance »
p. 6
D R MARC KREUTER,
sous la direction scientifique
du P R H EN RI BOCCALON
(service de médecine vasculaire,
C HU Rangueil, Toulouse)
n malade qui consulte pour un œdème, unilatéral, d’un membre inférieur (OMI) pose
deux problèmes importants. Est-ce une phlébite ?
Le diagnostic est urgent car une phlébite engage
le pronostic vital. Est-ce un lymphœdème ? C’est
un problème pressant car le lymphœdème s’autoentretient, son traitement par contention et drainage lymphatique ne tolère aucun retard. Diverses
étiologies, y compris néoplasiques, sont à évoquer.
Il ne faut pas le confondre avec une insuffisance
veineuse, avec laquelle il peut souvent être intriqué. Celle-ci s’exprime le plus souvent par des
U
œdèmes bilatéraux, mais parfois une jambe est
plus gonflée que l’autre et monopolise l’attention.
Tout autre est l’approche des OMI bilatéraux.
Ceux-ci sont rarement au premier plan dans le tableau clinique, quant à leur valeur séméiologique.
Ils n’ont pas non plus la priorité thérapeutique. En
dehors des problèmes locaux fréquents d’insuffisance veineuse ou plus rares d’anévrismes compressifs, les œdèmes bilatéraux sont souvent liés
à une affection générale, cardiaque, hépatique, rénale ou iatrogène. Ils peuvent aussi entrer parfois
dans le cadre des œdèmes angioneurotiques 2256-fmc-001-005bat
FMC
OMI
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Fréq. Uni ou Autres
bilatéral rétentions
hydriques
Horaires
Consistance
Température
locale
Signes associés
Examens
biologiques
Examens
complémentaires
Insuffisance
veineuse
(hors phlébite)
+++ 1 ou 2 en
général
bilatéral
Maximal
en fin de
journée
+/- molle,
godet +
+/- chaude
Jambes lourdes, crampes,
varices, varicosités,
complications cutanées
Phlébite
+/-
1
Constant
Ferme
Chaude
Douleur, pesanteur,
+/- fébricule,
tachycardie
D-dimères pour
le diagnostic.
Thrombophilie,
pour l’étiologie
Écho-doppler
Lymphœdème
MI
++
1 ou 2
Au début
le soir,
puis
constant
+/- ferme au
début, puis
scléreuse, plus
dure ; Signe
de Stemmer
Froide
sauf en
poussée
infectieuse
Évolution vers
éléphantiasis
À visée étiologique/
d’intêret limité
Échographie :
pelvienne,
prostatique ;
Scanner abdominal
(> 40 ans)
Lipœdème
+
1 ou 2
Constant
Ferme,
infiltration
graisseuse.
Pas de godet
Froide
Lipœdème cuisses, fesses,
face interne genoux,
parfois mollets et
chevilles, jamais pieds.
Écho. cutanée :
derme normal,
hypoderme
infiltré
Lymphangite
aiguë
+/-
1
Constant
Ferme
Élevée
+/- fièvre 38° à 40°, frissons, +/- leucocytose
cordon lymphatique
rouge, chaud, ;
douloureux, +/- porte
d’entrée infectieuse
Écho-doppler
pour diagnostic
différentiel
avec thrombose
veineuse
Anévrisme
poplité,
fémoral,
iliaque
+/-
1
Surtout
le soir,
parfois
constant
Ferme
Variable suivant, +/- ischémie
l’état veineux
+/- paresthésies
+/- douleurs
Goutte
+/-
1
Constant
Dure
Chaude
Douleur, chaleur,
+/- fièvre ;
localisation aux pieds
Œdème de
+/revascularisation
1
Constant
Ferme
Chaude
Suivant contexte
post-opératoire
Insuffisance
cardiaque
droite
++
2
Chevilles, puis
jambes, cuisses,
OGE, lombes.
Régions déclives
Constant
Molle.
Godet +
Normale
Hépatomégalie,
reflux hépato-jugulaire.
Hépatalgies, signes
cardiaques, veines dilatées
Natriurèse
10 à 20 mEq/l.
Natrémie
< 135 mEq/l
Foie
cardiaque
++
2
Id
Id
Id
Id
Id+
ictère ou sub-ictère
Bilirubine ➚
Transaminases ➚
(formes aiguës)
TP , albuminémie
Anévrisme AO
thoracique ou
abdominal
+/-
2
+/- œdème
Constant
membre supérieur
gauche
(compression
thoracique)
Molle
Normale
+/- compression
nerf récurrent,
phrénique,
pneumogastrique
Origine
hépatique
+/-
2
Ascite.
Œdèmes
généralisés.
Surtout parties
déclives
Constant
Molle
Normale
Splénomégalie ;
hépatomégalie.
Circulation collatérale ;
antécédents d’éthylisme
ou d’hépatite virale
Sérologies :
VHB, VHC.
Facteur V , TP
Albuminémie
< 30 g/l
Échographie
abdominale.
Ponction d’ascite.
Fibroscopie
digestive
Insuffisance
rénale
+/signe
tardif
2
Œdèmes déclives
ou généralisés
Constant
Molle.
Godet +
Insuffisance cardiaque
gauche. Rétention
chronique d’urines
K➚
Créatinine ➚
ECG :
ondes T pointues
(K ➚)
Glomérulonéphrite
+/-
2
Œdèmes déclives
ou généralisés
Constant
Molle,
Godet +
HTA
+/- hématurie
Protéinurie +++
(> 3 g/l) ;
hypoalbuminémie
Œdème angioneurotique
héréditaire
Rare
2
+/- visage,
parfois atteintes
laryngées graves
Blanche,
molle,
indolore
Souvent : œdème laryngé,
signes digestifs,
épanchements pleuraux,
hémiparésies,
crises convulsives
CH 50 (complément total) ;
fractions du complément :
– C4 et C5 ; – C3 = N
Inhibiteur de
la C1-estérase
Œdèmes
cycliques
idiopathiques
+++
2
Visage : matin
Abdomen : soir
Œdèmes liés
à la prise
d’inhibiteurs
calciques
=/-
2
Régions déclives.
Surtout le soir,
s’installent
rapidement les
premiers jours
du traitement
-
2
Érythème
noueux
22
Soir
+/- molle
ne prenant
pas le godet
Normale
Écho-doppler
veineux
Écho-doppler
VS ➚
Ac. urique ➚
Écho-doppler
+/- scanner
+/- angio-IRM
Prise de poids cyclique ;
oligurie, PA souvent basse,
surtout en orthostatisme
Flushes
+/- troubles de l’équilibre
Chevilles
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Nouures douloureuses,
arthralgies, fièvre
ECG,
Écho cardiaque
NFS, VS, transaminases ➚
Sérologie : streptocoques,
Rx Thorax, IDR tuberculine,
coproculture (yersiniose ?)
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ou des œdèmes cycliques idiopathiques ou
faire partie des signes cliniques de diverses affections
rhumatismales (goutte, érythème noueux).
LA VEINE ET LE LYMPHATIQUE :
DEUX MALFAITEURS PARFOIS ASSOCIÉS
Les échanges entre les tissus se font au niveau des
unités microcirculatoires périphériques. Chaque unité
reçoit une artériole, qui se continue par un canal métartériolaire abouché dans une veinule. Des capillaires sont branchés en dérivation entre ces deux
vaisseaux. Au sein de cette unité naît également un
collecteur lymphatique initial. Toutes ces unités forment un réseau maillé aux interconnexions fonctionnelles et histologiques. Schématiquement, les capillaires du système artério-veineux se chargent par
capillarité des échanges sang-tissus pour les gaz, les
liquides, les ions, les cristalloïdes et les colloïdes. Les
phénomènes physiques (pression oncotique, pression
hydrostatique – compliquée au niveau des membres
inférieurs par la gravitation), ainsi que le jeu des
transports transcellulaires, aboutissent à une accumulation progressive de protéines dans le tissu
conjonctif, associée à une rétention d’eau.
C’est là qu’entrent en action les lymphatiques, dont
la fonction essentielle est d’éliminer toute substance
(en particulier les grosses protéines) ne pouvant être
prise en charge par la voie sanguine. Le système
lymphatique peut assister le système capillaro-veineux en drainant l’excès d’eau ; en revanche le système sanguin ne peut éliminer les grosses protéines.
Les lymphatiques ont une seconde fonction. Dans
le système immunologique, ils assurent un rôle de
protection contre les infections, d’élimination des antigènes et de barrage contre les cellules cancéreuses.
En pratique, une insuffisance veineuse entraîne
une rétention de liquide et un défaut de vascularisation cutanée, une insuffisance lymphatique peut
s’accompagner de fibrose, de risques infectieux et de
déformation du membre, éventuellement jusqu’à
l’éléphantiasis.
LES ŒDÈMES UNILATÉRAUX
Le lymphœdème
> La fibrose est créée par l’accumulation de protéines dans le derme. Lorsqu’on pince la peau de la
face dorsale des orteils, cet épaississement fibreux
empêche la formation d’un pli : c’est le signe de
Stemmer, que l’on recherche traditionnellement au
niveau de la première phalange du deuxième orteil, mais qui se retrouve au niveau des autres orteils. En revanche, la présence d’un ulcère n’est pas
liée à l’insuffisance lymphatique, mais à l’insuffisance veineuse, souvent elle-même à l’origine de
l’insuffisance lymphatique.
> Les complications infectieuses, qui
surviennent parfois après des agressions cutanées minimes, s’expliquent
par la présence de bactéries stagnant
dans le derme lorsque le retour lymphatique est déficient.
> Les bouleversements morphologiques succèdent aux ruptures des
fibres de collagènes du tissu endothélial sous la pression de l’œdème lymphatique. La jambe perd ses reliefs normaux, en particulier les malléoles, et
prend une forme en poteau. Alors
qu’au cours de l’insuffisance veineuse
la jambe grossit, mais conserve sa
forme en V. Lorsque ces ruptures sont
nombreuses et définitives, l’éléphantiasis peut se développer.
> Il importe donc de traiter rapidement les œdèmes lymphatiques, avant
la cascade de complications.
Les œdèmes d’origine veineuse sont traités par
une contention élastique, des veinotoniques si nécessaire, et des conseils d’hygiène de vie. Cela est insuffisant pour soigner un lymphœdème, qui nécessite, certes une contention, à condition qu’elle soit
précoce, mais aussi des séances de drainage lymphatique manuel ; ceux-ci sont inutiles lorsque l’insuffisance veineuse n’est pas associée à une insuffisance lymphatique.
> Plus des trois quarts des lymphœdèmes sont primitifs, liés à un défaut congénital de la structure des
vaisseaux lymphatiques. Cette anomalie, presque
toujours féminine (dans 87 % des cas), reste latente
jusqu’à ce qu’un lymphœdème se développe lors
d’une modification de l’équilibre hormonal, à la puberté ou lors d’une grossesse. Dans ces périodes, on
retrouve souvent un facteur déclenchant, comme
une entorse de cheville ou une fracture de jambe.
>Les lymphœdèmes secondaires sont le plus souvent liés à une tumeur (de l’utérus surtout, de la
prostate, etc.). Les études montrent que la tumeur
est rarement seule en cause, mais rejettent l’essentiel de la responsabilité sur les traitements
chirurgicaux et la radiothérapie, surtout s’ils sont
associés. Secondaires, les lymphœdèmes siègent
plutôt à la racine des membres ou les affectent dans
leur globalité.
Mais, après l’âge de 35 ans, il faut toujours chercher une cause à un lymphœdème (tumeur, adénopathie, etc.), même si le lymphœdème est périphérique ou succède à un traumatisme.
> Les lymphœdèmes sont aggravés par divers facteurs. Les estrogènes favorisent la rétention d’eau.
Les médiateurs chimiques de l’inflammation MICHAEL MASURE
FMC
dossier fmc les œdèmes
des membres inférieurs
Jambes en poteau
du lymphœdème.
Perte du relief
malléolaire.
Le « jet leg »
syndrome
Lors des voyages en
avion, l’insuffisance
veineuse est
transitoirement
aggravée par
l’orthostatisme
prolongé et
la dépressurisation.
Outre d’éventuels
OMI, une phlébite
peut se constituer.
Il faut donc être
particulièrement
vigilant si les signes
cliniques sont
unilatéraux ou
très asymétriques.
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FMC
dossier fmc les œdèmes
des membres inférieurs
(prostaglandines et cytokines) augmentent
MICHAEL MASURE
la perméabilité capillaire ; cela explique qu’un lymphœdème modéré puisse flamber lors d’une inflammation, comme une simple piqûre d’insecte.
L’obésité aggrave l’œdème de façon mécanique.
Lorsque la pression du tissu sous-cutané s’accroît,
le débit lymphatique augmente, entraînant une diminution du lymphœdème. Enfin, le lymphœdème,
par son volume et par l’accumulation de protéines
sous-dermiques, s’aggrave lui-même.
De ces notions découlent les axes thérapeutiques :
corriger le terrain hormonal, prescrire des anti-inflammatoires si besoin, lutter contre l’obésité, proposer précocement une contention élastique. Ces
traitements doivent être associés au drainage lymphatique manuel et être mis en œuvre précocement.
Le lymphœdème est le seul
cas où l’œdème est traité pour
son propre compte. Dans tous
les autres cas d’OMI, uni ou bilatéral, le traitement de l’œdème est étiologique.
La lymphangite
Son tableau clinique est caractéristique, associant un état
local inflammatoire, chaud,
douloureux, rouge et des signes généraux avec de la fièvre. Il faut s’assurer que le
membre atteint était antérieurement sain.
L’œdème lié
à une phlébite
Grosse jambe
en V de
l’œdème
veineux.
Respect
du relief
de la cheville.
Il peut ressembler aux tableaux précédents, mais il est
exceptionnellement bilatéral. Le diagnostic est celui
d’une phlébite, ce qui n’est pas toujours facile ;
l’écho-doppler et le dosage des D-dimères sont les
examens clés.
L’œdème lié à un anévrisme
Poplité, fémoral ou iliaque, un anévrisme entravant
la circulation de retour peut déclencher la constitution d’un œdème. L’évocation de ce diagnostic
doit être confirmée par un écho-doppler. Certaines
affections rhumatismales du genou et les kystes poplités peuvent, par le même mécanisme, engendrer
de semblables œdèmes.
L’œdème goutteux
Un OMI peut apparaître lors d’une crise de goutte.
Ce n’est qu’un épiphénomène dans ce tableau inflammatoire habituellement évident.
4
numéro 22 56 vendredi 1 1 juillet 2 0 03
LES ŒDÈMES BILATÉRAUX
Les œdèmes veineux
Première cause d’OMI, l’insuffisance veineuse est
responsable d’œdèmes généralement bilatéraux,
assez souvent asymétriques selon l’état veineux
local ; ils sont parfois unilatéraux. La pompe capillaro-veineuse déficiente favorise une rétention hydrique et saline dans le tissu interstitiel sous-cutané.
Les œdèmes, plus ou moins fermes, gardent le godet,
siègent aux pieds et peuvent remonter à la cheville
et à la jambe. Ils déforment progressivement la
jambe, qui prend une forme en V. À l’examen, les
signes veineux périphériques sont souvent évidents,
sous forme de varices ou de varicosités, parfois compliqués de troubles trophiques (ulcères de jambe,
dermite ocre). Les signes fonctionnels – jambes
lourdes, crampes, douleurs vespérales et en orthostatisme – sont habituels.
Les œdèmes d’origine rénale
Ils sont liés à la baisse de la pression oncotique intravasculaire, consécutive à la fuite massive d’albumine par les urines au cours des néphropathies ;
l’albuminurie est massive, l’albuminémie diminuée,
la natriurèse diminuée. L’insuffisance rénale sévère
ne s’accompagne d’OMI que tardivement dans des
formes très graves (baisse de la clairance à la créatinine) ou associées à une insuffisance cardiaque.
L’insuffisance cardiaque
Elle se manifeste par d’autres signes contemporains
des œdèmes : dyspnée d’effort, dilatation du réseau
veineux périphérique, hépatomégalie plus ou moins
douloureuse et reflux hépato-jugulaire, parfois épanchement pleural.
Avant d’apparaître, l’œdème est précédé d’une
prise de poids de plusieurs kilos, trois à cinq en
moyenne, liée à la rétention hydrosalée. Au début,
l’œdème est limité aux creux malléolaires, puis il
s’installe en montant des pieds aux jambes, puis aux
cuisses, aux organes génitaux externes et à l’abdomen. Si les signes cliniques cardiaques ne sont pas
déterminants, l’échographie cardiaque est la méthode de choix pour affirmer le diagnostic.
Les œdèmes d’origine
hépatique
Ils sont liés, au cours des cirrhoses, d’une part à la
baisse de la pression oncotique intravasculaire consécutive au défaut de synthèse hépatique de l’albumine, et d’autre part à la résistance au retour
veineux dans le système porte. Les examens biologiques confirment l’insuffisance hépato-cellulaire : diminution du facteur V, allongement du
temps de Quick, diminution du taux de fibrinogène,
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thrombocytopénie fréquente. L’interrogatoire peut orienter vers l’origine
de la cirrhose alcoolique ou infectieuse ; les sérodiagnostics confirment l’origine virale.
GARO/PHANIE
FMC
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La compression vasculaire
par un anévrisme thoracique
ou abdominal
Elle peut entraîner la constitution d’œdèmes. La clinique est parfois orientée
par l’association à des compressions
nerveuses et par l’existence de troubles
circulatoires. Le doppler artériel et veineux permet le diagnostic.
Les œdèmes iatrogènes
Ils sont essentiellement le fait des inhibiteurs calciques. La clinique est typique. Quelques jours
après le début d’un traitement par n’importe
quel inhibiteur calcique, peuvent apparaître des
œdèmes des membres inférieurs, bilatéraux,
symétriques, gardant le godet. D’importance variable, de la simple marque de l’élastique de la
chaussette, jusqu’à un important œdème de la moitié inférieure de la jambe, ils peuvent s’accompagner de signes généraux : céphalées, bouffées
vasomotrices, instabilité en orthostatisme. Ils sont
liés à une surcharge capillaire en aval d’une vasodilatation artériolaire. Ils n’ont pas de caractère
de gravité, dépendent de la dose, régressent parfois spontanément à la poursuite et toujours à l’arrêt du traitement.
Le diagnostic d’œdèmes cycliques
idiopathiques
C’est un diagnostic d’élimination sur un terrain féminin particulier, fait de dystonie neurovégétative. Ces OMI sont souvent provoqués ou entretenus par des prises inadaptées et répétées de
diurétiques.
Le lipœdème de la jeune fille
Le lipœdème n’est pas un véritable œdème. Il s’agit
d’une infiltration sous-cutanée du tissu graisseux
réparti en gros lobules. Le lipœdème est symétrique
et ne prend pas le godet ; la palpation est souvent
douloureuse (dans un tiers des cas). Il débute à la
puberté dans plus de la moitié des cas. Une fois sur
deux, il est associé à une insuffisance veineuse. Les
fesses, les cuisses, la face interne des genoux, parfois les mollets et les chevilles, sont augmentés de volume. Les pieds ne sont jamais concernés par le lipœdème. Dans ce cas, le traitement est tout autre et peut
faire appel à la liposuccion.
Après deux traumatismes,
on peut avoir deux lymphœdèmes.
L’œdème angioneurotique
héréditaire
C’est une affection héréditaire autosomique dominante, liée à un déficit en
inhibiteur de la C1 estérase. L’œdème
intéresse le tissu sous-cutané et muqueux. Il survient par poussées de deux
à cinq jours répétées, débutant généralement avant l’âge de 18 ans. L’œdème
laryngé, associé dans 70 % des cas, peut
être fatal.
L’érythème noueux
s’accompagne parfois d’œdèmes
Mais les manifestations rhumatismales, avec les
arthralgies, les nouures, la fièvre font l’essentiel du
tableau clinique et orientent le diagnostic.
ce qu’il faut retenir
> Un œdème unilatéral peut essentiellement
relever de deux causes exigeant un diagnostic
rapide : une phlébite, avec ses risques locaux
et généraux, ou un lymphœdème, dont
il faut déterminer la cause et dont la guérison
nécessite un traitement précis, sans délai.
> Le signe du pli cutané du deuxième orteil
est caractéristique du lymphœdème.
> Les œdèmes des membres inférieurs
bilatéraux sont le plus souvent d’origine
veineuse. Ils nécessitent une prise en charge
mais sans urgence. Les autres étiologies,
cardiaques, hépatiques, rénales ou iatrogènes,
imposent qu’on précise le diagnostic
sans retard, mais l’urgence n’est alors
pas à l’œdème.
bibliographie
> Les Grosses Jambes, L. Simon et R. Cluzan, Masson.
> « Rôle des lymphatiques dans l’œdème : de l’œdème simple
au lymphœdème », J.-M. Cognet, Microcirculation n° 4, 1991, 23-25.
> « Prise en charge d’un lymphœdème des membres », G. Megret,
Actualités d’angéiologie, 1999, 229, 135-138.
> Guide pratique des maladies vasculaires, H. Boccalon, Masson.
> Insuffisance veineuse des membres inférieurs, P. Barthélemy,
D. Lefebvre, Masson.
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P RAT I Q U E E N I M A G E S
FMC
D R ÉRIC TORRES, médecin urgentiste, SDIS 13
Hémorragie externe :
la compression « à distance »
La compression manuelle directe et le pansement compressif sont
parfois insuffisants ou inenvisageables pour stopper une hémorragie externe.
La seule alternative possible est la compression à distance
avec le point de compression et, à un moindre degré, le garrot.
LE PRINCIPE
É. TORRES
Le point de compression est indiqué devant toute plaie
hémorragique située dans une zone anatomique n’étant
pas susceptible d’être comprimée directement (moignon
de membre, face…) ou comme alternative aux techniques
de compression in situ chaque fois que celles-ci s’avèrent
inefficaces (c’est parfois le cas lorsque la lésion touche un
gros vaisseau artériel). Il vise à s’opposer au saignement
en provoquant l’oblitération d’un tronc artériel situé en
amont de la lésion en écrasant celui-ci contre un repère
anatomique osseux. Les cinq points de compression décrits
dans cet article ne sont pas les seuls existants, mais ils sont
les plus importants. Ils suffisent à faire face à presque toutes
les situations à condition de s’être préalablement entraîné
à les localiser rapidement.
techniques de seconde intention qui ne doivent être mises
en œuvre que lorsque les méthodes de compression in situ
sont impossibles à réaliser ou inefficaces.
> Le point de compression est pénible à maintenir pour
l’opérateur, difficile à poursuivre pendant le transport et
désagréable à supporter pour la victime. Il convient donc de
bien peser ses indications avant de le mettre en œuvre.
> L’efficacité du point de compression est affirmée par le tarissement de l’hémorragie. La plaie doit donc rester visible pendant
toute la durée de la compression.
> Une fois mis en place, le point de compression ne peut être
relâché qu’après la mise en place d’un garrot ou pour réaliser
une hémostase chirurgicale.
Garrot si, garrot no ?
Devant une
hémorragie externe,
la mise en place d’un
garrot est une
technique dangereuse
qui ne doit plus être
utilisée en dehors
de certaines
indications rares.
Elle n’est indiquée que
lorsque le point de
compression est
inefficace (situation
rare) ou impossible
à réaliser. Elle se
justifie également lorsqu’un intervenant
isolé doit abandonner une victime
pour aller donner l’alerte, lorsqu’un blessé
qui saigne abondamment présente
en même temps une autre détresse vitale
ou en présence de plusieurs victimes.
6
LES PRÉCAUTIONS
> Les techniques de compression « à distance » sont des
numéro 22 56 vendredi 1 1 juillet 2 0 03
Le garrot doit être mis en place entre la
lésion hémorragique et le cœur au niveau
du bras ou de la cuisse. Il est totalement
inefficace au niveau de l’avant-bras ou de
la jambe du fait de la position de l’artère
par rapport aux structures osseuses.
Le garrot est mis en place sans relâcher
le point de compression. Pour cela,
l’opérateur utilise un lien large, plat et
non élastique (ceinture, cravate, foulard),
plié en deux, qu’il glisse sous le membre.
Il coince l’une des extrémités avec
un genou et passe l’autre à l’intérieur de
la boucle ainsi formée (photo ci-contre).
Une fois le garrot convenablement serré
par une traction sur son extrémité libre,
le point de compression peut être relâché.
Un double nœud suffira ensuite
à maintenir le dispositif en place.
> Le garrot doit toujours être très
fortement serré : un garrot trop lâche
(garrot veineux) aggrave le saignement
au lieu de l’interrompre.
> Une fois mis en place, le garrot ne peut
plus être desserré qu’en milieu chirurgical.
> Un brassard à tension suffisamment
gonflé (au-dessus de la valeur de la
pression artérielle systolique) constitue
un excellent garrot. Si l’on en dispose,
il est néanmoins dommage de « sacrifier »
cet instrument dont on aura besoin
par la suite pour surveiller l’état
hémodynamique du patient.
> Le garrot doit toujours être visible.
Il ne doit jamais disparaître sous un drap
ou une couverture.
> Il faut toujours noter l’heure exacte de
la pose du garrot sur le dossier médical
et ne pas hésiter à l’inscrire également
au feutre sur le front du patient.
Au-delà de la sixième heure, le pronostic
de l’extrémité distale est compromis.
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FMC
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la technique
Hémorragie du cou
Hémorragie du
membre inférieur
> Compression strictement unilatérale de la carotide
primitive contre les vertèbres cervicales. Elle est réalisée
à l’aide du pouce de la main droite pour une plaie
située à gauche (et réciproquement). Les quatre autres doigts
prennent appui en arrière du cou.
> Compression de l’artère fémorale
contre le fémur au niveau du pli de l’aine. Elle
est réalisée avec le poing droit de l’opérateur
pour une plaie du membre inférieur gauche
(et réciproquement) afin de faciliter la
surveillance de la lésion et la pose ultérieure
d’un garrot. La pression est appliquée bras
tendu en pesant de tout son poids.
Hémorragie du membre supérieur : trois techniques
décrites en fonction du niveau de la lésion
> Compression de l’artère sous-clavière
contre la clavicule en introduisant le pouce
dans le creux de la salière anatomique et en
prenant appui contre l’omoplate avec
les quatre autres doigts. On utilise le pouce
droit pour une plaie située à gauche
(et réciproquement).
> Compression de l’artère axillaire contre le col
huméral à l’aide des deux pouces au niveau du creux
de l’aisselle, les autres doigts enserrant l’épaule.
humérale contre la
diaphyse humérale au
niveau de la face interne
du bras dans l’espace
situé entre le biceps
et le triceps. La pression
s’exerce à l’aide du pouce
droit pour une plaie de
la partie basse du bras
ou de l’avant-bras gauches
(et réciproquement),
les autres doigts
enserrant le bras.
numéro 22 56 vendredi 1 1 juillet 2 0 03
PHOTOS É. TORRES
> Compression de l’artère
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