2 podologie - Association pour le Développement de la Podologie
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La grosse jambe Dr Robert V. CLUZAN - Emerainville “Augmentation de volume de tout ou partie de membre inférieur paraissant anormale par son unilatéralité ou par un écart trop grand par rapport à une normalité définie par l’opinion d’une civilisation à un moment donné”. Le caractère anormal apparaît clairement dans les modifications d’un seul membre. Cela est plus difficile en cas de bilatéralité et symétrie des manifestations. En théorie les augmentations de volume peuvent être liées : • à une augmentation génétique ou acquise des constituants du membre, • à la localisation d’éléments étrangers (tumeurs secondaires, parasites etc), • à un dysfonctionnement circulatoire. En fait nombre d’augmentations de volume ne rentrent pas en pratique dans ce qu’il est convenu d’appeler une grosse jambe : dysmorphies osseuses, angiomes, tumeurs bénignes ou malignes (fibromes, fibrosarcomes, lipomes, lymphosarcomes, lymphomes, ostéomes, ostéosarcomes, etc). Le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’examen clinique et des examens complémentaires guidés par la clinique. Certains tableaux dominent par leur fréquence. Je traiterais uniquement de ces cas. 1. LA PREMIÈRE CAUSE DE GROSSE JAMBE EST CERTAINEMENT L’ŒDÈME TRADUISANT UNE DYSFONCTION CIRCULATOIRE Remarques sur la physiopathologie : Toute vie nécessite l’apport d’énergie (apport artériel) mais aussi l’élimination de déchets assurée par les réseaux veineux et lymphatiques. Les échanges sang -tissus se font au niveau micro circulatoire selon le jeu de forces définies dans la loi de Starling. (1) : jeu de forces favorisants la sortie hors du secteur sanguin (pression hydrostatique résultant de la contraction cardiaque) et forces favorisants la rentrée dans ce secteur (pression oncotique, liée aux propriétés physiques des protéines du sang qui attirent les liquides). Dans le secteur artériel, la pression hydrostatique est supérieure à la pression oncotique : il y a sortie de liquides, de substances dissoutes, d’éléments plus lourds comme les protéines, etc. L’usure progressive de la force hydrostatique tout au long du réseau capillaire inverse les rapports et au niveau veinullaire, il y a appel vers le secteur vasculaire de liquides et substances dissoutes. Dans ce jeu des échanges deux autre acteurs jouent un rôle : • la structure physique des tissus qui s’opposent à la sortie hors du capillaire, • la teneur en protéines des tissus tendant à retenir les liquides. Dans ce jeu de forces il n’y a aucun système prévu pour que les éléments lourds (comme les protéines) quittent le tissu conjonctif et c’est l’une des actions du système lymphatique que d’assurer ce travail. Le déséquilibre peut venir d’une : • cause générale : dysfonctionnements à distance (cœur, foi, rein), chute des protides sanguins (diminution de la résorption vers la veinule), • hypertension dans les capillaires (augmentation de la filtration) et débordement lymphatique, • diminution de la fonction lymphatique, 1-2 Les œdèmes de cause locale vasculaire : 1-2-1 Dans la maladie veineuse, le reflux, plus que l’obstacle, rend toute la surface capillaire filtrante, inondant les tissus. L’excès de liquide est au début compensé par une hyperactivité lymphatique. Si le déséquilibre continue, le débordement des capacités lymphatiques entraîne un œdème. C’est le tableau de l’œdème de l’insuffisance veineuse ou insuffisance lymphatique dynamique : c’est un œdème de déclivité, blanc avec signes fonctionnels (lourdeurs, pesanteurs, prurit) dans un contexte de maladie variqueuse ou d’antécédents de thrombophlébite. En général l’examen clinique suffit au diagnostic que les examens par les ultra-sons confirmeront en même temps qu’ils feront le bilan hémodynamique. Les énormes dilatations variqueuses ne constituent pas réellement un tableau de grosse jambe. En l’absence d’un traitement adapté (au centre duquel se place la compression élastique) visant à supprimer Association pour le Développement de la Podologie 29 les reflux, on voit apparaître des troubles trophiques ou s’associe une dysfonction lymphatique. n’explique cette situation. Dans 84 % des cas, il s’agit d’une personne de sexe féminin entre 14 et 26 ans. 1-2-2 La destruction ou un défaut d’organogenèse lymphatique entraîne une diminution de leur capacité. C’est l’insuffisance lymphatique mécanique ou lymphœdème (LO). La fonction lymphatique est complexe : remise en circulation de liquides et substances dissoutes, de protéines (dont des protéines de hauts poids moléculaire), de lipides, de glucides, de bactéries et virus, de substructures cellulaires, de particules inertes, de cellules mortes ou mutantes et surtout de cellules immunocompétentes dont la mauvaise circulation est responsable de modifications de l’équilibre vital par la production anarchique d’ordre en excès ou inadaptés, etc. aboutissant à un déséquilibre de l’homéostasie locale responsable de poussées infectieuses ou inflammatoires. (2). Peu souvent, l’œdème reste au niveau de la cheville. Plus souvent il remonte, atteint le genou et parfois la racine du membre constituant un tableau de grosse jambe. Cet œdème peut être unilatéral, bilatéral ou se bilatéraliser dans un second temps. Le diagnostic est clinique et repose sur la notion d’un œdème fixe n° 2 qui tend à durcir, à se fibroser. Un œdème évoluant vers une fibrose hyperplasique a toute chance d’être un lymphœdème . Le LO réalise une augmentation de volume par un œdème qui peut débuter par le pied et remonter plus ou moins haut, ou par la racine du membre et descendre en distalité. L’œdème ne disparaît pas au repos†; non douloureux il évolue vers l’extension, l’apparition de fibrose et poussées infectieuses. L’évolution sera descendante dans les LO débutants par la cuisse et plus souvent par le pied pour les LO primaires, à évolution ascendante. Les troubles trophiques de l’éléphantiasis (3) en seront l’évolution. Le LO peut être secondaire à une destruction des voies lymphatiques consécutive : • à des traitements de tumeurs. Le diagnostic est généralement facile : notion de destruction des lymphocentres, apparition d’un œdème non douloureux prédominant à la racine et ne disparaissant pas au repos de la nuit. • à des poussées infectieuses. • à un traumatisme, • à des lésions liées à des parasites (filaires) qui sont rares sous nos climats. Le LO peut survenir sans cause apparente : lymphœdème primaire ou idiopathique dont l’origine reste obscure et qui, alors, débute plus volontiers par le pied et la cheville (4). n° 1 Le LO survient chez une jeune fille ou jeune femme qui, un jour sans raison apparente, constate une augmentation de volume du pied et de la cheville. Le plus souvent sans douleur mais on peut rencontrer des cas avec, lors des premiers jours, des douleurs du dos du pied parfois vives. Il est blanc, dèpressible, froid et fixe. Parfois notion de petite entorse où l’incident survient au cours d’une grossesse, mais le plus souvent rien 30 Ceci se traduit par le signe de Stemmer (fibrose de la peau de la face dorsale des orteils). Le tableau se complète de l’œdème du dos du pied, de l’approfondissement des sillons transversaux de la peau, d’un coussinet graisseux rétro malléolaire externe. L’évolution, marquée par des poussées infectieuses se fera vers une extension de l’œdème et l’apparition de troubles trophiques accélérés par les infections (sécheresse de la peau, hyperkératose, papillomatose, apparition de vésicules, rarement ulcérations). Le volume et les modifications des tissus créent le tableau de l’éléphantiasis plus ou moins monstrueux. Le diagnostic est clinique. En cas de doute et pour faire un bilan pré-thérapeutique, deux examens sont à demander : - lymphoscintigraphie (déficit n° 3 d’imprégnation des lymphocentres à la 40e minute - Ct Scan qui donne une idée sur les modifications tissulaires : épaississement de la peau, augmentation du tissu sous cutané indiquant l’augmentation de la graisse et l’infiltration liquidienne . Le LO chez l’enfant : Certains sont familiaux (maladie de Nonne Milroy), d’autres sont liés à des anomalies génétiques probables ou des atteintes in utero. Les associations de dysgénèses sont fréquentes : Syndrome de Turner : ovaire atrophique, absence de règles, pterigium colli et LO très modéré des membres inférieurs, nanisme - Fistules artério veineuse dans des tableaux divers dont le syndrome de Klippel Trenaunay est le plus connu (œdème avec hémangiome cutané, allongement d’un membre). - LO accompagnant nombre de syndromes malformatifs. Le Traitement du LO repose sur la physiothérapie décongestive (Drainage Lymphatique Manuel + Bandages inélastiques),compression élastique. La chirurgie n’est possible que dans des cas très limités. Association pour le Développement de la Podologie 2 . LES AUGMENTATION DE VOLUME DANS LE CADRE DES “CELLULITE-LIPŒDÈMES”. La plainte dominante est “j’ai de grosses jambes, elles n’ont pas de formes” (qu’il existe ou non un surpoids). La cellulite est un très mauvais terme que l’usage a porté au premier plan. Elle se divise en cellulite généralisée et en cellulite localisée. • La cellulite “localisée” : Illouz (5), sur la base de travaux de dissections anatomiques, démontre que la graisse est répartie en couches distinctes : couche du tissu sous cutané dont l’importance est liée à l’embonpoint, et zones des stéatomères dans des dédoublements aponévrotiques en n° 4 certaines régions contenant des adipocytes manquant de récepteurs alpha 2 lytiques (n’obéissant pas aux ordres de lipolyse). Ces zones varient selon le type androïde ou gynoïde (culotte de cheval, hanches, face interne des genoux, des cuisses). • La cellulite généralisée : Entre le derme et les plans profonds, les lobules graisseux sont séparés par des travées conjonctivo-élastiques,. Il existe une différence entre l’homme et la femme dans la structure des cloisons. Ces cloisons déterminent des “chambres” adipeuses qui sont, chez l’homme, disposés en croix divisant le tissu adipeux en logettes plus petites que chez la femme chez qui les cloisons sont plus verticales. La pression latérale de la peau donne des protrusions de lobules graisseux vers l’extérieur (phénomène du matelas), plus marqué dans les cas d’embonpoint exagéré. L’élargissement des pores au niveau des follicules pileux ajoute à ce tableau celui du phénomène de la peau d’orange. Le phénomène “cellulite” est lié à l’imprégnation hormonale. On ne le retrouve pas chez l’homme sauf dans les syndromes de féminisation (Klinefelter). C’est un caractère sexuel secondaire. De plus il existe aussi une modification de la texture (Muller et Nurnberger) par diminution des fibres élastiques sous épidermiques : relâchement de la tonicité. Les plaintes des patientes peuvent relever : - d’une non-conformité de la forme générale du corps par rapport à un idéal véhiculé par les médias. (parfois dysmorphophobie ou gynoïdie modérée) - d’une obésité gynoïde marquée associée à un surpoids et développement de stéatomères . - d’une non-conformité de la texture de la peau, associée ou non aux plaintes précédentes. De fait, la palpation et le pincement mettent en évidence un relâchement de la peau dont les fibres élastiques semblent avoir disparues. Il existe une diminution de la contrainte conjonctive bien mis en évidence par la microlymphangiographie (aspect en flammèches). Tout se passe comme si la contrainte conjonctive (force physique du conjonctif) s’était effondrée, posant le problème des liens adipocytes et environnement. Les signes fonctionnels d’insuffisance veino-lymphatique n’ont rien de spécifique et posent le problème d’une association fortuite ou d’une relation physiopathologique. Il vient d’être démontré (6) qu’il existe dans ces tableaux des anomalies des collecteurs lymphatiques initiaux reposant la question d’une participation lymphatique à la pathogénie du tableau “ cellulite-lipœdème” (6) Les traitements sont décevants, hormis la lipo-aspiration sur les stéatomères et, en entretien, le massage par appareil associant aspiration et massage. 3. L’OBÉSITÉ Elle crée des tableaux de grosses jambes complexes : augmentation de la masse grasse modifiant les volumes (perturbations mécaniques micro circulatoires par allongement des canaux tissulaires, n° 5 perte de la “contrainte conjonctive”), mais aussi modifications de la perméabilité capillaire sanguine sous la dépendance de diverses substances relarguées par les adipocytes (évoquées dans le cadre du “lipœdème”, il n’est pas exclu qu’il en soit de même n° 6 dans les obésités). Au total et en conclusion, “la grosses jambe” recouvre nombre d’entités posant chacune des problèmes spécifiques mais qui presque toutes sont réunies par le retentissement sur le vécu des patients ou domine à côté de la gène fonctionnelle, la sensation de modification de l’image du corps. PHOTOGRAPHIES N° 1 Lymphoedème débutant de membre inférieur droit : (apparition d’un œdème variable disparaissant parfois pour quelques jours puis devenant fixe, sans douleur, sans cause apparente. Ici œdème de la cheville. LO idiopathique de la jeune femme). N° 2 Forme évoluée du même type que dans le cas de la photo N°1; aspect d’éléphantiasis. N° 3 Eléphantiasis de membre inférieur gauche post traitement d’une tumeur pelvienne. N° 4 Cellulite localisée : culotte de cheval, genoux, cheville, associée à une obésité gynoïde. N° 5 Obésité importante avec à droite éléphantiasis et à droite et à gauche modifications tissulaires de la surcharge adipeuse. N° 6 Obésité, gynoïdie et modifications tissulaires de la surcharge adipeuse. Association pour le Développement de la Podologie 31 Bibliographie 1 - Starling E, The Arris and gale lectures on the physiological factors involved in the causation of dropsy; Lancet, 1, 1896. 2 - Olszewski W, Lymphology and the Lymphatic System, Lymph Stasis: Pathophysiology, Diagnosis and Treament, 3-12. CRC .Press, 1991. 3 - Cluzan R.V, Les Lymphoedèmes des Membres Inferieurs en relation avec des Cancers, in Lymphologie Ed C.Janbon, R.V.Cluzan Masson, 1994, 54-60. 4 - Brunner U, Sonderegger A, Fleischlin C, Lanz M, Epidemiology and Clinic of Primary Lymphedema exemplified by 500 Cases, in The initial lymphatics, Ed A.Bollinger, H.Partsch, J.H.N. Wolfe, Georg Thieme, 1985, 7-15. 5 - Illouz Y,G, La Sculpture Chirurgicale par Lipoplastie, 1988, Arnette. 6 - Amann-Vesti BR, Franzeck UK, Bollinger A, Microlymphatic Aneurysms in Patients with Lipedema, Lymphlogy 34, 2001, 170-175 Edité par 05 62 48 05 01 Conception - Réalisation - Edition : Gérard CURCURU - Patrick PELLETIER P.A.O. : CompoGraphic 32 Association pour le Développement de la Podologie