Le principe général de responsabilité du fait des choses I. L

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Le principe général de responsabilité du fait des choses I. L
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Fiche à jour au 29 novembre 2011
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Matière : Droit des obligations
Auteur : Clément DUREZ
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LE PRINCIPE GENERAL DE RESPONSABILITE DU FAIT
DES CHOSES
5 I. L’ADMISSION DU PRINCIPE GENERAL DE
RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES
5 Civ., 16 juin 1896, Teffaine
5 Ch. Réunies, 13 février 1930, Jand’heur
6 II. LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE
GENERALE DU FAIT DES CHOSES
A. LA NOTION DE CHOSE
7 7 Req., 6 mars 1928 (non reproduit)
7 Civ. 2ème, 17 mars 1993
7 Crim., 21 juin 1990
8 Date de création du document : année universitaire 2010/2011
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B. LE FAIT DE LA CHOSE
9 Civ. 2ème, 20 mai 1974
10 Civ. 2ème, 28 novembre 1984
11 ème
Civ. 2
11 , 13 mars 2003
C. LA GARDE DE LA CHOSE
12 Ch. Réunies, 2 décembre 1941, Franck
12 ème
13 ème
14 ème
15 ème
16 ère
Civ. 1 , 9 juin 1993 (non reproduit)
16 Ass. Plén., 9 mai 1984, Époux Gabillet
17 Civ. 2ème, 7 novembre 1988.
18 Civ. 2ème, 5 janvier 1956, Oxygène liquide
19 Civ. 2
, 16 mai 1984
Civ. 2
, 12 décembre 2002
Civ. 2
, 14 janvier 1999
Civ. 2
, 28 février 1996
04/01/2012 - 10:26
La responsabilité
générale du fait des choses.doc
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contrat).
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Le principe général de responsabilité du fait des
choses
I. L’admission du principe général de responsabilité
du fait des choses
L’article 1384 alinéa 1er du Code civil dispose que l’« on est responsable
non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais
encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit
répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».
Pendant très longtemps la doctrine considéra, sans doute conformément à
la volonté des rédacteurs du Code civil, que cette référence aux choses
que l’on a sous sa garde visait uniquement les accidents causés par des
animaux ou par des bâtiments en ruine, accidents envisagés aux articles
1385 et 1386 du même Code.
A la fin du 19ème siècle le développement du machinisme engendra une
multiplication des accidents de travail. Or les victimes de ces accidents
n’arrivaient pas à obtenir réparation sur le fondement de l’article 1382 du
Code car elles étaient dans l’impossibilité de démontrer l’existence d’une
faute.
Sous l’impulsion d’auteurs tels que Saleilles ou Josserand la doctrine
envisagea la possibilité de réparer ce type d’accident en utilisant la
dernière partie du premier alinéa de l’article 1384, en donnant un sens
général à la notion de chose et en consacrant sur ce fondement un
principe général de responsabilité du fait des choses. Ces auteurs
considéraient que cette responsabilité devait être objective, c'est-à-dire
fondée sur le risque et pas sur l’existence d’une faute.
Cette théorie a été retenue une première fois par la chambre civile de la
Cour de cassation en 1896 dans l’arrêt Teffaine.
Civ., 16 juin 1896, Teffaine
La Cour ;
Joint les pourvois ;
Sur la fin de non-recevoir opposée au second moyen du pourvoi d’Oriolle,
pris dans ses deux branches :
Attendu que, devant la cour d’appel, Oriolle, sur la demande en garantie
dirigée contre lui par Guissez et Cousin, a conclu à la confirmation du
jugement par adoption des motifs des premiers juges ; que ceux-ci, en
rejetant la demande de la veuve Teffaine, ont déclaré l’action de Guissez et
Cousin non recevable contre Oriolle par cet unique motif qu’aucune
condamnation n’était prononcée contre eux ; qu’il suit de là que, quel qu’ait
été le système soutenu par Oriolle en première instance, il n’a opposé, devant
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la cour d’appel, aux conclusions de Guissez et Cousin, aucunes conclusions
particulières, confondant sa défense avec la leur contre les prétentions de la
veuve Teffaine ;
Que le moyen, dans ses deux branches, est donc nouveau ;
Par ces motifs, déclare non recevable le second moyen du pourvoi dirigé par
Oriolle contre Guissez et Cousin ;
Et statuant tant sur le moyen unique du pourvoi formé par Guissez et Cousin
que sur le premier moyen du pourvoi d’Oriolle :
Attendu que l’arrêt attaqué constate souverainement que l’explosion de la
machine du remorqueur à vapeur Marie, qui a causé la mort de Teffaine, est
due à un vice de construction ; qu’aux termes de l’art.1384 c. civ., cette
constatation, qui exclut le cas fortuit et la force majeure, établit, vis-à-vis de
la victime de l’accident, la responsabilité du propriétaire du remorqueur sans
qu’il puisse s’y soustraire en prouvant soit la faute du constructeur de la
machine, soit le caractère occulte du vice incriminé ;
D’où il suit qu’en condamnant Guissez et Cousin, propriétaires du
Remorqueur Marie, à payer des dommages et intérêts à la veuve et aux
enfants Teffaine, ledit arrêt, d’ailleurs motivé, n’a violé aucun des articles
visés au pourvoi ;
Par ces motifs,
Rejette.
Après être revenue partiellement sur l’arrêt Teffaine (v. par exemple
Req., 30 mars 1897) la Cour de cassation a définitivement consacré le
principe général de responsabilité du fait des choses dans le célèbre arrêt
Jand’heur. Les juges ont affirmé qu’il ne suffit pas de prouver qu’on n’a
pas commis de faute pour s’exonérer de la responsabilité des choses que
l’on a sous sa garde. Il s’agit donc d’une responsabilité sans faute.
D’autre part, dans ce même arrêt les juges élargissent le domaine de la
responsabilité de l’article 1384 alinéa 1er puisqu’ils écartent la distinction
entre les choses dangereuses et celles qui ne le sont pas : « il n’est pas
nécessaire que la chose ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de
causer un dommage, l’article 1384 rattachant la responsabilité à la
garde de la chose, non à la chose elle-même ».
Ch. Réunies, 13 février 1930, Jand’heur
« La Cour ; —... Attendu que la présomption de responsabilité établie par
l'article 1384, alinéa 1er du Code civil, à l'encontre de celui qui a sous sa
garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui ne peut être
détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause
étrangère qui ne lui soit pas imputable ; qu'il ne suffit pas de prouver qu'il n'a
commis aucune faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée
inconnue ; — Attendu que, le 22 avril 1925, un camion automobile
appartenant à la Société Aux Galeries belfortaises a renversé et blessé la
mineure Lise Jand'heur ; que l'arrêt attaqué a refusé d'appliquer le texte
susvisé par le motif que l'accident causé par une automobile en mouvement,
sous l'impulsion et la direction de l'homme, ne constituait pas, alors
qu'aucune preuve n'existe qu'il soit dû à un vice propre de la voiture, le fait
de la chose que l'on a sous sa garde, dans les termes de l'article 1384, alinéa
1er, et que, dès lors, la victime était tenue pour obtenir réparation du
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préjudice d'établir à la charge du conducteur une faute qui lui fût imputable ;
— Mais attendu que la loi, pour l'application de la présomption qu'elle
édicte, ne distingue pas suivant que la chose qui a causé le dommage était ou
non actionnée par la main de l'homme ; qu'il n'est pas nécessaire qu'elle ait
un vice inhérent à sa nature et susceptible de causer le dommage, l'article
1384 rattachant la responsabilité à la garde de la chose, non à la chose ellemême ; — D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a
interverti l'ordre général de la preuve et violé le texte de loi susvisé ; — Par
ces motifs, casse... ».
II. Les conditions de la responsabilité générale du
fait des choses
La responsabilité d’une personne du fait d’une chose ne peut être
engagée que si 3 conditions sont remplies. Il faut qu’il s’agisse
effectivement d’une chose, que celle-ci ait joué un rôle dans la
survenance d’un dommage et qu’un individu exerce un pouvoir de garde
sur cette chose.
A. La notion de chose
Req., 6 mars 1928 (non reproduit)
La disposition de l’alinéa 1er de l’article 1384 du Code civil est d’une
généralité absolue quant à la chose qui a causé le dommage. Aucune
distinction ne doit être effectuée entre les choses mobilières et les choses
immobilières.
Pour une affirmation plus récente de cette règle :
Civ. 2ème, 17 mars 1993
Sur le moyen unique :
Attendu que la commune de Beaulieu-sur-Mer fait grief à l'arrêt attaqué
(Aix-en-provence, l9 mars 1991), de l'avoir déclarée, sur le fondement de
l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, partiellement responsable des dégâts
survenus à la propriété de M. Cassagne du fait d'un éboulement de rochers en
provenance d'un terrain lui appartenant alors, d'une part, que la chute
inopinée d'un bloc de rochers se détachant d'une falaise calcaire, dont
l'effritement sous l'effet d'une érosion se poursuit depuis des siècles, serait,
pour la commune propriétaire du terrain, un événement de force majeure ;
qu'en estimant, néanmoins, que la commune de Beaulieu ne pouvait
s'exonérer entièrement de sa responsabilité de gardien par l'existence d'une
force majeure, l'arrêt attaqué aurait violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil ; alors, d'autre part, que lorsque le coût des travaux à réaliser par une
commune pour prévenir les risques naturels excède manifestement ses
possibilités contributives et est disproportionné à la valeur du fonds dont elle
est propriétaire, le phénomène naturel auquel elle n'est, dès lors, pas en
mesure de faire face, présenterait pour elle un caractère irrésistible ; qu'en
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affirmant le contraire, l'arrêt aurait violé l'article 1384, alinéa 1er , du Code
civil ; et alors, enfin, que le propriétaire d'un terrain, averti de la dangerosité
du terrain sur lequel il installe sa maison, qui néglige de se renseigner plus en
avant sur les risques spécifiques de ce site et qui, néanmoins, implante sa
maison dans un couloir d'éboulis notoirement connu, acceptant ainsi
délibérément les risques inhérents à cette installation, commettrait une faute
d'imprudence caractérisée, cause exclusive du préjudice subi par lui ; qu'en
opérant néanmoins un partage de responsabilité entre ce propriétaire et la
commune propriétaire de la falaise, l'arrêt attaqué a violé l'article 1384,
alinéa 1er, du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'effritement d'une falaise calcaire sous
l'effet de l'érosion n'était pas un événement imprévisible et que des purges
artificielles pouvaient être réalisées et des parades installées pour l'empêcher
; que, de ces énonciations, la cour d'appel a pu déduire, justifiant légalement
sa décision, que les fautes commises par M. Cassagne, qui n'étaient pas la
cause exclusive du dommage, n'avaient pas les caractères de la force majeure
pour la commune, qui ne s'exonérait pas entièrement de sa responsabilité de
gardien ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Depuis l’arrêt Jand’heur (v. supra) les juges refusent également de faire
une distinction entre les choses dangereuses et les choses non
dangereuses.
S’agissant du corps humain, celui-ci ne peut être considéré comme une
chose. Les juges admettent pourtant l’action en responsabilité du fait des
choses lorsque le corps d’un individu est à l’origine d’un dommage dans
certains cas particuliers, comme les accidents de skis ou les accidents de
bicyclette.
Illustration dans l’hypothèse d’un accident de bicyclette :
Crim., 21 juin 1990
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1384, alinéa
1er, du Code civil, 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Lacombe responsable, sur le fondement
de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, des conséquences de l'accident
subi par M. X... ;
" aux motifs que " les deux cyclistes étaient juchés sur leur bicyclette,
lorsque leur collision s'est produite dans des conditions indéterminées,
entraînant leur chute ainsi que celle de leurs machines ; qu'ainsi, chacun
d'eux étant solidaire de sa bicyclette dans tous ses mouvements, Y... ne peut
soutenir que la sienne n'a joué aucun rôle dans la réalisation de l'accident " ;
" alors, d'une part, que l'application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil suppose rapportée par celui qui s'en prévaut la preuve que la chose a été,
en quelque manière et ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage ;
qu'en l'espèce la cour d'appel, en l'état des conclusions de Y... niant toute
intervention de sa machine dans l'accident, ne pouvait sans contradiction à la
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fois constater que les circonstances de la collision des deux intéressés étaient
" indéterminées ", et cependant que la bicyclette de Y... aurait joué un rôle
dans la réalisation de l'accident ;
" alors, d'autre part, qu'il n'y a pas de " solidarité " ou d'indivisibilité entre un
cycliste et sa bicyclette à l'arrêt ; que Y... affirmait dans ses conclusions qu'il
était arrêté et que le choc était survenu entre son corps et M. X..., sans
intervention aucune de son engin ; que la cour d'appel n'a pas nié cette
relation des faits en l'état de l'indétermination des circonstances de l'accident
par elle constatée ; que dès lors la Cour ne pouvait se prévaloir d'une
imaginaire " solidarité " du cycliste et de sa machine, incompatible avec
l'indétermination des faits relevée, pour en déduire l'intervention de la chose
dans l'accident subi par la victime " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'une collision s'est produite entre
deux cyclistes au moment où l'un deux, Georges X..., dépassait l'autre,
Jacques Y... ; que le premier a été blessé ;
Attendu qu'après avoir relaxé Jacques Y... des poursuites engagées contre lui
du chef de blessures involontaires, au motif que les circonstances de
l'accident étaient indéterminées, les juges, statuant sur la demande
indemnitaire de la victime en application des règles du droit civil, déclarent
le prévenu tenu à réparation en qualité de gardien de sa bicyclette, en
retenant que, juché sur sa machine au moment de la collision, il en était "
solidaire dans tous ses mouvements " ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas encouru le grief de
contradiction allégué dès lors qu'elle a pu considérer, d'une part, que les
circonstances de l'accident étant indéterminées, la preuve d'aucune faute
n'était rapportée à la charge du prévenu, d'autre part, que celui-ci formait un
ensemble avec la bicyclette sur laquelle il se tenait et que la collision
survenue entre lui-même et l'autre cycliste impliquait que sa propre machine
avait été l'instrument du dommage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi
En définitive les seules choses qui échappent à l’action de l’article 1384
alinéa 1er sont les choses soumises à un régime spécial de responsabilité
comme les animaux (article 1385 du Code civil) ou les bâtiments en
ruine (article 1386 du Code civil), et les choses qui n’appartiennent à
personne que l’on appelle les res nullius. Ces dernières n’appartenant à
personne ne sont sous la garde de personne.
B. Le fait de la chose
Pour que l’action de 1384 soit recevable, la chose doit avoir joué un rôle
dans la survenance d’un dommage.
Les juges refusent de faire une distinction suivant que la chose a été ou
non mise en mouvement par la main de l’homme, ou suivant que la
chose ait été dotée d’un dynamisme propre ou non.
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Civ. 2ème, 20 mai 1974
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : vu l'article 1134 du code
civil;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt infirmatif attaque et de la procédure, qu'en
1968, Jean-Marie z..., prétendant avoir été atteint, le 3 novembre 1960, d'une
blessure a l'oeil gauche, causée par une fourche que tenait le y... Marie-Pierre
Clément a assigne ce dernier, ainsi que Paul x..., son père, pour obtenir
réparation de son dommage;
Que les sieurs x... ont appelé en garantie la caisse régionale de réassurances
mutuelle agricole des Hautes-Alpes et des basses alpes, assureur de Paul x...;
Que le tribunal a rejeté la déchéance de la garantie prétendue par la caisse
régionale, et a déclaré Marie-Pierre x..., Paul x... et la caisse " responsables
chacun pour le tout des conséquences dommageables de l'accident, accorde
une provision et désigne un expert ";
Attendu que le jugement a été signifié le 28 juillet 1971, que la caisse
régionale a interjeté appel, par actes des 18 et 20 août 1971 contre toutes les
parties;
Que le 27 octobre suivant les sieurs x..., ont signifie un acte déclarant valoir "
tant appel principal qu'éventuel ";
Que la cour a retenu la validité de l'appel des sieurs x..., comme provoque, et
a infirme le jugement déféré;
Attendu que devant les juges du second degré, z... a soutenu que la caisse
régionale aurait été, sans lien de droit avec lui, qui ne l'avait pas " actionnée
", et que, c'était a tort, qu'elle avait cru devoir réaliser un appel principal à
son encontre;
Que la cour d'appel, sans énoncer d'autres motifs sur l'intérêt de la caisse
régionale, en l'espèce, a déclaré que la validité de l'appel de ladite caisse "
n'est pas discutée " et en a déduit la régularité de l'appel des sieurs x...,
comme provoque par celui de la caisse;
En quoi, elle a dénaturé les conclusions dont elle était saisie et, ainsi, viole le
texte susvisé;
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche : vu l'article 1384, alinéa
1er, du code civil;
Attendu que la responsabilité édictée par l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil, est subordonnée a la seule condition que la chose ait été l'instrument du
dommage, sauf au gardien, a prouver qu'elle n'a fait que subir l'action d'une
cause étrangère;
Que cette disposition ne distingue pas suivant que l'action d'une cause
étrangère;
Que cette disposition ne distingue pas suivant que la chose a été, ou non,
mise en mouvement par la main de l'homme;
Attendu, qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les blessures ont été
causées par un coup de fourche et a énonce des comparaisons avec d'autres
situations de fait étrangères a la cause;
Qu’elle a écarte l'application de l'article 1384, alinéa 1er;
Qu’en s'abstenant de rechercher si les blessures n'étaient pas le fait de la
chose, la cour d'appel n'a pas légalement justifie sa décision;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux premières
branches du premier moyen et sur la première branche du second moyen :
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casse et annule l'arrêt rendu entre les parties, le 26 avril 1972, par la cour
d'appel d'Aix-en-Provence;
Remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état ou
elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d'appel de Nîmes.
S’il est indifférent pour les juges que la chose soit entrée en contact avec
la victime, ceux-ci opèrent tout de même une distinction entre les choses
en mouvement et les choses inertes.
Sur la responsabilité du fait d’une chose inerte, v. FPV n° 4 consacrée au
fait de la chose inerte.
Lorsque la chose est en mouvement au moment de l’accident la
jurisprudence admet une présomption simple de causalité.
Civ. 2ème, 28 novembre 1984
Vu l'article 1384, alinéa 1er du code civil ;
Attendu que pour l'application de cette disposition il suffit que la preuve soit
rapportée pour la victime que la chose a été et ne fut-ce que pour partie
l'instrument du dommage ;
Attendu selon l'arrêt infirmatif attaque, que sur une voie d'autoroute M. X...
qui circulait a motocyclette heurta l'automobile de M. Y... Z... au moment ou
il entreprenait de la dépasser ;
Que blesse il a assigne en réparation, sur le fondement de l'article 1384
alinéa 1er du code civil, M. Y... Z... et son assureur la compagnie U.A.P. ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande, l'arrêt après avoir relevé
que ce motocycliste disposait d'un espace suffisant pour effectuer sa
manoeuvre de dépassement et que le changement de direction a gauche qu'il
reprochait a M. Y.. Z... n'était pas établi, retient que l'automobile de celui-ci
avait joue un rôle passif dans la réalisation du dommage ;
Qu’en se déterminant par un tel motif tout en constatant qu'au moment de la
collision l'automobile de M. Y... Z... était en mouvement, d'ou il résultait
quelle avait été l'instrument du dommage, la cour d'appel a violé le texte
susvisé ;
Par ces motifs : casse et annule l'arrêt rendu le 2 juin 1983 entre les parties,
par la cour d'appel de paris ;
Pour une illustration plus récente de cette présomption :
Civ. 2ème, 13 mars 2003
Vu l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'alors qu'elle descendait par un escalator
dans une gare, Mme X... est tombée et a été blessée ; qu'elle a assigné la
Société nationale des chemins de fer français (SNCF) en réparation de son
préjudice, en présence de la Fédération mutualiste parisienne (CAMPI) ;
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Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que l'escalator
descendait normalement lorsque la victime a été heurtée et renversée par une
valise, lourde et rigide, lâchée par la personne qui se trouvait derrière elle ;
qu'il en déduit que l'escalator n'a joué aucun rôle causal dans la survenance
de l'accident ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'escalator en mouvement avait été, au moins
pour partie, l'instrument du dommage et alors que le fait du tiers ne pouvait
exonérer en totalité le gardien de sa responsabilité qu'à la condition d'avoir
été à l'égard de celui-ci imprévisible et irrésistible, la cour d'appel a violé le
texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 avril
2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
C. La garde de la chose
Les critères de la garde :
Depuis l’arrêt Franck la garde d’une chose est liée à l’usage, à la
direction et au contrôle de celle-ci.
Ch. Réunies, 2 décembre 1941, Franck
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, dans la nuit du
24 au 25 décembre 1929, une voiture automobile, appartenant au docteur
Franck, et que celui-ci avait confiée à son fils Claude, alors mineur, a été
soustraite frauduleusement par un individu demeuré inconnu, dans une rue de
Nancy où Claude Franck l'avait laissée en stationnement ;
Qu'au cours de la même nuit, cette voiture, sous la conduite du voleur, a,
dans les environs de Nancy, renversé et blessé mortellement le facteur
Connot ;
Que les consorts Connot, se fondant sur les dispositions de l'article 1384,
alinéa 1er, du Code civil, ont demandé au docteur Franck réparation du
préjudice résultant pour eux de la mort de Connot ;
Attendu que, pour rejeter la demande des consorts Connot, l'arrêt déclare
qu'au moment où l'accident s'est produit, Franck, dépossédé de sa voiture par
l'effet du vol, se trouvait dans l'impossibilité d'exercer sur ladite voiture
aucune surveillance ;
Qu'en l'état de cette constatation, de laquelle il résulte que Franck, privé de
l'usage, de la direction et du contrôle de sa voiture, n'en avait plus la garde et
n'était plus dès lors soumis à la présomption de responsabilité édictée par
l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, la cour d'appel, en statuant ainsi
qu'elle l'a fait, n'a point violé le texte précité ;
Sur le point pris en sa seconde branche :
Attendu que, dans leurs conclusions en cause d'appel, les consorts Connot
soutenaient que Franck, en abandonnant sa voiture automobile sur la voie
publique sans prendre aucune précaution en vue d'éviter un vol, avait
13
commis une faute, au sens de l'article 1382 du Code civil, faute qui avait eu
pour conséquence directe le dommage dont les demandeurs poursuivaient la
réparation ;
Que, pour rejeter ces conclusions, l'arrêt déclare qu'il n'y a lieu de rechercher
si Franck a commis la faute qui lui est imputée, aucun lien de cause à effet ne
pouvant exister entre la faute prétendue et l'accident dont Connot a été
victime ;
Que le pourvoi fait grief à l'arrêt d'avoir, en statuant ainsi, violé l'article 1382
du Code civil ;
Mais attendu que ce grief n'a pas été examiné par la chambre civile à
l'occasion du pourvoi formé contre l'arrêt rendu, le 10 juillet 1931, par la
cour d'appel de Nancy, que l'arrêt de la chambre civile du 3 mars 1936, qui a
cassé l'arrêt précité de la cour de Nancy, est fondé exclusivement sur la
violation de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 1er avril 1837,
les chambres réunies de la Cour de cassation n'ont compétence pour statuer
que lorsque le deuxième arrêt ou jugement rendu dans la même affaire, entre
les mêmes parties procédant en la même qualité, est attaqué par les mêmes
moyens que le premier ;
Qu'il échet, en conséquence, de renvoyer à la chambre civile la connaissance
de la seconde branche du moyen ;
Par ces motifs :
Déclare le moyen mal fondé dans sa première branche et, pour être statué sur
la seconde branche dudit moyen, renvoie la cause et les parties devant la
chambre civile.
Il existe une présomption simple de garde qui pèse sur le propriétaire de
la chose.
Civ. 2ème, 16 mai 1984
Sur le moyen unique pris en sa première branche : vu l'article 1384,
paragraphe 1, du Code civil ;
Attendu selon l'arrêt confirmatif attaqué que X... Ruiz qui effectuait des
achats aux établissements Quercy, a été blessée au pied par un éclat
provenant de la chute d'une bouteille qui avait bascule du plan incline de la
caisse enregistreuse ;
Qu'elle a assigné ces établissements en réparation de son préjudice, et que la
caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier-lodeve est intervenue a
l'instance ;
Attendu que pour débouter Mme Y... de sa demande par application de
l'article 1384, paragraphe 1, du Code civil en déclarant qu'elle n'établissait
pas que la société avait la garde de la bouteille instrument du dommage,
l'arrêt se borne à énoncer que cette bouteille avait été appréhendée par un
tiers non identifie et présentée a la caisse avec l'intention d'en payer le prix,
et que cette circonstance qui n'était pas démentie par la victime,
n'apparaissait pas contestable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société propriétaire du magasin était
présumée demeurer gardien de la bouteille, la cour d'appel qui n'a pas
caractérisé le transfert de la garde, n'a pas légalement justifie sa décision ;
14
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du
moyen ;
Casse et annule l'arrêt rendu le 11 mai 1982, entre les parties, par la cour
d'appel de Montpellier ;
Le propriétaire de la chose peut se dégager de sa responsabilité en
prouvant qu’il avait cessé d’en être le gardien au moment de l’accident.
Il doit donc prouver que la garde a été transférée à un individu soit par le
biais d’un contrat de location, de prêt, de dépôt ou de transport de
marchandises, soit par une simple mise à disposition d’autrui. Dans
toutes ces hypothèses, pour savoir si le transfert de garde a bien eu lieu,
les juges vont rechercher si la personne à qui on a confié la chose
disposait, au moment de l’accident, des pouvoirs d’usage, de direction et
de contrôle sur cette chose.
Le transfert de garde peut également être involontaire, par exemple
lorsque la chose a été volée. Le voleur devient alors automatiquement le
gardien de la chose (v. supra, arrêt Franck).
Pour une illustration du transfert de garde par l’effet d’une location :
Civ. 2ème, 12 décembre 2002
Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal
d'instance de Grasse, 14 décembre 1999), qu'un volet de l'appartement donné
à bail à M. X... par M. Y... est tombé, endommageant le véhicule de M. Z... ;
que celui-ci a assigné M. Y... et M. X... en responsabilité et indemnisation de
son préjudice ;
Attendu que M. X... fait grief au jugement d'avoir retenu sa seule
responsabilité sur le fondement de l'article 1732 du Code civil, alors, selon le
moyen, que la présomption simple de responsabilité encourue par le locataire
d'un appartement sur le fondement de l'article 1732 du Code civil n'est
applicable que dans ses rapports avec le propriétaire ; qu'en l'espèce, le
Tribunal a constaté que M. Z..., demandeur à l'action en responsabilité civile,
était tiers au contrat de location conclu entre M. X... et M. Y... ; qu'en
retenant que la responsabilité encoure par le locataire sur le fondement de
l'article 1732 du Code civil s'étendait aux dommages occasionnés à M. Z...
par la chute du volet, le Tribunal a violé ce texte par fausse application,
ensemble l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil par refus d'application ;
Mais attendu que le locataire d'un bien dont la garde lui a été transférée est
responsable du dommage causé par ce bien en application de l'article 1384,
alinéa 1er, du Code civil ;
Et attendu que le jugement a relevé que M. Y..., propriétaire, n'avait plus la
jouissance du bien loué et qu'il n'en avait plus la garde, ce dont il se
déduisait, à défaut de circonstances exceptionnelles, non invoquées en
l'espèce, que le transfert de la garde n'avait pu s'opérer qu'au profit du
preneur ; qu'il en résulte que M. X..., locataire, était responsable de plein
droit du dommage causé par le volet à M. Z... ;
Que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux justement critiqués, la
décision déférée se trouve légalement justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
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Pour une illustration du transfert de garde s’agissant de la mise à
disposition d’un chariot aux clients d’un magasin :
Civ. 2ème, 14 janvier 1999
Sur le premier moyen et le second moyen, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 1996), que M. Lesage, qui
achetait des plaques de bois aggloméré dans un magasin exploité par la
société des Établissements Leroy Merlin (la société), en utilisant un chariot
mis à la disposition de la clientèle, a été blessé par la chute de ce chariot et
des marchandises qu'il y avait déposées ; qu'il a assigné, en réparation de son
préjudice, la société et son assureur, la compagnie Cigna ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le
moyen, que, d'une part, selon l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, qui a
été violé, conserve la garde de la chose confiée à un tiers le propriétaire qui
n'a pas établi que ce tiers avait reçu toute possibilité de prévenir le préjudice
qu'elle pouvait causer, ce qui implique, à la charge du propriétaire,
l'obligation d'informer de manière suffisante le détenteur de la chose sur le
risque qu'elle peut présenter ; que, d'autre part, le juge ne peut, sans violer
l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, écarter des débats un
constat d'huissier de justice dressé à la demande d'une des parties, dès
l'instant que son adversaire a été à même d'en débattre contradictoirement ;
qu'enfin, la société propriétaire d'un magasin a l'obligation d'informer sa
clientèle d'une manière ou d'une autre sur les précautions à observer pour
l'utilisation des chariots qu'elle met à sa disposition pour le transport des
marchandises et sur les risques liés à leur usage ;
Qu'en ne relevant pas le manquement à cette obligation, la cour d'appel a
violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la responsabilité du dommage causé par le fait d'une chose
est liée à l'usage et aux pouvoirs de direction et de contrôle qui caractérisent
la garde ;
Et attendu que l'arrêt, après avoir relevé, par motifs adoptés, que le chariot en
cause ne pouvait être considéré comme une chose intrinsèquement
dangereuse, énonce exactement qu'en disposant librement du chariot hors
toute directive de la société quant à l'usage, le contrôle et la direction de
celui-ci qui lui avait été prêté à l'état inerte et qui était dépourvu de tout
dynamisme propre, M. Lesage s'en était vu transférer la garde dans toutes ses
composantes ;
Que l'arrêt retient d'autre part, après avoir souverainement apprécié la valeur
probante d'un constat d'huissier, et des témoignages soumis au débat, qu'on
ne pouvait reprocher à la société une absence de notice d'utilisation et de
fonctionnement des chariots, soit sur ces derniers, soit sur les murs du
magasin, tant il était évident que l'extrême simplicité d'emploi de ces biens
tombait sous le sens de tout un chacun, et qu'on ne pouvait pas non plus
reprocher à la société l'absence d'indication de la charge maximale admise
par ce type de chariot ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit, à bon droit,
sans violer le principe de la contradiction, que la société, qui n'avait pas la
garde du chariot lors de l'accident, n'avait pas commis de faute en relation de
causalité avec le dommage subi par M. Lesage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
16
REJETTE le pourvoi.
Cependant, il ne suffit pas qu’un individu manipule un objet, qu’il en ait
la détention matérielle, pour qu’il soit considéré comme le gardien de
cette chose :
Civ. 2ème, 28 février 1996
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 14 septembre 1993) que dans un
magasin Continent, en libre service, une cliente demeurée inconnue a fait
chuter accidentellement une bouteille qui a éclaté au sol ; que Mme X...
blessée par des éclats de verre a assigné la société Continent en réparation ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu la responsabilité de la
société Continent sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil, alors, selon le moyen, que, d'une part, le supermarché, vendeur, ne peut
être tenu en qualité de commettant des faits d'un de ses clients avec lequel il
n'est lié que par un contrat de vente ; qu'en déclarant que la magasin le
Continent investit chaque client d'une partie du rôle de vendeur et qu'il est
responsable de l'attitude de ce client dans l'exercice de cette fonction sans
retenir l'existence d'un lien de subordination entre la cliente et le
supermarché, la cour d'appel aurait violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil ; alors que, d'autre part, la garde d'une chose incombe, non au
propriétaire, mais à celui qui a reçu les pouvoirs d'usage, de direction, de
surveillance et de contrôle sur la chose ; qu'en retenant que le magasin avait
conservé la garde juridique des objets sans rechercher qui, du magasin ou de
la cliente, avait l'usage et le pouvoir de contrôle de la bouteille et était
susceptible de prévenir le préjudice que pouvait causer cette chose, la cour
d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
Mais attendu que dans un magasin où la clientèle peut se servir elle-même il
ne suffit pas qu'un client manipule un objet offert à la vente pour qu'il y ait
transfert de la garde ;
Et attendu que l'arrêt retient qu'il est constant qu'une cliente du magasin
Continent a fait chuter accidentellement une bouteille qui, en éclatant au sol,
a blessé Mme X... ; qu'à bon droit il en a déduit que la société Continent était
responsable des conséquences dommageables de l'accident en tant que
gardienne de la bouteille ; que, par ces seuls motifs, l'arrêt est légalement
justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Civ. 1ère, 9 juin 1993 (non reproduit)
D’une manière générale lorsque le transfert de garde est involontaire « le
propriétaire de la chose bien que la confiant à un tiers ne cesse d’en être
responsable que s’il est établie que le tiers a reçu corrélativement toute
possibilité de prévenir lui même le préjudice qu’elle peut causer ».
Il faut enfin préciser que les juges refusent de tenir compte des capacités
de discernement du gardien dès lors que celui-ci exerce sur la chose les
pouvoirs d’usage de direction et de contrôle.
17
Ass. Plén., 9 mai 1984, Époux Gabillet
LA COUR DE CASSATION, statuant en assemblée plénière, a rendu l'arrêt
suivant :
M. et Mme X... se sont pourvus en cassation contre un arrêt de la Cour
d'appel d'Agen, en date du 12 mai 1980. Le Premier Président de la Cour de
Cassation, constatant que le pourvoi pose la question de savoir s'il est
possible d'imputer à un enfant, auteur de blessures involontaires, l'entière
responsabilité de l'accident sans rechercher si cet enfant avait un
discernement suffisant pour être l'objet d'une telle imputation ; qu'il s'agit
d'une question de principe et que les juges du fond divergent sur la solution
susceptible d'être apportée à ce problème a, par ordonnance du 17 mars 1983,
renvoyé la cause et les parties devant l'Assemblée plénière. M. et Mme X...
invoquent, devant cette assemblée, le moyen unique de cassation suivant :
"Pris de ce que l'arrêt attaqué a déclaré un enfant âgé de trente mois
responsable sur le fondement de l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil,
par ces motifs que l'insuffisance de discernement tenant à un très jeune âge
en ce qu'elle lui était propre ne saurait être regardée comme une cause
extérieure ou étrangère, exonératoire de sa responsabilité de gardien du
morceau de bois, alors que l'imputation d'une responsabilité présumée
implique la faculté de discernement ; que la Cour a donc violé par fausse
application l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil". Ce moyen a été
formulé dans un mémoire déposé au Secrétariat-Greffe de la Cour de
Cassation par la société civile professionnelle Lemanissier et Roger, avocat
de M. et Mme X.... Un mémoire en défense et un mémoire complémentaire a
été produit par la société civile professionnelle Boré, Capron et Xavier,
avocat de M. Y... ès qualités. Sur quoi, LA COUR, en l'audience publique de
ce jour, statuant en Assemblée plénière, Sur le rapport de M. le Conseiller
Fédou, les observations de la société civile professionnelle Lemanissier et
Roger, avocat de M. et Mme X..., de la société civile professionnelle Boré et
Xavier, avocat de M. Y... ès qualités, les conclusions de M. Cabannes,
Premier Avocat général, et après en avoir immédiatement délibéré en
Chambre du Conseil,
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 12 mai 1980), que le 30 juin 1975,
l'enfant Éric X..., alors âgé de 3 ans, en tombant d'une balançoire improvisée
constituée par une planche qui se rompit, éborgna son camarade Philippe Y...
avec un bâton qu'il tenait à la main ; que M. Lucien Y..., agissant en qualité
d'administrateur légal des biens de son fils, assigna ses parents, les époux
X..., en tant qu'exerçant leur droit de garde, en responsabilité de l'accident
ainsi survenu ; Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré
Éric X... responsable sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil, alors, selon le moyen, que l'imputation d'une responsabilité présumée
implique la faculté de discernement ; que la Cour d'appel a donc violé par
fausse application l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil ; Mais attendu
qu'en retenant que le jeune Éric avait l'usage, la direction et le contrôle du
bâton, la Cour d'appel qui n'avait pas, malgré le très jeune âge de ce mineur,
à rechercher si celui-ci avait un discernement, a légalement justifié sa
décision ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 12 mai 1980 par la Cour
d'appel d'Agen ;
18
Garde alternative ou garde commune :
Dans la plupart des cas la garde de la chose est alternative, c'est-à-dire
qu’à un moment donné, une chose ne peut être sous la garde que d’une
seule personne.
Néanmoins la jurisprudence a admis que le pouvoir de garde pouvait
parfois être exercé par plusieurs individus en même temps. La garde est
alors collective ou commune.
Dans cette hypothèse chaque co-gardien est responsable vis-à-vis de la
victime, de la réparation intégrale du préjudice.
Civ. 2ème, 7 novembre 1988.
Vu l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, ensemble l'article 1203 de ce
Code ;
Attendu que lorsque la garde d'une chose instrument d'un dommage est
exercée en commun par plusieurs personnes, chacun des cogardiens est tenu,
vis-à-vis de la victime, à la réparation intégrale du dommage ;
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, qu'au cours d'un jeu collectif, le
mineur X... qui, avec plusieurs enfants, attaquait une baraque défendue par
un autre groupe, a été blessé à l'oeil par l'un des " assiégés ", tous armés de
flèches ; que l'auteur du jet de flèche n'ayant pu être identifié, les consorts
X... ont demandé la réparation de leur préjudice à M. Y..., père d'un des "
assiégés ", et à son assureur, la Mutuelle de la ville de Thann ; que la caisse
primaire d'assurance maladie de Mulhouse est intervenue à l'instance ;
Attendu que pour débouter les consorts X... de leurs demandes, l'arrêt, après
avoir retenu que la garde de l'instrument du dommage appartenait au groupe
des assiégés, énonce que, sur le fondement d'une responsabilité collective, la
responsabilité d'un seul membre du groupe ne pouvait être retenue sans
provoquer la mise en cause des autres ;
En quoi la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des
pourvois :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5
décembre 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en
conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant
ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz
La garde de la structure et la garde du comportement :
Dans certains cas l’application des critères de l’arrêt Franck aboutissait à
une injustice car l’accident ne résultait pas de l’utilisation de la chose par
la personne qui en avait la direction mais d’un défaut inhérent à la chose.
La 2ème chambre civile de la Cour de cassation, dans l’arrêt Oxygène
liquide, a alors opéré une distinction entre la garde de la structure et la
19
garde du comportement, faisant ainsi application de la théorie de B.
Goldman. Ainsi, le fabriquant d’une chose doit être déclaré responsable
du dommage lorsque l’accident résulte de la structure de la chose, de son
état interne, alors que celui qui détient la garde traditionnelle n’est
responsable que si le dommage résulte de l’utilisation de la chose.
Civ. 2ème, 5 janvier 1956, Oxygène liquide
Sur les moyens uniques et identiques des deux pourvois ;
Vu l'article 1384, alinéa 1er du Code civil ; Attendu que la responsabilité du
dommage causé par le fait d'une chose inanimée est liée à l'usage ainsi qu'au
pouvoir de surveillance et de contrôle qui caractérisent essentiellement la
garde ; qu'à ce titre, sauf l'effet de stipulations contraires valables entre les
parties, le propriétaire de la chose ne cesse d'en être responsable que s'il est
établi que celui à qui il l'a confiée a reçu corrélativement toute possibilité de
prévenir lui-même le préjudice qu'elle peut causer ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que la société "L'Oxygène
liquide" avait expédié, par voie ferrée, au "Comptoir des carburants" un
certain nombre de bouteilles métalliques remplies d'oxygène comprimé ; qu'à
l'arrivée en gare, ces bouteilles furent prises en charge par Bertrand,
entrepreneur de transports ; qu'au cours de leur livraison dans les locaux du
comptoir destinataire, l'une d'elles éclata ; que la cause de cette explosion, en
l'état de l'expertise effectuée, serait restée inconnue, encore qu'il n'ait point
été prouvé, ni même allégué, que l'accident fût la conséquence d'un acte ou
d'une circonstance extérieurs à l'objet ; que Lathus, préposé de Bertrand,
ainsi que Bouloux, employé au service du "Comptoir des carburants" furent
blessés par les éclats de la bouteille ;
Attendu que, pour débouter lesdites victimes, ensemble les Caisses de
sécurité sociale intervenantes de leurs actions en réparation, dirigées, sur la
base de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, contre la société "L'Oxygène
liquide", la Cour d'Appel appuie sa décision sur ce motif que "seul, celui qui
a la garde matérielle d'une chose inanimée peut être responsable de cette
chose", ce qui n'était pas le cas pour la défenderesse ;
Mais attendu qu'au lieu de se borner à caractériser la garde par la seule
détention matérielle, les juges du fond, devaient, à la lumière des faits de la
cause et compte tenu de la nature particulière des récipients transportés et de
leur conditionnement, rechercher si le détenteur, auquel la garde aurait été
transférée, avait l'usage de l'objet qui a causé le préjudice ainsi que le
pouvoir d'en surveiller et d'en contrôler tous les éléments ; Attendu qu'en
refusant de se déterminer sur ce point, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de
cassation à même d'apprécier quel était, en l'espèce, le gardien de la chose,
au sens de l'article visé au moyen ; D'où il suit que l'arrêt attaqué manque de
base légale ;
Par ces motifs : Casse et annule les deux arrêts rendus entre les parties par la
Cour d'Appel de Poitiers le 29 octobre 1952 et les renvoie devant la Cour
d'Appel d'Angers.
Cette distinction entre garde de la structure et garde du comportement a
subi de nombreuses controverses et aujourd’hui la majorité de la doctrine
s’interroge sur son utilité, les articles 1386-1 et suivants relatifs à la
responsabilité des produits défectueux permettant de façon plus simple et
plus efficace de se retourner contre le fabricant d’un produit.