07_Les_recours-contentieux _3__REP mis à jour

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Fiche à jour au 18janvier 2010
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Diplôme : Licence, semestre 4
Matière :Droit administratif
Web-tuteur : Elise Untermaier
Fiche mise à jour par : Aurélie WATTECAMPS
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I. .... LA RECEVABILITE DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR
A.
LA REGLE DE LA DECISION ADMINISTRATIVE PREALABLE
Art. R.421-1 du Code de justice administrative
B.
LA QUALITE DU REQUERANT
2
2
3
CE, Section, 29 mars 1901, Casanova
3
CE, 21 décembre 1906, Syndicat des propriétaires et contribuables du
quartier Croix-de-Seguey-Tivoli
4
II.
LES CAS D’OUVERTURE DU RECOURS POUR EXCES
DEPOUVOIR .................................................................................................. 6
Date de création du document : année universitaire 2007/08
Consultez les autres fiches sur le site de la FDV : www.facdedroit-lyon3.com
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2
A.
LA LEGALITE EXTERNE
6
B.
LA LEGALITE INTERNE
7
III.
A.
CE, 26 novembre 1875, Pariset
8
CE, 14 janvier 1916, Camino
9
CE, 4 avril 1914, Gomel
10
L’ETENDUE DU CONTROLE JURIDICTIONNEL .................... 11
LA DISTINCTION DE LA COMPETENCE LIEE ET DU POUVOIR
DISCRETIONNAIRE
11
B.
12
LES DEGRES DE CONTROLE JURIDICTIONNEL
CE, 19 mai 1933, Benjamin
13
I. La recevabilité du recours pour excès de pouvoir
Avant de pouvoir être examinés par la juridiction, les recours doivent
être recevables, satisfaire des conditions de recevabilité. Si ces
conditions ne sont pas satisfaites, le recours sera nécessairement rejeté
par le juge, sans qu’il statue au fond ( si le recours est un REP, le juge ne
vérifiera pas la légalité de l’acte administratif contesté).
A. La règle de la décision administrative préalable
Les recours contentieux, et le recours pour excès de pouvoir en
particulier, doivent être formés contre des décisions administratives.
C’est ce qu’on appelle la liaison du contentieux. C’est une survivance du
système du ministre-juge : il s’agit de s’assurer que l’administration a
déjà pris position sur la question par une décision administrative.
Art. R.421-1 du Code de justice administrative
« Sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut
être saisie que par voie de recours formé contre une décision ».
L’acte attaqué doit être un acte unilatéral décisoire, c’est-à-dire un
acte qui modifie l’ordonnancement juridique.
Les directives, les circulaires ne contenant pas de dispositions
impératives à caractère général, les mesures d’ordre intérieur ne peuvent
pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir car ce sont des actes
unilatéraux mais non décisoires.
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3
B. La qualité du requérant
1. La capacité pour agir
Le requérant doit avoir la capacité d’agir en justice. Ni un mineur, ni un
incapable majeur ne sauraient saisir le juge administratif.
2. L’intérêt pour agir
Pour que le recours soit recevable, le requérant doit avoir un intérêt lui
donnant qualité pour agir.
Dans le plein contentieux, cet intérêt est facile à reconnaître : le
requérant a intérêt pour agir dès lors que l’un de ses droits subjectifs est
mis en cause.
Dans le REP, dans la mesure où il s’agit d’un recours objectif, on peut
admettre que tout citoyen, se rendant compte d’une irrégularité, puisse
saisir le juge administratif et devenir ainsi une sorte de procureur du
droit. Le REP serait ainsi une action populaire. Afin d’éviter le risque de
déboucher sur des recours systématiques et abusifs, le juge a admis très
largement le recours, chaque fois qu’un intérêt est froissé. Il faut que le
justiciable établisse que l’acte attaqué l’affecte dans des conditions
suffisamment spéciales, certaines et directes mais il n’est pas nécessaire
que l’intérêt invoqué soit propre et spécial au requérant.
Le recours des particuliers est recevable dès lors que la mesure emporte
des conséquences sur leur situation personnelle.
Ainsi est recevable le recours du contribuable de la commune contre
une délibération du conseil municipal augmentant les dépenses
communales :
CE, Section, 29 mars 1901, Casanova
Vu la requête présentée par les sieurs Casanova, Canazzi [Carlos] médecins,
Canazzi [Jacques], Istria notaire, Balisoni, Peretti, Colonna d'Istria, Pianelli
[Barthélémy], Istria [Jean Baptiste], Pianelli [Alexandre], Pianelli [Jacques]
et Poggi, tous contribuables de la commune d'Olmeto et y demeurant, ladite
requête enregistrée au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 16
février 1898 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler : 1° une
délibération en date du 4 novembre 1897, par laquelle, le conseil municipal
d'Olmeto a voté un crédit de 2.000 francs, pour le traitement d'un médecin,
devant donner gratuitement ses soins à tous les habitants de la commune,
pauvres et riches indistinctement ; 2° un arrêté du préfet de la Corse du 15
novembre suivant, refusant de déclarer la nullité de la délibération précitée et
approuvant l'ouverture du crédit ci-dessus au budget de la commune ; Vu les
lois des 5 avril 1884 et 15 juillet 1893 ;
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt des requérants, autres que
le sieur Canazzi, médecin à Olmeto ; Considérant que la délibération
attaquée a pour objet l'inscription d'une dépense au budget de la commune
d'Olmeto ; que les requérants contribuables dans cette commune, ont intérêt
en cette qualité, à faire déclarer cette délibération nulle de droit et qu'ils sont
ainsi parties intéressées, dans le sens de l'article 65 de la loi susvisée du 5
avril 1884 ;
Au fond : Considérant que la délibération attaquée n'a pas été prise en vue
d'organiser l'assistance médicale gratuite des indigents, conformément à la
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loi du 15 juillet 1893 ; que si les conseils municipaux peuvent, dans des
circonstances exceptionnelles, intervenir, pour procurer des soins médicaux
aux habitants qui en sont privés, il résulte de l'instruction qu'aucune
circonstance de cette nature n'existait à Olmeto, où exerçaient deux médecins
; qu'il suit de là que le conseil municipal de ladite commune est sorti de ses
attributions en allouant par la délibération attaquée, un traitement annuel de
2.000 francs à un médecin communal chargé de soigner gratuitement tous les
habitants pauvres ou riches indistinctement et que c'est à tort que le préfet a
approuvé cette délibération ;
DECIDE : Article 1er - La délibération susvisée du Conseil municipal
d'Olmeto en date du 4 novembre 1897 est déclarée nulle de droit et, par voie
de conséquence, l'arrêté du Préfet de la Corse du 15 novembre 1897 est
annulé.
De même, la qualité d’usager d’un service public donne qualité pour
agir contre les actes réglementaires ou individuels relatifs à
l’organisation ou au fonctionnement du service :
CE, 21 décembre 1906, Syndicat des propriétaires et
contribuables du quartier Croix-de-Seguey-Tivoli
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés par le Syndicat des
propriétaires et contribuables du quartier Croix-de-Seguey-Tivoli à
Bordeaux, représenté par le sieur Duguit, son président, ladite requête et ledit
mémoire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les 16
janvier et 14 février 1905, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler,
pour excès de pouvoir, un arrêté, en date du 16 novembre 1904, par lequel le
préfet du département de la Gironde a refusé d'user des pouvoirs qu'il tient
des articles 21 et 39 de la loi du 11 juin 1980 pour obliger la Compagnie des
tramways électriques et omnibus de Bordeaux à reprendre l'exploitation du
tronçon de Tivoli de la ligne n° 5 qu'elle a indûment supprimée ;
Vu la loi du 11 juin 1880 art. 21 et 39 et le décret du 6 août 1881 ; Vu la loi
du 24 mai 1872 art. 9 ; Vu la loi du 1er juillet 1901, art. 1er ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de ce que le syndicat requérant ne
constituerait pas une association capable d'ester en justice : Considérant que
le syndicat des propriétaires et contribuables du quartier de la Croix de
Seguey-Tivoli s'est constitué en vue de pourvoir à la défense des intérêts du
quartier, d'y poursuivre toutes améliorations de voirie, d'assainissement et
d'embellissement ; que ces objets sont au nombre de ceux qui peuvent donner
lieu à la formation d'une association aux termes de l'article 1er de la loi du
1er juillet 1901 ; qu'ainsi, l'association requérante, qui s'est conformée aux
prescriptions des articles 5 et suivants de la loi du 1er juillet 1901, a qualité
pour ester en justice ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fins de non-recevoir opposées par
la compagnie des tramways électriques au pourvoi du syndicat ; Considérant
que le syndicat requérant a demandé au préfet d'user des pouvoirs qu'il tient
des articles 21 et 39 de la loi du 11 juin 1880 pour assurer le fonctionnement
du service des tramways afin d'obliger la compagnie des tramways
électriques de Bordeaux à reprendre l'exploitation qui aurait été indûment
supprimée par elle, du tronçon de Tivoli de la ligne n° 5 ;
Considérant que, pour repousser la demande du syndicat, le préfet s'est fondé
sur ce que le tronçon de ligne dont s'agit n'était pas compris dans le réseau
concédé par le décret du 19 août 1901 ; qu'en l'absence d'une décision rendue
par la juridiction compétente et donnant au contrat de concession une
interprétation différente de celle admise par le préfet, le syndicat n'est pas
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fondé à soutenir que le refus qui lui a été opposé par le préfet, dans les
termes où il a été motivé, est entaché d'excès de pouvoir ;
DECIDE : Article 1er : La requête du syndicat des propriétaires et
contribuables du quartier de la Croix-de-Seguey-Tivoli est rejetée : Article 2
: Expédition de la présente décision sera transmise aux Ministres des travaux
publics et de l'Intérieur.
Enfin, est également recevable le recours d’un randonneur avéré
contre l’arrêté municipal interdisant le camping car, même s’il n’a jamais
séjourné dans cette commune, « l’éventualité de son passage n’est ni
improbable ni imprécise » : CE, 1958, Abisset.
Les fonctionnaires n’ont pas le droit, en raison
hiérarchique, d’attaquer les mesures d’organisation du
peuvent seulement attaquer les mesures individuelles
atteintes à leurs droits qu’ils tiennent de leur statut.
d’avancement).
du principe
service. Ils
qui portent
(ex : refus
Le recours des personnes morales est recevable non seulement pour
défendre leurs intérêts propres mais aussi pour la défense d’un intérêt
collectif :
CE, 1906, Syndicat des patrons coiffeurs de Limoges : l’ « action
corporative » des syndicats et associations est admise. Il doit y avoir un
lien entre l’acte et l’objet social. Pour les actes réglementaires, l’action
est recevable dès lors qu’il porte atteinte aux intérêts collectifs des
adhérents. En revanche, pour les actes individuels, c’est en principe le
destinataire de l’acter qui a seul intérêt pour agir : Nul ne plaide par
procureur… Mais un acte individuel peut avoir des conséquences sur
l’ensemble du groupe. Le recours est en principe recevable contre les
actes « positifs ». Profitant à une personne, ils froissent les intérêts des
autres qui ne sauraient en bénéficier. L’action des syndicats de la FP est
donc recevable contre une décision de nomination ou d’avancement.
3. Les conditions de forme et de délais
Les conditions de forme
Elles sont peu nombreuses : une requête écrite en français, développant
les moyens et conclusions du requérant. Il faut y joindre l’acte attaqué.
Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire en matière de REP (sauf pour
le pourvoi en cassation devant le CE).
Le délai
Article R.421-1 CJA : le délai est de deux mois à compter de la publicité
donnée à la décision.
Délai franc : on ne compte ni le dies a quo ni le dies ad quem.
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Quand un décret paraît au journal officiel le 1er février, le recours reste
recevable jusqu’au 2 avril à 24 heures, ou, si ce jour est un dimanche, à
la fin du 1er jour ouvrable suivant.
Si la décision d’une collectivité territoriale n’est exécutoire qu’à compter
du jour de sa transmission au préfet, le délai de recours part de la date de
publicité.
- La prorogation du délai est possible en cas de recours administratif. Si
ce dernier est exercé dans le délai du recours contentieux, le délai court à
compter de la décision prise sur le recours administratif.
- Une fois le délai expiré, le requérant est forclos. Mais il existe le
mécanisme de l’exception d’illégalité qui permet de remettre en cause
certains actes administratifs, alors même que le délai de recours à leur
encontre est expiré.
Pour les actes réglementaires, l’exception est perpétuelle. L’acte pris sur
le fondement de l’acte réglementaire sera annulé pour défaut de base
juridique. CE, Sect., 19 fév. 1967, Soc. Ets Petitjean, Leb.p.63. L’acte
réglementaire ne disparaît pas de l’ordonnancement juridique mais sa
mise en œuvre est paralysée : si l’administration exécute l’acte, elle peut
engager sa responsabilité.
II. Les cas d’ouverture du recours pour excès
depouvoir
Les cas d’ouverture du REP sont les vices susceptibles d’affecter la
légalité de l’acte administratif. On parle des moyens susceptibles
d’entraîner l’annulation de l’acte Depuis Laferrière, on regroupe ces
moyens en deux catégories, en deux CAUSES juridiques :
- les moyens de légalité externe
- les moyens de légalité interne
CE, 1953, Intercopie : Une fois le délai du REP expiré, des moyens non
invoqués dans la requête principale ne peuvent être soulevés que s’ils se
rattachent à la même cause juridique.
Le juge administratif examine les moyens soulevés par le requérant. Il
peut par ailleurs soulever d’office les moyens d’ordre public, en raison
de leur extrême gravité.
A. La légalité externe
1. L’incompétence
L’acte est annulé parce qu’il a été pris par une autorité incompétente/ Par
exemple, un conseil municipal adopte une délibération en matière de
police administrative alors que les pouvoirs de police sont des « pouvoirs
propres » du maire.
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Remarque : le fait que le gouvernement n’ait pas consulté le Conseil
d’Etat avant d’adopter un décret qui devait être pris « en Conseil d’Etat’
est assimilé à un vice d’incompétence :
CE, 1978, SCI Boulevard Arago : annulation pour incompétence du
décret de classement d’un site pris avant que l’avis du CE ait été connu.
2. Le vice de procédure
Ex : L’irrégularité d’un avis (acte préparatoire non attaquable
directement) est invocable contre l’acte final et entraîne l’annulation de
celui-ci.
L’existence d’une irrégularité dans la procédure qui aurait du être suivie
n’entraîne pas toujours l’annulation de l’acte, si elle n’a pas eu
d’influence déterminante sur la prise de décision. Seul le vice de forme
substantiel est sanctionné.
CE, Ass., 7 mai 1975, Ass. Amis Abbaye de Fontevaud, Lebon p.179 :
L’absence de consultation d’un ministre, pourtant prévue par les textes,
lors de la procédure préalable à une expropriation, n’a pas le caractère, «
dans les circonstances de l’espèce », d’une irrégularité substancielle.
3. Le vice de forme
Exemple : Violation de l’obligation de motivation quand elle est imposée
pat la loi du 11 juillet 1979.
B. La légalité interne
1. L’illégalité en raison du contenu de l’acte : la
« violation directe de la loi »
Exemple 1 : Un acte administratif contient des dispositions rétroactives :
il est contraire au principe de PGD de non-rétroactivité des actes
administratifs (CE, 1948, Société du Journal l’Aurore)
Exemple 2 : Si une loi dispose que tout français, homme ou femme, peut
accéder à la magistrature, le refus opposé à une candidate de se présenter
aux épreuves de recrutement en raison de son sexe est illégal.
2. L’illégalité en raison du but de l’acte : le détournement
de pouvoir ou de procédure
Le détournement de pouvoir
L’irrégularité tient aux mobiles qui ont inspiré l’auteur de l’acte en
cause. L’administration utilise les pouvoirs qui lui ont été conférés dans
un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés.
- Dans une première série de cas, l’administration a exercé ses
compétences à des fins étrangères à la satisfaction de l’intérêt général.
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En définitive, elle est au service d’intérêts particuliers : les intérêts de
l’auteur de l’acte, de sa faille ou de ses relations.
CE, 1900, Maugras : un maire révoque un agent qui avait dressé un
procès-verbal contre une parente de sa domestique.
- Dans une deuxième série de cas, l’administration a bien exercé ses
compétences à des fins d’intérêt général, mais la décision a été prise en
visant un but qui n’est pas de ceux pour lesquels l’autorité avait été
investie des pouvoirs qu’elle a utilisés. Notamment, il y a détournement
de pouvoir si des mesures de police ont pour objet principal de servir les
intérêts financiers d’une collectivité publique : CE, 1875, Pariset.
Le détournement de pouvoir donne rarement lieu à une annulation. Il est
en effet difficile à prouver. Et aujourd’hui, les intérêts publics et privés
se mélangent facilement.
CE, 26 novembre 1875, Pariset
Considérant qu'il est établi par l'instruction que le préfet, en ordonnant la
fermeture de la fabrique d'allumettes du sieur Pariset, en vertu des
pouvoirs de police qu'il tenait des lois et règlements sur les
établissements dangereux, incommodes et insalubres, n'a pas eu pour but
les intérêts que ces lois et règlements ont en vue de garantir ; qu'il a agi
en exécution d'instructions émanées du Ministère des finances à la suite
de la loi du 2 août 1872 et dans l'intérêt d'un service financier de l'Etat ;
qu'il a ainsi usé des pouvoirs de police qui lui appartenaient sur les
établissements dangereux, incommodes ou insalubres pour un objet autre
que celui à raison desquels ils lui étaient conférés et que le sieur Pariset
est fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué par application des
lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 ;
DECIDE : Article 1er : L'arrêté du préfet de l'Oise du 10 avril 1874 est
annulé pour excès de pouvoirs.
Le détournement de procédure
Ici une autorité utilise une procédure réservée par une loi à un but autre
que celui qu’elle poursuit. Par exemple, elle effectue une saisie judiciaire
de journaux au lieu d’agir par une mesure de police administrative : CE,
24 juin 1960, Le Monde et Frampar.
3. L’illégalité en raison des motifs de l’acte
L’administration édicte des actes administratifs unilatéraux toujours en
fonction de motifs, de considération de droit ou de fait.
a) Le contrôle des motifs de droit : l’erreur de droit
Le défaut de base légale
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L’acte administratif manque de base légale : il est dépourvu de
fondement juridique. Il faut distinguer plusieurs hypothèses :
- Le fondement juridique retenu par l’administration n’existe pas encore :
il s’agit par exemple d’une loi dont l’entrée en vigueur est subordonnée à
la publication de décrets qui n’ont pas été pris.
- Le fondement juridique retenu n’appartient plus à l’ordre juridique (à la
suite d’une abrogation expresse ou tacite ou d’une annulation).
- Le fondement juridique est lui-même irrégulier (ce qui peut être
constaté par la voie d’une exception d’illégalité).
La méconnaissance du champ d’application d’une règle de droit
La fausse interprétation de la règle de droit
L’administration se trompe sur le sens ou la portée d’une norme (que
celle-ci soit écrite comme une loi ou qu’elle demeure informelle comme
certains PGD).
CE, 1954, Barel
CE, 1998, Onteniente : Le Conseil national des Universités refuse
l’inscription d’un candidat sur la liste de qualification des maîtres de
conférences pour les motifs suivants : « dossier scientifique insuffisant et
âge trop avancé. » Il commet sur le second point une erreur de droit car
aucune disposition législative ou réglementaire ne permettait de retenir
un critère tiré de l’âge des candidats.
b) Le contrôle des motifs de fait : l’erreur de fait
Le juge administratif sanctionne l’inexactitude matérielle des faits : Si
l’administration a pris un acte en se fondant sur des faits inexacts, cet
acte encourt l’annulation.
CE, 1916, Camino : annulation de la mesure de révocation d’un maire
qui n’aurait pas veillé à ce que fût respectée la décence d’un convoi
funèbre (il aurait fait entrer ce convoi par une brèche dans le mur du
cimetière et mettre le cercueil dans une fosse trop petite).
CE, 1922, Trépont : mise en congé d’un préfet à sa demande alors qu’il
n’a jamais formulé un tel vœu.
CE, 14 janvier 1916, Camino
Vu 1° la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le docteur
Camino, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du
Contentieux du Conseil d'Etat, les 22 avril et 1er juillet 1915, sous le n°
59619, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler, pour excès de pouvoir,
un arrêté du 30 mars 1915 par lequel le Préfet du département des BassesPyrénées l'a suspendu, pour la durée d'un mois, de ses fonctions de maire de
la commune d'Handaye ;
Vu 2° la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le docteur
Camino, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du
Contentieux du Conseil d'Etat, les 21 mai et 29 juin 1915, sous le n° 59619,
10
et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler, pour excès de pouvoir, un
décret du 24 avril 1915 qui a révoqué le docteur Camino de ses fonctions de
maire de la commune d'Handaye ; Vu les lois des 5 avril 1884 et 8 juillet
1908 ; Vu les lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 ; Vu la loi du 17
avril 1906, article 4 ;
Considérant que les deux requêtes susvisées présentent à juger la même
question ; qu'il y a lieu, dès lors, de les joindre pour y statuer par une seule
décision ;
Considérant qu'aux termes de la loi du 8 juillet 1908 relative à la procédure
de suspension et de révocation des maires "les arrêtés de suspension et les
décrets de révocation doivent être motivés" ;
Considérant que si le Conseil d'Etat ne peut apprécier l'opportunité des
mesures qui lui sont déférées par la voie de recours pour excès de pouvoir, il
lui appartient, d'une part, de vérifier la matérialité des faits qui ont motivé ces
mesures, et, d'autre part, dans le cas où lesdits faits sont établis, de rechercher
s'ils pouvaient légalement motiver l'application des sanctions prévues par la
disposition précitée ;
Considérant que l'arrêté et le décret attaqués sont fondés sur deux motifs qui
doivent être examinés séparément ;
Considérant d'une part, que le motif tiré de que le maire d'Hendaye aurait
méconnu les obligations qui lui sont imposées par la loi du 5 avril 1884, en
ne veillant pas à la décence d'un convoi funèbre auquel il assistait, repose sur
des faits et des allégations dont les pièces versées au dossier établissent
l'inexactitude ;
Considérant, d'autre part, que le motif tiré de prétendues vexations exercées
par le requérant, à l'égard d'une ambulance privée, dite ambulance de la
plage, relève des faits qui, outre qu'ils sont incomplètement établis, ne
constitueraient pas des fautes commises par le requérant dans l'exercice de
ses attributions et qui ne seraient pas, par eux-mêmes, de nature à rendre
impossible le maintien du sieur Camino à la tête de l'administration
municipale ; que, de tout ce qui précède, il résulte que l'arrêté et le décret
attaqués sont entachés d'excès de pouvoir ;
c) La mise en rapport des motifs de fait et des motifs de
droit : l’erreur de qualification juridique des faits
L’opération de qualification juridique des faits consiste à mettre en
rapport les données de la situation, les faits, avec la condition posée par
le droit. Le juge vérifie que tel fait est bien de nature à justifier telle
décision.
CE, 1914, Gomel : REP contre un refus de permis de construire fondé sur
l’atteinte à une perspective monumentale. Le juge vérifie si la place où
doit se réaliser la construction constitue effectivement une perspective
monumentale, et si l’immeuble, par ses dimensions et son aspect est de
nature à y porter atteinte.
Autres ex. : Les faits reprochés à un agent constituent-ils une faute ? Un
film peut-il être qualifié de pornographique.
CE, 4 avril 1914, Gomel
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le sieur
Gomel, demeurant à Paris, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au
secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 4 septembre et 16 octobre
11
1913 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler pour excès de pouvoir un
arrêté en date du 26 juillet 1913 par lequel le Préfet de la Seine lui a refusé
l'autorisation de construire un bâtiment d'habitation sur un terrain lui
appartenant à Paris place Beauveau ; Vu le décret du 26 mars 1852 ; Vu la loi
du 13 juillet 1911 article 118 ; Vu la loi du 24 mai 1872 ; Vu la loi des 7-14
octobre 1791 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 26 mars 1852, "tout
constructeur de maisons, avant de se mettre à l'oeuvre devra demander
l'alignement et le nivellement de la voie publique au devant de son terrain et
s'y conformer" ; que l'article 4 du même décret, modifié par l'article 118 de la
loi du 13 juillet 1911, porte : "Il devra pareillement adresser à
l'Administration un plan et des coupes cotées des constructions qu'il projette,
et se soumettre aux prescriptions qui lui seront faites dans l'intérêt de la
sûreté publique, de la salubrité ainsi que de la conservation des perspectives
monumentales et des sites, sauf recours au Conseil d'Etat par la voie
contentieuse" ;
Considérant que ce dernier article ainsi complété par la loi du 13 juillet 1911
a eu pour but de conférer au préfet le droit de refuser, par voie de décision
individuelle, le permis de construire, au cas où le projet présenté porterait
atteinte à une perspective monumentale ; que les seules restrictions apportées
au pouvoir du préfet, dont la loi n'a pas subordonné l'exercice à un
classement préalable des perspectives monumentales, sont celles qui
résultent de la nécessité de concilier la conservation desdites perspectives
avec le respect dû au droit de propriété ;
Mais considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat de vérifier si
l'emplacement de la construction projetée est compris dans une perspective
monumentale existante et, dans le cas de l'affirmative, si cette construction,
telle qu'elle est proposée, serait de nature à y porter atteinte ;
Considérant que la place Beauveau ne saurait être regardée dans son
ensemble comme formant une perspective monumentale ; qu'ainsi, en
refusant par la décision attaquée au requérant l'autorisation de construire, le
préfet de la Seine a fait une fausse application de l'article 118 de la loi
précitée du 13 juillet 1911 ; DECIDE : Article 1 : L'arrêté susvisé du Préfet
de la Seine est annulé.
III. L’étendue du contrôle juridictionnel
A. La distinction de la compétence liée et du pouvoir
discrétionnaire
L’administration est en situation de compétence liée lorsqu’elle est
tenue de prendre une décision déterminée. Dans ce cas, tous les moyens
de légalité externe ou interne invoqués par le requérant seront considérés
comme inopérants par le juge administratif. En effet, il est inutile
d’annuler une décision que l’administration était de toute façon tenue de
prendre.
Exemple : lorsque les fonctionnaires atteignent l’âge limite pour faire
partie de la fonction publique, ils doivent être « radiés des cadres ». Si la
décision de radiation des cadres a été prise par une autorité
incompétente, peu importe : le juge considérera le vice d’incompétence
comme inopéant.
12
Lorsque l’administration n’est pas en situation de compétence liée, on
dit qu’elle dispose d’une certaine dose de pouvoir discrétionnaire, c’està-dire d’une certaine liberté (liberté d’agir ou de ne pas agir, liberté de
choisir telle ou telle décision).
En cas de pouvoir discrétionnaire, l’étendue du contrôle du juge varie.
B. Les degrés de contrôle juridictionnel
Quatre degrés de contrôle peuvent être distingués.
1. Le contrôle minimum
Le juge contrôle toujours tous les éléments de la légalité externe et
certains éléments de la légalité interne : le détournement de pouvoir et de
procédure, la « violation directe de la loi », l’erreur de fait et l’erreur de
droit. Il ne contrôle pas du tout la qualification juridique des faits.
Les hypothèses de contrôle minimum sont restreintes :
- Appréciations des jurys d’examens et de concours sur la valeur des
candidats
- Choix du mode de gestion d’un service public par une collectivité.
2. Le contrôle restreint
Le juge ne sanctionne pas toutes les erreurs de qualification juridique des
faits mais uniquement les erreurs grossières : les ERREURS
MANIFESTES D’APPRECIATION.
L’EMA est né dans les années 1960 : CE, 15 février 1961, Lagrange (en
matière d’équivalence d’emplois).
CE, 12 novembre 1973, Sté Librairie François Maspero (en matière de
police des publications étrangères).
L’objectif est d’imposer aux autorités un minimum de bon sens et de
logique, ou d’éviter les solutions déraisonnables : le juge censure les
erreurs grossières, évidents. Ce contrôle de l’EMA constitue une
application implicite du principe de proportionnalité (mais ici la
disproportion entre le fait et la décision doit être évidente et grave pour
être censurée).
3. Le contrôle normal
Il s’agit de l’hypothèse du contrôle entier de la qualification juridique des
faits. Le juge sanctionne l’erreur de qualification juridique des faits (voir
arrêt Gomel précité)
4. Le contrôle maximum
Dans certains domaines, le principe de proportionnalité est appliqué de
façon très rigoureuse par le juge. Une décision ne sera légale qu’à
13
condition d’être pleinement proportionnée aux faits, c’est-à-dire
nécessaire.
en matière de police administrative :
Les mesures de police ne sont légales que si elles sont nécessaires. Une
mesure de police est donc illégale si elle porte atteinte à une liberté plus
qu’il n’est nécessaire pour éviter tout trouble à l’OP. Le juge vérifie ainsi
l’adéquation de la décision à la situation de fait compte tenu de l’objectif
recherché par l’autorité.
CE, 1933, Benjamin : l’interdiction d’une réunion n’est pas légalement
justifiée dès lors que des mesures plus souples permettaient de préserver
l’ordre public.
CE, 19 mai 1933, Benjamin
Considérant que les requêtes susvisées, dirigées contre deux arrêtés du maire
de Nevers interdisant deux conférences, présentent à juger les mêmes
questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule
décision ;
En ce qui concerne l'intervention de la Société des gens de lettres :
Considérant que la Société des gens de lettres a intérêt à l'annulation des
arrêtés attaqués ; que, dès lors, son intervention est recevable ;
Sur la légalité des décisions attaquées : Considérant que, s'il incombe au
maire, en vertu de l'article 97 de la loi du 5 avril 1884, de prendre les
mesures qu'exige le maintien de l'ordre, il doit concilier l'exercice de ses
pouvoirs avec le respect de la liberté de réunion garantie par les lois des 30
juin 1881 et 28 mars 1907 ;
Considérant que, pour interdire les conférences du sieur René Benjamin,
figurant au programme de galas littéraires organisés par le Syndicat
d'initiative de Nevers, et qui présentaient toutes deux le caractère de
conférences publiques, le maire s'est fondé sur ce que la venue du sieur René
Benjamin à Nevers était de nature à troubler l'ordre public ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'éventualité de troubles,
alléguée par le maire de Nevers, ne présentait pas un degré de gravité tel qu'il
n'ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l'ordre en édictant les mesures
de police qu'il lui appartenait de prendre ; que, dès lors, sans qu'il y ait lieu
de statuer sur le moyen tiré du détournement de pouvoir, les requérants sont
fondés à soutenir que les arrêtés attaqués sont entachés d'excès de pouvoir ;
DECIDE : Article 1er : L'intervention de la Société des Gens de Lettres est
admise. Article 2 : Les arrêtés susvisés du maire de Nevers sont annulés.
Article 3 : La ville de Nevers remboursera au sieur René Benjamin, au
Syndicat d'initiative de Nevers et à la Société des Gens de Lettres les frais de
timbre par eux exposés s'élevant à 36 francs pour le sieur Benjamin et le
Syndicat d'initiative et à 14 francs 40 pour la Société des Gens de Lettres,
ainsi que les frais de timbre de la présente décision. Article 4 : Expédition ...
Intérieur.
en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique:
L’expropriation est une prérogative de puissance publique qui permet à
l’Etat de forcer un propriétaire d’un bien immobilier à céder sa propriété
moyennant une juste et préalable indemnité. L’Etat ne peut recourir à
l’expropriation que dans un but d’utilité publique, par exemple pour la
construction d’une ligne de TGV ou d’une autoroute.
14
L’expropriation porte atteinte au droit de propriété, c’est pourquoi le juge
a développé un contrôle approfondi. On parle de la technique du bilan
« coûts-avantages » : pour apprécier si le recours à l’expropriation est
légal, il compare les avantages et les inconvénients du projet qui justifie
le recours à l’expropriation : CE, 1971, Ville Nouvelle-Est.
Observations finales :
- A propos d’une même décision, le juge peut utiliser à la fois le contrôle
restreint et le contrôle normal. Ainsi, en ce qui concerne l’exercice du
pouvoir disciplinaire de dans la fonction publique, le juge fait un
contrôle normal sur la qualification des faits (Sont-ils de nature à
constituer une faute ?) mais il ne fait qu’un contrôle restreint sur l choix
de la sanction.
- L’étendue du contrôle du juge connaît des évolutions importantes.
Ainsi en matière d’interdiction des publications étrangères, le juge a
successivement effectué un contrôle minimum puis un contrôle restreint
(CE, 1973, Société Librairie François Maspero) puis un contrôle normal
(CE, 1997, Association Ekin), puis un contrôle maximum, sous
l’influence de la CEDH (CE, 2003, GISTI).
Il en est de même en matière de police des étrangers : depuis les arrêts de
1991, Belgacem et Babas, le juge effectue un contrôle maximum.
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