Valorisation de la recherche, brevets et propriété intellectuelle

Transcription

Valorisation de la recherche, brevets et propriété intellectuelle
Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer,
en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le climat
Conseil général de l'Environnement
et du Développement durable
Commissariat général au
Développement durable
Collège Recherche & Technologie
Direction de la Recherche et de
l'Innovation
Séminaire
Valorisation de la recherche,
brevets et propriété intellectuelle
27 janvier 2010 – 9h à 17h15
Paris, La Défense
Tour Pascal B – Salle 28P03
SYNTHESE
Allocution d’ouverture
6
Claude MARTINAND
Vice-président du Conseil Général de l’Environnement et du Développement durable (CGEDD)
6
6
ELÉMENTS DE BASE DE LA VALORISATION DE LA RECHERCHE, DES BREVETS ET
PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
8
Première session
Présidée par Jacques ROUDIER, Président de la 5ème section (Sciences et Techniques) du CGEDD
8
8
La propriété industrielle : protéger et valoriser l'innovation
8
Philippe LAVAL
Directeur général délégué de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI)
8
8
Le point de vue du CGEFi : Organismes techniques sectoriels et propriété intellectuelle
11
Jean BRUNEL
11
Chef de la mission « Recherche Appliquée et Promotion de la Qualité » du Contrôle Général Economique et Financier
(CGEFi)
11
La prise en compte des droits de la propriété intellectuelle dans la commande publique
13
Annie TARGA
Contrôleuse d'État au Centre national d'Etudes spatiales (CNES)
13
13
Le brevet : un outil de nature juridique à objet technique et à utilité multiple. Valorisation
utilité et valorisation estimation
16
Christian DERAMBURE
Président de la de la Compagnie nationale des Conseils en Propriété Industrielle (CNCPI)
16
16
Les aspects financiers de la valorisation de l'innovation
18
Annie GEAY
Directrice de l’expertise et du développement de l’innovation (OSEO)
18
18
Questions
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EXEMPLES DE VALORISATION DE LA RECHERCHE AU SEIN D'ORGANISMES
SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES
21
Deuxième session
Présidée par Elisabeth DUPONT-KERLAN, Coordonnatrice du collège Recherche et Technologie du CGEDD
21
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From knowledge to market – IP- Challenges in the commercialisation of R&D results
21
Lorenz KAISER
Division Director for legal and contractual affairs at Fraunhofer-Gesellschaft
21
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Différents schémas de stratégie propriété industrielle
24
Alfred ELMALEH
Directeur de la Propriété industrielle de l'Institut français du Pétrole (IFP)
24
24
La valorisation de la recherche : un concept simple à la mise en oeuvre incertaine
26
Thierry SUEUR
Directeur de la Propriété intellectuelle, Air Liquide
26
26
Des outils pour la valorisation de la recherche au service d'une stratégie l'exemple du CEA 28
Françoise FABRE
Directrice adjointe de la Valorisation, Commissariat à l'énergie atomique (CEA)
28
28
CSTB : Les diverses voies de valorisation de la recherche
30
Hervé CHARRUE
Directeur R&D, Centre scientifique et technique du Bâtiment (CSTB)
30
30
Valorisation et transfert des résultats de la recherche au sein des centres techniques
industriels
32
Ginés MARTINEZ
Délégué général du Réseau des Centres Techniques Industriels (CTI)
32
32
Les outils mis en place par l'INRA pour stimuler et professionnaliser la chaîne de création de
valeur
35
Gérard JACQUIN
Directeur de la Valorisation, Institut national de Recherche agronomique (INRA)
35
35
Questions
37
LE NOMBRE DE BREVETS EST-IL UN BON INDICATEUR DE LA VALORISATION DE
LA RECHERCHE ?
38
Table ronde
38
CLÔTURE DU SÉMINAIRE
44
Régine BREHIER
44
5
Allocution d’ouverture
Claude MARTINAND
Vice-président du Conseil Général de l’Environnement et du Développement
durable (CGEDD)
Je suis heureux de vous accueillir pour cette journée de séminaire consacrée à la réflexion sur les
questions de valorisation de la recherche, des brevets et de la propriété intellectuelle.
Cette réunion est organisée conjointement par le collège Recherche et Technologie du Conseil
général de l’Environnement et du Développement durable et par la Direction de la Recherche et de
l’Innovation du Commissariagénéral au Développement durable. Elle fait suite au séminaire
consacré à la loi sur la recherche de novembre 2007 et à la journée de réflexion sur la gestion des
connaissances de juillet 2008.
Cette rencontre répond à une double ambition. La première est de mieux appréhender, au sein de ce
grand ministère, et notamment pour nos collègues chargés d’inspecter ou d’auditer des organismes
scientifiques et techniques, les problématiques liées à la valorisation de la recherche et aux
innovations. La seconde consiste à réfléchir aux enjeux et à tenter d’identifier les bonnes pratiques,
à partir de l’expérience des acteurs directement impliqués.
Afin d’atteindre ces objectifs, la journée à été organisés en deux sessions d’exposés qui seront
suivis d’une table ronde afin de faciliter le dialogue entre les intervenants et avec la salle.
La valorisation des résultats de la recherche et les innovations constitue pour notre pays, et donc
pour notre administration et les entités qui en dépendent, un enjeu majeur. Divers aspects méritent
réflexion.
Il me parait important tout d’abord de bien cerner le terme d’innovation. La définition de l’OCDE
me parait pertinente, qui la désigne comme la mise en œuvre d’un produit, bien ou service, ou d’un
procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une
nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de
travail ou les relations extérieures.
L’innovation est incontestablement nécessaire pour s’adapter aux mutations et faire face aux défis
majeurs que constituent le changement climatique, l’épuisement des énergies non renouvelables, la
globalisation ou encore le vieillissement de la population.
Je crois également que la technologie bénéficie d’une dynamique très forte et dans laquelle il est
essentiel de s’inscrire pour être acteur de la croissance et pour créer ou maintenir des emplois dans
ces secteurs à forte densité de main d’œuvre que sont le bâtiment et les transports.
Des études récentes confirment encore que les performances sont davantage liées à la qualité des
processus d’innovation qu’au montant des dépenses de recherche et développement.
Pour autant, je crois important de souligner les limites et même les dangers d’une croyance
excessive dans un progrès qui découlerait de la seule technologie. Il ne faut pas occulter ou minorer
les questions de société, l’évolution nécessaire des valeurs et des modes de vie et la maîtrise sociale
de la technique. Les apports des sciences humaines et sociales sont également indispensables pour
construire notre avenir.
6
Les décisions et les projets, y compris d’innovation, doivent être examinés au regard de leur valeur
collective. Les attentes de la société sont fortes, multiples, et se manifestent par l’exigence d’un
développement technologique plus responsable, permettant d’améliorer le bien-être et de mieux
protéger notre environnement. Pour les activités de services d’utilité publique qui sont au cœur de
nos métiers, il est essentiel d’examiner l’équité dans la ventilation de la valeur créée pour éviter
l’appropriation par quelques opérateurs du résultat d’un effort collectif souvent financé sur fonds
publics dans un but d’intérêt général.
Pour conclure, je remercie vivement les organisateurs et les intervenants qui se succéderont au
cours de cette journée.
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Eléments de base de la valorisation de la
recherche, des brevets et propriété
intellectuelle
Première session
Présidée par Jacques ROUDIER, Président de la 5ème section (Sciences et
Techniques) du CGEDD
La propriété industrielle : protéger et valoriser l'innovation
Philippe LAVAL
Directeur général délégué de l'Institut National de la Propriété Industrielle
(INPI)
L’innovation constitue un élément-clé du développement économique et de la compétitivité des
entreprises. La valorisation, quant à elle, représente un maillon essentiel de la démarche
d’innovation.
La valorisation permet de transférer les résultats de la recherche fondamentale vers la société, créant
ainsi de la valeur à partir des savoirs académiques. Au cœur du processus de valorisation, la
propriété industrielle constitue un outil incontournable, car son rôle est de valoriser et de protéger
l’innovation, de favoriser les partenariats technologiques et les échanges commerciaux, qui ne
peuvent être noués que sur la base de droits respectés.
Le Code de la Propriété Intellectuelle se divise en deux parties principales. La première est
consacrée à la propriété littéraire et artistique, sous le pilotage du Ministère de la Culture. On y
trouve les problématiques de droit d’auteur. La seconde partie du Code est consacrée à la propriété
industrielle. Celle-ci comprend :
•
•
•
les brevets, qui protègent les innovations techniques ;
les marques, qui protègent le capital image des entreprises ;
les dessins et modèles, qui protègent l’aspect esthétique des produits.
Le contexte économique est favorable à la propriété industrielle. En effet, l’économie de
l’immatériel, la mondialisation de la recherche et les nouvelles formes du changement technique
donnent à la propriété intellectuelle une importance croissante. La propriété intellectuelle constitue
un élément-clé de la stratégie de développement puisqu’elle permet de protéger et de valoriser les
avantages compétitifs des entreprises innovantes, notamment vis-à-vis d’entreprises dont les coûts
de main d’œuvre sont beaucoup plus faibles, et qu’elle favorise les partenariats technologiques.
En particulier, la mondialisation de la recherche permet de disséminer rapidement l’innovation dans
le monde. Elle offre en outre davantage d’opportunités de transfert de technologie.
On remarque également une croissance forte de l’innovation ouverte, qui constitue l’une des
nouvelles formes du changement technique. Les entreprises ne peuvent plus être autosuffisantes sur
8
des technologies qui sont de plus en plus complexes, et elles sont sollicitées sur des fronts de plus
en plus larges. Elles travaillent donc en collaboration au sein de réseaux, ce qui conduit entre autres
au développement du licensing in et out.
On note de plus une croissance des dépôts de brevets à l’international et au niveau européen. Si
cette augmentation du nombre de brevets déposés est supérieure à celle des investissements en
recherche et développement, elle reste dans des proportions comparables. Les entreprises
s’approprient donc de plus en plus cet outil.
En outre, on constate l’émergence des pays d’Asie dans ce domaine. Ainsi, la Corée du Sud est
désormais le quatrième pays déposant PCT. La France occupe une bonne place, puisqu’elle est
deuxième au niveau européen après l’Allemagne, et cinquième au niveau mondial.
Le marché commence par ailleurs à reconnaître que les brevets sont des actifs susceptibles d’être
valorisés financièrement. En outre, de nouveaux acteurs apparaissent, qui mettent en place de
nouveaux modèles économiques. Ces acteurs sont par exemple des places de marché, qui font se
rencontrer les offreurs de technologie et ceux qui en recherchent, des agrégateurs de technologie,
des intermédiaires qui valorisent et commercialisent la propriété intellectuelle de tiers, des sociétés
qui organisent des ventes aux enchères.
De plus, de nouvelles opportunités s’ouvrent pour les demandeurs de technologies, avec la
possibilité d’accéder à l’ensemble de la recherche et développement mondiale et aux résultats de la
recherche publique. Des opportunités s’ouvrent également pour les offreurs de technologies, qui ont
désormais la possibilité de se spécialiser dans la R&D, de vendre ou licencier la technologie, et de
lever des fonds.
Je souhaite ensuite rappeler que le brevet constitue un outil de nature juridique. Il s’agit en effet du
droit d’interdire aux tiers, pour une période limitée et sur un territoire donné, la reproduction de
l’invention telle qu’elle est définie par les revendications. Il s’agit d’un monopole temporaire et
territorial, concédé sous condition de divulgation et moyennant le paiement de redevances.
Les utilisations du brevet sont les suivantes :
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•
•
•
•
la protection contre l’imitation ;
la perception des résultats de R&D ;
le partage de la technologie pour faciliter son adoption par le marché ;
la facilitation des coopérations techniques et la possibilité de nouer des partenariats et d’accéder
à des technologies ;
la protection contre les attaques et la préservation de la liberté d’exploitation ;
la création d’une image d’innovation, qui permet de convaincre ou de rassurer les partenaires
financiers et commerciaux.
J’ajoute que le site Internet inpi.fr donne un accès libre et gratuit aux 7 millions de titres de
propriété intellectuelle.
Il est souvent opposé au brevet qu’il s’agit d’un outil cher. Je précise que le coût de dépôt d’un
brevet est de 311 euros au niveau des redevances INPI, ce qui n’est pas excessif.
Je crois enfin utile de préciser qu’un bon brevet est d’abord à envisager sous l’angle d’un
investissement et de son retour : il doit concourir au développement de l’entreprise et servir sa
stratégie, sa finalité doit être économique, il doit consacrer la création d’un actif immatériel et
renforcer le patrimoine de l’entreprise. Il doit en outre être solide sur le plan juridique et utilisable
en cas de contentieux.
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En ce qui concerne le processus de valorisation de la recherche, l’identification, la protection des
inventions et la gestion des brevets représentent des éléments indispensables.
Le brevet permet notamment :
•
•
•
•
•
la matérialisation de l’immatériel ;
la rencontre avec des partenaires potentiels ;
la mise à disposition des chercheurs des informations technologiques et stratégiques contenues
dans les titres de propriété industrielle ;
la facilitation de l’extension du projet à l’international ;
la valorisation de l’image de la structure.
Toutefois, le brevet ne constitue pas le seul outil de valorisation. Il s’accompagne notamment des
outils suivants :
•
•
•
•
•
le secret, qui permet d’éviter toute divulgation et de conserver la liberté de choix du mode de
valorisation des travaux ;
les titres de propriété industrielle, qui protègent les innovations technologiques ;
les accords de consortium ou de recherche ;
les cahiers de laboratoire, qui permettent de définir les connaissances et avancées de chacun ;
les dispositifs concernant le droit des logiciels ou des bases de données.
L’INPI joue un rôle majeur dans la promotion de la propriété industrielle auprès des organismes de
recherche et des universités. Il s’agit d’un établissement public de 800 salariés, bénéficiant d’un
budget d’environ 200 millions d’euros autofinancé. En particulier, 150 personnes sont sur le terrain
afin d’accompagner les PME, de sensibiliser les chercheurs, de favoriser la professionnalisation des
services de revalorisation, et d’accompagner les acteurs dans leurs démarches de valorisation.
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Le point de vue du CGEFi : Organismes techniques sectoriels
et propriété intellectuelle
Jean BRUNEL
Chef de la mission « Recherche Appliquée et Promotion de la Qualité » du
Contrôle Général Economique et Financier (CGEFi)
Responsable d’une mission de contrôle général économique et financier ayant dans son domaine de
compétences à la fois des centres techniques et l’INPI, je me trouve au cœur de la problématique de
l’utilisation par les organismes techniques sectoriels des outils de protection de la propriété
intellectuelle. J’ai constaté qu’en la matière la situation n’était pas aussi favorable qu’elle le
pourrait et le devrait. Ce dysfonctionnement peut se résumer en un chiffre : un centre technique
industriel dépose en moyenne un brevet par an, ce qui est paradoxal pour un organisme employant
généralement plusieurs dizaines d’ingénieurs et qui a pour vocation exclusive le progrès technique.
En analysant les données de ce problème, nous avons conclu qu’il s’agit d’une lacune
fondamentale, quasi générale parmi les organismes techniques sectoriels et bien connue des
responsables de ceux-ci, mais qui ne s’avère pas facile à surmonter. Nous ne détenions pas de
solution a priori. Cest pourquoi nous avons réuni le 27 novembre 2008 l’ensemble des parties
prenantes, afin de réfléchir aux causes et aux conséquences de cette situation, ainsi qu’aux mesures
susceptibles de l’améliorer.
Nous avons identifié trois obstacles fondamentaux :
• un problème de culture : les centres techniques ont une culture d’ingénieur, qui jusqu’à une
date récente était éloignée des problématiques de propriété intellectuelle ;
• un problème de taille, ces centres sont pour la plupart de taille modeste, et ont parfois du mal à
défendre leurs intérêts en matière de propriété intellectuelle face à de puissants partenaires
industriels ;
• un problème d’organisation des secteurs : dans beaucoup d’entre eux la priorité en matière
d’exploitation des droits de propriété intellectuelle est donnée aux entreprises et non aux centres
techniques.
Au cours de notre atelier, nous avons déterminé deux grands axes d’amélioration. D’une part,
les organismes techniques doivent définir explicitement et mettre en œuvre une stratégie en
matière de propriété intellectuelle. D’autre part, il faut qu’ils disposent de ressources humaines
adaptées, informées et formées dans ce domaine, ce qui implique une formation minimale des
agents des organismes techniques et la mise à disposition de ces derniers, selon des modalités de
mutualisation à définir, des capactés de haut niveau nécessaires pour gérer certains problèmes
complexes de protection de la propriété intellectuelle (conduite de procès dans des pays
étrangers…).
***
Depuis cet atelier, on a avancé sur certains points :
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- le « Réseau CTI », association regroupant les centres techniques industriels a élaboré une
Charte de la Propriété Intellectuelle, qui permet aux centres de définir leur stratégie. Celle-ci
est mise en œuvre dans de bonnes conditions ;
- quant aux actions de formation, on peut citer notamment les efforts de l’’INPI qui a fait de
leur développement, notamment dans les écoles d’ingénieurs et de commerce, une de ses
priorités majeures.
Il faut toutefois aller plus loin. L’INPI a élaboré un projet de convention, qui pourrait être
passée globalement avec des organismes-relais, voire individuellement avec des centres
techniques, et qui vise à développer des actions de sensibilisation, de formation, ou encore de
« pré-diagnostic » ; ce projet permettrait également de mettre en place des permanences de
l’INPI dans certains des organismes qui le souhaitent. Toutefois, aucun partenaire de l’INPI n’a
encore signé cette convention.
Par ailleurs la mutualisation n’a pas concrètement beaucoup progressé. Il est vrai que les centres
techniques peuvent craindre d’y perdre une partie de leur autonomie, mais cette crainte est à
relativiser ; il y a en effet deux stades en matière de propriété intellectuelle : d’une part sa
création qui est technique, se situe au cœur de l’activité du centre et ne peut donc être déléguée
et d’autre part sa protection, qui relève essentiellement d’une fonction juridique ; il n’est donc
pas forcément nécessaire que le centre possède en propre toutes les ressources humaines
nécessaires pour la mener à bien.
En conclusion, on peut dire que la situation a commencé à se débloquer, mais qu’il reste encore
beaucoup de chemin à faire….
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La prise en compte des droits de la propriété intellectuelle
dans la commande publique
Annie TARGA
Contrôleuse d'État au Centre national d'Etudes spatiales (CNES)
Je vais adopter une approche différente de celles des précédents orateurs. J’ai en effet souhaité
évoquer ce matin la question de la valorisation de la commande publique.
L’achat public est réglementé au niveau national par les dispositions du Code des Marchés Publics
et par l’ordonnance du 6 juin 2005. L’achat public fait donc face à des contraintes légales. Les
règles relatives à la passation d’un marché public supposent que le besoin de l’acheteur public soit
clairement défini, que les critères de choix soient objectifs et déterminés au préalable, et que le
marché soit attribué au candidat le mieux disant, ce qui englobe la pertinence de la réponse
technique mais aussi une optimisation des coûts et une limitation des risques.
De ce fait, la commande publique ne semble pas de nature à pouvoir développer des formes
d’innovation.
Aujourd’hui, pourtant, on constate qu’une autre logique peut présider aux modalités de passation
des marchés publics. En effet, d’une part, il peut être intéressant pour l’acheteur public de ne pas se
contenter des solutions existantes et de tenter de répondre à des besoins nouveaux par des solutions
nouvelles. D’autre part, il peut être attractif pour l’entreprise d’effectuer un partage des risques, ce
qui lui permet d’innover et de développer et commercialiser plus rapidement des réponses
nouvelles.
I. Faire le choix de procédures d’achat qui favorisent l’émergence de solutions
nouvelles
Je souhaite aborder les potentialités offertes par une initiative de la Commission européenne qui
vise à mettre la commande publique au service de l’innovation. Il s’agit de la Communication du
14 décembre 2007 concernant les achats publics avant commercialisation. Sous ce vocable, la
Commission traite de marchés conclus en phase de recherche et développement avant mise sur le
marché et dont la caractéristique principale est un partage des risques et l’existence de bénéfices liés
à la valorisation de la recherche.
Pour l’acheteur public, une telle démarche suppose de mettre au point des stratégies de passation de
marché qui ne se limitent pas à l’acquisition de produits ou services déjà commercialisés. Au
contraire, à travers la conclusion d’accords de recherche et développement, ces stratégies doivent
permettre de créer de nouvelles solutions, potentiellement plus performantes que celles disponibles
sur le marché, et de favoriser la création de nouveaux marchés.
Pour l’entreprise, la conclusion d’un tel contrat confère l’avantage du précurseur et la possibilité
d’innover en limitant les risques.
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1. Le choix des procédures de passation
Il ne s’agit pas de passer outre les règles qui organisent le respect des principes de transparence et
de mise en concurrence opposables à l’ensemble des marchés publics, mais de mettre en œuvre les
possibilités existantes mais largement inexploitées qu’offrent les textes.
En premier lieu, la caractéristique principale de ces marchés est qu’ils ne sont pas conclus au seul
bénéfice de la personne publique. Cette dernière profite d’une solution innovante et mieux adaptée
à ses besoins propres mais aussi aux besoins de nombreux utilisateurs futurs. Elle peut également,
en participant à l’élaboration de solutions nouvelles, repérer au plus tôt les problèmes
réglementaires potentiels qui pourraient constituer des barrières à l’accès au marché et à son
développement.
Cette approche innovante suppose de s’appuyer sur les procédures de mise en concurrence mais en
procédant par phases et notamment en distinguant la phase de recherche et développement et la
phase de commercialisation, afin de limiter les risques et coûts. La Commission européenne
préconise de mettre en place une phase d’appel à projets pour sélectionner les meilleures solutions.
L’appel à projet n’a pas pour objet de répondre à un besoin strictement défini et les entreprises ont
ainsi la possibilité de proposer des solutions nouvelles. Cette démarche d’achat avant
commercialisation s’appuie sur la négociation et donc sur les procédés contractuels prévus par le
Code des Marchés Publics dans les cas où la personne publique ne peut définir les moyens
permettant de répondre à son besoin puisque l’objet du marché est précisément de créer de
nouveaux produits et services.
On peut ainsi citer l’article 36 du Code qui prévoit la procédure du dialogue compétitif ou encore
l’article 35 relatif à la procédure des marchés négociés.
2. Repenser la spécification des besoins
La communication très en amont des projets donne au marché le temps de réagir et d’élaborer des
solutions adaptées. Une publication aussi large que possible est donc primordiale. En outre, la phase
de définition des spécifications techniques est déterminante pour la diversité et la qualité des offres.
Je souhaite souligner par ailleurs l’importance du projet européen STEPPIN qui propose un guide
traitant de l’utilisation des normes pour stimuler l’innovation dans les marchés publics.
Un guide pratique ainsi qu’un outil de recherche des normes ont été présentés fin 2008. Ce guide,
destiné aux acheteurs publics de l’Union, montre comment le recours aux normes peut encourager
le développement et la diffusion de solutions innovantes.
La norme, sauf dispositions spécifiques, n’est donc plus considérée comme obligatoire dans la
description du produit ou service recherché. Le projet STEPPIN tire de cette liberté récente de
nouvelles perspectives. Auparavant utilisée afin de se conformer aux obligations légales ou pour se
couvrir face à un risque, la norme peut désormais être utilisée en tant qu’outil facilitateur de l’achat.
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II. Repenser en profondeur la définition du cadre contractuel et notamment les
clauses relatives à l’utilisation de la propriété intellectuelle
1. Un partage des risques et des responsabilités
L'acheteur public peut certes exiger une licence gratuite pour l'exploitation des résultats de la R&D
à usage interne, mais il ne doit pas revendiquer la propriété exclusive des résultats des études ni des
titres de propriété intellectuelle qui peuvent naître à l’occasion des marchés conclus. Une telle
exigence serait en effet contreproductive puisqu ‘elle dissuaderait les entreprises d’investir dans
une commercialisation ultérieure.
Par ailleurs, l’acheteur doit prétendre au partage des bénéfices en contrepartie de la possibilité
offerte aux entreprises de développer des solutions innovantes et notamment via la perception de
redevances.
Il faut donc que la propriété intellectuelle des produits de la recherche soit très précisément définie.
Le contrat doit comporter des clauses explicites, traiter de l’attribution de la propriété intellectuelle
générée dans le cadre du projet, et organiser le partage des revenus.
2. L’acheteur doit définir le mode de gestion le plus approprié pour les droits de propriété
intellectuelle
Sur ce point, on peut noter la recommandation de la Commission du 10 avril 2008 concernant la
gestion de la propriété intellectuelle dans les activités de transfert de connaissancesn et rappeler
l’existence d’un code de bonne pratique destiné aux universités et aux autres organismes de
recherche publics.
En particulier, la Commission souligne la nécessité d’élaborer et de diffuser une politique d’octroi
de licences en précisant trois nécessités :
•
•
•
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celle pour l’organisme de recherche public de réserver les droits nécessaires à la poursuite des
recherches ;
celle, concernant les résultats de R&D ayant plusieurs champs d’application possibles, d’éviter
d’accorder des licences exclusives sans restriction à une utilisation particulière ;
celle d’acter le principe selon lequel l’octroi de licences à des fins d’exploitation doit impliquer
une compensation appropriée, par exemple financière.
Le brevet : un outil de nature juridique à objet technique et à
utilité multiple. Valorisation utilité et valorisation
estimation
Christian DERAMBURE
Président de la de la Compagnie nationale des Conseils en Propriété Industrielle
(CNCPI)
L’organisme que je représente regroupe tous les conseils en propriété industrielle.
Je crois tout d’abord que la question des brevets fait l’objet de nombreux malentendus et
discussions, ce qui rend cette matière complexe.
Je souhaite remercier les organisateurs car je suis heureux que soient associés dans nos débats les
thèmes de la propriété intellectuelle, des brevets et du développement durable car il s’agit d’une
question transversale.
J’ajoute qu’il s’agit d’un enjeu dont on commence depuis quelques années à prendre conscience en
France. Il est donc important que nous en débattions.
Je remercie également l’INPI, ainsi qu’OSEO, présents aujourd’hui, car nous appartenons à la
même chaîne d’intervention auprès des entreprises.
Je vais rapidement vous présenter le métier de conseil en propriété industrielle. Il s’agit d’une
profession libérale et réglementée qui assiste les clients pour l’acquisition, la valorisation et la
défense des droits de propriété intellectuelle, et qui traite de toutes questions annexes ou connexes.
Je précise que la profession se voit reconnaître le doit de rédiger consultations juridiques et des
actes sous seing privé. On compte actuellement près de 900 CPI. J’ajoute que l’effectif des CPI a
quasiment doublé en dix ans.
Il existe plusieurs malentendus concernant la protection du brevet. Le premier réside dans
l’affirmation selon laquelle le brevet protège. Or, un brevet est avant tout un outil juridique qui
confère un droit de propriété. Son objet est technique car il protège une invention. De plus, son
utilité est multiple. La valorisation des droits de propriété intellectuelle est donc une question
multiple.
En outre, le droit de propriété conféré par le brevet est réel et opposable aux tiers. Le brevet
constitue donc le vecteur qui donne une réalité tangible et juridique à un élément intangible qui, au
départ, relève d’une idée.
L’invention peut prendre la forme d’un produit, ou d’un procédé, qui peut s’appliquer à tous les
domaines techniques. Les brevets ne sont donc pas limités à la seule technologie avancée.
La valorisation, quant à elle, permet de mesurer l’utilité d’un brevet et d’évaluer son prix à
l’occasion d’une transaction.
Ainsi, un brevet a pour objet de donner au titulaire la possibilité d’interdire aux autres acteurs
d’exploiter sous quelque forme l’invention brevetée. Il s’applique exclusivement en situation de
concurrence. Le droit de propriété n’est donc pas en soi un droit à exploiter.
16
Le droit d’interdire est au cœur de la stratégie des déposants. Un bon brevet est donc celui qui gêne
les concurrents. L’invention ne doit d’ailleurs pas nécessairement être « extraordinaire ». Le brevet
doit dissuader les tiers d’utiliser l’invention. C’est ainsi que chaque entreprise construit son
territoire technologique et donc concurrentiel.
La question de la qualité et des brevets est donc décisive. Le droit d’interdire doit être justifié, par
une invention nouvelle, inventive et suffisamment décrite. Les brevets ne doivent pas être délivrés
sans contrôle. Ils doivent être délivrés à bon escient.
Une autre utilisation possible du brevet réside dans son exploitation indirecte. L’entreprise peut
ainsi concéder une licence, céder son brevet, ou encore acheter une licence.
Le brevet a en outre une dimension commerciale. De plus en plus d’entreprises communiquent sur
leurs brevets auprès du grand public. En effet, le brevet fait vendre.
J’aborde la question majeure de l’inventeur salarié. Celle-ci souligne le rôle décisif de la qualité des
ressources humaines dans la motivation des salariés. L’inventeur doit se sentir dans une situation
sereine pour inventer. La question de la rémunération est également importante. Pour motiver les
salariés inventeurs, il faut en effet prévoir une rémunération attractive.
De plus, le brevet permet d’exclure les tiers, et ainsi de créer des rapports de force pour les
entreprises qui sont confrontées à un litige. La menace de l’exclusion des concurrents par la voie de
poursuites judiciaires peut, pour certaines entreprises, faire du brevet un véritable modèle
économique.
La valorisation doit donc répondre à une ou plusieurs des utilités du brevet, qu’il s’agisse de
l’exploitation directe, de l’exploitation indirecte, ou encore de l’exclusion des tiers, et qui relèvent
de stratégies différentes.
J’ajoute enfin que la stratégie relative au brevet est indissociable de celle de la stratégie judiciaire.
La question du brevet est donc subtile, car il n’existe pas de lien systématique entre la validité
juridique du brevet et son utilité objective. Il s’agit d’une question dialectique, et c’est ce qui fait
son intérêt.
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Les aspects financiers de la valorisation de l'innovation
Annie GEAY
Directrice de l’expertise et du développement de l’innovation (OSEO)
J’ai été très sensible à la thématique du séminaire car elle renvoie directement à la mission
originelle de l’Agence Nationale de Valorisation de la Recherche, qui a été avec la Banque de
Développement des PME en 2005 l’un des fondateurs d’OSEO. OSEO s’intéresse au segment des
PME, ainsi qu’à l’innovation. Je voudrais ce matin vous présenter quelques éléments de contexte.
I. Innovation et PME : contexte et enjeux
1. L’innovation au cœur de la relance mondiale
L’innovation se trouve au centre des priorités de la future stratégie européenne de croissance et
d’emploi 2010-2020. En outre, au sein de la nouvelle commission Barroso 2009-2012, il est
intéressant de noter qu’un commissaire européen est en charge de la recherche, de la science et de
l’innovation.
En réalité, l’intérêt pour la thématique innovation et PME se situe depuis 2005 au cœur de la
politique de Lisbonne notamment dans le cadre du Small Business Act européen. Il faut noter
néanmoins que ces politiques sont confrontées à la contrainte de non discrimination positive.
Le concept même d’innovation évolue actuellement de manière notable, vers une vision plus
stratégique, qui se traduit par la montée des politiques d’innovation par la demande et non plus par
l’offre. De plus, il est clairement reconnu aujourd’hui que l’innovation n’est plus uniquement basée
sur la technologie, mais aussi sur les services, sur l’organisation et également sur le social.. En
outre, on remarque que cette évolution s’accompagne d’une incitation plus forte à l’innovation
partenariale, à l’innovation ouverte - illustrée par le système des clusters, et qu’elle est marquée par
l’effondrement des investissements en capital risque.
OSEO a produit une enquête il y a moins d’un an sur le lien entre brevet et PME. Celle-ci a révélé
que le nombre de brevets déposés entre 1997 et 2007 a chuté de 20 %. Les PME ont toutefois
compris qu’elles avaient des alliances à nouer et des stratégies de licences à développer.
De plus, il est à noter que les PME qui ont déposé un brevet ont bénéficié des croissances les plus
fortes. Le lien entre brevet et croissance est donc réel.
2. Positionnement de l’Europe et de la France en matière d’innovation
En matière d’innovation, France se situe dans la moyenne de l’UE mais sa croissance d’une année
sur l’autre est quasi-nulle contrairement à d’autres qui se situent sur une pente ascendante.
Nous savons que l’objectif de Lisbonne de 3 % du PIB européen investi en R&D ne sera pas atteint.
Les explications communément avancées sont notamment :
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•
•
•
•
•
•
•
•
•
le défaut d’investissement privé ;
le nombre insuffisant d’entreprises de taille intermédiaire ;
le manque, voire l’absence, de capitaux patients ;
une vision de l’innovation trop linéaire et trop exclusivement technologique ;
la difficulté à s’adapter à un contexte en évolution rapide voire en rupture ;
des politiques publiques de soutien qui ne sont pas inscrites dans la durée ;
l’insuffisance de la structuration et de l’efficacité de la valorisation de la recherche ;
l’ouverture insuffisante à l’international ;
la faiblesse de la culture managériale et de la culture du risque.
Toutefois, la recherche française est de qualité, et bénéficie d’un haut niveau de formation. En
outre, la création d’entreprises est très tonique.
3. Les PME innovantes mieux armées face à la crise
Selon une enquête de conjoncture réalisée par OSEO en juin 2009, 51 % des PME innovantes
prévoient une progression de leur activité en 2010, et 11 % seulement une diminution. Par ailleurs,
les PME innovantes prévoient de créer de nouveaux emplois en 2010. J’ajoute que leur taux de
pérennité est en général très supérieur à la moyenne.
II. Les mesures engagées en France depuis 2005
1. Un paysage en forte évolution
Je citerai en 2005 la création des pôles de compétitivité, d’OSEO et de l’AII, l’introduction en 2006
de la loi de programmation de la recherche instituant l’ANR, les Instituts Carnot, et les PRES, ou
encore en 2009 la Stratégie Nationale de Recherche et d’Innovation. Et bien sur nous verrons en
2010 le déploiement des décisions prises dans le cadre de l‘emprunt nationale et des états généraux
de l’industrie.
2. OSEO, acteur majeur du financement de l’innovation dans les PME
OSEO a pour mission de soutenir l’innovation et la croissance des PME. Ses trois métiers
principaux sont le financement des investissements et du cycle d’exploitation aux côtés des
banques, la garantie des prêts bancaires et des interventions des organismes de fonds propres, et le
soutien à l’innovation. OSEO finance la prise de risque technologique.
En 2008, OSEO a soutenu 70 000 entreprises, et accompagné 4 000 projets d’innovation. En
décembre 2009, 23 500 entreprises ont été soutenues par OSEO et 6 milliards d’euros ont été
engagés pour financer leurs investissements et renforcer leur trésorerie.
OSEO a constitué un acteur majeur de la sortie de crise. En 2009, l’état lui a confié la gestion du
FUI - fonds de financement des pôles de compétitivité.
19
Questions
Jacques ROUDIER
Je vous propose de poser vos questions.
Jean-Michel YOLIN
Je trouve que le titre du séminaire est porteur d’ambiguïtés. Il semble en effet exprimer l’idée que
l’innovation consiste en la valorisation de la recherche et des résultats de cette dernière. Or, ce n’est
pas la recherche qui est fondamentale, mais les découvertes. Le Chine et le Japon ont ainsi
commencé à par innover, avant d’effectuer de la recherche finalisée, pour ensuite réaliser de la
recherche fondamentale.
J’ai toutefois apprécié la présentation des pathologies du brevet qui a été faite, et en particulier
concernant le fait qu’il rend public des processus que nous ne sommes pas toujours en mesure de
contrôler. Il faut donc en effet savoir privilégier le secret au brevet dans certains cas.
J’ajoute que le brevet peut aller à l’encontre de l’innovation. Certaines inventions qui n’ont pas de
potentiel d’innovation sont tout de même brevetées. L’INPI ne remplit donc pas toujours
correctement son rôle. L’examen des brevets doit être rendu plus sévère. En effet, le brevet sert
parfois essentiellement à protéger les grands groupes et non à inciter à l’innovation.
Enfin, je crois que la stratégie de Lisbonne n’est pas adaptée. Elle est poussée par le lobby des
chercheurs qui tentent de faire croire aux instances européennes que le fait d’investir 3 % du PIB
dans la R&D aura nécessairement pour effet de renforcer l’innovation.
Jacques ROUDIER
Concernant l’objectif de Lisbonne, il faut rappeler qu’il est constitué de 1 % d’investissement
public et de 2 % d’investissement privé, ce qui le rend plus consistant.
De la salle
Pouvez-vous nous parler de la protection des logiciels ?
Christian DERAMBURE
En France, comme dans d’autres pays, le logiciel est protégé par le droit d’auteur. Or, celui-ci ne
protège que la forme, et non la fonctionnalité. Aux Etats-Unis, les logiciels sont protégés par le
brevet. L’Office européen des Brevets, quant à lui, acceptent de breveter les logiciels techniques. Il
s’agit d’un véritable sujet de controverse.
Je crois qu’il est nécessaire de rechercher une protection par brevet et d’utiliser la voie européenne
pour le faire.
20
Exemples de valorisation de la recherche au
sein d'organismes scientifiques et techniques
Deuxième session
Présidée par Elisabeth DUPONT-KERLAN, Coordonnatrice du collège
Recherche et Technologie du CGEDD
From knowledge to market – IP- Challenges in the
commercialisation of R&D results
Lorenz KAISER
Division Director for legal and contractual affairs at Fraunhofer-Gesellschaft
Key Issues Relating to the Commercialisation of Research and Development
and Intellectual Property
The Fraunhofer Institute
Fraunhofer has seen an increase in the number of institutes that have a high demand from industry,
while there has been a decrease in production-related industry. If an institute is highly successful in
terms of industrial turnover, it is awarded extra money to carry out additional basic research to
improve its knowledge base for further industrial projects. To find the right steering instrument for
that award, we have ad distinction between. so called "good money" and "bad money". Good
money is industrial money that is the basis for the award for the next budget year and bad money is
public money, i.e. project funding. But to avoid misunderstandings, Franhofer-Institutes also
estimate public money additionally to their industy projects.. Fraunhofer therefore encourages
scientists to acquire as mcuh as poossible "good money" from industrial sources, which in the end,
is the evidence that the research of the instituge is close enough to products, that industry wants to
buy it.
Protecting Intellectual Property
Intellectual property (IP) is not just about creating something, putting it down and selling it. In a
research organisation, first of all, you need to have a protefolio basis, often also called "background
knowledge", which is attractive for cooperation partners. (i.e. the licencing of mp3 technology
means licensing a package of about 600 patents An industrial partner will only stick with you if you
can guarantee that that your patent position is safe. The so-called "foreground" of IP that is created
in an institute becomes tomorrow’s background and people need to be very careful when selling and
licensing IP in a contracting situation..
21
In the preparation phase of R&D cooperations one can find often the e mistakethat well written
non-disclosure agreements (NDAs) are available. but, there is a naïve trust in the confidentiality
obligations in these agreements. Know-how must be controlled legally and factually and if
unprotected, it can be lost ieasily. Most European legal systems are unable to safeguard knowledge
and the NDA itself can turn out to be quite useless. As well as an NDA, however, you also need to
have effective technical protection of the IP. In Germany, for example, a few large companies have
engaged specialists as own employees who are dedicated to the protection of know-how. It is also
important to check labour contracts with employees in technological driven jobs, whetherthe
confidentiality clauses are sufficient to protect the know-how for the case this person is leaving the
company..
IP can come to the market in unexpected ways. It is interesting to look at the case of
General Motors (GM) and Opel, for example. There, the intellectual property rights belonged to
GM, but the knowledge resided with Opel, and in a situation like that neither companies would
have survived. The patent and the IP is therefore not sufficient; you need to know how to apply it.
In terms of the internal management of IP, in Fraunhofer a kind of portfolio technique is used where
items are added to or removed according to their worth. In terms of licensing, the time from
knowledge creation to actual use or commercialisatoin can range from 10 to 25 years.
The Importance of Push and Pull
Some people say that research and development needs a push from science, while others stress the
need for a pull from industry. In the end both is needed in an appropriate mixture. An example, that
push from science is not sufficient can be the case of monorail in Germany. Germany can produce
wonderful monorail systems, but the market is not ready for them and does not really "pull" for it,
because the technology can not really compete with the usuals trains and rail systems. Billions of
euros have been invested in this technology, but obviously nobody wants to use it. An example for
perfect "pull" from the market is Viagra. It was developed as a drug for the reduction of blood
pressure and those involved in the medical testing series could not understand why it was only the
men who wanted to continue using it. Later, when it was fully understood what Viagra could do,
the market pulled extremely hard. No push function was needed any more There therefore needs to
be a combination of both science and the market. Another interesting example is robot technology,
where there has been no breakthrough yet. Here, the available technology is very intersting, but the
jump to real use for industry or consumers is not made, because the distance from stete of the art to
real profitable products with distance to the competitors is to short. The state of the art is too equal,
so nobody can risk a real challenging product series..
The Guarantee of Non-Conflicting Rights
With a research project, we never provide the client with all the IP, we provide the clients with a
"field of use"-oriented licence but guaranteee exclusivity as a guarantee to exploit ist solely in that
defined technical field. Not all of our industrial partners like this approach, but we remain strong in
our position here and this is protected by contract. However, any institute with a lot of different
contracts with industry on different fileds of application is often asked to provide a guarantee of
non-conflicting rights. In fact, This is a very difficult legal question, because in case of such a
guarantee high risks arise fo the R&D instiute. Fraunhofer was close to getting involved in an
infringement claim in the US when Alcatel-Lucent sued Microsoft. As Microsoft had a licence
from Fraunhofer, we would have been brought into the lawsuit if we had granted such a guarantee
of non-conflicting rights.
22
Collaboration
In terms of collaboration, many institutes cooperate in order to achieve success and within
collaborative research. There are usually huge discussions in terms of exploitation rights and
licensing. At Fraunhofer, we generally put off discussions on licence fees for the time being. At this
later state, when the commerciable patent arises, we agree the licenses on fair and reasonable
conditions , those license conditions do not form part of the initial collaboration contract
Legal issues can arise in terms of the strategic alliances between research institutions and industry
and the balancing of interests can be extremely difficult at times. The recently most highly regarded
strategic alliance in Germany is the case of an institute that comprises two companies and a
Fraunhofer Insitute was place in the microelectronid field in Dresden. In other cases company
subsidiaries of interested com panies are founded and placed within an university cooperaing there
with the science insitutes. This mostly is acooperation for a defined period with a dedicated scope
of research. Among the advantages of this model is that the fact that the IP can be transferred very
directly on defined subjects.
There is also the so-called ‘spin-in’ model, which we use at Fraunhofer, where companies have a
branch and place it in the institute, which then cooperates directly with the subsidiary. This is
similar to the previous model, although it is more practical because of the involvement of the
institute rather than a university.
In terms of the advantages of collaboration, there can be a direct link from research to real-life
application in products, particularly in the area of microelectronics. Another model is a the #EUfunded Joint Technology Initiative (JTI) model where industry, institutes and the Government
invest, both in cash and in kind. Companies use the labs for production and the institutes benefit
from research and experience of direct production.
An surprising example Case
To conclude, I have the example of an unexpected use of dandelion, where an Fraunhofer- institute
has been doing research on green technology. When you crush a dandelion, a milky liquid is
released and this liquid hardens very quickly. The institute therefore changed the molecule
responsible for that so it stays as a liquid, and from the liquid you can produce latex. The institute
also then saw that rabbits liked the taste of the roots of dandelion, esp. of the Russian variety . So it
could be an ideal food for animals. But who needs so much dandelion green food?. As the Chinese
have a huge lack of green food for animals, the institute then resumed that the pressed out dandelion
rests could be commercialized a by selling it to China. There is a real "pull" for that material,
because it would be used there for esp as food for rabbits and other animals...
23
Différents schémas de stratégie propriété industrielle
Alfred ELMALEH
Directeur de la Propriété industrielle de l'Institut français du Pétrole (IFP)
TEXTE EN ATTENTE
24
Christian DERAMBURE
Je souhaite remarquer que cette présentation illustre bien les différentes stratégies en termes de
brevets. Le brevet doit en effet être au service de l’innovation. Or, il peut avoir des effets pervers,
comme je l’ai exposé ce matin. Je précise que je ne promue pas ces mauvaises utilisations.
25
La valorisation de la recherche : un concept simple à la mise
en oeuvre incertaine
Thierry SUEUR
Directeur de la Propriété intellectuelle, Air Liquide
Je vais tout d’abord vous présenter les activités de Air Liquide. Il s’agit d’un groupe fondé sur la
technologie, la recherche et l’innovation. La valorisation de l’innovation constitue l’un des objectifs
majeurs de Air Liquide. Notre métier est de concevoir et développer de nouvelles applications pour
favoriser la vente de gaz. Air Liquide travaille donc dans tous les domaines d’activité. Le service
marketing est par ailleurs très développé. Les développements de nouvelles solutions s’effectuent
dans des centres de recherche européens, américains ou japonais mais aussi dans le cadre de
partenariats avec des clients.
Nous travaillons donc avec de nombreuses entreprises mais également avec des organismes publics
comme le CNRS, le CEA, les universités et les écoles. Air Liquide a recours de manière récente
mais croissante aux financements publics.
Dans le cadre de la valorisation de la recherche, Air Liquide met en œuvre des contrats de licence et
de transfert de technologie intra-groupe. De plus, l’entreprise a mis en place un Programme de
Reconnaissance des Inventeurs qui permet d’identifier et d’évaluer les brevets exploités, ainsi qu’un
Programme d’Identification des Inventions. J’ajoute qu’Air Liquide a adopté une stratégie
systématique concernant les inventions du groupe, puisque ces dernières sont toujours soit brevetées
afin d’être protégées soit publiées et donc mises dans le domaine public. L’entreprise ne pratique
quasiment pas la politique du secret.
J’aborde la question des relations avec les organismes publics. Nous avons admis aisément la
nécessité de mettre en place une copropriété, mais nous souhaitons dans certains secteurs être
propriétaires de la technologie. Or, il n’est jamais accédé à cette demande, ou alors à un prix
exorbitant. Air Liquide n’a donc désormais quasiment plus recours à la recherche française pour la
sous-traitance de recherche, ce que je regrette.
Concernant l’exploitation des résultats, il faut remarquer qu’un industriel qui place de l’argent dans
un contrat de collaboration en R&D attend une exclusivité systématique et suffisamment longue et
un délai de grâce légitime. Quand une idée aboutit, il existe un temps de latence important entre le
résultat et la mise sur le marché. Nous demandons donc aux centres de recherche publique avec
lesquels nous collaborons de faire preuve de compréhension dans ce domaine. Nous sommes
généralement entendus sur ce point.
La rémunération de nos partenaires constitue en revanche une question qui pose davantage de
difficultés. Nous souhaiterions par ailleurs également parfois sortir du système de la rémunération
proportionnelle.
J’ajoute que le nombre de brevets mis en œuvre reste faible. Par ailleurs, on estime que sur
cent brevets, un est très rémunérateur, neuf le sont raisonnablement, vingt couvrent leurs frais, et 70
sont déficitaires.
Je souhaiterais terminer en exposant plusieurs cas rencontrés par Air Liquide.
Dans le cas où la technologie ne peut être industrialisée, les difficultés techniques rencontrées
peuvent conduire à l’arrêt du programme de développement et à l’abandon des brevets.
26
Dans le cas où l’industrialisation requiert de longues années, la recherche donne des résultats
prometteurs mais le débouché industriel nécessite du temps, la connaissance a incontestablement
progressé et les brevets de base sont importants en tant que vecteurs d’exclusivité.
Dans le cas où la technologie est exploitée, les produits brevetés sont commercialisés, mais les
revenus tirés de la vente des produits brevetés ne sont pas encore supérieurs aux frais de brevet.
Nous aimerions trouver des traitements forfaitaires qui simplifieraient le système.
Enfin, dans le cas de grands projets de recherche à partenaires multiples, la recherche est menée en
commun avec participation financière de l’Etat, le risque industriel est élevé et les perspectives de
valorisation sont incertaines et de toutes façons lointaines.
La valorisation est un processus qui nécessite un apprentissage. Je regrette que lorsque nous
concluons des contrats de collaboration nous perdions beaucoup de temps à aborder des hypothèses
à la réalisation improbable car la valorisation n’a pas toujours lieu. Je crois qu’il faudrait mieux
appliquer les accords-cadres.
Nous souhaitons enfin que les réalités industrielles soient mieux prises en considération.
27
Des outils pour la valorisation de la recherche au service d'une
stratégie l'exemple du CEA
Françoise FABRE
Directrice adjointe de la Valorisation, Commissariat à l'énergie atomique (CEA)
Le CEA est un EPIC constitué de 15 000 employés concentré essentiellement dans les domaines de
l’énergie nucléaire civile et de défense, de la recherche fondamentale dans les domaines des
sciences de la matière et du vivant, de la recherche technologique et des nouvelles technologies
pour l’énergie. J’ajoute que si la recherche académique du CEA est financée essentiellement par
l’Etat et les agences, la recherche appliquée connaît une part de financement privé non négligeable.
L’élément le plus important pour un établissement réside dans sa volonté stratégique d’effectuer de
la valorisation, celle-ci doit être ensuite relayée par l’ensemble du management.
Enfin la valorisation doit être dotée des outils pertinents et d’indicateurs de suivi.
Il faut de plus savoir gérer des contraintes de temps. Acquérir des résultats et son portefeuille de
brevets nécessite souvent une vingtaine d’années. En outre, les innovations les plus lucratives sont
les innovations de rupture, qui mettent de nombreuses années à pouvoir être valorisées. Tout ceci a
un cout.
La valorisation se caractérise par la sécurisation des savoirs au moyen du dépôt de brevets et par le
transfert vers un ou plusieurs partenaires industriels. Ceci nécessite la mise en œuvre de contrats de
partenariats à visée d’exploitation commerciale par des sociétés engageant de la propriété
intellectuelle et le savoir faire développés dans les laboratoires du CEA. Toutefois, dans le cas où il
n’existe pas de partenaire, il faut créer une société.
Cette valorisation constitue une longue tradition au CEA inscrite dans un cercle vertueux ;
L’établissement dépose donc des brevets, recherche des clients, génère une recherche partenariale
avec des industriels qui permet un ressourcement technologique et conduit à la réalisation de
nouveaux brevets. Le CEA fait peu de licensing sec.
Plus de cent personnes au CEA se consacrent à l’effort de valorisation. Les équipes de valorisateurs
travaillent au plus près des laboratoires. Les chercheurs sont intéressés aux résultats. Le CEA
dispose de plus, de façon unique en France, d’un service de marketing stratégique de vingt salariés.
Il importe en effet d’étudier le marché, qui est en évolution permanente. Un service est par ailleurs
consacré à la création de start-up.
Différents business models sont mis en œuvre, selon que le CEA travaille dans les consortiums avec
la recherche académique ou en partenariat avec des industriels.
Le CEA avait pour objectif de déposer 500 brevets dans l’année en 2009 ; celui-ci a été dépassé. Il
met également en œuvre un accompagnement spécifique pour la création d’entreprises. Plus de
110 start-up ont ainsi été créées depuis 1990, ce qui représente plus de 3 000 emplois créés.
En conclusion, je crois qu’une stratégie de valorisation proactive doit comporter :
•
•
•
28
une volonté du management relayée dans les équipes ;
un dispositif complet ;
des équipes dédiées et professionnelles ;
Il faut en outre mettre en place des indicateurs adéquats afin de permettre :
•
•
l’accroissement des ressources pour mieux financer le développement des technologies et
contribuer activement au développement économique national ;
un positionnement optimum dans un contexte de plus en plus concurrentiel à l’international ;
Remarque : il est nécessaire d’avoir des indicateurs supplémentaires à celui du nombre de
portefeuille de brevets, (qui est nécessaire mais non suffisant).
29
CSTB : Les diverses voies de valorisation de la recherche
Hervé CHARRUE
Directeur R&D, Centre scientifique et technique du Bâtiment (CSTB)
Le CSTB est un EPIC avec un effectif de 820 personnes. Il a pour mission de garantir la qualité et la
sécurité des constructions durables. Ceci suppose de pouvoir les évaluer à partir de connaissances
scientifiques spécifiques, afin d’apporter à l’Etat le support dans la définition et l’évaluation des
politiques publiques dans le secteur de la construction. A cet effet, l’Etat dote donc le CSTB d’une
charge de service public de recherche.
Les secteurs d’activité du CSTB sont la recherche et l’expertise, l’évaluation, la certificationnormalisation, et la diffusion des connaissances auprès des acteurs de la construction.
Le CSTB réunit 220 chercheurs dans les différents champs scientifiques nécessaires à la
compréhension des enjeux et à l’évaluation du bâtiment et son environnement Il dispose de grands
équipements de recherche, et s’appuie sur des partenariats nationaux et internationaux.
Pour le CSTB du fait de son statut d’Etablissement Public Industriel et Commercial , la valorisation
de la recherche ne se limite pas qu’aux brevets et aux publications, mais se décline suivant deux
approches qui s’équilibrent.
Une part de la production de recherche provenant du financement de l’Etat, et conduit à de la
valorisation directe auprès des acteurs socio économiques, ce qui est la logique de la recherche
partenariale de l’Institut Carnot CSTB. Dans ce cadre, la politique de développement de brevets et
de licence est très importante pour le CSTB, avec 30 brevets vivants, mais hélas peu valorisés.
Aussi avons nous choisi pour pallier cela de nous appuyer sur un cabinet extérieur spécialisé dans la
valorisation internationale.
La valorisation directe se traduit plus particulièrement par :
•
•
•
•
des publications scientifiques et techniques ;
des brevets et licences ;
des logiciels ;
des partenariats R&D.
Ce dernier point – partenariats de R&D – est une approche spécifique issue d’une volonté
d’engager des collaborations de recherche dans la durée, avec des partenaires socio
économiques, en contrepartie de droits à brevet ou licence liés au cœur de métier de l’industriel.
Elle permet de déplacer la logique de la propriété industrielle et du brevet, vers une approche de
collaboration R&D plus pérenne.
L’autre part de la production de recherche, se traduit par une forme de valorisation indirecte, qui est
reliée à la mission de service public, via le support aux différentes politiques publiques et à leur
évaluation, allant jusqu’à la mobilisation des certifications produits – systèmes et de normes, ainsi
que dans la réalisation de corpus de formation pour les acteurs de la construction.
La valorisation indirecte se traduit ainsi par : :
30
•
•
•
•
•
une expertise en support aux politiques publiques ;
de l’évaluation scientifique technique
de la certification ;
de la normalisation ;
de la diffusion des connaissances par des guides techniques et de la formation.
Sur la base de la subvention de charge de service public de recherche allouée par l’Etat au CSTB sa
valorisation induit un effet de levier de 4,5 se répartissant entre R&D publique, R&D partenariale
avec l’Institut Carnot, expertises et études, évaluation et certification et enfin diffusion des
connaissances.
Pour le CSTB, le changement le plus important, impliqué par son statut d’Institut Carnot réside
dans la mobilisation d’un cabinet extérieur afin de développer une politique volontariste de
valorisation directe des brevets, des licence, et des logiciels.
31
Valorisation et transfert des résultats de la recherche au sein
des centres techniques industriels
Ginés MARTINEZ
Délégué général du Réseau des Centres Techniques Industriels (CTI)
I. Le réseau CTI en bref
Le Réseau CTI réunit l’ensemble des Centres du secteur industriel afin de promouvoir le dispositif
CTI, les activités des Centres Techniques Industriels et les synergies entre membres. Il est e un
interlocuteur pour toute relation d’intérêt général de ses membres, effectue des actions d’évaluation,
et enfin développe des relations institutionnelles nationales et internationales.
La dizaine de commissions internes aux CTI constituent des lieux d’échange et de travaux entre
experts métiers ainsi qu’un creuset d’initiatives. J’ajoute que la commission Recherche et
Innovation a mené il y a dix-huit mois une importante réflexion sur la propriété industrielle.
II. Positionnement et missions des CTI
Les CTI constituent un trait d’union entre l’industrie et la recherche. Il s’agit en effet d’outils de
mutualisation des moyens pour répondre aux besoins communs d’un secteur industriel. Ils sont
issus d’une volonté commune des pouvoirs publics et des acteurs économiques et sa gouvernance
repose sur une coresponsabilité entre les organisations professionnelles et les pouvoirs publics.
Leur statut est défini dans le Code de la Recherchequi établitnotamment leur utilité publique.
Les missions des CTI consistent à :
• Anticiper
La première mission des CTI consiste à anticiper, par la veille technologique, la veille de propriété
industrielle, et de manière croissante par la veille économique afin debien connaître les évolutions
et les organisations des marchés.
• Innover
. L’innovation s’effectue pour nous essentiellement au travers de la recherche technologique. C’est
aussi cette recherche qui assure le ressourcement notamment scientifique en établissant des
partenariats avec des organismes spécialisés dans une recherche plus en amont par rapport au
marché.
J’ajoute que la mission de normalisation importante dans les CTI est dans sa phase dite de « prénormalisation » contribue à l’innovation, ce positionnement en normalisation est original dans le
paysage des organismes français.
• Diffuser
Il importe de diffuser les innovations dans les publications scientifiques, les congrès, les journées
techniques, ou encore dans les sites Internet. Ce processus est primordial et répond à l’attente des
entreprises, qui sont attachées à ce rapport direct.
32
• Transférer
Il ne faut pas confondre le transfert et la valorisation, car le transfert consiste à transmettre les
résultats aux entreprises et pas nécessairement dans le but de percevoir des retombées directes.
• Financement
Les ressources des trois premières missions (anticiper, innover et diffuser) et qui sont d’intérêt
général, proviennent de la taxe affectée des entreprises et des crédits d’Etat. Les prestations de
service sont financées directement par les entreprises bénéficiaires de ces services et transferts
individualisés.
Les CTI représentent 16 organismes et 50 établissements dans 30 départements et 15 régions. Leurs
ressources sont d’environ 280 millions d’euros, dont la moitié en ressources propres.
Les CTI constituent des acteurs de recherche appliquée et de transfert technologique puisqu’ils
mettent en œuvre 50 projets ANR, 80 participations dans 38 pôles de compétitivité et 50 projets
européens.
Ils sont par ailleurs au service des entreprises de 30 secteurs industriels représentant 25 % de
l’activité industrielle française et 40 % de l’emploi industriel.
III. Valorisation de la recherche, transfert, brevets et propriété intellectuelle
Les travaux des CTI sont à finalité très majoritairement applicative, en réponse aux attentes des
industriels. De plus, sont privilégiés les transferts directs des nouveaux savoir-faire plutôt que la
propriété en propre des brevets.
Onconstate ces dernières années de fortes évolutions de l’environnement marqué par la
mondialisation des économies, le développement de l’innovation ouverte, et corrélativement,
l’accroissement des projets de recherche en consortium. En conséquence, nous avons procédé au
réexamen des pratiques et des politiques de propriété industrielle. Cette réflexion commune a été
organiséeau sein de la commission Recherche et Innovation du Réseau CTI, réflexion qui a
notamment élaborée une Charte de la Propriété Intellectuelle des CTI laquelle a été validée et
finalement adoptée par le Conseil d’Administration du Réseau CTI
Cette Charte définit la nécessité et l’intérêt :
•
•
•
•
de l’établissement de principes et règles généraux ;
du renforcement de la relation de transparence et de confiance des CTI avec les entreprises ;
de l’établissement des lignes force des relations contractuelles avec les partenaires scientifiques
et technologiques au sein des consortia qui se constituent pour réaliser des projets de recherche ;
de la préservation de l’investissement consenti en R&D avec le soutien des pouvoirs publics, en
s’inscrivant dans la perspective de la valorisation économique qui procure un avantage
compétitif.
Ses principes et règles générales sont les suivants :
•
•
•
•
33
l’équité et le respect des intérêts des parties ;
la cohérence entre propriété industrielle et activités collectives des CTI ;
la transparence et la traçabilité avec la clarification des relations, et l’assurance des
engagements ;
la traçabilité des informations et des apports respectifs autour d’un projet de R&D&I ;
•
•
•
•
la confidentialité ;
la sensibilisation des personnels aux enjeux et à leurs responsabilités ;
la déontologie et éthique ;
et en termes de mesures organisationnelles, la sécurisation des supports d’information.
Selon nous, les droits sont fondés sur la reconnaissance des domaines d’expertise apportés par
chaque partenaire et des domaines d’intérêt économique.
J’ajoute que les finalités de la propriété industrielle sont différentes pour les entreprises et les CTI.
Aussi le brevet ne constitue pas le seul indicateur pertinent de la valorisation de la recherche
Si un portefeuille de brevets apporte reconnaissance et crédibilité vis-à-vis des entreprises et des
organismes de recherche,dans la majorité des cas, le brevet et :ou les droits d’exploitation au nom
d’un CTI ont vocation à être rapidement exploités par les entreprises. Dans certaines situations un
CTI recherchera un co-développement avec une entreprise pour valoriser un brevet lorsque les
complémentarités des parties ont du sens.
Je conclue en indiquant que deux ans après la mise en œuvre de cette réflexion, il est constaté une
meilleure prise en compte des questions de PI notamment dans les relations partenariales et que
parallèlement on comptabilise une augmentation sensible du nombre de projets déposés.
34
Les outils mis en place par l'INRA pour stimuler et
professionnaliser la chaîne de création de valeur
Gérard JACQUIN
Directeur de la Valorisation, Institut national de Recherche agronomique
(INRA)
Positionnement international
La France bénéficie d’une recherche agronomique très développée et de très bonne qualité,
associant des établissements publics ( INRA et CIRAD notamment ) et de nombreuses écoles
agronomiques et vétérinaires. La création en juin 2009 du consortium AGREENIUM va permettre
de dynamiser à l’international notre offre intégrée recherche/formation/transfert.
L’INRA est dans son domaine le deuxième organisme en termes de publications au niveau
international, et le premier au niveau européen. L’Institut comprend 8 500 permanents qui animent
un périmètre scientifique ( partenaires des UMR, doctorants et post doctorants ) qui dépasse 12000
agents.
Organisation et modèle économique
Le modèle économique de la valorisation de l’INRA a été fixé en 2003. Il est basé sur une règle
simple : externalisation des métiers du licensing, les recettes de valorisation ( redevances ) devant
équilibrer les charges directes liées à ces activités ( frais de protection intellectuelle, intéressement
des chercheurs, retour aux laboratoires, développement des filiales de transfert ). Le « Groupe
INRA » comprend en effet deux filiales, qu’elle contrôle à 100 %, que sont INRA Transfert SA et
Agri Obtentions SA. Un management unique a été mis en place. Je suis donc à la fois directeur de
la valorisation INRA et président des deux filiales de transfert. Ma direction comprend en outre les
métiers du droit de la propriété intellectuelle et des contrats industriels, une dizaine de juristes lui
étant directement attachée. Nous avons mis en place une autre unité support dont le but est de
stimuler l’activité partenariale de nos chercheurs. Entre autres services de cette unité très appréciés
de nos partenaires, une lettre électronique ( gratuite, traduite en langue anglaise ) « En direct des
Labos » diffuse les résultats de nos recherches à plus de 5 000 abonnés.
Portefeuille contractuel et protection de notre patrimoine technologique
Notre activité de recherche contractuelle directe avec les partenaires privés ne représente que 25 %
de notre portefeuille : dans un flux de 1 000 contrats par an l’essentiel des ressources externes de
l’INRA vient de l’ANR, de l’Europe et des Collectivités territoriales.
Notre patrimoine intellectuel protégé se compose de 200 familles de brevets étendus à
l’international, de 160 logiciels déposés à l’APP, de 56 marques, et de 508 COV : certificats
d’obtention végétale. Nous avons élaboré en 2003 une Charte de la Propriété Intellectuelle
( diffusée aux participants à ce séminaire ) qui présente et affiche nos principes et nos valeurs,
adaptées aux enjeux de la recherche en sciences de la vie appliquées à l’alimentation, à l’agriculture
et à l’environnement, trépied identitaire de l’INRA. Sur le plan de la propriété intellectuelle, depuis
quelques années l’INRA ne dépose que 25 brevets par an en moyenne. Je crois que le potentiel réel
de l’INRA représente une centaine de brevets par an et je souhaite que cet objectif soit atteint durant
le prochain contrat d’objectifs 2010/ 2015 de notre Institut.
35
Quelques chiffres clés en termes de résultats
Notre politique de valorisation est fondée sur la gestion dynamique et stratégique de trois
portefeuilles clés. Il s’agit des portefeuilles de propriété intellectuelle et de conventions de
recherche déjà décrits, et de notre portefeuille de licences. Celui-ci est en belle croissance grâce au
dynamisme de nos deux filiales : 350 licences sur brevet et savoir faire actives, plus de 1100
licences sur COV, et des recettes qui ont dépassé en 2009 15 millions d’euros de royalties.
Les clients finaux de l’INRA sont d’abord les 400 000 entreprises agricoles de l’hexagone, et
naturellement l’ensemble des sociétés privées qui interviennent dans les champs connexes à cette
activité clé : productions végétales ( semences, agro industrie, protection des cultures ), productions
animales ( sélection, alimentation et santé animales ), industries alimentaires de transformation,
secteurs émergents des biotechnologies blanches et vertes et des écotechnologies.
On remarque par ailleurs que les problématiques de l’agriculture intéressent un nombre croissant
d’acteurs au niveau mondial. De nouveaux fronts de science vont s’ouvrir prochainement sur la
nutrition et l’alimentation pour la santé face à la montée de l’épidémie mondiale de l’obésité, mais
aussi sur la santé animale et humaine afin de lutter contre les maladies vectorielles liées à la
mondialisation des échanges.
Notre filiale Agri Obtentions est consacrée à la production de semences au cœur de segments
techniques très spécifiques ( pionniers ou délaissés par les semenciers privés ) visant notamment à
développer ( Grenelle de l’Environnement ) une agriculture durable moins consommatrice en eau et
en intrants.
L’INRA avec ses deux filiales réalise une bonne performance en matière de politique de licences.
Celles ci ont ainsi rapporté cette année plus de 15 millions d’euros, ce qui est supérieur aux revenus
des conventions de recherche bilatérale passées avec les industriels. Il nous faut donc progresser
désormais sur ce dernier volet !
La filiale INRA Transfert, fondée en 2001, connaît une belle croissance. Je rappelle que c’est la
perception des redevances du portefeuille de licences qui assure son fonctionnement économique.
Cette filiale ne bénéficie d’aucune subvention. Un module d’expertise de montage européen a par
ailleurs été créé il y a quatre ans, qui permet d’ouvrir des établissements secondaires dans toute la
France et de constituer une école interne de gestionnaires de projets complexes tout à fait
performante.
Accélération de la création de valeur : priorité aux travaux de maturation.
Il est important lors du dépôt d’un brevet d’investir massivement et rapidement, dans la période de
36 mois au cours de laquelle les frais sont de plus en plus élevés. L’INRA accompagne désormais
les meilleurs projets dès le dépôt de brevet avec un programme de prévalorisation ( maturation
technologique plutôt techno push ), en sélectionnant 10 projets sur une trentaine repérés via un
appel à projets interne doté de 600 K€ de financements.
Concernant le développement de start-up, la performance de l’INRA est moyenne mais honorable,
puisqu’il a participé à la création d’une quarantaine d’entreprises en dix ans, ce qui représente
250 emplois crées et stabilisés.
Nous avons enfin créé en fin 2008 un dispositif original : ABA : accélérateur de biotechnologies
agronomiques, est une filiale de INRA Transfert en joint venture avec la société de capital risque
Seventure. Il s’agit d’une société de R&D qui effectue un travail de maturation par le biais
36
d’investissements dans la recherche orientée marché ( market pull ) avant la création des sociétés
les plus prometteuses de notre pipe line.
Questions
De la salle
Le titulaire des droits de propriété intellectuelle est-il l’INRA ou ses filiales ?
Gérard JACQUIN
La propriété intellectuelle et les conventions de recherche appartiennent à l’INRA. C’est
l’exploitation et le courtage de ces brevets qui sont dévolus à INRA Transfert, mais cette dernière
n’a aucun droit de propriété.
37
Le nombre de brevets est-il un bon indicateur
de la valorisation de la recherche ?
Table ronde
Alain BILLON, Inspecteur général de l’Administration, de l’Education nationale et de la
Recherche
Alain GRIOT, Sous directeur de l'Innovation (Direction de la recherche et de l'Innovation)
Antonio GUELL, Chef du service Applications et Valorisation, CNES
Gérard JACQUIN, Directeur de la Valorisation, INRA
La table ronde est animée par Jean-René BRUNETIERE, Coordonnateur de la Commission
spéciale du Développement durable du CGEDD.
Jean-René BRUNETIERE
Bonjour à tous. Je suis Ingénieur général des Ponts, des Eaux et des Forêts et Coordonnateur de la
Commission spéciale du Développement durable du CGEDD, ainsi que Président de l’association
Pénombre, qui étudie l'utilisation des chiffres dans le débat social. La question qui nous est posée à
l’occasion de cette table ronde est la suivante : « le nombre de brevets est-il un bon indicateur de la
valorisation de la recherche ? ». Je vais dans un premier temps laisser la parole à chaque intervenant
afin de répondre en quelques minutes à cette question.
Alain GRIOT
Je crois que la question qui nous est posée recouvre en réalité deux problématiques.
La première consiste à se demander si le brevet est un bon indicateur de la valorisation de la
recherche. Après avoir entendu les intervenants précédents, je crois que l’on peut répondre qu’il
s’agit d’un indicateur parmi d’autres car la valorisation de la recherche ne passe pas que par le
brevet, mais également par la diffusion des résultats par exemple. D’autre part, il faut pouvoir
assurer un suivi après le dépôt d’un brevet, afin de protéger celui-ci.
La deuxième question consiste à se demander si le nombre de brevets est un bon indicateur. Je crois
que l’on peut répondre affirmativement, car cet outil permet de classer les pays. La France est par
ailleurs bien positionnée en ce qui concerne le nombre de brevets déposés. Mais cet indicateur doit
servir à analyser une situation. Les statistiques de l’Office européen de Brevets révèlent que la
France dépose 40 % du nombre de brevets déposés par l’Allemagne, mais également que la France
est le deuxième pays européen en termes de dépôt de brevets. Cela démontre la force de la
recherche fondamentale française mais également de sa recherche industrielle. Par ailleurs, l’écart
avec l’Allemagne est sensiblement moins important sur les brevets de haute technologie. La France
n’a pas subi le creux qu’ont traversé d’autres pays suite à l’explosion de la bulle Internet.
Je crois également qu’à travers le nombre de brevets déposés, il est possible d’identifier les forces
et la structure d’une industrie nationale.
38
Pour conclure, le brevet ne constitue pas un bon indicateur de la valorisation de la recherche, mais il
représente en revanche un bon indicateur de la performance industrielle française.
Alain BILLON
Je crois que le nombre de brevets constitue un bon indicateur de la créativité de la recherche mais
qu’il a peu de rapport avec la valorisation. Ainsi, de 2000 à 2005, le nombre de brevets déposés par
les universités françaises a doublé, alors que l’activité de valorisation des universités n’a pas connu
la même évolution. En effet, les universités ne disposent pas des mêmes ressources que le CEA par
exemple.
De surcroît, la valorisation de la recherche peut désigner aussi bien la création d’entreprises
innovantes que la concession de licences à des entreprises existantes. Or, il convient d’adopter une
approche différente pour chacun de ces sujets.
Gérard JACQUIN
Je crois que le nombre de brevets peut constituer un bon indicateur de la valorisation de la
recherche s’il est enrichi par d’autres. Sur le plan de l’inventivité de nos équipes, je préfère suivre
l’indicateur de déclarations d’invention qui me semble plus pertinent en termes d’insertion dans la
problématique liée à la protection dans la dynamique de recherche. De plus, le nombre de brevets ne
constitue pas l’indicateur qui permet de gérer efficacement un portefeuille de pays. En outre, la
politique d’abandon de brevets est tout aussi importante que celle du dépôt. Je suis ainsi la durée
moyenne de la période de protection, qui est de 8,3 ans à l’INRA. Cela traduit une politique de
dépôt actif, une politique d’investissement sur 36 mois puis une politique volontariste d’abandon.
Antonio GUELL
Je souhaite d’abord rappeler que le CNES n’est pas un centre de recherche car il s’agit d’une agence
de moyens qui a impulsé une politique de valorisation en 2004. Le CNES dépose depuis une
quarantaine de brevets par an en moyenne et a mis en place une politique d’incitation à la création
de start-up. Nous avons ainsi créé depuis 2004 une dizaine de PME dont six sur dix ont plus que
doublé leurs effectifs. Le métier de la valorisation est donc nouveau au CNES.
Je crois toutefois que le brevet est un indicateur d’innovation mais que la valorisation doit tenir
compte de la vie du portefeuille de brevets, et de sa gestion. De plus, le potentiel économique des
brevets constitue également un indicateur intéressant.
Jean-René BRUNETIERE
Je retiens de ces réponses successives que cet indicateur n’est donc pas complètement rejeté par nos
intervenants, mais qu’il ne s’agit que d’un indicateur parmi d’autres et que son intérêt dépend aussi
de son utilisation et de son secteur d’application. J’ai également noté dans ces propos que le fait de
suivre un indicateur pousse à l’action.
Je propose à chacun de nos intervenants de nous exposer un exemple concret illustrant leurs propos.
39
Alain GRIOT
Dans le cadre d’une ancienne fonction, je me suis intéressé à la question des pôles de compétitivité.
Je me suis rendu compte qu’il y avait très peu de PME associées aux projets de recherche et
développement de ces pôles. L’une des difficultés résidait plus particulièrement dans la protection
de la propriété industrielle. En effet, les PME avaient pris l’habitude de travailler avec les centres de
recherche publics mais pas avec les grandes entreprises. Aujourd’hui, et grâce aux efforts réalisés
par les pôles de compétitivité, de plus en plus de PME participent à des projets collaboratifs avec
des universités, des organismes de recherche et des grands groupes.
Seulement 15 % des PME déposent des brevets. Afin de renforcer la valorisation de la recherche
française, il faut que ce taux augmente, pour les petites comme pour les moyennes entreprises.
Alain BILLON
L’une de nos grandes universités a mis en place trois postes pour gérer la valorisation de la
recherche tandis que le CEA en compte cent. Il faut que cette situation change rapidement.
Toutefois, la fluidité des relations entre les organismes de recherche et les entreprises est en train de
se renforcer. De plus, le PRES breton, qui regroupe quatre universités et douze grandes écoles, a
décidé de consacrer trente emplois au service mutualisé de valorisation. Cette évolution est positive.
Gérard JACQUIN
Sur des secteurs hyper spécialisés, il faut adopter au minimum une vue européenne. Il faut donc
constituer des grappes de brevets, qui reposent sur la négociation. Travailler des portefeuilles
thématiques suppose que les établissements référents comme l’INRA ou l’INSERM articulent leurs
interventions avec des structures universitaires afin que les pôles d’excellence puissent travailler en
partenariat de façon à améliorer la visibilité internationale de la politique française de portefeuilles
de brevets et de capacité de transfert.
Antonio GUELL
Innover suppose d’avoir une idée folle et de ne pas avoir peur de l’affirmer. Innover nécessite
également d’être simple et authentique. Il faut être à l’écoute de l’utilisateur final et adopter une
approche globale et intégrative.
J’ai choisi de vous faire partager ce qui m’apparaît comme le même exemple de cette affirmation au
sein du portefeuille de brevets du CNES. Nous avons en effet déposé un brevet de télépidémiologie,
qui consiste à prendre des images obtenues par des satellites, et à les croiser avec des données sols
d’épidémiologie afin d’établir les cartes à risque de survenue de certaines pathologies. Il y a
quatorze ans, le chef de projet ne croyait pas à ce projet. Ce dernier a généré une trentaine de
réseaux en Amérique du Sud et en Afrique et nous allons créer une start-up. Ainsi, ce brevet est
lucratif pour le CNES, alors même que personne ne croyait à cette idée.
Il faut donc persévérer, savoir et oser innover.
40
Alain GRIOT
Le management doit soutenir ces idées, mais il faut pour cela que les acteurs soient visionnaires.
Par exemple, la microinformatique a été inventée en France, alors que Bull ou IBM n’y croyaient
pas.
Jean-René BRUNETIERE
Nos différents intervenants nous ont beaucoup parlé de l’importance de la coopération et de
l’échange. Je propose à la salle de formuler ses questions et remarques.
Ginés MARTINEZ
L’échelle de temps est une question importante. L’échelle d’évaluation ne correspond pas à l’échelle
du thème que l’on traite. Il faut laisser du temps aux projets pour pouvoir mesurer leur efficacité.
Jean-René BRUNETIERE
Il faut en effet de nombreuses années pour juger des résultats d’un brevet. Il s’agit de la difficulté
principale du contrôleur de gestion.
Gérard JACQUIN
C’est le lot de la recherche. Le contrôleur de gestion doit comprendre qu’il n’existe pas de lien entre
la dépense de R&D de l’année et le volume de la production. Un pas de temps de plusieurs années
sépare les deux volets !
Alain GRIOT
Les logiciels sont obsolètes au bout de deux ans. Le nombre de brevets est donc un indicateur
intéressant mais qui ne traduit pas la réalité.
Gérard JACQUIN
Nous voudrions que le brevet soit actif. Le fait qu’il ait été sélectionné comme ayant un potentiel
innovant constitue un critère. Par ailleurs, certains brevets nécessitent parfois de la recherche
complémentaire en partenariat, donc le fait qu’un industriel témoigne de l’intérêt constitue un
deuxième critère.
Jean-René BRUNETIERE
La qualité des brevets est donc aussi importante que leur quantité.
De la salle
Convaincre sa direction du potentiel d’une innovation n’est pas chose aisée. Il s’agit d’un pari, et le
délai a un coût.
41
Antonio GUELL
Le CNES étudie la potentialité du brevet. Il faut que ce dernier puisse conduire à la création de
nouveaux services pour la société.
Gérard JACQUIN
Il est difficile dans la gestion des portefeuilles de petite taille en court de création de ne pas céder à
la tentation du court-termisme du management. Le risque est trop important dans cette situation trop
contrainte par les coûts. Il faut pouvoir bénéficier de beaux succès sur quelques licences (rares) qui
permettent de prendre des risques sur un portefeuille plus conséquent et plus diversifié. La gestion
de portefeuille a un sens très concret pour moi !
Alain GRIOT
Je souhaite signaler que 80 % des revenus du portefeuille du CNRS proviennent d’un seul brevet.
De même, l’INRA a exposé plus tôt que 80 % de ses redevances provenaient d’une grappe de
brevets. Ces deux organismes ont dû prendre des risques au départ. J’ajoute qu’une démarche de
mutualisation est en cours au Ministère de la Recherche, visant à porter plus longtemps les brevets
avant leur maturité.
Ginés MARTINEZ
Le renforcement de la mutualisation est essentiel, mais il faut également prendre en compte la
proximité par rapport aux équipes. Le problème de la taille peut se poser pour disposer des
compétences suffisantes mais afin de promouvoir l’innovation et de travailler avec les équipes, il
faut mettre en place une proximité physique et culturelle.
Gérard JACQUIN
Je crois que cela dépend des métiers. Il faut toutefois dans tous les cas revaloriser les différentes
lignes de métier liés au champs de la valorisation ; le métier de généraliste du transfert au contact
des scientifiques et en interface avec les industriels et les spécialistes du back office (les juristes par
exemple) est un métier clé qui doit se professionnaliser (projet de mastère national en cours de
construction).
Jean-René BRUNETIERE
Je vous propose d’exprimer à tour de rôle un mot de conclusion en forme de recommandation.
Alain GRIOT
Je crois que l’environnement de la recherche et du processus d’innovation a beaucoup changé ces
dernières années. Les pôles de compétitivité ont été créés, et un certain nombre d’outils ont été mis
en place afin de permettre aux chercheurs d’être plus impliqués dans l’effort de valorisation. En
outre, il est remarquable que l’une des conditions de la mise en œuvre du grand emprunt soit le
retour sur investissement des fonds alloués. Le partenariat public-privé continuera à se développer
et le partage de la valeur ajoutée deviendra une problématique essentielle.
42
Alain BILLON
Il faut davantage intégrer l’exposition au management, à la politique scientifique, et à la stratégie
dans la formation des chercheurs. Cet effort est réalisé au sein des écoles, mais probablement pas
assez dans les universités. Il faut sensibiliser les étudiants au monde économique.
Gérard JACQUIN
Je souhaite que la question des brevets devienne un outil d’excitation intellectuelle. Il faut dans ce
domaine, pour les scientifiques, parvenir à mettre les publications et les brevets au même niveau.
Antonio GUELL
Je conclurai pour ma part en disant qu’en matière de valorisation, la volonté réelle du management
intermédiaire est essentielle. Or, nous rencontrons des obstacles à ce niveau dans tous les
organismes.
Jean-René BRUNETIERE
Je rappelle pour ma part qu’il ne peut y avoir d’indicateur utile sans débat et qu’il ne peut y avoir de
débat documenté sans indicateur. Nous avons vu se dessiner des consensus entre nos intervenants,
notamment sur la question du regroupement des universités et la progression du partenariat.
Les indicateurs doivent alimenter la réflexion commune pour une meilleure compréhension
mutuelle des partenaires et pour la mise en œuvre d’actions plus cohérentes à l’avenir.
43
Clôture du séminaire
Régine BREHIER
Directrice de la Recherche et de l'Innovation
La communication du dernier conseil des ministres relative au projet de loi de finances rectificative
« Grand emprunt » a, comme vous le savez, mis l’accent sur la place que jouent l’enseignement
supérieur, la formation et la recherche dans le développement de notre pays. C’est donc dans un
contexte particulièrement favorable, celui d’une reconnaissance par les pouvoirs publics des
problématiques qui nous rassemblent, que s’est déroulée cette stimulante Journée de présentation de
toutes les initiatives existantes dans le domaine de la valorisation de la recherche.
Je voudrais, pour ma part, mettre l’accent sur quelques axes majeurs, qui me semblent devoir
émerger. Elles pourront inspirer nos réflexions pour l’avenir, si tant est qu’une conclusion se doit,
non pas de clôturer une telle Journée, au sens de la fermeture, mais d’ouvrir les pistes de travaux et
d’actions futurs.
Auparavant, je voudrais rappeler que la valorisation de la recherche est un des outils essentiels pour
réussir durablement l’entrée de l’économie française dans une culture de l’innovation, qui est,
comme nous le savons, le véritable moteur d’une croissance créatrice d’emplois. Il est donc à la fois
du devoir et de l’intérêt du secteur public d’y contribuer au mieux. Conscients de cette nécessité,
les pouvoirs publics se sont efforcés, en quelques années, de mener trois actions phares :
− le lancement et le développement des pôles de compétitivité,
− la réorganisation des dispositifs de financement public de la recherche,
− la simplification des instruments d’accompagnement et de soutien à l’innovation des PME.
L’Etat s’est par ailleurs doté de documents stratégiques pour la recherche à plusieurs niveaux
(SNRR, SNRI, SNDD). Enfin, la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le Plan EcoTech
2012, le rapport sur les filières de la croissance verte et plus récemment, les orientations de
l’Emprunt national, traduisent également cette préoccupation.
La question de la valorisation de la recherche pour développer la culture de l’innovation est
évidemment au centre des principaux chantiers conduits par le CGDD, et notamment par la
Direction de la recherche et de l’innovation dont j’ai la charge.
I - Les Pôles de compétitivité, la valorisation de la propriété intellectuelles et les
brevets
La politique en faveur des pôles de compétitivité a plus de cinq ans d’existence. Lieu de rencontre
et d’émulation des projets de recherche sur les territoires, les pôles constituent désormais un outil
majeur dans le paysage de l'innovation. Ils font, en outre, émerger des questions de fond, sur des
sujets qui nous préoccupent tous. Parmi ces questions, je citerai :
− l’organisation interne de la PI chez les acteurs du pôle,
− le partage de la valeur au sein des projets d'innovation,
44
− les clés de répartition de la valorisation entre public et privé, comme entre grands acteurs et PME,
− le statut de la propriété industrielle dans le processus de recherche, en aval de ce processus, mais
aussi en amont, l’établissement de règles claires de partage avant le lancement d’une recherche
apparaissant à l’expérience comme toujours bénéfique.
Plusieurs outils d’aide à la décision et autant de dispositifs associés sont venus soutenir ce besoin en
matière de propriété intellectuelle :
• La convention DGCIS-INPI en faveur des pôles de compétitivité
Par cet accord, signé le 18 mai 2009, l’INPI et la DGCIS ont souhaité promouvoir la pratique de la
propriété industrielle dans la politique des pôles de compétitivité et les accords de partenariat.
•
Le "guide de la propriété intellectuelle dans les pôles de compétitivité"
Il s’agit d’un instrument juridique et pratique d’aide à la compréhension et à la maîtrise des
problématiques de la propriété intellectuelle dans les pôles de compétitivité. Son objectif est de
permettre aux animateurs et aux responsables des pôles de compétitivité de mettre en place de
bonnes pratiques, de sensibiliser les partenaires engagés dans des projets collaboratifs aux questions
de la propriété intellectuelle et de les aider à organiser et à sécuriser la propriété intellectuelle de
leurs innovations
•
La mise en place d’une offre mutualisée de transfert de technologies sur Internet
Il s’agit d’une initiative d’Oséo et du réseau C.U.R.I.E. (Association des centres de transfert de
technologie). Les universités, organismes de recherche et grandes écoles déposent sur ce site dédié
leurs offres de technologies. Grâce à cet outil, industriels du secteur privé et capitaux risqueurs
accèdent à plus de 800 offres de technologies protégées par un brevet et disponibles pour un
transfert industriel. Parmi les offreurs, on compte le CEA, l’Inserm, le CNRS, l’Inra, l’Institut
Pasteur et de nombreuses universités et écoles d’ingénieurs. Cet outil de veille sur les meilleures
technologies disponibles permet de consolider des projets de partenariat, d’identifier les meilleures
équipes de recherche pouvant s’impliquer dans les projets d’un pôle et, pour les entreprises d’un
pôle, de valoriser les résultats de la recherche dans le cadre d’un partenariat technologique.
•
Le développement du « pré-diagnostic » financé par l’INPI
Reposant sur une analyse objective et qualifiée, il prend en compte l’ensemble des outils de
propriété industrielle (brevets, marques, dessins et modèles) mobilisables au sein de l’entreprise, et
inclut aussi les contrats, les licences, les recherches documentaires, les achats et les ventes de
technologies. Il donne à l’entreprise une vision prospective de ses atouts compétitifs, tant sur la
protection que procure la propriété industrielle, que sur ses autres utilisations possibles : veille
technologique et juridique, licences et partenariats, valorisation des actifs, etc. Il permet de dégager
des pistes d’action et identifie les compétences internes à l’entreprise pour la mise en œuvre d’une
politique de propriété industrielle, avec un éclairage sur les acteurs et les coûts de cette politique..
Au total, la propriété intellectuelle tient donc une place importante dans l'arsenal des outils
d'innovation dont disposent les pôles de compétitivité. Ces outils offrent ainsi un cadre efficace
pour :
− permettre la convergence des visions et des intérêts entre les différents acteurs de l'innovation
(grands groupes, PME, recherche publique) ;
45
− encourager l’exploitation effective des brevets, en éliminant les barrières par un dialogue et une
prise de conscience des intérêts partagés) ;
− mettre en place une politique de PI coordonnée, au service des acteurs de l'innovation et dans une
logique de filière (chaîne de valeur).
II - Les évolutions proposées dans le cadre du Comité Stratégique des EcoIndustries (COSEI)
Les ministres de l’écologie et de l’industrie ont affiché, par le Plan Ecotech 2012, la nécessité de
mettre en place des outils de valorisation de la recherche publique sur les écotechnologies. Il s’agit
de rapprocher les systèmes de recherche publique et privée, notamment par des projets collaboratifs,
d’améliorer le cycle de l'innovation et de favoriser le développement de PME innovantes dans les
éco-technologies.
Un groupe de réflexion piloté par la DRI s’est réuni de juin à novembre 2009, et a réuni tous les
acteurs de l’éco-innovation -ministères et agences, industriels, organismes de recherche,
personnalités qualifiées et spécialistes de l'incubation, du financement et de la valorisation-. Ses
conclusions, dont certaines encore provisoires, visent à dynamiser le système français de recherche
et d'innovation (SFRI) dans les domaines relevant des écotechnologies.
Sachant que la valorisation de la recherche publique dans les domaines technologiques d’avenir est
indissociable d’une réflexion sur la préparation du transfert des résultats vers les entreprises, je vous
laisse apprécier les enjeux, en termes de valorisation, de propriété intellectuelle et de brevets,
auxquels entendent répondre les propositions formulées par ce groupe de travail :
•
Développer une capacité d'expertise de haut niveau en matière d'environnement par le
lancement d’appels à projets réservés aux acteurs de la recherche publique (laboratoires,
structures de valorisation), et leur permettre ainsi d’approfondir de manière autonome certains
travaux de R&D jusqu'à la preuve de concept.
•
Structurer un écosytème d'innovation, en confiant à une instance représentative des écoindustries la mission d'animer avec la recherche publique des comités d'échange traitant des
marchés et des verrous technologiques, pour mieux prendre en compte ces préoccupations dans
les programmes de R&D et préparer le transfert de leurs résultats aux éco-industries
françaises.
•
Accentuer le travail collaboratif entre les différents acteurs de l'innovation écotechnologique, par exemple en familiarisant les entreprises éco-innovantes avec les outils
permettant d'identifier lestechnologies brevetées ou les compétences disponibles dans les
structures de recherche publique.
•
Développer à l'échelle territoriale les moyens d'accompagnement offerts par les structures
d'appui à l'innovation en matière de veille, de propriété intellectuelle et de conseil juridique
•
Aider les PME éco-innovantes à accéder aux ressources nécessaires pour mener à terme leurs
travaux de maturation technologique pré-commerciale, par exemple en préservant le capital en
fonds propres des PME qui souhaiteraient acquérir de la technologie grâce un système d'achat
de brevets de type location-vente..
III - Le Réseau scientifique et technique (RST) et la Valorisation de la recherche
•
46
Une nécessité pour les politiques publiques et une valorisation pour les organismes
La valorisation et la diffusion de ses travaux de recherche est le meilleur moyen, pour un
établissement scientifique et technique, d’en faire bénéficier les acteurs économiques et les
collectivités publiques, tout en renforçant son image et son rayonnement propres.
Une véritable stratégie de valorisation de la recherche permet de rentabiliser tous les efforts
déployés en matière d’acquisition de connaissances et de compétences au sein d’une collectivité
nationale, au travers d'innovations de toutes sortes, qu’elles soient portées sur un marché ou
intégrées dans des politiques publiques au service de grands enjeux sociétaux (santé, risques,
environnement, transports et ville durables). Le réseau scientifique et technique de notre ministère,
en liaison avec l’ensemble des établissements de recherche et d’enseignement supérieur de notre
pays, doit évidemment être pleinement partie prenante de cette stratégie.
Il faut, dans cette perspective, dynamiser la gestion des brevets et des savoir-faire. Or, la plupart des
établissements du RST détiennent un portefeuille de brevets et un ensemble de savoir-faire
insuffisamment exploités, faute de disposer des compétences "commerciales" nécessaires pour une
promotion efficace de ce patrimoine, même s’il y a, bien entendu, des exceptions remarquables à
cette règle.
L’effort de mise en réseau des établissements du RST du MEEDM devrait, à mon sens, conforter le
gisement d’innovations qu’ils représentent et permettre une véritable valorisation de leur capacité
de recherche, d’expertise et de créativité.
Cette exigence constitue un noyau dur pour la stratégie des pouvoirs publics, comme le soulignent
les COB et les contrats de performance signés ces derniers mois. Dans la même direction, la
commission européenne a d’ailleurs publié un document de recommandation (C(2008)1329),
précisant que l'engagement des organismes de recherche publique dans la gestion de la PI est
primordiale pour exploiter les résultats de la recherche sur le plan socio-économique.
•
Le brevet, instrument de valorisation et outil de développement de l’innovation
Vous avez été nombreux à souligner aujourd’hui que le brevet est un outil juridique qui permet de
reconnaître la propriété en conférant un droit sur l'exploitation : il permet ainsi à la fois de protéger
les résultats de la recherche et de favoriser leur transfert vers l'industrie. Il donne aux inventions une
forme valorisable. C'est un outil de compétitivité et un levier pour l'innovation.
Cependant, l'important n'est pas tant de déposer des brevets que de s'entendre entre inventeurs et
exploitants, pour optimiser le transfert de technologies de manière à :
− diminuer de façon drastique le nombre de brevets dormants, un brevet ne prenant de la valeur qu’à
l’occasion de sa mise en oeuvre
− apporter aux industriels des solutions adaptées.
La détention d'un brevet permet de créer ou de sécuriser une nouvelle activité (essaimage), ce qui
est en général plus efficace, en terme de compétitivité et d'emploi, que la cession de licence. Le
brevet est aussi un moyen de solidifier des partenariats dans une logique gagnant-gagnant : il doit
dans ce cas être complété par un contrat spécifiant les conditions d'exploitation, qui concrétise un
projet commun pour les parties intéressées ;
Il faut donc penser « global » : l'important est d'optimiser le transfert de la recherche au marché, de
permettre aux acteurs économiques d’accéder aux résultats de la recherche et de les exploiter pour
créer de la valeur.le brevet est donc une condition nécessaire, parce qu’il ouvre la possibilité de
valoriser le résultat de la recherche , mais pas suffisante, et un un accord de collaboration doit
spécifier les conditions de la valorisation.
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La détention de brevets par les organismes publics est un moyen efficace de veiller à leur
exploitation optimale avec un double objectif :
− protéger et privilégier certains acteurs vertueux, au regard des conditions d'exploitation
− réduire le nombre de brevets non exploités, au regard de la stratégie d'entreprise
− simplifier l'ouverture sur d'autres domaines d'application.
Ainsi, loin de constituer un facteur de blocage, et dans un contexte d'innovation ouverte et de
collaboration public-privé, la prise en compte croissante de la PI par les acteurs de la recherche
publique devrait permettre au contraire un déploiement plus efficace et plus large des résultats de
ses travaux sur le marché. Elle est ainsi indispensable.
IV - L’Emprunt national, le Fonds national de valorisation et le réseau des
Instituts Carnot
Je rappelle que, parmi les grandes mesures de l’emprunt national, dont les grandes lignes ont été
fixées par le Conseil des ministres du 20 janvier 2010, figure le projet de création d’un Fonds
national de valorisation (1 Md€), pour favoriser l’exploitation de brevets sous forme de licences par
la recherche publique française, grâce à de meilleures interactions entre les acteurs du secteur public
et du secteur privé. Ce fonds permettra, en effet :
− majoritairement, un financement sur appel à projets de sociétés de valorisation regroupant toutes
les forces des grands pôles universitaires (dotation en en fonds propres) ;
− minoritairement, le renforcement des filiales de valorisation des organismes de recherches
nationaux.
Je ne voudrais pas terminer mon propos sans souligner le rôle joué par les 33 Instituts Carnot, aussi
bien au sein du monde universitaire, dans les PRES et les opérations Campus, que dans les pôles de
compétitivité et les différents clusters industriels, pour développer des partenariats de recherche
avec les acteurs socio-économiques, grandes entreprises, PME, « start-up » et collectivités
territoriales, et favoriser les transferts de technologies.
Ce réseau, qui représente 12% des effectifs de la recherche publique, est structuré en en
thématiques (Bâtiment, Urbanisme, Transports, Energie, Eau, Déchets), et en alliances (TIC-MNT,
MécaMat§Pro, Transport terrestre, Construction durable), assure aujourd’hui 45% de la recherche
partenariale conduite dans les laboratoires et financée par les entreprises dans notre pays.
Il offre, comme le réseau scientifique du ministère du Développement durable, une illustration
probante des effets positifs de l’interdisciplinarité, de la transversalité et de l’ouverture sur les
porteurs de projets, entreprises et collectivités territoriales, pour la valorisation de la recherche et
de l’innovation publiques.
Pour conclure, je voudrais simplement souligner que, grâce à des politiques déterminées des
pouvoirs publics, nous avons aujourd’hui à notre disposition des outils à la fois nombreux et
pertinents, pour permettre la valorisation la plus optimale de la recherche publique au service de la
création de valeur.
Mais, le plus important, me semble-t-il, est de favoriser la prise de conscience croissante, par la
communauté des chercheurs, du caractère essentiel de cette dimension de leur activité, et du fait
qu’elle constitue un facteur fondamental de compétitivité et de croissance pour un développement
économique et social durable de notre pays.
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Jean-René BRUNETIERE
Nous remercions les organisateurs de ce séminaire ainsi que les intervenants.
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