MGS ROOH Chapitre 3

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MGS ROOH Chapitre 3
écrit par Sunwalker
d'après une histoire et des personnages crées par Hideo Kojima
Texte distribué gratuitement sur www.suniverse.fr
Metal Gear Solid : Rise Of Outer Heaven est une oeuvre relevant de la fanfiction réalisée bénévolement. Ce texte est sous lisence Creative Commons
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A 30 000 pieds, le taux d'oxygène est trop faible si bien que, sans l'équipement approprié, un
parachutiste a tôt fait de perdre connaissance. Et, à cette altitude, rien de plus dangereux que de piquer
ce genre de roupillon forcé. Personne pour contrôler l'altimètre ni déclencher l'ouverture de votre voile.
En général ça finit mal.
Avec un casque à oxygène, c'est une autre histoire. Vous entendez le vent siffler tout autour de vous
alors que vous fendez l'air et vos vêtements se plaquent contre votre peau. Et vous avez froid, très
froid. Les bras écartés vous réduisez votre vitesse de chute en présentant une plus grande surface de
résistance à l'air. Coller les bras le long de votre corps diminue la friction et vous fait descendre encore
plus vite.
Le principe du saut HALO remonte aux années 50. Il consiste à larguer un homme correctement
équipé à une altitude suffisamment élevée pour permettre à l'avion de voler au-dessus de la zone
d'engagement des missiles sols-airs de l'ennemi. S'ensuit une chute libre de moins de trois minutes puis
le parachute est ouvert à très basse altitude. Cette méthode extrême permet en outre d'éviter la
détection radar et rend possible l'infiltration, en toute discrétion, de soldats derrière les lignes ennemis.
Pour Solid Snake ce saut HALO avait tout de la routine tant il était entraîné à l'exercice. Chutant à
une vitesse proche des 200 km/h, il s'était déjà dangereusement rapproché du sol. Il écarta ses membres
pour ralentir la chute et jeta un oeil à son altimètre.
350 m.
En théorie ça devrait suffire à passer sous la couverture radar. Snake tira la poignée qui battait contre
sa poitrine. Le parachute s'ouvrit, la voile se déplia et il réduisit brusquement sa vitesse à 50 km/h.
Durant un instant, il eut le souffle coupé par les sangles de son harnais.
Snake balaya la cime des arbres de la jungle vers laquelle il descendait. Il lui fallait trouver rapidement
une zone un peu plus dégagée. Finir sa chute dans les branches traîtres d'un arbre était particulièrement
déconseillé. Il risquait de s'empaler bêtement et cela mettrait un terme à sa mission. A sa vie aussi, par
la même occasion.
Plus que 100 m.
Il avisa une trouée parmi des feuilles sur la gauche de son point de chute actuel. Manipulant les
commandes de sa voile, il vira dans la direction souhaitée pour se placer au-dessus de sa cible. C'est ce
moment précis que choisit le vent pour se lever. Une violente bourrasque le fit tournoyer quarante
mètres plus loin.
30 m.
Il avait beau tirer de toutes ses forces sur les cordes, impossible de rejoindre la zone choisie. Il allait
devoir faire avec. Snake se plia en deux autant que le lui permettait son matériel, replia les jambes sous
sa poitrine, attrapa les fixations des sangles de son harnais et se prépara au choc.
Il toucha les premières branches à 20 km/h et disparut sous la couverture de feuilles. Il tenta autant
que possible d'éviter les branches qui s'enchevêtraient devant lui, poussa sur ses bottes contre les plus
grosses pour se glisser dans les passages les plus sûrs. Après s'être enfoncé de cinq ou six mètres sous la
cime des arbres, il tira brusquement sur les fixations de son harnais et s'en débarassa rapidement. Audessus de lui, la voilure venait tout juste de se coincer dans les branches.
La chute continua. Il se prit un fouillis de branches fines en pleine figure mais eu le réflèxe de s'y
accrocher un instant avec ses gants. Les branches lui restèrent presque aussitôt dans les mains mais elles
ralentirent néanmoins sa descente éperdue.
Une énorme branche se profila soudain. Snake eut le réflexe de se mettre de biais pour tenter de
l'éviter. Une violente douleur lui vrilla soudain l'épaule droite mais il n'eut pas le temps de s'en
préoccuper davantage. Un passage s'ouvrait dans les branchage. Snake se mit en boule pour se glisser à
l'intérieur.
Il toucha violemment le sol de terre, roula sur son épaule meurtrie et finit sa course dans des
buissons. Le souffle court, une douleur lancinante dans le bras, il tenta de se relever mais sa tête lui
tournait tellement qu'il s'écroula de nouveau.
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Snake patienta cinq minutes, allongé au sol, le temps de reprendre ses esprits puis il s'assit lentement.
Toujours un léger bourdonnement mais le vertige s'était calmée. De sa main gauche, il défit son casque
et l'envoya rouler plus loin puis retira sa bouteille d'oxgyène, l'altimètre fixé à son poignet et ses épais
gants et fit jouer les articulations de ses doigts engourdis par le froid. Il jeta alors un oeil à son épaule.
Pas de traces d'hémorragie, ni de fracture ouverte. Ca n'était peut-être pas si grave.
Il lui fallut quelques minutes pour retirer son gilet tactique et ouvrir sa veste de treillis, tout en
serrant les dents sous l'effet de la douleur. Un large hématome violet couvrait déjà son épaule. Avec
prudence et expérience, il parcourut la zone avec ses doigts, fit pression aux endroits clés pour analyser
l'étendue des dégâts. Il en conclut qu'il s'était juste foulé l'épaule. Ca faisait mal quand il bougeait le bras
et il allait devoir tenter de se ménager dans les prochaines heures pour ne pas aggraver la situation mais
il devrait être d'attaque pour la mission.
Snake remit son équipement et se leva avec prudence. Il tituba quelques pas mais retrouva son
équilibre. Après avoir planqué son équipement de saut dans le tronc d'un arbre mort, il leva les yeux
vers le passage qu'il venait d'emprunter à travers les branches pour arriver ici. Le sac de son parachute
pendait dans les branchages et la voilure camouflage était littéralement invisible parmi l'épais feuillage.
Pas besoin de cacher ce matériel-là.
Snake alluma sa radio et la régla sur la fréquence 120.85. Le grésillement dans son oreillette le rassura
sur l'état de fonctionnement de l'appareil de communication.
― Ici Snake, répondez.
― Tu en a mis du temps, répondit Big Boss. Tu as eu des problèmes ?
― J'me suis fait un beau bleu à l'épaule à l'atterrissage. Ca tire un peu mais j'ai rien de cassé.
― Tant mieux. Fais très attention à partir de maintenant. Tu es en territoire ennemi et tu risques de
tomber sur des patrouilles du GLF ou d'Outer Heaven. Ta présence ne doit pas être remarquée. Evites
les routes et les chemins trop dégagés. Et n'oublie pas aussi qu'à part ta radio tu n'as aucun équipement.
Tu devras te servir directement auprès de l'ennemi.
― Vous auriez au moins pu me laisser emmener des clopes, remarqua Snake.
― Pour ça aussi il faudra te débrouiller. Si tu n'as pas trop dévié de ta cible, tu devrais être à environ
dix kilomètres de Galuade. La forteresse est construite dans une région plus montagneuse que celle
dans laquelle tu te trouves. Ca devrait monter un peu en chemin. Il va faire nuit d'ici une heure. Essaie
de couvrir le plus de distance possible tant que tu y vois et sois plus prudent la nuit. Pour l'instant
dirige-toi vers le nord. Bonne chance, Snake. Terminé.
Et Big Boss coupa la communication. Guidé par la position du soleil déclinant à l'horizon, Snake
s'orienta plein nord et s'avança à travers les arbres. Contrairement à ce qu'il imaginait, il ne faisait pas si
chaud que ça en Afrique du Sud et un vent glacé agitait les branches de la jungle. C'était sûrement dû à
l'altitude de la région. Avec la nuit qui arrivait, ça n'allait pas s'arranger.
Après quarante minutes de marche, Snake estimait avoir parcouru environ quatre kilomètres. Le
soleil avait finalement disparut plus tôt que prévu à l'horizon et le soldat avançait bien plus lentement
maintenant, guettant le moindre bruit suspect parmi l'activité sonore de la jungle composée d'insectes et
d'animaux jusque-là invisibles. Le ciel était dégagé et la lune éclairait suffisamment à travers l'entrelacs
du feuillage pour qu'il puisse voir où il mettait les pieds.
Un ronflement de moteur se joignit à la cacophonie de la nuit. Snake se jeta aussitôt à terre et resta
le plus immobile possible. Quelques secondes plus tard, des phares percèrent l'obscurité et deux jeeps
venant du nord passèrent à vingt-cinq mètres de sa position pour disparaître dans la nuit.
Snake se mit en position accroupie et s'avança vers la voie empruntée par les véhicules. C'était un
chemin de terre juste assez large pour circuler dans un sens uniquement. La route amorçait une légère
courbe mais courait globalement vers le nord. Cette route devait certainement mener à la forteresse
d'Eguabon.
Comme le lui avait conseillé Big Boss, il s'enfonça à nouveau dans la jungle, à vingt mètres de la
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route, mais décida d'avancer parallèlement au chemin de terre. En faisant cela, il arriverait sans doute à
rejoindre sans se tromper son objectif.
Snake longea la route pendant trois kilomètres ce qui lui prit près d'une heure. Durant ce délais il n'y
eut aucune autre patrouille motorisée qui passa à proximité. Le soldat se figea tout à coup. Il croyait
avoir entendu quelque chose mais, quoi que ce soit, le bruit ne se répêta pas. Pourtant, un
bourdonnement régulier cognait dans sa nuque et le long de sa colonne vertébrale. Ses sens s'affinèrent
brusquement alors que l'adrénaline affluait dans ses veines. C'était le genre de sensation que n'importe
quel soldat développait naturellement au combat. Une sorte de sixième sens pour l'alerter d'un danger.
Il y avait quelqu'un dans les parages. Snake en était sûr. Il resta en position et s'accroupit subitement
avant de balayer les alentours pour tenter de capter un mouvement. Quelque chose bougea sur sa
gauche avant de disparaître derrière un tronc.
Rapidement, Snake s'élança en silence vers l'arbre. Le temps qu'il y parvienne le canon d'une arme
automatique était apparut de l'autre côté de l'arbre. Snake attendit une seconde, le temps que le porteur
de l'arme entre dans son champs de vision, puis il tapa violemment sur le canon du fusil. Surpris, son
porteur laissa échapper son arme. Snake bondit pour se placer devant l'ennemi. Le fusil achevait sa
rotation en l'air quand il s'en saisit et donna un coup de crosse dans l'estomac de l'autre qui tomba a
genoux en poussant un cri aigu. D'un mouvement du poignet Snake fit tourner l'arme dans la bonne
position et l'épaula pour viser l'ennemi.
A la clarté bleutée de la lune, il vit qu'il s'agissait d'une jeune fille. Même pas 20 ans. Elle levait vers
lui deux yeux l'implorant d'épargner sa vie. Elle n'était pas un soldat.
― Bouge pas !
Par réflexe, Snake se tourna vers la voix toute proche. Il eut à peine le temps de distinguer la
silhouette longiligne d'une autre personne qu'il recevait un violent coup de crosse à l'arrière de la tête.
Pour commencer, il avait mal à la tête. Une migraine carabinée. Il sentait le sang qui battait
violemment à ses tempes et sa tête lui tournait tellement qu'il crut qu'il allait vomir. Puis il essaya de
bouger. Malgré tous ses efforts, aucun de ses muscles ne voulait répondre. Est-ce qu'il était paralysé ?
Est-ce qu'il était mort ?
Après une longue minute de combat contre son propre corps, Snake parvint à entrouvrir les yeux.
Une lumière aveuglante lui brûla la rétine, venant ajouter plus d'intensité à la douleur qui faisait rage à
l'intérieur de son crâne. Il resserra vite les paupières et tenta de bouger de nouveau sans succès. Il
tourna lentement et non sans douleur la tête sur le côté et ouvrit à peine les yeux. Pas de lumière cette
fois-ci même s'il sentait la chaleur de l'éclairage sur sa joue gauche.
Il remarqua qu'il était assis à même la terre et que son bras droit était retenu dans son dos. Il ferma
les yeux et tourna la tête de l'autre côté en serrant les dents alors que la douleur était ravivée par son
mouvement. Quand il souleva de nouveau ses paupières, il découvrit que la lumière venait de la droite,
autrement dit, la source de cet éclairage d'enfer était placée en face de lui. Son autre bras était lui-aussi
replié dans son dos. Ses idées s'étant considérablement éclaircies depuis son réveil, il analysa
suffisamment la situation pour déterminer qu'il était attaché solidement, adossé à un support dur et
rèche. Il n'était pas mort non plus. Si c'était le cas, il ne souffrirait pas autant. C'était pire que ça : il était
prisonnier.
Une ombre se plaça devant lui, masqua partiellement la lumière.
― J'espère que tu t'es bien reposé, espèce de salaud parce que t'es en enfer !
La voix était sèche et méprisante. Snake se tourna pour regarder la personne qui s'était placée devant
lui. A voir ses contours dessinés devant la lumière et compte tenu du timbre particulier de sa voix,
Snake compris qu'il s'agissait d'une femme. En contre-jour il lui était impossible de distinguer ses traits.
La femme s'avança vers lui et lui colla son pied dans l'estomac. Snake eut un haut-le-coeur mais
réussit à contenir la nausée alors que la douleur persistait dans son abdomen.
― Tu vas payer pour tout ce que tu nous as fait, mon salaud.
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Mais de quoi parlait cette femme ? Il venait juste d'arriver. Où était-il d'ailleurs ? Il tenta de parler
pour informer l'autre de sa méprise mais ne parvint même pas à entrouvrir la bouche. Profitant de la
luminosité atténuée par la présence de la femme, il remarqua que de la toile faisait office de murs et de
plafond pour la pièce dans laquelle il se trouvait. Il était dans une tente. Il y eut un bruit de frottement
et l'ombre de la femme se tourna aussitôt vers l'entrée de la tente.
Une autre forme venait de faire son apparition.
― Alors le voilà, dit l'homme. On vient juste de me prévenir. (il se tourna vers la femme.) Tu ne l'as
pas trop amoché, j'espère.
― Juste ce qu'il faut pour lui remettre les idées au clair.
― Eteins-moi cette lumière, tu veux.
Elle obtempéra. Il fallut au moins deux minutes à Snake pour accommoder suffisamment et
distinguer les traits du visage de l'homme qui s'était accroupi à un mètre de lui et l'observait
attentivement. L'homme devait avoir la trentaine, les cheveux blonds mi-long et de grands yeux bruns.
Il portait un haut de treillis camouflage ouvert sur un T-shirt blanc et un pantalon beige qui tombait sur
des chaussures de randonnées. Pas vraiment un uniforme de soldat.
― Tu m'entends, soldat ? Demanda-t-il.
Snake acquiesça avec difficulté et fut pris d'une quinte de toux en tentant de parler.
― Va chercher de l'eau, ordonna son interlocuteur.
La femme quitta la tente puis réapparut quelques secondes plus tard avec un gobelet. L'homme
s'approcha un peu plus et fit boire Snake avant de reprendre sa position.
― Tu es l'un des mercenaires d'Outer Heaven.
Snake secoua la tête.
― Vraiment ? Alors, qui es-tu ? Le GLF ne compte que des natifs dans ses rangs et je doute que tu
sois venu ici pour le paysage. On m'a dit que tu t'étais défendu avant ta capture et plutôt bien même. Tu
es donc un soldat.
― Pas... Outer Heaven...
― Alors qui t'envoie ?
― CIA.
L'homme écarquilla les yeux, incrédule. Pendant un instant, il semblait ne plus savoir quoi dire puis
un sourire amusé se dessina sur son visage.
― La CIA ? Tu vas me faire croire que t'es un agent de la CIA ? Le genre d'agent secret surentraîné
que rien n'arrête ? Comme les héros dans les films ? En général, ce genre de type est aussi invisible
qu'un fantôme, une fois sur le terrain. Comment ça se fait qu'on aie réussi à te chopper dans ce cas ?
Snake ne sut quoi répondre. L'homme se releva et dégaina un pistolet qu'il pointa sur le front de
Snake.
― Très bien monsieur Outer Heaven. Un dernier mot ?
Snake fut brusquement prit de panique et retrouva toute sa lucidité en un instant.
― Vous... vous êtes la résistance ? Demanda-t-il.
― Ca c'était facile à deviner. (il bascula le cran de sûreté.) On t'as envoyé pour nous localiser ? Tu as
perdu le reste de ton groupe ? Remarque vu tes compétences, ça ne m'étonnerais même pas. Pourquoi
tu n'es pas partis avec les autres, non plus ?
Ne sachant quoi répondre, Snake décida de tenter le tout pour le tout. Il ne savait pas s'il était
prudent de donner trop de détails sur sa mission mais il n'avait pas vraiment le choix.
― McBride m'envoie.
― Qui ça ?
― Le directeur de la CIA. Ici, en Afrique du Sud.
― 'Connais pas, répliqua l'autre. Autre chose ?
― J'ai vu les photos. Celles où on voit les soldats d'Outer Heaven.
― Tant mieux pour toi.
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― Celles où on voit les caisses de têtes nucléaires.
Le sourire de l'homme disparut et il abaissa lentement son arme. Voilà qui semblait le faire réagir.
― Qui t'as parlé de ces photos ? McBride ?
― Oui. On m'a envoyé ici à cause de ça. Vous devriez aussi penser à changer de photographe, vous
savez.
― Les photos floues...
L'homme remit son arme en place et s'avança vers la table posée sur le côté. Il présenta à Snake la
radio qu'ils lui avaient retirée.
― Dis-moi comment contacter ton supérieur.
― Fréquence 120.85.
L'homme régla la fréquence et quitta la tente avec la radio. La femme qui était restée là ne quittait
pas Snake des yeux. Les bras croisés, elle se mordait la lèvre comme pour se retenir de le frapper de
nouveau. Avec son chef dans les parages, elle jugeait sans doute plus sage de ne pas le toucher.
Après cinq longues minutes, l'homme refit son entrée dans la tente, la radio à la main.
― Détaches-le, ordonna-t-il à la femme.
Elle marqua un temps d'arrêt, le questionna du regard pour s'assurer qu'elle avait bien compris sa
directive. Il l'invita à se presser d'un geste. Elle se baissa près de Snake et détacha les liens qui
maintenaient ses bras dans le dos puis se releva d'un bond et s'éloigna de quelques pas la main sur la
crosse du pistolet attaché à sa cuisse.
L'homme donna la radio à Snake.
― Il veut vous parler.
On pouvait dire que la mission avait plutôt mal commencé. Après son arrivée catastrophique, voilà
qu'il se faisait capturer par des résistants sans aucune expérience militaire ou presque et risquait même
d'être tué. Pour un début à Fox-Hound, il n'était pas vraiment à la hauteur de l'excellence requise dans
l'unité. Il avait fallut que Big Boss vienne à son secours pour le sortir de ce pétrin. En espérant que ce
contre-temps n'allait pas compromettre la mission.
Snake se massa les poignets et s'étira longuement avant de soulever le pan de tissus qui faisait office
de porte. Il faisait toujours nuit dehors et la forêt était plus dense et plus rocailleuse qu'auparavant. Le
chef de la résistance attendait devant la tente. L'air gêné, il s'approcha de lui, tête baissée, comme un
enfant qui a fait une bêtise et vient de se faire gronder.
― Je vous présente toutes mes excuses pour vous avoir aussi mal traité mais je croyais avoir affaire à
un ennemi. Y a pas beaucoup de gens dans la région qui nous viennent en aide. (il lui tendit la main et
se présenta :) Kyle Schneider.
Snake hésita une seconde mais lui serra malgré tout la main en signe de réconciliation, pour lui
montrer qu'il acceptait ses excuses. A sa place il aurait sans doute agit de la même manière pour
protéger les siens.
― Solid Snake, se présenta-t-il.
― Voilà notre campement, fit Schneider en désignant le décor autour de lui.
Le campement se résumait à une quinzaine de tentes de tailles, de formes et de couleurs diverses
disposées un peu partout dans cette zone boisée. Quelques feux brûlaient ici ou là et une poignée de
résistants, en armes pour la plupart, jetaient à Snake des regards méfiants.
― Nous ne sommes plus que soixante-trois. Pour la plupart des fermiers chassés de leurs terres dans
la violence et le sang par les hommes d'Eguabon. Certains d'entre nous ont suivi une formation
militaire accélérée à l'étranger. Il faut pouvoir riposter à armes égales si on est attaqués. J'ai suivi l'une de
ses formations et, avec quelques autres, j'ai formé ce mouvement de résistance anti-GLF.
Snake traversa lentement le camp, observant les installations et les activités de chacun. Une grande
partie des regards étaient posés sur lui pour le surveiller. Les résistants ne devaient pas avoir beaucoup
de visites extérieures non hostiles.
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― Tout ça m'a l'air correct même si c'est assez sommaire. Vous n'avez pas peur d'être repérés par le
GLF avec tous ses feux ?
― Pas d'inquiétude. Nous avons des gens qui patrouillent tout autour du camp dans un rayon d'un
kilomètre. En cas de mouvement suspect ou de danger, ils nous préviennent et on fait évacuer l'endroit.
― Par quel moyen ? Déplacer autant de monde rapidement n'est pas une mince affaire.
Schneider conduisit Snake une vingtaine de mètres à l'écart du camp, vers une zone dégagée. Une
large rivière coulait calmement à leurs pieds. Le chef de la résistance souleva un filet de camouflage qui
recouvrait un objet massif.
― Il y a huit zodiacs comme celui-ci réparti le long de la berge, expliqua-t-il. Tous avec le plein et des
provisions. En cas d'alerte, il suffit d'embarquer là-dedans et de descendre la rivière.
Les deux hommes regagnèrent le camp.
― C'est l'une des patrouilles qui vous a trouvé, dit Schneider
― Les deux femmes.
― Celle qui vous a malmené, c'est Diane. Elle dirigeait la patrouille en compagnie de Jennifer qui
s'occupe de l'entretien des armes, là-bas.
― Alors elle s'appelle Diane. Sûrement pas une fermière.
― Détrompez-vous. Il y a un an elle travaillait dans les champs et n'avait jamais touché un fusil. Et
puis le GLF est arrivé et a massacré sa famille. Elle en a réchappé de justesse et s'est réfugiée dans la
ferme de son frère qui a été attaquée le mois suivant. Son frère a été fait prisonnier par le GLF. On
ignore s'il est encore en vie mais elle ne désespère pas de la retrouver et rêve de faire payer Eguabon. Sa
détermination en fait un soldat redoutable.
― Et vous, pourquoi vous battez-vous ?
― Ma famille a été tuée, aussi. Beaucoup de personnes ici sont dans mon cas. Vous n'avez pas besoin
de chercher à savoir ce qui les a conduit ici. Tous ont une motivation à toute épreuve. Ils n'ont plus rien
à perdre et n'hésiteraient pas à se sacrifier si nécessaire.
― Voilà qui est plus facile à dire qu'à faire. Une fois devant ce choix, ils peuvent flancher et faire
n'importe quoi. Il n'est pas bon pour un soldat de partir au combat en étant résolu à mourir.
Schneider ne répondit pas mais conduisit Snake vers une tente. L'intérieur était relativement bien
éclairé par une lampe de camping posée sur une table pliante. Une jeune femme blonde aux cheveux
courts attendait les deux hommes, des étuis cylindrique sous le bras. A son regard mauvais et sa manière
de se tenir, Snake reconnut Diane, son comité d'accueil au sein de la résistance.
― Votre chef m'a dit que vous veniez mettre un terme aux agissements d'Eguabon, dit Schneider.
― Et accessoirement empêcher le GLF de déclencher un holocauste nucléaire.
― Et vous comptez y arriver comme ça, grogna Diane. Vous vous prenez pour une armée à vous
tout seul ?
― C'est bien plus discret d'envoyer un homme seul pour renverser un dictateur sanguinaire équipé
d'un arsenal nucléaire, répliqua Snake. On ne peut pas risquer qu'il appuie sur le bouton dans la panique
en cas d'assaut massif. Mon supérieur m'a demandé de travailler avec vous. Vous pourriez me fournir
des renseignements utiles à ma mission. Vous connaissez la région et avez déjà affronté le GLF.
Schneider brandit les étuis que lui donna Diane puis les dévissa et en sortit des documents roulés à
l'intérieur qu'il étala sur la table. Snake s'approcha pour y jeter un oeil. Chaque page contenait tout un
tas de rectangles emboîtés les uns dans les autres recouverts d'annotations et de symboles.
― Des plans d'architecture ? Interrogea l'agent de Fox-Hound.
― Je ne suis pas fermier, répondit le résistant. J'ai dessiné les plans de Galuade. A l'époque c'était
conçu pour être une prison gouvernementale de haute sécurité mais Eguabon l'a quelque peu modifiée
pour en faire une forteresse militaire encore plus imprenable. J'imagine que, dans l'ensemble,
l'agencement général des lieux n'a pas dû trop changer.
― Ca explique pourquoi le GLF vous a pris pour cible. En tant qu'architecte des lieux, vous risquiez
de renseigner leurs opposants.
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Schneider opina et sourit tristement, le regard perdu alors que ses pensées devaient voguer vers sa
famille disparue.
― C'est exactement ce que je m'apprête à faire, reprit-il. Renseigner un opposant au régime.
― Parlez-moi de la forteresse.
Schneider fit glisser un plan d'ensemble sur le dessus de la pile.
― La base est constituée d'un certain nombre de constructions dont deux bâtiments principaux. Le
tout est protégé par une haute muraille en béton d'un mètre d'épaisseur. L'accès à la forteresse se fait
par la porte principale lourdement gardée et surmontée d'une tour.
Schneider posa son index sur le dessin représentant les épais battants de la porte.
― Impossible d'entrer par là, alors. Y a-t-il une autre voie d'accès possible à l'intérieur ?
― Je ne sais pas trop. (il feuilleta rapidement les plans, les tourna, les mis de côté puis en plaça un
devant lui.) Il y a bien le système d'évacuation des eaux usées mais ça n'est pas bien large et ça peut
s'avérer dangereux.
― Comment ça ?
― Suivant les activités à l'intérieur de la base, le niveau de l'eau pourrait monter brusquement. Le
conduit fait tout juste un mètre de diamètre et rejette son eau dans cet affluent de la rivière. De plus ça
n'est pas très sain. Tout est refoulé par là : douches, toilettes et tout un tas d'autres trucs innommables.
Vous risquez de chopper une belle saloperie.
― Y a-t-il un autre moyen.
Schneider parcourut a nouveau tous les plans pendant deux bonnes minutes avant de secouer la tête.
― Désolé. La forteresse a été conçue pour être littéralement imprenable. Eguabon a mis la main sur
un excellent camp de base là-bas. Personne ne peut entrer ou sortit sans être vu.
Snake se pencha sur les plans à son tour et son regard se porta vite sur les tunnels labyrinthiques du
système d'évacuation.
― Dans ce cas, je vais passer par ses égouts.
― Et vous comptez y aller tout seul ? Demanda Diane.
― J'ai l'habitude. On m'a entraîné pour ce genre de mission.
― Je vois ça, railla-t-elle. Vous avez réussi à vous faire attraper par deux fermières dont une gamine.
― J'ai été pris par surprise. Vu ce qui vous motive, n'importe quel soldat surentraîné peut tomber
dans l'un de vos pièges. N'importe quel soldat peut foirer à un moment donné. Je ne suis qu'un homme
après tout. Mais, si je le voulais, je pourrais vous tuer tous les deux et m'occuper du reste du camp sans
éveiller le moindre soupçon.
Cette phrase refroidit significativement l'ambiance et fut suivie d'un silence gêné. Diane avait mis à
nouveau sa main près de la crosse de son pistolet, prête à dégainer au cas où leur invité ne soit sérieux.
― Si je le voulais, reprit Snake rassurant. Je ne suis pas votre ennemi et j'ai besoin de vous autant que
vous avez besoin de moi.
― Il a raison, Diane. Depuis des mois, on est dans une impasse avec le GLF. Nos précédents assauts
se sont avérés désastreux et on arrive à court de provisions. Il faut passer à l'action au plus vite surtout
depuis que les mercenaires sont partis.
― Vous voulez parler d'Outer Heaven ? Demanda Snake. Comment ça ils sont partis ?
― Il y a trois jours, nos patrouilles nous ont signalé de nombreux mouvements de troupes et de
véhicules aux abords de la forteresse. Il y a eut des coups de feux et des morts et apparemment les
mercenaires d'Outer Heaven sont partis. On pensait que vous étiez un retardataire.
― Qu'est-ce qui leur a pris ?
― Personne ne sait. Peut-être un désaccord sur le paiement de leurs honoraires. Ils font ça pour
l'argent après tout.
Snake secoua la tête.
― Vous êtes loin du compte. La plupart des soldats qui bossent pour des compagnies privées le font
pour le danger que ça procure. Le mercenariat vous place plus souvent au front que n'importe quel
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soldat de métier. Du coup ça multiplie les risques de se faire descendre et c'est ça qui leur plaît.
― C'est pour ça que vous faites ça ? S'enquit Diane.
― D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais rien fait d'autre que me battre et faire la guerre. Et
je suis plutôt bon là-dedans, quand je ne me fais capturer et torturer par mes alliés. Honnêtement, je ne
me crois pas capable de faire autre chose, avoua Snake. (puis il se tourna vers Schneider.) Outer Heaven
parti, leurs effectifs sont donc réduits. S'il y a bien eu des frictions avec les mercenaires, ils pourraient
être encore sous le choc de ce qui s'est passé et manquer de vigilance. A quelle distance sommes-nous
de Galuade ?
― La forteresse est à moins de trois kilomètres au nord-ouest. Nous devrions y arriver en longeant la
rivière.
― Il nous faut partir à l'aube. Conduisez-moi là-bas avec un groupe réduit. Deux personnes feront
largement l'affaire. Il me faut des hommes disciplinés, calmes et discrets.
― Je vous accompagnerais, lança Diane.
Snake la jaugea un instant. Pouvait-il vraiment faire confiance à cette femme après la manière dont
elle s'était comportée avec lui ? Ne risquait-elle pas de tout faire capoter ? Remarquant l'hésitation de
Snake, Schneider prit la parole :
― Diane est notre meilleur élément. J'ai toute confiance en elle.
― Pas moi, répliqua Snake, mais nous avons déjà perdu assez de temps. Si vous venez, vous devrez
obéir à toutes mes directives. Ne prenez aucune initiatives et marchez dans mes pas. Je vous laisse le
soin de trouver une autre personne en qui vous avez confiance. Schneider, il va me falloir de
l'équipement. J'ai été largué ici sans matériel et je vais avoir besoin d'armes et de provisions.
― On doit pouvoir vous trouver ça, affirma Schneider.
― Il va aussi falloir que j'étudie les plans de ce conduit. J'ai déjà fait assez d'erreur au Gindra. Il ne
manquerait plus que je me perde dans ce labyrinthe. Une fois à l'intérieur de la forteresse je
provoquerais une diversion et vous n'aurez plus qu'à donner l'assaut.
Schneider frappa du poing sur la table et un sourire carnassier s'inscrit sur son visage.
― On va pouvoir enfin passer à l'action ! Une dernière chose, Snake. Eguabon est à moi.
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