Chasser les risques de façon intelligente

Transcription

Chasser les risques de façon intelligente
P o i n t
d e
v u e
Jean-Claude Lebel et Jean-Pascal Plamondon
Chasser les risques
de façon intelligente
R
écemment, nous avons vu
dans les médias les dégâts
causés par les catastrophes
naturelles, notamment les violents
orages au Québec, les pluies
torrentielles en Ontario, les
inondations en Alberta ainsi que
les tornades en Oklahoma, où
trois chasseurs de tornades
connus ont perdu la vie. Les
chasseurs de tornades affirment
qu’ils peuvent anticiper l’évolution
des tornades, et qu’ils sont donc
en mesure de se positionner du
côté sécuritaire de la tempête.
Malgré tout, ils se mettent en
danger et, parfois, même la
meilleure planification échoue.
On pourrait établir certains parallèles avec les investisseurs.
Ceux-ci font face à des risques exogènes, c’est-à-dire des risques
hors de leur contrôle, mais qu’ils pourraient atténuer. Si le risque
est activement recherché, il faut des outils pour l’évaluer et le gérer
afin d’en amenuiser l’effet sur les pires scénarios.
Par le passé, les investisseurs se sont appuyés sur des outils de
modélisation actif-passif pour choisir une stratégie de répartition
de l’actif qui réponde à leurs objectifs de rendement, tout en
présentant le moins grand nombre d’enjeux prévisibles (ou valeur
au risque). Bien qu’ils s’avèrent utiles, les modèles actif-passif ne
constituent qu’un outil de plus pour comprendre le risque et ses
effets potentiels. La prémisse fondamentale de nos chasseurs de
tornades est que leurs systèmes de modélisation pourraient être
erronés. Ainsi, lorsqu’ils chassent une tempête, ils se placent à une
intersection, de façon à disposer de quatre stratégies possibles pour
pouvoir quitter les lieux avec le moins de dommage envisageables.
De la même façon, les investisseurs ont développé d’autres outils
quantitatifs de gestion des risques. Il n’est pas rare que ces
spécialistes analysent la valeur à risque conditionnelle (la moyenne
des pires résultats), afin de comprendre à quel moment une
situation commence à se gâter, l’ampleur que cela peut atteindre, et
s’ils peuvent ou non résister à des scénarios défavorables. Les
investisseurs effectueront également des tests de sensibilité,
comportant divers environnements économiques, pour mieux
comprendre les résultats possibles d’une répartition de l’actif
donnée. Ceux qui disposent de systèmes de suivi et d’un modèle de
gouvernance solides opteront peut-être pour surveiller certains
facteurs de risque et adapter leur répartition d’actif en conséquence.
Alors que les chasseurs de tornades se stationnent à
l’intersection de deux routes pour avoir plus de choix quand la
tornade frappera, les investisseurs n’ont pas l’option de stationner
26 / Septembre 2013 •
un portefeuille et doivent le gérer
activement de façon continue.
Y a-t-il une mesure similaire
destinée aux investisseurs afin de
s’assurer du même degré de
protection et de flexibilité ?
L’une des mesures possibles
réside dans l’ajout de la diversité à
la répartition de l’actif, c’est-à-dire
d’établir un portefeuille en
fonction de plusieurs primes de
risque et de rendement. La prime
de risque liée aux actions en
constitue une, mais ne devrait pas
être la seule. D’autres primes de
risque d’un portefeuille diversifié
pourraient comprendre le crédit, la
liquidité, l’inflation, la durée, la
devise et le talent. Cela signifie qu’il faut établir un portefeuille qui
inclut non seulement des actions et des obligations, mais également
des sources de crédit non traditionnelles, des actifs réels (immobilier,
infrastructure, bois d’œuvre, agriculture), diverses stratégies de
couverture, et des stratégies de rendement absolu. Il n’est peut-être
pas possible de prévoir tous les résultats potentiels, mais en ajoutant
d’autres sources de risque et de rendement, on accroît la probabilité
d’atteindre ses objectifs et d’obtenir des résultats positifs dans la
plupart des marchés et des environnements économiques.
Étant donné l’immense étendue de la trousse des outils potentiels
et son utilisation nécessitant beaucoup de temps et d’efforts, les
investisseurs doivent faire un choix. Une façon de prendre la décision
la plus sensée consiste à déterminer si le portefeuille est géré dans
l’optique d’un résultat attendu ou des pires résultats possible. Comme
l’illustre l’exemple des chasseurs de tornades décédés en Oklahoma,
même les plus expérimentés peuvent se tromper et subir des
conséquences extrêmes. Les investisseurs devraient donc concentrer
leurs efforts sur les catégories d’actif qu’ils comprennent bien. Pour y
arriver, les sessions d’information et d’éducation généralement offertes
par les gestionnaires,les associations ou les conseillers en investissement
représentent des forums de premier choix pour tous les investisseurs,
et plus particulièrement pour les membres de comités de retraite.
Jean-Pascal Plamondon, FiCA, FSA
Conseiller en investissement chez
towers Watson
Jean-Claude Lebel, CFA, FiCA, FSA, FRM, M.Sc.
Conseiller en investissement chez towers Watson

Documents pareils