Confusion dans les obligations et dépôts à terme
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Confusion dans les obligations et dépôts à terme
Confusion dans les obligations et dépôts à terme 25 février 2005 Paul Dontigny jr., Investissements PDJ C’est la fin de la période des REER et la plupart des gens ont donc révisé la performance de leur portefeuille 2004 dans le but de faire des choix judicieux pour l’année 2005. Probablement que la première question posée concerne le choix de répartition d’actifs: actions ou obligations? Ou peut-être un peu des deux pour diversifier… Aujourd’hui, je fais le point sur les obligations et autres titres à revenu fixe parce qu’il semble y avoir confusion totale chez le public en général et malheureusement, confusion aussi chez beaucoup de «conseillers». Le domaine des titres à revenu fixe est très complexe même si on n’en entend pratiquement jamais parler dans les médias. Ce marché comprend les obligations gouvernementales municipales, provinciales et fédérales; les obligations corporatives émises par les compagnies inscrites en bourse; les actions privilégiées; et les dépôts à terme. Notez que les titres de fiducies (income trust) ne font pas partie de la classe des titres à revenu fixe, car leur distribution (dividendes) n’est pas garantie. Les fonds communs ne font pas partie de la classe des revenus fixes non plus, même ceux qui investissent exclusivement dans les titres à revenu fixe et j’expliquerai pourquoi un peu plus loin. Qu’est-ce qu’un titre à revenu fixe? C’est un titre qui offre des intérêts ou dividendes dont le taux est fixé lors de l’achat du titre et qui garantit aussi le remboursement du capital à l’échéance du titre. Il est très important donc de savoir qui garantit les intérêts et le capital. Toute entité peut faire faillite ou effectuer une restructuration financière. Ainsi, les obligations d’Air Canada, de la Russie et de l’Argentine ont toutes subi le même sort: les détenteurs d’une obligation de 1000$ ont dû accepter d’échanger ces obligations pour des nouvelles obligations à échéance plus longue et à capital réduit, soit entre 200$ et 400$. Une perte de 60% à 80% avec en plus des taux d’intérêt annuels réduits. C’était ça ou la faillite et une perte de 100%. Je veux maintenant parler des obligations gouvernementales et les dépôts à terme. Quels sont les risques de tels placements? Il y a plusieurs types de risques. Il y a bien sûr le risque de faillite de l’émetteur. Ce risque est près de zéro au Canada, car notre système bancaire est extrêmement solide. C’est l’avantage d’avoir des banques extrêmement profitables et un gouvernement qui garantit 60 000$ pour chaque compte bancaire. Le risque de ne pas se faire payer les intérêts ou le capital est donc négligeable. L’autre risque reconnu est le risque de réinvestissement. Si on achète une obligation ou un dépôt de deux ans, nous risquons de devoir réinvestir à faible taux dans deux ans. Ce risque s’est réalisé depuis 20 ans puisque les taux ont baissé presque chaque année. Ce risque n’est pas un risque de perte, mais plutôt un risque de coût d’opportunité. Le troisième risque est relié à la liquidité des titres. Les dépôts à terme sont non encaissables avant échéance. Pour les obligations qui se négocient sur le marché obligataire par votre courtier, le risque est que l’on ne peut revendre l’obligation qu’au prix du marché. Or, ce prix peut fluctuer beaucoup, selon les fluctuations de taux d’intérêt. Quand les taux au marché montent, le prix de l’obligation en portefeuille baisse et vice versa. J’ajouterais deux types de risque qui sont beaucoup moins discutés. Le risque des coûts de transaction et le risque de mauvaise information concernant les caractéristiques des différents types d’obligations et dépôts. Le marché obligataire n’est pas comme celui des actions, c’est-à-dire un marché centralisé où toutes les commandes sont acheminées dans le système d’une bourse centrale. Tous les acheteurs et vendeurs peuvent ainsi comparer le prix auquel ils veulent acheter ou vendre sans connaître l’identité de l’acheteur ou du vendeur. Lorsque vous achetez une obligation, vous l’achetez directement de l’inventaire de votre courtier ou de votre banque. Le service institutionnel qui transige par millions est rémunéré indirectement en achetant une forte quantité (par exemple, 10 millions à 5%) et en offrant par le biais des courtiers au détail des petites tranches à un taux différent (par exemple, 8 000$ à 4,9%). Ensuite, le représentant ou courtier au détail (conseiller) a droit à une commission de base et il peut aussi négocier une commission avec son client ultime… vous. La plupart des gens ne savent même pas qu’il y a des commissions payées sur les obligations : on leur dit habituellement « le taux de rendement est le taux net à vous ». Pour ce qui est des nouvelles émissions d’obligations, la commission est payée par l’émetteur et le taux n’est pas négociable. Il faut donc être très vigilant dans les deux cas et « magasiner » les taux. Mais cela est difficile, car dans nos comptes REER on est plutôt captif à cause de la complexité et des délais pour transférer d’un courtier à un autre. Le risque de confusion concernant les caractéristiques de l’obligation ou dépôt acheté est probablement le plus sournois. Il y a une quantité inquiétante de caractéristiques méconnues autant du public que de certains conseillers ou distributeurs. La différence entre les obligations et les dépôts à terme est simple : les obligations peuvent être transigées à leur valeur au marché en tout temps alors que la seule façon d’encaisser un dépôt à terme avant échéance est de mourir. À part l’ignorance, il n’y a donc absolument aucune raison de vouloir acheter un dépôt à terme… à moins que le rendement soit nettement supérieur. Aujourd’hui, le taux d’un dépôt à terme de 5 ans d’une des grandes banques est de 3,88% (tel qu’annoncé sur son site Web). Avec la commission typique du client au détail, le rendement est de 3,68% si on l’achète par sa filiale de courtage. En comparaison, une obligation du gouvernement du Canada offre 3,66%, commission négociée incluse. Une obligation de 5 ans du gouvernement de l’Ontario offre pour sa part 3,85% annuel. Ensuite il y a la distinction entre les obligations d’épargnes et les obligations transigées dans les marchés. Les obligations d’épargnes ne sont émises qu’une fois par année et sont remboursables selon les conditions établies à chaque émission annuelle. Contrairement aux obligations transigées, on ne peut faire de gain ni de perte sur ces obligations. Ce n’est pas fini. Il faut aussi faire la distinction entre les obligations régulières et les obligations à escompte. Prenons l’exemple d’un placement offrant une valeur à échéance de 1000$ dans 10 ans, avec un rendement annuel de 5%. Si on achète une obligation régulière, on investit 1000$ et dans 10 ans ce capital de 1000$ est remboursé. Entre-temps, chaque année on reçoit 50$ (5%). Pour l’obligation à escompte, on investit 627$ et on recevra le capital de 1000$ dans dix ans. Ce calcul présume que chaque 50$ est réinvesti à 5% à chaque année. Les obligations à escompte sont donc des obligations à intérêt composé. Notez que l’impôt sur les intérêts accumulés est payable à chaque année pour les comptes hors REER. Notez aussi que la valeur marchande des obligations à escompte est beaucoup plus volatile que celle des obligations régulières, mais dans les deux cas le taux de rendement à échéance est garanti. Les obligations à escompte du gouvernement du Québec ou d’Hydro-Québec (garanties à 100% par le gouvernement du Québec) de février 2019 (15 ans) offrent un rendement annuel composé de 5,26% (commission raisonnable incluse). Notez que plus l’échéance est longue, plus l’impact en dollar de la commission est grand. Une commission de 0,1% (taux de base de 5,36% qui donne un rendement net de 5,26%) sur une obligation de 15 ans procure plus d’argent au courtier qu’une commission de 0,1% sur une obligation de 5 ans. Sur le site de Placements Québec, on annonce une obligation à escompte de 10 ans à 4,75% annuel composé et garantie par le gouvernement du Québec. J’avoue ne pas comprendre la différence de taux, surtout que si on lit bien, on s’aperçoit que cette obligation n’est pas encaissable avant échéance. Elle rapporte moins et est gelée pendant 10 ans alors que l’obligation régulière rapporte plus à échéance et peut aussi être vendue au prix du marché n’importe quand. J’ai d’ailleurs vérifié par téléphone au numéro indiqué sur le Web et de façon surprenante, ce sont les conditions. De nos jours, il y a aussi les obligations à taux progressifs où des taux différents pour chaque année sont garantis à l’avance et l’obligation (ou dépôt) est encaissable une fois par année. Ça semble intéressant, mais le rendement annuel moyen si on conserve à échéance est plus bas qu’une obligation régulière de la même échéance. Par exemple, sur le site de Placements Québec, une obligation à taux progressif offre des taux annuels sur dix qui s’échelonnent de 2% la première année jusqu’à 7,5% la dernière. Le taux annuel composé est donc de 4,28% et aucune commission ne sera applicable. Le taux annuel composé d’une obligation du Québec est de 4,85%, incluant une commission raisonnable. Conclusion : Le marché en apparence inoffensif des dépôts à terme et des obligations garanties est en vérité une véritable jungle où le plus fort gagne. Si ces titres sont considérés des placements pépères, c’est faux et je vous conseille de magasiner et de vous renseigner. Les conseillers auxquels on pourrait penser pour vous guider ne sont pas nécessairement les mieux placés pour vous donner une opinion objective. http://www.lesaffaires.com/fr/Aujourdhui/Imprimer_Article2.asp?id=197903 2/25/2005