Diego LANDIVAR
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Diego LANDIVAR
Quandunerivière«porte-plainte» contredeshumains.Nature «sujet-de-droit»etcommuns Diego LANDIVAR – PhD Economie du Développement (CERDI-CNRS). Directeur d’Origens Media Lab, EnseignantChercheur(groupeESCClermont).Conseillerduministredudéveloppementéconomique boliviendepuis2014.24rueBlaisePascal63000ClermontFerrand,[email protected],0676 051626 LesrécentesassembléesconstituantesquionteulieuenBolivieetenEquateur(2006-2011)ont marquéuntournantdécisifdanslamanièredepenserlagouvernanceenvironnementale.Enfaisant entrer les communautés indigènes ainsi que leurs savoirs et cosmologies respectifs (animistes, analogistes(Descola,2005))dansl’espacepolitique,cesassembléesconstituantesontouvertlavoieà une reconfiguration du droit où les entités de la nature (forêts, rivières, montagnes, animaux, micro organismes,…) deviennent de véritables « sujets » (de droit, sociaux, politiques)1 . C’est dans ce nouveau contexte ontologique (Descola, 2005 ; Latour, 2012 ; Blaser, 2013 ; Landivar et Ramillien, 2015) que le premier procès d’une rivière contre des communautés humaines a pu avoir lieu dans l’EtatdeLojaenEquateuren2011. Cettecommunicationexploiteainsilesdonnéesethnographiquesquenousavonspurécoltersur leterrainlorsdeceprocèsentreuneentitédelanature(larivièreVilcabamba)etunecommunauté humaine(leMunicipalitédeLoja)2.Nosrésultatspermettentdemontrerquelstypesdecontroverses juridiques ont du être surmontées lors de ce procès afin de rendre opérationnelle cette nouvelle architecture juridique. De quels types de droits les entités de la nature peuvent-elles bénéficier ? Comment faire « parler » une nature « muette » (au sens juridique de « partie prenante muette » (Billaud, 1996)) ? Quels sont les porte-paroles qualifiés d’une nature devenue sujet à part entière ? Quel type de statut attribuer aux entités de la nature ? doit-on les assimiler à de véritables biens communs ? à des entités individuées ? à des sujets collectifs ? à une société coopérative ? La restitutiondesprincipalestensionsobservéesentrelesdifférentsacteursdeceprocèsnouspermetde suggérercertainesréponsesàcesquestions. Dans une deuxième partie nous analysons les conséquences que ces reconfigurations juridiques provoquent sur les dynamiques de développement et la gouvernance environnementale en général. Nous explorerons ainsi en quoi ces innovations normatives tendent à bouleverser les conceptions 1 L’influencedecesassembléesconstituantesneselimitepasàcespaysandins.Nousmobilisonsainsi Laparticularitédeceprocèsestliéeaufaitquelesplaignantsneportaientpasplainteenleurproprenommaisaunomde larivièreVilcabamba,commelerapportelejugementdéfinitifprononcéparlacoursprovincialedejusticedelarégionde Loja(CorteJudicialLoja,2011).Leprocèsétaitdoncorientésurune«Actiondeprotection»delarivièreenaccordavecla constitution politique (Concept « d’Accion de Protection » Constitutionnelle, Constitucion Equatorienne, 2008) et se basait surle«principedeJuridictionUniverselle»duchapitreconsacréaux«DroitsdelaNature»etquipermetàtoutepersonne humaine, entité communautaire ou collective de saisir la cours de justice équatorienne au nom des entités de la Nature (CorteJudicialLoja,2011). 2 1 traditionnelles de « l’environnement », entendu ici comme un réservoir de ressources naturelles environnantlessociétéshumaines.N’étantplusconsidéréescommedesimplesentitésenvironnantes dans un cadre naturaliste / anthropocentré, mais au coeur même d’une économie politique des humains et non-humains, ces nouvelles « fictions légales » (Thomas, 1980) provoquent des déplacementsradicauxdanslaconceptionclassiquedudroitdel’environnement. Nous proposerons ainsi une lecture alternative de la notion de « communs » à la lumière des déplacements induits par cette expérimentation juridique. En particulier nous interrogerons les fondementsmêmedelanotiondecommunsàpartirdesdonnéesrécoltéeslorsdeceprocès.Peux-tonencoreparlerde«ressource»silanaturedevientsujet?quicomposela«communauté»lorsque les entités de la nature font désormais partie intégrante d’un « ensemble communautaire d’intérêt public » ? sur quelles institutions va reposer l’architecture des droits et obligations relative à leurs gestion? Enfin,nousexploreronslesdifférentescontroversesquecesexpériencesengendrententermesde dynamiquesdedéveloppement.Commentconcevoirunepolitiquededéveloppementsilesentitésde la nature ont des droits, dont certains assimilables au droit des personnes (comme dans le cas NéoZélandaisouBolivien)ouàdesdroits«inaliénables»?dansquellemesurecettenouvellearchitecture institutionnelle porte-telle les germes d’une reconfiguration profonde des catégories économiques traditionnelles (prix, marchés, facteurs de production, indicateurs,…) ? quels types de gouvernances (publique,communautaireouprivée)surlesressourcesnaturellespeut-onenvisager? 2