Les comités d`éthique biomédicale aux Etats
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Les comités d`éthique biomédicale aux Etats
KENIS Y. Dans : M. Moulin (éd.), Contrôler la science ? La question des comités d’éthique. Bruxelles, De Boeck-Université, 1990, 53-64. Les comités d’éthique biomédicale aux Etats-Unis « Quand les politiciens américains hésitent, par crainte d’éventuelles répercussions politiques, à s’aventurer sur le terrain dangereux de la morale, ils ont tendance à répondre aux préoccupations de leurs citoyens en créant des comités » 1 . Cette observation un peu désabusée du directeur du Centre pour l’éthique biomédicale de l’Université du Minnesota ne s’applique sans doute pas au premier comité d’éthique 2 créé aux Etats-Unis. Celui-ci a été mis en place peu de temps après la création, en 1953, du centre clinique des National Institutes of Health (NIH), le gouvernement fédéral se trouvant confronté à la question de l’expérimentation humaine dans une institution qui dépendait directement de lui 3 - 4 . Ce comité a établi des règles applicables aux recherches pratiquées au NIH ou dans des institutions financées par lui : Group consideration of ethical research procedures deviating from accepted medical practice or involving unusual hazard. Cet énoncé montre bien les limites de cette réglementation et on doit constater que, même dans ces limites étroites, l’exemple donné par les milieux officiels n’a pas été suivi dans d’autres institutions, fédérales ou privées. Les médecins expérimentateurs s’en sont tenus, d’une façon générale, à leur conscience individuelle, à la tradition du serment d’Hippocrate, c’est-à-dire aux règles de la déontologie traditionnelle, et au jugement professionnel de leurs pairs; au nom de la défense de la « liberté de la recherche », ils ont surtout manifesté leur méfiance à l’égard des règles imposées par les autorités fédérales. Il faudra attendre une dizaine d’années pour que le concept de contrôle de la recherche soit repris, et plusieurs années encore 5 pour qu’il se généralise et que des comités d’éthique ou plutôt des « comités institutionnels de révision » (Institutional Review Board – IRB), organismes chargés par la loi de veiller à la protection des êtres humains soumis à une expérimentation, soient constitués dans les grands centres hospitaliers 6 . Le développement de ces organismes de contrôle a été stimulé dans les années soixante par la révélation de plusieurs affaires judiciaires ou scandales mettant en cause 1 CAPLAN, A.L., « Etats-Unis : un débat public ? », Autrement, 1987, 93, pp. 96 à 103. Les premiers comités créés pour contrôler la recherche clinique et plus spécialement l’expérimentation humaine à risque n’ont pas pris le titre de comité d’éthique, mais des appellations variées qu’il n’y a pas lieu de détailler ici. 3 VEATCH, R.M., « Human experimentation committees : professional or representative ? », Hastings Center Report, 1975, 5/5, pp. 31 à 40. 4 FADEN, R.R., BEAUCHAMP, T.L., A history and theory of informed consent, New York and Oxford, Oxford University Press, 1986. 5 CALLAHAN, D., « The development of biomedical ethics in the United States », Annals of the New York Academy of Sciences, 1988, 530, pp. 1 à 3. 6 Cf. note 1. 2 1 des médecins qui pratiquaient des expériences critiquables sur des sujets mal ou non informés. En 1964, une enquête est demandée au sujet d’expériences commencées l’année précédente au Jewish Chronic Disease Hospital (JCDH) de Brooklyn. Le docteur Chester Southam, médecin attaché au très renommé Memorial Hospital Sloan-Kettering Institute for Cancer Research de New York, avait entrepris depuis plusieurs années des recherches sur la défense immunitaire à l’égard des cellules cancéreuses. Avec l’accord du docteur E. Mandel, directeur médical du JCDH, il avait injecté, sous la peau de l’avant-bras ou de la cuisse, des cellules cancéreuses à des patients non cancéreux de cet hôpital. Aucun malade n’avait été informé de la nature de l’expérience réalisée et plusieurs patients étaient dans un état de conscience qui les aurait de toute façon rendus incapables de donner un consentement valable. Il faut signaler que des expériences semblables étaient en cours depuis près de dix ans au Memorial Hospital sur des malades cancéreux et sur des volontaires sains. Elles avaient montré que les cellules cancéreuses étrangères (provenant d’un autre individu) étaient rapidement rejetées par le sujet sain et, avec plus de lenteur, par le malade cancéreux. L’enquête judiciaire mise en route à la demande d’un membre du conseil d’administration du JCDH aboutit à l’interdiction de poursuivre ces expériences et à une sanction (suspension de la pratique médicale, avec sursis) pour les médecins impliqués 7 - 8 . En 1966, dans un article retentissant publié dans le New England Journal of Medicine (le périodique médical de très haut niveau le plus répandu aux Etats-Unis et dans le monde), H.K. Beecher dénonçait, parmi d’autres, des expériences en cours depuis 1956 dans une institution pour enfants arriérés, la Willowbrook State School 9 . Cette institution, prévue pour trois mille pensionnaires, en accueillait plus de six mille. Les deux tiers des enfants avaient un quotient intellectuel inférieur à 20. On avait observé depuis longtemps que la majorité des pensionnaires contractaient l’hépatite virale dans les mois qui suivaient leur admission. Pour tente de trouver un remède à cette situation et pour étudier dans des conditions « idéales » la propagation de cette maladie et les moyens de défense mis en œuvre par les sujets infectés, Saul Krugman avait entrepris une étude qui comprenait l’inoculation du virus à des enfants nouvellement admis. Ces travaux étaient soutenus financièrement par l’armée et par le Health Research Council de la Ville de New York, et approuvés par le comité sur l’expérimentation humaine de l’université de New York 10 . Bien que l’accord des parents ou des tuteurs des enfants ait été obtenu dans des conditions qui furent ultérieurement critiquées, ces recherches se sont poursuivies jusqu’au bout des années soixante-dix, entraînant des prises de position contradictoires de la part de médecins, de philosophes, de théologiens et d’éditeurs de journaux médicaux. La défense de Krugman était basée sur le fait que ces enfants couraient de toute façon un grand risque d’attraper l’hépatite, que les sujets soumis à l’expérimentation bénéficiaient d’une surveillance médicale meilleure et qu’on pouvait espérer qu’ils fussent « vaccinés » 7 KATZ, J., Experimentation with human beings, New York, Russel Sage Foundation, 1973, pp. 9 à 65. FADEN et BEAUCHAMP, op. cit. (note 4); pp. 161 à 162. Voir également Marie-Luce Delfosse « Les comités d’éthique en Belgique – Aspects d’une évolution ». Dans : M. Moulin (éd.) Contrôler la science ? La question des comités d’éthique. Bruxelles, De Boeck Université, 1990, pp. 84 à 85. 9 BEECHER, H.K., “Ethics and clinical research”, New England Journal of Medicine, 1966, 274, pp. 1354 à 1360. 10 KRUGMAN, S., GILES, J.P., « Viral hepatitis : new light on an old disease », Journal of the American Medical Association, 1970, 212/6, pp. 1019 à 1029. 8 2 contre une forme plus grave de la maladie. Malgré les prises de position favorables de certains, il ne semble pas douteux qu’une telle étude serait aujourd’hui considérée comme inacceptable sur le plan éthique 11 . Le troisième événement qui a pu influencer les développements de l’éthique biomédicale au Etats-Unis vers les années 1965-1970 remonte à beaucoup plus loin. Il s’agit de l’étude commencée dans les années trente et portant sur quatre cents Noirs syphilitiques, laissés sans traitement – il n’y en avait pas de très efficace avant l’introduction de la pénicilline en 1945 – et comparés à un groupe de sujets sains. Cette étude fut poursuivie jusqu’en 1972, date où un article en première page du New York Times attira l’attention sur ce scandale et aboutit à une enquête confiée à un comité ad hoc désigné par le Department of Health, Education and Welfare (DHEW). Celui-ci exigea l’arrêt de l’expérience et recommanda, dans le but d’éviter de tels abus, la création d’un organisme permanent chargé du contrôle des recherches réalisées chez l’homme avec l’aide financière de l’Etat fédéral. En réponse à cette recommandation, le Congrès constitua en 1974 la National Commission for the Protection of Human Subjects of Biomedical and Behavioral Research 12 . Nous analyserons plus loin les travaux de cette commission, mais nous devons revenir en arrière, en 1964, au moment de l’affaire du JCDH. C’est à cette époque – et il y a sans doute un lien entre les deux faits – que James A. Shannon, le directeur du NIH, chargea Robert B. Livingston d’établir un rapport sur les problèmes éthiques liés à la recherche 13 . Ce rapport, soumis en novembre 1964, fait explicitement mention des remous soulevés dans l’opinion publique par l’affaire du JCDH. Il met l’accent, conformément à l’optique générale de l’époque, sur la nécessité de diminuer les risques encourus par les sujets de l’expérience plutôt que sur la protection de leur autonomie. C’est sur la base de ce rapport que le directeur de NIH obtint du National Advisory Health Council une résolution (décembre 1965) assurant la protection des droits et du bien-être des sujets soumis à une expérience. Les mesures prises comprenaient notamment l’examen préalable obligatoire du protocole expérimental par un comité (peer review), la nécessité d’obtenir un consentement valable du sujet (informed consent) et les moyens pour y parvenir, l’examen critique des risques et bénéfices potentiels de l’expérience. Ces recommandations ne restèrent pas lettre morte puisqu’elles aboutirent à la création de comités de révision (Institutional Review Board, IRB) dans toutes les institutions pratiquant de la recherche clinique avec des fonds fédéraux, c’est-à-dire la grande majorité. Au début, ces comités étaient exclusivement constitués des associés de l’investigateur responsable 14 - 15 , représentant un bon exemple de ce que F.A. Isambert a 11 FADEN et BEAUCHAMP, op. cit. (note 4) ; pp. 163 à 164. Ibid., pp. 165 à 167. 13 McCARTHY, C.R., « Le développement de la politique américaine de protection des sujets humains en recherches biomédicales et comportementales », Cahiers de bioéthique, 1982, 4, pp. 121 à 138. 14 Cf. note 3. 15 VEATCH, R.M., « The national commission on IRBs : an evolutionary approach », Hastings Center Report, 1979, 9/1, pp. 22 à 28. 12 3 appelé l’idéologie de l’autorégulation 16 . Ils furent ensuite élargis et ouverts à des nonmédecins : infirmiers, juristes, théologiens, philosophes, etc. Dans certains hôpitaux, l’IRB était distinct d’un comité d’éthique proprement dit, le premier chargé, selon la réglementation fédérale, d’examiner les protocoles de recherche, le second intervenant dans le domaine de la pratique médicale et jouant le rôle d’ « aider à la décision médicale » dans des cas cliniques qui posent des problèmes éthiques difficiles 17 . L’influence des IRB sur la recherche, les sujets et les chercheurs a été étudiée par Gray et Cooke qui ont publié en 1980 les résultats d’une enquête réalisée auprès de plusieurs centaines de chercheurs et membres des comités 18 . On peut estimer que la recherche n’en a pas souffert, que les sujets d’expériences en ont bénéficié (ils ont été mieux protégés) et que les chercheurs ont vu leur tâche alourdie 19 . Les rejets de projets de recherche ont été rares, mais beaucoup de protocoles ont dû être modifiés, ce qui a entraîné des retards. La majorité des chercheurs a estimé que les changements proposés étaient judicieux et une petite minorité seulement a considéré que les inconvénients l’ont emporté sur les avantages. D’un point de vue plus général, l’intérêt des comités institutionnels de révision est mis en doute pour les recherches qui n’entraînent pratiquement aucun risque, comme par exemple les études sur dossiers ou les expériences faites sur du sang ou des tissus prélevés dans un autre but. Un troisième élément est venu s’ajouter, aussi en 1964, à la révélation de l’affaire du JCDH et au rapport Livingston : la déclaration d’Helsinki sur les recherches biomédicales, adoptée par la 18e Assemblée Médicale Mondiale et amendée en 1975 et en 1983 par les assemblées de Tokyo et de Venise. On y retrouve les points saillants évoqués plus haut à propos de la résolution du National Advisory Health Council : examen obligatoire du protocole par un comité indépendant, consentement éclairé du sujet, évaluation des risques et avantages du projet 20 . La déclaration affirma aussi que « les intérêts de la science et ceux de la société ne doivent jamais prévaloir sur le bienêtre du sujet » 21 . Ce sont enfin des progrès considérables de la médecine qui ont mis les médecins et chercheurs dans des situations absolument nouvelles leur posant des problèmes moraux inédits : les greffes d’organes, les soins intensifs (réanimation) aux nouveau-nés et aux patients comateux, la procréation assistée, les manipulations génétiques. Ceci explique la création de comités spécialisés, par exemple en neurochirurgie, ou l’établissement de règles pour les transplantations d’organes par l’American Medical Association (AMA Guidelines for Organ Transplantation 22 ), ou plus tard pour la procréation assistée par 16 ISAMBERT, F.-A., « Révolution biologique ou réveil éthique ? », Cahiers S.T.S. (Editions du C.N.R.S.), 1966, 11, pp. 9 à 41. 17 PARIZEAU, M.-H., « Clarification progressive du champ de la bioéthique et de ses méthodes », Réseaux. Revue interdisciplinaire de philosophie morale et politique, 1987-1988, 53-54, pp. 51 à 65. 18 GRAY, B., COOKE, R.A., « The impact of institutional review boards on research », Hastings Center Report, 1980, 10/1, pp. 36 à 41. 19 FAGOT-LARGEAULT, A., L’homme bio-éthique. Pour une déontologie de la recherche sur le vivant, Paris, Ed. Maloine, 1985 ; p.165. 20 Ibid. ; pp. 154 à 159. 21 Ethique médicale et droits de l’homme, Arles, Ed. Actes Sud et INSERM, 1988 ; p.172. 22 C’est au même moment qu’un comité ad hoc définit la mort cérébrale, et les deux choses sont 4 l’American Fertility Society. L’aspect peut-être le plus spectaculaire du lien entre progrès technico-scientifiques et éthique est le moratoire décidé en 1974 par plusieurs chercheurs de très haut niveau sur certaines recherches avec l’acide désoxyribonucléique recombiné, souvent désignées sous le nom de « manipulations génétique ». Cette décision aboutit à la réunion de la Conférence d’Asilomar en 1975 qui leva l’interdit mais établit certaines normes 23 - 24 . Remarquons à ce sujet que les préoccupations des savants réunis à Asilomar concernaient les risques courus par l’ensemble de la société, alors que toutes les initiatives citées auparavant avaient pour but la protection de l’individu soumis à une recherche. Notons aussi que, comme dans le cas des premiers IRB, les règles établies à Asilomar l’avaient été par des scientifiques pour des scientifiques, sans participation de « l’opinion éclairée » 25 . Le concept et les activités de bioéthique ont pris un développement important autour de l’année 1970. Le mot lui-même semble avoir été créé par V.R. Potter en 1971, date de la parution de son livre Bioethics, Bridge to the Future qui peut être considéré comme un jalon 26 . C’est en 1969 que fut fondé le Hastings Center, Institute of Society, Ethics and the Life Sciences, précédant de deux ans la création du Kennedy Institute of Ethics. Le Hastings Center publie l’indispensable Hastings Center Report et les travaux de ses chercheurs ont été réunis, entre autres, dans les quatre volumes des Foundations of Ethics, and its Relationship to Science 27 . Le Kennedy Institute of Ethics, installé dans l’université Georgetown à Washington, a été créé grâce à la Fondation Joseph P. Kennedy 28 . Il a pour but principal la recherche interdisciplinaire dans le domaine de la bioéthique mais il assure aussi une fonction d’enseignement et d’information. C’est ainsi que fut créé un programme d’études de quatre ans aboutissant à un doctorat en philosophie avec spécialisation en bioéthique. L’institut publie le Journal of medicine and philosophy. Sous la direction de Warren T. Reich fut éditée la monumentale Encyclopedia of Bioethics en quatre volumes à laquelle collaborèrent 285 auteurs 29 . La bibliothèque rassemble plus de douze mille volumes et des dizaines de milliers d’articles répertoriés. Elle est abonnée à près de deux cents périodiques 30 . évidemment liées, une définition de la mort basée sur le fonctionnement du cerveau étant indispensable pour permettre le prélèvement d’organes destinés à la greffe. (Ad hoc Committee of the Harvard Medical School to examine the definition of brain death, « A definition of irreversible coma », Journal of the American Medical Association, 1968, 205, pp. 336 à 340. 23 BERG, P. et al., « Asilomar conference on recombinant DNA molecules », Science, 1975, 188, pp. 991 à 994. 24 AMBROSELLI, C., Comités d’éthique à travers le monde. Recherches en cours 1986, Paris, Ed. Tierce et INSERM, 1987, pp. 5 à 12. 25 PARIZEAU, M.-H., « Génie génétique : exemple d’un débat », Après-demain, 1984, 26, pp. 21 à 22. 26 Cf. note 16. 27 ENGELHARDT, H.T., JR., CALLAHAN, D., (Ed.), The foundations of ethics and its relationship to science, 4 vol., Hastings-on-Hudson, Institute of society, ethics and the life sciences, 1976-1980. 28 WALTERS, L., « Le centre de bioéthique du Kennedy Institute of Ethics », Après-demain, 1984, 266, pp. 45 à 47. 29 REICH, W.T. (ed.), Encyclopedia of bioethics, 4 vol., New York, Free Press, 1978. 30 Staff of the Kennedy Institute of Ethics, « The Kennedy Institute of Ethics », Réseaux. Revue interdisciplinaire de philosophie morale et politique, 1987-1988, 53-54, pp. 27 à 34. 5 L’activité en bioéthique ne s’est pas confinée dans la réflexion philosophique théorique. L’obligation de soumettre les projets de recherche à un IRB préalablement à toute attribution de crédits par le Department of Health, Education and Welfare a été réaffirmée. La politique du DHEW a été méticuleusement précisée dans une publication officielle parue en 1971 (The Institutional Guide to DHEW Policy on Protection of Human Subjects), rapidement connu sous le nom de « livre jaune » en raison de la couleur de sa couverture. On y retrouve des règles inspirées des recommandations antérieures du NIH. A titre d’exemple et afin de montrer le souci de précision des auteurs de ce guide, nous donnerons les règles qui doivent être suivies pour obtenir un consentement considéré comme valable (informed consent) : 1) une explication honnête (fair) des méthodes utilisées pour l’expérimentation, 2) une description des risques et inconvénients, 3) une description des bénéfices, 4) un exposé des pratiques de rechange possibles, 5) une offre de répondre à toute question, 6) une possibilité de cesser à tout moment sa participation à l’expérience 31 . Le rôle des autorités fédérales et le souci du Congrès de contrôler la recherche biomédicale sont confirmés par la création de la National Commission for the Protection of Human Subjects of Biomedical and Behavioral Research, instituée par une loi de juillet 1974 (National Research Act). Le texte de la loi stipulait la composition de onze membres, cinq experts dans le domaine de la recherche sur des sujets humains et six membres n’exerçant pas des disciplines scientifiques. Les membres de la Commission étaient nommés par le secrétaire du DHEW. La première équipe comprenait trois juristes, deux philosophes et une personne spécialisée dans les affaires publiques. Le mode de fonctionnement a été bien défini par Yersley32 . Suite aux discussions d’une rencontre, on rédigeait des ébauches de recommandations qui servaient de base aux discussions de la rencontre suivante. Lorsqu’on arrivait à un accord, on passait à la rédaction des recommandations définitives. Les rapports étaient accompagnés d’appendices très fournis avec toutes les données examinées par la commission. C’est à propos de la création de la National Commission qu’a été émise l’idée exposée dans la citation qui ouvre cet article. M.S. Frankel exprime la même opinion : Too often the appointment of a commission is a political strategy for delaying action on a controversial issue 33 . Ne faut-il pas plutôt y voir une preuve de la sagesse de la philosophie politique des Américains ? Il est certainement plus facile d’arriver à un accord au sein d’un petit groupe de personnes qui s’attaquent longuement à un problème précis que dans une assemblée représentative harcelée par d’innombrables problèmes et pressée par le temps 34 . L’expérience montre d’ailleurs qu’il est souvent possible d’arriver 31 FADEN et BEAUCHAMP, op.cit. (note 4) ; p. 212. YERSLEY, M.S., “La tâche accomplie par la commission pour la protection des sujets humains”, Cahiers de bioéthique, 1982, 4, pp. 195 à 210. 33 FRANKEL, M.S., « Human experimentation : social and professional control », Encyclopedia of bioethics, 1983, pp. 703 à 710. 34 Nous aimerions citer ici J. Michaud, conseiller à la Cour de Cassation et membre du Comité consultatif national d’éthique (France) : « Les comités d’éthique qui se sont formés au cours des dernières années constituent sans nul doute le meilleur relais entre les développements de la science et les législations insuffisantes. On peut d’ailleurs penser que l’une des raisons de leur éclosion tient au vide législatif qu’il fallait combler…Certes ces organismes ne tiennent pas lieu d’organes législatifs dont ils ne 32 6 à des consensus moraux « même en l’absence de tout accord sur les principes et fondements théoriques en jeu » 35 . Jonsen et Brady expriment la même idée : « A une époque où le pluralisme éthique est reconnu comme étant à la fois un fait et une valeur, la commission est parvenue à atteindre l’unanimité sur plusieurs problèmes éthiques en recherche…Ses membres ont constaté que souvent ils n’étaient pas d’accord sur les « principes » mais qu’ils l’étaient sur les conclusions » 36 . Il faut en tout cas admirer le travail accompli en quelques années per cette commission. De 1974 à 1978, elle a publié neuf volumes de rapports et directives accompagnés de neuf volumes d’appendices qui couvrent presque le champ entier de la bioéthique en rapport avec la recherche clinique. Ces ouvrages examinent les aspects éthiques de la psychochirurgie, de la recherche sur le fœtus, chez les prisonniers, les malades mentaux en institutions, les enfants. Cet intérêt pour des populations particulièrement vulnérables a sans doute été suscité par la révélation des scandales évoqués plus haut et qui concernaient des malades séniles, des enfants arriérés ou des Noirs. Il faut d’ailleurs remarquer que le titre officiel de la Commission contient le mot protection 37 . Les rapports analysent et font des recommandations sur les IRB, sur la liberté d’information, sur les services de santé. Pour Faden et Beauchamp 38 , les principes de base reconnus par la commission et exposés dans le rapport de synthèse (The Belmont Report : Ethical Guidelines for the Protection of Human Subjects of Research, 1978) étaient non plus seulement la diminution du risque encouru mais le respect de l’autonomie et la dignité de la personne, la bienfaisance et la justice 39 . Ces principes devaient s’appliquer aux directives concernant le consentement éclairé, l’évaluation des risques et des avantages, la sélection des sujets. Il y eut des discussions sur la nécessité éventuelle d’appliquer des règles différentes aux recherches en sciences sociales et comportementales d’une part et aux recherches en science biomédicale d’autre part. La commission finit par préconiser, en principe, une seule politique pour toutes les disciplines. Il n’empêche que les chercheurs en science sociale estimaient que les règles établies valablement pour les sciences biomédicales n’avaient souvent aucune raison d’être appliquées à des recherches d’un tout autre caractère réalisées dans leur domaine et qui n’entraînaient pratiquement aucun risque, comme par exemple les enquêtes par observation ou par interview. D’autre part, la commission « recommande que lorsqu’une recherche doit se faire dans une population particulière, on ne sollicite pas seulement le possèdent pas la force contraignante. Ils rendent seulement des avis et surtout ils sont des lieux de réflexion et de stimulation à la réflexion ». In : MICHAUD, J., « Place et rôle du droit face à l’évolution de la recherche scientifique », Comités d’éthique à travers le monde. Recherches en cours 1987, Paris, Ed. Tierce et INSERM, 1988, pp. 157 à 162. 35 CALLAHAN, D., “L’éthique bio-médicale aujourd’hui”, Cahiers S.T.S. (Editions du C.N.R.S.), 1986, 11, pp. 43-55. 36 JONSEN, A.R., BRADY, J.V., « L’éthique en recherche : l’expérience des Etats-Unis », Cahiers de bioéthique, 1982, 4, pp. 211 à 231. 37 TOULMIN, S., « Medical ethics in its american context. An historical survey”, Annals of the New York Academy of Sciences, 1988, 530, pp. 7 à 15. 38 FADEN et BEAUCHAMP, op.cit. (note 4), pp. 216 à 217. 39 « Le principe de bienfaisance veut qu’on fasse du bien et qu’on s’abstienne de nuire… Le principe de justice veut qu’on répartisse d’une façon équitable dans le corps social les risques de la recherche et les avantages qu’elle procure » (Fagot-Lageault, op.cit. (note 19) ; p. 167) 7 consentement des sujets de recherche pris individuellement, mais on négocie un consentement collectif avec des représentants de la population concernée » 40 . La durée de vie de la commission avait été limitée dès sa création ; elle dut cesser ses activités en 1978. Le secrétaire du DHEW créa à ce moment l’Ethical Advisory Board qui fonctionna jusqu’en 1980 et s’occupa surtout des problèmes posés par la fécondation in vitro avec transfert d’embryons (FIVETE). Dans l’intervalle, le DHEW avait été remplacé par le Department of Health and Human Services (DHHS) qui établit de nouvelles règles, plus souples, notamment pour les recherches dans les sciences humaines, et celles-ci furent finalement bien acceptées. Le Congrès avait été soucieux de ne pas laisser s’installer un vide après la dissolution de la National Commission. En novembre 1978, il décidait de créer un nouvel organisme qui reçut le titre de President’s Commission for the Study of Ethical Problems in Medicine and Biomedical and Behavioral Research et qui tint sa première séance en janvier 1980. Contrairement à la Commission nationale dont les membres étaient nommés par le secrétaire du DHEW et dont les capacités et compétences se situaient dans les limites de ce département, la commission du président reçut un mandat plus large et ses membres étaient nommés par la Maison Blanche. Elle avait souvent recours à des consultations d’experts et tenait des séances publiques 41 . Le premier rapport rédigé par la commission présidentielle concerne la définition de la mort. Nous le prendrons comme exemple de son mode de fonctionnement. C’est à la suite d’un mandat du Congrès que cette étude avait été entreprise, avec comme but d’arriver à une définition uniforme de la mort. Les conclusions, approuvées à l’unanimité des onze membres de la commission, avaient été obtenues après consultation de l’American Bar Association, de l’American Medical Association et de la National Conference of Commissioners on Uniform State Laws, sans compter de nombreuses auditions de personnalités et de spécialistes. La commission a finalement proposé l’adoption d’un Uniform Determination of Death Act qui stipulait qu’un individu devait être considéré comme mort s’il y avait 1) arrêt irréversible des fonctions circulatoires et respiratoires, ou 2) un arrêt irréversible de toutes les fonctions du cerveau y compris le tronc cérébral. Il est à noter qu’on a préféré avoir recours à des critères physiologiques plutôt que techniques (par ex. électroencéphalogramme plat) qui risquaient d’être rapidement obsolètes 42 . Les neufs rapports (plus un dixième de résumés et conclusions) édités de 1981 à 1983 explorent un domaine plus large que celui étudié par la National Commission. S’ils abordent, comme celle-ci, des problèmes de recherche biomédicale (le génie génétique, le 40 FAGOT-LARGEAULT, op.cit. (note 19) ; p. 75. CAPRON, A.M., « Harmonies and conflicts in law and biomedical ethics », Annals of the New York Academy of Sciences, 1988, 530, pp. 37 à 45. 42 President’s Commission for the Study of Ethical Problems in Medicine and Biomedical and Behavioral Research, Defining death. Medical, legal and ethical issues in the determination of death, Washington, U.S. Government Printing Office, 1981, 525 p. 41 8 conseil génétique, la réglementation de la recherche au niveau fédéral), ils s’attaquent aussi à des problèmes plus directement liés aux soins des malades et à la décision thérapeutique (la définition de la mort, l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie, le consentement éclairé et la relation patient-médecin) et même à des aspects sociopolitiques comme l’accès aux soins de santé. Alexandre M. Capron, qui en dirigea les travaux (executive director), a attribué ses succès à la méthode de travail adoptée. L’étude d’un problème particulier commençait par un inventaire des points d’accord permettant d’établir une base commune aux discussions ultérieures, plutôt que de tenter de définir d’emblée les grands principes, ce qui n’aurait pas manqué d’amener les participants à des positions violemment heurtées (the clash of grand principles). Les membres avaient aussi le souci de mener leurs réflexions et de rédiger leurs conclusions prioritairement en fonction d’un public ciblé, par exemple les médecins et les législateurs pour le rapport sur la définition de la mort, plus spécialement les chercheurs et les fonctionnaires fédéraux pour les rapports consacrés à la recherche sur des sujets humains. Un autre facteur de succès a été, selon Capron, le fait d’être pressé par le temps, ce qui a stimulé l’activité de tous les participants 43 . Comme la Commission nationale, la Commission du président avait en effet été instaurée pour une durée illimitée. Créée en 1978, elle ne commença ses travaux qu’en janvier 1980 et elle aurait dû les cesser le 31 décembre 1982. Sa vie ne fut prolongée que de trois mois, alors que, de l’avis de son directeur exécutif, un délai de deux ans eût été souhaitable, mais fut refusé « pour des raisons politiques » - qu’il ne précise d’ailleurs pas 44 . Le président de la commission, Morris B. Abrams, quant à lui, redoutait plutôt le danger d’un engagement permanent du gouvernement dans le contrôle de la recherche et de la pratique médicale et se prononçait en faveur du soutien financier de travaux de réflexion éthique réalisés dans le monde académique et dans des institutions privées ou semi-privées, avec recours éventuel à des organes temporaires 45 . Le rôle de la politique dans le contrôle de la recherche et l’affrontement de positions difficilement conciliables sur ce sujet apparaissent clairement lorsqu’on essaye de faire l’histoire de la régulation sociale durant la période qui a suivi la dissolution de la Commission du président. En 1984, le président Reagan oppose son veto à une tentative du Congrès de créer un nouveau conseil destiné à étudier les problèmes éthiques en relation avec la recherche, particulièrement dans le domaine du génie génétique. Ces problèmes étaient examinés depuis 1979 par un comité dépendant du NIH, le Recombinant DNA Advisory Committee (RAC) qui n’avait, en principe, qu’à s’occuper des recherches soutenues financièrement par le NIH, mais qui, dans les faits, et grâce au sérieux de ses travaux quasi unanimement appréciés, avait une influence bien plus large. Beaucoup de chercheurs auraient souhaités que les prérogatives de ce comité soient étendues à l’ensemble de la recherche dans ce domaine 46 . En fait, le Congrès, passant outre au veto du président, créa en novembre 1985 un Biomedical Ethics Board 43 Cf. note 41. Cf. note 41. 45 HOSFORD, B., Bioethics committees. The health care provider’s guide, Rockville (Maryland), Aspen Publication, 1986; p. 53. 46 JOHNSON, I.S., « Role of the recombinant advisory committee », Science, 1984, 224; p. 243. 44 9 dépendant directement de lui et composé de six sénateurs et de six représentants, les Démocrates et les Républicains étant en nombre égal. A cette commission ou conseil était adjoint un comité consultatif (Biomedical Ethics Advisory Committee) formé de douze experts dans les différents domaines de l’éthique biomédicale (chercheurs, cliniciens, philosophes, juristes, spécialistes des sciences sociales et des affaires publiques, etc.) et de deux membres sans compétence particulière, des « citoyens ordinaires ». Le comité consultatif devait préparer le travail pour la commission, qui elle-même devait faire rapport annuellement devant le Congrès. Le champ d’action était défini très largement et concernait les implications éthiques de la délivrance des soins et de la recherche biomédicale et comportementale, la protection des sujets humains, particulièrement dans le domaine du génie génétique. Mais toutes ces décisions restèrent lettre morte jusqu’en avril 1989 ! Si les douze membres du Board furent effectivement désignés, ceux du comité consultatif ne l’étaient pas encore en avril 1988 47 , certains membres du Board exigeant qu’au moins cinq membres du comité consultatif aient une position explicitement en faveur du mouvement pour les droits de la vie, c’est-à-dire opposée à l’avortement et à l’euthanasie. Devant l’imminence de la dissolution de la commission, une solution de compromis semble avoir été trouvée et le comité consultatif s’est réuni pour la première fois le 27 septembre 1988 pour élire son président, Alexandre Capron, l’ancien directeur exécutif de la commission du président et qui occupe actuellement la chaire « médecine et loi » à l’université de la Californie du Sud 48 - 49 . Les premiers travaux viennent de commencer (avril 1989). Le comité devrait livrer un premier rapport, sur le génie génétique, en mars 1990, un second, sur l’alimentation et la nutrition des mourants, en mai de la même année, et le troisième, sur la recherche sur fœtus humains, en novembre. Nous n’avons pas la prétention de pénétrer les arcanes de la politique américaine et des conflits entre exécutif et législatif, mais nous pouvons espérer qu’après un retard de près de six ans, ce nouvel organe publie des travaux aussi remarquables que ceux des deux commissions qui l’ont précédé. 47 MFS, « A once and future biomedical ethics board”, Hastings Center Report, 1988, 18/2, pp. 2 à 3. MULLAN COOK-DEEGAN, R., « US bioethics board and advisory panel begin their tasks; chairman elected”, Kennedy Institute of Ethics Newsletter, 1989, 3/2; p. 4. 49 CAPRON, A.M., « Bioethics on the congressional agenda », Hastings Center Report, 1989, 19/2, pp. 22 à 23. 48 10 KENIS Y., HEUSKIN L., Dans : M. Moulin (éd.), Contrôler la science ? La question des comités d’éthique. Bruxelles, De Boeck-Université, 1990, 65-80. Le comité national d’éthique en France. La création du Mouvement universel de la responsabilité scientifique (MURS) en 1974, à la suite du colloque « Biologie et devenir de l’homme » organisé à la Sorbonne par le recteur Mallet, est souvent regardée comme un événement précurseur de la naissance du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) 1 - 2 . C’est d’ailleurs la même année que fut créé le comité d’éthique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) qui peut, lui, être considéré comme le précurseur direct du CCNE 3 . Les membres de ce comité étaient tous biologistes ou médecins. Quelques années plus tard étaient constitués, d’abord un comité d’éthique local à Toulouse en 1978, et ensuite des comités rattachés à des centres hospitalo-universitaires, à Marseille, à Rouen, à Lyon et à Paris (Assistance publique en 1981, Centre hospitalier universitaire, CHU, du Kremlin-Bicêtre en 1982) 4 . Ces institutions furent la conséquence de prises de positions éthiques au niveau international, en particulier la déclaration d’Helsinki (1964), révisée à Tokyo (1975) et à Venise (1983), et la déclaration de Manille (1981) 5 qui préconisaient l’examen des protocoles d’expérimentation humaine par des comités indépendants. Ceux-ci devraient considérer à la fois les aspects éthiques et les aspects scientifiques des programmes de recherche, étant entendu qu’une expérimentation sur l’homme qui serait sans valeur scientifique serait ipso facto contraire à l’éthique. 1 FAGOT-LARGEAULT, A., L’homme bio-éthique. Pour une déontologie de la recherche sur le vivant, Paris, Ed. Maloine, 1985. 2 BERNARD, J., « Discours inaugural », Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Rapport 1984, Paris, La Documentation française, 1985, pp. 17 à 20. 3 AMBROSELLI, C., « Les institutions en question », Après-demain, 1984, 266, pp. 5 à 10. 4 JOANNET, P., « Comités d’éthique : nécessité, contrainte ou parapluie ? », Autrement, L’éthique corps et âme, 1987, 93 (octobre), pp. 75 à 82. 5 Il s’agit, pour la déclaration de Manille, de directives proposées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et par le Conseil des organisations internationales des sciences médicales (CIOMS). La déclaration d’Helsinki a été adoptée par la dix-huitième Assemblée médicale mondiale et révisée par les assemblées de Tokyo et de Venise. Il faut rappeler ici que les premières règles éthiques ont été établies à l’occasion des procès des crimes commis dans les camps de concentration nazis (code de Nuremberg, 1947). Ces différents textes sont reproduits dans : Conseil d’Etat (Section du rapport et des études), Sciences de la vie. De l’éthique au droit, Paris, la Documentation française, 1988. 11 Création, composition et fonctions du Comité consultatif national d’éthique Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a été créé par décret du président de la République en date du 23 février 1983 6 . Il « a pour mission de donner son avis sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé » 7 . Dans son allocution inaugurale, le président François Mitterand s’est demandé « qu’elles seraient les conséquences d’un avis formulé par le comité », ce qui n’est pas explicitement formulé dans le décret de la fondation. La réponse a été : « Dans tel ou tel cas, le Gouvernement pourra être appelé à réglementer, le Parlement à légiférer, les organismes de recherche à orienter leurs programmes : et c’est précisément parce qu’on ne saurait tout prévoir que ce texte reste ouvert » 8 . Dans l’éditorial du numéro de septembre 1989 de la Lettre d’information du CCNE, Jean Michaud, conseiller de la Cour de Cassation et membre du comité, confirme et précise même cette attitude : « On le (le CCNE) soupçonne ici ou là de se prendre pour le législateur, de manifester quelque imperium. C’est bien entendu parfaitement inexact, puisque nous ne faisons que poursuivre la tâche entreprise à nos débuts et que nous assigne le texte qui nous institue : rendre des avis dont nous ne cessons de proclamer qu’ils n’ont aucune force obligatoire ». Remarquons que la mission du comité, telle qu’elle est définie dans le décret de 1983, est limitée en principe à la recherche et ne concerne donc pas les problèmes moraux liés à la pratique médicale. Le comité comprend, outre son président, nommé par le président de la République, cinq personnalités, désignées elles aussi par ce dernier, et appartenant aux principales familles spirituelles et philosophiques 9 , et seize personnalités qualifiées, choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes éthiques 10 , désignées par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, le vice-président du Conseil d’Etat, le premier président de la Cour de Cassation et divers ministres (de la santé, de la recherche, de l’éducation, etc.). Il comprend aussi quinze personnalités appartenant au secteur de la recherche (Académie des sciences, Académie de médecine, Collège de France, les universités, le CNRS, l’INSERM, etc.) 11 . Ces personnes – qui peuvent être qualifiées de « chercheurs » ou de « spécialistes » – sont nommées par les dirigeants de ces organismes. Aucun membre n’est élu par ses pairs. 6 Décret n° 83-132 du 23 février 1983 (Journal officiel du 25 février 1983), modifié par les décrets n° 83740 du 9 août 1983 (J.O. du 11 août 1983 et Rect. J.O. du 26 novembre 1983) et n° 86-174 de février 1986 (J.O. du 7 février 1986). 7 Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Rapport 1984, Paris, La Documentation française, 1985; p. 11. 8 Ibid; p. 15. 9 Quatre membres dans le décret initial du 23 février 1983, dont à titre d’exemple, une théologienne protestante, un philosophe marxiste et le directeur du journal La Croix. 10 Le nombre initial a été de quatorze, porté ensuite à quinze (1986), puis à seize (1987). 11 Le nombre initial était de quatorze. 12 L’article 6 du décret stipule que le comité est renouvelé par moitié tous les deux ans, un tirage au sort devant être effectué à la fin de la première période. Ceci n’implique pas un changement obligatoire des personnes, comme le montre sa composition actuelle qui comprend encore de nombreux membres désignés au moment de sa création. C’est notamment le cas de son président, le professeur Jean Bernard. Une section technique constituée de onze membres est chargée « d’instruire les dossiers qui seront soumis à l’examen du comité et de traiter toutes les autres demandes d’avis qu’il ne serait pas jugé utile d’examiner en comité plénier » 12 . Depuis 1985, le comité étudie, au sein de trois groupes de réflexion, et en dehors de toute demande d’avis, des problèmes plus fondamentaux qui concernent, respectivement les neurosciences, la connaissance, et la notion de personne humaine. Ces groupes de travail peuvent faire appel à des correspondants et à des experts étrangers au comité. Le rapport Recherche biomédicale et respect de la personne humaine a été publié en décembre 1987 13 . Nous y reviendrons plus loin. Le comité est chargé d’organiser à Paris et dans diverses villes de province, des journées annuelles ouvertes au public, au cours desquelles sont exposés les résultats des travaux de l’année écoulée et où un grand thème se rattachant à la mission du comité est discuté, en principe, avec les auditeurs. Nous avons eu l’occasion d’assister aux journées de 1987 et de 1988 où les thèmes choisis étaient « éthique, formation et information » pour les premières et « éthique et connaissance » pour les secondes. Nous avons été frappés par le caractère solennel, pompeux même de ces séances (le local choisi était le grand amphithéâtre de la Sorbonne) et par le peu de place laissé à une discussion approfondie, rendue difficile par le cadre et par le nombre des intervenants – peut-on dire des participants ? Le compte rendu des journées annuelles paraît dans un Rapport publié chaque année par la Documentation française et qui contient aussi les textes des avis, recommandations et rapports émis l’année précédente. Le comité publie enfin une Lettre d’information trimestrielle. Autres instances officielles ou officieuses Avant de présenter le contenu des principaux avis émis par le CCNE, il nous paraît utile de citer ici quelques autres textes élaborés en France par des instances plus ou moins officielles au cours des quatre ou cinq dernières années et qui touchent à des problèmes de bioéthique. En octobre 1986, paraît un rapport sur les procréations artificielles rédigé par un groupe de cinq personnalités qui avaient été chargées par le Premier ministre de recueillir les avis et réflexions des experts et de l’opinion sur ce sujet. Les rapporteurs font des 12 13 Comité consultatif national d’éthique, op.cit. (note 7); p. 95. Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Recherche biomédicale et respect de la personne humaine. Explicitation d’une démarche, Paris, La Documentation française, 1987. 13 propositions qui ont pour but, entre autres, d’assurer la transparence des pratiques de la procréation médicalement assistée et la gratuité des dons de gamètes et d’embryons, d’engager un programme de prévention des maladies sexuellement transmissibles, d’approfondir la réflexion bioéthique par la multiplication des comités d’éthique locaux et par la création d’un enseignement interdisciplinaire, d’inscrire la politique française en matière de procréation médicalement assistée dans une démarche internationale et d’étudier l’état du droit dans la filiation et le problème de l’accès aux origines, c’est-àdire la levée éventuelle de l’anonymat du donneur 14 . Un autre document important émane du Conseil d’Etat qui, à la suite d’une demande du Premier ministre, a étudié les aspects juridiques de l’éthique ou, pour reprendre les termes mêmes du titre de l’étude, le passage « de l’éthique au droit » 15 . Comme il est dit dans l’avant-propos, « il est apparu que l’éthique, qui demeure évidemment nécessaire, ne suffit pas. Des règles et des institutions sont indispensables, pour tirer les conséquences des procédés nouveaux, par exemple en matière de filiation ou pour éviter leurs dérives telles que les manipulations génétiques » 16 . Le travail a été réalisé par un groupe de spécialistes du droit public et du droit privé, en liaison étroite avec le CCNE. Cette collaboration était assurée par la participation de tous les juristes du comité aux travaux du groupe. Ce travail, très complet, envisage les problèmes posés par l’expérimentation humaine (les essais sur l’homme) et l’utilisation des éléments et des produits du corps humain, les questions en relation avec la procréation humaine (procréation médicalement assistée, diagnostic prénatal, utilisation de l’embryon humain) et le cadre institutionnel (registres épidémiologiques, comités d’éthique, garanties et sanctions). Il présente en annexe une étude de droit comparé (couvrant huit pays et le Conseil de l’Europe) et les textes du Code de Nüremberg, de la Déclaration d’Helsinki, de la Déclaration de Manille, ainsi que des extraits du Code pénal, du Code civil et du Code de la santé publique. Certains aspects de la bioéthique sont abordés dans un ouvrage publié en 1989 par la Commission nationale consultative des droits de l’homme à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française 17 . On y trouve notamment un chapitre rédigé par France Quéré, théologienne protestante, membre du CCNE, qui attire l’attention sur les dangers possibles des succès de la biologie et de la médecine et le risque de passer par d’imperceptibles transitions du zygote à l’enfant, en passant par l’embryon et le fœtus, de la mort au sommeil, par les intermédiaires du coma dépassé, de l’état végétatif chronique et de la syncope ! D’où la nécessité de « revenir à une perception de la personne qui ouvrirait le plus largement possible le compas, jusqu’à inclure ses formes potentielles ou 14 ALNOT, M.O., LABRUSSE-RIOU, C., MANDELBAUM-BLEIBTREU, J., PEROL, Y., ROSENCZVEIG, J.P., Les procréations artificielles. Rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation française, « Collection des rapports officiels », 1986. 15 Conseil d’Etat, Section du rapport et des études, Sciences de la vie. De l’éthique au droit, Paris, La Documentation française, Coll. « Notes et études documentaires », 1988. 16 Ibid; p. 7. 17 Commission nationale consultative des droits de l’homme, 1989, Les droits de l’homme en question, Paris, La Documentation française, 1989. 14 rétrospectives, où les interventions de la science ne seraient autorisées qu’en des cas impérieux et sous contrôle de comités d’éthique » 18 . Trois chapitres traitent plus spécifiquement des rapports entre la bioéthique et les droits de l’homme. Michel Tibon-Cornillot, chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, dans un chapitre intitulé « Respect éthique et instrumentalisation des corps en biologie et en médecine; du génie génétique aux manipulations d’embryons » 19 fait un bon exposé des principales découvertes dans ce domaine et propose trois attitudes possibles en face de ces découvertes, soit une valorisation de la subjectivité avec comme conséquence une prééminence de l’individu sur la société, soit une conception holiste de l’éthique qui privilégie l’esprit communautaire, le groupe social, la famille, soit enfin l’attitude de beaucoup de chercheurs qui considèrent que le progrès dans la connaissance et la discipline dans la recherche sont déjà en soi des valeurs éthiques. René Frydman, professeur de médecine, expose les aspects scientifiques des techniques de procréation artificielle utilisées tant pour le traitement de la stérilité que pour la recherche. Il aborde le problème des mères porteuses, de la fécondation in vitro et du sort des embryons surnuméraires 20 . Les aspects juridiques de ces recherches sont étudiés par Michelle Gobert, professeur de droit, qui distingue les progrès intervenus dans la reproduction humaine et le traitement de la stérilité (insémination artificielle, dons d’ovules, maternité pour autrui, FIVETE) de ceux intervenus ou à venir dans le devenir de l’homme (identification des gènes, thérapie génétique, diagnostic prénatal) 21 . Elle adopte en général une position très ouverte qui, tout en dénonçant elle aussi la tentation de l’eugénisme, remarque que le principe de la thérapie génique sur les cellules somatiques, sans modification du patrimoine génétique, est généralement admis et que dès à présent l’avortement pour cause de détresse est possible librement jusqu’à la fin de la dixième semaine et que l’avortement thérapeutique peut être pratiqué pendant toute la grossesse si l’enfant à naître présente une affection particulièrement grave et incurable. En résumé, ces trois ouvrages, dans leur ensemble, présentent en détail les faits scientifiques récents qui posent le plus de problèmes éthiques, c’est-à-dire de façon tout à fait prépondérante ceux qui touchent à la reproduction humaine. Ils abordent à peine la question des essais thérapeutiques 22 et ignorent complètement le débat sur l’euthanasie. Les solutions proposées dans le domaine de la reproduction sont remarquablement 18 QUERE, F., « Entre l’intolérable et l’inqualifiable », Ibid.; p. 76. Ibid.; pp. 281 à 311. 20 FRYDMAN, R., « Incidences des progrès des sciences biologique et médicale sur le droit des personnes. Aspects scientifiques », Ibid.; pp. 313 à 316. 21 GOBERT, M., « Incidences des progrès des sciences biologique et médicale sur le droit des personnes. Aspects juridiques », Ibid.; pp. 317 à 322. 22 Il convient toutefois de signaler que l’expérimentation est traitée de façon plus approfondie dans un ouvrage intitulé Expérimentation humaine et droits de l’homme, Paris, Presses universitaires de France, 1988, publié par la Fondation Marangopoulous pour les droits de l’homme (Athènes), dont nous ne rendons pas compte parce qu’il s’agit des actes d’un colloque organisé dans l’île de Crête en mai 1988 par l’Institut de droit comparé de Paris et le Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal, et qui sort donc du cadre que nous avons choisi. 19 15 cohérentes et restent très ouvertes. Les seuls interdits absolus concernent les manipulations du génome et le commerce du corps et des organes. Les avis et rapports du CCNE Depuis sa création, le CCNE a émis quatorze avis qui ont fait l’objet d’une publication dans les rapports annuels parus de 1984 à 1988, plus quatre avis, non encore publiés, en 1989. Chaque avis est accompagné d’un rapport, parfois dissocié en rapports technique, scientifique et éthique, qui est un document préparatoire n’engageant pas le comité. Il est parfois signalé qu’une décision n’a pas emporté un accord unanime, mais il n’est donné aucune indication sur des votes éventuels. A deux reprises, une note signée exprime l’opinion divergente d’un membre. L’annexe donne la liste des avis jusqu’au 16 décembre 1989. Nous en analyserons sept qui peuvent être regroupés sous quatre rubriques : la reproduction humaine et la procréation artificielle (au sens large), les états végétatifs chroniques et de mort cérébrale, le sida, les essais de nouveaux traitements chez l’homme. La longueur des avis est très variable : cinq fois ils ne dépassent pas une page, sept fois ils sont de une et demi à cinq pages; les deux derniers ont respectivement neuf et dix-huit pages. Le comité a aussi publié une brochure intitulée Recherche biomédicale et respect de la personne humaine rédigée par Lucien Sève. Il s’agit du rapport d’un groupe de travail mis en place en 1985 et dont le texte a été plusieurs fois discuté et modifié par le comité plénier 23 . Avis relatifs à la reproduction humaine La prédominance des problèmes éthiques liés à la reproduction humaine apparaît clairement lorsqu’on constate que le comité a émis six avis sur ce sujet (voir annexe). Nous en retiendrons deux pour une analyse forcément un peu sommaire : le seul avis sur la recherche sur les embryons in vitro et leur utilisation à des fins médicales et scientifiques a dix-huit pages et les rapports qui l’accompagnent quarante-quatre pages. Un point auquel le comité attache manifestement une grande importance puisqu’il est repris dans chaque avis sur le sujet est la qualité de personne humaine potentielle attribuée à l’embryon ou au fœtus 24 dès sa conception « et dont le respect s’impose à tous ». Il est quasi symbolique que cette notion apparaisse dans la première phrase du premier avis du comité (Avis sur les prélèvements de tissus d’embryons ou de fœtus humains morts à des fins thérapeutiques, diagnostiques et scientifiques, avril 1984). On 23 24 Comité consultatif national d’éthique, op.cit. (note 13). Dans tous les textes consacrés à la reproduction humaine, le comité ne fait pas de différence entre les termes « embryon » et « fœtus » estimant que la limite entre ces deux stades ne peut être définie de façon scientifique. 16 trouve dans ce document un rejet catégorique de toute utilisation commerciale ou industrielle des embryons. Seule l’utilisation à des fins diagnostiques est considérée comme légitime sans aucune réserve. L’utilisation des tissus embryonnaires dans un but thérapeutique n’est admise que dans des cas exceptionnels, pour des maladies particulièrement graves et pour lesquelles aucune autre méthode de traitement n’est aussi efficace. L’usage pour la recherche ne doit être permis que dans des établissements agréés et si le but poursuivi est spécialement important et utile au progrès des thérapeutiques. L’avis d’un comité d’éthique doit avoir été obtenu. Lorsque le fœtus provient d’un avortement provoqué, l’équipe de chercheurs doit être totalement indépendante de celle qui procède à l’interruption volontaire de grossesse. Enfin, le père et la mère ont un droit de veto. Ils peuvent s’opposer aux prélèvements et expériences évoqués plus haut mais il n’est pas indispensable d’obtenir leur consentement. L’autre avis que nous désirons commenter concerne les recherches sur les embryons humains in vitro et leur utilisation à des fins médicales et scientifiques (1986). Il prolonge et complète l’avis dont nous venons de parler. Il examine les conditions d’application de la technique de la fécondation in vitro et transfert d’embryons (FIVETE) et de ce qui en découle, le sort des embryons surnuméraires. Avant d’aborder l’aspect éthique, nous décrirons très brièvement les aspects scientifiques et techniques de ces méthodes. Les ovocytes (œufs non fécondés) sont recueillis chez la femme par une ponction réalisée sous laparoscopie, après une période de stimulation hormonale. Celle-ci est rendue nécessaire par les besoins de réimplanter, après fécondation in vitro, plusieurs œufs fécondés (trois est le chiffre habituellement retenu) pour avoir une chance raisonnable de grossesse. Dans ces conditions, le taux de succès par tentative est situé entre quinze et vingt pour cent. La réimplantation d’un nombre supérieur d’ovocytes entraîne une fréquence trop élevée de grossesses multiples, pouvant atteindre près de vingt pour cent, alors qu’il n’est que de un pour cent normalement en moyenne. Comme le nombre d’ovocytes obtenus par ponction dépasse souvent le chiffre de trois, on dispose donc d’un certain nombre d’embryons surnuméraires qui peuvent être congelés et conservés pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, et être utilisés après ce délai pour une nouvelle tentative de grossesse (ou pour tout autre usage, comme nous le verrons plus loin). Signalons à ce sujet que la conservation d’ovocytes non fécondés reste aujourd’hui extrêmement aléatoire. Les problèmes éthiques soulevés par ces méthodes sont multiples. L’avis reprend la notion de personne humaine potentielle déjà évoquée plus haut. Il récuse par contre le concept de pré-embryon que certains chercheurs auraient voulu distinguer de l’embryon et auquel ne saurait s’appliquer la qualité de personne humaine (potentielle). Ce stade irait pour certains jusqu’au moment de l’implantation (sixième jour), pour d’autres jusqu’à l’apparition d’un axe de symétrie, la ligne primitive (quatorzième jour), l’argument étant, dans ce dernier exemple, que la section du pré-embryon en deux parties, jusqu’à ce stade, peut donner naissance à des jumeaux identiques. Il est affirmé que la finalité de la FIVETE est la naissance d’enfants et qu’il est exclu d’utiliser cette technique pour produire des embryons en vue de la recherche. Comme dans l’avis précédent, il faut rejeter toute commercialisation. Les fécondations et autres interventions 17 médicales ou scientifiques sur ce matériel ne peuvent se faire qu’avec l’accord des géniteurs. Le sort des embryons surnuméraires est longuement discuté. Leur destruction est considérée comme un moindre mal. L’utilisation en vue d’une deuxième grossesse, après succès d’une première FIVETE, n’a pas recueilli l’accord unanime du comité mais n’est pas rejetée en principe. Le don d’embryon à un autre couple n’est envisagé que par certains membres du comité et le souhait général est plutôt que des normes juridiques soient établies, le don d’enfant n’étant pas licite dans le droit français. L’utilisation des embryons à des fins de recherche n’est pas considérée comme souhaitable, mais elle n’est pas exclue non plus a priori. Ces recherches doivent être contrôlées et ne pourraient être entreprises qu’après que le projet procréatif ait été réalisé ou abandonné et seulement après avoir reçu un avis favorable du CCNE. Un moratoire de trois ans est proposé pour les recherches sur le diagnostic génique in vitro avant transplantation pour éviter le tri génétique et l’eugénisme. Les recherches qui devraient être interdites sont la thérapie génique germinale, c’est-à-dire la modification artificielle du génome humain, la transplantation d’embryons entre l’homme et l’animal, la création de chimères, la gestation masculine. Bien d’autres points sont développés dans ce long avis accompagné d’un rapport plus long encore. Il n’est pas possible de les discuter ni même de les citer ici. Notons seulement que l’accent est mis sur la détresse du couple stérile, mais que l’intérêt des parents potentiels ne peut jamais avoir la prééminence sur l’intérêt du futur enfant ou, pour reprendre une formule classique, qu’avant de réclamer le droit à l’enfant, il faut penser aux droits de l’enfant. Avis sur les états végétatifs chroniques et sur l’état de mort cérébrale L'avis sur les expérimentations sur les malades en état végétatif chronique a été émis en 1986 à la suite de ce qu'on a appelé « l'affaire Milhaud » : le docteur Alain Milhaud, chef du département d'anesthésie-réanimation au Centre hospitalier universitaire d'Amiens, avait réalisé en mai 1985 une expérience de transfusion sanguine à haut débit, par voie intra-osseuse, chez un sujet jeune qui se trouvait dans un état végétatif chronique depuis trois ans. L'expérience avait consisté à prélever un litre de sang au malade et à le lui réinjecter immédiatement dans l'os iliaque en deux minutes. Le prélèvement du sang avait entraîné une chute de tension, rapidement corrigée par l'administration d'un liquide de substitution (le Plasmion). La transfusion du sang s'était déroulée sans incident et il n'y eut pas de suites défavorables. Dans une lettre adressée en décembre 1985 au CCNE, le docteur Milhaud demandait l'autorisation de répéter cette expérience chez d'autres patients et, sur un plan plus large, de pratiquer des essais thérapeutiques sur des sujets en état végétatif chronique. La réponse du comité fut négative sur les deux points. Elle souligne, avec une certaine insistance, parfois même avec ironie, les insuffisances techniques et les erreurs de la première expérience : prélèvement d'une trop grande quantité de sang, conservation défectueuse des échantillons prélevés pour analyse, inutilité et danger de la curarisation. Sur le plan éthique, l'avis et le rapport insistent sur le fait que l'expérience ne pouvait avoir aucun intérêt pour le malade mais comportait des risques non négligeables et était donc en contradiction avec l'avis sur les essais de nouveaux traitements chez l’homme (voir plus loin) où il est nettement affirmé qu'un 18 malade ne peut pas faire l'objet d'un essai thérapeutique sans rapport avec le traitement de la maladie qui l'atteint. Aucun accord du patient ne pouvait, pas définition, être obtenu. Les proches du malade n'avaient pas été consultés et l'avis d'un comité d'éthique local n'avait pas été demandé. En ce qui concerne la question plus générale des essais thérapeutiques chez des patients en état végétatif chronique, le comité relève, pour s'y opposer de façon absolue, la formule utilisée par le docteur Milhaud selon laquelle ces malades seraient « des modèles humains presque parfaits et constitueraient des intermédiaires entre l'animal et l'homme ». On ne peut s'empêcher de penser à la lecture de cet avis que le comité a été choqué par la demande du docteur Milhaud et qu'il a réagi d'une façon un peu précipitée et affective, peut-être sans avoir envisagé d'une façon tout à fait sereine tous les aspects du problème 25 . Sans utiliser les expressions contestées d'Alain Milhaud, on peut estimer que le patient en état végétatif chronique pourrait, avec l'accord de ses proches et pour autant qu'il n'ait pas manifesté auparavant son opposition de principe, être soumis à des expériences difficilement réalisables dans d'autres conditions et d'un intérêt scientifique particulièrement important. En 1988, le comité a émis un avis sur des problèmes très proches de ceux qui ont été examinés dans l'avis précédent, mais concernant cette fois des sujets en état de mort cérébrale. Ce terme est considéré comme préférable à celui de «coma dépassé» qui risque d'entraîner une confusion avec les comas prolongés. La mort cérébrale est définie comme l'arrêt irréversible de toutes les fonctions du cerveau (hémisphères et tronc cérébral) confirmé par cinq signes dont un électro-encéphalogramme plat constaté sur deux enregistrements effectués à au moins six heures d'intervalle. Un tel état ne peut être maintenu — artificiellement, grâce aux techniques de réanimation — que pendant quelques jours. La mort cérébrale est la mort de l'individu; on peut à ce stade arrêter la respiration et la circulation artificielles. Celles-ci peuvent être maintenues un certain temps pour permettre le prélèvement d'organes en vue de la transplantation si le sujet n'a pas manifesté d'opposition de son vivant (loi du 22 décembre 1976, dit loi Caillavet, et décret du 31 mars 1978). L'avis est négatif en ce qui concerne l'expérimentation à ce stade et stipule que la situation ne peut être comparée à celle qui vient d'être évoquée et qui concerne le prélèvement d'organes en vue de la transplantation : «Il y a une différence entre une transplantation d'organes susceptibles de sauver une vie humaine dans l'immédiat, et une expérimentation dont le résultat n'est pas prévisible». Une telle interprétation peut être contestée et l'est effectivement par Henri Caillavet lui-même dans une lettre ouverte au professeur Jean Bernard et dont il est le co-signataire (14 décembre 1988). Il y est rappelé que l'article 2 de la loi stipule que «des prélèvements peuvent être effectués à des fins thérapeutiques ou scientifiques, sur le cadavre d'une personne n’ayant pas fait connaître de son vivant son refus d'un tel prélèvement». La lettre ouverte poursuit: «Ainsi, le législateur s'est bien gardé de préciser qu'il s'agissait obligatoirement d'organes; des prélèvements de tous types (liquides physiologiques ou pathologiques, 25 Cet avis a cependant été confirmé en 1988 en annexe au rapport qui accompagne l’avis sur l’expérimentation médicale et scientifique sur des sujets en état de mort cérébrale (Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Rapport 1988, Paris, La Documentation française, 1989; p.22. 19 grandeurs physiologiques, images radiologiques ou vidéo, etc.) peuvent parfaitement entrer dans le cadre de cet article 2». Une déclaration aussi nette de la part de l'auteur de la loi nous paraît difficilement contestable et on peut s'étonner de l'opposition délibérée et répétée du CCNE à toute expérimentation sur les patients en état végétatif chronique ou en état de mort cérébrale, ces sujets ne pouvant, par définition, pas souffrir de ces manoeuvres. Il nous semble que l'intérêt potentiel des recherches effectuées devrait être pris en considération pour les accepter ou les refuser. Le bien futur de la société ne devrait peut-être pas être systématiquement placé dans une situation d'infériorité par rapport au «respect» de la dépouille mortelle. Est-ce d'ailleurs manquer de respect que soumettre celle-ci à une expérimentation utile, dans des conditions rigoureusement contrôlées ? Avis sur les essais de nouveaux traitements L'avis sur les problèmes éthiques posés par les essais de nouveaux traitements chez l'homme (Rapport 1984) concerne non seulement les essais de nouveaux médicaments mais l'ensemble des actes à visée curative, préventive ou diagnostique. Par souci de simplicité et de brièveté, nous n'envisagerons ici que les traitements médicamenteux. Il est admis aujourd'hui que les nouveaux médicaments, après avoir subi les indispensables études pharmacologiques et toxicologiques en laboratoire, in vitro et sur plusieurs espèces animales, doivent passer par une investigation clinique en trois phases. La première consiste à déterminer chez l'homme, en première approximation, la tolérance et la posologie. La phase II a pour but de préciser la posologie et surtout d'établir l'efficacité du nouveau traitement. Ces deux types d'essai ne demandent en général qu'un nombre relativement restreint de malades (quelques dizaines). La phase III est de loin la plus importante. Elle vise à comparer le produit testé à un traitement «classique», d'efficacité établie. La méthode la plus utilisée consiste à constituer deux groupes de malades aussi comparables que possible, ce qui se fait en général par «randomisation», c'est-à-dire par répartition des malades entre les groupes par tirage au sort. L'évaluation doit se faire, dans toute la mesure du possible, «en double aveugle», c'est-à-dire sans que l'investigateur (le médecin) ni le patient ne sachent si le traitement reçu est le produit à l'essai ou le médicament de référence (voire un placebo si la maladie traitée est de peu de gravité). Ces essais comparatifs exigent de nombreux malades, souvent quelques centaines. Depuis 1975, à la suite des directives européennes du 20 mai, l'autorisation de mise sur le marché en France devait obligatoirement avoir été précédée d'une évaluation réalisée selon la méthodologie qui vient d'être sommairement décrite. Or ce type d'étude était illicite et leurs promoteurs étaient passibles de sanctions pénales. La loi du 12 décembre 1988 sur «la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales» a heureusement mis fin à ce dilemme qui existait donc encore au moment où le CCNE a rédigé son avis. Celui-ci présente d'emblée l'essai contrôlé comme la méthodologie la plus rigoureuse. Ceci ne peut pas nous étonner puisque le rapporteur était le professeur Daniel Schwartz, statisticien, et autorité mondialement reconnue dans le domaine des essais thérapeutiques. L'avis n'admet le recours à des volontaires sains que si le risque encouru est minime. Il exclut de toute façon les détenus, les incapables, les malades atteints d'une affection étrangère à l'étude. Les participants à l'essai doivent donner un «consentement libre et éclairé», de préférence par écrit, et dans ce but, doivent 20 recevoir une information complète sur les buts de l'essai et sur les risques. Toute rémunération devrait être interdite. Le protocole de l'essai doit être présenté à un comité d'éthique. Ces différents points ont été repris de façon presque identique dans le rapport du Conseil d'État cité plus haut (page 68) et ont été adoptés dans la loi du 12 décembre 1988. Avis concernant le sida et l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine Le premier avis au sujet du sida a été donné en 1985. Il concerne les problèmes éthiques posés par l'appréciation des risques du sida, par la recherche d'anticorps spécifiques chez les donneurs de sang (Rapport 1985). Comme il est court, il paraît utile de le transcrire ici dans son intégralité, ce qui donnera aussi un exemple du «style» du comité : « Le Comité rappelle qu'en l'état actuel des données scientifiques, il existe des incertitudes. Celles-ci concernent sans doute moins les techniques elles-mêmes que l'interprétation qu'on peut donner d'une séro-positivité. Encore convient-il de souligner qu'il serait inadmissible que par l'effet d'une excessive pression commerciale on en vienne à devoir suspecter les conditions d'exploitation des tests sérologiques. Quoiqu'il en soit de cet aspect aléatoire du diagnostic sérologique, le Comité estime qu'il est indispensable de faire dans des conditions techniques irréprochables le dépistage de l'infection chez les donneurs de sang, mais que ceux-ci devraient au préalable en être informés. Devant la constatation d'une séro-positivité et compte tenu de la possibilité d'une grave évolution de l'infection et des risques de diffusion de la maladie, le Comité estime que le médecin du centre de transfusion doit observer une attitude de totale franchise à l'égard de l'intéressé qui sera informé de ses responsabilités personnelles, familiales et relationnelles. Il convient qu'en pareille circonstance les médecins soucieux d'adapter leurs propos à chaque cas particulier soient en mesure de transmettre, dans des conditions acceptables souvent difficiles, un message efficace concernant le nombre, l'étendue des investigations complémentaires et les précautions à observer vis-à-vis de l'entourage.» Le CCNE avait été saisi par le ministre de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale, d'une demande d'avis sur les problèmes éthiques posés par la progression de l'infection par le virus de l'immuno-déficience humaine (Rapport 1988). Il a rédigé un long rapport de quarante-cinq pages qu'il serait évidemment impossible de résumer ici. On ne peut rendre compte de l'avis lui-même qu'en faisant abstraction d'un grand nombre de détails. Cet avis signale d'emblée que la gravité de la situation justifie «une action soutenue pour prévenir cette transmission, action légitimant des sacrifices importants, tant sur le plan financier que par les limitations qu'elle pourrait apporter aux libertés individuelles et collectives» 26 . Une première 26 Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Ethique et recherche 21 question posée concernait la justification du dépistage, par exemple à l'occasion d'un examen prénuptial, en début de grossesse, lors d'une hospitalisation en vue d'une intervention chirurgicale. Il est rappelé que la déclaration de l'infection par le virus de l'immuno-déficience humaine (VIH) au stade de sida avéré est obligatoire depuis un décret pris en 1986. L'avis rappelle aussi que les pouvoirs publics ont pris une série d'arrêtés ministériels et de circulaires qui rendent le dépistage obligatoire pour les donneurs de sang, d'organes, de cellules, notamment de sperme. Il approuve cette obligation. Le comité considère que le dépistage devrait être systématiquement proposé, mais non imposé aux patients hospitalisés en vue d'une intervention chirurgicale ou d'un examen endoscopique. En ce qui concerne le dépistage à l'occasion de l'examen prénuptial, l'avis se contente de citer les arguments en faveur d'un dépistage obligatoire et les raisons qui peuvent être invoquées dans le sens de la simple obligation de proposer le test, sans prendre position. A propos de la femme enceinte, la même ambiguïté existe. Les membres du comité se sont partagés entre ceux qui donnaient la préférence à une proposition systématique et ceux qui jugeaient que l'obligation aurait une grande portée symbolique et «renforcerait les pressions en faveur de l'interruption de grossesse clans le cas où une séro-positivité serait découverte chez la future mère» 27 . Le comité estime qu'il ne lui est pas possible de conclure à ce sujet dans les courts délais qui lui ont été impartis. Il considère par contre qu'il a pu se livrer à une étude complète du problème de l'information et de l'éducation du public. Il reconnaît que d'importants efforts ont été faits en faveur de l'information des personnes appartenant aux catégories dites « à risque», c'est-à-dire les homosexuels, les drogués, les prostituées. Par contre, un effort supplémentaire devrait être fait en direction de l'ensemble des personnes en âge d'activité sexuelle, et plus particulièrement chez les jeunes. Il propose la création de groupes de travail avec des responsables d'associations et se prononce en faveur d'un enseignement spécialement destiné aux personnes qui sont amenées par leur profession à donner des avis et des conseils ou à répondre à des questions sur ce sujet : les membres des professions médicales et paramédicales et les «catégories sociales et professionnelles les plus directement concernées» (sans préciser davantage). Le CCNE s'est aussi prononcé, dans ce même avis, sur un certain nombre de questions en rapport avec la lutte contre la transmission de l'infection VIH. La personne séropositive doit non seulement être informée de cette séro-positivité, mais aussi des conséquences probables de l'infection à court, moyen et long terme, des répercussions sur elle-même et sur ses proches, des mesures à prendre pour en limiter la propagation et des conditions de la prise en charge médicale et sociale de ces conséquences et répercussions. Les résultats du dépistage doivent être couverts par le secret médical. La constatation d'une séropositivité ne devrait pas avoir d'influence sur l'embauchage ou sur l'exercice de la profession. Le CCNE a été le premier organisme permanent, créé à l'échelle nationale, ayant pour mission d'étudier les problèmes moraux créés par la recherche dans le domaine de la biologie humaine. Il est un exemple quasi unique, la plupart des autres pays ayant plutôt 27 biomédicale, Rapport 1988, Paris, La Documentation française, 1989; p.87. Ibid; p.94. 22 opté, jusqu'à présent, pour des commissions temporaires (comme aux Etats-Unis) ou pour des comités régionaux ou liés à des établissements hospitaliers. Le Danemark constitue l'une des exceptions; il y a été créé en 1987 un Conseil national d'éthique pour la santé et la recherche biomédicale. L'Australie s'est doté d'un Comité national d'éthique en 1989 28 . Plusieurs Etats semblent avoir dans leurs projets la création de comités nationaux, mais les décisions à prendre à un niveau élevé sont difficiles et souvent très lentes, parfois freinées par des conflits de compétence. Il nous semble qu'on peut néanmoins prévoir la création, dans plusieurs pays et dans un avenir plus ou moins proche, d'autres comités nationaux sur le modèle du CCNE français. 28 BERNARD, J., De la biologie à l’éthique, Paris, Ed. Buchet/Chastel, 1990; p.264. 23 Annexe Avis et rapports émis par le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (liste arrêtée au 16 décembre 1989). 1984 − Prélèvements de tissus d'embryons ou de foetus humains morts à des fins thérapeutiques, diagnostiques et scientifiques* − Problèmes éthiques posés par les essais de nouveaux traitements chez l'homme − Problèmes éthiques nés des techniques de reproduction artificielle* 1985 − Les registres médicaux pour études épidémiologiques et de prévention. − Problèmes éthiques posés par l'appréciation des risques du sida par la recherche d'anticorps spécifiques chez les donneurs de sang − Problèmes posés par le diagnostic prénatal et périnatal 1986 − Expérimentations sur les malades en état végétatif chronique − Recherches sur les embryons humains in vitro et leur utilisation à des fins médicales et scientifiques* 1987 − Problèmes posés par le développement des méthodes d'utilisation de cellules humaines et leurs dérivés − Utilisation de la mifépristone (RU 486) − Expérience de simulation des modifications cardio-vasculaires et des tissus de soutien observées chez l'homme en apesanteur réalisée sur des sujets volontaires sains 1988 − Expérimentation médicale et scientifique sur les sujets en état de mort cérébrale − Comités d'éthique locaux − Problèmes éthiques posés par la lutte contre la diffusion de l'infection par le virus de l'immuno-déficience humaine (VIH) 1989 − − − − Dépistage des toxicomanies dans l'entreprise Greffes de cellules nerveuses dans le traitement de la maladie de Parkinson Techniques des empreintes génétiques Don d'embryon et recherche sur l'embryon Les avis sont accompagnés de rapports, les rapports technique et éthique étant parfois distincts. Au cours de la première année, ils étaient accompagnés de «réflexions et propositions» ou d'un «document de travail». Tous ces documents sont publiés dans un rapport annuel (La Documentation française). 24 * Ces avis et rapports ont paru aussi dans : Comité consultatif national d'éthique, Avis de recherche sur l’embryon, édition bilingue français-anglais, Actes Sud et INSERM, Coll. «La fabrique du corps humain», 1987, 180 p. 25