Vinifications en rouge : macérations post

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Vinifications en rouge : macérations post
Vinifications en rouge : macérations post-fermentaires,
macérations carboniques, flash-détente sous vide
Jean-Louis ESCUDIER, M. BES, C. MOREL, M. MIKOLAJCZAK, A. SAMSON,
M. MARTIN
I.N.R.A., Unité expérimentale d'œnologie de Pech Rouge, 11430 Gruissan
I.N.R.A., U.M.R. Sciences pour l'œnologie, 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier cedex 2
Les progrès de la viticulture liés en particulier à l'encépagement, aux modes de conduite en
association avec une maîtrise des rendements permettent à l'œnologue de prendre en charge une
vendange à potentiel qualitatif amélioré.
Le vinificateur dispose d'options technologiques pour élaborer une gamme élargie de vins à partir de
raisins récoltés à une maturité maîtrisée. L'objet de cet article est de faire un état des lieux des
moyens technologiques aptes à extraire le potentiel qualitatif de la vendange. Ceux-ci ont évolué ces
dix dernières années en étant plus directifs et efficaces pour extraire les constituants d’intérêt des
baies de raisin. La vinification en rouge a fait l'objet d'expérimentations renouvelées en particulier par
l'I.N.R.A. et les instituts professionnels (I.T.V., I.C.V., Institut Rhodanien, etc.). Aux États-Unis, Karna
L. et al. a publié en 2005 un passage en revue de six techniques de vinification concernant
l’extraction des polyphénols. Un choix plus important d'itinéraires technologiques (figure 1) permet à
Temps - Macération
Remontages
N 2 ou cuves sp écialis ées
Figure 1- Vinifications et extractions,
itinéraires technologiques
Temp érature
Enzymes
Macération
carbonique
Éthanol
(effet solvant)
Pression - Vide
O2 - SO2
l'œnologue d'élargir l'offre de ses produits.
L'objectif n'est pas, au travers de la technologie, d'élaborer des vins industriels mais, au contraire,
d’utiliser celle-ci comme moyen plus directif pour diversifier les qualités et mieux exprimer, en cours
de vinification, le potentiel de composition de la vendange avec une approche ingénierie reverse.
Deux grandes options sont offertes aux œnologues, en termes de pratique :
- le respect de l'intégrité des baies de raisin pour déclencher le métabolisme anaérobie du raisin.
Cette approche reste réservée, de fait, aux vendanges récoltées manuellement.
- la désorganisation cellulaire poussée de la vendange pour accroître les phénomènes de diffusion.
Elle concerne tout type de récolte en rouge. Elle s'applique particulièrement bien à la récolte
mécanique de la vendange.
Macération en rouge
ESCUDIER J.L. page 1
Article technique RFOE N°216
1. Métabolisme anaérobie
1.1- Conditions et modalités de
réalisation en vinification
La fermentation intracellulaire, à côté de la
formation des composés aromatiques
spécifiques, crée les conditions d'une bonne
extraction des composés polyphénoliques.
Le couple temps-température a été étudié sur
différents cépages (C. Flanzy et al., 1987).
Des études de base, thèse Fondville-Bagnol
1996, thèse Labarbe Benoît 2000, et
publications (Fondville-Bagnol, 1999) ont traité
du modèle vinification beaujolaise.
Des schémas faisant appel à des temps
rallongés de cuvaison, avec mise en place de
remontages après la phase de métabolisme
anaérobie, ont aussi été expérimentés et
proposés (C. Flanzy et al., 2001).
Quels que soient le cépage mis en œuvre et les
millésimes d'expérimentation, les réponses
obtenues présentent de nombreuses similitudes.
Les conclusions issues de ce travail mené sur
une dizaine d'années peuvent être ainsi
résumées
- les conditions physiques de la première étape
de vinification sont à organiser pour amplifier et
accélérer les phénomènes du métabolisme
anaérobie (anaérobiose immédiate des baies
entières, température dés l'encuvage supérieure
à 30°C).
- le prolongement du contact entre phase
solide et liquide par la mise en œuvre de
système de pigeage adapté (turbopigeur ou
autopigeur) tend à faciliter la diffusion de
certains composants de l'ensemble de la
vendange sous l'effet de l'alcool.
- l'utilisation associée d'enzymes pectolytiques
conduit à accroître les phénomènes de
diffusion.
Au niveau organoleptique, des différences
significatives apparaissent entre vins jeunes (de
quelques mois) et vins de quelques années de
conservation. Le prolongement du contact entre
phase liquide et phase solide conduit à des vins
ayant davantage de complexités aromatique et
gustative. Par exemple, sur un vin de syrah
étudié par l'I.N.R.A. à l’unité expérimentale de
Pech Rouge en situation A.O.C., les vins de
macération carbonique, à macération et
cuvaison prolongées de 3 jours, avaient plus de
structure avec des tannins présents non
agressifs. Le gain de perception a été établi par
rapport au vin à macération carbonique plus
courte (7 jours au lieu de 10 jours).
D'autre part, les vins de macération carbonique
à plus basse température (20-25°C, plutôt que
30-32°C), sont bien classés les premiers mois
par les jurys, mais, rapidement, les
dégustateurs sélectionnent ensuite les vins
ayant bénéficié de températures de macération
plus élevées.
1.2- Métabolisme anaérobie et
macération préfermentaire à froid
Les vins d'A.O.C. Rosé des Riceys sont réputés
pour la finesse de leur expression aromatique.
Ils évoluent souvent de façon harmonieuse au
cours de leur conservation et certains
millésimes peuvent atteindre une longévité
remarquable.
Ces vins, issus du cépage pinot noir, sont
élaborés traditionnellement selon une
technologie relativement complexe. En effet,
celle-ci fait appel, dans une première étape, à
un ensemble de phénomènes sollicités
généralement en vinification en rouge
(macération carbonique partielle), fermentation
levurienne en présence des pulpes et rafles.
Les conditions climatiques et les pratiques de
vinification conduisent à une forme de
macération pelliculaire à froid (MPF) sur une
fraction de la vendange mise en œuvre.
Pour évaluer l'apport d'une MPF
comparativement à une macération carbonique
(MC), une série de vinifications a été
développée à l'I.N.R.A. Pech Rouge depuis 3
ans, sur les cépages carignan et syrah. Cette
série intègre, à côté du lot témoin (MC), un lot
MPF+MC. Les premières dégustations
comparatives mettent en évidence des
différences significatives entre les échantillons :
les vins de MPF+MC développent un équilibre
fruité plus intense sur les trois millésimes, y
compris sur les millésimes 2003, dégustés en
2005.
Macération en rouge
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Article technique RFOE N°216
2. Désorganisation cellulaire
Il s'agit au cours de la vinification de favoriser
les phénomènes de diffusion des composés des
parties solides de la baie de raisin vers la phase
liquide.
refroidie pour être vinifiée en phase solide,
peut, aussi, donner accès à des vins
d'appellation d'origine contrôlée après
expérimentation.
2.1- État des lieux technologique
et résultats
2.1.2- Méthodes de chauffage de
vendange : différentes options
La vinification en rouge fait appel à des cuveries
vinicoles régulièrement améliorées : cuves
spécifiques permettant de renouveler et
d’augmenter le contact du jus sur les baies de
raisin : cuves rotatives, cuves à pigeurs, cuves à
remontage et immersion du marc programmés,
cuves à déplacements du marc, utilisation de
turbo et autopigeurs, etc. Dans les différentes
régions viticoles concernées, des travaux
expérimentaux sont régulièrement publiés par
les instituts de la filière. Une synthèse
(Razungles, Vinifications en rouge) a été
réalisée en 1998 dans l'ouvrage "Œnologie
fondements scientifiques et œnologiques" (C.
Flanzy, 1998).
D'autres voies technologiques ont été
proposées. La macération finale à chaud a été
évaluée dans diverses situations de vinification.
Elle permet par un accroissement de la
température, autour de 40-45°C, en fin de
fermentation alcoolique, d'augmenter
sensiblement la couleur avec un gain de 10 à 20
%.
2.1.1- Chauffage de vendange : méthodes
Le chauffage de la vendange avant vinification
est une autre voie technologique ancienne, très
répandue dans de nombreuses régions viticoles.
Initialement, le chauffage de la vendange avant
vinification, appelé thermovinification,
nécessite, après la phase de macération à
chaud, un pressurage afin d’obtenir un moût en
phase liquide qui peut alors être plus aisément
refroidi avant vinification. Cette technologie
s'est renouvelée, du fait d'innovations, et
permet maintenant de chauffer la vendange
plus rapidement à des températures plus
élevées, et de pouvoir également vinifier la
vendange entière préalablement chauffée et
non plus seulement en phase liquide. Une
vendange préalablement chauffée, puis
- Le chauffage indirect, par un échangeur,
souvent de type coaxial ou à surface raclée,
alimenté en eau chaude surpressée, permet un
chauffage en continu à 70-85°C.
- Le chauffage direct, par du moût chaud. La
vendange égouttée est immergée en continu
dans ce moût préalablement chauffé dans un
échangeur alimenté en eau surpressée ou en
vapeur. La vendange immergée dans ce moût
chaud maintenu à 80-85°C peut être chauffée à
75-80°C.
- Le chauffage direct, par de la vapeur. Ce
système permet des montées plus rapides
(quelques minutes : 6 environ) aux
températures souhaitées (80-95°C) en l'absence
d'oxygène. La vapeur est produite dans ce cas à
partir d'une fraction de jus d'égouttage de la
vendange.
Classiquement, la vendange chauffée à 70°C,
après 20 à 30 minutes de macération, est
pressurée, le moût chaud est refroidi, la
vendange est vinifiée en phase liquide.
Une synthèse de 10 années d'expérimentations
comparatives entre le schéma thermotraitement, la voie macération carbonique et la
voie de vinification classique après éraflage de
la vendange a été publiée (Flanzy C., 1983,
Bariliére J.M., 1986).
Les vins y sont clairement évalués et séparés
par une analyse statistique de leurs
compositions respectives et par l'analyse
sensorielle.
La stabilité insuffisante de la composition
polyphénolique et, en particulier, de la couleur
des vins issus de thermovinification, est une des
limites du procédé de thermo-traitement avec
vinification en phase liquide.
La société Brunet-Ertia propose après chauffage
une légère mise sous pression (1 à 3 bars
pendant une durée très courte), puis une
détente à pression atmosphérique, appelée
Macération en rouge
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thermo-détente, dans le but d'améliorer
l'extraction de tanins (Dubernet M., 2005). Dans
ce cas, la détente n'occasionne pas de
refroidissement de la vendange, celle-ci est
pressurée à chaud, puis fermentée en phase
liquide classiquement après clarification.
L'I.T.V. (P. Cottereau) a travaillé sur des durées
de macération à chaud beaucoup plus
importantes (plusieurs heures au lieu de
quelques dizaines de minutes) qui ont fait
l'objet de récents rapports d’expérimentions. Il
s'agit d'une alternative technologiquement plus
facilement accessible en cave de petite taille.
raisin préalablement chauffées. Des mesures de
résistance physique des pellicules par un
pénétromètre, et des photos par microscopie
électronique ont permis de quantifier et
d'observer ce principe. La conséquence directe
de la mise sous vide de baies de raisin chaudes
est une vaporisation immédiate de l'eau
présente dans la vendange, provoquée par le
refroidissement concomitant pour atteindre la
température d'équilibre du vide poussé
appliqué : 30 à 35 °C pour une pression
absolue de 50 hPa.
2.2- Flash-détente et vinification
La masse d'eau évaporée sous vide est donnée
par la relation :
E = M Cs.!T/ Cp
2.2.1- Principe
L'I.N.R.A. et la société Aurore Développement
ont proposé une mise sous vide instantanée de
la vendange préalablement chauffée (figure 2).
Ce procédé appelé flash-détente est maintenant
bien développé dans plusieurs régions vinicoles
par 3 équipementiers : les sociétés Péra, Fabbri,
et Boccard. Les travaux menés à l'I.N.R.A. ont
été publiés, en particulier Moutounet M., 2000.
L'originalité essentielle du procédé est liée à un
refroidissement instantané créant les conditions
physiques d’une déstructuration des baies de
M : masse de vendange traitée
Cs : chaleur spécifique du moût
Cp : chaleur de vaporisation sous vide de l’eau
!T : différence de température entre le raisin
entrant et sortant.
À titre d'exemple, sous une pression absolue de
50 hPa, la vaporisation d'eau (E) de 100 Kg de
vendange si celle ci est chauffée à 82°C est de :
E = 100 x 0,875 x 50 x 100/570
= 7,67 Kg d'eau
Vendange
Egouttoir
Vendange égoutt ée
Vapeur biologique
Jus d ’égouttage
Chambre de chauffe
Sas
Vide
Pompe à vide
Condenseur
Chambre
de
détente
Chaudi ère
Condensats
exsudats
Vendange trait ée
Echangeur
Proc
Procédé de
de pr
pré-traitement
é-traitement de
de la
la
vendange
vendange par
par mise
mise sous
sous vide
vide
Figure 2- Principe de la flash-détente
Macération en rouge
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Sous le vide considéré, 1 Kg d'eau occupe un
volume de 29 m3, ceci explique l'effet
déstructurant et la fragmentation des pellicules
des baies de raisin, elle aussi quantifiée lors des
expérimentations.
2.2.2- Comparaison des extractions
Ces résultats concernent les vins vinifiés sur
marc après un prétraitement par flash-détente.
Le tableau 1 donne, à titre indicatif, la
composition analytique d’un vin de grenache,
réf. Pech Rouge, à t0 + 14 mois, vinifié en
phase solide avec le marc, comparativement a
une vinification traditionnelle du même cépage
récolté en lot homogène sur la même parcelle.
Tableau 1- Suivi analytique du vin issu de flash-détente et
du vin témoin, grenache, Massif de la Clape, parcelle
Grand Bellevue, I.N.R.A.
pH
SO2 libre - SO2 total mg/L
Vinification Flash-détente
traditionnelle
3,56
3,49
06*21
04*16
Composition en anthocyanes
Anthocyanes totales
171
215
Indice PVP
34
36
Indice d'ionisation
22
34
Anthocyanes libres (AI) mg/L
113
137
Anth. combinées aux tanins (TA)
58
78
mg/L
Anthocyanes colorées
38
73
Indice de chauffage
31
31
Indice des pigments polymérisés
56
55
Compositions en tanins
Procyanidines (tanins) g/L
2,63
3,41
A 280 (*dil)
39,4
51,8
Folin Ciocalteu (A 700 *dil* 100)
186
250
Procyanidines/Anthocyanes
15,4
15,84
Tanins précipités par HCl %
11
15
Tanins précipités par gélatine %
76 - 2002
74 - 2506
mg/L
Tanins précipités par éthanol %
10
6
Tanins non dialysés après 3 j. %
16
19
Répartition tanins non polymères71 % - 29 % 71 % - 29 %
polymères (LH 20) %
Coloration
Int. Color. A420+A520+A620
10 mm
Teinte A420/A520
A420 %
A520 %
A620 %
4,35
7,17
0,75
38 %
51 %
11 %
0,65
35 %
54 %
11 %
2.2.3- Stabilité dans le temps
En cours de conservation, les écarts entre les
vins de référence flash-détente et leurs témoins
respectifs sont proportionnellement maintenus.
À titre comparatif, une même vendange vinifiée
en thermovinification phase liquide a été suivie.
Elle a une teneur en composés polyphénoliques
réduite de 50 % par rapport au lot flashdétente. Des suivis ont été réalisés sur quatre
années. La figure 3 donne l’évolution de
l’intensité colorante sur une période de 90 mois
entre les différents lots expérimentaux : une
vinification témoin (VET), une thermovinification
classique (Thermo : fermentation en phase
liquide après une macération à chaud de 70°C
pendant 20 minutes), une thermovinification
pour laquelle le raisin, macéré à chaud, a été
refroidi à 30°C dans un échangeur pour
permettre une vinification en phase solide
10
9
8
7
6
FD
VE T
5
Thermo mac.
Thermo
4
3
2
1
0
To+2 mois
To+14 mois
To+42 mois
Figure 3- Évolution de l'intensité colorante en fonction
du mode de vinification
(Thermo mac), une vinification par flashdétente (FD).
2.2.4- Cinétiques d’extraction
Une étude conduite avec l’aide financière de la
Communauté Européenne, dans le volet
"Quality of Life and Management of Living
Ressources", projet numéro QLRT-2002-02364
intitulé "Novel enzyme-aided extraction
technologies for maximized yield and
functionality of bioactive components in
consumer products and ingredients from by-
Macération en rouge
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Article technique RFOE N°216
To+90 mois
Flash -détente et durée de conservation
product", acronyme Maxfun, a permis
d’approfondir les connaissances concernant
l’extraction au cours de la fermentation de
différentes classes de composés
polyphénoliques d’intérêt.
Ces résultats récents, acquis en 2004 et 2005,
montrent que les extractions en cours de
vinification se font plus rapidement pour toutes
les classes de composés polyphénoliques,
anthocyanes, acides phénols mais aussi
flavonols, proanthocyanidines, catéchines.
Les anthocyanes et les acides phénols sont les
composés polyphénoliques qui sont extraits le
plus rapidement et le plus favorablement, par
rapport aux autres composés polyphénoliques
en vinification classique, les flavonols,
proanthocyanidines et catéchines sont
quantitativement nettement plus extraits en
cours de vinification après prétraitement par
flash-détente (+33 % à +70 %).
En conséquence, les ratios tanins/anthocyanes
sont nettement plus élevés (+25 à +30 %) pour
les vins issus de flash-détente (figures 4 à 8,
page suivante).
2.2.5- Evaluation sensorielle
Les vins flash-détente présentent, presque
toujours, une teinte réduite de 10 % à 20 %, ce
qui confère à ces vins d'extraction un caractère
plus jeune. L'analyse sensorielle permet, en
général, de bien séparer, pour chaque cépage
étudié, les vins prétraités par flash-détente au
niveau de leurs perceptions aromatiques (plus
élevées pour les références flash-détente), plus
fruités, avec moins de notes animales et plus
astringents.
La figure 9 ci-dessous présente les
appréciations organoleptiques portées par un
jury de 20 personnes, sélectionnées et
entraînées, mais n’appartenant pas au milieu
professionnel de la vigne et du vin.
Ces résultats d’analyse sensorielle ont été
obtenus à partir des vins des essais réalisés sur
grenache dans le cadre du programme
européen Maxfun, dont les résultats analytiques
ont été présentés dans les figures 4 à 8.
Ce procédé, en particulier dans les Côtes-duRhône, le Languedoc-Roussillon, la Provence et
le Bordelais est maintenant transféré sur
plusieurs dizaines d'unités de 15 à 40 T/H en
caves coopératives.
2.2.6- Flash-détente, moût pour
vinification en phase liquide ou jus de
raisin
Les travaux publiés par l'I.N.R.A. ont,
prioritairement, positionné la flash-détente
comme une technique de prétraitement, avant
vinification en phase solide de l'ensemble de la
vendange, durant cinq à dix jours, en général.
Cette approche concerne des raisins de qualité
dans une logique "vins d'appellation".
Ceci n'exclut pas de pouvoir fermenter et
vinifier en phase liquide, après pressurage, la
vendange traitée par flash-détente.
Cette possibilité a fait l'objet d'expérimentations
en 2003 et 2004.
Les expérimentations réalisées démontrent
clairement la faisabilité technique (pressurage à
température ambiante facile), et le très bon
niveau d'extraction en termes de composés
polyphénoliques. Pour obtenir des gains
d'extraction beaucoup plus importants qu'en
thermovinification classique, après la phase de
montée en température, une courte phase de
macération a été rajoutée avant la mise sous
vide : 9 minutes à 90 °C.
Les lots globaux de vendange "flash-détente
sans macération à chaud avant la mise sous
vide", et "courte macération à chaud avant la
mise sous vide" ont été pressurés.
Figure 9- Résultats d'analyse sensorielle
Les résultats annexés indiquent les indices
polyphénoliques sur les moûts obtenus. Sur les
deux lots référence flash-détente, les
extractions sont fortes. Elles sont équivalentes,
au niveau indices polyphénols, à celles d'une
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ANTHOCYANES
ACIDES PHENOLS
250
150
mg/l
mg/l
200
100
50
0
MI
J1
J2
J3
J4
J5
VP
vin
500
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
MI
Vendange éraflée
flash détente
J1
J2
J3
Vendange éraflée
Figure 4
J5
VP
vin
Flash détente
Figure 5
FLAVONOLS
PROANTHOCYANIDES
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
1200
mg/l
1000
800
600
400
200
0
MI
J1
J2
J3
J4
Vendange éraflée
J5
VP
MI
vin
J1
J2
J3
J4
Vendange éraflée
Flash détente
Figure 6
J5
CATECHINES
160
140
120
100
80
60
40
20
0
MI
J1
J2
J3
vendange éraflée
J4
J5
VP
vin
Flash détente
Figure 8
Figures 4 à 8- Évolution des composés polyphénoliques (concentration en mg/L dosée par HPLC par
l’UMR-SPO de l’I.N.R.A. Montpellier) pendant la fermentation sur marc d’une vinification traditionnelle en
vendange éraflée et par flash-détente sur cépage grenache
J : nombre de jour de fermentation
MI : moût initial
Vin : vin avant fermentation malolactique
VP : vin après pressurage avant fermentation malolactique
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VP
flash détente
Figure 7
mg/l
mg/l
J4
vin
vinification classique (VE 8 jours) pour le lot
référence flash-détente non macéré à chaud, et
fortement augmentées pour la seconde
variante. En vinification en phase liquide,
l'intérêt de rajouter une courte phase de
macération à chaud (moins de 10 minutes), est
de permettre une extraction importante et
450
400
Concentration en mg/L
350
300
250
200
150
100
Tableau 2- Extraction, vin de
carignan ; analyses à t0 + 6 mois
Anthocyanes Procyani- Intensité Acidité
totales
dines
colorante volatile
Technologie
mg/L
g/L
g/L
Témoin :
vendange
éraflée, 10
jours de
macération,
vin filtré
vendange
éraflée, 3
mois de
cuvaison, vin
filtré
170
1,2
3,22
0,49
150
1,12
3,23
0,52
50
0
Anthocyanes
Catéchines
VE égouttage
Acides phénols
FD 6 min pressurage
Flavonols
Proanthocyanidines
FD 6min + 9min macération pressurage
Figure 10- Composition en polyphénols des moûts avant
fermentation
équilibrée en tanins. Ceci assure une meilleure
stabilité de la matière colorante et de la
couleur.
2.3- Vinifications et durée de
cuvaison
La durée de cuvaison en vinification
traditionnelle (carignan, situation A.O.C., massif
de la Clape, vendange éraflée) a été, à titre
comparatif, portée de 10 jours à 3 mois avec
maintien immergé du marc les deux derniers
mois.
Le tableau 2 (ci-contre) donne le bilan
analytique des vins des deux références de
carignan récoltées à la vigne en lots
homogènes.
Les analyses des composés polyphénoliques
effectuées ne mettent pas en évidence de gain
d'extraction au niveau des anthocyanes et des
tannins, ni d'évolution par rapport aux indices
analysés. Un équilibre d'extraction est obtenu
assez rapidement après la fin de la fermentation
alcoolique.
L'extrait sec global du vin est légèrement accru,
l'intérêt de telles pratiques, bien maîtrisables en
termes technologique et microbiologique, reste
à évaluer par l'œnologue au niveau
organoleptique, en fonction de la qualité du
raisin et de l'équilibre global du vin.
2.4- Vinification de baies de raisin
cryobroyées
Tableau 3- Extraction, vin de cabernet sauvignon ; analyses
à t0 + 6 mois
Anthocyanes Procyani Catéchines et Extrait
totales
dines proanthocyani sec
mg/L
g/L
des
g/L
g/L
Technologie
Témoin filtré,
vendange
éraflée,
10 jours de
macération
334
2,55
150
23,5
Cryobroyage
N2
(surnageant),
liquide brut,
10 jours de
macération
410
3,1
560
-
Cryobroyage
N2, liquide
filtré,
(fdt 60 %)
370
3,2
200
27,6
Flash-détente,
filtré,
10 jours de
macération
518
30,5
300
25
Macération en rouge
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Des baies de raisin de carignan ont été
cryobroyées dans l'azote liquide, pellicules,
pulpe mais aussi pépins ont ainsi été finement
divisés, cette vendange réduite à l'état de purée
a été mise en fermentation comparativement à
un lot témoin vinifié traditionnellement.
Les quelques indices polyphénoliques calculés
montrent un gain global par rapport à une
vinification traditionnelle même prolongée, mais
moins d'extraction que par flash-détente. Le
marc, finement divisé par le cryobroyage, se
dépose rapidement en fond de cuve en retenant
une proportion importante de composés
polyphénoliques comme en vinification
traditionnelle.
Le gain d'extraction global et d'extrait sec est
perceptible à l'analyse sensorielle. Les vins
obtenus par cryobroyage, dégustés après
décantation, à différentes périodes (six mois et
5 ans), sont apparus plus gras et bien
structurés.
3. Conclusion
L’œnologue, à partir d’un raisin de qualité, dispose, au travers de sa cuverie et de prétraitements
thermiques de la vendange, d’outils très directifs pour augmenter les phénomènes d’extraction et
orienter la qualité des vins selon ses objectifs. Les quelques exemples présentés dans ce texte, à
partir d’expérimentations menées sur une longue période par l’I.N.R.A., donnent accès à l’œnologue à
des savoir-faire liés aux matières premières traitées.
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Macération en rouge
ESCUDIER J.L. page 9
Article technique RFOE N°216