La sélection massale et clonale au service de la viticulture pour s

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La sélection massale et clonale au service de la viticulture pour s
La sélection massale et clonale au service de
la viticulture
pour s'adapter aux enjeux de la filière
Auteur : Alexandra LUSSON
Responsable Matériel Végétal – Vinopôle Bordeaux-Aquitaine,
Chambre d'Agriculture de la Gironde.
Date de rédaction : 29/06/2015
Page : 1 / 6
Journée technique CIVB – 3 février 2015 – Palais des congrès
Nombreux sont ceux qui opposent la sélection massale à la sélection clonale.
Pourtant, l'une est le fondement de la seconde. La sélection massale consiste à
prospecter des parcelles âgées pour sélectionner des souches présentant une diversité
variétale intéressante. Ce type de sélection fait un retour plus prononcé dans de
nombreuses régions mais sans pour autant remettre en cause les bienfaits et l’intérêt
de la sélection clonale. La sélection massale est souvent pratiquée par les viticulteurs
en lien avec leur pépiniériste viticole. L’intérêt principal de la méthode est de
conserver la diversité des cépages et le patrimoine initial des exploitations viticoles
(pour celles qui ont encore des vieilles parcelles de vigne). C'est à partir de cette
prospection que le travail de sélection clonale commence. Là où certains s'arrêtent à
la multiplication des pieds présents dans leur parcelle "conservatoire" pour complanter
ou planter, le travail des sélectionneurs, lui, commence par l'identification des entités
répondant à un ou plusieurs objectifs (définis par la demande des professionnels) et
leur introduction en collection d'étude. C'est à partir des observations réalisées durant
5 années (à compter de la première année de récolte) que les sélectionneurs peuvent
déposer une demande d'agrément auprès du Comité Technique Permanent de la
Sélection (CTPS). Ainsi, la sélection massale peut être qualifiée de "base" à la
sélection clonale, à condition qu'elle inclut un contrôle sanitaire systématique des
souches sélectionnées. Aujourd’hui, la sélection massale ne peut s’opérer que sur des
parcelles plantées avant l’apparition des clones, au début des années 80, pour éviter
de sélectionner dans des parcelles issues de sélection clonale. Les "prospecteurs"
doivent impérativement disposer de parcelles d'au moins 40 ans. La plupart de ces
vieilles parcelles ont fait l'objet de complantations. Il faut donc non seulement
s'assurer de l'âge initial de la parcelle mais également ne pas sélectionner des pieds
plantés plus récemment.
Pour commencer, le viticulteur définit un ou plusieurs objectifs auxquels doivent
répondre les souches qui seront sélectionnées. Par exemple : pour une parcelle de
Cabernet Sauvignon N, il est intéressant de sélectionner des souches de faible à
moyen rendement, produisant des grappes longues et lâches aux petites baies ;
l'aspect qualitatif et sanitaire du produit étant recherché. Une fois les critères établis,
la sélection des souches peut débuter. Pour cela, il s'agit de réaliser des observations,
réitérées au moins sur 2 millésimes afin de gommer l'effet possible de ce dernier. Une
fois les données recueillies, il faut identifier les souches qui répondent aux attentes du
viticulteur et réaliser des tests virologiques avant la multiplication. En effet, pour
qu'une sélection massale soit pérenne, il faut s'assurer de l'état sanitaire des souches
"mères" pour éviter de contaminer le matériel. Cette étape, souvent négligée, est
pourtant indispensable si on veut prévenir in fine la propagation de maladies telles
que le court-noué dans le vignoble. Le niveau de rendement est important, il doit être
corrélé avec les objectifs économiques et qualitatifs de la propriété. La taille des
grappes et celle des baies sont des indicateurs du potentiel qualitatif du pied de vigne.
Certains cépages comme le Cabernet Sauvignon, le Cabernet franc et le Sauvignon
produisent naturellement des grappes compactes étant de ce fait plus sensibles aux
attaques de pourriture grise. Sélectionner des individus aux grappes lâches et aux
petites baies réduit la sensibilité au Botrytis Cinerea. Des dégustations de baies
peuvent être réalisées pour compléter les informations agronomiques. Le prospecteur
doit porter une attention particulière à l'homogénéité du pied et à l'absence de
symptômes visuels de maladies (feuilles anormalement découpées, présence de
panachures sur feuilles, décoloration et enroulement des feuilles, entre-nœuds courts,
fasciation des rameaux...). D'autres paramètres physiologiques tels que la coulure ou
le millerandage doivent être observés et annotés. Lorsque le pied répond
favorablement aux critères fixés, il faut le marquer et le coder de façon à pouvoir le
retrouver facilement dans la parcelle. Un plan de masse peut être utile pour organiser
la prospection. Il est important de sélectionner un grand nombre de souches dès la
première année car ce nombre risque de se voir fortement diminuer la seconde mais
aussi d'obtenir le plus de variabilité possible. Au bout de 3 ans, les souches répondant
aux objectifs peuvent faire l'objet d'un contrôle sanitaire puis d'une multiplication.
S'assurer que le matériel produit soit sain est un paramètre non négligeable quand on
parle de sélection massale. La vigne peut héberger près de 60 virus (tous ne sont pas
présents en France) ou maladies de type viral dont les plus connues et les plus graves
sont le court-noué et le complexe de l’enroulement. Les symptômes associés à ces
viroses sont souvent confondus avec des carences ou autres affections. Afin de
déterminer la présence ou non de certains virus, un test peut être réalisé en
laboratoire: le test ELISA.
Le test ELISA est un test immuno-enzymatique, basé sur la réaction anticorps antigène (sérum - virus). Il permet de détecter spécifiquement un virus dans des
échantillons de feuilles, bois ou racines. Sa mise en œuvre est simple, rapide et
efficace. Dans le cas de la sélection massale, il faut prélever sur la souche un morceau
de sarment aoûté d'environ 10 cm et le transmettre au laboratoire pour un dépistage
virologique concernant le court-noué (ArmV + GFLV) et l'enroulement viral (GLRaV 1,2
et 3).
Les sarments des souches pour lesquelles les résultats des tests sont négatifs peuvent
être récoltés et le pépiniériste viticole peut alors procéder à la multiplication du
matériel végétal sous la dénomination « pépinière privée ». La sélection massale
traditionnelle ne prévoit pas de conservation de la traçabilité entre les souches
"mères" et les plants produits. Les bois sont ainsi multipliés en mélange. Cependant,
le viticulteur peut faire le choix de conserver la traçabilité (comme c'est le cas pour la
sélection clonale). Les bois prélevés sur une souche permettent la production de 25 à
30 plants en moyenne (cela varie en fonction de la vigueur et du type de taille du pied
"mère") ; d'où l'importance de sélectionner, au préalable, un nombre important de
souches pour pourvoir produire suffisamment de plants selon les besoins. D'un point
de vue réglementaire, cette activité doit faire l'objet d'une déclaration de mise en
œuvre auprès de FranceAgriMer. Concernant la production des plants de vigne, elle
s'effectue de la même façon que pour des plants issus de sélection clonale. Le
viticulteur peut confectionner ses propres plants mais la plupart du temps, il fait appel
à son pépiniériste pour réaliser les plants issus de sélection massale privée. Ce dernier
dispose du savoir-faire et des structures nécessaires pour la réalisation de cette
production. Les modalités et les conditions de réalisation sont à définir avec le
pépiniériste dès l'initiation du projet de sélection massale afin qu'il puisse organiser la
production. Les bois prélevés sur les souches "mères" doivent impérativement être
traités à l'eau chaude.
Lorsqu'il n’existe plus de parcelles suffisamment âgées dans le vignoble d'une
propriété, rien n'est perdu pour autant. Il est toujours possible de planter un
ensemble de clones (issus de la sélection clonale) afin d’apporter une plus grande
diversité. En effet, la sélection clonale a permis l'agrément de nombreux clones par
cépage. Par exemple, pour les cépages rouges principalement utilisés en Gironde, on
compte 13 clones agréés pour le Merlot N, 20 pour le Cabernet Sauvignon N et 28
pour le Cabernet franc N. Concernant les cépages blancs, 20 clones de Sauvignon B et
7 de Sémillon B sont agréés. Il est tout à fait possible de planter plusieurs de ces
clones d'un même cépage sur une parcelle. On parle alors de sélection "polyclonale".
L'avantage est la connaissance des stades phénologiques et du comportement
agronomique et œnologique de chaque clone agréé permettant au viticulteur de
choisir les clones qu'il souhaite planter en fonction de son objectif "produit" et de sa
capacité de production. La sélection polyclonale est, pour certains, moins diversifiée
génétiquement mais elle offre l'assurance des critères sanitaires, agronomiques et
œnologiques pour lesquels les clones ont été agréés.
Quelque peu décriée, la sélection clonale a permis récemment de répondre à la
demande des professionnels et également à une contrainte sanitaire concernant le
Cabernet Sauvignon N. En effet, les clones les plus diffusés en Gironde (le 191 et 337)
sont porteurs de l'enroulement type 2. L'enroulement ayant une incidence sur les
rendements à long terme, il est important de remédier à ce problème. Après plusieurs
années d'étude, la Chambre d'Agriculture de la Gironde (CA33) a permis l'agrément
des clones 1124 et 1125, les remplaçants respectifs des clones 191 et 337. Il était
primordial d'obtenir de nouveaux clones tout en gardant les caractéristiques
agronomiques et œnologiques de leurs prédécesseurs. Le clone 1124 est issu de
l'assainissement du 191 par micro-bouturage d'apex et le 1125 provient d'une famille
sanitaire du 337 indemne du virus. Ils sont donc identiques aux « anciens clones »
d'un point de vue agronomique (la vigueur est un peu plus élevée pour le 1124) et
sont plus appréciés que leurs homologues concernant leur qualité organoleptique par
les jurys de dégustateurs composés de professionnels. Cela leur confère un bel avenir
(sain) dans le vignoble bordelais.
De la même façon, un clone de Cabernet franc N est souvent utilisé en Gironde, il
s'agit du 327. A la demande des professionnels, désireux de voir agréer un nouveau
clone, petit à moyen producteur, produisant des grappes moins compactes aux baies
plus petites, des moûts riches en polyphénols et anthocyanes et des vins de longue
garde, la CA33 a réalisé des prospections dans les conservatoires existants et dans les
parcelles les plus âgées de Gironde. 4 clones répondant tous aux objectifs ont été,
récemment agréés. Le schéma de sélection clonale étant encore long, ces nouveaux
clones ne seront disponibles que d'ici 4 à 5 ans. D'autres études sont en cours par
exemple, la recherche d'un ou plusieurs clones de Sémillon B qualitatifs destinés à la
production de vins liquoreux. Il est clair que le délai entre la demande des
professionnels et la réponse apportée par le processus de sélection clonale s'avère de
plus en plus contraignant lorsque l'on envisage les premiers effets (imminents) d'un
possible changement climatique sur la viticulture.
Lorsque l'on évoque le réchauffement climatique, on parle à la fois d'impacts observés
et pressentis soit à dires d'experts soit à partir de modélisations réalisées par des
scientifiques à l'échelle mondiale. Dans tous les cas, les incertitudes sont encore
nombreuses quant à l'arrivée des phénomènes, la fréquence de leur occurrence et la
force des impacts. L’adaptation de la viticulture à cette variation de l’environnement
constitue un défi majeur pour la viticulture au cours des décennies à venir.
La physiologie de la vigne sera sans doute le premier critère modifié. On observe déjà
un décalage des stades phénologiques. La date de récolte est déjà plus précoce en
comparaison aux années 70, environ 3 semaines d'avance pour certains cépages et
certaines régions viticoles. La région subit un réchauffement depuis 1850 plus
important que la moyenne européenne : +1,2 °C contre +1 °C. Les effets
commencent déjà à s’en faire sentir. Vendanger dans l’humidité de la fin du mois de
septembre est de plus en plus rare. On peut s'attendre à des blocages de la synthèse
des sucres liés à la détérioration du feuillage ayant subi des épisodes de sécheresse
plus fréquents. Si pour le moment on ne peut pas affirmer l'entrée dans une phase de
réchauffement, on peut toutefois observer un dérèglement climatique. En effet, les
viticulteurs font face à de plus en plus d'orages de grêle. Les épisodes pluvieux sont
plus extrêmes provoquant des risques d'érosion et de perte d'éléments fins des sols
mais aussi des asphyxies racinaires dans les sols les plus lourds. Les gels hivernaux et
printaniers sont plus courants. Il arrive de subir tous ces aléas climatiques de façon
consécutive sur un même millésime, ce qui génère un risque élevé pour la survie des
plants, l'implantation du système racinaire, la réduction des intrants phytosanitaires et
la qualité de la vendange. Le changement de typicité des vins est une question
importante. Les cépages utilisés en Gironde ne pourront plus être récoltés aux mêmes
dates et les raisins produits ne fourniront plus la même typicité aux vins.
L'adaptation du matériel végétal passe par l'utilisation de la variabilité de nos cépages.
Pour cela, les conservatoires historiques de l'INRA et de la CA33 mais aussi ceux des
autres régions viticoles offrent une possibilité quant au retour de "clones" moins
précoces. Un travail est en cours concernant le Merlot N et le Sauvignon B. En effet,
ces dernières années, le Merlot N a parfois produit des raisins trop riches en sucres
pour la production de vins de Bordeaux de qualité. Ce problème est accentué par la
tendance à ne planter qu’un seul cépage de certaines appellations. Le Sauvignon B,
quant à lui, est parfois ramassé en surmaturité, ce qui donne des vins mous et peu
aromatiques. Une teneur élevée en sucres n’est pas synonyme de maturité optimale
mais elle reste un critère important pour en mesurer l'évolution. Ce n’est cependant
pas le seul paramètre à prendre en compte. Il faut également tenir compte de
l’acidité, des polyphénols et des arômes.
Au total, il y a 12 clones agréés de Merlot N, dont 10 sont originaires de Gironde. Ils
sont issus d’un conservatoire de l’INRA planté en 1964. A cette époque, la filière
viticole avait besoin de clones producteurs moyens avec des degrés potentiels élevés.
Ainsi, les clones choisis avaient des rendements compris entre 2 et 2,5 kg par souche
avec des teneurs en sucres dans les baies les plus élevées possible. Actuellement, les
objectifs de production sont différents. Les méthodes culturales ont progressé
permettant de produire des raisins mûrs plus régulièrement. Par ailleurs, l’objectif de
réalisation d’un produit très qualitatif nous incite à rechercher du matériel végétal peu
à moyennement productif. Les conservatoires de l’INRA de Bordeaux rassemblent 256
individus génétiquement différents et certains d’entre eux présentent des
caractéristiques agronomiques et œnologiques intéressantes. Il s'agit désormais de les
étudier de manière plus approfondie afin d'agréer un ou plusieurs clones moins
précoces produisant des moûts moins riches en alcool. Concernant le Sauvignon B,
compte tenu de sa présence dans de nombreuses régions viticoles et de la variabilité
naturelle au sein de cette variété, il y a 20 clones agréés actuellement. Il y a
également 3 conservatoires en France, comprenant 400 accessions, dont une parcelle
à l’INRA de Bordeaux (Château Couhins). 6 clones (108, 242, 316, 317, 905 et 906)
ont été plus particulièrement étudiés par la Chambre d'Agriculture de la Gironde, de
2000 à 2004. Cette expérimentation a montré une variabilité intéressante entre les
différentes modalités. Il est ressorti que 242, 316 et 317 ont les rendements les plus
élevés. Ils produisent de grosses grappes avec de grosses baies (pour les 2 derniers).
242, quant à lui, est caractérisé par des acidités totales faibles, ce qui pose des
problèmes pour la conservation des vins de garde. Ils ont été mal notés à la
dégustation. 905, 906 et 108 ont les rendements les plus faibles. 108 est légèrement
plus productif car il est très fertile. Ces 3 clones produisent de petites grappes. 905 et
108 ont également de petites baies. De plus, 905 et 906 sont plus précoces et plus
résistants au Botrytis, ce qui est un point positif pour la production de vins blancs
secs, notamment en agriculture biologique. Enfin, ces 3 clones ressortent
positivement à la dégustation. 108 donne des vins dont les arômes de buis et de
genêt sont plus classiques. Les vins issus des clones 905 et 906 ont des arômes qui
rappellent plus les fruits de la passion et les agrumes. Malgré cela, ces clones sont
jugés précoces par rapport aux contraintes climatiques qui tendent à s'imposer. Il est
important de trouver, dans les conservatoires, de nouveaux clones moins précoces
mais tout aussi aromatiques permettant la production de vins blancs typiques de la
région bordelaise.
Au-delà de l'utilisation de la sélection clonale, le changement de cépage s'avère être
une piste sérieuse pour répondre à la problématique climatique. Il subsiste un frein,
non négligeable qui n'est autre que la typicité des produits finaux. Certains cépages
utilisés dans d'autres régions viticoles sont moins précoces et ont des caractéristiques
intéressantes pour répondre au changement climatique. Cependant, en Gironde,
vinifier un vin en AOC avec du Marselan N n'est pas autorisé et ce, quel que soit le
pourcentage de ce dernier dans l'assemblage. Pour envisager sérieusement cette
piste, il apparaît nécessaire d'apprendre à connaître ces cépages utilisés non loin de
notre département et d'identifier leurs points forts et points faibles lorsqu'ils sont
conduits sur les terroirs girondins. C'est dans cette optique qu'un groupe de travail,
mené par la Fédération des Grands Vins de Bordeaux en partenariat avec l'INRA,
FranceAgriMer, le Syndicat des pépiniéristes viticoles du Sud-Ouest, les différents ODG
des AOC, la CA33 et l'INAO, a réfléchi à un protocole d'expérimentation de certains
cépages à grande échelle. Le but est d'évaluer l’intérêt qualitatif des vins issus de
cépages utilisés dans d'autres régions viticoles proches comme le Marselan N, le
Castets N, le Petit Manseng B en respectant le principe d'élaboration des vins issus
d'assemblages de différents cépages, aux évolutions générées par le changement
climatique et/ou les pratiques culturales. L'INAO vient d'autoriser cette
expérimentation en AOC, elle devrait débuter dans les prochains mois par la
production de plants pour les futures plantations.
En amont de l'utilisation des cépages issus d'autres régions viticoles, il subsiste dans
nos décrets d'appellations quelques cépages dits « secondaires » peu utilisés qui
présentent un fort intérêt quant au changement climatique et au maintien de la
typicité des vins. Le Cot N (Malbec N), le Petit Verdot N et la Carmenère N sont
autorisés et confèrent aux vins des arômes de fruits cuits, de café, de fruits rouges et
des notes épicées. Les viticulteurs se sont peu à peu détournés de ces cépages à
cause de la difficulté à les faire arriver à maturité. En effet, le manque de maturité de
ces cépages a tendance à conférer aux vins des arômes de poivrons et notes
végétales. Or, dans le cas d'un réchauffement climatique, il sera plus facile de les
mener jusqu'à maturité et on peut penser que les vins issus n'en seront que plus
qualitatifs. Un moyen d'apporter une touche nouvelle au produit tout en gardant son
identité et sa typicité.
Il existe d'autres pistes de réflexion concernant l'adaptation du matériel végétal au
changement climatique. Le porte-greffe est un élément essentiel dans l'expression du
potentiel qualitatif d'un pied de vigne et à la survie de ce dernier. En effet, il peut
influer sur les capacités d'extraction de l'eau du sol et donc contribuer à une meilleure
résistance à la sécheresse ou inversement lorsque les épisodes pluvieux se font plus
fréquents pour pallier aux asphyxies racinaires. Un projet concernant l'étude de
l'adaptation des porte-greffes au changement climatique, initié par l'INRA de
Bordeaux, en partenariat avec les acteurs scientifiques et techniques de la filière, est
en cours. Au-delà du porte-greffe et du matériel végétal existant, il y a la piste de la
création variétale. La sélection clonale étant gourmande en temps, de gros espoirs
sont fondés sur les répercussions du séquençage du génome de la vigne, en matière
de sélection. En effet, la connaissance du génome de la vigne permet, désormais, une
sélection beaucoup plus précise et ciblée en fonction des critères prédéfinis, et donc
un raccourcissement des délais. La connaissance des gènes ou des QTL (Quantitative
Trait Loci) impliqués dans les diverses sources de résistances disponibles est un
élément important, tant pour accélérer la sélection que pour choisir de façon
pertinente les combinaisons les plus complémentaires dans une stratégie de
pyramidage. En effet, les connaissances acquises sur d’autres pathosystèmes nous
conduisent à faire l’hypothèse que l’association de facteurs génétiques différents ou
complémentaires est susceptible de conférer une résistance plus efficace voire plus
durable. L’unité Mixte Technologique Geno-Vigne est en charge de ces travaux. C’est
une collaboration entre l’INRA, l’IFV et Montpellier SupAgro. Des travaux initiés, il y a
plusieurs années, par l'INRA ont permis la création de variétés oligogéniques
(plusieurs gènes) résistantes au mildiou et à l'oïdium. Cette création (toujours en
cours) s'est faite en plusieurs phases. Aujourd'hui une première « génération » de
variétés résistantes est en évaluation finale : la VATE (Valeur Agronomique
Technologique Environnementale). Les premiers agréments devraient avoir lieu en
2016. Ce matériel favorisera le développement d'une viticulture durable, économe et
plus respectueuse de l'environnement.
Le changement climatique a un impact non négligeable sur la culture de la vigne et la
production de vin. Le matériel végétal n'est pas le seul impacté. En effet, les pratiques
culturales et la gestion des maladies et des ravageurs sont également au cœur des
questionnements et inquiétudes. Tous les acteurs de la filière cherchent des pistes
d'adaptation et des solutions à apporter aux professionnels. L'effort est collectif aussi
bien au niveau départemental, régional et national. L'équation se complète petit à
petit, il subsiste toutefois une inconnue : le temps qu'il fera demain !
Les expérimentaitons menées par la Chambre d'Agriculture de la Gironde sont financées par le
CIVB, FranceAgriMer et le Conseil Régional d'Aquitaine. Elles sont réalisées avec le soutien de
partenaires tels que l'Institut National de Recherches Agronomiques (INRA), l'Institut Français
de la Vigne et du Vin (IFVV), l'Institut Scientifique de la Vigne et du Vin (ISVV), Bordeaux
Sciences Agro (BSA), l'Etablissement Public Local d'Enseignement et de Formation
Professionnelles Agricole de Gironde (EPLEFPA), le Syndicat des pépiniéristes viticoles de la
Gironde et du Sud-Ouest, la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB) ainsi que les
partenaires de la Sélection Vigne France.