La Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis et le

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La Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis et le
La Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis et le Laboratoire de
Droit des Relations Internationales, des Marchés et des Négociations
(DRIMAN)
Organisent une journée d’étude sur le thème suivant :
« INTERNET ET VIE PRIVEE »
LE 26 FEVRIER
FEVRIER 2008
« L’internaute mineur et le respect de la vie privée ».
Safa Elaichy
Un
bel
embryon
dorloté
à
l’intérieur
de
sa
maman,
impatiemment attendu par son papa, refuserait-il de quitter son monde
pour l’asile des adultes ?
Un premier cri à la naissance ne serait-ce un témoignage de
refus d’intégration. Un bébé d’un jour est-il conscient que sa naissance est
le déclenchement de sa propre vie. Une vie de joie d'appréhension
d’angoisse de rires de larmes de fierté de mépris, faisceaux interminable
de sentiments antithétiques à surmonter.
Le bébé d’un jour acquiert d’emblée une nationalité, appartient de
facto à une civilisation. Mineur et justement mineur, il faut le préparer à
une vie libre et responsable. Nous nous devons de veiller à la sécurité de
nos enfants et inscrire leurs droit à la sauvegarde et à la protection dans le
contexte des grandes options dans le monde réel.
L’Internet est devenue le reflet du monde réel par excellence.
« Il n’y a pas deux mondes différents par nature, le monde réel et le monde
virtuel »1. La toile définie comme un endroit immatériel et atemporel,
dissimulé derrière nos outils de communication, permet d'échapper aux
réalités physiques, juridiques et économiques. Impossible de l’ignorer le
logo « globe terrestre », le soleil ne se couche jamais sur la planète
Internet2, il a été adopté par le navigateur Internet Explorer, le plus
répandu sur la Toile. L’enseigne est devenue le symbole d’une vision du
mouvement perpétuel et immuable d’une communication mondialisée3.
En phase avec l’évolution des technologies modernes de la
communication, le législateur s’intéresse à ce qu’on appelle la quatrième
génération des droits de l’homme, qui englobe de nouveaux droits
découlant de besoins nouveaux apparus dans le domaine des technologies
de la communication. L’extension de la protection de la vie privée de
l’individu et la consécration de l’inviolabilité des communications et de la
protection des données personnelles confirment la volonté de renforcement
des droits et libertés.
Le mineur est un agent actif de «la société de l'information»
qui, à son tour, risque de plus en plus de porter atteinte à sa vie privée par
l'intermédiaire des système d'information de nombreux services privés et
publics comme les banques, les organismes de crédit, la sécurité sociale, les
assurances, la police ou la santé.
1
Jacques Chirac, lors du discours d’ouverture de la conférence du G8 sur la sécurité et la confiance dans le
cyberespace le 16 mai 2000.
2
Jeunes dans un monde branché, phase II, Réseau éducation médias, 2004.
3
Finkielkraut, Alain, Soriano, Paul – Internet, l’inquiétante extase, Mille et une nuits, 2001.
C’est la loi 2004-63 du 27 juillet 2004 qui a définitivement et
irrévocablement scellé la protection des données à caractère personnel
dans l’arsenal juridique tunisien. Le législateur a prévu des incriminations
spécifiques destinées à protéger les mineurs lorsqu’ils sont sujets ou
destinataires de l'information.
Cette évolution constitue un défi considérable du point de vue de
la protection des données. Aujourd'hui, un nombre sans cesse croissant de
nouveaux problèmes et de questions pratiques est soumis aux autorités
nationales chargées de la protection des mineurs.
L'Internet est un facteur de développement, d'intégration sociale
et d'enrichissement individuel et familial incontestable. Nous devons au
préalable et sans attendre saluer les efforts entrepris par les
professionnels, les entreprises et les promoteurs de l'Internet pour
développer l’accessibilité à ce média d'avenir. Cependant chacun des
usages de l’Internet pose des questions de responsabilités, de
comportements, de connaissance d’un environnement difficile à
appréhender.
Relativement nouveau, fortement technique, il met en jeu de
nombreux acteurs. Lorsqu’ils sont mineurs, les usagers du net , nécessitent
la mise en oeuvre d’un système de contrôle permettant d’interpréter les
principes de la loi et les appliquer à ces nouveaux espaces virtuels.
Toutefois, l'expérience montre que ni les principes de la loi ni les
règles nationales sur la protection des données ne peuvent réglementer
précisément toutes les situations possibles et imaginables où des données à
caractère personnel concernant des mineurs sont collectées dans différents
secteurs. Dans certains secteurs, les conditions peuvent être plus souples
que dans d'autres et l'autodiscipline peut être plus développée dans une
profession que dans une autre.
Toute personne et particulièrement tout mineur a le droit à la
protection des données à caractère personnel relatives à sa vie privée. C’est
l'un des droits fondamentaux garantis par la Constitution et ne peuvent
être traitées que dans le cadre de la transparence, la loyauté et le respect
de la dignité humaine.
Les données à caractère personnel sont toutes les informations
quelle que soit leurs origines ou leurs formes et qui permettent directement
ou indirectement d'identifier une personne physique ou la rendent
identifiable, à l'exception des informations liées à la vie publique ou
considérées comme telles4.
L'expansion des usages de l'informatique et de l'Internet dans le
secteur de l'enseignement et de la recherche confronte le mineur à la
question "Informatique et libertés". Deux principales utilisations en sont
faites dans le domaine de l'enseignement et de la recherche, alternatives ou
cumulatives : la création de sites Internet et l'utilisation du réseau
Internet comme moyen de communication.
La création de sites Internet connaît un fort engouement dans le
secteur de l'enseignement, qui voit fleurir des sites Web spécialement
conçus à l'attention des élèves. Il peut s'agir de la mise en place de "
portails éducatifs " ou de " campus numériques ", appelés aussi " campus
virtuels" ou encore d'expérimentations du
" e-Learning " au moyen de "
i-manuels " 5 . Des sites sont également créés par les élèves eux-mêmes,
comme en témoignent les nombreux sites d'écoles et les ... " cybergazettes ".
Internet est également utilisé comme instrument de communication,
essentiellement au moyen des applications de courrier électronique ou par
4
Loi organique n° 2004-63 du 27 juillet 2004, portant sur la protection des données à caractère personnel, art 4 .
5
http // www.educnet.education.fr/juri/vieprivée/notebaspage/htlm.
le recours aux listes de discussions, forums de discussion ou " chats "6.
L’essor de l’Internet est un facteur de développement,
d’intégration sociale et d’enrichissement individuel, incontestable.
Cependant, ce nouveau média peut également se révéler être un important
vecteur de violences faites à l’égard des mineurs. Ces agressions prennent
diverses formes : apologie de la violence, du suicide, de l’anorexie, du
racisme, ou encore sollicitations et propos à caractère sexuel, pour ne citer
que les plus courantes.
Ce risque doit être reconnu, appréhendé et combattu. Les effets
négatifs de l’émergence de ce nouveau média au sein même des familles
restent trop souvent méconnus des principaux intéressés, parents et
enfants mineurs. L’apprentissage de la technique doit, dans un même
temps, s’accompagner de l’appréhension de l’environnement juridique
approprié. Je m’interroge sur ce que font nos enfants conquête de la
société numérique sur la toile et face à cette évolution des risques,
dépassant l’exposé de l’existant, quel aménagement juridique on exige ?
I. Le mineur : parfaite conquête de la société numérique.
Face aux développements des divers usages de l’Internet par les
jeunes, les parents ne doivent pas rester démunis. Une récente enquête de
la Commission européenne indique que 55 % des parents de jeunes
utilisateurs du réseau, souhaitent disposer de plus d’informations sur les
moyens de sécuriser l’utilisation de l’Internet par leur enfant.
Les phénomènes des groupes de discussion forum ou chats,
désormais très répandus mais encore peu étudiés et dont la grande
majorité des dialogues n’est pas modérée par les fournisseurs d’accès,
6
La législation sur les données personnelles s'applique pour toute constitution de fichiers, quelque soit le
support.
comporte de grands risques vis-à-vis des jeunes. Qu’elle soit l’occasion
d’échanger des propos ou des fichiers sans aucun contrôle ou une simple
passerelle pour une prise de contact en vue de la poursuite du dialogue, en
direct et en dehors du groupe. Cette pratique se généralise auprès des
adolescents et préadolescents.
Le législateur tunisien a prévu que tout traitement des données à
caractère personnel concernant un enfant ne doit s'effectuer qu'après
l'obtention du consentement de son tuteur et de l'autorisation du juge de la
famille. L'instance Nationale de Protection des Données à Caractère
Personnel est saisie de tout litige relatif à l'exercice du droit d'opposition.
Le juge de la famille statue sur les litiges relatifs à l'opposition lorsque la
personne concernée est un enfant. Le juge de la famille peut ordonner le
traitement même sans le consentement du tuteur lorsque l'intérêt
supérieur de l'enfant l'exige7. Cependant, sur le plan pratique, les
dispositions de loi ne sont pas appliquées dans toute leurs rigueur. En
effet, seule la première condition concernant l’autorisation parentale est
susceptible d’application, celle du juge de la famille est moins d’usage.
Par ailleurs, l’anonymat autant que la facilité de contact autorisés par
l’Internet présentent le risque, décrit par de nombreux experts comme
« dangereux ». Aujourd’hui, un enfant peut être approché et manipulé par
un mineur ou un adulte délinquants depuis son lit dans sa chambre. Les
services de police soulignent à ce titre l’utilisation de plus en plus
fréquente de l’Internet par les réseaux pédophiles en vue d’établir le
contact avec des mineurs, notamment en se faisant passer pour des enfants
de leur âge.
7
Loi organique n° 2004-63 du 27 juillet 2004, portant sur la protection des données à caractère personnel, art
28 .
A.A.- Les excès du net envers les enfants
Sachant, que nos enfants ne sont pas tous des anges, il faut se relier
aux statistiques pour réaliser que les faits sont patents et récurrents. 67 %
des 12-17 ans se déclarent familiarisés avec l’Internet et déjà exposés aux
sites de plus de dix-huit ans, seulement 45 % des adultes partagent cette
appréciation8.
Dans cette perspective, j’ai souhaité vous confier mes constats :
la loi entend par enfant, toute personne humaine âgée de moins de dix-huit
ans et qui n’a pas encore atteint l’age de la majorité par dispositions
spéciales. Mais l’âge de majorité dans un monde virtuel, ne doit-il pas
dépendre d’autres fondements plus appropriés à l’environnement. Un
adulte, selon la loi, sur la toile, peut être sujet de manipulation beaucoup
plus que ne peut l’être un mineur. L’internaute mineur, enfant ou adulte,
légalement définis, doit bénéficier d’une protection adaptée.
L’encadrement juridique de l’Internet, permet de contrôler, d’une
part, les usages de l’Internet par les enfants ainsi que les comportements
induits, d’autre part, l’assurance des parents de ces usages. Une telle
approche permettra d’établir l’état des besoins et des attentes des parents
quant à l’environnement de l’Internet.
Cette entrée de la technologie du net dans le foyer familial n'est
pas sans conséquence quant aux rapports qu'entretient chacun des
membres d'une fratrie avec l'information et plus généralement les médias,
mais aussi quant à la diffusion et au partage de cette information au sein
même de la famille. En 2006, des statistiques faisait apparaître que 72 %
des parents avaient le sentiment que leur enfant connaissait mieux
8
Statistiques du groupe de travail « l’enfant et les usages de l’Internet », année 2006.
l’Internet qu’eux-mêmes. Les jeunes internautes obèrent les chances de
dialogue au sein de la majorité des familles.
Les excès d'un monde virtuel peu ou pas policé, nourrissent une
conviction du tout permis. La déficience des réglementations à régir un «
monde virtuel », autorise tous les excès dont les effets, eux, sont bien réels,
l’Internet charrie le pire9.
L’exposition d'enfants à des contenus violents, à des agressions de
toutes sortes - commerciales10, anti-civiques11, sexuelles12 devient possible.
Cette accessibilité facile chez soi , là où l’enfant est censé protégé de tout.
Internet est la place publique à l’intérieur de chez soi. Les enfants sont la
cibles de la net-économie.
Fin 2001, AOL13, premier opérateur américain, propose un nouveau
service destiné aux enfants de 6 à 12 ans. L’objectif réel est de conserver
la clientèle des parents. Le service consiste à envoyer chaque jour sur
l'ordinateur du jeune internaute une histoire qui sera lue
automatiquement et à haute voix. AOL propose ainsi de décharger les
parents de la contrainte de l'histoire du soir. Qu’en est –il des liens
familiaux ? Les jeunes internautes sont brutalement investis par les
marques14. Ils n'échappent désormais plus au marketing agressif sur le
net qu'ailleurs. Les parents et les jeunes doivent en être informés, Internet
ne doit pas échapper aux garanties qui s’appliquent sur les autres
médias15.
9
Rapport d’activité 1er octobre 2004 – 28 février 2005,SOS Enfants Disparus.
10
L’enfant consommateur
Racisme, antisémitisme, apologies du suicide, de l’anorexie, etc.
12
Fichiers pornographiques ou pédopornographiques, dialogues non modérés,
11
13
14
prise de contacts, etc.
America On line
Le casting lancé en mars 2004 par Coca-Cola pour recruter les futurs ambassadeurs de l'image de la marque
s'adresse en priorité aux 15 -25 ans. Au bout de six semaines, sur les 350 000 visiteurs, 40 000 s'étaient inscrits
sur le site, 13 000 avaient posé une candidature.
15
La diffusion des technologies de l’information dans la société française, CREDOC, novembre 2007.
Pierre G. Coslin, précise que « l’adolescent cherche à se retrouver
dans l’autre et à y puiser gratification : choisir un ami, c’est aussi être
choisi comme ami, être préféré, donc reconnu dans sa valeur et sa
personne, ce qui est primordial dans sa quête identitaire»16. Le désir d’être
« entre soi », les adolescents du même âge partagent des goûts identiques.
La constitution d’un groupe avec ses semblables tout en admettant une
altérité plus ou moins prononcée au regard du monde et des points de vue
des adultes devient quête facile sur la toile. Ainsi, l’échange d’une
communauté de jeunes internautes avec l’extérieur doit être juridiquement
encadré pour l’équilibre de la construction identitaire et des individus qui
le constituent17.
L’Internet permet un avantage pour l’internaute mineur
généralement timide dans la vie sociétale. D’abord par une technologie
permettant une mise en contact simple et peu contraignante, ensuite par la
priorité donnée au désir de rejoindre la communauté en déclinant son
nom, âge ou sexe réels.
B . La protection du mineur sujet de l'information
L’apparition, dans les années 90, des associations de protection de
l’enfant sur Internet correspond à la montée de la prise de conscience des
dangers présents ou véhiculés par ce phénomène. Les risques les plus
flagrants pour l’opinion publique sont certainement ceux liés à la
sexualité. Innocence en danger association créée à l’initiative de Frederico
Mayor a pris l’initiative de développer des logiciels de contrôle parental18,
dans la lutte contre les abus de l’Internet envers les enfants.
16
Pierre G. Coslin, professeur de psychologie de l’adolescent à l’université René Descartes .
Psychologie de l’adolescent, Pierre G. Coslin, éd. Armand Colin, 2002, p. 140.
18
Notamment l’évaluation de logiciels de contrôle parental accessible sur www.aig-filtra.org
LCPA : logiciel de contrôle parental actif.
17
La mobilisation de tout les acteurs de la toile est proportionnelle aux
crimes, violences et manipulations constatés. Les enfants victimes ou
délictueux, deviennent source d'appréhension. La confrontation d’un
enfant à Internet peut accroître les occasions pour les pédophiles
d’approcher ou de choquer les jeunes. Des solutions opérationnelles sont à
mettre en œuvre pour coordonner de façon efficace la lutte contre ces
nouvelles menaces dans le monde.
Il est certain que la meilleure solution est le consensus entre les
différents acteurs pour atteindre une protection efficiente de l’enfance sur
le net. Le lien « protection de l’enfance » désormais inséré sur certaines
pages d’accueil de fournisseurs d’accès Internet, notamment membres de
l’AFA, a bien fait ses preuves.
Les enfants estiment de leurs part qu’Internet est un miracle :tout
est à leur portée, les jeux, le sexe, la recherche , les voyages, le shopping,
les forum…..que demande un mineur ? Les internautes âgés de 12 à 17
ans déclarent jouer à des jeux violents en réseau souvent dans l’univers
mis en scène et leur animation. Les jeux vidéo disponibles en ligne et ayant
la particularité de faire de la violence un mode de fonctionnement
omniprésent et sans limite19. Les risques de s’aventurer dans ce monde
virtuel augmentent au quotidien. Les praticiens de la justice des mineurs
ont estimé
qu’ Internet est le paradis de la pédo-pornographie et de
l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales20. Francesco
Frangialli atteste que « l’Internet avait fait naître de nouvelles formes de
promotion du tourisme sexuel, cachées et informelles, donc plus difficiles à
faire disparaître.21 »
19
Grand Theft Auto, éd. Rockstar Game, distribué par Take Two, déconseillé aux moins de 18 ans. Huit
millions d’exemplaires vendus en quelques mois, l’un des jeux vidéo les plus violents du moment .
20
21
Congrés des praticiens de la justice des mineurs, Athènes, 3 mars 2003.
Le secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme, , lors de la conférence européenne sur la
protection des enfants et contre leur exploitation sexuelle dans le tourisme d’avril 2005.
Les internautes mineurs sont aussi confrontés à des fausses
informations et à des véritables manipulations22. Internet permet de
multiplier de manière vertigineuse la vitesse de transmission de
l'information et d’en faciliter la diffusion à un grand nombre de personnes
d'horizons divers et variés. C’est par excellence le terrain idéal pour
propager rumeurs et fausses informations.
Les développements de la technique permettent aux entreprises
ou leurs prestataires de services marketing ou publicitaire, d’établir des
connexions directes avec les mineurs cibles parfaite23 . L’animation de
communautés d’internautes, sur les forums de discussion notamment,
permet l’émergence d’un marketing interactif. Un investissement modique
permet d’entrer en contact avec un nombre de personnes qui ne peut être
égalé par les autres médias. Le marché Internet des enfants de moins de
18 ans représente une manne financière de 30 à 40 milliards d’euros pour
quelque onze millions d’utilisateurs24.
Le marketing offensif est omniprésent25, des mesures légales le
prohibant, obligent, les fournisseurs d’accès ou hébergeurs, à développer
désormais un « marketing de la permission » qui consiste à demander à
l’internaute l’autorisation de lui transférer un message publicitaire, soit en
cochant une case pour donner son accord, il s’agit de l’opt-in actif, soit en
répondant par l’affirmative à une case préalablement activée, c’est l’opt-in
passif. Mais là encore, le mineur n’est pas apte à donner son autorisation.
Le mineur est le prescripteur d’achats au sein du foyer familial26.
La question de la protection des données personnelles des mineurs est
22
23
Les « net rumeurs »
La publicité et l’enfant, bulletin officiel du 5 décembre 2006, de la concurrence, de la consommation
la répression des fraudes.
24
25
26
Enquête TNS Média Intelligence, février 2005
Ados, comment on vous manipule, éd. Albin Michel, 2004.
Cf. Internet et la collecte de données personnelles des mineurs, CNIL, 2005, p.12.
et de
exacerbée par le développement des applications multimédia : messageries
et sites personnels, forums, blogs. Ces médias sont des sources
d’informations importantes. La maîtrise des stratégies commerciales est
nécessaire, afin d’éviter de nuire au respect de la vie privée et des libertés
individuelles27. L’autorisation parentale doit être obligatoire avant toute
collecte de données personnelles.
L’adoption d’une législation spécifique sur la question permet de
remédier à ces problèmes. La loi organique n° 2004-63 du 27 juillet 2004,
portant sur la protection des données à caractère personnel, a imposé deux
conditions cumulatives pour toute collecte de données personnelles : le
consentement du tuteur et l'autorisation du juge de la famille. La rigueur
du législateur est légitime lorsqu’il s’agit des droits d’un mineur. La
protection de la vie privée des enfants de moins de treize ans doit être
contraignante pour les promoteurs de services sur le net. Les gestionnaires
de sites doivent obtenir une autorisation parentale vérifiable avant toute
collecte de données personnelles auprès d’enfants. Ils doivent afficher
clairement leur politique en matière de protection de données et préciser
quelles données personnelles sont recueillies auprès de l’enfant, l’usage qui
en sera fait et les cessions envisagées. La page d’accueil du site et toutes
les pages à destination d’enfants doivent comporter un lien vers le
document décrivant la politique de protection des données.
Le nom d’un contact avec une adresse e-mail, un numéro de
téléphone ainsi qu’une adresse postale doivent être mentionnés sur le site.
Le responsable du site s’engage enfin à mettre en place toutes mesures de
sécurité destinées à garantir la confidentialité des données collectées.
L’accord parental doit être obtenu préalablement à la collecte,
l’utilisation ou la cession des données. Le mode de consentement diffère
selon l’utilisation de l’information recueillie. Les données sont
27
La Children’s Online Privacy Protection Act : (COPPA), approuvé le 19 octobre 1999. L’autorisation
parentale avant toute collecte de données personnelles.
exclusivement destinées au site qui les collecte. La coutume des
internautes fait qu’un simple mail envoyé par les parents suffit. Il peut
faire l’objet de vérifications ultérieures notamment par l’envoi aux parents
d’un mail, d’un courrier par voie postale ou d’un entretien par téléphone.
Les informations sont destinées à être cédées ou vendues, la procédure de
recueil de l’accord des parents est plus contraignante. Les parents doivent
impérativement recevoir par courrier un document à signer ou, au choix,
par le biais de leur numéro de carte de crédit, recevoir un formulaire à
valider par une signature électronique, recevoir un mail sécurisé par un
mot de passe, rappeler un numéro vert de vérification. Les parents peuvent
également autoriser l’utilisation des informations en interne mais refuser
les cessions à des tiers.
Il existe en droit tunisien de nombreuses dispositions
spécifiques en matière de publicité, presse écrite, audiovisuel, cinéma,
commerce, marketing et correspondance applicables aux mineurs. Ces
dispositions leur accordent une protection étendue et très contraignante.
Est passible de prison de 16 jours à un an et d’une amende de cent dinars,
ou de l’une des deux peines, toute personne qui porte atteinte à la vie
privée d’un enfant ou qui tente de le faire…. En Tunisie , comme pour
n’importe quel individu, les internautes qui se connectent sont protégés par
les dispositions de la loi de protection des données à caractère personnel
qui leur garantit trois droits : le droit à l’information, qui suppose que tout
site récupérant des données sur ses mineurs de manière directe ou
indirecte les en tienne informés ; le droit d’accès, qui permet d’obtenir la
communication de ces informations, il est alors possible d’y apporter des
modifications ; et le droit d’opposition, qui permet de refuser la collecte
d’informations sur sa personne.
Cette disposition, appliquée au cas des sites pour la jeunesse,
signifie généralement l’impossibilité d’accéder à une grande partie des
services proposés. Les insuffisances du cadre juridique tunisien actuel et
la volonté de mieux protéger les mineurs sur l’Internet doivent inciter à
promouvoir des réformes concrètes. Le droit tunisien applicable en l’état
paraît, en effet, insuffisant à assurer une protection effective des données
personnelles des enfants sur le net pour deux raisons majeures :
-
La loi organique n° 2004-63 du 27 juillet 2004, portant sur la
protection des données à caractère personnel ne protège que les
personnes en mesure de faire valoir leurs droits ce qui est rarement
le cas d’un mineur . Les parents ne sont, en outre et comme vu
précédemment, pas forcément conscients des risques que leurs
enfants et eux-mêmes peuvent courir via l’Internet ;
-
les dispositions du code de la protection de l’enfant en vigueur dans
son article six dispose que chaque enfant a droit à la protection de sa
vie privée, tout en considérant les droits et les responsabilités de ces
parents ou de ceux qui en ont la charge, conformément à la loi : or la
pratique démontre que la majorité des sites destinés aux mineurs ne
comportent pas les mentions requises par la loi et peu de sites
diffusent une information adaptée à la protection des données
personnelles des mineurs28, les statistiques sont alarmantes.
En ce sens, l’introduction d’une demande d’autorisation préalable
répond à une attente des parents qui souhaitent pouvoir mieux contrôler
les activités de leurs enfants sur la Toile. L’obligation de recueillir l’accord
parental pour la collecte de toutes données personnelles de l’enfant ou de la
famille, pourrait inciter les responsables de services de messagerie, de
forums et de blogs à proposer aux mineurs des services adaptés,
notamment dénués de message ou bannière à caractère pornographique ou
28
Sondage Jeunes Canadiens dans un monde branché, Réseau Education-Média, 2006.
commercial29. Certes, les enfants pourront toujours accéder, comme tout
internaute, à des sites ne respectant pas leur vie privée et celle de leur
famille. Ainsi une fois de plus est faite l’illustration qu’il n’existe pas en la
matière de solution globale et imperfectible
L’introduction par la loi 2004-63 d’une obligation de demander
l’autorisation préalable et expresse des parents et l’autorisation de juge de
la famille, en cas de collecte de données personnelles d’un enfant répond à
la nécessaire prise en compte d’une catégorie de personnes réputée
vulnérable que la société et les parents se doivent de protéger. Cette
avancée présenterait plusieurs privilèges :
-
l’insuffisance du droit applicable dans la protection des enfants
sera remédié par le dispositif de maintien et de développement de
la nécessaire confiance des parents en l’Internet ;
en sensibilisant les créateurs de sites non seulement à la question
-
de la protection des enfants sur le net, mais aussi à la qualité et la
performance réelle des services de protection qu’ils proposent.
Ainsi, certaines mesures de protection sont déjà présentes dans les
textes juridiques, notamment le code de la protection de l’enfant , la
convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant publiée par décret
n°91/1865 du 10 décembre 1991, les dispositions du code pénal, les
dispositions du code des obligations et des contrats et la loi portant sur la
protection des données à caractère personnel, pour la confidentialité des
données collectées. Mais aussi par les institutions existantes : le Conseil
supérieur de l’enfance créé en 2002 et l’Observatoire d’information , de
formation, de documentation et d’études pour la protection des droits de
l’enfant.
29
Henno, Jacques – Les enfants face aux écrans – Pornographie la vraie violence ? Editions SWTélémaque,
2004
Cependant ces mesures nationales paraissent manifestement
insuffisantes. La collecte de données personnelles via Internet est un
phénomène en développement constant et nécessite une évolution de la
norme législative. Logiciels de contrôle parental, obligations des
professionnels à côté de l’information et du dialogue familial sont les
diverses facettes d’un même objectif : la protection de l’enfant sur
l’Internet.
II . Une approche encore novatrice : L’évolution des risques nécessite
un vaste aménagement
aménagement d’ensemble :
La sécurité des mineurs nécessite une approche spécifique
concernant la protection de l’enfance sur Internet. Face aux défis
technologiques et internationaux soulevés par le net, la mobilisation invite
à faire « la police sur Internet » et à développer une « politique de
coopération toujours plus intense »30. L’usage de l’Internet et la protection
des mineurs à l’école doit s’accompagner de l’obligation pour les
établissements de se doter d’une charte d’utilisation de l’Internet. Celle-ci
devra être annexée au règlement intérieur de l’établissement et signée par
l’élève et ses parents. En outre, une charte doit être proposée aux
personnels de l’Education et intégrée dans le schéma directeur de la
sécurité.
Il est préconisé notamment sous l’aspect répressif d’instaurer un
auto-contrôle sous peine de sanctions pénales aux fournisseurs d’accès à
l’Internet et aux concepteurs de l’audiovisuel, jeux vidéo et Internet par
une modification réglementaire. Mais là encore, il faut appliquer un
contrôle et apposer des sanctions. Il faut installer sur les ordinateurs le
30
Les Enfant du Net, tome 1 (mars 2004) et tome 2 (janvier 2005), Forum des droits sur l’Internet.
logiciel de bouclage des sites dangereux pour les mineurs et diffuser les
logiciels de repérage de sites pédopornographiques par une modification
réglementaire.
Il faudra procéder à une actualisation des règles de procédure
pénale en matière d’atteinte grave aux mineurs et harmoniser la notion de
minorité. La réorganisation suite à la loi 2005 / 46 du 6 juin 2005, n’a pas
abordé la question des délits et contraventions via le net. Se doter d’un
droit de lutte contre les sectes par rapport aux mineurs est une éventualité
à prendre en considération31. Par ailleurs, le suivi de l’ensemble des
opérations engagées dans le cadre de la sécurisation de la navigation,
nécessite un vaste aménagement d’ensemble.
L’environnement sociétal qui est mis en oeuvre associé aux
considérations politiques et éducatives, exige une appropriation familiale
de l’Internet32. L’articulation entre ces différentes approches nécessite
d’abord une réflexion concertée entre les acteurs du web assurant le
respect de la vie privée des internautes mineurs. Elle impose ensuite une
information en direction des publics concernés, parents, enfants,
éducateurs.
A. Respect des enfants et de leurs libertés individuelles
L’Internet a été marqué par essence, d’un esprit de liberté et de
négation de toute forme de censure. Pourtant, il faut rappeler que
l’Internet est un média à part entière. Il est donc logique que les lois
applicables aux médias traditionnels aient vocation à s’appliquer
également au web. Le réseau n’est pas une zone de non droit mais un
31
32
le site http://aiedu.orion.education.fr
http://europa.eu.int/information_society/activities/sip/index_en.htm
domaine dans lequel sont protégés le droit à la vie privée et à l’image, à la
dignité humaine, le droit d’auteur, etc.
Les atteintes aux droits de la personne prennent des formes
exacerbées par le fait que l’Internet permet à tous de s’exprimer , sans
toujours l’intervention d’un modérateur. La transmission instantanée de
l'information sur Internet est également un facteur amplificateur des
risques. Par ailleurs, l’arrivée des nouvelles technologies dans la vie
quotidienne vient raviver voire engendrer des craintes et méfiances chez la
plupart des parents. L’Internet fascine nos enfants.
Une abondante jurisprudence permet de trouver l’équilibre entre,
d’une part, les impératifs de sécurité et de confidentialité et, d’autre part,
le respect des libertés individuelles, telles, par exemple, le principe du
respect du secret de la correspondance. Cet équilibre est encore bien
difficile à atteindre, où d’importants enjeux économiques entrent en ligne
de compte, notamment en matière de piratage et de téléchargement illégal
de fichiers musicaux ou vidéo.
Les logiciels de filtrage ou de contrôle parental sont facilement
contournables par les enfants, souvent plus avertis des technologies de
l’information et de la communication que leurs parents.
Pour être efficace, la protection juridique de la vie privée doit être
développée de manière plus spécifique et systématique. Dès le début des
années 60, les prémices de l’évolution dans le domaine du traitement
électronique des données et l'apparition des premiers gros ordinateurs ont
permis aux administrations publiques et aux grandes entreprises de
constituer d'importantes banques de données, d'améliorer et d'accroître la
collecte, le traitement et l'interconnexion des données à caractère
personnel. L’évolution s'est traduite par une tendance manifeste à
l'enregistrement électronique massif de données concernant la vie privée
des particuliers.
En 1981, la Convention STE N° 108 du Conseil de l'Europe sur
la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données
à caractère personnel, a été conclue. C’était le premier instrument
international juridiquement contraignant à vocation universelle dans le
domaine de la protection des données. Elle puise sa source directement
dans la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés
fondamentales, ouverte à la signature en 1950.
Selon les dispositions de la Convention, les Parties prennent,
dans leur droit interne, les mesures nécessaires pour donner effet aux
principes qu'elle pose, à l'égard des données à caractère personnel de tous
les individus présents sur leur territoire. Parmi ces principes, le caractère
licite et loyal de la collecte et du traitement automatisé des données,
enregistrées pour des finalités déterminées et légitimes et non utilisées à
des fins incompatibles avec ces finalités, ni conservées au-delà de ce qui est
nécessaire.
Les jeunes internautes estiment qu’ils sont capables de faire la
part des choses sur le net, considérant que le désir de certains parents de
les protéger est « un manque de respect pour leur aptitude à faire des choix
responsables.. » Par ailleurs, ces experts en matière de communication
développent un « sentiment de compétence ». Les enfants sont devenus en
quelque sorte majeure dans ce monde virtuel33. Les entreprises sont
conscientes de cette réalité et elles en profitent. La possibilité d’achats en
ligne commence à être prise en compte par les banques dans leurs offres
destinées aux jeunes. En outre, le développement du haut débit devrait
33
Jean-Yves Hayez, psychiatre infanto-juvénile, professeur en psychologie, professeur
ordinaire à la faculté de Médecine de l’Université catholique de Louvain, directeur de l’unité
de pédopsychiatrie des Cliniques universitaires Saint Luc.
favoriser l’accroissement de l’achat en ligne par les jeunes34.Dans une
enquête commandée et rendue publique par la Commission européenne
77,46 % des parents ont déclaré que leurs enfants utilisaient l’Internet, ils
ont aussi admis avoir posé des règles pour son usage35. Entre confiance et
ignorance, 38 % des parents européens d’enfant internaute considèrent
selon l’enquête d’Eurobaromètre, que celui-ci sait quoi faire si une
situation rencontrée sur Internet le met mal à l’aise36.
De nouveaux risques apparaissent, la cyber-intimidation37 et le
cyber-chantage38. Ainsi, des organisations criminelles passent par
l’Internet pour obtenir des rançons de sites marchands. Les pages
personnelles et blogs sont également des vecteurs de rumeurs ciblant
parfois des camarades de classe, des enseignants. La santé des mineurs est
aussi menacée39. Les jeux vidéo peuvent provoquer chez les jeunes des
crises d’épilepsie ou les pousser à de tragiques actes de violence. Le
massacre de Littleton, aux Etats-Unis, en avril 1999, illustre cette
évidence. Des poursuites judiciaires avaient été engagées par une famille
de victime contre des éditeurs de jeux vidéo40. Le juge fédéral a jugé la
plainte irrecevable, estimant que les adolescents étaient totalement
responsables de leurs actes. Les médecins qui traitent les cas de
34
Are young consumers shopping on the web ?, Harris Interactive, Youth and Education
Research, février 2005.
35
Protection des données personnelles et e-commerce en France, CNIL, 2000
36
Rapport sur les contenus choquants et illégaux sur Internet, Eurobarometer, mars 2004,
publication du European Opinion Research Group.
37
La « cyber-intimidation » peut prendre diverses formes : menaces, insultes envoyées par mail ou messagerie
instantanée.
38
Le « cyber-chantage » est à l’origine le terme désignant l'utilisation, par des pirates du Net, de virus
informatiques paralysant les sites d'entreprises en ligne.
39
Rufo, Marcel, Joyeux, Henri – Santé, adolescence et familles, rapport préparatoire à la Conférence de la
famille 2004
40
Il s’agit de la fusillade menée par deux adolescents, qui avait fait de nombreuses victimes dans le lycée de
Columbie et il avait été fortement souligné à l’époque, l’influence néfaste qu’avait pu avoir les
jeux vidéo violents auxquels ils avaient l’habitude de jouer sur ces enfants.
cyberdépendance constatent également des troubles d’ordre physiologique,
comme la sécheresse oculaire ou les migraines ophtalmiques, ainsi que des
troubles musculo-squelettiques41.
L’adolescent internaute fasciné, trouve un compromis entre son
besoin de se confronter au monde extérieur et son désir de maîtriser les
situations, en se déconnectant purement et simplement. Les cibles
marketing privilégiées sont tout d’abord protégés par les dispositions
générales applicables aux majeurs. Egalement les dispositions spécifiques
du code de la protection de l’enfant qui prohibent toute atteinte aux droits
des enfants. Et qui prennent en considération l’intérêt supérieur de
l’enfant dans toutes les mesures prises à son égard.
Le téléchargement gratuit d’œuvres musicales ou
cinématographiques est une pratique quotidienne des jeunes sur le web. La
condamnation de cette pratique a été prononcée lors d’une affaire
mettant en cause un instituteur ayant ainsi copié plus de 10 000 fichiers
musicaux. En effet s’il s’agissait de la poursuite d’un mineur, la sanction
sera moindre. Les jeunes et leurs parents ne sont pas conscients des
conséquences de cette pratique. La question des risques
pédopornographiques sur Internet est encore plus dangereuse. Un mineur
nourrit sa culture sexuelle via le net.
Les comportements dégradants ou humiliants pour l’être humain attirent
les adolescents.
Les considérations de droit et d’éthique, posent la question de la
réception par les enfants de contenus violents et déstabilisants.
L’insensibilisation des jeunes amplifie le fossé sociétal. Il convient pour les
adultes d’en être avertis, et d’apporter l’encadrement adapté à leur enfant
qui y aurait été exposé. Enfin, les discussions non modérées, dans le cadre
de chats désormais très répandus, représente un risque en fort
développement pour les jeunes.
41
Manuel à l’usage des parents dont les enfants regardent trop la télévision, Serge Tisseron, Bayard, 2004
La convention internationale des Droits de l’enfant souligne
l’importance pour eux d’accéder aux diverses sources d’information.
L’adulte doit leur assurer « une aide et une assistance spéciale » du fait de
leur « manque de maturité physique et intellectuelle ». Cet équilibre entre
un principe d’émancipation par l’accès aux médias et à l’information et une
nécessaire responsabilisation des parents est dicté par la notion, érigée en
valeur primordiale, de l’« intérêt supérieur de l’enfant »42. La convention
affirme le rôle des Etats dans le respect de l’accès des enfants à
l’information et insiste sur la place particulière occupée par les parents
ainsi que leur responsabilité sur ce point.
B . Libertés utopiques et responsabilités réelles
Une nécessaire prise de conscience, souligne l’étrange sousestimation des réalités de l’Internet et de l’impact que peuvent avoir son
environnement et ses avancées. Une sous-estimation qui cadre mal avec la
« révolution » du réseau des réseaux. Les fournisseurs d’accès à Internet
doivent informer leurs abonnés de l'existence de moyens techniques
permettant de restreindre l'accès à certains services ou de les sélectionner
et leur proposent au moins un de ces moyens43.
Selon l'article 8 de cette Convention STE 108 , "toute personne
a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance". Mais dans son article 10, la Convention affirme
également le droit fondamental à la liberté d'expression. Le droit à la
liberté d'expression inclue explicitement la "liberté de recevoir ou de
communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir
42
Internet et la collecte de données personnelles auprès des mineurs : Rapport adopté le 12 juin 2001, présenté
par Madame Cécile Alvergnat.
43
Coslin, Pierre G. – Psychologie de l’adolescent, Armand Colin, 2002
ingérence des autorités publiques et sans considération de frontières". "La
liberté de recevoir des informations" définie à l'article 10 est considérée
comme s'étendant à "la liberté de rechercher des informations".
Dans la logique de la Convention, les articles 8 et 10 ne sont pas
contradictoires mais complémentaires. Toutefois, dans la pratique, la
jouissance de l'un de ces droits se trouve parfois limitée par l'autre droit.
C'est pourquoi la Cour Européenne des Droits de l'Homme a défini, dans sa
jurisprudence, les limites de l'exercice de chacun de ces droits, et, plus
particulièrement, dans quelle mesure les autorités publiques étaient en
droit d'interférer. Cette jurisprudence présente un grand intérêt dans le
domaine de la protection des données puisqu’elle a été et demeure une
source extrêmement importante de critères d'élaboration de règles dans ce
domaine.
Ainsi, dans un arrêt M.S. c. Suède, la Cour européenne des droits de
l'homme, "rappelle que la protection des données à caractère personnel (...)
revêt une importance fondamentale pour l'exercice du droit au respect de la
vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention"44.
Tout peut être dit sur Internet et, par conséquent, tout peut être lu
ou vu. La protection de la liberté d'expression est primordiale. C'est le droit
le plus fondamental accordé à chaque être humain. Il apparaît donc comme
important d'imposer des limites ou, au moins, des règles afin de préserver
les autres droits fondamentaux des êtres humains. Le réseau libre, doit
assurer la protection des mineurs. Ainsi, tout site interdit aux mineurs est
dans l'obligation de vérifier l'âge de l'internaute avant de lui autoriser
l'accès. Ce qui est regrettable est que cette vérification soit uniquement
basée sur la bonne foi du mineur.
44
Cour européenne des droits de l'homme, arrêt M.S. c. Suède du 27 août 1997.
Le gouvernement français a mobilisé , dans le cas où un site web
ne respecterait pas cet engagement, l'Office Central chargé de la lutte
contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la
communication 45. Il permet à tous de signaler librement les infractions. La
protection des mineurs sur Internet ne concerne pas que les sites
pornographiques ou violents46. Tous les webmasters peuvent relayer
l'information, et aider ainsi les parents peu familiarisés à la toile47. Pour
l'heure, compte tenu de l'ampleur des risques la Tunisie doit adopter ce
genre d’initiatives permettant de responsabiliser les acteurs du net.
La Responsabilité civile et pénale des parents est accentuée. Le
code des obligations et des contrats considère que toute personne ayant
atteint l’âge majeur est réputée capable de tous les actes de la vie civile.
Ainsi, les personnes mineures sont réputées juridiquement incapables et
soumises à l’autorité de leurs parents ou tuteur. L’article 93 bis du code
des obligations et des contrats dispose que « le père et la mère sont
solidairement responsables de l’acte préjudiciable émanant de l’enfant, à
condition qu’il réside chez eux, cette responsabilité a lieu à moins que l’un
d’eux prouve qu’il a pourvu l’enfant de la surveillance requise et que le
préjudice résulte d’une faute de la victime ». Cette responsabilité
parentale vise avant tout la prévention, la responsabilité juridique et la
réparation .
Le droit de la responsabilité des parents a été conçu à une époque
où l’on pensait que les risques provenaient de l’extérieur du foyer, or
aujourd’hui l’Internet introduit des risques au sein même de celui-ci48 .
45
46
47
48
http://www.internet-mineurs.gouv.fr/
Michel Fize, Adolescence en crise ? vers le droit à la reconnaissance sociale, Hachette Education, 1998
Wolton, Dominique – Il faut sauver la communication, Flammarion, 2005
Propos de Christophe Radé, agrégé des facultés de droit, professeur à l’université
Montesquieu à Bordeaux.
La liberté concédée par la technique du net aux enfants n’est pas
prise en compte par le code des obligations et des contrats qui considère
que les parents répondent des éventuels dommages même en l’absence de
faute49. Les parents sont exposés, à des risques considérables même si le
contentieux est actuellement faible. En tout état de cause, j’estime que
c’est bien une « catastrophe » : les parents ne peuvent être tenus
responsables des obligations nées des contrats passés par leurs enfants
mineurs. Dès -lors, le co-contractant d’un mineur doit vérifier, avant de
s’engager, la capacité juridique de son interlocuteur.
Ce n’est donc pas une blague de mauvais goût , les parents sont
placés au cœur du système de responsabilité qui régit les actes d’un
mineur. Et l’Internet perd sa spécificité lorsqu’il s’agit de cette règle. Le
respect des droits de l’enfant s’effectue sous la responsabilité de ses
responsables légaux.
Sur le plan pénal, le mineur de moins de treize ans ne pourra en
aucun cas se voir infligé une peine de prison ou d’amende ; seules des
mesures éducatives pourront lui être signifiées. L’implication des parents
est donc logique. Selon le code de statut personnel
« l'autorité
appartient aux pères et mères pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa
santé et sa moralité. Ils ont à cet égard droit et devoir de garde, de
surveillance et d'éducation ». En terme de responsabilité civile des parents,
l'objectif de protection de l'enfant est ici présenté comme prioritaire.
L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs placés, entre
autres moyens, au service de cet objectif. Ainsi, qu’ils vivent ou non avec
l’enfant, qu’ils partagent ou non l’exercice de l’autorité parentale, ils sont et
demeurent parents.
49
Renucci, Jean-François – Le droit pénal des mineurs, Que sais-je, PUF, 1998
Au terme de ce survol des différentes pensées, il me semble que
les parents ont à l’égard de leurs enfants un droit et un devoir d’autorité et
sont investis d’une mission éducative commune.
Peut-être est-ce pour la valeur du sujet exploré, le désir d’aboutir à des
solutions raisonnables dans mon approche et efficaces dans le mode
d’application, ou encore pour ces trois raisons réunies, que j’ai préféré ne
pas se perdre dans l’ampleur des risques et se demander simplement : Que
font les enfants sur Internet, ce que savent les parents, ce que se
contentent de dire les enfants ?