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Reportage
Artisan
Philippe Duffay porte tous
ses efforts sur le pain,
bien plus rentable que la
pâtisserie.
Une petite
entreprise
qui ne connaît
pas la crise
Philippe Duffay, pâtissier reconverti
à la boulangerie, traverse la crise avec
une croissance soutenue. Il nous
explique les choix qui ont conduit
son affaire sur le chemin du succès.
L
a quarantaine sonnée,
Philippe Duffay
se trouve seul aux
commandes d’une bou-
langerie-pâtisserie située
à Saint-Sylvain-d’Anjou, à
proximité d’Angers (49). Avec
un unique magasin, une
offre plutôt traditionnelle et
une implantation au centre
d’une petite bourgade de
4 500 habitants, l’entreprise
a tout d’une affaire ordinaire.
Mais elle cache bien son
jeu. Et pour cause : sa croissance affiche un rythme de
croisière de +20 % annuel.
De quoi intriguer ceux qui
ont bien du mal à joindre les
deux bouts par ces temps difficiles... Qui ne voudrait pas
percer, en effet, le mystère de
ces entrepreneurs qui font fi
de la crise ? Pourtant, il avoue
n’avoir pas vraiment de botte
secrète. Sa réussite tient
avant tout à un ensemble
de choix stratégiques, bien
posés.
Une offre raisonnable
Au début de sa carrière, avec
un CAP de pâtisserie en
poche, Philippe a accepté de
prendre le poste pain que son
patron voulait lui confier. Il a
donc dû apprendre le métier
de boulanger « sur le tas ». Et
L’avancée vitrée a
été ajoutée aux murs
existants pour inclure
l’espace restauration.
28 La Toque magazine • N°234 • mars 2013
bien lui en a pris, car, dans
la situation actuelle, la pâtisserie fine est bien moins
rentable que la boulangerie.
« Trop de temps, d’énergie et
d’investissement pour une
marge faible et un résultat
plus que décevant en terme de
ventes. Les clients n’achètent
plus guère d’entremets, sauf
ponctuellement le week-end
ou dans de rares occasions »,
estime-t-il. Il a donc très tôt
rectifié le tir en se concentrant sur le pain et une pâtisserie boulangère (flan, cake,
tarte, éclair, crumble…).
Plus récemment, il vient
aussi de se mettre à la restauration sur le pouce, avec
une gamme de sandwichs
copieux et variés. Il tient
néanmoins à conserver une
collection de macarons classiques et quelques entremets
individuels. Il sort aussi un
ou deux gâteaux emblématiques pour les fêtes (bûche
à Noël, cœur pour la SaintValentin, nid pour Pâques…).
Côté chocolats, il mise sur la
revente de spécialités locales
Biographie
express
- 1991 : CAP pâtisserie.
- 1998-2004 : première
affaire (location) à
Rennes centre (35).
- 2004-2011 : 2e affaire
(location) à SaintSylvain-d’Anjou centre
(49).
- 2011 : création d’une
troisième affaire, à
200 m de la précédente.
Acquisition des murs et
transfert de l’activité.
Lancement de l’offre
restauration et de la
gamme bio.
(exemple : le Quernon d’ardoise) et propose quelques
sachets de fritures à Pâques.
Ingrédients triés
sur le volet
La production répond parfaitement aux attentes du
marché : viennoiseries faites
maison, farines premium
(Festival des Pains), matières
premières provenant de
Reportage
Artisan
L’introduction du label bio a permis
d’élever le niveau de rigueur.
profil de la
3e entreprise
Pour Philippe, une ambiance agréable et studieuse passe par
une bonne communication avec le personnel.
Un concept traditionnel
et régional : au plafond,
les ailes stylisées
d’un moulin angevin ;
au premier plan, une
meule de pierre.
petits producteurs locaux
(fruits, lait cru, œufs), baguette tradition « tip-top »
(farine Label Rouge, eau purifiée, autolyse et préfermenta-
tion, levain liquide…), pains
spéciaux labellisés bio… « La
qualité, la diversité et le respect
de l’environnement sont, bien
sûr, impératifs aujourd’hui.
Mais ce qui crée le plus de
trafic, c’est certainement la
fraîcheur : du bon pain chaud
toute la journée », ajoute-t-il.
Cet atout commercial implique de réorganiser la
production et d’investir dans
un minimum de matériel
afin de pouvoir cuire à la
demande. Après division et
façonnage, les pâtons sont
stockés pour un apprêt de
6-7 heures à 6° C en armoires
de pousse. Les petites pièces
sont produites par diviseuseformeuse automatique
(Panéotrad de Bongard).
➧ Un point de vente
+ vente sur les marchés
locaux.
➧ Surface
production/vente
250 m2.
➧ Personnel
9 en production (dont
4 apprentis) et 4 en vente.
➧ Croissance
annuelle + 20 %.
➧ Prix de la baguette
1,05 € (tradition haut de
gamme) ; 0,90 € (blanche
moulée).
(Fringand, VMI, BertrandPuma…) dont il a confié l’insL’adaptation
tallation à une société locale
au temps présent
sérieuse (Piou Équipements,
Façade contemporaine, madu réseau C9). Les raisons
gasin aux normes d’accessiqui conduisent au succès
bilité et ouvert sur le fournil,
ne peuvent cependant être
concept d’agenceréduites à ces trois
ment en cohérence
aspects pourtant
Philippe
avec les produits,
essentiels. La gestion
espace de restaufinancière de l’afa investi
ration-minute… la
faire, le management
dans du
dernière affaire qu’il matériel
et la formation du
vient de créer (voir
personnel, la comfrançais
encadré) est à la
munication, l’imfois traditionnelle
plication sociale…
dans les matériaux employés
sont autant d’éléments qu’il
et contemporaine dans sa
maîtrise parfaitement et qui
structure. Le laboratoire
participent indéniablement
est spacieux, bien pensé,
à la réussite du projet. Ce qui
conforme aux normes et
montre, une fois de plus, que
aux exigences de la marche
les entreprises qui avancent
en avant. Philippe n’a pas
sont celles qui ont su entrer
hésité à investir dans un
dans le fameux cercle vermatériel performant français
tueux. ❖ Armand Tandeau
La Toque magazine • N°234 • mars 2013 29