Heidsieck - Monsieur Bulles
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Heidsieck - Monsieur Bulles
Heidsieck Une famille champenoise Dans l’histoire de la Champagne et de son vin effervescent, on peut globalement identifier deux grandes époques dans l’installation des grands noms : celle qui précéda la Révolution française et celle qui suivit le Premier Empire. PAR GUÉNAËL REVEL TEXTE ET PHOTOS Vignobles du monde S auf quelques rares exceptions, il y eut d’abord l’implantation des familles d’origine française (Gosset, Ruinart, Delamotte, Chanoine, Clicquot, Jacquesson, Godinot) qui virent le jour entre 1530 et 1790, puis l’implantation de familles d’origine germanique (Roederer, Mumm, Bollinger, Krug, Deutz) qui immigrèrent en France au cours des régimes royalistes du XIXe siècle. Parmi les exceptions, un nom allait être le symbole de ce lien franco-allemand qui a marqué la Champagne : Heidsieck. Un fondateur Florenz-Ludwig Heidsieck En 1785, Florenz-Ludwig Heidsieck, drapier de son état installé à Reims depuis les années 1770, fonde son entreprise de distribution de champagne. Celle-ci devient la société Heidsieck & Co en 1834 grâce à son neveu Christian Heidsieck qui en reprend l’administration, entouré de Christian-Frédéric Walbaum, HenriGuillaume Piper et Jacques-CharlesThéodore Kunkelmann. Pendant un siècle, les champagnes Heidsieck seront vendus sous différentes marques, imposées par des raisons sociales variantes en raison des décès ou des associations entre membres de la famille. Des héritages et obligations administratives naîtront alors trois marques distinctes au patronyme pourtant commun : Heidsieck & Co Monopole, Piper-Heidsieck et Charles Heidsieck. Ces dernières sont aujourd’hui la propriété du groupe Rémy-Cointreau tandis que la première a été rachetée par Paul-François Vranken en 1997. Le XIXe siècle qui a vu se construire la Champagne viticole et se perfectionner l’élaboration de son vin effervescent a aussi été le siècle des hommes du champagne. L’un d’eux aura davantage marqué l’histoire de la dynastie Heidsieck : Charles Heidsieck, fils de Charles-Henri Heidsieck, neveu de Henri Piper et petit-neveu de Florenz-Ludwig. Un pionnier, Charles-Henri Heidsieck Charles-Henri Heidsieck est le neveu de Florenz-Ludwig Heidsieck chez qui il travaille depuis 1805, il a alors seulement 15 ans. Courageux, voire intrépide, il commercialise le champagne Heidsieck en Prusse, en Pologne et en Russie tandis que les guerres napoléoniennes ponctuent ce début de siècle. L’administration française ne donnant pas facilement la nationalité tricolore malgré les investissements et le dynamisme dans l’économie régionale champenoise que la famille Heidsieck génère, c’est en quelque sorte grâce à la bravoure de Charles-Henri Heidsieck que le nom Heidsieck va devenir français. La grande connaissance des langues et des cultures de l’Europe de l’Est de ce dernier lui permet en effet d’intervenir dans les négociations politiques rémoises lorsque les armées du Tsar sont en Champagne en 1814. La Grande Armée est en déroute, la France est ruinée, la Champagne exsangue, les subtiles interventions en langue allemande de Charles-Henri Heidsieck sauvent les paysans des exactions habituelles de fins de campagnes militaires. Il en sera remercié par Louis XVIII en recevant d’abord l’ordre du Lys et surtout, la nationalité française trois ans plus tard. La marque Heidsieck pourrait alors devenir véritablement française si Charles-Henri la possédait... Le sort va en décider autrement. Charles-Henri épouse Émilie Henriot Godinot en 1818. C’est un vrai mariage d’amour! Il faut le dire, car cet acte est rare à l’époque : les unions d’intérêt patrimonial prévalent. Les mariages entre cousins sont même fréquents, car ils consolident ou permettent de fusionner les biens fonciers, déjà primordiaux en Champagne. Néanmoins, ces noces l’enrichissent : Émilie est issue d’une vieille famille champenoise qui a fait fortune dans le textile et la gestion de terres. Le couple est solide, uni, rien ne semble l’ébranler. Charles-Henri quitte pourtant son oncle et l’univers des bulles, il ne reprendra pas la maison de champagne, ni ne fondera sa propre marque! Il reprend l’entreprise de textile de son beau-père qu’il administrera avec ses deux beaux-frères. Quatre enfants naissent rapidement de cette union : trois filles, Apolline, Clémentine et Louise, et un garçon, Charles-Camille. Cependant, le destin se montre cruel. Émilie n’a pas encore 30 ans quand elle perd son mari, emporté par une congestion cérébrale, puis sa dernière fille qui n’a que quelques mois. La famille est heureusement soudée tant du côté allemand que français, le soutien affectif est omniprésent, Émilie est une jeune veuve et les demandes de mariage ne sont pas rares. L’une d’elles viendra même du maire de Reims, Irénée Ruinart, du champagne éponyme, qu’elle refusera. Aurions-nous bu aujourd’hui du Ruinart-Heidsieck, qui sait ? Charles-Camille Heidsieck a deux ans, il est l’unique garçon. Il sera cajolé, toutefois sérieusement élevé dans les deux cultures; les liens avec ses oncles outreRhin seront fréquents, notamment avec Christian Heidsieck qui l’élèvera comme un père jusqu’en 1835, où lui aussi, meurt prématurément, juste un an après qu’il ait repris la maison de négoce des Champagnes Heidsieck. Un aventurier, CharlesCamille Heidsieck Né le 16 juin 1822, Charles-Camille Heidsieck a reçu une éducation collégiale et lycéenne française, avant de s’embarquer dans des études de finances à l’Université de Lübeck, en Allemagne. Sa mère a toujours entretenu une vie sociale et mondaine à Reims, elle est proche des familles Delamotte, Clicquot et Henriot. C’est elle qui négocie le contrat d’emploi de n Charles-Camille C h a r l e s - C a m i l l e Heidsieck lorsqu’il rentre en France, après ses études en Westphalie, au début de l’année 1846 pour travailler chez Piper-Heidsieck, raison sociale créée par Henri Piper, un autre cousin, suite au décès de Christian Heidsieck. Ce retour lui est difficile, CharlesCamille est amoureux de sa cousine Émilie, fille de Christian Heidsieck, avec qui il a pratiquement passé son enfance. Vins & Vignobles DÉCEMBRE 2009 - JANVIER 2010 19 Ma définition des styles de Piper Heidsieck et de Charles Heidsieck Charles Heidsieck Globalement : Plein, parfumé et enveloppant Scrupuleusement : On est dans l’univers du vin, donc du vineux, de la puissance et de la plénitude. Immédiatement reconnaissable par des notes subtilement grillées, les cuvées Charles Heidsieck sont profondes et charnues, cependant toujours fraîches. Les crus sont multiples et distincts dans l’assemblage du Brut, équitablement répartis au niveau des trois cépages. Les vins de réserve qui peuvent atteindre sept années sont sans aucun doute le secret d’autant d’onctuosité. Elles sont à l’image des femmes de Renoir, rondes, enjouées, désirables. Les cuvées millésimées sont rares et représentent l’élégance, la richesse, voire la gourmandise. On est toujours séduit par les parfums de miel, de fruits tropicaux, de vanille. Elles sont à l’image des femmes d’Ingres, voluptueuses et charmeuses. Piper-Heidsieck : Globalement : Nerveux, fruité et complexe Scrupuleusement : Tout est croustillant, frais et printanier dans la cuvée Brut traditionnelle comme dans les cuvées millésimées ou les «Rare», les arômes d’agrumes de la première se montrant plus confits dans les dernières. La cuvée Brut réunit les trois cépages de toutes les sous-régions champenoises, le pinot noir dominant cependant l’assemblage dont chaque cru est vinifié séparément. Les vins Piper sont toujours droits, francs, davantage axés sur le charme immédiat, dès l’attaque. Ce sont des vins «émancipés» comme le regard des femmes de Goya. La subtilité de comportement et d’arômes des vins millésimés de Piper se réveille tardivement dans le verre, il faut savoir les saisir, les comprendre, comme le charme discret des femmes de Vinci. 20 Vins & Vignobles n Dans le vignoble, une borne Piper Heidsieck Elle épouse pourtant la même année un autre membre de la famille, Georges Delius. Charles-Camille est abattu, la plaie mettra cinq ans à se refermer pour véritablement se cicatriser en 1850 au moment de son mariage avec Amélie Henriot. Cette même année, il quitte Piper-Heidsieck dont la majorité des actions vient d’être cédée à JacquesCharles-Théodore Kunkelmann, le directeur commercial de la marque aux Etats-Unis. Charles-Camille donnera huit enfants à Amélie, six filles et deux garçons. Famille très pieuse, puisque trois des filles Heidsieck-Henriot deviendront religieuses. Charles-Camille n’a pas encore trente ans (1851) qu’il se lance en affaire avec son beau-frère Ernest Henriot qui exploite alors le champagne Auger-Godinot, grâce aux propriétés viticoles familiales de Ludes, Bouzy et Ambonnay. Ambiteux, il enregistre également sa propre marque, Charles Heidsieck, en prenant bien soin d’en garder l’exclusivité. DÉCEMBRE 2009 - JANVIER 2010 Naissance du Champagne Charles Heidsieck, la conquête de l’Ouest En 1852, Charles Heidsieck connaît déjà les marchés de l’Est européen pour les avoir parcourus pour la marque de son oncle. Un autre marché, plus éloigné, plus méconnu, s’ouvre aux jeunes maisons champenoises : les États-Unis d’Amérique. Toutefois, il faut avoir l’esprit aventurier, audacieux et surtout, il faut savoir communiquer. Charles a heureusement hérité de son père des facilités linguistiques. Élevé dans les langues française et allemande, il se montre doué pour l’anglais, il décide donc de conquérir l’Amérique. Son premier séjour est discret, observateur et inspirateur et il lui permet de trouver des agents de représentation à New-York. Il y retourne en octobre 1857 tandis qu’une crise financière frappe les États-Unis. Son champagne est pourtant déjà connu grâce à ses agents de la première heure, efficaces, pragmatiques et loyaux. Au cours des deux mois suivants, fort de Vignobles du monde son charme, de sa prestance européenne et de son affabilité, Charles Heidsieck devient Charlie, un surnom comme savent les donner les américains et que va savoir exploiter l’intéressé. Dans les salons mondains, on demande désormais du Champagne Charlie, celui du premier champenois à avoir conquis l’Amérique. Il avait quitté New-York au début de l’hiver 1857, il décide d’y retourner au début de l’hiver 1860; cette fois-ci, il y restera neuf mois et il visitera toute la côte Est américaine jusqu’à la NouvelleOrléans. S’il poursuit la consolidation d’ententes commerciales à Boston, NewYork, Washington ou Baltimore, Charles Heidsieck qui est davantage plongé dans la société américaine d’alors, est confronté au travers de cette dernière. Dans les courriers des premiers mois qu’il adresse à Amélie, il se montre indifférent, voire naïf, face à la ségrégation raciale. Concentré sur ses affaires, il est surtout séduit par le capitalisme et le matérialisme américain qui poussent - déjà - le consommateur à la dépense. Il lui faut arriver dans le sud, en Louisiane, au printemps 1860 pour se rendre compte à quel point l’esclavagisme est institutionnalisé. Charles Heidsieck a néanmoins conquis l’Est des États-Unis, Il revient à Reims plus riche, toujours plus ambitieux et surtout, définitivement piqué par le système des affaires aux États-Unis, plus efficace et plus pragmatique que celui de l’Europe. Il le fréquentera une dernière fois, un an plus tard, pour cette fois là, être confronté à ses faiblesses et ses bassesses. C’est en effet dans le chaos de la guerre de Sécession que Charles Heidsieck renoue avec l’Amérique en avril 1861. Il a prévu de régler les affaires courantes, il pense que son séjour ne durera qu’un trimestre. Il ne reverra pas la France avant 1863! Il va connaître les geôles américaines dans l’humidité du Mississipi pendant plus de trois mois, il y perdra sa santé et surtout, sa fortune! Charles Heidsieck assiste à la crise, à la montée de la haine. «Ce peuple a le vertige, il se jette, lui et nous, dans un abîme sans fond. Le Nord et le Sud veulent se venger l’un de l’autre, envers et contre tout.» écrit-il à Amélie en mai 1861. Un n Portail dans les crayères Heidsieck moratoire est institué, il libère les débiteurs des créanciers, les agents du Champagne Charlie demeurent d’abord honnêtes et promettent à Charles de payer des dettes qu’ils reconnaissent, mais l’instauration de mesures de guerre l’empêche de travailler, de circuler, de négocier. L’une de ces mesures interdit toute transaction entre le Nord et le Sud; or, les agents commerciaux du champagne Charles Heidsieck sont du Nord, tandis que la majorité des clients sont maintenant du Sud. Aucun versement ne peut donc se faire, tout paiement de dettes étant considéré d’un bord comme de l’autre, comme un crime de haute trahison. Les banques et institutions financières sont surveillées ou contrôlées par l’armée. Il n’y a d’autres solutions pour notre Champenois que de parcourir le pays vers le sud pour aller récolter chaque recouvrement. Jusqu’au printemps 1862, Charles Heidsieck va vivre la guerre de Sécession comme un véritable reporter contemporain, avec tous les risques que cela comporte. Il est arrêté pour «espionnage» par le Général Butler en août 1862. Personnage cupide, corrompu et manipulateur, Benjamin F. Butler fait emprisonner un Charles Heidsieck trop probe ou trop naïf pour se défendre des fausses accusations portées contre lui. N’usant pas de la protection consulaire qu’on lui aurait offerte et croyant encore en l’honneur et en la parole militaire de l’officier qui l’accuse, il est envoyé, sans procès, sans défense, derrière les barreaux de Fort Jackson dans le Mississippi. La fièvre jaune frappant alors cet état chaud et humide, elle décime la population et même la garnison qui surveille les forçats. Charles est heureusement épargné, on le transfère à Fort Pickens, moins nauséabond, mais plus sec. Il y restera emprisonné jusqu’en novembre 1862, sans jamais avoir cédé aux épreuves morales du commandement qui gère outrageusement sa détention, conscient que Charles Heidsieck est un otage prestigieux dans les rapports délicats d’alors, entre la France et les États-Unis. Les affaires véreuses du Général Butler le rattrapent et il est destitué de son poste de gouverneur de la Louisiane. Épuisé, amaigri et malade, Charles est enfin libre. Jusqu’en décembre 1862, il recouvre la santé et l’espoir à la Nouvelle-Orléans, agissant afin de réclamer ce qu’on lui a volé, allant même jusqu’à demander une indemnité au gouvernement américain. Des centaines de paniers de Champagne Charlie ont été vendus entre 1856 et 1861, il n’en verra jamais les bénéfices. De retour en France au printemps 1863, Charles prend conscience que sa longue et «douteuse» absence a terni son nom et sa maison, sa famille a subi les inévitables ragots et calomnies de la concurrence. Mais une fois de plus, il se montre courageux et vertueux : sitôt la faillite déposée de la première société, il en remonte une seconde, Charles Heidsieck et Cie. Les dettes sont partagées avec son beau-frère Ernest Henriot, les créanciers se montrent bienveillants et patients et surtout, de fidèles amis de la famille (Werlé-Clicquot, Roederer, Piper) apportent le soutien financier nécessaire pour qu’une telle maison de Champagne renaisse. Le destin se montre enfin reconnaissant dans les années 1870. Revenu des Amériques avec une amertume légitime et sachant qu’il n’y reviendrait plus, Charles Heidsieck y avait tout de même laissé des amis et des agents encore loyaux. C’est grâce au frère de l’un d’eux, mis au courant qu’aucun dédommagement ne fut versé au Champenois après les multiples affronts encaissés, qu’il reçut, en guise de remboursement, le legs de plusieurs lots fonciers d’une ville de l’ouest américain, alors inconnue et en construction : Denver. Charles Heidsieck, homme plus droit que l’épée d’un roi, qui s’était juré que sa maison rembourserait tous ses créanciers, aura finalement pu respecter sa parole grâce à une ville qu’il n’a jamais vue! Il meurt le 3 février 1893, après avoir poursuivi son métier de négociant dans toute l’Europe, Vins & Vignobles DÉCEMBRE 2009 - JANVIER 2010 21 Vignobles du monde transmis les rênes de sa maison à ses fils Charles-Marie-Eugène et Henri, et laissé à la Champagne, l’héritage de l’honneur et de la persévérance. Piper-Heidsieck et Charles Heidsieck, «deux rails de chemin de fer qui ne se croisent jamais» D’un commun accord envisagé dix ans plus tôt, Charles Heidsieck et Ernest Henriot s’étaient séparés en 1876. Charles décidait alors de conserver seul sa marque, de déménager ses bureaux près de la porte de Mars, à Reims, et d’acheter des crayères pour l’élevage de ses vins. Entretemps, ses oncles propriétaires de Piper-Heidsieck s’installèrent dans un immeuble de la rue Henry-Vasnier, construit par le célèbre architecte Alphonse Gosset. Les crayères de Charles sont alors pratiquement sous les bureaux de ses oncles. Le XXe siècle, chargé de conflits armés qui n’épargnent pas la Champagne, est un siècle de consolidation pour les grandes maisons qui s’unissent et se désunissent au sein de groupes commerciaux, au gré des ententes avec les vignerons et de la mondialisation des marchés. Les deux marques cousines seront finalement réunies deux siècles après l’ancrage social d’un Heidsieck en Champagne, au moment de leur acquisition par le groupe Rémy-Cointreau, en 1985 pour Charles Heidsieck et en 1988 pour Piper-Heidsieck. Les maîtres du champagne ne sont plus leur propriétaire mais bien les chefs de cave des maisons. Chez Piper et Charles, Daniel Thibault est ce maître incontournable. En créant le concept des «Mises en cave» pour le Brut de Charles Heidsieck, il offre au consommateur avisé l’essence même du champagne : l’art de l’assemblage de crus et de millésimes. Il repère Régis Camus en 1994, un jeune confrère qui travaille pour la Coopérative régionale des vins de Champagne (Jacquart). Daniel Thibault peaufinera les cuvées à l’étiquette bleu nuit, tandis que Régis Camus travaillera sur celles à l’étiquette rouge sang. Le duo est gagnant, les titres et récompenses ornent les bureaux du boulevard Vasnier quand brusquement, le sort frappe encore : Daniel Thibault décède prématurément en 2002. Régis Camus poursuit l’œuvre amorcée, tandis qu’en 2005 AnneCharlotte Amory, alors directrice générale du volet stratégie des eaux Volvic et Évian pour le groupe Danone, se voit confier la présidence des deux marques de champagne. Régis Camus récolte deux fois le titre de «Sparkling Winemaker of the Year» décerné par l’International Wine Challenge de Londres, le premier en 2004, le second l’année du déménagement à la périphérie de Reims! Le siège social implanté aujourd’hui Allée du Vignoble, sur la route d’Épernay, est sans doute plus austère et plus froid que les bâtiments d’Alphonse Gosset, toutefois la cuverie informatisée peut accueillir 100 000 hectolitres et le remuage des vins est désormais confié à 160 gyropalettes. Quant à l’efficacité que Charles Heidsieck aimait traduire en nombre de cols produits et vendus hors de France, elle est toujours d’actualité puisque les deux marques élaborent près de 10 millions de bouteilles par année et que 80 % est commercialisé hors de l’Hexagone. Régis Camus a, une fois de plus, reçu le «Sparkling Winemaker of the Year» en 2008. Les entretiens pour la rédaction de cet article ont été entrepris en juin 2009 avec Alexandra Rendall et Régis Camus que je tiens à remercier de nouveau. 22 Vins & Vignobles DÉCEMBRE 2009 - JANVIER 2010 Dégustation Piper-Heidsieck - Brut Cuvée NV (59,25 $ - 462432) Franc au nez, axé sur les agrumes, l’herbe fraîchement coupée et une très légère pointe de vanille, c’est un vin droit, plein, mature, expressif dans ses notes grillées et développant, après une vingtaine de minutes, des accents anisés charmeurs qui lui redonnent de la fraîcheur. Piper-Heidsieck Rosé Sauvage (76,25 $ -10840695) Ce rosé sauvage est coloré, fougueux, vineux, épicé (poivre rose). Le fruité tend vers les arômes de griottes et de fraises, la texture est ronde, guidée par des bulles moyennes, évanescentes. Il ne se distingue pas des autres cuvées de la maison, ni ne les surpasse. Piper-Heidsieck Vintage - Brut 2000 (85,75 $ -10968761) Croquant, opulent, grillé et exotique, ferme à l’attaque grâce à une effervescence fine et retenue, le vin déroule tendrement ses bulles qui éclatent en finale pour redonner de la fraîcheur et une touche vanillée de fruits antillais, très séduisante. Piper-Heidsieck Rare - Brut 1999 (251 $ - 11055613) Nez minéral, iodé (huîtres, rocher) à l’ouverture, puis rapidement crayeux et enfin axé sur les abricots secs et des notes de zan, ce champagne se révèle paradoxalement très rond, voire riche et volumineux en bouche grâce à une effervescence concentrée. Sa finale puissante grâce à un joli rancio est heureusement rafraîchie par des arômes de gingembre et de citron. Complexe et original. Charles Heidsieck Brut (60,50 $ - 31286) Délicatement parfumé (pêches chaudes, ananas grillé, toast blond) au premier nez, plus grillé, presque épicé à l’aération, il se montre plein, gras, pénétrant en bouche grâce à une effervescence crémeuse et longue. Expressif, vineux et charpenté, c’est un champagne de gourmands. Charles Heidsieck Vintage Brut 1996 (87,75 $ -10840927) Le millésime a donné un vin tranchant, très fin, occultant le caractère intense et généreux du style de la maison. Aujourd’hui, dans sa pleine maturité, il offre tous les stades aromatiques (zeste, épices, vanille, fruits confits, tiramisu, grain de café) au nez comme en bouche et l’on se plaît à savourer une texture longue et suave d’une effervescence totalement maîtrisée. Chapeau ! Charles Heidsieck – Blanc des Millénaires 1995 (133 $ -10276836) On frôle l’erreur de prix sur cette cuvée de prestige sensuelle, charnue et fine à la fois, qui a des flaveurs de pain grillé et d’aneth. Léger et satiné dans son volume grâce à des bulles fines et fuyantes, ce vin se révèle consistant et mielleux en milieu de bouche. Déjà axé sur des notes de truffes, il a aussi une légère pointe de moka en finale, signe d’évolution, ce qui lui confère une dernière touche de séduction. Unique. Ces notes de dégustation sont tirées du livre «Vins mousseux et champagnes» paru chez Modus Vivendi. k