Pour une responsabilité civile environnementale

Transcription

Pour une responsabilité civile environnementale
Pour une responsabilité civile
environnementale mesurée et équitable
Réaction à la proposition de “ directive européenne sur la
responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la
réparation des dommages environnementaux ”
Rapport présenté par M. Guy PALLARUELO
au nom de la commission juridique
après avis de la commission de l’aménagement régional, de l’environnement,
du tourisme et des transports
et adopté par l’Assemblée générale du 11 juillet 2002
2
Synthèse des prises de position
Faisant suite au Livre blanc du 9 février 2000, la Commission européenne a adopté
une proposition de “ directive sur la responsabilité environnementale en vue de la
prévention et de la réparation des dommages environnementaux ”, en date du 23
janvier 2002. Dans le prolongement de ses précédents rapports, la Chambre de
commerce et d’industrie de Paris entend formuler ses observations et propositions
sur cette nouvelle initiative européenne.
1) Sur l’applicabilité temporelle du dispositif
Ø Le principe étant la non-rétroactivité, établir une “ présomption de pollution
passée ” pour les dommages environnementaux dont le fait générateur ne
peut être situé dans le temps avec certitude ; supposés survenus avant
l’entrée en vigueur de la directive, ces dommages relèveraient des législations
nationales. Il s’agirait d’une présomption simple, dont la preuve contraire pourrait
être rapportée par l’autorité compétente.
2) Sur l’applicabilité matérielle du dispositif
Ø Parmi les conditions de mise en jeu de la responsabilité civile des exploitants,
qui suppose un dommage réalisé, supprimer toute référence à la “ menace
imminente ” de dommages environnementaux ; cela n’exclurait pas, bien
entendu , la mise en œuvre de dispositifs d’injonction et, le cas échéant, des
poursuites pénales si une infraction est constituée, ou un comportement
dangereux décelé.
Ø Restreindre le champ d’application du projet de texte de la Commission aux
seules activités d’ores et déjà réglementées au niveau communautaire, y
compris en cas d’atteinte à la biodiversité.
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3
3) Sur le rôle accru des autorités publiques nationales
Ø Au niveau national, encadrer strictement les conditions d’exercice du droit
de communication par les autorités compétentes, notamment par la
restriction aux seules données à caractère professionnel et, le cas échéant, par
la protection du secret des affaires avec possibilité de formuler une demande de
confidentialité. Plus généralement, veiller au respect des droits de la défense.
4) Sur le développement de la prévention
Ø Consacrer
juridiquement
les
démarches
d’auto-contrôle
liées
au
management environnemental, qui pourraient emporter présomption de respect
de la réglementation par les entreprises qui se sont engagées dans cette voie.
Limiter,
en
conséquence,
les
procédures
et
investigations
des
administrations, comme cela a été formulé au niveau communautaire.
5) Sur la désignation du responsable
Ø Revenir à la définition de l’ “ exploitant ”, telle que proposée dans le Livre
blanc du 9 février 2000, en précisant davantage la notion de contrôle. Ainsi, il
s’agirait
de
“ toute
personne
qui
exerce
effectivement
le
contrôle
opérationnel de l’activité par laquelle les dommages ont été causés ”.
Ø Si l’activité est exercée par une société ayant la personnalité juridique, faire
reposer la responsabilité civile sur la seule personne morale et non pas sur
les dirigeants, sauf si une faute personnelle peut leur être imputée.
Ø Même en cas de responsabilités multiples, exiger la preuve effective d’un
lien de causalité entre l’activité de chacun des exploitants mis en cause et
le dommage survenu.
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4
Ø Par souci d’équité, lorsque le dommage environnemental est imputable à
plusieurs exploitants, retenir le principe de leur responsabilité conjointe, et
non pas solidaire. Mettre à la charge de l’autorité compétente la preuve de la
part de responsabilité de chacun d’eux.
6) Sur la réparation des dommages
Ø Clarifier le dispositif de réparation des dommages environnementaux, sur le
modèle suivant :
-
évaluation des dommages par l’autorité compétente, en fonction de critères
quantitatifs à définir au niveau communautaire et sur le fondement du coût de
la remise en état ; en cas de contestation de cette évaluation, possibilité de
recours ouverte aux exploitants ;
-
versement à cette autorité, par l’exploitant responsable, d’une somme à
titre de dommages et intérêts, d’un montant strictement égal à l’estimation
monétaire du préjudice ;
-
détermination, par l’autorité, de l’action réparatrice à entreprendre et affectation
immédiate des dommages et intérêts versés par l’exploitant à cette utilisation ;
-
lorsque la remise en état n’est pas envisageable, évaluation des dommages
sur le fondement du coût des solutions de substitution et consignation, auprès
de l’autorité compétente, des fonds correspondant aux dommages et
intérêts en attendant la mise en œuvre de ces projets de remplacement.
7) Sur les exclusions de responsabilité
Ø Dans tous les cas et sans aucune référence à la négligence, reconnaître
comme causes exonératoires de responsabilité, d’une part, le respect par
un exploitant d’un permis ou d’une autorisation délivré par l’administration
et, d’autre part, l’impossibilité de prévoir les effets néfastes d’une activité
au regard des connaissances scientifiques et techniques du moment.
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5
Ø Admettre le “ fait d’un tiers ” comme cause exonératoire de responsabilité
pour les exploitants, que ce fait soit intentionnel ou non.
8) Sur les demandes d’action et recours
Ø En s’inspirant des dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe sur la
responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour
l'environnement, prévoir que les actions en réparation ne sont plus
recevables après un délai de trois ans à partir de la date à laquelle le
demandeur
a
eu
connaissance,
ou
aurait
raisonnablement
dû
avoir
connaissance, du dommage et de l’identité de l’exploitant.
9) Sur la garantie financière
Ø Afin d’améliorer l’assurabilité des dommages environnementaux, introduire des
limitations légales de responsabilité, par la fixation – au niveau national –
de plafonds d’indemnisation. En revanche, pour inciter à la prévention, faire
tomber le bénéfice de ces plafonds en cas de faute grave des exploitants.
Ø En matière de responsabilité environnementale, valoriser au niveau de l’Union
européenne le rôle de conseil des assureurs, aussi bien en amont qu’en aval
de l’opération de souscription.
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6
SOMMAIRE
I – Sur l’applicabilité du dispositif de responsabilité environnementale ________________ 8
1 – Applicabilité temporelle ______________________________________________________ 8
A) Les dispositions de la proposition de directive ____________________________________________ 8
B) Analyse critique et propositions de la CCIP_______________________________________________ 9
2 – Applicabilité matérielle ______________________________________________________ 11
A) Les dispositions de la proposition de directive ___________________________________________ 11
B) Analyse critique et propositions de la CCIP______________________________________________ 12
II – Sur le contenu du dispositif de responsabilité environnementale_________________ 16
1 – Rôle accru des autorités publiques nationales ___________________________________ 16
A) Les dispositions de la proposition de directive ___________________________________________ 16
B) Analyse critique et proposition de la CCIP ______________________________________________ 17
2 – Développement de la prévention ______________________________________________ 17
A) Les dispositions de la proposition de directive ___________________________________________ 17
B) Analyse critique et proposition de la CCIP ______________________________________________ 18
3 – Détermination du responsable en cas de dommage _______________________________ 21
A) Les dispositions de la proposition de directive ___________________________________________ 21
B) Analyse critique et propositions de la CCIP______________________________________________ 22
4 –Réparation en cas de dommage________________________________________________ 25
A) Les dispositions de la proposition de directive ___________________________________________ 25
B) Analyse critique et proposition de la CCIP ______________________________________________ 27
5 – Exclusions de responsabilité __________________________________________________ 28
A) Les dispositions de la proposition de directive ___________________________________________ 28
B) Analyse critique et propositions de la CCIP______________________________________________ 29
6 – Demande d’action et recours _________________________________________________ 31
A) Les dispositions de la proposition de directive ___________________________________________ 31
B) Analyse critique et proposition de la CCIP ______________________________________________ 32
7 – Garantie financière _________________________________________________________ 33
A) Les dispositions de la proposition de directive ___________________________________________ 33
B) Analyse critique et propositions de la CCIP______________________________________________ 33
Annexe __________________________________________________________________ 36
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7
Faisant suite au Livre vert de mai 1993 sur la réparation des dommages causés à
l'environnement, la Commission européenne a publié, le 9 février 2000, un Livre
blanc relatif à la responsabilité environnementale, en vue d’une large consultation
des autorités des pays membres et des acteurs économiques intéressés. En
réponse à ce document, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP) a
adopté un rapport du 22 juin 2000, faisant état de ses réserves et de ses
propositions1.
Après examen des différentes contributions qui lui ont été adressées, la Commission
européenne a rendu publique une proposition de “ directive sur la responsabilité
environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages
2
environnementaux ” , en date du 23 janvier 2002. Son objectif est de définir un
nouveau cadre juridique communautaire selon lequel, en vertu du principe du
“ pollueur-payeur ”, tout dommage à l'environnement doit être prévenu ou réparé, à
charge pour l’exploitant concerné d’en supporter les coûts financiers.
Eu égard à cette nouvelle initiative européenne et dans le prolongement de ses
3
précédents travaux en la matière , la CCIP prend position sur la proposition de
directive de la Commission de Bruxelles, tout d’abord quant à son applicabilité (I),
puis quant à son contenu (II).
1
Rapport de M. Pallaruelo, “ La responsabilité civile environnementale des entreprises – Réactions de
la CCIP au Livre blanc de la Commission européenne ”, 22 juin 2000.
2
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale
en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux, COM/2002/0017 final,
JOCE n° C 151 E du 25 juin 2002, p. 132.
3
Rapports de M. Pallaruelo, “ Pour une rationalisation de la responsabilité pénale du chef d’entreprise
– L’exemple du droit de l'environnement ”, 7 décembre 2000 ; “ Mieux maîtriser le risque pénal en
matière d’environnement ”, 7 mars 2002.
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8
I
–
Sur
l’applicabilité
du
dispositif
de
responsabilité
environnementale
1 – Applicabilité temporelle
A) Les dispositions de la proposition de directive
Deux catégories de dommages sont distingués, selon qu’ils peuvent être datés avec
certitude ou pas.
§
Tout d’abord, d’après l’article 19 de la proposition de directive, ne seraient pas
visés les dommages dont la cause se situe avant sa date d’entrée en vigueur,
fixée au 30 juin 20054.
En particulier, elle ne s’appliquerait pas “ aux dommages causés par des déchets
dont l’élimination est intervenue en toute légalité dans les installations d’élimination
agréées (…), ni par les substances rejetées dans l'environnement par des
installations ”, dès lors que ces éliminations ou rejets sont intervenus avant cette
même date.
§
Ensuite, il est prévu, dans ce même article, que “ lorsque l’autorité compétente
est en mesure d’établir de manière suffisamment plausible et probable que le
dommage environnemental a été causé par une activité qui s’est déroulée avant
la date d’entrée en vigueur, la présente directive s’applique à moins que
l’exploitant puisse établir que l’activité qui a causé le dommage en question s’est
déroulée avant cette date ”.
§
Enfin, cette dernière disposition ne vaudrait pas pour les exploitants qui “ ont
déposé, dans l’année suivant la date d’entrée en vigueur, auprès de l’autorité
compétente, une déclaration d’impact sur l'environnement identifiant tout
dommage environnemental susceptible d’avoir été causé par leurs activités ”. Il
4
Article 21 de la proposition de directive.
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9
appartiendrait aux Etats membres de prendre les mesures permettant de
s’assurer de la fiabilité d’une telle déclaration, quant à sa qualité et à sa véracité.
B) Analyse critique et propositions de la CCIP
§
Déjà dans le Livre blanc, la Commission européenne suggérait que le système de
responsabilité communautaire ne soit applicable qu’aux dommages à venir, c'està-dire survenus après son entrée en vigueur ; les pollutions “ passées ” restant
du ressort des législations nationales.
Elle a maintenu cette position dans la proposition de directive et ce principe de
non-rétroactivité,
qui
apparaît
comme
une
nécessité
tant
juridique
qu’économique, ne peut qu’être approuvé.
§
Dans son rapport du 22 juin 2000, la CCIP avait soulevé le problème des
dommages qui ne peuvent être situés dans le temps. Pour répondre à l’exigence
de sécurité juridique, elle avait alors proposé d’établir, dans cette hypothèse, une
“ présomption de pollution passée ”, exclue du dispositif communautaire et
relevant des systèmes nationaux de responsabilité.
Mais, la Commission adopte aujourd’hui une position radicalement contraire
puisqu’elle entend poser une présomption de “ postériorité ” de la pollution,
doublée d’un renversement de la charge de la preuve. En effet, selon elle,
lorsque l’autorité compétente serait en mesure d’établir “ de manière suffisamment
plausible et probable ” que l’activité visée s’est déroulée “ avant ” l’entrée en
vigueur de la directive, celle-ci trouverait à s’appliquer. Or, le principe étant la nonrétroactivité,
ce
dispositif
semble
dénué
de
toute
logique
et
comporte
vraisemblablement une erreur… L’autorité compétente aurait plutôt à démontrer, de
manière certaine, que l’activité en cause s’est tenue après l’entrée en vigueur de la
directive…
De surcroît, selon le projet de texte, il appartiendrait à l’exploitant de prouver que
l’activité qui a causé le dommage s’est déroulée avant la date d’entrée en vigueur de
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10
la directive. Là encore, il ne saurait être admis de mettre à la charge des
entreprises la preuve que le dispositif communautaire n’est pas applicable.
Bien au contraire, il devrait appartenir à l’autorité compétente d’en démontrer
l’applicabilité.
Proposition n°1
Pour les dommages environnementaux dont le fait générateur ne peut être situé
avec certitude dans le temps, établir une “ présomption de pollution passée ”,
c'est-à-dire une présomption que le dommage est survenu avant la date d’entrée en
vigueur de la directive et relève donc de la compétence des législations nationales.
Il s’agirait d’une présomption simple, dont la preuve contraire pourrait être
rapportée par l’autorité compétente.
§
S’agissant de l’exception liée au dépôt d’une “ déclaration d’impact sur
l'environnement, identifiant tout dommage susceptible d’avoir été causé par
leurs activités avant cette même date ”, l’objectif est ici ouvertement d’encourager
la réalisation d’audits environnementaux5.
Si une telle incitation est opportune, il est toutefois regrettable qu’elle soit faite sous
la “ menace ” d’un renversement de la charge de la preuve au détriment des
exploitants !
5
Cf. infra II 2.
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11
2 – Applicabilité matérielle
A) Les dispositions de la proposition de directive
a) Les dommages visés
Conformément aux articles 2-18 et 3 de la proposition de directive, les “ dommages
environnementaux ” couvriraient trois catégories, à savoir :
-
“ tout dommage qui affecte gravement et de manière négative l’état de
conservation de la biodiversité ”, c'est-à-dire la faune et la flore
protégées aux niveaux communautaire et national ;
-
“ tout dommage qui affecte négativement l’état écologique, le potentiel
écologique et/ou l’état chimique des eaux concernées6 (…)” ;
-
“ tout dommage qui nuit potentiellement ou effectivement à la santé
publique du fait de la contamination du sol et du sous-sol ”.
La “ menace imminente de la survenue de tels dommages ”7 serait également
susceptible de mettre en jeu la responsabilité civile des exploitants.
a) Les activités concernées
Tout
d’abord,
la
proposition
de
directive
vaudrait
pour
les
dommages
environnementaux causés par l’exercice d’une des activités professionnelles
énumérées dans son annexe I, et à la menace imminente de la survenue de tels
dommages du fait d’une de ces activités.
Ces activités8 sont déterminées en référence à la législation communautaire
prévoyant des obligations réglementaires, notamment des procédures spécifiques
6
Par référence à la directive cadre sur l’eau, n°2000/60/C.
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12
d’enregistrement et d’autorisation, en relation avec certaines pratiques considérées
comme présentant un risque potentiel ou effectif pour la santé publique et
l'environnement.
Ensuite, le projet de texte aurait également vocation à s’appliquer “ aux dommages
à la biodiversité causés par l’exercice d’une des activités professionnelles autres
que celles énumérées à l’annexe I, et à la menace imminente de la survenue de
tels dommages du fait d’une de ces activités ”.
Enfin, elle ne régirait pas les pollutions par hydrocarbures9, ni les incidents
nucléaires10, qui relèvent d’ores et déjà d’accords internationaux.
B) Analyse critique et propositions de la CCIP
a) Quant aux dommages visés
Il faut rappeler que le Livre blanc du 9 février 2000 concernait, d’une part, les
dommages environnementaux – c'est-à-dire ceux à la biodiversité et ceux se
traduisant par la contamination de sites – et, d’autre part, les dommages
traditionnels causés aux personnes et aux biens. Ces derniers ont été écartés du
champ d’application de la proposition de directive ; ce qui est opportun car ils
sont d’ores et déjà régis par les systèmes traditionnels de responsabilité civile des
7
Cf. infra.
Cf. annexe.
9
Convention internationale du 27 novembre 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à
la pollution par hydrocarbures ; convention internationale du 27 novembre 1992 portant création d’un
Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures ;
convention internationale du 23 mars 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la
pollution par hydrocarbures de soute ; convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et
l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement
dangereuses ; convention du 10 octobre 1989 sur le responsabilité civile pour les dommages causés
au cours du transport de marchandises dangereuses par route, rail et bateaux de navigation intérieure.
10
Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie
nucléaire et la convention complémentaire de Bruxelles du 31 janvier 1963 ; convention de Vienne du
21 mai 1963 sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire, modifiée par la
convention de Vienne du 12 septembre 1997 sur le financement complémentaire en relation avec les
dommages nucléaires ; convention de Bruxelles de 1971 relative à la responsabilité civile dans le
domaine du transport maritime des matières nucléaires.
8
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13
législations nationales. En revanche, cela n’est pas toujours le cas – ou du moins de
manière inégale – pour les dommages environnementaux.
A l’inverse, une nouveauté a été introduite depuis le Livre blanc : on l’a vu, seraient
désormais susceptibles d’entraîner une mise en jeu de responsabilité civile, non
seulement les dommages environnementaux, mais également “ la menace
imminente de la survenue de tels dommages ”.
Cette nouvelle disposition est fortement critiquable au regard des composants
traditionnels de la responsabilité civile : une faute, un dommage et un lien de
causalité.
Déjà, au stade du Livre blanc, la Commission de Bruxelles avait envisagé la
possibilité d’un allègement, en faveur des plaignants, de la charge de la preuve du
lien de causalité. Cela revenait à dire que, pour se dégager de sa responsabilité dès
lors présumée, l’exploitant devait prouver l’absence de causalité entre son activité et
le dommage invoqué. La CCIP s’était vivement opposée11 à cette adjonction
d’une présomption de causalité à un système de responsabilité sans faute, en
dénonçant le risque d’une dénaturation complète de la responsabilité civile et d’un
accroissement excessif des charges pesant sur les entreprises. Elle a été entendue
sur ce point puisque l’article 3-6 de la proposition de directive précise qu’elle ne
s’appliquera pas aux dommages environnementaux ni à la menace imminente de
tels dommages “ lorsqu’il est impossible d’établir un lien de causalité entre les
dommages et les activités de tel ou tel exploitant ”.
Mais le problème s’est aujourd’hui déplacé de la notion de causalité vers celle de
dommage. En se référant à la notion de “ menace imminente ”, la Commission
entend ouvrir la possibilité d’une mise en jeu de la responsabilité civile des
exploitants en cas de “ probabilité suffisante de survenance d’un dommage
12
environnemental dans un avenir proche ” .
11
12
Cf. rapport précité du 22 juin 2000.
Selon sa propre définition, article 2 de la proposition de directive.
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14
Sur ce point, il convient de rappeler que le principe est l’exigence d’un préjudice
“ certain ”. Néanmoins, en France, la jurisprudence a admis, en se référant à
l’appréciation souveraine des juges du fond, l’indemnisation de préjudices futurs
qu’elle qualifie de “ virtuels ” : il s’agit de ceux qui apparaissent comme “ la
prolongation directe et probable d’un état de chose actuel ” et susceptibles d’une
“ évaluation immédiate ”.
Or, justement, la référence à la notion de “ menace imminente ” est exempte de
critères d’évaluation objectifs. Par là même, elle doit être combattue en ce
qu’elle élargirait considérablement - voire sans limites- les cas de mise en jeu
de la responsabilité civile des exploitants.
Pour autant, on ne saurait ignorer ce risque : tout d’abord, il conviendrait de recourir
aux dispositifs d’injonction, éventuellement sous astreinte, pour favoriser la
régularisation ; ensuite des poursuites pénales resteraient possibles si une infraction
est constituée.
Proposition n°2
Parmi les conditions de mise en jeu de la responsabilité civile des exploitants,
supprimer la référence à la “ menace imminente ” de tels dommages ; cela
n’exclurait pas, bien entendu, la mise en œuvre de dispositifs d’injonction et, le cas
échéant, des poursuites pénales si une infraction est constituée, ou un
comportement dangereux décelé.
b) Quant aux activités concernées
Dans le Livre blanc du 9 février 2000, la Commission européenne avait
opportunément circonscrit le domaine d’application de son dispositif aux seules
législations
et
réglementations
communautaires
existantes
en
matière
environnementale. Or, ce champ a été considérablement étendu. En effet, d’après
l’exposé des motifs et l’article 3-2 de la proposition de directive, elle aurait vocation à
“ s’appliquer, en ce qui concerne les dommages importants affectant la
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15
biodiversité, à toutes les activités professionnelles autres que celles déjà visées
directement ou indirectement en référence à la législation communautaire comme
présentant un risque effectif ou potentiel pour l’homme ou l'environnement ”13. En
d’autres termes, s’agissant des atteintes à la biodiversité, toutes les activités
professionnelles seraient susceptibles de tomber sous l’emprise de ces dispositions,
mettant ainsi les entreprises face au risque omniprésent de mise en jeu de leur
responsabilité. Un tel accroissement, source d’insécurité juridique, doit donc être,
là encore, combattu.
Proposition n°3
Restreindre le champ d’application de la proposition de directive aux seules
activités d’ores et déjà réglementées au niveau communautaire, cela y compris
pour les dommages à la biodiversité, par référence - comme dans le Livre blanc aux directives “ Oiseaux sauvages ”14 et “ Habitats ”15, qui mettent à la charge des
Etats membres une obligation de réparation des dommages importants causés aux
ressources naturelles protégées.
13
Cf. exposé des motifs, p. 20.
Directive n° 79/409 du 2 avril 1979.
15
Directive n° 92/43 du 21 mai 1992.
14
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16
II
–
Sur
le
contenu
du
dispositif
de
responsabilité
environnementale
1 – Rôle accru des autorités publiques nationales
A) Les dispositions de la proposition de directive
Aux termes de l’article 13, les Etats membres devraient désigner “ une autorité
compétente ou des autorités compétentes chargées de remplir les obligations
prévues dans la présente directive ”, notamment la prise de décisions contraignantes
ou leur exécution. Ainsi, les pouvoirs nécessaires pour la mise en œuvre du régime
proposé pourraient être confiés à des tribunaux, à des institutions juridictionnelles ou
à des autorités administratives.
Selon l’exposé des motifs, “ l’identification de l’exploitant qui a causé le dommage ou
la menace imminente de dommage, l’évaluation de l’importance des dommages et la
détermination des mesures de réparation à mettre en œuvre devraient néanmoins
revenir, en tous cas, à des autorités administratives ou à des tiers agissant en leur
nom16, car ces missions exigent des compétences particulières et des modes
opératoires qui ne sont pas toujours entièrement compatibles avec la façon dont
travaillent les organes judiciaires ”.
Chaque autorité compétente pourrait “ demander à l’exploitant concerné de lui
communiquer toute information et donnée nécessaire aux fins de l’enquête ”. Les
modalités pratiques de ce droit de communication seraient déterminées par les Etats
membres.
16
“ L’autorité compétente pourra déléguer ou imposer à des tiers l’exécution des mesures nécessaires
de prévention ou de réparation ”, art. 3-4 de la proposition de directive.
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17
Enfin, toute décision imposant des mesures de prévention ou de réparation devrait
être motivée et notifiée sans délai à l’exploitant concerné, celui-ci étant également
informé des voies de recours dont il dispose et des délais applicables.
B) Analyse critique et proposition de la CCIP
La responsabilisation des autorités administratives nationales est une évolution à
encourager, dans un sens de plus en plus partenarial avec les entreprises. En effet,
comme le précise l’exposé des motifs de la proposition de directive, l’exploitant
concerné devra “ être associé à la procédure, car sa connaissance de l’activité qui a
causé le dommage est en général précieuse ”.
Proposition n°4
Au niveau national, encadrer strictement les conditions d’exercice du droit de
communication par les autorités compétentes : notamment, restriction aux seules
données à caractère professionnel et, le cas échéant, protection du secret des
affaires avec possibilité de formuler une demande de confidentialité. Plus largement,
veiller au respect des droits de la défense.
2 – Développement de la prévention
A) Les dispositions de la proposition de directive
§
Selon l’article 4, “ lorsqu’un dommage environnemental n’est pas encore survenu
mais qu’il existe une menace imminente qu’un tel dommage survienne, l’autorité
compétente oblige l’exploitant à prendre les mesures préventives nécessaires ou
prend elle-même ces mesures ”, soit immédiatement, soit lorsque l’exploitant ne
se conforme pas à sa demande.
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18
Par ailleurs, les Etats membres devraient veiller à ce que les opérateurs, ayant
connaissance ou devant avoir connaissance d’une telle menace, soient tenus de
prendre, de leur propre chef, toutes les dispositions requises pour éviter la survenue
du dommage, sans attendre une demande en ce sens de l’autorité compétente. Et,
si ces mesures préventives ne suffisaient pas à faire disparaître le risque, les
exploitants seraient tenus d’en informer l’autorité.
§
En vertu de l’article 6, les Etats membres devraient veiller à ce que les mesures
nécessaires de prévention soient prises lorsque :
-
il n’est pas possible d’identifier l’exploitant qui a causé le dommage
ou la menace de dommage ;
-
l’exploitant peut être identifié, mais n’a pas les moyens financiers de
prendre tout ou partie des mesures requises ;
§
l’exploitant n’est pas tenu de supporter le coût de ces mesures.
Enfin, aux termes de l’article 10, les exploitants devraient assumer, dans tous les
cas, l’intégralité des coûts liés aux mesures préventives qu’ils sont tenus de
prendre afin de se conformer aux dispositions législatives, réglementaires et
administratives, y compris les permis ou autorisations.
B) Analyse critique et proposition de la CCIP
En réaction au Livre blanc, qui visait exclusivement le principe du “ pollueur-payeur ”,
la CCIP avait souligné l’importance d’attirer l’attention des chefs d’entreprise sur
l’anticipation des dommages et le management environnemental. En ce sens, elle
avait souhaité une référence plus explicite à l’action préventive. Elle a été entendue
sur ce point puisque le titre même de la proposition de directive fait référence à la
prévention et plusieurs articles lui sont consacrés.
Mais il faut remarquer que la prévention est ici entendue comme la réponse à
une “ menace ” de dommage environnemental. Or, il serait préférable qu’elle
soit intégrée dans la gestion quotidienne des entreprises, quelle que soit leur
taille, avant la survenance de tout risque.
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19
Ainsi, pour réduire les risques environnementaux, les démarches d’écomanagement
doivent
s’inscrire
dans
une
logique
volontariste
de
responsabilisation des entreprises.
Dans cet esprit, le Conseil des Communautés Européennes a adopté, le 19 mars
2001, une première révision17 du système global de management environnemental
et d’audit, désigné “ EMAS ”18, garantissant que les entreprises maîtrisent
correctement leur environnement. Pour celles qui s’engagent dans cette voie, la
politique environnementale – définie au plus haut niveau hiérarchique – comporte,
outre le respect de la réglementation, des engagements visant à améliorer de
manière constante et raisonnable les résultats en la matière.
Le dernier règlement du Conseil admet la possibilité de “ tenir compte de
l’enregistrement dans le cadre de l’“ EMAS ” (…) lors du contrôle du respect de la
législation environnementale, afin d’éviter toute duplication d’efforts ”. Plus encore,
dans le 6e programme communautaire d’action pour l'environnement présenté le 24
janvier 2001, il est clairement reconnu que la participation au système “ EMAS ”
pourrait se traduire par “ une réduction de la fréquence des formalités de
contrôle environnemental ”, les procédures de notification et d’autorisation étant
assouplies. Néanmoins, le succès de ce système reste mitigé en France, en
comparaison avec nos partenaires européens19.
17
Le dispositif originaire datait du 29 juin 1993. La principale innovation du règlement n° 761/2001 est
d’étendre le système à toute organisation quelle qu’en soit la nature ou la forme juridique, publique ou
privée, alors que le règlement antérieur visait seulement les activités industrielles, la production
d’électricité, de gaz, de vapeur et d’eau chaude et le traitement des déchets.
18
Environmental Management and Audit System.
19
Au sein de l’Union européenne, au mois de novembre 2001, 3900 sites étaient enregistrés “ EMAS ”,
dont 2600 en Allemagne, 366 en Autriche, 234 en Suède… et seulement 40 en France.
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
20
Proposition n°5
Consacrer juridiquement les démarches d’auto-contrôle liées au management
environnemental, qui pourraient emporter présomption de respect de la
réglementation par les entreprises qui se sont engagées dans cette voie. Limiter,
en conséquence, les procédures et investigations des administrations20,
comme cela a été formulé au niveau communautaire.
Au-delà, on constate que les plus grandes sociétés se sont dotées, pour la plupart,
d’une direction de l'environnement ; mais tel n’est pas le cas des PME, qui manquent
encore de moyens financiers et humains pour répondre à cette évolution structurelle.
Une réflexion pourrait donc être menée afin de faciliter la mise en place
d’actions de prévention, le plus en amont possible, avant toute survenance de
menace de dommage environnemental. A l’image des Centres de Gestion Agréés,
notre Compagnie avait préconisé, en 1997, la création de “ Centres de Prévention
Volontaire Agréés ” (CPVA), chargés d’une mission d’appui en matière d’écomanagement, voire de délivrance de labels. Bien entendu, plusieurs questions
restent encore en suspens. Tout d’abord, par souci d’efficacité, il conviendrait de
définir la compétence géographique de ces centres : devraient-ils être nationaux ou
régionaux ? Ensuite, pour inciter les entreprises à y recourir, leur adhésion ne
pourrait-elle pas ouvrir droit à certains avantages, notamment fiscaux, dont la nature
devrait être définie en étroite collaboration entre les représentants des entreprises et
les pouvoirs publics ?
20
Bien entendu, il ne s’agit pas de priver les administrations de leurs pouvoirs, mais d’opter pour une
démarche plus partenariale.
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21
3 – Détermination du responsable en cas de dommage
A) Les dispositions de la proposition de directive
En cas de dommage, la Commission canalise la responsabilité sur la personne de
l’“ exploitant ”, qu’elle définit comme “ toute personne qui exploite une activité
couverte par la présente directive, y compris le titulaire d’un permis ou d’une
autorisation pour une telle activité, et/ou la personne enregistrant ou notifiant une
21
telle activité ” .
Par ailleurs, une distinction est opérée entre deux types de responsabilités :
-
dans le cadre des activités à risque ou potentiellement dangereuses
listées dans l’annexe I, une responsabilité sans faute imputée à
l’exploitant, qu’il ait ou non commis une faute ou une négligence, dès
lors que son activité relève des réglementations communautaires de
protection de l'environnement ;
-
à l’égard des exploitants exerçant des activités professionnelles
autres que celles énumérées à l’annexe I, une responsabilité pour
faute en cas d’atteinte à la biodiversité. Ils seraient tenus pour
responsables et supporteraient la charge de la réparation, dès lors
qu’une faute ou une négligence peut leur être imputée.
Enfin, en cas de causalité multipartite et selon le projet de texte, “ lorsque l’autorité
compétente peut établir de manière suffisamment plausible et probable qu’un
même dommage a été causé par les actions ou omissions de plusieurs exploitants,
les Etats membres peuvent prévoir soit que les exploitants sont tenus solidairement
responsables financièrement du dommage, soit que l’autorité compétente répartit les
coûts entre les différents exploitants sur une base équitable et raisonnable ”. En
revanche, si un exploitant peut prouver dans quelle mesure le dommage résulte de
21
Article 2 de la proposition de directive.
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22
son activité, il ne sera tenu de supporter que les coûts liés à sa part de
responsabilité.
B) Analyse critique et propositions de la CCIP
§
En premier lieu, sur la définition même de l’“ exploitant ”, on ne peut que
regretter la formule très vague nouvellement adoptée dans la proposition de
directive.
En effet, dans le Livre blanc, il s’agissait de “ la personne qui exerce le contrôle
de l’activité par laquelle les dommages sont causés ”. Cette définition semblait
relativement satisfaisante, à cela près que la CCIP avait suggéré la notion de
“ contrôle ”, sachant qu’il devrait s’agir du contrôle opérationnel de l’exploitation, et
non pas du contrôle décisionnel ou financier.
Or, en abandonnant la notion de “ contrôle ” au bénéfice de celle d’“ exploitation ” de
l’activité et en visant également les personnes qui sont titulaires d’un permis ou
d’une autorisation pour une activité et/ou celles qui enregistrent ou notifient une
activité, la Commission a aujourd’hui opté pour une définition beaucoup moins
claire et, de surcroît, considérablement plus large.
Proposition n°6
Revenir à la définition de l’ “ exploitant ” telle que proposée dans le Livre blanc du
9 février 2000, en visant “ toute personne qui exerce effectivement le contrôle
opérationnel de l’activité par laquelle les dommages ont été causés ”.
§
En deuxième lieu, une autre disposition opportune du Livre blanc n’a pas été
reprise dans la proposition de directive : dans son document du 9 février 2000, la
Commission européenne précisait que “ si l’activité est exercée par une société
ayant la personnalité juridique, la responsabilité reposera sur la personne morale
et non sur la direction de la société (les décideurs) ou sur d’autres employés
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
23
ayant pu participer à l’activité ”. Il serait souhaitable de réinsérer cette disposition
dans le nouveau projet de la Commission, d’autant qu’elle est parfaitement
conforme à la logique de la responsabilité sans faute.
Proposition n°7
Comme dans le Livre blanc, préciser que si l’activité en cause est exercée par
une société, la responsabilité reposera sur la seule personne morale, excluant
toute responsabilité personnelle des dirigeants22.
§
En troisième lieu, en ce qui concerne les responsabilités multiples, la
Commission entend se contenter d’une contribution “ suffisamment plausible et
probable ” de la part des exploitants visés.
Il s’agit donc, à nouveau, d’une volonté d’alléger la charge de la preuve du lien
causal entre l’activité d’un exploitant et un dommage, en instaurant une sorte de
“ présomption de causalité ”… Cette proposition, déjà formulée dans le Livre blanc –
sans être circonscrite à l’hypothèse des responsables multiples –, avait été
vigoureusement contestée par notre Compagnie car, venant s’adjoindre à un
système de responsabilité sans faute, elle emportait une dénaturation complète de la
responsabilité civile.
Proposition n°8
En cas de responsabilités multiples, établir également la preuve effective d’un
lien de causalité entre l’activité de chacun des exploitants mis en cause et le
dommage survenu.
22
Sauf en cas de faute personnelle imputable aux dirigeants.
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
24
De surcroît, la Commission de Bruxelles entend laisser le choix aux Etats membres
entre une responsabilité solidaire des exploitants en cause ou une répartition des
coûts entre ces derniers, par l’autorité compétente, “ sur une base équitable et
raisonnable ”. Or, l’option de la solidarité est extrêmement dangereuse sur un
plan économique car elle permettrait d’exiger l’intégralité de l’indemnisation de l’un
quelconque des exploitants en cause - de préférence le plus solvable -, quelle que
soit sa part de responsabilité dans la réalisation du dommage. Certes, il aurait
ensuite la faculté de se retourner contre ses coresponsables pour obtenir le
remboursement de leur contribution respective au préjudice… mais au risque de se
voir opposer des insolvabilités, susceptibles de mettre en péril la survie de son
entreprise. Par conséquent, l’équité commande de faire prévaloir une
responsabilité conjointe des exploitants, selon laquelle chacun d’eux n’est
tenu d’assumer que le coût correspondant à la part du dommage résultant de
sa propre activité.
Enfin, dernier point, la proposition de directive préconise, à nouveau, un
renversement de la charge de la preuve. En effet, pour n’avoir à supporter que les
coûts liés à sa part de responsabilité, chaque exploitant devrait prouver dans quelle
mesure le dommage résulte de son activité. Là encore, cela n’est pas acceptable ; il
devrait appartenir à l’autorité compétente de démontrer la part exacte de
responsabilité de chacun des opérateurs visés. Cela serait d’ailleurs conforme à
l’esprit de l’exposé des motifs de la proposition de directive, qui précise que
l’identification de l’exploitant responsable devrait, en tout état de cause, revenir à
l’autorité compétente.
Proposition n°9
Lorsque le dommage environnemental est imputable à plusieurs exploitants,
retenir le principe de leur responsabilité conjointe – et non pas solidaire. Mettre
à la charge de l’autorité compétente la preuve de la part de responsabilité de
chacun des exploitants mis en cause.
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25
4 –Réparation en cas de dommage
A) Les dispositions de la proposition de directive
§
Selon l’article 5, en présence d’un dommage environnemental, l’autorité
compétente devrait obliger l’exploitant concerné à prendre les mesures de
réparation nécessaires, ou les prendre elle-même. Dans ce dernier cas, elle
serait en droit de recouvrer, auprès de l’exploitant, les coûts qu’elle a supportés
pour l’évaluation et la réparation du préjudice, cela pendant une période de cinq
ans à compter de la date à laquelle les mesures ont été mises en œuvre.
Face à plusieurs dommages, si toutes les mesures nécessaires ne peuvent pas
être prises simultanément, il appartiendrait à l’autorité compétente de décider
lequel doit être réparé en premier, cela en fonction de la nature, de l’étendue, de
la gravité et des possibilités de régénération naturelle.
§
L’annexe II de la proposition de directive fixe les règles que devraient appliquer
les
autorités
compétentes
pour
“ assurer
la
réparation
de
dommages
environnementaux importants ”.
Elle détermine différents objectifs :
-
en cas de pollution de l’eau ou de dommage à la biodiversité, la
réparation devrait s’effectuer “ par la remise en l’état originel de
l'environnement et par la compensation de toute perte provisoire
subie ”. Une telle opération se traduirait par une réhabilitation, un
remplacement ou l’acquisition d’un équivalent des ressources ou des
services endommagés. Il faudrait, par ailleurs, veiller à éliminer tout
danger grave, effectif ou potentiel pour la santé humaine ;
-
si un sol ou un sous-sol pollué présente un risque grave pour la santé
humaine, les polluants en cause devraient être contrôlés, contenus,
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26
réduits ou éliminés. Là encore, les pertes provisoires subies jusqu’à la
remise en l’état originel devraient être compensées.
La Commission distingue deux étapes dans le processus de réparation :
1) Tout d’abord, une identification des options raisonnables
Il appartiendrait aux autorités compétentes d’envisager une “ option de restauration
naturelle ”, c'est-à-dire une solution dans laquelle aucune intervention humaine n’est
indispensable pour revenir à l’état originel. Elles devraient également considérer les
“ actions de remise en état accélérée ”.
De plus, pour chaque option, des mesures réparatrices devront être envisagées pour
compenser les pertes provisoires de ressources et de services naturels, en attendant
le rétablissement. Parmi ces dispositions, il faudrait donner priorité à celles qui
garantissent la fourniture de ressources ou services naturels de même type, de
même qualité et d’une valeur comparable à ceux endommagés.
Il est précisé que lorsqu’il est impossible de recourir à de telles approches de
“ premier choix ”, des techniques d’évaluation monétaire concernant le site altéré
peuvent être utilisées pour choisir les mesures compensatoires.
2) Ensuite, le choix des options en matière de réparation
Après définition d’une “ gamme raisonnable d’options ”, les autorités compétentes
les évalueraient sur la base des critères minimaux suivants :
-
les effets sur la santé et la sécurité publiques ;
-
le coût ;
-
les perspectives de réussite ;
-
dans quelle mesure chaque option permet d’éviter les dommages
collatéraux et ultérieurs ;
-
dans quelle mesure chaque option a des effets favorables sur les
ressources et services naturels.
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27
Parmi les options susceptibles de fournir la même valeur “ réparatrice ”, la moins
coûteuse devrait être privilégiée.
B) Analyse critique et proposition de la CCIP
Ces dispositions, censées fixer les règles de réparation des dommages
environnementaux, sont complexes et confuses et leur application concrète reste
très incertaine.
Dans le Livre blanc, la Commission soulignait que, l’objectif de la responsabilité
environnementale étant d’assurer la restauration des milieux endommagés, il
convenait de veiller à ce que les dommages et intérêts versés par le pollueur soient
affectés, effectivement et de manière obligatoire, à la dépollution des sites ou à la
réhabilitation de la biodiversité. Elle ajoutait que, dans les hypothèses où la
réparation n’est pas possible ou ne l’est que partiellement, “ la compensation
représentant la valeur des dommages non réparés devait être affectée à des projets
comparables (en termes de bénéfices pour l'environnement), visant à réhabiliter ou à
valoriser des ressources naturelles protégées ”.
Or, étonnamment, les notions de dommages et intérêts et de leur affectation ont
été occultées dans la proposition de directive. Elles sont pourtant au cœur de
tout système de responsabilité civile ! Il en résulte aujourd’hui un dispositif peu
compréhensible, laissant en suspens une série d’interrogations : y aurait-il
versement de dommages et intérêts ? A qui ? Qui aurait la responsabilité de la
conduite des opérations de remise en état (l’exploitant ou l’autorité compétente) ?…
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
28
Proposition n°10
Clarifier le dispositif de réparation des dommages environnementaux, sur le
modèle suivant :
-
évaluation des dommages par l’autorité compétente, en fonction de critères
quantitatifs23 à définir au niveau communautaire et sur le fondement du coût
de la remise en état ; en cas de contestation, ouvrir à l’exploitant une
possibilité de recours ;
-
versement à cette autorité, par l’exploitant responsable, d’une somme à
titre de dommages et intérêts, d’un montant strictement égal à l’estimation
monétaire du préjudice ;
-
détermination, par l’autorité, de l’action réparatrice à entreprendre et affectation
immédiate des dommages et intérêts versés par l’exploitant à cette utilisation ;
-
lorsque la remise en état n’est pas envisageable, évaluation des dommages
en fonction du coût des solutions de substitution et consignation, auprès de
l’autorité compétente, des fonds correspondant aux dommages et intérêts,
en attendant la mise en œuvre de ces projets de remplacement.
5 – Exclusions de responsabilité
A) Les dispositions de la proposition de directive
Conformément à l’article 9, le dispositif de responsabilité préconisé par la
Commission ne s’appliquerait pas aux dommages environnementaux ou à une
menace de tels dommages “ causés par :
a) un conflit armé, des hostilités, une guerre civile ou une insurrection ;
b) un phénomène naturel de nature exceptionnelle, inévitable et irrésistible ;
c) une émission ou un événement autorisé par les lois et règlements
applicables, ou par le permis ou l’autorisation délivré à l’exploitant ;
23
Pour répondre à l’exigence de sécurité juridique.
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
29
d) les émissions ou les activités qui ne sont pas considérées comme néfastes
conformément à l’état des connaissances scientifiques et techniques au
moment de l’émission ou de l’activité ”.
Néanmoins, les points c) et d) ne pourraient pas être invoqués en cas de négligence
de l’exploitant.
Par ailleurs, un exploitant ne serait pas tenu de supporter le coût des mesures de
prévention ou de réparation, “ lorsque le dommage - ou la menace imminente de sa
survenue - est entièrement le fait :
-
d’un acte commis par un tiers dans l’intention de causer un dommage,
lequel s’est réalisé en dépit de mesures de sécurité appropriées ;
-
du respect d’un ordre, d’une injonction ou d’une autre mesure
juridiquement contraignante d’une autorité publique ”.
Enfin, si l’exploitant agit en tant que liquidateur, il ne sera “ pas personnellement tenu
de supporter le coût lié à la prévention ou à la réparation (…) dans la mesure où il
agit conformément aux dispositions nationales régissant l’insolvabilité, la liquidation,
la faillite ou une autre procédure analogue et ne commet par ailleurs aucune faute ni
négligence ”.
B) Analyse critique et propositions de la CCIP
Dans son rapport du 22 juin 2000, la CCIP avait insisté sur la nécessité
d’exonérer les exploitants de toute responsabilité lorsqu’ils ont respecté les
autorisations et permis qui leur ont été attribués par les autorités
administratives. C’est donc avec satisfaction qu’elle constate que sa proposition a
été retenue par la Commission européenne.
Certains autres points suscitent néanmoins des réserves. Tout d’abord, selon la
proposition de directive, il n’y aurait pas d’exonération de responsabilité si l’exploitant
a commis une négligence, nonobstant l’existence d’un permis ou d’une autorisation
et l’impossibilité de prévoir le dommage eu égard aux connaissances scientifiques et
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
30
techniques du moment. Or, dès lors qu’il y a respect des termes précis d’un
permis ou qu’il est établi que les effets néfastes d’une activité ne pouvaient
pas être connus, comment l’exploitant pourrait-il avoir été négligent ? Bien au
contraire, dans de telles circonstances, l’équité commanderait de ne pas reporter la
responsabilité des éventuels dommages sur ce dernier !
Proposition n°11
Dans tous les cas et sans aucune référence à la négligence, reconnaître
comme causes exonératoires de responsabilité, d’une part, le respect par un
exploitant d’un permis ou d’une autorisation délivré par l’administration et,
d’autre part, l’impossibilité de prévoir les effets néfastes d’une activité au
regard des connaissances scientifiques et techniques du moment.
Ensuite, selon la Commission, le fait d’un tiers ne serait exonératoire que s’il
est intentionnel. Mais il semble difficile de justifier une telle restriction au regard de
l’exigence de sécurité juridique. Comment peut-on subordonner l’exonération de
responsabilité d’un exploitant à la caractérisation de l’intention délictuelle d’un
tiers ? Un dommage environnemental pourrait tout à fait résulter de la négligence ou
de l’imprudence d’un tiers, alors même que l’exploitant avait pris toutes les
précautions requises ; il serait donc contestable d’en reporter la responsabilité sur ce
dernier.
Au demeurant, la réintroduction de la notion d’intention dans un système de
responsabilité sans faute est étonnante …
Proposition n°12
Admettre le “ fait d’un tiers ” comme cause exonératoire de responsabilité pour
les exploitants, que ce fait soit intentionnel ou non.
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
31
6 – Demande d’action et recours
A) Les dispositions de la proposition de directive
Aux termes de l’article 14, “ les personnes affectées négativement ou susceptibles
d’être affectées négativement par des dommages environnementaux, ainsi que les
entités qualifiées24, sont habilitées à soumettre à l’autorité compétente toute
observation liée à toute survenue de dommages environnementaux dont elles ont eu
connaissance, et ont la faculté de demander que l’autorité compétente entreprenne
une action ”. Cette dernière peut solliciter des informations supplémentaires et ne
tient compte d’une telle demande que si l’ensemble des données qui lui ont été
fournies “ indiquent de manière suffisamment plausible l’existence d’un dommage
environnemental ”.
Par ailleurs, l’autorité compétente “ donne à l’exploitant concerné la possibilité de
faire connaître ses vues concernant la demande d’action et les observations qui
l’accompagnent ” et informe le demandeur, dans un délai raisonnable, de sa
décision d’agir ou non.
Enfin, en vertu de l’article 15, “ la personne ou entité qualifiée, qui a déposé une
demande d’action, a la possibilité d’engager une procédure de recours auprès d’un
tribunal ou de tout autre organisme indépendant et impartial établi par la loi,
concernant la légalité quant à la forme et quant au fond des décisions, actes ou
omissions de l’autorité compétente ”.
24
Selon l’article 2 de la proposition de directive, il s’agit de “ toute personne qui, conformément aux
critères fixés par la législation nationale, a un intérêt à veiller à la réparation des dommages
environnementaux, y compris les organismes et organisations dont l’objet, tel qu’il figure dans leurs
statuts, est de protéger l'environnement et qui sont conformes à toutes les prescriptions prévues par la
législation nationale ”.
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
32
B) Analyse critique et proposition de la CCIP
Sur cette question, la proposition de directive reste relativement conforme à l’esprit
du Livre blanc qui prévoyait d’accorder un droit d’action prioritaire aux Etats et un
droit d’action subsidiaire aux groupes de défense des intérêts environnementaux.
Mais, une lacune, déjà dénoncée dans le rapport de la CCIP du 22 juin 2000,
demeure : la Commission reste muette sur les délais dans lesquels les
différentes actions pourraient être introduites. Sur ce point, on pourrait utilement
s’inspirer de la Convention du Conseil de l’Europe sur la responsabilité civile des
dommages résultant d’activités dangereuses pour l'environnement25, adoptée en
1993.
Proposition n°13
A l’instar des dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe sur la
responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour
l'environnement, prévoir que les actions en réparation ne sont plus recevables
après un délai de trois ans à partir de la date à laquelle le demandeur a eu
connaissance, ou aurait raisonnablement dû avoir connaissance, du dommage et de
l’identité de l’exploitant.
25
Le champ d’application de cette convention est très large car, d’une part, elle couvre aussi bien les
dommages traditionnels (aux biens et aux personnes) que les atteintes à l'environnement et, d’autre
part, elle reste ouverte à toute activité non visée expressément dès lors que celle-ci peut-être
considérée comme dangereuse. A ce jour, cette convention a été signée par la Finlande, la Grèce,
l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal.
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
33
7 – Garantie financière
A) Les dispositions de la proposition de directive
La Commission précise, dans l’article 16 de sa proposition de directive, qu’il
appartiendrait aux Etats membres d’encourager la prise, par les opérateurs, de toute
assurance ou autres formes appropriées de garantie financière. Ils devraient
également favoriser le développement d’instruments et de marchés d’assurance,
notamment dans le secteur des services financiers.
B) Analyse critique et propositions de la CCIP
§
Les conséquences financières de certaines pollutions peuvent être extrêmement
lourdes pour les exploitants et, dans ces conditions, le recours à l’assurance se
présente comme une nécessité, aussi bien pour la survie des entreprises en
cause que pour le financement de la réparation des dommages.
Mais il faut souligner que, plus le régime de responsabilité est favorable aux
plaignants, plus le montant de la prime d’assurance est élevé ; or, tel serait bien
le cas dans la proposition de directive étudiée, puisqu’elle est essentiellement
fondée, on l’a vu, sur une responsabilité sans faute des exploitants. Il en résulte qu’
“ une responsabilité objective
26
n’est économiquement supportable, en particulier
pour son assurabilité, que si elle instaure un équilibre entre les intérêts des victimes
27
et ceux des responsables ” . Comment parvenir à un tel équilibre ?
On constate que, pour se “ protéger ”, les assureurs multiplient les clauses
d’exclusion de garantie. Ainsi, par exemple, les assureurs français refusent de
couvrir les pollutions qui résultent d’une simple négligence de l’assuré ; tel est le cas
du contrat ASSURPOL, créé en 1989 et regroupant plus de cinquante sociétés
26
Ou responsabilité sans faute.
“ La responsabilité civile en matière d’environnement. Le projet de Convention du Conseil de
l’Europe et le Livre vert de la Commission des Communautés européennes ”, C. Larroumet, Recueil
Dalloz 1994, chron. p. 101.
27
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
34
d’assurances et quatorze réassureurs. Par conséquent, le pollueur imprudent doit
supporter seul la charge financière des opérations de dépollution, ce qui peut
s’avérer irréalisable pour certaines PME… Au-delà, une telle situation n’est
satisfaisante ni pour les exploitants, ni pour les pouvoirs publics, ni pour la
population en général.
Une
solution
pourrait
dès
lors
résider
dans
la
fixation
de
plafonds
d’indemnisation. Elle permettrait de tempérer les effets de la responsabilité sans
faute, qui se traduit par une sollicitation quasi-systématique des assureurs.
Bien évidemment, de telles limitations légales de responsabilité seraient
subordonnées à l’absence de faute grave de la part des opérateurs, comme
cela existe déjà dans certains dispositifs28. Ainsi, aux Etats-Unis, l’auteur d’un
déversement dangereux est tenu des coûts de dépollution à concurrence de
50 millions de dollars ; mais si le dommage a été délibérément causé, la limitation de
responsabilité disparaît. Pareillement, en cas de pollution de la mer par des
hydrocarbures, des plafonds d’indemnisation ont été fixés par la Convention de
Bruxelles du 29 novembre 1969, modifiée par le protocole du 25 mai 1984, mais le
bénéfice de cette limitation est perdu en cas de faute inexcusable de l’auteur de la
pollution.
Au demeurant, une telle réintroduction de la notion de “ faute ” dans la
proposition de directive permettrait d’inciter encore davantage à la prévention
des dommages environnementaux.
Proposition n°14
Afin d’améliorer l’assurabilité des dommages environnementaux, introduire des
limitations légales de responsabilité, par la fixation – au niveau national – de
plafonds d’indemnisation. En revanche, pour inciter à la prévention, faire tomber
le bénéfice de ces plafonds en cas de faute grave des exploitants.
28
“ Le développement de la responsabilité civile pour atteinte à l'environnement ”, J. Huet, Petites
Affiches, n°2, 5 janvier 1994.
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
35
§
Sur un tout autre plan, dans le cadre d’ASSURPOL, l’assureur intervient auprès
des entreprises, en tant que conseil dans la prévention des risques,
préalablement à la souscription du contrat. Par une visite de l’exploitation, il les
identifie, les évalue et suit leur gestion. Le résultat de cette investigation est une
acceptation, éventuellement sous condition, ou un refus d’assurance.
Cette démarche, qui s’inscrit dans une logique de prévention des dommages
environnementaux, pourrait être valorisée au niveau communautaire.
Proposition n°15
En matière de responsabilité environnementale, valoriser au niveau de l’Union
européenne le rôle de conseil des assureurs, aussi bien en amont qu’en aval de
l’opération de souscription.
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36
Annexe
APPLICABILITE MATERIELLE DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE :
LES ACTIVITES CONCERNEES
L’annexe I de la proposition de directive recense, de manière exhaustive, les
activités suivantes :
-
l’exploitation d’installations soumises à un permis pour la prévention et à la
réduction intégrées de la pollution29 ;
-
l’exploitation d’installations soumises à autorisation pour la lutte contre la
pollution atmosphérique en provenance des installations industrielles30 ;
-
l’exploitation d’installations soumises à un permis concernant la pollution causée
par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la
Communauté31 ;
-
l’exploitation d’installations soumises à un permis concernant la protection des
eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances
dangereuses32;
-
l’exploitation d’installations soumises à un permis, à une autorisation ou à un
enregistrement dans le domaine de l’eau33;
-
le captage et l’endiguement de l’eau soumis à autorisation préalable34;
-
les opérations de gestion des déchets, notamment le ramassage, le transport, la
valorisation et l’élimination des déchets dangereux35 ;
29
Directive 96/61/CEE du Conseil, du 24 septembre 1996.
Directive 84/360/CEE du Conseil, du 28 juin 1984.
31
Directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976.
32
Directive 80/68/CEE du Conseil, du 17 décembre 1979.
33
Directive 200060/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un
cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau
34
Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil.
35
Directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets et directive 91/689/CEE du
Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux.
30
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
37
-
la fabrication, l’utilisation, le stockage, le transport dans le périmètre de la même
entreprise ou le rejet dans l'environnement de substances ou de préparations
dangereuses36 ;
-
la fabrication, l’utilisation, le stockage, le transport ou le rejet dans
l'environnement de produits phytopharmaceutiques ou de substances actives
utilisées dans les produits phytopharmaceutiques37 ;
-
la fabrication, l’utilisation, le stockage, le transport ou le rejet dans
l'environnement de produits biocides ou de substances actives utilisées dans les
produits biocides38 ;
-
le transport par route, chemin de fer, voie de navigation intérieure, mer ou air de
marchandises dangereuses ou de marchandises polluantes39 ;
-
toute utilisation confinée, y compris le transport, de micro-organismes
génétiquement modifiés40 ;
-
toute dissémination volontaire dans l'environnement ou transport d’organismes
génétiquement modifiés41.
36
Directives 67/548/CEE du Conseil, du 27 juin 1967, et 1999/45/CE du Parlement et du Conseil, du
31 mai 1999, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et
administratives des Etats membres relatives à la classification, à l’emballage et à l’étiquetage des
préparations dangereuses.
37
Directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits
phytopharmaceutiques.
38
Directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, concernant la mise sur
le marché des produits biocides.
39
Directive 94/55/CE du Conseil, du 21 novembre 1994, relative au rapprochement des législations
des Etats membres concernant le transport des marchandises dangereuses par route ; directive
96/49/CE du Conseil, du 23 juillet 1996, relative au rapprochement des législations des Etats membres
concernant le transport des marchandises dangereuses par chemin de fer ; directive 93/75/CEE du
Conseil, du 13 septembre 1993, relative aux conditions minimales exigées pour les navires à
destination des ports maritimes de la Communauté ou en sortant et transportant des marchandises
dangereuses ou polluantes.
40
Directive 90/219/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à l’utilisation confinée de microorganismes génétiquement modifiés.
41
Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la
dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement.
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS