CORRECTION Epreuve courte :Histoire Consigne : A - Tutorat-hg
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CORRECTION Epreuve courte :Histoire Consigne : A partir de l’étude du document, vous expliquerez pourquoi le film de Marcel Ophüls Le Chagrin et la pitié constitue un tournant dans l’histoire de la mémoire de la période de l’occupation en France Ce film, vous ne le verrez pas sur le petit écran auquel il était destiné. On tient en haut lieu les Français incapables de se regarder dans une glace, tels qu’ils furent, tels qu’ils se dépeignent eux-mêmes, tels qu’ils se jugent. Tout le monde le sait mais il ne faut pas le dire. Le manteau d’hermine que Charles de Gaulle a jeté sur les guenilles de la France doit à jamais dissimuler qu’elle avait perdu non seulement la guerre, ce qui n’est rien, mais l’honneur. Et, que prise en bloc, elle s’en arrangeait bien. Le premier choc est dur. Pour peu qu’on ait eu plus de quinze ans en 1940, on en suffoque. Pleurer soulagerait. Mais on ne pleure pas. On rage. La foule, fervente, agitant des petits drapeaux, acclamant un vieux soldat, parce qu’ « en France, ça finit toujours par un militaire » dit cruellement un Anglais. Maurice Chevalier chantant : « ça sent si bon la France…. » En 41. En 42. Pendant que le général Huntziger demandait aux Allemands « si nos deux pays ne pouvaient pas aller plus loin sur le plan de la collaboration militaire ». Il ne fallait pas avoir l’odorat sensible. La brochette de vedettes de l’écran partant joyeusement visiter les studios de Berlin, de Vienne, de Munich…. Le Dr Goebbels les accueillera. Hitler devant la tour Eiffel, devant l’Opéra, montant les marches de la Madeleine, et, sur son passage, les agents de police saluant spontanément. Spontanément. Tant et tant d’images qui font mal, de discours chevrotants, de proclamations ignobles ou imbéciles, que l’on croyait oubliés, que nous étions nombreux à avoir volontairement enfouis, pour toujours, dans le sable de la mémoire parce que la vie, ce n’est jamais hier, c’est aujourd’hui. Oui, le premier choc est dur. Il faut savoir que, au-delà de 40 ans, personne ne peut voir Le Chagrin et la pitié innocemment. Sans retrouver le goût amer de sa propre lâcheté, si l’on fut de la majorité, soit le tremblement de la fureur, si l’on fut des autres. Françoise Giroud, L’Express, 3 mai 1971. INTRO Ce document est un article écrit par Françoise Giroud dans l'Express le 3 mai 1971. L'auteur évoque la sortie au cinéma en 1971 du film de Marcel Ophüls Le Chagrin et la Pitié qui analyse, pour la première fois en France à Clermont Ferrand, l’attitude des Français pendant la période de l’occupation allemande. Cette diffusion au cinéma intervient deux ans après la démission de De Gaulle, chantre du résistancialisme dès 1944. Nous verrons en quoi Le Chagrin et la pitié constitue un tournant dans l’histoire de la mémoire de la période de l’occupation en France Dès le début de l'article, l'auteur fait allusion à la censure d'Etat puisque « Ce film, vous ne le verrez pas sur le petit écran auquel il était destiné ». En effet l'ORTF, organisme d'Etat décide de limiter sa diffusion car « On tient en haut lieu les Français incapables de se regarder dans une glace... ». Ce n'est que 10 ans plus tard que le film est diffusé à la télévision. Le mythe du résistancialisme qualifiant l'idée d'une France unanimement résistante, expression forgée par l’historien Henri Rousso ne peut être remis en cause selon certains hauts responsables à l'image de G Pompidou successeur de de Gaulle, préférant gracier Paul Touvier en 1971 plutôt que raviver un passé « où les Français ne s'aimaient pas » (conférence de presse de 1972). « Le manteau d’hermine que Charles de Gaulle a jeté sur les guenilles de la France » fait ainsi allusion aux années d'après guerre de 1944 à 1946 (le général de Gaulle était alors chef du GPRF) puis surtout de 1958 à 1969 lors desquelles le gouvernement s'efforce d'exposer la mémoire de la résistance : en 1960 avec l'inauguration du mémorial de la France combattante ou en 1964 avec l'entrée de J Moulin au Panthéon. C'est pourquoi les révélations du film ravivent de façon très brutale des souvenirs « que nous étions nombreux à avoir volontairement enfouis, pour toujours, dans le sable de la mémoire » . Le syndrome de Vichy, théorisé par H Rousso, sentiment diffus de malaise et de culpabilité lié à la mémoire du régime de Vichy et qui divise profondément les Français explique cette amnésie collective. Ainsi l'auteur indique par deux fois que « le premier choc est dur ». Ce film documentaire souligne les différentes formes de la collaboration de l’État français et d’une partie de la population et l’antisémitisme qui se développe à cette époque. Le film rappelle « la foule, fervente, agitant des petits drapeaux, acclamant un vieux soldat ». Il s'agit de Pétain accueilli et salué longtemps comme un sauveur alors que la collaboration se renforce. (« en France, ça finit toujours par un militaire » est une allusion ironique à l'histoire de France qui dans les moments difficiles a recours à des militaires pour trouver des solutions comme Bonaparte). Le film souligne et donc dénonce cette collaboration d'Etat voulu par certains généraux comme « le général Huntziger demandant aux Allemands « si nos deux pays ne pouvaient pas aller plus loin sur le plan de la collaboration militaire ». La thèse du Glaive et du bouclier développée en 1954 par le journaliste Robert Aron en 1954 selon laquelle Pétain cherchait à protéger les Français pour préparer la libération armée par de Gaulle est ici mise à mal. Le film montre même un ancien Waffen SS français de la division Charlemagne déambulant dans le château de Sigmaringen tout en expliquant les motivations de ses choix. Le film met en évidence que cette collaboration intervient à différents niveaux comme la culture avec cette « brochette de vedettes de l’écran partant joyeusement visiter les studios de Berlin ». Le pays est occupé mais finalement la vie continue semble vouloir dire « Maurice Chevalier chantant : « ça sent si bon la France…. » en 1941. Ce film documentaire s'oppose ainsi à Nuit et Brouillard d'Alain Resnais sorti en 1955. Dans ce dernier l'image d'un policier au camp de Beaune la Rolande avait été masquée. Ici, Marcel Ophüls montre « des agents de police saluant spontanément. Spontanément » Hitler. Cette image rappelle le rôle que joue l'administration et la police française au service de l'Allemagne nazie notamment dans les rafles comme celle du Veld'hiv en juillet 1942. Le film remet en lumière « les discours chevrotants » de Pétain ou les « proclamations ignobles ou imbéciles » de grands responsables comme Laval ou Darnand le fondateur de la milice française aux discours xénophobes bien connus. Dès lors le film ouvre un débat sur cette période. Il va dans le sens des nouvelles recherches historiques des années 1970-1980, symbolisées par la France de Vichy de Robert Paxton. Ce livre paru en 1973 (mais les thèses circulaient déjà à la fin des années 1960 dans les milieux de la recherche historique) démontre que la France a suivi une politique de collaboration active devançant même les demandes allemandes dans tous les domaines. Le Chagrin et la pitié contribue ainsi à modifier la perception que les jeunes générations ont des années 1940-1945. « Il faut savoir que, au-delà de 40 ans, personne ne peut voir Le Chagrin et la pitié innocemment » : l'auteur dénonce ainsi une majorité de français passifs qui doit maintenant répondre aux interrogations d'adolescents qui n'ont pas connu la guerre et qui ont été baignés par le mythe résistancialiste. (éventuellement évoquer la limite de ce type de film-documentaire réalisé essentiellement à partir de témoignages qui ne donnent qu'une vision subjective de la réalité) Ce film est donc un tournant dans la mémoire de la période de l’Occupation. Malgré sa diffusion au départ limitée, il a aidé à la remise en cause du résistancialisme qui dominait jusque dans les années 1970. Il a ainsi contribué à l’émergence des mémoires plurielles de la Seconde Guerre mondiale en France.