Modélisation du comportement d`épargne des

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Modélisation du comportement d`épargne des
International Journal of Innovation and Scientific Research
ISSN 2351-8014 Vol. 25 No. 2 Jul. 2016, pp. 654-675
© 2015 Innovative Space of Scientific Research Journals
http://www.ijisr.issr-journals.org/
Modélisation du comportement d'épargne des ménages en RD Congo : réflexion sur la
récolte d'épargne à l'appui des activités des PME et du crédit à la consommation par
l'implantation d'une banque d'épargne intégrée
Daniel Gonzato Bina
Département d'Economie, Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, Université de Gbado-Lite (UniGba), RD Congo
Copyright © 2016 ISSR Journals. This is an open access article distributed under the Creative Commons Attribution License,
which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
ABSTRACT: Can we talk about the saving for the people in DR Congo, a country that is associated with social-economic
indicators so poor? Since the early 2010's the observation of some economic indicators in this country may feed the
discussion.
This article is a contribution to the study of household saving behavior in DR Congo. It illuminates ways to mobilize economic
players around saving, its profits and channeling it into economic and social sustainable objectives. A return to the traditions
allowed DR Congo to discern to sayings that reveal relevant aspects on saving such as the need for saving, secure
investments or the importance of net investments. A theoretical model of the saving behavior of Congolese households has
been drawn. Survey data in cross section and/or panel data are needed for an empirical test of the model.
KEYWORDS: household savings, SME, consumer credit, bank, DR Congo.
RÉSUMÉ: Peut-on parler d'épargne pour les populations de la RD Congo, pays associé à des indicateurs socio-économiques si
ternes ? L’observation de quelques indicateurs de l'économie de ce pays, depuis le début des années 2010, peut suggérer un
intérêt à la réflexion sur le sujet.
Cet article est une contribution à l’étude du comportement d’épargne des ménages en RD Congo. Il illumine des pistes pour
mobiliser les agents économiques autour de l’épargne, sa récolte, sa canalisation vers des objectifs économiquement et
socialement soutenables. Un retour aux traditions en RD Congo a permis de relever des dictons qui dévoilent des aspects
pertinents en matière d’épargne : nécessité d’épargne, sécurisation du placement, importance de l’investissement net. Une
esquisse du modèle théorique du comportement d’épargne des ménages congolais est élaborée. Des données d’enquête en
coupe transversale et/ou des données en panel sont nécessaires pour réaliser test empirique du modèle.
MOTS-CLEFS: épargne des ménages, PME, crédit à la consommation, banque, RD Congo.
1
INTRODUCTION
Si l'on parcourt la littérature économique et sociale consacrée à la RD Congo, depuis la seconde moitié des années 1970, il
est particulièrement difficile d'accrocher de passages faisant état de conditions de vie satisfaisantes pour une portion
significative de la population. C'est plutôt des sujets décrivant l'extrême faiblesse du PIB par habitant (environ 400 dollars
américains, USD par la suite), la précarité des conditions de vie ou la misère de la population qui alimentent cette littérature.
Dans ce contexte, il peut paraître surprenant de parler d'épargne pour les populations d'un pays au bulletin aussi sombre
d'indicateurs socio-économiques. Cependant quelques indicateurs de l'économie congolaise, de ces dernières années,
suggèrent un certain intérêt à susciter une réflexion sur la mobilisation de l'épargne des ménages en RD Congo. Les sociétés
ancestrales de ce pays avaient-elles une pratique d'épargne? Quel est le comportement d'épargne des populations
congolaises, spécialement celles qui vivent dans la sphère non bancarisée, au sein d'une économie dite dualiste? Quelles
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mesures mettre en place, susceptibles de servir de levier et d'incitant à la canalisation d'une éventuelle épargne dormante
vers un circuit permettant de contribuer au financement approprié de l'économie nationale? Voilà quelques questions
auxquelles cet article tentera de répondre, organisé autour de la structure suivante : 1° Pratiques d'épargne et histoire des
banques d'épargne, 2° Epargne et théorie économique, 3° Fonction d'épargne et revue d'études empiriques, 4° Esquisse d'un
modèle applicable aux pays à faible taux de monétisation de l'économie, d'intermédiation financière et de bancarisation, 5°
Quelques indicateurs favorables à la naissance d'une banque d'épargne et 6° Eléments institutionnels déclencheurs de
l'éclosion de la banque d'épargne en RD Congo.
2
TRADITIONS D'EPARGNE DANS LES SOCIETES AFRICAINES ET HISTOIRE DES BANQUES D'EPARGNE
Avant de présenter quelques traits de l'origine des banques d'épargnes du secteur formel, un détour par les pratiques
collectives et individuelles d'épargne des ménages, en Afrique subsaharienne, revêt de l'importance, pour la suite de cette
étude. La "Tontine" constitue l'une des formes de pratiques collectives, la plus connue et répandue quasiment dans toute
l'Afrique subsaharienne. Les pratiques individuelles, peu médiatisées, appliquées au sein de quelques peuplades de la RD
Congo serviront de complément au comportement d'épargne des ménages pour cette partie de l'Afrique.
Les économistes ont conscience de l'existence d'une épargne dans les économies en développement en général et en
Afrique subsaharienne en particulier dont une partie substantielle de l'économie est insuffisamment monétarisée et
bancarisée. Dans cet environnement coexistent 2 formes ou structures économiques de production, l'une plus formelle,
constituée des administrations publiques et de grandes entreprises industrielles, commerciales ou agricoles et l'autre, dite
informelle, constituée du reste de l'activité productrice de l'agriculture, de l'artisanat ou du petit commerce.
Malgré un environnement économique et social peu propice à l’accumulation du revenu, d'un revenu monétaire
principalement, une épargne peut exister, sous des formes diverses, qu'elle soit individuelle ou collective.
2.1
TRADITIONS/PRATIQUES D'EPARGNE COLLECTIVE DANS LA SOCIETE AFRICAINE ET EN RD CONGO
En matière de financement, dans cet environnement d'une économie en développement, il y a en place un axe officiel
(par les institutions bancaires ou de crédit) et un axe informel (par les associations-organisations-groupements-circuits
informels de récolte d'épargne privée). Des usages, souvent bien connus ou des règles particulières pouvant varier d'une
société (des populations) à une autre, régissent les modes de collecte et d'allocation au sein des groupements d'acteurs du
secteur informel.
La structure bancaire classique, performante dans le financement de l’activité formelle, semble être inadaptée au
1
financement de l’activité informelle [Blanchet G.] . Les besoins de financement spécifique (en volume, durée, risque et
garanties offertes) consécutif aux modes de production et de répartition propres au secteur informel inhibent le
rapprochement avec le système bancaire classique.
Le concept de collectif renvoie aux éventuelles structurations des rapports que l’individu entretient avec le groupe. Dans
le souci d'un langage conventionnel pour cette analyse relationnelle, nous recourons à une distinction qu’opèrent
2
communément les sociologues et que reprend Louis Vincent Thomas [1958] dans son étude des Diolas; distinction faite
entre l’association et la société.
3
Dupuis, C. [1987] identifie 2 formes principales d'épargne collective associées à cette distinction et a établi une typologie
d'épargnes collectives : épargne associative et épargne sociétaire. Ces deux modes d'épargne collective existent en RD
Congo, associés à des réalités culturelles parfois différentes, mais similaires.
1
Blanchet G. [1980], Réflexion sur la notion de secteur non structuré et son application dans les pays en voie de développement. Cahier
ORSTOM-série sciences humaines. 1980, XVII (1, 2), 13-18.]
2
Thomas L.V. Les Diolas [1958], Mémoires de l’Institut français d’Afrique noire. Ifan-Dakar, 1958, pp. 201-242.
3
Sur base d'une enquête sur terrain menée en Casamance, région au sud du Sénégal, dans le but d’appréhender les circuits informels
d’épargne. L'enquête s’est déroulée durant les mois de juillet et août 1985 dans le cadre d’une recherche pluridisciplinaire du CNRS, ER 166.
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2.1.1
EPARGNE ASSOCIATIVE
Proche à certains points de vue de ce que l'on appelle "monde associatif", la conscience collective joue un rôle primordial
dans l'épargne associative. Le groupe d’individus, parties prenantes de l'épargne associative est une entité à part entière, une
sorte de personne morale ayant sa finalité et son organisation. Un facteur multiplicateur est appliqué au groupe ou à la
somme d'individus pour obtenir la personne morale. Les liens obligatoires entre les participants ne relèvent alors pas d’une
démarche volontaire, mais de la pression exercée sur chacun afin qu’il adhère aux objectifs de l'association. L'association
formée autour de ce mode d'épargne est généralement durable dans le temps; elle regroupe souvent des membres liés à un
trait historique commun : village, tribu, ethnie, école, appartenance religieuse, etc.
"L’épargne associative est fondée sur le principe de collectivisation des revenus et du risque. Elle assume ainsi une finalité
sociale de protection des membres et de promotion des intérêts collectifs. L’individu étant dans une certaine mesure
4
dépendant du groupe, cette épargne est une épargne forcée" .
2.1.2
EPARGNE SOCIÉTAIRE
Pour l'épargne sociétaire, l'élément dominant est constitué les liens obligataires, basés sur un principe contractuel, qui
unissent les diverses individualités, parties prenantes. Ils sont donc volontaires et précaires. Ils ne lient en effet que
temporairement les individus entre eux, tant que l’objectif défini initialement n’est pas atteint. La tontine est une illustration
de la société d’épargne. Elle vise à assurer la promotion de l’individu, sous diverses facettes, en lui fournissant un cadre de
financement de ses besoins individuels. Le groupe tontinier se présente comme un médiateur entre des agents ayant
5
alternativement et/ou mutuellement une capacité et un besoin de financement [Nsolé J.] . Les tontines se font généralement
entre personnes exerçant un même métier, une même activité ou bénéficiant des revenus réguliers de niveaux similaires.
2.2
TRADITIONS D'EPARGNE INDIVIDUELLE EN RD CONGO
L'épargne individuelle, dans le sens d'épargne des ménages, existe et a bien existé dans la tradition des peuplades de la
RD Congo, aussi bien chez les "populations environnant des cours d'eau, dont l'activité principale est la pêche" et "celles
6
vivant aux abords de forêts ou brousses, dont l'activité principale est l'agriculture ou la cueillette" . Quelques proverbes ou
dictons constituent un témoignage de la pratique d'une épargne individuelle.
2.2.1
PRATIQUES D'ÉPARGNE INDIVIDUELLE
Pour qualifier, de manière "rigoureuse", une pratique de "manifestation d'épargne individuelle", nous retenons l'année,
l'unité de temps généralement retenue en économie, comme un horizon au terme duquel des ressources obtenues, pour
n'avoir pas été consommées, constituent l'épargne. Chez les riverains, il s'agit par exemple d'espèces spécifiques de
poissons, de crustacés comme l'huitre, conservés au-delà de la saison de pêche ou de reproduction (une année en général),
jusqu'à ce que les "produits" de pêche de la saison suivante soient disponibles sur le marché. Pour les terriens, c'est par
exemple le cas des produits agricoles comme le maïs, le riz ou le niébé, etc., des produits de récolte comme les termites, les
escargots, conservés, eux aussi, jusqu'à la récolte ou la cueillette de la saison suivante.
En dehors de ces pratiques primaires ou rudimentaires d'une épargne individuelle, d'autres on ne peut plus avancées ou
élaborées sont bâties autour de bétail (généralement petit bétail), d'outils liés à un métier, à une profession ou à une activité
productrice (filet de chasse ou de pêche, haches, machette, bêche, fusil - munitions ou poudre de chasse, etc.), d’objets de
parure et d’activités recréatrices, cérémoniales ou de réjouissance comme la danse, d’œuvres d'art etc. En dehors du bétail,
rare "être vivant" de réalisation d’une épargne, les autres réalisations sont constituées d’objets neufs ou en très bon état,
dotés de valeur marchande certaine. Souvent, le chef de famille les met à l'abri et en sécurité chez un homme ou une femme
de confiance, un notable du village ou d'un autre village avec qui il entretient de bons rapports ou a des liens de parenté.
4
Dupuy C. [1990], Les comportements d'épargne dans la société africaine : études sénégalaises, In: La Tontine, Lelart M, Ed. Aupelf-Uref.
John Libbey Eurotext, p. 34.
5
Nsolé J. [1984.], Techniques et pratiques populaires d’épargne et de crédit. Université de Lyon 2.
6
Nous appelons par la suite, les premiers, les riverains et les seconds, les terriens.
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Les pratiques ainsi décrites sont vivantes dans l'esprit du lecteur qui a vécu dans les milieux ruraux en RD Congo ou en a
eu l'expérience. Avec la monétisation de l'économie, la détention des liquidités constitue désormais une forme d'épargne
pratiquée aussi dans des milieux ruraux.
Dans ces milieux où la tradition est relativement présente, les motifs d'épargne sont principalement de 2 ordres :
précaution pour parer à toute sorte d'imprévus (survenance de maladie ou de décès) et dépenses importantes planifiées
(dotes, frais d'études des enfants, etc.). Chez les peuples de l'Ubangi au Nord-ouest de la RD Congo, les Ngbandi et Ngbaka en
l'occurrence, la peine de prison en compensation d'une amande impayée ou substituable, dans le sens d'évitable, au
paiement d'une somme d'argent fixée par le juge, constitue une opprobre, une humiliation, le déshonneur et un sujet de
honte pour le clan ou la famille. Quand un des leurs est sous la menace d'une privation de liberté évitable, les membres de la
famille ou du clan n'hésitent pas un seul instant, à mobiliser des ressources à cet effet. La capacité du ménage à mobiliser des
ressources pour cette cause est à ranger parmi les motifs d'épargne; elle est assimilable au motif de précaution.
2.2.2
QUELQUES PROVERBES OU DICTONS LIES A L'EPARGNE INDIVIDUELLE
Quelques proverbes ou dictons dans les langues et dialectes de la RD Congo incitent à l'épargne. A titre d’illustration,
nous présentons ci-dessous ceux dont nous avons pu disposer, comprenant : dicton ou proverbe en langue (langue ou ethnie
– Province(s) d’implantation) - traduction littérale - interprétation.
-Kangba ndo mu ngu na ndinda (ngbandi, Nord et Sud Ubangi, Bas-Uele, République centrafricaine). Littéralement, "le crabe
(kangba) prend (mu) l'eau (ngu) préventivement (na ndinda).
Ce dicton ngbandi est une incitation à l'épargne, à l'image-exemple du crabe. En effet, à l'approche de la saison sèche, les
crabes préparent au fond de cavités façonnées par des racines d'arbres, dans les lits des ruisseaux ou aux abords immédiats,
des abris et y stockent des réserves de nourriture, pour y passer la saison sèche, redoutée.
7
-Kpa ndoni la ndowu, kpa le ni ta ndowu ma (ngbandi, Nord et Sud Ubangi, Bas-Uele, République centrafricaine).
Littéralement, rajouter (pka ndoni) équivaut à une augmentation (la ndowu), remplacer (kpa leni), à un statuquo (ta ndowu
ma). Par ce dicton, on fait remarquer que l'enrichissement, l'agrandissement du patrimoine, la croissance, le progrès est
engendré par un apport additionnel mais qu'un simple remplacement maintient le statuquo.
- Tengo tengo, tando we na gwein ma (ngbandi, Nord et Sud Ubangi, Bas-Uele, République centrafricaine). Littéralement :
manger (tengo –te-) continuellement (la répétition du verbe tengo) n'élimine par la faim. Ce dicton, récolté à la conférence
universitaire du 15-5-2015 à Gbado-Lite, met en évidence la désutilité marginale liée à l’excès de consommation immédiate
ou de très court terme. Il incite au décalage.
- Usu mbili - Mo usu mbili da mo - le usu mbili da le (ngbaka, Nord et Sud Ubangi, République centrafricaine). Littéralement :
mettre de l'argent de côté, mets ton argent de côté, mettons de côté notre argent. C’est une incitation à l’épargne
monétaire.
8
- Lobi mpe mokolo (lingala, l’une des 4 langues nationales RD Congo) et - Puma kobusa (ngombe, Nord-Ubangi,Mongala) .
Littéralement : demain (lobi en lingala ; puma en ngombe), (est) aussi un jour (mpe mokolo en lingala et kobusa en ngombe).
Ce dicton lingala incite à penser au lendemain, à ne pas tout consommer, tout utiliser le même jour, à la même période.
- Haw’ombaka wombo lodikondon (tetela, Sankuru). Littéralement : on ne garde pas le reste (momba = garder, épargner) pas
9
sur le bananier . Ce dicton tetela incite à assurer l’attention sur la sécurisation de l’épargne, de l’environnement du
placement. Le bananier, au pays tetela ou dans nos villages, symbolise l’exposition à outrance, un risque. Un membre de la
communauté peut couper une feuille de bananier au village pour des besoins de son ménage ; il peut aussi arriver à un
passant dans le besoin, s’il ne voit personne à qui demander l’autorisation, peut se procurer quelques bananes mûres pour
manger. Le bananier constitue donc un endroit risqué pour conserver des restes ou une épargne.
7
Kenye Bongo Joseph [1980], A mato ti yanga ngbandi (=Les proverbes, dictons en langue ngbandi, ed Frères de Saint Joseph, Molegbe, 58
p.
8
Recueilli à la conférence du 15mai 2015 à Gbado-Lite
9
Victor Tsheko Lutula, linguiste de l’Université Libre de Bruxelles, membre de la diaspora rd congolaise en Belgique, dicton recueilli le 11
octobre 2015.
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activités des PME et du crédit à la consommation par l'implantation d'une banque d'épargne intégrée
10
- Kamalonyon kamalopata (tetela, Sankuru) . Littéralement : un morceau, une portion (kama) dans la bouche (lonyon), une
portion dans le panier (lopata). Ce dicton incite à rester en permanence attentif au futur, en ne consommant pas tout
aujourd’hui.
- En attente, dictons : tokope (Province Tshopo), luba (Province Kasai), mashi (Province Sud Kivu)
2.3
11
HISTOIRE DES BANQUES D'ÉPARGNE
La naissance de coopératives de crédits, de banques coopératives ou populaires remonte en Europe (Allemagne, Autriche,
e
Grande-Bretagne, France, Italie) vers la fin de la première moitié du XIX siècle. Les pionniers de ce mouvement avaient
comme objectif principal, sortir leurs contemporains durement touchés par la crise agricole, à l'origine de la famine. En 1844,
la société des Equitables pionniers de Rochdale" (dans la région de Manshester) ouvrit un magasin coopératif dans le but de
garantir à la clientèle des prix raisonnables et une bonne qualité de produits. En Allemagne, un jeune bourgmestre (F.-W.
Raiffeisen) de Weyerbusch dans le Westerwald créa au cours de l’hiver 1846-47 une caisse et réussit à convaincre les
citoyens relativement aisés à soutenir son projet consistant à y déposer leurs ressources liquides. Le fonds servait à acheter
des céréales en vue de les distribuer à crédit aux victimes de la famine. Une variante de services consistait à accorder des
crédits à très faible taux aux agriculteurs, les rendant ainsi indépendants des prêts usuriers largement répandus à l'époque.
Elle était à l'origine des caisses "Raiffeisen" en 1849 dont le concept n'était pas purement monétaire. La majorité des acteurs
de ce mouvement coopératif s'inspirait des réflexions de Robert Owen (1817), Willam King (1828).
Le modèle des caisses "Raiffeisen" gagna rapidement l'Autriche, le Benelux et la Suisse à la fin des années 1880 ainsi que
12
les USA . "En 1891, l'encyclique Rerum Novarum fut le catalyseur pour le développement des coopératives de crédit sur le
modèle Raiffeisen.
Aux Pays-Bas, un modèle de caisse Raiffeisen à Utrecht (Banque centrale Raiffeisen) fut créé en 1898 à l'initiative de la
Fédération de agriculteurs, suivi en 1898 par la création de la Banque centrale pour les agriculteurs (Boerenleenbank) à
Eindhoven. Depuis 1972, les 2 banques collaborent à des projets communs et ont fusionné en 1980 pour devenir la célèbre
Rabobank.
En Belgique, la première caisse Raiffeisen est créée en 1892 à Rillar sous l'impulsion du mouvement agricole flamand
(Boerenbond) et le clergé catholique (représenté par le curé Jacob Ferdinand Mellaerts). Il y eut aussi naissance de deux
caisses Raiffeisen dans la région de Louvain. Mais la crise de 1929 eut raison des caisses Raiffeisen belges, sauvées grâce plan
d'urgence mis en place par le gouvernement, donnant naissance à une nouvelle Caisse centrale de crédit Rural le 8 mars
1935. Cette dernière devint CERA en 1974 qui à son tour fusionnera en 1998 avec Kredit Bank pour donner naissance à la
13
KBC .
2.4
EXPERIENCE D'INSTITUTIONS D'EPARGNE EN RD CONGO
L'histoire des institutions d'épargne en RD Congo est indissociable de la CADECO (Caisse D'Epargne du Congo) et les
institutions de la micro finance (IMF) ou leurs groupements, notamment la COOPEC (Coopératives Primaires d'Epargne et de
14
Crédit), le RIFIDEC (Regroupement des Institutions du système de Financement Décentralisé du Congo) et l'ANIMF
(Association Nationale des Institutions de la Micro-Finance).
10
André Omatete Ndjusuku, historien de l’Université de Lubumbashi, Chef de travaux, Bel Campus à Kinshasa, dicton recueilli le le 11
octobre 2015.
11
Guider H. et Roux M. [2009], La banque coopérative en Europe, stratégies et défis. Revue Banque, 126 p.
12
Sous forme de Credit Unions.
13
Le Groupe KBC est un groupe financier belge de banques et d'assurances né de la fusion en 2005 de KBC Bancassurance Holding. KBC
Bancassurance Holding est issu de la fusion en 1998 de Kredietbank, ABB-assurances et CERA ainsi que de sa société mère Almanij
(Algemene Maatschappij voor Nijverheidskrediet) jadis un holding belge actif dans les services financiers.
14
Dernier né de la série, première assemblée générale tenue le 30 avril 2014.
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La CADECO est restée longtemps en position de monopole dans le secteur spécifique formel de la récolte d'épargne,
changeant de nom (appellation), de dimension et termes de couverture territoriale et de forme juridique au gré de
15
l'évolution politico- historique du pays .
Outre le volet récolte d'épargne populaire, la CADECO avait aussi pour mission de financer l'industrialisation du pays avec
un accent particulier à l'octroi des crédits aux petits épargnants. A son crédit, on reconnaît à la CADECO le financement de
quelques grands projets dont notamment : la construction des barrages de la Congolaise électricité (COLECTRI), devenue
ensuite Société nationale d'électricité (SNEL) ; l'acquisition des premiers avions de la compagnie d’aviation Air Congo ; la
16
construction des hôtels de villes dans les chefs-lieux des provinces . Par contre, la CADECO est restée inopérante en matière
d'octroi des crédits aux petits épargnants, aux ménages.
Au début des années '70 et jusqu'au début des années '90, on assiste à l'émergence des coopératives d'épargne et de
crédit. La grave crise politique, sociale et économique qui a frappé le pays depuis le milieu des années '90 a eu raison des
institutions bancaires et non bancaires, la CADECO et bon nombre des coopératives d'épargne et de crédit avaient
pratiquement disparu du paysage de la finance de RD Congo.
La période post crise politique et conflits armés ouverts, depuis la fin des années '90 jusqu'à maintenant est marquée par
un foisonnement des organisations non gouvernementales de développement (ONGD) dont certaines s'activent dans la
micro finance.
La FINCA (Société de Micro Finance) qui a démarré ses activités en 2003, grâce à une subvention de l’USAID, peut être
considérée ces jours comme une des principales IMF fiables et viables en RD Congo. La Banque centrale du Congo (BCC)
récence dans son rapport 2014 : 24 institutions de micro finance (IMF) ; 2 coopératives centrales d'épargne et de crédit
17
(COOPEC) et 101 coopératives primaires d'épargne et de crédit (COOPEC) .
3
L'ÉPARGNE ET LA THÉORIE ÉCONOMIQUE
Pour l'économiste, l'épargne équivaut, sur une période définie de temps, la partie non consommée du revenu disponible,
d'un ménage ou de tout autre agent économique. L'épargne joue un rôle déterminant dans l'administration des affaires tant
au plan individuel du ménage, de l'entreprise ou de l'administration publique (microéconomie) qu'au niveau de l'économie
entière d'un Etat. Si elle peut dynamiser la croissance économique via le phénomène de l'accélérateur, son excès au plan
macroéconomique, est de nature à miner la consommation. Quand on sait que consommation et investissement constituent
deux facteurs importants de la croissance économique, on peut bien se rendre compte du jeu d'équilibre, au plan
macroéconomique, auquel l'épargne doit être soumise.
3.1
MOTIFS D'ÉPARGNE
En considérant un ménage salarié ordinaire, on note que ses activités principales sont constituées d'offre de travail et de
consommation, abstraction faite de loisir. Le travail offert génère des flux entrants de ressources pour financer, en situation
de conjoncture normale, plus que proportionnellement la consommation. C'est sous cette hypothèse d'excès de flux entrants
de ressources du ménage sur le coût lié à la consommation que l'identité comptable suivante peut être vérifiée.
R=C+S
où R, C et S représentent respectivement le revenu, la consommation et l’épargne du ménage.
Sur base des réalités sociales, culturelles et historiques, on peut identifier trois ou quatre principales motivations à
l'origine de l'épargne que le ménage, sous contrainte de revenu, sur des périodes plus ou moins équivalentes par définition.
15
A l'origine de l'histoire contemporaine du Congo, il exista une caisse d'épargne implantée dans l'Etat Indépendant du Congo (E.I.C.) en
1891, une institution privée. Elle est cédée en 1908, dans le sac à dos de l'E.I.C., au royaume de Belgique. En 1918, cette caisse est commuée
en C.E.C.B.R.U. (Caisse d'Epargne du Congo Belge et du Rwanda et Urundi et devint un établissement public en 1950. A l'indépendance
politique de la RD Congo, le 30 juin 1960, le jeune Etat se retira de la C.E.C.B.R.U. et institua la Caisse générale d’épargne du Congo
(CADECO).
16
Didier Kivava Mukenga, Risques financiers dans une institution financière non bancaire (cas de la CADECO de 2003 à 2007), Mémoire de
licence, Inédit, Université catholique du Graben (U.C.G/Butembo RDCongo).
17
En 2013 : 23 IMF; 2 COOPEC et 117 COOPEC
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Modélisation du comportement d'épargne des ménages en RD Congo : réflexion sur la récolte d'épargne à l'appui des
activités des PME et du crédit à la consommation par l'implantation d'une banque d'épargne intégrée
a) Epargne-retraite : associée à la constitution du capital ou formation d'actifs dans l'objectif de subvenir à ses besoins après
le départ à la retraite (préretraite), quand le revenu courant deviendra insuffisant, négligeable ou nul ;
b) Epargne de précaution : en raison des aléas que comporte l'avenir, le ménage peut conserver une partie de ses ressources
pour faire face à des situations d'urgence ou imprévues comme le chômage, la maladie, l'accident, etc. ;
c) Epargne de solidarité : associée au transfert à des parents âgés ou aux autres membres du clan ou du groupe et à la
constitution du capital ou formation d'actifs qui seront transmis à la génération suivante ;
d) Epargne-projet : consistant à constituer des réserves en vue de pouvoir acquérir à terme, sans devoir s'endetter, des actifs
matériels (achat d'un logement ou d'un bien durable comme une voiture par exemple, garantie locative, ...) ou financer les
études des enfants ou des événements onéreux (mariage, vacances, etc.). On peut aussi inclure dans ce motif une série de
motifs détaillés cités par Antonin : "motifs de substitution intertemporelle (tirer parti du rendement des actifs financiers),
18
motif amélioration des conditions de vie, motif d'investissement ou d'esprit d'entreprise, motif d'indépendance financière" .
On comprendra aisément que ces motifs ne s'excluent pas mutuellement ; l'épargne effective étant de facto déterminée
par une combinaison des motifs énoncés.
Suivant le stade de développement économique et/ou du marché financier et monétaire du pays, des us et coutumes des
populations (ménages), de la nature de motivations d'épargne ainsi que de l'horizon connu ou estimé de survenance du fait
déclencheur de la consommation des ressources conservées, l'épargne constituée peut prendre diverses formes. Le choix de
formes est le résultat de l'arbitrage entre deux types principaux de critères, les critères de sécurité du placement et ceux de
disponibilité (dans le sens de liquidité).
3.2
EPARGNE ET HYPOTHESE DU CYCLE DE VIE HCV - HYPOTHESE DU REVENU PERMANENT HRP
L'épargne constitue l'alternative à la consommation, du point de vue de l'identité comptable, du revenu disponible. Etant
les deux faces d'une même médaille, ces deux fonctions sont modélisées à quelques exceptions près, au départ les mêmes
fondements ou théories. Quatre principales d'entre ces théories, généralement retenues, pour tenter d'interpréter les
différences de comportement de consommation et d'épargne entre les ménages intra ou inter pays, sans nécessairement y
19
parvenir, sont : la loi psychologique fondamentale de Keynes , les théories du revenu relatif (principalement: les effets
20
21
d’imitation et de démonstration ainsi que l'effet-Cliquet) de Duesenberry , la théorie du choix intertemporel de Fischer , la
22
23
théorie du revenu permanent de Friedman et la théorie du cycle de vie de Modigliani .
Si l'épargne est cantonnée au statut de résidus dans la fonction de consommation keynésienne, dépourvue de dimension
temporelle et hors d'influence des éléments du marché monétaire et financier, les autres théories accordent par contre une
24
importance significative à cette dimension, dans le contexte de marchés monétaire et financiers . Dans trois de ces théories,
la notion de richesse (la somme de revenus disponibles actualisés du ménage) est omniprésente. Cette richesse, qui
intervient à différents horizons dans la régulation de la consommation courante relativement au revenu courant peut être
associée, pour une proportion non négligeable, à l'épargne.
18
Antonin C. [2009], Age, revenu et comportements d'épargne des ménages: Une analyse théorique et empirique sur la période 1978-2006,
Mémoire inedit sous la direction de Piketty Thomas, Ecole d'Economie de Paris, septembre 2009, p 5.
19
Théorie Générale [1936, p. 96], en particulier la célèbre « loi psychologique fondamentale» qui suggère qu'une augmentation de revenu
doit conduire à une variation positive mais moindre de la consommation et par ricochet, à une augmentation plus que proportionnelle de
l'épargne. Cette loi pourrait aussi être appelée loi de revenu absolu, en comparaison avec la loi de revenu relatif dont Duesenberry est l'une
des principales figures.
20
Des auteurs comme D.S. Brady,et R.D. Friedman (pour l'adaptation à la norme de consommation, 1947), Thomas Brown (pour l'effetmémoire, 1952), Harvey Liebenstein (pour les effets "bandwagon", c’est-à-dire, prendre le train en marche, 1950), etc. peuvent aussi être
associé s à cette théorie du revenu relatif.
21
I. Fisher, The theory of interest, 1930
22
M. Friedman [1957], A Theory of the Consumption Function, Princeton University Press, Princeton.
23
Prix Nobel d'économie en 1985 pour ses travaux sur l'épargne et les marchés financiers.
24
Spécifiquement Fischer, Friedman et Modigliani
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Daniel Gonzato Bina
Une sélection des hypothèses principales des théories du cycle de vie et du revenu permanent (voir encadré 1) suggère de
retenir un profil de comportements de consommation et d'épargne susceptibles d'être appliqués aux comportements
observables des ménages, même de ceux des sociétés d'économies dont le développement économique est limité et
l’étendue des marchés financier et monétaire, étroite. La combinaison de ces deux approches dominantes et très proches
des fonctions de consommation et d'épargne constitue le cadre théorique général retenu pour la suite de ce travail. Cette
25
approche combinée, dans la suite HCV-HRP , permet d'une part, d'éliminer une contrainte forte, posée par Friedman, à
26
savoir, que le consommateur consomme en maintenant constante la valeur de son capital et d'autre part, d'introduire
l'incertitude ainsi que les possibilités de legs, absentes dans l'hypothèse du cycle de vie.
ENCADRE 1 HYPOTHESES HCV-HRP
-L'agent est capable d'exprimer ses préférences temporelles
- L'agent évalue au début de sa vie active le total des ressources dont il disposera durant son existence
- L'agent fait face à des incertitudes sur : sa durée de vie, les revenus de son travail pendant toute son existence, les taux
d'intérêt applicables sur les marchés monétaires et financiers
- L'agent maximise son utilité en choisissant de consommer sa richesse de façon optimale
-L'agent base sa consommation sur le revenu courant et sa richesse
-Les possibilités d'emprunt et de placement existent
-Possibilité de bénéficier d'un héritage et d'en transmettre
-L'économie en croissance, principalement croissance de la productivité
-Marché financier imparfait avec comme conséquences éventuelles: contraintes de liquidités et inégalité entre taux créditeur
et taux débiteur
-Absence d'illusion monétaire dans le chef de l'agent
-L'agent peut être confronté à la contrainte de liquidités
Partant de la connaissance du profil de revenu de l'agent, la solution du problème d'optimisation détermine le profil de
consommation et permet de dériver le profil d'épargne.
4
FONCTION D'EPARGNE ET REVUE DE RESULTATS D'ETUDES EMPIRIQUES
4.1
VARIABLES EXPLICATIVES HCV-HRP:
4.1.1
INCIDENCE DU TAUX DE CROISSANCE
27
Le sens de l’effet varie suivant que c’est l’effet-revenu ou l’effet-substitution sui l’emporte .
4.1.2
VARIABLES DÉMOGRAPHIQUES
- Espérance de vie
Une augmentation de l'espérance de vie accroît, toutes choses égales par ailleurs, le taux d'épargne des ménages (d'une
population croissante)
- Age de la retraite
Pour des raisons analogues, une diminution de l'âge de départ à la retraite accroît le taux d'épargne des ménages, toutes
choses égales par ailleurs.
25
Pour dire Hypothèse du Cycle de Vie - Hypothèse du Revenu Permanent.
C'est l'une des hypothèses fondamentales de la théorie du revenu permanent.
27
(+) Si on anticipe une croissance positive en t+1, il peut y voir tendance à augmenter l’épargne en t mais aussi la consommation, effetrevenu domine ; (-) Si on anticipe une croissance positive en t+1, tendance à diminuer l’épargne en t, l’effet-substitution (de la
consommation par l’épargne) l’emporte sur l’effet-revenu ;
26
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Modélisation du comportement d'épargne des ménages en RD Congo : réflexion sur la récolte d'épargne à l'appui des
activités des PME et du crédit à la consommation par l'implantation d'une banque d'épargne intégrée
- Répartition par âge des chefs de famille (ménages)
- Taille de la famille
- Age moyen d’entrée des jeunes sur le marché du travail ou la période normale de scolarité
- Taux d'activité féminin
4.1.3
CONSIDÉRATIONS EN MATIÈRE D'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
- les gains des ménages et le taux d'intérêt
- le coefficient de préférence chronologique (social) ;
- le taux naturel de croissance (c'est-à-dire la somme des taux de croissance de la population active et de la productivité) ;
- le degré de réticence à l'égard des risques (sociaux).
- les rapports capital/production et capital/travail ;
- la part concurrentielle (ou imputée) des bénéfices dans le revenu national ;
- la productivité marginale du capital.
4.1.4
VARIABLES LIEES AUX FACTEURS INSTITUTIONNELS
a) Intermédiation financière et marchés des capitaux
- le taux de rendement de l'épargne est réduit (et/ou le coût du capital est accru pour les emprunteurs nets) :
- l'accès au crédit est limité en fonction de l'actif net non humain et en fonction d'autres critères d'éligibilité
b) Régimes publics de retraite obligatoires
c) Inflation
d) Fiscalité
e) Répartition des revenus (revenu par ménage ou revenu fonctionnel : part des bénéfices, transferts, revenu du travail)
De nombreuses études empiriques ont été réalisées sur le comportement d'épargne des ménages, principalement dans
les grands pays industrialisés aussi bien sur base des données agrégées ou de la comptabilité nationale que des données
d'enquêtes. Divers modèles ou déterminants suggérés essentiellement par la théorie HCV, mais aussi par d'autres théories,
28
ont été testés. Les résultats importants des principales études, décrites par Allard P. et Sturm P.-H. , sont succinctement
présentés ci-dessous.
4.2
4.2.1
PRINCIPAUX RESULTATS D'ETUDES EMPIRIQUES SUR LA FONCTION D'EPARGNE SOUS HCV-HRP
RESULTATS TENDANT A VALIDER LES PREDICTIONS DE HCV-HRP
Une partie d'observations empiriques réalisées au niveau national et international ou encore les études sur données
d'enquêtes ont montré que les taux d'épargne des ménages dans les différents pays, ainsi que des différences entre pays,
sont susceptibles d'être expliqués à partir des principales variables démographiques et économiques retenues dans le cadre
HCV-HRP.
28
Allard P. [1991], Le comportement d'épargne des ménages en 2010, Revue française d'économie. Volume 6 N°2, 1991. pp. 177-232. Sturm P.-H. [1983], Les déterminants de l'épargne: Théorie et études empiriques, Revue économique de l'O.C.D.E., N°, automne, pp. 162215.
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Impact taux d'intérêt
29
Les résultats de 14 d'études réalisées sur les E.U. valident l'ambiguïté de l'incidence des Variations des taux d'intérêt sur
30
l'épargne: elles ont à la fois un effet-revenu (+) et un effet de substitution (-) qui agissent en sens opposés . Sept influences
positives ont observées, contre 2 négatives, une est instable passant de (-) à (+), les restants étant non significatifs.
Système obligatoire de retraite
Un système de retraite obligatoire (public ou privé) de répartition et donc non capitalisé exerce un effet déprimant sur le
taux d'épargne des ménages. II ressort d'études sur les pays de l'OCDE hors EU que l'estimation de la variable patrimoine de
sécurité sociale a un coefficient positif, ce qui implique une incidence négative plus ou moins marquée sur l'épargne des
31
ménages .
Inflation ....
L'inflation tend à revigorer l'épargne aussi bien aux E.U. (6 études sur 9) que dans les autres pays de l'OCDE (6 études sur
32
6) . Explication: absence d’illusion monétaire ou regain d'incertitude.
Résultats des études internationales / travaux sur l'analyse de différences taux d'épargne des ménages entre pays.
"Toutes les études examinées confirment l'implication fondamentale de l'hypothèse du cycle de vie et du modèle néoclassique de croissance optimale, à savoir qu'une croissance plus rapide entraîne une épargne plus élevée. De même, toutes
les études concordent, concernant l'effet des principales variables démographiques sur l'épargne : des taux de dépendance
élevée, tant pour les jeunes que pour les personnes âgées, tendent à abaisser le taux d'épargne, et le taux d'activité des
33
personnes âgées influence en sens inverse l'épargne globale" .
34
Sur un échantillon de cinq pays (Allemagne fédérale, E.U., France, Japon et, Royaume Uni), Galibert et Le Dem [1989]
établissent, à partir des facteurs démographiques et économiques, la validité de certaines prédictions de la théorie HCV-HRP.
Pour le Royaume Uni, une population assez âgée, une situation démographique et économique déprimée, un taux élevé
d'activité des femmes, notamment ont tendance à peser négativement sur l'épargne des ménages. Le Japon cumule
beaucoup de facteurs favorables: peu de personnes âgées, une croissance forte, le système de retraites le moins développé
et des femmes restant relativement plus au foyer (l'unique facteur défavorable à l'épargne étant le taux élevé d'activité des
plus de 60 ans) ont tendance à soutenir l'épargne des ménages.
35
Les travaux sur des données en panel réalisés par Arrondel et Masson [1989] ont permis de relever l'influence de
variables telles l'activité des épouses et le nombre d'enfants dans le ménage. Sur données françaises, l'activité des épouses a
un effet négatif comme c'est le cas ci-dessus au Royaume Uni, résultant vraisemblablement d'une diminution de l'épargne de
précaution et de la hausse de certaines dépenses des ménages (garderie d'enfants, entretien, ...). Le nombre d'enfants
présents dans le ménage a effet est positif, tendrait à bonifier l'épargne des ménages au travers de la possession d'actifs
immobiliers (logement). Cet effet positif n'est pas observé sur les données anglo-saxonnes; ce qui marquerait une différence
d'échelle de priorités concernant la propriété immobilière, par rapport aux ménages de tradition latine.
29
Sturm P.-H. [1983], op. cit. p.174
Si taux d’intérêt augmente, revenus financiers augmentes et poussent à augmenter la consommation et l’épargne.
31
Le coefficient positif donne de l’assurance aux ménages qui diminuent leur épargne. Sturm P.-H. [1983], op. cit. p.180; incidence non
significative pour les E.U.
32
Sturm P.-H. Ibidem p.186 et p. 187.; données trimestrielles et/ou annuelles, entre 1929 et 1978 pour les E.U. et entre 1955 et 1976 pour
les autres pays de l'OCDE.
33
Sturm P.-H. Ibidem p.195
34
Galibert A.et Le Dem J. [1989] : L'épargne des ménages américains: les enseignements d'une comparaison internationale, Economie
prospective internationale, n°37, 1er trimestre, pp. 61-90.
35
A. Arrondel et L. Masson [1989] : Hypothèses du cycle de vie et accumulation du patrimoine: France 1986, Economie et prévision, n°90,
pp. 31-43.
30
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Modélisation du comportement d'épargne des ménages en RD Congo : réflexion sur la récolte d'épargne à l'appui des
activités des PME et du crédit à la consommation par l'implantation d'une banque d'épargne intégrée
4.2.2
RESULTATS TENDANT A INFIRMER LES PREDICTIONS DE HCV-HRP OU A EN REDUIRE LES EFFETS
Une autre partie d'observations empiriques ont tendance à rejeter l'importance des phénomènes mis en avant, au plan
théorique, par l'approche HCV-HRP, du comportement d'épargne des ménages.
Suivant la prédiction HCV, le taux d'épargne des ménages est élevé durant la période d'activité, en prévision de la baisse
de revenus après le retraire sous la contrainte du maintien du niveau de vie. Etant donné que l'espérance de vie des japonais
(83 ans) est plus élevée que celle des américains (79 ans) pour l'âge de départ à la retraite équivalent, on devrait s'attendre à
un taux d'épargne des ménages plus élevé au Japon. A contrario, le taux japonais est proche du taux de l’E.U.
Le lissage de la consommation par les ménages, impactant sur leur épargne, ne semble pas se concrétiser, s’appliquer
tout au long du cycle de vie ou plusieurs décennies, comme le suggère l'intuition originelle de Friedman, mais sur une durée
36
plus courte, quelques années .
Système obligatoire de retraite
II ressort d'une étude corrective de l'estimation que la variable patrimoine de sécurité sociale a une incidence négative
37
sur l'épargne des ménages mais que cette dernière n'est pas significative contrairement aux résultats de travaux de
38
Feldstein (1974) sur la même période.
Inflation ....
L'inflation, en cas d'inflation anticipée tend à influencer négativement l'épargne. C'est un des résultats obtenus par
39
40
Brandson et al. (1969) et Gylfason (1981) dans les analyses empiriques du comportement d'épargne des ménages aux
E.U., sur des données trimestrielles respectivement pour les périodes 1955-1965 et 1952-1978.
Héritage, Legs ....
Si l'épargne des retraités ne semble pas conforme à l'intuition originelle de la théorie HCV, ce phénomène, observé par
41
42
Modigliani [1986] ainsi que Kotlikoff et Summers [1981] tend à montrer que les ménages américains ne consomment pas
une partie importante de leur richesse, mais qu'ils la transmettent par héritage. Cet héritage serait expliqué par l'incertitude
quant à la date du décès, par l'épargne précaution ou par le plaisir de donner (altruisme intergénérationnel ou
comportement "dynastique"). Cet altruisme intergénérationnel ne devrait pas être considéré comme désintéressé ou neutre
dans tous les cas. Parfois, le potentiel d'héritage peut servir comme un viager ou un facteur de pouvoir et d'influence sur les
héritiers.
4.2.3
RESULTATS EN ACCORD AVEC LES THEORIES AUTRES QUE HCV-HRP
Une troisième partie d'observations empiriques mettent en évidence l'importance des phénomènes plus ou moins
récusés par l'approche HCV-HRP, ouvrant ainsi la voie à des tentatives d'explications simplistes (myope), complémentaires ou
alternatives du comportement d'épargne.
36
Caroll С. et Summers L.H. [1987] : Why have private saving rates in the United States and Canada diverged?, Journal of monetary
economics, 20, septembre, pp. 247-279.
37
Sturm P.-H. [1983], op. cit. p.178; incidence non significative pour les E.U.
38
Feldstein, Martin S., Social Security, Induced Retirement, and Aggregate Capital Accumulation, Journal of Political Economy, 82
(septembre/octobre 1 974), 905-926.
39
Branson, W. H., and Klevorick, A. K. [1968], Money Illusion and the Aggregate Consumption Function, American Economic Review, 59
(décembre 1 968), pp. 832-850.
40
Gylfason, Thorvaldor [1981], Interest Rates, Inflation, and the Aggregate Consumption Function, Review of Economics and Statistics, 63
(mai 1981) pp. 233-245.
41
La part de richesse reçue par le biais de l'héritage se situe entre 1/5 et 1/4 pour les Etats-Unis (et probablement
pour le Royaume-Uni).
42
Kotlikoff L.J. et Summers L. [1981] : The role of intergenerational transferts in aggregate capital accumulat ionJou,r nal of political
economy, n°89. 50% les ménages américains seraient concernés.
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Daniel Gonzato Bina
Si une partie des ménages, conformément à l'hypothèse du cycle de vie, lisserait sa consommation par rapport à son
revenu, avec ou sans emprunt pour cela; une autre partie, au contraire, peut se trouver dans l'impossibilité d'emprunter
suffisamment, et être obligée par conséquent de maintenir un lien étroit entre le revenu courant et la consommation, donc
43
l'épargne. Les résultats d'études réalisées par Campbell et Mankiw ([1987], [1989]) , sur la période 1977-1986, suggèrent
qu'environ 30 à 60% des ménages américains se trouveraient dans ce cas et environ 20% en Grande-Bretagne. Ces études
révèlent également qu'environ 60% des ménages connaîtraient le même cas au Canada (sur la période 1963-1986) et en
République fédérale d'Allemagne (sur la période 1962-1986).
44
Youmbi a testé empiriquement, dans le contexte camerounais, un modèle qui a permis d'identifier les variables
explicatives, les facteurs incitatifs ou limitatifs de l'épargne des ménages. Son étude révèle que le revenu (à court et à long
terme) et le taux de l'intérêt réel (à long terme uniquement) sont les principales variables explicatives de la fonction
d'épargne des ménages au Cameroun. Le taux d'intérêt réel et l’impôt sur le revenu ont un effet négatif alors que le revenu
et l'inflation agissent positivement sur l'épargne des ménages.-Ces quatre déterminants expliquent environ de 90% le
comportement de l'épargne des ménages.
5
ESSAI DE MODELISATION DU COMPORTEMENT D'EPARGNE DES MENAGES DE LA RD CONGO
-PAYS A FAIBLE TAUX DE MONETISATION DE L'ECONOMIE, D'INTERMEDIATION FINANCIERE ET DE BANCARISATION-
5.1
QUELQUES HYPOTHÈSES UTILES
1° L'âge du "représentant du ménage"
connus;
45
et l’âge de fin de son activité principale, assimilé à son départ à la retraite, sont
2° Absence ou niveau insignifiant de couverture de sécurité sociale; d'où nécessité pour le ménage d'épargner pour ses vieux
jours;
3° Absence de système de prise en charge ou de financement de formation (éducation);
46
4° Une partie au moins frais d'éducation des enfants et "apparentés" à charge du ménage moyen, "alpha", que l'on peut
imaginer, dans un pays plus organisé ou industrialisé, être financée par une bourse ou prêt d'étude, est considérée comme
une épargne contenue ou implicite.
5° Soucieux de l'avenir de la progéniture, les parents ne peuvent épargner de manière optimale (voir hypothèse 2°) et sont
obligés de financer intégralement l'éducation de leurs enfants et apparentés ;
6° Par le retour de manivelle et pour pallier l'absence de la sécurité sociale, les ménages actifs intègrent dans leur fonction
d'utilisé la consommation de leurs parents et/ou les membres du groupe ayant participé à leur prise en charge au sens large ;
7° L'existence d'un contrat social implicite intergérationnel ou entre membres du "groupe" justifie les hypothèses 4°, 5° et
6°;
8° L'épargne volontaire des ménages après le départ à la retraite est négligeable, assimilée à zéro
47
L'hypothèse 6° rejoint -l'hypothèse des enfants comme sécurité sociale, retenue par Cain (1983) .
"L'épargne potentielle pour la vieillesse des ménages agricoles fournie par l'envoi des fonds" est un autre exemple de
l'hypothèse des enfants comme sécurité sociale.
43
Campbell J.Y. et Mankiw N.G. [1987] : Permanent income, current income, and consumption, N.B.E.R. working paper, n°2436, novembre ;
Campbell J.Y. et Mankiw N.G. [1989] : Consumption, income and interest rates: reinterpreting the time series evidence, N.B.E.R. working
paper, n°2924, avril.
44
Youmbi P.-A. [2003], Les déterminants de l'épargne des ménages au Cameroun, Université de Douala, DESS en gestion Financière et
Bancaire. http://www.memoireonline.com/0207/337/
45
C’est le chef de ménage, au sens de pourvoyeur principal de revenus du ménage.
46
Il s'agit des frères et sœurs, des cousin(e)s, des neveux et nièces et toute autre personne que le ménage prend en charge ou habitent dans
le ménage, par solidarité du groupe (famille élargie, clan, liens d'amitié, ...).
47
Cain M.T. [1983], Fertility as aan ajustment to risk, Population and Development Review, 9, pp. 688-702
ISSN : 2351-8014
Vol. 25 No. 2, Jul. 2016
665
Modélisation du comportement d'épargne des ménages en RD Congo : réflexion sur la récolte d'épargne à l'appui des
activités des PME et du crédit à la consommation par l'implantation d'une banque d'épargne intégrée
Mais pour nous, à la différence de Cain, ce n'est pas l'envoi de fonds qui constitue l'épargne, mais plutôt et plus tôt,
l'investissement des parents/amis dans le capital humain (coût d'études des enfants à l'origine du transfert de fonds, le proxy
serait nombre d'années d'études). Cependant, nous admettons que l'envoi de fonds (ville vers milieu rural) est assimilable à
48
l'épargne si le fonds est destiné à financer des exploitations agricoles . Dans le même ordre d'idées, les transferts urbainsruraux s'apparentent à des primes d'assurance payées pour protéger le migrant (jeune émigré en ville) contre des problèmes
49
pouvant survenir lorsqu'il perd son emploi urbain à cause de licenciements, maladies ou d'incapacité .
"Les effets des structures familiales sont souvent ambigus : d’un côté elles réduisent l’incitation à épargner et investir,
50
mais de l’autre côté elles représentent souvent le seul filet de sécurité sociale pour les pauvres" .
5.2
CONSTRUCTION DU MODÈLE
51
La construction du modèle est inspirée du papier de Rima Kabbara Il s'agit d'une fonction d'utilité additive comportant
consommation (intertemporelle) du ménage, consommation des anciens (parents) et investissement humain. A la différence
de Kabbara, nous considérons le transfert vers le ménage des anciens comme une composante additionnelle d'utilité pour le
ménage et non comme une source de désutilité.
La fonction d'utilité du ménage est formulée comme suit:
U ij =
a
∑ (αβ
k −1
i .ui (Cik )
+ δβ kj −1.u j (C jk ) + γβ ek −1.ue (Cike ))
k =1
Où
"i" est l'indice du ménage actif, "j" est l'indice du ménage représentatif des ménages à la consommation duquel le
ménage i contribue;
"e" indice supérieur C indique la spécificité de cette consommation, associée aux dépenses de formation;
C ik ; C jk ; C ike représentent respectivement la consommation du ménage actif, celle du ménage représentatif assisté et
la consommation spécifique;
α, δ et γ sont des paramètres de poids relatifs que le ménage i attribue, dans le processus de leur décision relative à
l'affectation d'augmentation de leurs ressources, respectivement à sa propre consommation, à son assistance au ménage j et
aux charges de formation de ses membres. Par abus de langage, c'est une espèce de propensions marginales de ces
différentes consommations par rapport au revenu courant. Leur somme égale (1-propension marginale à épargner le revenu
courant).
Les ßi et ßk sont les taux de préférence subjectifs associés aux composantes relatives de l'utilité globale que sont
respectivement ui du ménage i, uj du ménage j, ße étant un taux subjectif associé au ménage i mais spécifique aux membres
bénéficiaires de formation;
k représente le décompte du nombre d'années qui séparent l'âge actuel du ménage i de son âge de départ à la retraite.
La contrainte budgétaire intertemporelle du ménage actif est donnée par :
48
Jonhson G.E. et Whitelaw W.E. [1974], Urban-Rural transferts in Kenya:An estimated Remittance, Economic Developmentand Cultural
Change, 22, pp. 473-179.
49
Remple H. et Lobdell R. [1978], The role of urban to rural remittance in rural development, Journal of Development Studies 14, pp. 324342.
50
Morrisson C. [2006], Structures familiales, transferts et épargne : Examen, Centre de Développement de l'OCDE, Document de travail N°
255, 46 p. Extrait préface de Louka T. Katseli, Directrice du Centre.
51
Kabbara R. [1999], Transferts de fonds au Cameroun: Altruisme ou contrats intergénérationnels, Université de Montréal, Faculté des Arts
et des Sciences, Département des Sciences économiques, 42p.
ISSN : 2351-8014
Vol. 25 No. 2, Jul. 2016
666
Daniel Gonzato Bina
a
∑
Yik =
k =1
a
a
a
a
k =1
k =1
k =1
k =1
∑ αβ ik −1Cik + ∑ δβ kj −1C jk + ∑ γβ ek −1Cek + ∑ S k
Sk = τ(r)Yk
Où:
Sk est l'épargne apparente du ménage i;
Yk est le revenu courant du ménage i
τ est le taux moyen d'épargne apparente, c'est la variable d'ajustement de la contrainte budgétaire; mais est influencé
par le taux d'intérêt même en situation d'un marché financier embryonnaire.
On peut aussi, sans perte de généralité, remplacer les consommations j et e par des transferts financiers (et/ou en nature)
que le ménage i ferait au profit du ménage j et de ses membres concernés par la formation. Tj et Te représenteraient
respectivement les transferts opérés par le ménage i pour le ménage j et les dépenses nécessaires aux charges de formation.
5.3
RESOLUTION DU PROBLEME D'OPTIMISATION ET EXPRESSION DE LA FONCTION D'EPARGNE
Pour simplifier la résolution, nous posons ßi = ße.
Sur une période, le ménage i aura le comportement rationnel suivant:
Max :
U ije (αβ i Ci + δβ j C j + γβ j C e )
Sous contrainte budgétaire :
Si = Yi - αCi - δCj - γCe
Après optimisation par la méthode du lagrangien, on obtient l'expression suivante de la décision optimale d'épargne du
ménage i (développement à l'annexe) :
S i = Yi − δ
βj
βi
Ci − (α + γ ) ββij C j
L'épargne du ménage est donc une fonction, en étendant le modèle au marché financier :
-
du revenu du ménage (Yi),
-
du produit de la propension marginale de l'assistance au revenu du ménage par le rapport ßj/ßi (=ρ1);
-
du produit de la somme des propensions marginales de la consommation du ménage et des charges de formation au
revenu du ménage par le rapport ßi/ßj. (=ρ2);
Si l'Etat joue son rôle en finançant la sécurité sociale et en mettant en place un système de financement de formation, on
peut assimiler une proportion, notée ф du Tj et une proportion notée φ du Te à l'épargne, dont un partie consacrée à la
cotisation réglementaire et/ou libre du ménage à la sécurité sociale (fonds de retraite).
On obtiendrait ainsi une fonction de transfert du ménage i à la sécurité sociale (fonds de pension):
Ti = g(Yi, TPi, фTj, φTe)
Où :
TPi = projection de transfert de la sécurité sociale et/ou du fonds de pension au profit du ménage i,
Les Tj, Te sont les transferts du ménage i au ménage j et aux charges de formation
En étendant le modèle à la sécurité sociale et au marché financier, l'expression de l'épargne du ménage i peut être
formulée ainsi : compte - du taux d'intérêt (=r).
Si = s(Yi, ρ1 , ρ2 , TPi , r).
Pour obtenir des données en vue de vérifier le modèle que nous venons d'élaborer, il faut une enquête sur les budgets
des ménages qui déterminerait les origines des ressources et leurs affectations. Ce sera donc une étude de coupe
instantanée ou, si les données sont constituées par la répétition d'enquêtes sur quelques années/périodes ou quelques
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Vol. 25 No. 2, Jul. 2016
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Modélisation du comportement d'épargne des ménages en RD Congo : réflexion sur la récolte d'épargne à l'appui des
activités des PME et du crédit à la consommation par l'implantation d'une banque d'épargne intégrée
années/périodes d'intervalle, l'étude en panel ou longitudinale. Faute de données, nous avons initié une étude empirique sur
la fonction d’épargne en RD Congo. Nous avons jugé inconvenant d’évoquer les premières observations de cette étude dans
le présent article, plutôt théorique, afin de ne pas le tirer dans tous les sens.
Il est certain, à l’examen du vécu du congolais moyen, qui doit financer une bonne partie du coût de formation, santé de
sa famille élargie, que si l'Etat congolais gère bien ses ressources et met en place un mécanisme de financement convenable
de la formation et d'éducation de la jeunesse, les ménages moyens seraient à même en situation de dégager une capacité
d'épargne conséquente.
6
QUELQUES INDICATEURS FAVORABLES A LA NAISSANCE D'UNE BANQUE D'EPARGNE (EN RD CONGO)
Un nombre relativement limité de facteurs permettent d'entretenir un environnement à impact favorable sur la
croissance économique, catalyseur d'externalités positives notamment pour l'épargne. Cet environnement économique, s'il
est accompagné de la stabilité des prix, des taux d'intérêt et de change, l'afflux d'investissements directs de l'étranger, est
susceptible de renforcer la confiance, dans l'avenir, des ménages et des entreprises. Un tel environnement économique
correspond à la situation de stabilité économique, capable de prévenir les crises économiques et financières. Il permet en
outre d'éviter de fortes fluctuations de l’activité économique, les poussées inflation et la volatilité excessive des taux de
change et des marchés financiers. L’instabilité peut engendre l’incertitude et décourager l’investissement; elle constitue un
obstacle certain à la croissance et à l'amélioration de niveau de vie des populations. Il est néanmoins établi qu'une économie
de marché dynamique est nécessairement soumise à une certaine instabilité et à des changements structurels progressifs.
Une situation de stabilité économique est propice à la consommation, à l'investissement, à l'épargne pour laquelle il est
indispensable de créer les conditions de récolte, de bonne gestion et d'utilisation.
Passons en revue l'évolution de quelque uns de ces facteurs sur la dernière décennie de l'économie RD congolaise.
6.1
FAIBLESSE ET STABILITE DU TAUX D'INTERET ET STABILITE DES PRIX
Le taux d’intérêt nominal, sous ses différentes natures, formes et expressions, n’a jamais été aussi bas, dans l’histoire
financière et monétaire récente de la RD Congo. Sont notamment concernés : le taux directeur de la banque centrale, le taux
de marché interbancaire (ou marché monétaire) ainsi que les taux d’intérêt bancaires créditeur /débiteur. Un peu plus d’une
décennie plus tôt, en 2004, ces taux, respectivement 14% - 21% - 13% - 28%, ont atteint des sommets en 2009
(respectivement 70% - 66,5% - 19% - 69,8%) et sont réduits à des niveaux très bas, excepté le taux débiteur en 2013
(respectivement 2% - 1,38% - 3,87% - 19,18%). Entre 2004 et 2013, le taux directeur de la banque centrale a été divisé par 7,
le taux de marché interbancaire divisé par un peu plus que 15, le taux d’intérêt créditeur par 3,3 et le taux d’intérêt débiteur
a diminué d’environ 32%. Ces performances, sur les plans purement monétaire et financier, sont remarquables. Elles seraient
encore plus phénoménales si la période de référence était 2009 à 2013. Cette dernière n’a pas été retenue en raison du
caractère aberrant de la surenchère des taux, sous l’influence de la situation politique du pays, sa partition entre des groupes
armés (Tableau 1 pour le détail des taux d’intérêt).
Tableau 1 Taux d’intérêt entre 2004-2013
Taux directeur
Taux marché
interbancaire
Taux d’intérêt débiteur
Banques commerciales
Taux d’intérêt créditeur
Banques commerciales
2004
14
2005
28,8
2006
40
2007
22,5
2008
40
2009
70
2010
22
2011
20
2012
4
2013
2
21
39
30
17
23,5
66,5
15,5
11,5
1,5
1,38
28
32
44,4
41,3
44,4
69,8
44,7
40,6
22,51
19,18
13
22
22,4
15
15
19
11,6
14,6
6,1
3,87
Source : Rapport annuel 2013 de la Banque centrale du Congo
Les taux d’intérêt réels (Tableau 2) sont demeurés positifs ces dernières années, consécutivement au recul sensible de
l’inflation. La baisse constante d’indice des prix de détail, depuis 2010, place l’économie rd congolaise dans une zone de
stabilité des prix, le taux annuel d’inflation se situant largement en dessous de 2% sur les 3 dernières années.
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668
Daniel Gonzato Bina
Tableau 2 Indice des prix de détails à Kinshasa (décembre 2012=100)
Année
Indice
% inflation
RC nominal
RC réel
2010
81,98
11,60%
-
2011
94,64
15,44%
14,60%
-0,84%
2012
100,00
5,66%
6,10%
0,44%
2013
101,86
1,86%
3,87%
2,01%
2014
103,29
1,40%
4,93%
3,53%
2015/6(*)
104,04
1,45%
3,54%
2,09%
RC=Taux d’intérêt créditeur. (*) Annualisé.
Source : Rapports annuels 2013/2014 BCC et Bulletin mensuel d’informations statistiques, BCC juin 2015
6.2
CRÉDITS BANCAIRES
Sans considération de la valeur relative des crédits bancaires, par rapport au PIB par exemple, et la comparaison avec
celle des économies comparables, lesdits crédits se caractérisent par un taux de croissance soutenu entre 2004 et 2014
(Tableau 3). Ces crédits comprennent 2 principales composantes : les crédits de décaissement constitués de crédits à court
terme et de moyen terme et de crédits d’engagement ou crédits bancaires de signature, représentés essentiellement le
Credoc à l’importation et "autres crédits d’engagement".
Les crédits de décaissement sont multipliés par 38,6 entre 2004 et 2013, passant de 43,2 milliards de F à 1.665,7 milliards
de F. Cette évolution est marquée par une recomposition des composantes. En 2014, les crédits de moyen terme
représentaient à peine 4% du total des crédits de décaissement contre plus de 36% en 2013. La hausse significative de la part
des crédits de moyen terme peut constituer un indicateur de la confiance des banquiers dans les agents économiques non
financiers et bancaires.
Les crédits d’engagement sont quant à eux multipliés par 14 entre 2004 (30,6 milliards de F) et 2013 (427,81 milliards de
F). De composition tripartite, le poids de chacune des trois parties est resté relativement stable, avec une tendance à un
rééquilibrage entre le Credoc à l’importation et les autres crédits d’engagement -2014 (76,95% pour les autre crédits
d’engagement ; 22,96% pour le Credoc à l’importation et 0,09% pour le Credoc à l’exportation) ; 2013 (62,49% pour les
autres crédits d’engagement ; 36,41% pour le Credoc à l’importation et 1,10% pour le Credoc à l’exportation)-.
Tableau 3 Crédits de décaissement et crédits d’engagement entre 2004-2013
En milliard de CDF
2004 2005 2006
2007
2008
2009
Crédits bancaires CT
41,44 60,61 115,15 169,31 412,26 367,41
Crédits ban MT
1,76
3,02
11,25
31,53
78,15
113,38
Total crédits à décaissement 43,20 63,63 126,40 200,83 490,41 480,78
Non compris le portefeuille titres des banques et les crédits accordés par la BCC
Crédits d'engament
30,60 50,24 57,07
77,60
108,07 65,85
Credoc à
0,03
1,20
0,08
l'exportation
Credoc à
7,03
10,77 15,75
38,59
49,94
23,10
l'importation
Autres
23,54 38,27 41,32
39,02
58,05
42,76
2010
436,92
210,63
647,55
2011
681,04
282,31
963,35
2012
930,96
409,98
1.340,94
2013
1.062,36
603,37
1.665,73
167,82
254,53
320,71
14,81
427,81
4,70
72,58
66,12
124,87
155,79
95,24
188,41
181,03
267,31
Source : Rapport annuel 2013, Banque centrale du Congo
6.3
RÉSERVES DE LA BCC
Pour un pays chroniquement en déficit commercial et dépendant, même des produits de première nécessité tels les
produits alimentaires ou les produits pharmaceutiques, les réserves nettes de la banque centrale, représentant la capacité
d’importation en devises étrangères, sont d’une importance capitale. Le tableau 4 ci-dessous donne un aperçu de l’évolution
de ces réserves entre 2004 et 2013.
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Modélisation du comportement d'épargne des ménages en RD Congo : réflexion sur la récolte d'épargne à l'appui des
activités des PME et du crédit à la consommation par l'implantation d'une banque d'épargne intégrée
Tableau 4 Evolution des réserves de la Banque centrale entre 2004-2013
En milliards de CDF
2004
2005
2006
2007
2008
Avoirs en devises
102,45
55, 99 77, 65 89, 23 45, 87
Avoirs en DTS
2,45
0,60 132,20
1,37
3,87
Engagements extérieurs
90,41
73,25 91,54 21,03 17,53
Réserves nettes
14,51 -16,66 -13,76 69,57 32,20
FMI position nette
-362,09 -341,12 -419,84 -403,10 -422,26
Allocations cumulatives
Avoirs extérieurs nets
-347,58 -357,78 -433,60 -333,54 -390,06
2009
2010
351, 21 698, 21
550,94
495,32
20,13
11,33
882,02 1.182,20
-719,35 -294,25
-0,72 -716,42
-557,61
171,53
2011
2012
2013
687, 68 1.009, 31 1.060, 64
495,28
497,03
500,80
12,15
12,84
9,32
1.170,81 1.493, 50 1.552,13
-433,87 -435,66 -439,12
-717,76 -720, 71 -726,43
19,18
337,13
386,57
Source : Rapport 2013, Banque centrale du Congo
Déjà positive en 2004 à hauteur de 14,5 milliards de F, la position des réserves nettes de la BCC s’est effondrée, marquée
par une position négative en 2005 (-16,7 milliards) et 2006 (-13,8 milliards). Depuis 2007, les réserves nettes affichent une
position constamment positive, avec un taux de croissance spectaculaire entre 2008 (32,2 milliards) et 2009 (882 milliards),
soit une position de départ multipliée par 27,4. Le cap du millier de milliards est dépassé en 2010, la position positive des
réserves se situe à plus d’un millier et demi de milliards en 2013, ce qui représente un peu plus de 7 semaines d’importations
des biens et services. Le stock des réserves de change a même frôlé les 10 semaines de couverture d’importations des biens
52
et services en mars 2014 où il affichait 1,88 milliard USD .
6.4
STABILITE DU TAUX DE CHANGE
Le taux de change, bien que variable monétaire, constitue le reflet de l’économie réelle et son évolution traduit l’état
d’une économie dans ses relations avec ses principaux partenaires, tant bilatéraux que multilatéraux. Une relative stabilité
du taux de change est de nature à renforcer la confiance des agents économiques dans la devise et l’économie domestiques,
ce qui réduit le risque de change et incite à détenir des liquidités en devise domestique et les placer, le cas échéant.
L’évolution du taux de change CDF/DTS entre 2011 et 2014, retracée dans le tableau 5 ci-dessous renseigne que ce taux
connaît une certaine stabilité depuis 2012.
Tableau 5 Evolution du taux de change entre 2011-2014
Taux de change
Market Rate
REER, CPI based
National
Currency per SDR
Index, 2010=100
2011
1 398,094
2012
1 406,550
2013
1 425,275
2014 Q1
1 339,438
2014 Q2
1 433,907
2014 Q3
1 371,868
2014 Q4
1 339,438
105,255
118,558
119,083
120,809
117,891
120,301
126,854
Data extracted from IMF Data warehouse on: 4/11/2015 6:36:02 PM
Entre 2012 et 2014, le franc congolais s’est globalement appréciée (dépréciation de 1,33% en 2013 suivie d’une
appréciation de 3,8%) en termes courants sur le marché monétaire international. En termes constants, on observe une légère
dépréciation du franc congolais sur la même période de référence, dépréciations successives de 0,44% et 2%. Au-delà de
cette évolution sur 2 ans (2012-2014), il convient de remarquer que le taux de change est quasi stable sur les 4 trimestres de
2014. Cette stabilité du taux de change se confirme également sur le marché du USD : 929,04 ; 940,19 ; 935,10 et 937,36
53
CDF/USD respectivement en décembres 2012, 2013, 2014 et juin 2015 .
52
53
Rapport annuel 2014, BCC, page 116
Bulletin mensuelles d’informations statistiques, BCC, juin 2015, p 41. Il s’agit du cours vendeur appliqué par les bureaux de change.
ISSN : 2351-8014
Vol. 25 No. 2, Jul. 2016
670
Daniel Gonzato Bina
6.5
INDICE DE CONFIANCE ET DE SATISFACTION DES MENAGES ET DES ENTREPRISES
54
Comme indicateurs de cet indice , en absence d’enquête et de sondage d’opinion, il y a lieu d’observer quelques
variables financières éligibles comme des proxys soutenables et pertinents. On retiendrait ainsi le volume de crédits
bancaires aux entreprises et celui de dépôts bancaires à moyen/long terme, qui peuvent apparaître comme des indicateurs
de confiance mutuelle entre le secteur bancaire et les agents économiques non bancaires. Cette confiance vis-à-vis du futur
économique et financier du pays se traduit aussi par la stabilité du taux de change et des prix ainsi que la faiblesse relative du
taux d’intérêt.
L’indicateur associé aux entreprises bancaires, le volume de crédits bancaires et quelques indicateurs de confiance à
caractère général que sont la stabilité et la faiblesse des taux d’intérêt et de prix ainsi que la stabilité du taux de change, sont
développés ci-dessus, respectivement aux points (5.2), (5.1) et (5.4). Il reste à présenter l’indicateur de confiance dans le chef
des ménages et des entreprises non bancaires, l’évolution de l’encours des dépôts bancaires à termes des ménages et des
entreprises (Tableau 6).
On note une prédominance structurelle des dépôts à vue, qui a cependant enregistré une baisse de 6,7 points en 2014
par rapport à 2013. Entre 2011 et 2014, le volume de l’encours des dépôts à terme est plus que multiplié par 5. La relative
stabilité macroéconomique qui s’installe dans la durée et la rémunération des dépôts (taux créditeur réel positif) peuvent
expliquer cette évolution, de même que la mesure initiée par la Banque centrale, relative à l’assouplissement des contraintes
55
de la réserve obligatoire sur les dépôts à terme .
Tableau 6 Encours des dépôts bancaires entre 2011 et 20114 (en milliards CDF)
Par catégorie et horizon temporel
Total
Entreprises privées
Particuliers
Autres déposants(*)
Dépôts à vue
Dépôts à terme
2011
2012
1 804,80
891,70
721,90
191,20
1 637,20
167,60
2013
2 473,20
911,90
1 019,70
541,60
2 249,50
223,70
2014
2 789,80
1 396,40
1 074,50
318,90
2 496,00
293,80
3 164,90
1 308,00
1 402,90
454,00
2 301,30
863,60
(*) Entreprises publiques, Organismes financiers non monétaires, Pouvoirs publics subventionnés, Organismes publics à caractère
administratif
Source : Rapport annuel 2014, BCC
7
FACTEURS INSTITUTIONNELS, LEVIER POUR L'ECLOSION DE LA BANQUE D'EPARGNE
Nous nous limitons dans cette section à une énumération non exhaustive des éléments que nous qualifions
d’institutionnels, susceptibles d’asseoir, de favoriser ou d’inciter les agents économiques à passer à l’acte en matière
d’épargne. Si ces facteurs sont actifs et s’installent dans la durée, l’épargne peut entrer dans les us et coutumes, migrer vers
un élément du patrimoine culturel des populations congolaises, se banaliser et devenir familière.
7.1
SENTIMENT DE STABILITE POLITIQUE, CLIMAT D'AFFAIRES EFFICIENT
Un sentiment de stabilité politique est ressenti dans un pays où la liberté politique, la liberté de pensée ou philosophique
est vécue au quotidien, où l’alternance politique est soumise à des règles claires, objectives et impersonnelles et assurée
suivant les aspirations d’une majorité de la population qui tient compte de l’opinion de la minorité, où la presse et le système
judiciaire jouent pleinement leurs rôles.
54
L’évaluation classique de la mesure du moral des ménages et des entreprises se base sur une enquête régulière, mensuelle de préférence,
sur échantillon répondant aux normes statistiques rigoureuses. Les individus d’échantillonnage sont interrogés sur leur vision de l'avenir
économique à court et moyen terme ainsi que sur leurs finances personnelles et/ou sociétaires. Dans une économie où l’information est, à
un degré satisfaisant, "parfaite", l’influence de cet indicateur est assez forte sur les marchés car il est un indicateur adéquat de la
consommation future des individus et donc, du niveau de production des entreprises.
55
Rapport annuel 2014, Banque centrale du Congo, p 188.
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671
Modélisation du comportement d'épargne des ménages en RD Congo : réflexion sur la récolte d'épargne à l'appui des
activités des PME et du crédit à la consommation par l'implantation d'une banque d'épargne intégrée
Un tel environnement assure la justice sociale, un climat d’affaires où la corruption est l’ennemi public numéro un et où
toute tracasserie administrative, policière, sécuritaire est combattue.
7.2
SENSIBILISATION À L'ÉPARGNE
Il est indispensable de mettre en place tout un programme -éducation de masse, programme scolaire, mas media- en vue
de la sensibilisation à l’épargne et de son placement dans des institutions appropriées. Ce programme doit aussi viser à
décourager la thésaurisation.
7.3
POLITIQUE DE REVENU EN FAVEUR DES SALARIES EN VUE D’EMERGENCE D'UNE CLASSE MOYENNE
Une classe moyenne, d’importance numérique significative au sein de la population et consciente de la place qui doit être
la sienne, constitue un réservoir d’épargne. Une politique de revenu bien ciblée, peut mettre la majorité des membres de
cette classe en situation de dégager une capacité additionnelle de financement.
7.4
GARANTIE AUX DEPOSANTS CONTRE FAILLITE EVENTUELLE
La faillite de la CADECO et caisses d’épargne privées, mutualités de crédits ou des institutions de microfinance a abusé de
la confiance des épargnants congolais. Le législateur doit doter le pays, d’un fonds pour le financement de la structure
d’épargne, d’une réglementation aux fin de préserver tous le droits du déposant ; même en cas de faillite de l’institution
dépositaire.
7.5
GARANTIE AUX INSTITUTIONS D'EPARGNE ET DE CREDIT PAR LA SECURISATION DES DONNEES DE L'ETAT CIVILE
De même qu’il faut donner une garantie sans faille au déposant à disposer de son dépôt, l’administration du territoire
doit mettre en place des mécanismes assurant la fiabilité (et/ou la traçabilité) de(s) l’adresse(s) du domicile (siège social ou
d’exploitation pour les sociétés) des tous les résidents et à leur identification. Cette fiabilité/traçabilité continue et
l’identification sans faille des résidents devraient réduire significativement le risque d’évanouissement dans la nature des
débiteurs. Une sécurisation des données de l’état civile (gestion informatisée des données - sécurisation des flux - mode ICT)
doit donc être réalisée.
7.6
INTENSIFICATION DE L'INTERMEDIATION FINANCIERE : RENFORCEMENT DE LA DENSITE D'AGENCES
Il est indispensable de renforcer la densité d’agences des institutions de récolte d’épargne et en faciliter la canalisation
vers le financement des PME, des paysans et des crédits à la consommation. Il faut recourir à la solidarité nationale entre les
provinces ou provinciale pour implanter progressivement les institutions d’épargne et de crédit, jusque dans les communes
rurales. Une telle réalisation constitue un facteur non négligeable qui contribuera à faire reculer l’ampleur de l’informel dans
l’économie.
7.7
RÉMUNÉRATION SATISFAISANTE DES DÉPÔTS
La rémunération des dépôts à terme et à vue, à un taux largement supérieur à celui du taux d’inflation, suffisamment
faible depuis les 3 dernières années, est possible et doit être rendue obligatoire, d’autant plus que le gap entre les taux
nominaux débiteur et créditeur reste anormalement plus élevé que le taux créditeur en 2013, soit 15,93% et 3,84%
respectivement ou un rapport de 1 à 5.
8
CONCLUSION
Que retenir d’une telle étude qui, à première vue, s’apparente à un mix de concepts disparates et hétérogènes ? La
fonction d’épargne figure au nombre des fonctions les plus étudiées et modélisées. Si les paramètres de principales variables
des fonctions de consommation et d’épargne présentent une certaine robustesse dans les économies au taux de
monétarisation élevé, une telle stabilité est loin du compte dans les économies à faible taux de monétisation.
S’agissant des pays en développement, les économistes ont conscience de l'existence d'épargne où coexistent 2
structures d’organisation de production, l'une plus formelle, constituée des administrations publiques et de grandes
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672
Daniel Gonzato Bina
entreprises industrielles, commerciales ou agricoles et l'autre, dite informelle, comprenant le reste de l'activité productrice
de l'agriculture, de l'artisanat ou du petit commerce. Il est important que l’économiste, le financier, le capitaliste ou le
dirigeant congolais réfléchisse sur les pistes des mécanismes à mettre en place, selon ses spécificités économiques et sociales
propres à cette économie, pour mobiliser l’épargne et la mettre au service du développement.
Ce papier est une contribution à l’étude du comportement d’épargne des ménages en RD Congo, pouvant aider à
l’identification des pistes pour mobiliser les agents économiques autour de l’épargne, sa récolte, sa canalisation vers des
objectifs économiquement et socialement soutenables. Un retour à nos sources, aux traditions en RD Congo a permis de
relever des dictons qui suggèrent, à l’analyse, des aspects pertinents en matière d’épargne, notamment : la nécessité
d’épargne, la sécurisation du placement, l’importance de l’investissement net. Le modèle théorique élaboré nécessite des
données d’enquête en coupe transversale et/ou des données en panel pour être valablement testé. C’est une mission à
laquelle nous-nous engageons, à moyen terme et nous ne pouvons-nous empêcher d’y encourager d’autres chercheurs.
REFERENCES
[1]
[2]
[3]
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Daniel Gonzato Bina
ANNEXE (A LA SECTION 4.2) OPTIMISATION PAR LE LAGRANGIEN ...
Max : U ije (αβ i Ci + δβ j C j + γβ j Ce )
Sous contrainte budgétaire :
Si = Yi - αCi - δCj - γCe
Լ(Ci, Cy, Ce, λ) = αßiCi + δßjCj + γßeCe + λ(Si(r) - Yi + Ci + Cj + Ce)
∂L
λ
= αβ i + λ = 0 ⇒ = β i
α
∂Ci
λ
∂L
= δβ j + λ = 0 ⇒ = β j
δ
∂C j
∂L
λ
= γβ e + λ = 0 ⇒ = β e
γ
∂Ce
∂L
= S (r ) − Yi − Ci − C j − Ce = 0
∂λ
En posant, "logiquement", ßi = ße , on obtient que :
λ
(α + γ )
= βi
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et
α +γ βj
λ
=
= β j ; ce qui entraîne
δ
βi
δ
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