SOLVE ET COAGULA SOLVE ET COAGULA Et LE PROBLÈME DU

Transcription

SOLVE ET COAGULA SOLVE ET COAGULA Et LE PROBLÈME DU
SOLVE ET COAGULA
Et
LE PROBLÈME DU MAL
«Ce qui est en haut est comme
Ce qui est en bas.»
Hermès Trismégiste.
(La Table d’émeraude).
Ce qui fait l’immense intérêt de la science
d’Hermès, c’est d’avoir connu et renfermé dans des
formules mystérieuses les grandes lois de la nature et de
la vie, bien avant leur découverte par les savants et les
métaphysiciens. L’une de ces formules est : Solvé et
coagula. Elle signifie dissoudre et coaguler ou
rassembler. Or, elle concerne, comme nous allons voir,
les deux plus grandes lois du monde physique et du
monde moral en rapport avec le Dieu suprême et
concernant le plus difficile problème : celui du Bien et du Mal.
Mais tout d’abord, le mal existe-t-il? Alors que son existence a été admise par
toute l’antiquité, il en est aujourd’hui qui déclarent qu’il n’a pas d’existence propre, qu’il
n’est que l’absence du bien ou le produit de notre imagination.
Or, est-il raisonnable de se cacher ainsi la tête sous l’aile comme l’autruche, en
déclarant que le mal n’existe pas? Il est probable que ceux qui parlent ainsi sont des
satisfaits de la vie qui n’ont connue aucune douleur ni physique, ni morale, qui n’ont
perdu aucun être cher, qui n’ont été victimes d’aucune des catastrophes qui se sont
abattues sur le monde au cours des dernières années, qui n’ont vu assassiner ou
emprisonner aucune des leurs, qui ne l’ont pas été eux-mêmes, qui ont conservé tout
situation et le toit qui les abrites, qui ne souffrent d’aucune terrible maladie comme le
cancer et la tuberculose, etc…
Il leur est alors facile de se désintéresser du problème du mal et d’oublier
égoïstement les souffrances des autres, mais les âmes sensibles ne peuvent s’empêcher de
souffrir en pensant à tous les maux qui accablent l’humanité. Ce ne sont que catastrophes
de toute nature, comme ces immenses incendies des forêts landaises qui ont failli détruire
notre Pignada et firent l’objet d’un deuil national, et il ne se passe pas de jour où nous
n’apprenions quelques nouveau désastre survenu en un point du globe.
Et n’oublions pas les maladies, les infirmités, les épidémies.
En réalité, tout souffre sur la terre. Tout lutte dans la nature; le minéral lutte
contre la force de destruction de ses éléments; les plantes luttent contre la sécheresse et le
froid; elles se disputent le soleil et la nourriture et s’entourent parfois d’épine pour se
défendre. Les espèces animales se font une guerre d’extermination et ne subsistent
qu’aux dépens les unes des autres. La plante souffre obscurément, car elle possède la
sensibilité; l’animal, qui possède, en outre, l’intelligence, connaît la douleur et la crainte
de la douleur (beuglements des bœufs emmenés vers l’abattoir, aboiements craintifs des
chiens en attente de la vivisection).
Et il y a les souffrances morales, l’angoisse, la peur, qui sont parfois plus cruelles
que les souffrances physiques. Tel est le cas de ces condamnés à mort que l’on fait
parfois attendre pendant de longues périodes avant leur exécution ou leur grâce.
Le mal existe donc dans la nature animée et inanimée, et il serait vain de le nier.
Je sais bien que l’on donne du mal diverses explications. Il est des souffrances que
l’on explique soit par la nécessité de l’expiation de fautes commises dans des existences
antérieures, soit par l’utilité des épreuves pour notre évolution spirituelle, un moyen de
progrès.
L’homme est un apprenti, la douleur est son maître,
Et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert.
A écrit Musset, et François Coppée a parlé de la «bonne souffrance». En d’autres
circonstances, il s’agirait de punitions infligées par la puissance divine. C’est ainsi que
dans la Bible mosaïque, Jéhovah détruit Sodome et Gomorrhe, demande de massacré des
Samaritains et fait exterminer les Cananéens. Et l’on entendit avec stupeur, lors de
l’incendie du Bazar de la Charité, qui fit tant de victimes il y a quelques années, le P.
Ollivier déclarer, dans la chaire de Notre-Dame de Paris, que ces malheureuses femmes,
réunies pour faire le bien, avaient été brûler vives pour punir la France de son impiété.
Mais il reste les catastrophes géologiques, tremblements de terre, éruptions
volcaniques raz de marée, qui font périr à la fois des milliers d’êtres humains, et ici l’idée
de la bonne souffrance ou d’une punition divine ne sont pas des explications suffisantes.
Alors se présente l’idée d’un esprit du mal dont le mazdéisme, comme le
manichéisme, le judaïsme et le christianisme ont enseigné l’existence sans en dégager la
nature.
Le problème du mal pose donc nécessairement la question de l’existence d’un
Dieu que l’on déclare infiniment bon et infiniment puissant, ce qui paraît inconciliable
avec l’existence du mal.
En réalité, les maux dont nous souffrons ont diverses causes. Il en est qui
proviennent de la cruauté, de la férocité de certains êtres qui n’ont au cœur aucune
sensibilité, aucun sentiment de pitié et se complaisent dans le mal avec une sorte de
volupté. Ils obéissent parfois à une idéologie qui les entraîne à des actes horribles, et l’on
a connu des révolutions sanglantes envoyant à la mort des hommes intègres et
commettant d’effroyables tueries au nom de la liberté et de l’égalité. De même, les
religions ont commis des crimes; la religion du Christ a eu des représentants féroces
oubliant la morale chrétienne :
Aimez-vous les uns les autres. Aimez vos ennemis.
L’Homo homini lupus reste un adage rempli de vérité, mais il se peut que les êtres
cruels soient à leur insu les agents d’une puissance invisible qui les pousse à faire le mal,
en profitant de la bassesse de leurs âmes.
S’il existe des êtres cruels, pervers, injustes, égoïstes, il existe aussi des êtres
pleins de bonté, de charité de justice, comme il existe des animaux inoffensifs et des
animaux féroces, et ces différences originelles posent une énigme aussi difficile à
résoudre que le problème du mal. Y aurait-il donc pour ces êtres deux origines
différentes?
Une autre cause provient de ce que notre créateur n’est pas omnipotent, car il
n’est pas le Dieu universel, le Dieu absolu que Wells, dans son livre si curieux Dieu
l’invisible roi, appelle l’Être voilé.
Cette distinction existe dans saint Jean et dans saint Paul, mais les théologiens
n’en tiennent pas compte et font de notre Dieu solaire, que Platon appelle le Démiurge,
l’équivalent du Dieu suprême (décision du Concile de Nicée).
Cette limitation est d’ailleurs figurée depuis des millénaires par le signe du soleil :
un point entouré d’un cercle, ce cercle représentant la limitation de sa puissance, alors
que le Dieu absolu peut être imaginé comme un point rayonnant à l’infini dans toutes les
directions.
Au cours de la création, le démiurge dut lutter contre les mouvements de la
matière terrestre à peine assagie de nos jours. En effet, il a utilisé la matière vierge, la
prima matera créée par le Dieu suprême, et celle-ci a été agitée par les forces qu’elle
renferme et dont nous allons parler. N’étant pas tout puissant, il ne peut pas plus
empêcher les catastrophes terrestres que les guerres dues à l’esprit des hommes, car celuici, comme la matière, sont indépendants de lui et proviennent du Dieu suprême qui est à
la fois Esprit et Matière.
Platon, dans le Timée, montre le démiurge formant l’univers «autant que possible
selon le Bien», ce qui signifie qu’il n’a pu faire mieux. Il n’a pas créé ex nihito; il s’est
servi d’une matière extérieure et mal obéissante.
Cette omnipotence de notre démiurge est la raison de l’imperfection de la nature
humaine.
Notre corps est une machine admirable, mais délicate, formée de 80%
d’hydrogène et d’oxygène. Ces deux bioéléments reconstituent le milieu marin où se sont
formés les premiers organismes. Dans ce milieu vivent les cellules. Une charpente
osseuse formée de calcium maintient le tout. La station verticale a été obtenue
tardivement; nous sommes des quadrupèdes redressés en équilibre instable, et cette
position engendre des descentes d’organes; c’est pourquoi la position couchée pendant un
tiers de la journée est nécessaire pour le repos du corps.
Les fonctions alimentaires et les fonctions digestives sont grossières; l’homme
doit tuer pour manger, car il est un animal carnassier, et le régime végétarien ne réussit
pas toujours à ceux qui veulent s’affranchir de cette horrible servitude.
Ce corps est exposé aux plus terribles maladies (cancer, tuberculose, lèpre) et à
des infirmités diverse (cécité, surdité, etc...).
Une chute ou un choc provoque des fractures de la charpente osseuse.
Il faut bien le reconnaître, le corps humain destiné à recevoir du démiurge l’influt
vital, l’intelligence et la parole, puis, du Dieu suprême l’étincelle spirituelle et la volonté,
n’est pas parfaite, parce que notre créateur n’est pas tout-puissant. Mais, dans sa
bienfaisance, il a mis à côté le remède; ce sont certains sanctuaires : Épidaure, Lourdes,
les sources miraculeuses, les eaux thermales bienfaisantes jaillissant du sein de la terremère et l’action vitalisante de ceux auxquels il donne ce pouvoir de guérison, dont parle
saint Paul dans son Épitre aux Corinthiens.
Et n’oublions pas que, pendant son court séjour sur la terre, il accomplit de
nombreuses guérisons, ressuscité des morts et chassa les démons.
Il y a autre chose encore, puisque, selon la doctrine hermétique, celui qui a trouvé
le secret de la pierre philosophale (qui est le Christ, dont le nom en égyptien signifie «le
possesseur du secret») possède l’élixir de longue vie, qui est aussi l’ambroisie ou
breuvage des dieux (des initiés) et ne connaît pas la maladie.
L’impuissance relative de notre créateur ne doit pas nous empêcher de lui vouer
nos pensées reconnaissantes, car c’est à lui que nous devons notre âme intelligente et
sensible. Elle constitue l’instrument permettant à notre esprit de progresser vers les joies
de plus en plus grandes de connaître et d’aimer. Notre moi, notre individualité, sont
appelés à grandir sans cesses, grâce à cet instrument, si nous en avons la volonté et le
courage. C’est donc grâce à l’animus que le spiritus se perfectionne à travers son éternel
voyage et ses métamorphoses successives. Je n’ai jamais oublié cette phrase venue de
l’invisible, alors que je me penchais sur le problème de la mort (au cours de recherches
qui durèrent dix ans) :
Regardez l’avenir, toujours l’avenir, car il est grandiose et sans fin.
Notre créateur ne peut donc être rendu responsable des maux qu’il n’a pu éviter,
et il lutte sans cesse contre les formes du mal. Wells, dans Mr Britting, dit :
Je suis incapable de penser à rien d’autre qu’à ce Dieu qui lutte et devra
finalement devenir le roi du monde.
Or il a besoin de nous. Pour parfaire son œuvre, il lui faut des collaborateurs, et
l’homme, fait à son image, éprouve le besoin ardent de créer. Ce besoin anime non
seulement les artistes, mais tous ceux qui s’efforcent de réaliser une œuvre sociale ou
philosophique; c’est lui qui pousse les dictateurs et les fondateurs d’ordre religieux, qui
provoque la multitude de sectes diverses, qui anima les compagnons constructeurs de
cathédrales; et, si l’homme ne peut créer dans l’esprit, il crée dans la chair; de là, la
quantité d’enfants qui naissent actuellement, ce qui constitue un grand danger pour un
proche avenir. Le but suprême de l’existence c’est de devenir un créateur, et notre
démiurge est passé lui-même par la série des existences humaines; c’est la raison de
l’insistance avec laquelle il s’est désigné par l’expression de «fils de l’homme», qui est si
inexplicable pour celui qui l’identifie au Dieu suprême.
Mais nous n’avons pas encore trouvé l’origine de certains maux qui ne peuvent
être attribués ni aux hommes, ni à notre démiurge. D’où proviennent-il donc?
Cahier Atlantis 1949