Mercredi 8 janvier 2014

Transcription

Mercredi 8 janvier 2014
Le Soir Mercredi 8 janvier 2014
Le Soir Mercredi 8 janvier 2014
8
Le Soir se donne dix
jours pour démont(r)er
huit clichés
qui collent à la peau
de la génération 25 ans.
Une enquête par
et pour les jeunes
(mais pas que !).
cliché n°3
© BELGA.
À 25 ANS…
Pierre-Olivier Beckers
JEAN-FRANÇOIS MUNSTER
© D.R.
L’OBJET CULTE
Est-il nécessaire de s’étendre
sur le nom de cette grosse
sucrerie bien chimique ?
Non, même si certains l’appelaient plus sobrement
« boule magique ».
Cette friandise, objet incontournable des cours de récré
dans les années 90, surprenait plutôt par le challenge
qu’elle proposait : la lécher
pendant des heures pour
découvrir le Graal, soit la bille
croquante (ou le chewinggum) qui se trouvait au milieu. Épreuve de longue haleine, car il fallait plusieurs
jours pour finir sa boule.
Quand la cloche sonnait, on
recasait donc son bonbon
dans la vieille poche de sa
veste (parfois dans son emballage), avant de poursuivre
sa quête à la prochaine récré… Quelle aventure !
XAVIER COUNASSE
Les écoles doivent-elles
s’ouvrir au monde du travail ? On en parle avec Bernard Rentier, recteur de
l’ULg, ce mercredi à midi sur
le site du Soir.
Olivier Luminet, professeur
de psychologie clinique à
l'UCL, parle des émotions et
du poids des nouvelles technologies. A lire sur
http://blog.lesoir.be/hashtag25/
Mardi 7/01
Mercredi 8/01
Jeudi 9/01
Vendredi 10/01
Samedi 11/01
Lundi 13/01
Mardi 14/01
Cliché n°1 : Les jeunes sont
tous diplomés mais sans
travail
Cliché n°2 : Pour les jeunes,
le sexe n’est plus tabou
Cliché n°3 : Les jeunes
sont angoissés
Cliché n°4 : Les jeunes
sont débrouillards
Cliché n°5 : Tous les jeunes
voyagent tout le temps et
partout
Cliché n°6 : Les jeunes
ne s’engagent plus
Cliché n°7 : Tous les jeunes
sont connectés au Net
Cliché n°8 : Les
jeunes
n’ont plus de combats
Une société plus
anxiogène et des
parents qui
doutent : de quoi
inquiéter la jeune
génération.
L’AVIS DES PARENTS
Des troubles alimentaires
qui commencent à 25 ans
’anorexie serait particulièrement
présente dans la génération des
25 ans ? C’est l’impression que beaucoup d’entre eux ont parce qu’ils
connaissent quelqu’un qui en a souffert ou parce qu’ils ont vu des reportages à la télévision… Mais pour le
Docteur André Passelecq, psychiatre
et directeur thérapeutique du groupe
hospitalier La Ramée – Fond’Roy à
Bruxelles, qui accueille des jeunes
anorexiques, « les vrais troubles alimentaires (comme l’anorexie grave)
n’ont pas statistiquement augmenté.
Ceux-ci existent depuis le 2ème ou 3ème
siècle. Simplement on en parle davantage aujourd’hui. Peut-être que
les “petites” anorexies ont augmenté,
celles qui concernent les jeunes
femmes qui perdent 7 à 8 kilos et
L
ifficultés à trouver un emploi,
un logement, peur de s’engager
là où leurs parents ont échoué, à
savoir leur vie de couple, dérèglement climatique… Les
jeunes de 25 ans ont toutes les raisons
d’être inquiets mais le sont-ils ?
Le Dr Pitchot, expert psychiatre au CHU
de Liège, estime effectivement que les
jeunes sont plus angoissés qu’avant, en raison d’un contexte global anxiogène qui
suscite de l’incertitude et du pessimisme.
Il épingle la tendance des jeunes à ne rien
dire lorsqu’ils sont en souffrance. Ceux-ci
entament aussi difficilement les démarches pour obtenir de l’aide, même si,
« heureusement, ils le font de plus en
plus ». Le spécialiste évoque encore un aspect rassurant : « Les jeunes sont plus raisonnables que les générations précédentes.
On entend souvent dire qu’ils sont moins
motivés ou moins courageux. C’est un jugement de valeur erroné. Au contraire,
ils ont une sagesse qu’on n’attend
pas particulièrement à cet âgeParmi les
là. Ils sont conscients qu’ils
Belges francopeuvent aller mal, qu’ils
peuvent ressentir du stress au phones déprestravail, donc, ils anticipent et
sifs, 9 % ont
se protègent. Et ils ont rain’est pas anodine : 9 % de la
entre 18 et 25 population
son ! »
va faire une attaque
ans
« La majorité des gens qui
de panique dans sa vie. La phobie
viennent me consulter ont entre 18 et
sociale (la peur de parler en public,
30 ans, déclare le Pr Alain Luts, psychiatre d’aller dans les lieux publics…), elle,
spécialiste des troubles anxieux aux Cli- touche 11 à 12 % de la population.
niques universitaires Saint-Luc. Le plus
En 2012, le « Thermomètre des Belges »
classique est la crise de panique. La per- sur l’état psychologique de la population –
sonne a des vertiges ou elle tombe dans les et dans lequel le Dr Pitchot livrait une anapommes. Elle consulte son médecin trai- lyse – révélait que 5 % des Belges francotant qui ne détecte rien au niveau médical. phones sont dans un état dépressif sévère
Les épisodes se reproduisent et la personne ou modérément sévère. Parmi eux, les
va voir un pneumologue, un cardiologue… jeunes (de 18 à 25 ans) sont plus nombreux
avant d’arriver ici ». La crise de panique que les plus âgés (61 ans et plus) : 9 %
© WAVEBREAK
MEDIA
contre 1 %. Les tentatives de suicide diminuent aussi avec l’âge : 14 % des 18 à 25
ans, 9 % pour les 26 à 35 ans et 7 % pour les
36 à 60 ans…
« On ne nous dit pas ce qui rend
heureux ! »
Pour le Pr Luts, « les jeunes sont face à
des parents qui doutent très tôt : ils refusent d’acheter un GSM à leur gamin
mais quand celui-ci leur dit que tous ses copains en ont un, ils hésitent. Les parents ne
savent plus quelles valeurs adopter et c’est
une source d’anxiété pour leurs enfants.
Pour être réconforté, il faut quelqu’un de
solide en face. Or, les parents eux-mêmes
sont inquiets : “Ma mère stresse presque
plus que moi parce que je n’ai pas de boulot” pensent certains ». Il poursuit : « La
société est extrêmement prescriptive : tout
le monde sait qu’il faut manger 5 fruits et
légumes par jour, faire du sport, ne pas fumer, ne pas boire. On nous dit tout ce qu’on
ne peut pas faire mais pas ce qui rend heureux ! Qu’est-ce que je peux encore2 faire ?
Créer ma famille ? On n’a plus de modèle et
pas toujours l’argent ! Quand j’ai terminé
mes études, tout le monde achetait une
maison mais aujourd’hui les exigences des
banques sont horribles. Il n’y a plus beaucoup
de place pour le plaisir. Si vous en prenez, on
vous le reproche et celui qu’on aimerait avoir
comme modèle est lui-même dans le doute ».
Pour le Dr Pitchot, la situation actuelle des
jeunes doit interpeller le monde. « Il faut
faire preuve de créativité au niveau politique. C’est une vraie priorité. Il est urgent de
redonner espoir à cette génération. » A l’approche des élections, l’appel est lancé. ■
ANN-CHARLOTTE BERSIPONT
et VIOLAINE JADOUL
les raisons Les 5 principales sources d’inquiétude pour les jeunes
Top 5 des sources d’angoisse citées spontanément par les jeunes - Chiffres en %
18 - 35 ans
Moyenne
globale
LE SOIR - 08.01.14 - Source : Le thermomètre des Belges de Solidaris « Comment allons-nous », 2012
29
Moyenne
globale
32
52
La santé
Le travail
Le travail
Nous le révélions dans ces colonnes le
6 janvier : du haut de leurs 25 ans, ils
sont plus de 20.000 à chercher un
emploi, soit un jeune sur sept. A cet
égard, les résultats du « Thermomètre
des Belges » de 2012 sont éloquents :
43 % des jeunes de 18 à 35 ans mentionnent le travail spontanément
comme source d’angoisse ! Le pourcentage grimpe encore à 49 % pour les
étudiants. Deux aspects sont à prendre
en compte : la peur de ne pas trouver
d’emploi et, si l’on décroche un job, le
stress occasionné par un boulot effectué dans un contexte économique
difficile. « Nous vivons dans un contexte
qui favorise le pessimisme des jeunes
mais aussi l’inquiétude des parents »,
analyse le Dr Pitchot, expert psychiatre
à l’Université de Liège et commentateur du « Thermomètre des Belges ».
Un point positif tout de même : « Je
crois que les jeunes sont très conscients
du contexte professionnel dans lequel ils
évoluent et qu’ils parviennent à anticiper
et à être raisonnables. Et si ce n’est pas le
cas, je les y encourage, car il ne faut pas
attendre d’être malade pour réagir. »
A.-C.B.
29
27
21
Le pouvoir d’achat
La maison
La crise
économique
« Les 18-25 ans manifestent une grande
perte de confiance envers le système
économique. Et, encore plus inquiétant,
53 % des jeunes ne pensent pas que les
gouvernants politiques vont agir pour
améliorer la qualité de vie de la population, contre 47 % en moyenne », détaille
le Docteur William Pitchot, en commentant le « Thermomètre ». Trois
jeunes sur dix s’inquiètent pour leur
pouvoir d’achat, ce qui est davantage
que la moyenne tous âges confondus
(21 %). Les étudiants sont particulièrement inquiets (34 %). Le DocteurPitchot explicite la problématique :
« Je pense qu’il y a un plus grand désir
de possession qu’avant avec les nouvelles technologies et les jeunes ont
beaucoup d’exigences à cet égard. Mais
je ne dirais pas que c’est la préoccupation principale des jeunes. Ce qu’ils
veulent, c’est avant tout être heureux.
Dans ce cadre, le pouvoir d’achat est un
élément important pour se sentir en
sécurité et obtenir le minimum, un toit et
de la nourriture. Mais ce n’est pas un but
en soi ».
A.-C.B.
Cette source de stress ne provient pas
du thermomètre des Belges mais bien
d’une enquête réalisée par ILIV, l’Observatoire de la vie à la maison, auprès de 4.000 Belges. Quels sont les
enseignements pour la tranche d’âge
20-29 ans ? 15,6 % des jeunes
pensent qu’avoir une maison à soi
constitue une source de stress. Quand
ils en ont une… Ce qui est loin d’être
toujours le cas. 75,4 % des sondés
déclarent qu’acheter une maison est
inenvisageable pour eux à l’heure
actuelle. Enfin, 80,5 % des jeunes
estiment qu’il est très difficile d’épargner pour un prêt en ayant un loyer
mensuel à payer… Katya Van Putten,
qui a coordonné l’enquête, analyse :
« 44 % des Belges sont convaincus qu’ils
sont heureux seulement s’ils ont leur
propre maison. Ce pourcentage est
même plus grand chez les jeunes
(55 %), car ils imitent ce qu’ils observent chez leurs parents. » Elle poursuit : « Les jeunes ont plus de difficultés
qu’avant d’acheter une maison, à cause
de la crise. De nombreux 20-29 optent
pour la colocation, mais ce n’est pas
pour le plaisir : il y a des raisons financières derrière. »
10
La solitude, l’isolement
4
13
Violence
20
Les grands problèmes de la société
(environnement, économie,...)
La vie
de couple
Les grands
problèmes
de ce monde
L’économie, le réchauffement climatique, l’écart Nord-Sud… Les 18-25
ans semblent un peu moins préoccupés par les problèmes globaux que
leurs aînés : ils sont 12 % à s’inquiéter pour cette thématique contre
20 % en moyenne pour tous les âges
confondus. Les demandeurs d’emploi
se sentent davantage concernés
(37 %), tout comme les plus de
51 ans (30 %). Selon le Dr Pitchot,
« les jeunes sont plus préoccupés par
ce qui les concerne directement. En
plus, ils ont toujours grandi dans ce
monde incertain, alors que les générations précédentes ont connu une période sans crise. Mais cela ne veut pas
dire que les jeunes ne sont pas inquiets
pour les grands problèmes de ce
monde. Cela génère de l’insécurité,
bien évidemment ». Notons encore
que 32 % des 18-25 ans se disent
inquiétés par leur santé, contre plus
de 70 % des plus de 51 ans.
A.-C.B.
A.-C.B.
12
Le « Thermomètre des Belges »
montre que les jeunes craignent la
solitude. Etonnamment, là où la
moyenne est de 10 % d’inquiétudes,
le pourcentage des jeunes grimpe à
27 % ! « Ce qui est interpellant dans
cette enquête, c’est que les jeunes
manifestent beaucoup d’angoisse
concernant un potentiel risque de
conflit ou de séparation avec le
conjoint. 49 % des 18-25 ans s’en
inquiètent lorsqu’on leur pose la question, contre 20 % en moyenne »,
commente William Pitchot. « La vie
de couple est un grand défi, très difficile pour les jeunes d’aujourd’hui,
même s’ils ont envie d’y croire, explique le spécialiste. Il y a deux piliers fondamentaux dans la vie, le
professionnel et le personnel. On peut
supporter qu’un des deux piliers vacille. Si les deux s’effondrent, cela
devient très difficile… Or, nous
sommes dans un contexte où la vie
professionnelle est très instable. Je
pense que les jeunes ont plus de difficultés que les autres car ils ont moins
de barrières protectrices. »
A.-C.B.
8
lier féminine – est soumise à la pression de l’industrie agroalimentaire et
de la publicité qui poussent à
consommer à toute heure et le plus
possible des choses qui ne sont pas
spécialement bonnes et en même
temps à la pression de la mode et des
médias qui imposent la minceur et
la perfection physique ». Mais elle
précise toutefois que « si nous
sommes dans une société qui favorise
la survenue de ces troubles, il y a des
composantes génétiques qui interviennent chez certains individus plutôt que chez d’autres et dans certains
systèmes familiaux plutôt que dans
d’autres ». Le Docteur Passelecq estime lui que « la mode ou les mannequins ne créent pas l’anorexie. Ses
causes sont plus existentielles, plus
puis les reprennent. Ces troubles
touchent 10 % de jeunes mais ils s’arrangent bien souvent sans consultation. Par contre, la boulimie nerveuse
est un trouble plus récent, depuis cinquante ans environ ». Les troubles
alimentaires sévères touchent, eux, 1
à 2 % de la population belge, selon le
Docteur Passelecq.
Pour Isabelle Maisin, psychiatre
spécialisée en troubles alimentaires
aux Cliniques universitaires SaintLuc, « l’anorexie existe depuis toujours mais la fréquence de ces
troubles alimentaires – anorexie,
boulimie et “binge eating disorder” –
est en augmentation dans nos sociétés occidentales ».
Certains estiment que les diktats
de la mode et notamment la maigreur imposée jusqu’il y a peu aux
mannequins jouent un rôle non négligeable dans la survenue de ces
troubles alimentaires. Pour Isabelle
Maisin, « la population – en particu-
« Les parents transfèrent
leurs angoisses
aux jeunes »
Jacqueline, 53 ans, est psychologue et mère de trois enfants,
de 18, 26 et 29 ans. Dans son
entourage, elle entend de nombreux jeunes inquiets pour leur
avenir, ne serait-ce que pour
obtenir le strict minimum : un
toit, un travail, de la nourriture. Ils sont de plus en
plus à avoir peur de ne pas s’en sortir. Pour elle, les
jeunes subissent la pression de la société mais
aussi celle de leurs parents. « Je pense que je suis
plus angoissée pour mes enfants que mes propres
parents ne l’étaient. Ils sont la prunelle de nos yeux.
Vu le contexte maussade, on veut leur épargner les
difficultés de la vie, donc on les couve… D’ailleurs, j’ai
parfois l’impression qu’on les a trop protégés. A mon
époque, lorsqu’on ratait le bus, par exemple, on explorait nos ressources… Aujourd’hui, j’ai le sentiment que
les jeunes se retournent plus vers leurs parents qu’auparavant. Ils se retrouvent désarmés face à l’angoisse. »
© D.R.
A.-C.B.
Les troubles alimentaires se déclenchent souvent vers 13-14 ans,
au début des études secondaires
fondamentales. L’anorexie et la boulimie sont de vraies maladies. Aucune maladie n’est provoquée par la
société. Peut-être que les angoisses le
sont mais pas l’anorexie et la boulimie ».
Les troubles alimentaires se déclenchent généralement vers 13-14
ans, à la fin des primaires ou au début des études secondaires. Judith
Dereau, psychiatre à la Clinique La
Ramée note qu’avant « les jeunes de
25 ans qui arrivaient ici venaient
pour des rechutes. Aujourd’hui, il y a
peut-être plus de jeunes qui commencent des problèmes alimentaires
à cet âge ». Pour le Docteur Passelecq, cela pourrait s’expliquer par le
fait qu’« on retarde le phénomène
“Tanguy” : les parents s’habituent à
avoir leurs jeunes à la maison, les
jeunes se mettent plus tard en couple.
Tout le monde trouve son équilibre
mais à un moment, ça casse ». ■
V. Ja.
L’AVIS DE L’AVATAR
Sophie
NÉE LE 05/06/1988 À ANVERS
Conseillère pour le cabinet
de Bruno De Lille (Groen)
Célibataire
Le lecteur
Le fabuleux destin Destiny’s Child cassette
d’Amélie Poulain Bootylicious Fisher Price
« On nous en demande beaucoup »
« On nous fait croire que l’économie doit croître et que la croissance, c’est le bonheur. Mais ce n’est pas le cas ! Simplement une
économie plus stable nous rendrait plus heureux. Mais, c’est clair,
on nous en demande beaucoup. Aussi, on a tellement accès à
l’information. Je me sens parfois angoissée oui, c’est quotidien.
Mais je crois qu’il faut rester lucide et filtrer toutes ces informations. En ce qui concerne l’avenir du pays, je crois qu’on doit plus se
parler. Rencontrer l’autre, discuter. En Flandre, il y a vraiment cette
peur qui vit, et à cause de cela, les gens votent plus aux extrêmes.
Ça me fait peur aussi mais je me dis que la solution pour contredire cette peur et cet extrémisme, c’est juste de se rencontrer. C’est
dommage que les gens qui habitent à Courtrai n’aillent pas plus
souvent en Wallonie. » Les avis des autres avatars seront à
découvrir aujourd’hui sur http://blog.lesoir.be/hashtag25/.
E.BL.
LE TROUBLE TYPIQUE
18 - 25 ans
43
9
Les jeunes sont plus angoissés que leurs aînés
D
« C’est un âge charnière pour
moi, le moment où je suis
vraiment devenu un homme.
Peut-être est-ce dû au fait que
c’est l’âge auquel mon frère
est décédé », débute l’ancien
CEO de Delhaize. Il poursuit.
« Sur le plan humain, 25 ans,
c’est l’âge auquel je suis devenu père pour la première fois.
Sur le plan professionnel, c’est
à 25 ans que j’ai vraiment
vécu ma première expérience
en tant que manager. Je vivais
aux Etats-Unis à l’époque et je
dirigeais un grand magasin de
5.000 mètres carrés appartenant à Delhaize, après m’être
formé deux ans au métier. »
La couille
de mammouth
Lundi 6/01
La « quarterlife crisis »,
la crise du quart de siècle
Le saviez-vous ? Les 25 ans ont
leur « crise » bien à eux ! On
connaît assez bien la crise d’adolescence, celle de la quarantaine…
Mais celle des « adulescents » est
moins célèbre. Le concept nous
est importé d’Amérique. En 2001,
Alexandra Robbins et Abby Wilner publient l’ouvrage « Quarterlife
Crisis, the Unique Challenges of Life
in your Twenties » (La crise du
quart de vie, les épreuves exceptionnelles de votre vingtaine).
Cette époque, c’est celle du passage à l’âge adulte. Après environ
deux décades d’études, où chaque
étape est clairement marquée,
les jeunes doivent opérer un
grand nombre de choix – au niveau de la carrière, de l’argent,
du logement, des relations affectives… Une série d’inconnues qui
ne manquent pas de générer de
l’angoisse, du stress et même de
la déprime. C’est, finalement, la
confrontation avec le monde réel.
L’idée commence à se répandre
chez nous. La caractéristique de
cette crise est qu’elle s’opère
généralement de manière discrète
et lancinante. Elle se déroule en
cinq phases. Premièrement, l’adulescent se sent à l’étroit et a l’impression d’agir comme un mouton. Puis il décide de quitter les
rangs… Ce qui mène à une rupture avec tout ce qui représente le
confort du passé. Ensuite vient la
reconstruction… Et la renaissance,
via de nouveaux projets.
A.-C.B.
Alice « Je ne trouvais pas ma place »
Aujourd’hui, Alice parle de peu d’énergie alors je faisais le crise économique mais Alice le
TÉMOIGNAGE
lice (prénom d’emprunt) l’anorexie au passé même si elle minimum. Après, c’est très dur ressent comme un échec : « Je
est une jeune femme de 25 avoue continuer à recourir de de recommencer à manger parce pense que c’est pire encore que
ans. Lorsqu’elle était âgée de 17 temps en temps à cet « outil ». que l’estomac s’habitue. Il garde l’anorexie. Ici, je me suis vraians, elle est tombée dans l’ano- « Ça reste une fragilité pour cela en mémoire ». Au total, il ment sentie inexistante, bonne à
rexie. Elle devra se faire hospi- moi. Quand ça ne va pas, je re- lui faudra cinq ans pour « réap- rien alors que j’avais fait cinq
taliser deux mois. Mais tout trouve cette sensation de soula- prendre à (aimer) manger. Je ans d’études et que jusqu’à prén’est pas réglé alors elle rechute gement immédiat mais aujour- n’en suis pas très fière mais à sent j’avais toujours tout réussi
deux fois à l’université pendant d’hui je ne me laisserai pas tom- un moment donné c’était la dans la vie. Là j’ai vraiment
le blocus et se fait hospitaliser à ber aussi bas. Par exemple je rechaque fois trois semaines. perds 3 kilos mais ça ne va pas « L’anorexie n’était pas une source d’angoisse, c’était un
« L’anorexie n’était pas une plus loin parce que je n’ai pas outil pour pallier mes angoisses »
source d’angoisse, c’était un ou- envie de retourner par où je suis
til pour pallier mes angoisses, passée. L’anorexie m’a bouffé seule manière de pouvoir vivre connu l’angoisse : ne pas pouvoir se lever le matin, avoir enprécise-t-elle. Je n’étais pas toute mon adolescence. Ça m’a ma vie ».
En 2012, Alice termine ses vie que le plafond vous écrase.
bien. Angoissée ? Je n’en sais coupé socialement. Parce que la
table par exemple, c’est études (un diplôme d’une uni- J’ai l’idée que sans métier, on
rien. Je ne trouvais pas ma
quelque chose qui ras- versité et d’une haute école). n’est rien. Un métier donne un
place ».
les jeunes. Or Après un CDD de trois mois, statut, un revenu et il permet de
Son anorexie ne s’est
Les troubles semble
moi je ne mangeais qui ne la valorise pas (tant sur se désolidariser de ses parents.
pas déclenchée avec
alimentaires
pas, je ne buvais le plan humain qu’au niveau De prendre son envol. Si on veut
les diktats de la
mode : « Je n’étais sévères touchent pas. Donc ça exclut professionnel), elle se lance à la sortir par exemple, il faut de
de la vie sociale. Et recherche d’un emploi. Une l’argent. Mais c’est comme cherpas grosse, je n’ai ja1 à 2 % de
puis je tournais au quête qui durera cinq mois. Ce- cher une aiguille dans une botte
mais été grosse. Pour
la population ralenti : j’avais très la peut sembler peu au vu de la de foin. On ne nous prépare pas
moi c’était un moyen
à ça : on nous dit “faites des
de m’exprimer, de dire
études pour trouver un travail
que j’étais là. J’ai renconmais ce n’est plus vrai”. C’était
tré des anorexiques qui vouune période plus courte que
laient maigrir à tout prix. Pour
l’anorexie mais là j’étais vraimoi, ce que je faisais était utile
ment angoissée et je n’en voyais
alors que ce qu’elles faisaient
pas le bout ».
était inutile. Je n’acceptais pas
À la fin 2013, Alice trouve un
qu’elles fassent souffrir leur
stage de six mois au terme descorps juste pour mincir. L’anoquels on lui propose à présent
rexie est un soulagement très
de l’engager. Une belle preuve
immédiat – en faisant du sport
de ses compétences. « Trouver
à l’excès, en me faisant vomir –
un boulot n’a pas tout résolu
ça me servait à évacuer ma
mais je suis valorisée dans ce
souffrance. Le problème était
que je fais », sourit-elle. ■
plus profond mais c’était l’outil Alice, 25 ans, raconte son angoisse de ne pas trouver un emploi.
que j’avais trouvé ».
© RENÉ BRENY
VIOLAINE JADOUL
A
)G
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