Les anorexiques naissent dans des familles ``air bag` - Eki-Lib

Transcription

Les anorexiques naissent dans des familles ``air bag` - Eki-Lib
Le Lundi 13 Juin 2005/ Le Journal De Québec
Les anorexiques naissent dans
des familles « air bag »
Les jeunes souffrant d’anorexie sont de véritables éponges émotionnelles absorbant les
émotions de leurs parents, qui les enferment depuis leur petite enfance dans une bulle
surprotectrice, soutient le DrVincent Dodin, professeur agrégé en psychiatrie à la Faculté de
médecins de Lille, en France.
Spécialiste des troubles
alimentaires chez les jeunes,
le Dr Vincent est coauteur du
livre Comprendre l’anorexie,
publié aux éditions du Seuil.
Conférencier, cette semaine,
à l’université Laval, le
psychiatre fait appel à
différentes approches pour
traiter l’anorexie, dont la
psychothérapie,
la
musicothérapie,
l’ergothérapie et la nutrition.
On estime que 3% des
femmes seront affectées par
un trouble de l’alimentation
au cours de leur vie.
L’anorexie frappe, dans la
majorité des cas, des jeunes
filles de 12 à 20 ans.
« L’anorexie, c’est gommer
la féminité du corps. Elle
touche des adolescentes pour
lesquelles les modifications
corporelles, sein, pilosité,
sont très angoissantes. »
Famille « air bag »
« Les familles des jeunes
anorexiques
sont
en
apparence
exemplaires,
idéalisées.
Ce sont des
familles ‘air bag’ dans
lesquelles les parents vont
satisfaire, voire anticiper,
tous les besoins de leurs
enfants.
Le couple est
relégué au deuxième rang, les
parents ne vivant qu’en
fonction de leurs enfants.
Les rapports sont figés au
stade parents tout petits, de
sorte qu’à l’adolescence, la
jeune fille n’arrive pas à
s’émanciper de cette bulle
familiale, du monde de la
petite enfance », a observé de
Dr Vincent.
Les recherches du Dr
Vincent l’ont de plus conduit
à associer l’anorexie à des
non-dits
familiaux,
des
secrets de famille dont
soufrent les parents et que
portent, inconsciemment, ces
jeunes filles sur leurs épaules.
Le Dr Vincent a relaté le cas
de cette jeune anorexique,
obsédée par la ponctualité.
« Cette jeune femme.
Même âgée de 18 ans, ne
pouvait se permettre d’avoir
cinq minutes de retard, car sa
mère angoissait de façon
extrême. Nous sommes allés
voir la mère et celle-ci nous a
révélé que sa propre mère
avait
un
comportement
surprotecteur. En route vers
l’école, elle faisait demi-tour,
si elle entendait des sirènes
de police, afin de rassurer sa
mère que rien ne lui était
arrivé. »
« Nous sommes alors
remontés jusqu’à la grandmère. Cette dernière avait
connu la guerre, enfant, dans
une ville évacuée durant des
bombardements. Alors que le
reste de sa famille avait pu
Par Johanne Roy
quitter la ville, dans un
premier véhicule, la petite
était restée bloquée là
pendant six mois, sous les
bombes », a mis en lumière le
psychiatre.
Selon ce dernier, ces
secrets de famille peuvent
aussi bien concerner les
grands-parents maternels que
paternels, maladie honteuse
ou psychiatrique, assassinat,
extorsion
et
autres
« fantômes » qui hantent les
parents et se répercutent sur
leurs
enfants.
« Les
adolescentes
souffrant
d’anorexie ont développé un
sixième sens pour lire dans le
cœur de leurs parents. Au
lieu d’être à l’écoute de leurs
propres besoins. »
« C’est incroyable l’inouïe
violent ce que ces jeunes
filles anorexique exercent
envers leur corps.
On
remarque aussi que certains
pères sont à ce point proches
de leur filles, surprotecteurs,
qu’elles ne supportent pas
qu’ils les voient dans leur
corps de femme », a pour
suivi le Dr Vincent.