Anorexie par-ci.

¾ Anorexie par-ci. Anorexie par-là. Mais au fait, l’Anorexia, c’est quoi ?
Extrait de « lève-toi et Mange »
Un 12 janvier 1971, j’entre en collision frontale avec la vie et petit à petit, je
m’accroche à l’anorexie.
Anorexie par-ci, anorexie par-là.
Mais au fait, l’anorexia, c’est quoi ?
Une analyse freudienne cantonne « l’anorexie comme une maladie qui voit le corps
anorexique comme le symbole d’une régression. Il est également possible qu’une
anorexique tente de marquer, de manière ratée et narcissique, son absolue
indépendance face aux besoins de l’enfance qu’elle souhaite anéantir par tous les
moyens. »
(…)
Au vu du nombre de tentatives d’explications existant sur le grand marché de la
santé, l’anorexie reste un mystère pour les experts. Pour moi, en tout cas, que cette
maladie méphistophélique soit une énigme, je m’en fous. Je m’en contrefous. Un
point c’est tout. Point barre. J’en ai marre :
L’anorexie, je la vis. Je la subis chaque jour, chaque nuit.
Aucun répit.
Miss Anorexie, c’est Lucifer. L’enfer sur terre. C’est un cauchemar éveillé qui arrive
sur la pointe des pieds, l’air de ne pas y toucher-couler. Nager. Marcher et marcher
et nager et marcher… pour m’épuiser, pour me suicider.
Cette satanée maladie éprouve un malin plaisir à grignoter, à coups de Troubles
Obsessionnels Compulsifs un coin du cerveau et puis un autre et puis encore un
autre, qu’elle aurait oublié.
Elle finit par ronger la peau, les muscles et en faim, les os qui crécellent à chaque
pas.
Marche ma fille, marche… vers la mort.
Un pas fait n’est plus à faire.
Cette chienne galeuse ne s’arrête pas en si bon chemin. Elle kidnappe les neurones
devenus champions en calcul de calories, en classement d’aliments ultra light :
interdit de matières grasses, de féculents (je n’ai pas envie d’avoir l’air d’une grosse
patate, moi !). Quant aux viennoiseries, elles sont carrément bannies. La liste des
interdits est longuissime.
Et vivent les régimes « dragoniens ». Le but ultime est de se laisser crever… de faim
mais pas de soif.
Il faut boire des litres et des litres d’eau, de coca light pour (s’)éliminer et, pour
relever le goût, ajouter des p’tites dragées laxatives car… la vie, ça fait vraiment trop
ch…
Entre deux gorgées, chiquer est fortement re-commandé histoire de remâcher (sa
colère) avec des chewing-gums à « s’enfer » péter.
Par degrés, j’ai donc méprisé l’art de la table, du partager et du recevoir au sens le
plus large du terme. Mon arrogance envers les nourritures terrestres est inversement
proportionnelle à mon fantasme illimité pour la pureté de l’esprit. Je veux être
parfaitement irréprochable au niveau intellectuel.
Ça m’enivre tant que j’en oublie de manger. J’suis pétée, complètement givrée. Je
vole dans le monde des idées. J’veux aller haut, toujours plus haut, tel est mon
credo. La barre, je la place à la hauteur de l’inaccessible étoile.
Je fais ma p’tite Star.
De la connaissance, je n’en ai jamais assez.
Au banquet du savoir,
je suis une affamée.