Avantages collectivement acquis : vers une évolution ?
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Avantages collectivement acquis : vers une évolution ?
STATUT Avantages collectivement acquis : vers une évolution ? RESSOURCES HUMAINES Primes de fin d’année, de vacances, de départ à la retraite, treizième mois : le régime de ces avantages collectivement acquis demeure incertain. Le juge a en effet constamment sanctionné l’illégalité de la modification des conditions d’attribution de ces avantages. Depuis 2008, il semble implicitement, reconnaître que de telles pratiques sont possibles. UN MAINTIEN SOUS CONDITIONS Î Jennifer Riffard 48 A vant l’intervention de la loi du 26 janvier 1984, les collectivités publiques avaient développé, sans aucun fondement légal ou réglementaire, et donc de façon irrégulière (en application du principe « pas d’indemnité sans texte »), une pratique tendant à subventionner des associations parapubliques (comités des œuvres sociales ou amicales du personnel) afin que celles-ci servent aux agents publics divers avantages non prévus par le statut et notamment des compléments de rémunération. Le législateur de 1984 a choisi de ne pas supprimer brutalement ces diverses primes irrégulières, qualifiées « d’avantages collectivement acquis », mais de figer ces avantages, dans le cadre de l’article 111 de la loi : c’est-à-dire que les collectivités ont été autorisées à maintenir ces primes, dès lors que celles-ci avaient été créées avant l’entrée en vigueur de la loi statutaire. [email protected] Avocat Michaël Verne [email protected] Avocat Itinéraires Droit Public Deux conditions sont toutefois nécessaires au maintien de ces primes : les collectivités doivent les verser elles-mêmes, et les crédits correspondant doivent être inscrits au budget des collectivités. S’agissant des conditions d’attribution des avantages collectivement acquis, le juge administratif considérait traditionnellement que celles-ci ne pouvaient être modifiées postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984. Néanmoins, il semble que cette position ait évolué, et que le juge soit désormais enclin à reconnaître la légalité de décisions modifiant les conditions de leur attribution. LA POSITION TRADITIONNELLE DU JUGE : UNE MODULATION IMPOSSIBLE Le juge administratif considérait, par principe, que ni les autorités titulaires du pouvoir de nomination1, ni les assemblées délibérantes des collectivités publiques2, ne pouvaient modifier le régime des avantages collectivement acquis, dans la mesure où ces “ Il semble que le juge administratif ait opéré un revirement de sa jurisprudence ” La Lettre du cadre territorial • n° 423 • 1er juin 2011 RH-statut.indd 48 25/05/11 14:50 “ Le juge se réfère à des délibérations postérieures à l’entrée en vigueur de la loi ” primes ne pouvaient être régies que par les règles fixées antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984. Ces décisions nous semblent suivre la logique même de la loi du 26 janvier 1984, laquelle, en légalisant les dispositifs de primes mis en place irrégulièrement avant son entrée en vigueur, entendait figer l’attribution de ces avantages collectivement acquis. Cette position était en outre confirmée par d’autres décisions reconnaissant la légalité de délibérations dans la mesure où celles-ci ne faisaient que confirmer le régime des primes tel qu’il était défini avant 1984, s’agissant de la modulation, en fonction du temps de présence des agents, d’une allocation vacances3, ou encore d’une prime de treizième mois4. Par ailleurs, l’impossibilité de modifier le régime d’attribution des avantages collectivement acquis est également opposée par le juge s’agissant de la question de la revalorisation de ces primes5. Ainsi, le juge6 considère que « si aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que le montant des primes en cause fasse l’objet d’une revalorisation, même si l’augmentation qui en résulte aboutit à une évolution de leur montant plus rapide que l’évolution des traitements de la fonction publique, une telle revalorisation ne peut être légalement décidée que si elle constitue, au même titre que la prime elle-même, un avantage acquis qui doit être maintenu au profit de ses bénéficiaires en application des dispositions susmentionnées de l’article 111 de la loi du 26 janvier 1984 ». Par conséquent, le montant des avantages collectivement acquis attribués aux agents ne peut être revalorisé que dans l’hypothèse où une clause de revalorisation existait au moment de la promulgation de la loi du 26 janvier 19847. En application de ces jurisprudences, les collectivités étaient tenues d’attribuer à leurs agents les avantages collectivement acquis dans les conditions prévues par les régimes mis en place avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984. Néanmoins, il semble que le juge administratif ait opéré un revirement de sa jurisprudence, et qu’il admette désormais que les Offre spéciale d’abonnement assemblées délibérantes modifient le régime de l’octroi des avantages collectivement acquis. ➜ page 26 2008 : UNE ÉVOLUTION IMPLICITE Le Conseil d’État, par un arrêt en date du 21 mars 20088, a jugé que « ni les délibérations des 24 mars 1997 et 9 février 1998 par lesquelles le conseil municipal de Bergheim a décidé de maintenir la prime de fin d’année qui avait été mise en place avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984, ni la délibération du 31 mars 2003 par laquelle il a pris en compte le montant de cette prime dans le budget de l’année 2003, n’ont modifié le régime d’octroi de cette prime qui n’était subordonné à aucun critère ». Ainsi, si cette décision ne reconnaît pas explicitement la possibilité de modifier, par délibération postérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984, le régime des avantages collectivement acquis, il nous semble toutefois que le juge admet une telle modification dans la mesure où il se réfère, pour déterminer le régime de l’attribution de la prime, à des délibérations postérieures à l’entrée en vigueur de la loi, qui justement n’avaient pas entendu modifier ledit régime. Dans cette affaire, le rapporteur public, M. Terry Olson a fondé son analyse et ses conclusions9 sur la décision « Commune de Saint-Rémy-de-Provence »10, par laquelle le Conseil d’État avait jugé qu’une délibération antérieure à l’entrée en vigueur du décret du 6 septembre 1991, ne pouvait modifier les conditions d’attribution de la prime de fin d’année sans porter atteinte à cet avantage indemnitaire, acquis sur le fondement de l’article 111 de la loi du 26 janvier 1984. UNE POSSIBILITÉ DE MODULATION Ainsi, le rapporteur public considère que le Conseil d’État a, par la décision précitée, jugé, ••• Après 1984, impossible de créer des avantages collectivement acquis « Considérant qu’en faisant état des « avantages collectivement acquis », les dispositions précitées du troisième alinéa de l’article 111 de la loi du 26 janvier 1984 doivent être regardées comme visant exclusivement ceux qui avaient été mis en place avant l’entrée en vigueur de cette même loi, dont les agents bénéficiaient notamment par l’intermédiaire d’organismes à vocation sociale, et au maintien desquels ils ont donc droit, en sus des indemnités légalement instituées ; que ne sont pas au nombre de ces avantages les indemnités instituées postérieurement, au profit de leurs agents, par les collectivités territoriales ou leurs établissements publics, selon les procédures et dans les limites prévues par la loi ». Cour administrative d’appel de Lyon, 13 juin 2006, n° 05LY00636. La Lettre du cadre territorial • n° 423 • 1er juin 2011 RH-statut.indd 49 49 25/05/11 14:50 STATUT La décision ne nous paraît autoriser que les modifications des conditions d’attribution ” ••• a contrario, que « l’état du droit postérieur à l’entrée en vigueur du décret de 1991 permet une modulation de la prime forfaitaire de fin d’année ». Sur ce fondement, il estime donc que l’article 2 du décret du 6 septembre 199111 permet aux assemblées délibérantes de fixer les conditions d’attribution de primes, et donc de modifier celles qui étaient applicables avant 1984. Il semble donc bien, au vu de la lecture combinée de l’arrêt et des conclusions du rapporteur public, que les assemblées délibérantes peuvent désormais modifier le régime des avantages collectivement acquis. Cette position paraît en outre avoir été reprise par le tribunal administratif de Nice12, lequel prononce l’annulation de l’arrêté du maire, après avoir relevé que la délibération du conseil municipal en date du 20 mai 1996 avait exclu la possibilité de moduler la prime de fin d’année en fonction de l’absence des agents, et qu’aucune modification du régime d’octroi de cette prime par le conseil municipal n’avait été décidée. UNE ÉVOLUTION D’UNE PORTÉE LIMITÉE Dans ces conditions, et bien qu’aucune décision, à notre connaissance, ne reconnaisse de façon explicite la régularité d’une délibération modifiant, après l’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984 et du décret de 1991, le régime d’un avantage collectivement acquis, il semble néanmoins que le juge ait infléchi sa jurisprudence, et qu’il admette de telles modifications. RESSOURCES HUMAINES « Ces agents conservent les avantages qu’ils ont individuellement acquis » 50 Les agents titulaires d’un emploi d’une collectivité ou d’un établissement relevant de la présente loi sont intégrés dans la fonction publique territoriale et classés dans les cadres d’emplois ou emplois en prenant en compte la durée totale des services qu’ils ont accomplis. Ces agents conservent les avantages qu’ils ont individuellement acquis en matière de rémunération et de retraite. Par exception à la limite résultant du premier alinéa de l’article 88, les avantages collectivement acquis ayant le caractère de complément de rémunération que les collectivités locales et leurs établissements publics ont mis en place avant l’entrée en vigueur de la présente loi sont maintenus au profit de l’ensemble de leurs agents, lorsque ces avantages sont pris en compte dans le budget de la collectivité ou de l’établissement. Les agents non titulaires en fonction à la date d’entrée en vigueur de la présente loi ne peuvent être titularisés dans un grade ou emploi de la fonction publique territoriale que selon les règles fixées, conformément aux articles 126 à 138, par le statut particulier du corps ou de l’emploi concerné, quels que soient les modalités de leur recrutement et les avantages dont ils bénéficient. Article 111 de la loi du 26 janvier 1984. En tout état de cause, et même si cette faculté semble désormais ouverte (avec les réserves sus-évoquées), il n’en demeure pas moins qu’elle ne nous paraît autoriser que les modifications des conditions d’attribution. En effet, afin de rester dans l’esprit du législateur de 1984, qui avait choisi, non pas de permettre le développement des avantages collectivement acquis, mais avait seulement décidé de légaliser les primes mises en place, il nous semble que seules les délibérations ayant pour effet de limiter le versement des avantages collectivement acquis par la mise en place de critères ou conditions spécifiques d’attribution seraient régulières. En aucun cas, elle ne permet une revalorisation des montants qui aurait pour effet d’augmenter les sommes versées aux agents avant 1984, à moins toutefois qu’une telle revalorisation soit prévue par le régime fixé avant 1984. 1. Conseil d’État, 6 novembre 1998, n° 153685. 2. Cour administratif d’appel de Marseille, 27 mai 2003, n° 99MA00429. 3. Cour administrative d’appel de Bordeaux, 24 novembre 2003, n° 00BX01900. 4. Tribunal administratif d’Amiens, 29 juin 2004, n° 0103977. 5. Conseil d’État, 12 avril 1991, n° 118653. 6. Conseil d’État, 2 octobre 1992, n° 92692. 7. Question n° 30705, JOAN, 10 août 1992. 8. Conseil d’État, 21 mars 2008, n° 287771. 9. Nous remercions M.Terry Olson, qui nous a autorisés à citer ses conclusions dans le cadre de cet article. 10. Conseil d’État, 11 septembre 1995, n° 151348. 11. Décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l’application du premier alinéa de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. 12. Tribunal administratif de Nice, 11 décembre 2009, n° 0800345. DOC DO OC DOC À télécharger Sur www.lettreducadre.fr/base-juridique.html - CE, 21 mars 2008 - CAA Marseille, 27 mai 2003 À lire Sur www.lettreducadre.fr, rubrique « au sommaire du dernier numéro » : - Avantages collectivement acquis et EPCI : rien n’est figé !, La Lettre du cadre territorial n° 393, 15 janvier 2010 - Interco : harmoniser… ou pas, La Lettre du cadre territorial n° 394, 1er février 2010 La Lettre du cadre territorial • n° 423 • 1er juin 2011 RH-statut.indd 50 25/05/11 14:50