Jugement Poulin
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Jugement Poulin
CANADA PROVINCE DE QUÉBEC District de Mingan Localité de Sept-Îles COUR DU QUÉBEC Chambre civile Division des petites créances No 650-32-000985-007 SOUS LA PRÉSIDENCE DE GABRIEL DE POKOMANDY, J.C.Q. LINE POULIN Partie requérante contre GROUPE COMMERCE Partie intimée et ASSURANCE JEAN-PIERRE GAUTHIER LTÉE Partie mise en cause JUGEMENT Demande contre Assurance Jean-Pierre Gauthier ltée rejetée, avec frais. Le Groupe Commerce est condamné à verser à Line Poulin la somme de 1 900 $, avec intérêts au taux légal depuis l’assignation, soit le 14 février 2000, augmentée de l’indemnité additionnelle calculée suivant l’art. 1619 du Code civil du Québec depuis la même date, et les frais. MOTIFS DU JUGEMENT Line Poulin est propriétaire d’une automobile Chevrolet Cavalier 1985. Par l’intermédiaire de Assurance Jean-Pierre Gauthier ltée, elle avait souscrit auprès du Groupe Commerce une assurance aux termes du chapitre A de la Police d’assurance automobile du Québec assurant la responsabilité civile pour autrui, mais excluant les couvertures du chapitre B, soit les dommages éprouvés par le véhicule assuré. Le 13 décembre 1999, ce véhicule a été endommagé dans un accident, dont une tierce partie était responsable. Selon l’estimé de Débosselage de la rivière enr., les réparations coûteraient 2 099,88 $. B Normand évaluateur Inc., dont les services ont été retenus par le Groupe Commerce, les établit à 2 102,62 $. La valeur du véhicule automobile de la requérante étant de 920,20$, le Groupe Commerce le considère perte totale vu l’étendue des dommages, et au lieu de le faire réparer offre d’en payer la valeur et récupérer les « restes » pour recyclage. No 650-32-000985-007 2 La requérante ne l’entend pas ainsi et soumet qu’il s’agit d’un véhicule qu’elle a toujours bien entretenu et qui faisait son affaire. Les dommages éprouvés par ce véhicule sont, somme toute, esthétiques, puisque ni le moteur ni la conduite n’en ont été altérés. L’odomètre indique 63 328 kilomètres, ce qui est relativement peu pour un véhicule de cet âge. La requérante a mis en demeure le Groupe Commerce de payer le montant de 2 099 $ pour les réparations, mais celui-ci offre 820,20 $, et se propose de ramasser le véhicule pour le recyclage ou encore, si la requérante tient à réparer son véhicule, sur preuve de réparations, lui verser seulement 720,20 $. Le Groupe Commerce a établi la valeur de la voiture en obtenant de trois garages indépendants un estimé de ce qu’ils demanderaient pour un tel véhicule en bon état, ce qui a donné comme résultats 800 $, 1 000 $ et 1 200 $, pour une moyenne de 1 000 $. L’estimateur de B. Normand évaluateur inc., sur ces données et tenant compte de l’état, a émis l’opinion que la valeur du véhicule se situe entre 600 $ et 800 $, plus taxes. La question qui se pose dans la présente affaire est de savoir si la requérante le droit de faire réparer son véhicule automobile dans les circonstances de l’espèce, compte tenu notamment que l’indemnisation se fait non pas directement en vertu d’une couverture d’assurance souscrite auprès du Groupe Commerce, mais par le jeu de la convention d’indemnisation directe pour le règlement des sinistres automobiles établie par le groupement des assureurs automobiles, dont le Groupe Commerce fait partie. L’article 116 de la Loi sur l’assurance automobile prévoit que le recours du propriétaire d’une automobile en raison du dommage matériel subi lors d’un accident d’automobile ne peut, dans la mesure où la convention d’indemnisation directe visée dans l’article 173 s’applique, être exercé qu’à l’encontre de l’assureur avec lequel il a contracté une assurance de responsabilité automobile. (…) La source de l’action de la requérante n’est donc pas de nature contractuelle, mais de nature extracontractuelle qui ne s’exerce contre l’assureur que par l’effet de la loi. Une telle action de l’assurée contre son assureur à la suite d’une collision dont elle n’est pas responsable obéit aux règles de droit commun1. Le recours de la requérante, non responsable de la collision, contre son assureur étant de nature extracontractuelle, elle ne peut pas se faire opposer les dispositions de la police d’assurance qu’elle a signée avec l’intimé. Ainsi, l’article 12 des dispositions générales de la police F.P.Q., no 1 qui régit les relations entre un assureur et son assuré ne peuvent être appliquées à sa situation. L’établissement du montant des dommages et des modalités de règlement doivent donc suivre les règles du droit commun, plutôt que les règles conventionnelles établies dans la police d’assurance intervenue entre les parties. Le fait que la loi prévoie un mécanisme particulier d’indemnisation des dommages matériels en imposant de s’adresser directement à son propre assureur de responsabilité civile pour être indemnisé des dommages plutôt que de poursuivre l’auteur des dommages, ou l’assureur de celui-ci, ne change pas pour autant la situation et ne rend pas la relation de l’assuré avec son propre assureur soumise au contrat qui aurait prévalu entre les parties si l’indemnisation était réglée sous le chapitre B de la police, auquel cas ce sont les dispositions de celle-ci qui régiraient la conduite de celles-ci. Le document annexé à la police intitulé « Notre engagement en cas de réclamation » ne s’applique pas plus aux situations de réclamation d’un assuré contre son propre assureur dans le cas d’une collision sans responsabilité de sa part alors qu’il n’y a pas de couverture aux termes du chapitre B. ___________________ 1, Mongeau c. Prudentielle, cie d’assurance ltée [1980] C.P. 15 No 650-32-000985-007 3 L’article 1611 du Code civil du Québec prévoit que les dommages-intérêts dus au créancier compensent la perte qu’il subit et le gain dont il est privé (…). La requérante est en droit de recouvrer du responsable de ses dommages la valeur réelle ou intrinsèque de la chose. La réparation de la perte subie doit être intégrale et la replacer dans la situation où elle aurait été si l’accident n’avait pas eu lieu. Le Groupe Commerce, qui se trouve être, par l’effet de la loi et de la convention d’indemnisation directe pour le règlement des sinistres automobiles, dans la situation du responsable de l’accident, est obligé de rencontrer cette norme. Il faut donc partir de ces principes pour reconnaître que la requérante a le droit à ce qu’on remette son véhicule automobile dans le même étaé où le véhicule se trouvait avant la collision. Le calcul d’une telle indemnisation est simple. Il faut réparer le véhicule automobile de la requérante, en déduisant du coût des réparations une certaine dépréciation pour l’usure de la peinture et les dommages antérieurs pour lesquels la tierce personne n’est évidemment pas responsable. Le droit à une réparation intégrale doit être une notion qui a une application concrète, et dans certaines circonstances s’accommode mal des méthodes d’évaluation reposant sur des valeurs arbitraires 2. Ainsi, comme dans la situation de la requérante, il peut arriver que la valeur marchande d’une voiture en bon état ou le prix suggéré par un vendeur d’automobiles, ou encore établi dans le livre rouge (red book), ne correspondent pas nécessairement à la valeur réelle de cette automobile appartenant à un particulier qui ne veut pas vendre son véhicule au moment de l’accident et qui en est bien satisfait. On ne peut s’empêcher de remarquer que le véhicule de la requérante, quoiqu’elle date de presque 15 ans, n’a parcouru que 63 333 kilomètres, ce qui est relativement peu et permet d’envisager une durée de vie encore suffisante pour qu’il vaille la peine de parler de réparations. La valeur déterminée au livre rouge est ici trop arbitraire pour décider d’une indemnité de laquelle l’assurée a droit. La détermination par comparable doit aussi tenir compte de l’automobile assurée qui pouvait être en meilleur état que les comparables et satisfaire aux besoins de son propriétaire 3. Faut-il rappeler que dans la situation actuelle, notamment parce qu’il s’agit d’une réclamation en vertu du droit commun, la requérante a le droit à la valeur des dommages causés à son automobile, même si elle ne la fait pas réparer ou ne la fait réparer que partiellement, ou même en utilisant des pièces de qualité inférieure 4. Au même titre que le responsable de l’accident, l’intimé assureur qui se trouve à sa place par le seul effet de la loi n’a pas de droit de regard quant à l’utilisation que la victime fera de son indemnité. Dans le cas d’un recours de nature extracontractuelle, l’assuré, n’étant pas lié par les dispositions de la police d’assurance aux termes de laquelle l’automobile pourrait être considérée comme perte totale, peut exiger qu’elle soit réparée lorsqu’elle a fait la preuve qu’elle l’entretenait bien et qu’elle était encore dans un état général convenable5. ___________________ 1, 3, 4, 5, Tremblay c. Hudon, Hébert & Co [1929] 47 B.R. 214 Juteau c. Laurentienne générale (la) compagnie d’assurance (C.Q.) (1991) R.R.A. 640 Pouliot c. Allstate du Canada, Cie d’assurance [1985] C.P. 200 Lacombe c. Prudentielle, cie d’assurance ltée [1980] C.P. 45 Bella c. Simco & Erigional insurance Co [1979] C.P. 274 No 650-32-000985-007 4 Dans les circonstances, il nous apparaît que l’indemnisation que le Groupe Commerce voulait imposer à la requérante est basée sur des prémisses erronées en imposant à celle-ci des conditions d’une police d’assurance à laquelle la requérante n’a jamais souscrite. La requérante a le droit d’être indemnisée complètement et totalement. L’estimation de B. Normand évaluateur inc., arrive à quelques dollars près à l’estimation de Débosselage de la rivière enr. et à cause de la mention expresse que les dommages antérieurs pour environ 1000 $ n’étaient pas inclus dans cette estimation, il n’y a pas lieu de déduire quoi que ce soit de ce chef. Par ailleurs, les pièces à remplacer étant prévues avec des pièces recyclées, il n’y a pas lieu d’accorder non plus de dépréciation pour la plus value que l’ajout de pièces neuves aurait pu apporter à ce véhicule. Le Tribunal estime toutefois qu’une dépréciation de 200 $ devra être appliquée pour l’usure de la peinture. Le Groupe Commerce dans sa correspondance avec la requérante réfère à un estimé de réparation totalisant 2 102.62 $ pour la remise en état du véhicule, confirmant l’estimé de réparations de Débosselage de la rivière enr. (R-3) à 2 099,08 $. Il nous apparaît donc que 2 100 $ représentent adéquatement le coût des réparations, desquels il faut déduire la dépréciation de 200 $. Dans les circonstances, il nous apparaît que pour une réparation intégrale des dommages subis par la requérante, laquelle la replacerait dans la situation où elle aurait été si l’accident dont elle n’est pas responsable n’avait pas eu lieu et remettrait son véhicule dans l’état antérieur à l’accident, elle a droit à une indemnité de 1 900 $ que le Groupe Commerce doit lui verser en lieu et place de la tierce partie responsable. Le recours contre Assurance Jean-Pierre ltée n’est aucunement fondé. Le travail et les services du courtier ne sont pas en cause dans la présente affaire, ni dans la proposition d’indemnisation inadéquate de la requérante par le Groupe Commerce. La requête à son égard sera rejetée, avec frais. Incidemment, il y a lieu de souligner qu’aucun représentant de Assurance Jean-Pierre Gauthier ltée n’était présent à l’audition. Le Groupe Commerce devra donc verser à Line Poulin la somme de 1 900 $, avec les intérêts au taux légal depuis l’assignation, soit le 14 février 2000, augmentée l’indemnité additionnelle calculée suivant l’art. 1619 du Code civil du Québec depuis la même date, et les frais. À Sept-Îles, le 5 juin 2000 ________________________ Juge Code JD 1788