Nucléaire : Paris poursuit la politique de Sarkozy

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Nucléaire : Paris poursuit la politique de Sarkozy
Nucléaire : Paris poursuit la
politique de Sarkozy
« Fabius a gardé une impression désastreuse des
Iraniens et ne leur fait absolument pas
confiance », se souvient un diplomate
Dans les négociations sur le nucléaire iranien qui reprennent, où entrent en
jeu des considérations politiques, géostratégiques mais aussi personnelles,
la France joue le rôle de faucon, jusqu’à irriter ses alliés, mais ne devrait
pas aller jusqu’à bloquer un accord, selon analystes et diplomates.
La ligne dure française dans ce dossier a été officialisée par le président
de droite Nicolas Sarkozy après son élection en 2007. Puis poursuivie et
assumée par son successeur socialiste François Hollande depuis 2012.
« Dans cette affaire, la France a fait le chemin inverse des Etats-Unis, qui
ont changé de stratégie avec l’arrivée de Barack Obama » et sa volonté de
parvenir à un accord historique avec Téhéran sur le dossier nucléaire, résume
Bernard Hourcade, spécialiste de l’Iran au Centre national de la recherche
scientifique (CNRS).
Plusieurs raisons expliquent la fermeté française sur le programme nucléaire
de l’Iran, soupçonné par les Occidentaux d’être à vocation militaire, et qui
empoisonne les relations internationales depuis plus d’une décennie.
Raisons historiques et politiques : les diplomates français qui ont suivi et
négocié le dossier depuis le début sont des personnalités classées comme
« néoconservatrices », aux positions particulièrement fermes sur l’Iran.
Et l’actuel chef de la diplomatie, Laurent Fabius, fut Premier ministre entre
1984 et 1986, à l’époque qui était la pire des relations entre Paris et
Téhéran. Attentats en France, prises d’otages français au Liban attribuées au
Hezbollah chiite allié de Téhéran, contentieux sur le contrat nucléaire
Eurodif, soutien de la France à l’Irak alors en guerre contre l’Iran…
« Fabius a gardé une impression désastreuse des Iraniens et ne leur fait
absolument pas confiance », se souvient un diplomate.
Mais selon M. Hourcade, l’élément essentiel dans cette stratégie française,
« c’est que Paris a clairement fait le choix des monarchies pétrolières du
Golfe et de la stabilité conservatrice » qu’elles représentent face à un Iran
dont la France n’a de cesse de rappeler « le rôle déstabilisateur » en Syrie,
au Liban ou en Irak.
Le psychodrame de Genève 2013
S’ajoutent d’autres raisons comme la volonté française d’apparaître, selon un
expert occidental, comme le « gardien du temple de la non-prolifération »
nucléaire.
C’est en arguant de son expertise – reconnue – sur ces questions que Paris
réclame un accord « solide » avec l’Iran… et soupçonne parfois son meilleur
allié américain d’être prêt à trop de concessions pour arracher un compromis
historique. Lequel allié, en retour, surveille son partenaire français comme
le lait sur le feu pour éviter, dans la dernière ligne droite des
négociations, une réédition du « psychodrame » de Genève en novembre 2013.
A l’époque, Paris s’opposa in extremis à la première mouture d’un accord
provisoire concocté entre Washington et Téhéran. Un texte amélioré avait été
signé 15 jours plus tard.
Aujourd’hui, alors que l’épilogue se rapproche et que la tension monte chez
des négociateurs soumis à forte pression, Paris a-t-il pour autant la
capacité ou la volonté de bloquer un accord ?
« Les Français ne prendront pas le risque de faire capoter la négociation »,
estime l’ancien diplomate François Nicoullaud, en poste à Téhéran dans les
années 2000 et spécialiste des questions de non-prolifération.
« Sur les lignes générales, les grandes puissances (Etats-Unis, France,
Grande-Bretagne, Chine, Russie et Allemagne) sont d’accord. Après, c’est une
question de curseur, que Paris cherche à pousser le plus loin possible », sur
le nombre de centrifugeuses accordé à l’Iran, sur la durée de l’accord…
Une source proche du dossier qui n’a jamais caché son scepticisme et parlait
volontiers de « mettre l’Iran à genoux » économiquement, juge aujourd’hui que
« ca peut marcher s’il y a une volonté politique », qu’ »on a fait du
chemin » et qu’ »un accord est faisable ».
« Le problème dans cette négociation, c’est qu’on est véritablement sur le
fil du rasoir et qu’il y a un nombre important de gens qui veulent tout faire
pour saboter un accord », rappelle Bernard Hourcade, citant les conservateurs
iraniens, les sénateurs américains, le Premier ministre israélien, les pays
du Golfe… « A quelques symboles près, pour trois centrifugeuses de plus ou de
moins, ca peut échouer », s’inquiète-t-il.
« A la fin des fins, ça se fera autour des deux grands négociateurs, Amérique
et Iran. Tout va se jouer sur leur capacité à se jeter à l’eau, et c’est un
pari fantastique et fascinant », observe un diplomate européen.
© AFP – TIMES OF ISRAEL