LE FORUM ANNUEL DE LA PLANTA
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LE FORUM ANNUEL DE LA PLANTA
LE FORUM ANNUEL DE LA PLANTA (FAP) Présentation Le Lycée-Collège de la Planta (Sion/Valais) participe au système Unesco des écoles associées. C’est dans ce cadre qu’il organise, depuis 1993, son «Forum annuel de la Planta» (FAP). Il s’agit d’une simulation d’une Assemblée Générale de l’ONU, à laquelle participent, durant une journée, environ 130 de nos étudiants, âgés de 17 à 20 ans. A l’occasion de l’édition 2009 de ce Forum, dans la salle du Parlement cantonal valaisan, ils seront appelés à débattre, en tant que représentants de l’Etat de leur choix, du droit des minorités et de la sousalimentation. Au préalable, un important travail de préparation devra être effectué. Celle-ci se fera entre autres sous la forme de conférences données par des spécialistes de chacun des thèmes de l’année. Edition 2008 du FAP Les 130 étudiants qui ont choisi, lors de l’année scolaire 2007-2008, de participer au Forum annuel de la Planta ont dû faire l’effort d’approfondir leurs connaissances dans les deux thèmes de l’année – le droit d’ingérence et le réchauffement climatique -, mais ils ont bien sûr également dû apprendre à mieux connaître l’Etat qu’ils représentent. Leurs déclarations dans le cadre du FAP doivent en effet, dans la mesure du possible, être proches des positions officielles de ces Etats. En plus de cet effort personnel, ces étudiants ont bénéficié de certains apports documentaires : dossiers distribués à chaque délégation présentant une résolution ou un droit de parole ; rapports officiels, articles de journaux et de revues, etc., photocopiés et/ou accessibles sur le site internet du Lycée-Collège de la Planta. Et surtout, ces étudiants auront pu profiter de conférences d’excellente qualité : Le réchauffement climatique Nous avons commencé le cycle de conférences avec Madame Nathalie Perruchoud, qui enseigne la géographie au Lycée-Collège de la Planta. Celle-ci a tout d'abord mis l'accent sur les causes naturelles des changements climatiques avant de présenter les émissions (naturelles et humaines) des principaux gaz à effet de serre. Le protocole de Kyoto et ses mécanismes ont ensuite été abordés. L’accent a été mis sur l'état actuel des négociations et la difficulté de trouver un accord commun entre les pays vu leurs intérêts divergents. Le groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) faisant référence en matière de changements climatiques, les principales conclusions de son dernier rapport ont été détaillées et les scénarios d’avenir proposés par le GIEC mis en évidence. Quelques faiblesses et controverses ont finalement été relevées. Le professeur Beat Bürgenmeier, de l’Université de Genève, nous a ensuite délivré une riche réflexion sur les possibilités de concilier la croissance économique et la protection de l’environnement. Le professeur Bürgenmeier critique aussi bien ceux qui considèrent que c’est la croissance seule qui nous permettra de lutter contre la pollution, que ceux qui, en transposant des lois des sciences naturelles aux sciences sociales (l’application des lois de la thermodynamique à l’économie), prônent la décroissance. Selon lui, il faut plutôt miser sur une « économie écologique », appliquer systématiquement le principe de précaution et mener des politiques proactives permettant, en engendrant des coûts économiques faibles, d’éviter des coûts écologiques importants. Il s’agit donc de découpler la croissance économique, d’une part, de la consommation excessive de ressources non renouvelables et des émissions nocives que cette croissance entraîne, d’autre part. Selon Bürgenmeier, un tel découplage n’est possible que si on se demande « comment on produit ». Benoît Charrière, doctorant à l’Institut de politiques territoriales et d’environnement humain de l’Université de Lausanne, et collaborateur du professeur Suren Erkman, nous a aidés à répondre concrètement à cette question en nous présentant l’écologie industrielle. Il s’agit de réorganiser le système industriel en tenant compte de quelques règles élémentaires de l’écologie scientifique. D’apparence purement technique, une telle réorganisation suppose pourtant des changements socio-économiques fondamentaux : privilégier la coopération plutôt que la concurrence, remettre en cause la pertinence du libre-échange généralisé, favoriser une relocalisation de l’économie. Dans un canton périphérique tel que le Valais, l’écologie industrielle pourrait en plus servir d’outil pour planifier son développement, et contribuer à la création de nouvelles activités. Droit/Devoir d’ingérence Monsieur Emmanuel Tronc, Policy & Advocacy Coordinator de Médecins Sans Frontières International, nous a fait part de son scepticisme concernant le droit/devoir d’ingérence : lorsque interventions il y a, désormais au nom de la « responsabilité de protéger », celles-ci n’ont pas pour objectif réel de protéger les civils, mais de gérer les conflits. Les puissances n’intervenant que lorsque leurs intérêts sont en jeu. L’organisation MSF, quant à elle, en vient presque à regretter d’avoir parfois appelé à une intervention armée (ce qu’elle n’a fait que très rarement). A l’instar du CICR, MSF croit de plus en plus aux vertus de la neutralité. Le professeur Victor-Yves Ghebali, (désormais professeur honoraire à l'Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement de Genève) lors d'une conférence extrêmement dense et structurée, intitulée « Le devoir d’ingérence humanitaire : une idée altruiste ou un prétexte d’intervention politique ? », nous a tout d'abord présenté un historique de l'idée d'ingérence, puis les arguments des partisans et des détracteurs de cette idée, et finalement, pour illustrer ses propos, deux cas significatifs : le Kosovo et le Rwanda. Le professeur Ghebali déplore l'absence d'une véritable armée permanente de l'ONU. Dans le cas du Rwanda, il considère que cinq ou six milles soldats bien équipés auraient pu arrêter le génocide. L'intervention au Kosovo était à son avis justifiée. Mais un des trois aspects essentiels de la responsabilité de protéger a été négligé : la reconstruction (les deux autres étant la prévention et la réaction). Quant à l'Iran, le professeur Ghebali se déclare pragmatique: si une intervention pouvait véritablement empêcher l'Iran de se doter d'un armement nucléaire, il y serait favorable. Mais, les capacités nucléaires iraniennes étant enterrées, une telle intervention ne pourrait être que vaine. En conclusion, le professeur Ghebali estime que si la morale ne prévaut pas dans les relations internationales, la "responsabilité de protéger" constitue tout de même un progrès. Nous avons terminé ce cycle de conférences avec Monsieur François Heisbourg. Celui-ci ayant récemment publié un ouvrage intitulé « Iran, le choix des armes ? », Monsieur Patrick Gay, professeur de physique au Lycée-Collège de la Planta a accepté de nous présenter au préalable les enjeux passés et futurs du nucléaire civil et militaire, en développant plus particulièrement le cas de l’Iran. Le gouvernement de cet Etat assure que le seul but de son programme nucléaire est de développer la capacité de produire de l’énergie nucléaire afin de générer de l'électricité. Mais des experts de l’AIEA affirment que l’Iran, signataire du Traité de Non-Prolifération (1968), n’a toujours pas répondu à toutes les questions sur ses activités passées et présentes et poursuit ses efforts visant à maîtriser la technologie de l’enrichissement de l’uranium comme le montrent d’ailleurs certaines images satellites. Pour nous aider à mieux saisir la complexité de ce dossier, Monsieur Gay nous a présenté un historique du nucléaire en évoquant les différents types de radioactivité (α, β, γ), la découverte de la fission de l’uranium (Meitner, Hahn), le défaut de masse, le modèle de la goutte liquide, la réaction en chaîne, le concept de masse critique, et la production de la bombe A. Il nous a ensuite donné un éclairage particulier sur les méthodes d’enrichissement de l’uranium et leurs avantages respectifs est présenté (ultracentrifugation de l’UF6, diffusion gazeuse,…) avec un aperçu de leur dissémination sur les différents continents. L’intérêt du plutonium 239, comme alternative pour la production de la bombe A, a ainsi été mis en évidence, notamment dans le retraitement des déchets radioactifs d’uranium provenant d’un réacteur nucléaire « civil ». Monsieur Gay a ensuite conclu sa conférence en esquissant quelques tentatives de réponse à cette préoccupante question : l’Iran possède-t-elle l’arme nucléaire ou la possédera-t-elle dans un proche avenir? Monsieur François Heisbourg, qui préside l’International Institute for Strategic Studies de Londres et le Centre de politique de sécurité de Genève, nous a tout d’abord présenté tous les liens entre la mondialisation, d’une part, et la guerre et la paix, d’autre part. D’emblée, il a souligné que contrairement à ce qui se dit souvent, la mondialisation n’est pas par nature pacificatrice. Elle peut même favoriser certains conflits en étant source de marginalisations et de frustrations et en contribuant à la raréfaction des ressources. Même si certains conflits changent de nature, en raison principalement de l’importance prise par des mouvements terroristes (Al Quaïda), nous ne sommes pas en train d’assister à la fin des conflits internationaux classiques. L’action de certains Etats inquiète tout particulièrement Monsieur Heisbourg : le « spectre de la destruction massive » n’a malheureusement pas disparu. Si l’Iran ne respecte pas le Traité de non-prolifération nucléaire, ce sera la fin de ce Traité. Chaque Etat en ayant les moyens cherchera à obtenir l’arme nucléaire. Or, si trop d’acteurs, dans des régions instables, disposent d’un tel armement, l’équilibre nucléaire n’est plus possible. L’Iran constitue donc actuellement un « enjeu essentiel ». Dans certains cas, une intervention, y compris armée, de la communauté internationale, peut donc s’avérer nécessaire pour préserver la paix. Mais le Conseil de Sécurité de l’ONU doit rester « la meilleure boussole pour justifier le recours à la force ».