Fatigue de compassion
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Fatigue de compassion
FATIGUE DE COMPASSION QUAND AIDER CONDUIT À L’ÉPUISEMENT Rencontre des intervenants sociocommunautaires en HLM (RIS2016) 21 avril 2016 Atelier-conférence de 90 minutes Joël Naggar et Lise Noël RÉSUMÉ La fatigue de compassion, c'est une usure, une érosion graduelle de notre empathie, de notre espoir et de notre compassion non seulement pour les autres, mais aussi pour nous-même. Cette « usure » change notre vie personnelle et professionnelle puisqu'elle entraine des compromis dans notre bien-être. L'atelier propose: des repères qui permettent de détecter et reconnaître les signes de la fatigue de compassion; une conversation autour de la question « Comment peut-on prévenir et ne pas se blesser et s'user à la souffrance de l'autre ? ». « La souffrance n’est pas uniquement définie par la douleur physique, ni même par la douleur mentale, mais par la diminution, voire la destruction de la capacité d’agir, du pouvoir de faire, ressenti comme une atteinte à l’intégrité de soi » Paul Ricœur (1990 : 233) QUELQUES NOTIONS UTILES… Compassion c'est «se soucier de, s'intéresser à»... chez l'aidant, c'est ce «désir fort d'alléger la douleur ou d'enlever sa cause»... «La compassion, parce qu'elle procède d'un consentir, est une force dévouée...». (Ari Gounongbé) La compassion, c'est aussi cette énergie qui nous pousse à nous mettre en mouvement, à nous engager … Fatigue de compassion Pascale Brillon (2015) définit la fatigue de compassion comme « une usure profonde, douloureuse, à la détresse d’autrui». Selon elle, cette fatigue peut toucher les personnes qui ont un lien significatif avec des personnes souffrantes ou exposées au vécu émotionnel de victimes de façon répétée et qui veulent aider. QUELQUES NOTIONS UTILES… Épuisement L'épuisement n'est pas un état de fatigue que l'on peut faire disparaître avec le repos. Tout au plus le repos peut permettre à l'individu de continuer de se maintenir encore quelque temps (M. Arcand et L. Brissette, 2012). Burnout, épuisement professionnel «Un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d'incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail » (Organisation mondiale de la santé) Peut être expérimenté dans tout contexte de travail (pas seulement profession d'aide/de soin); Peut être causé/lié à la frustration, l'impuissance, le manque de support de l'organisation, une tâche trop lourde, le manque d’autonomie dans son travail, un manque de reconnaissance, un faible soutien social; Soulagé par un congé ou une réaffectation. S’INTÉRESSER À LA FATIGUE DE COMPASSION, C ’EST... …prendre en compte les motifs et les déterminants de l’engagement (valeurs, cohérence, dimension affective, autonomie, identité, etc.), le tiraillement relatif aux aspirations professionnelles; …s’intéressée au recul nécessaire qu’exige le fait de côtoyer quotidiennement l'expression d'émotions intenses, d’être confronté à sa propre souffrance au contact de la souffrance d'autrui et de devoir vivre des deuils à répétition associés aux proches, personnes en solidarité ou encore obtenir des résultats difficiles à évaluer et peu spectaculaires qui amènent à douter de la valeur du travail|des actions. La compassion que vous avez d'abord ressentie s'estompe pour faire place à des sentiments d'impuissance, de doute, de culpabilité, de colère et de perte d'espoir dans l'avenir. (C. Figley (1995), P. Brillon (2010, 2015) A. Gounonbé (2013) De Gaulejac ( 2012), ASPC (2001) QUELS SONT LES REPÈRES QUI NOUS PERMETTENT DE DÉTECTER ET RECONNAÎTRE LES SIGNES DE « L’USURE DE COMPASSION » ? L’usure de compassion se traduit par : un épuisement profond, tant physique qu'émotif; un changement prononcé dans la capacité de ressentir de l'empathie pour les autres; un sentiment de détachement ou de perte d'intérêt; une forte réaction émotionnelle; une augmentation du cynisme et de la toxicité du milieu de travail/des espaces d'engagement ou d'aide; de l'irritabilité; une désensibilisation; une diminution de la tolérance. DES QUESTIONS POUR AMORCER UNE RÉFLEXION Que pensez-vous de l’affirmation suivante : «Il faut donner sans compter et sans espoir de retour» Quels sont les motifs de votre engagement (dans votre travail)? Quelles sont les conditions et les limites à votre engagement (dans ce travail)? Comment évaluez-vous votre niveau d'énergie par rapport à cet engagement? Qu’est-ce qui gruge votre énergie? Comment faites-vous pour conserver (ou refaire) votre énergie? QUE POUVONS-NOUS FAIRE? Se mettre en action... s’arrêter et prendre conscience des sources de stress; identifier ce qu’on peut changer ou non « qu’est-ce qui est en mon pouvoir? »; prendre conscience de « son modèle d’intervention » (valeurs, croyances, intentions, etc.); pratiquer des auto- soins : relaxation, déterminer « comment je vais me libérer de mon stress », bien s’alimenter, s’adonner à des activités (loisirs, cuturelles, etc.), garder une vie sociale; prendre un engagement envers soi-même : mettre ses limites et connaître ses propres limites (temps, répit, priorité, attentes réalistes, son niveau d’énergie, sens de mon engagement, mes motivations, etc.); à la limite, quitter son lieu d’engagement, de travail, etc.; aller cherche de l’aide et du soutien (soutien social et professionnel). QUE POUVONS-NOUS FAIRE? Agir dans son milieu de travail... clarifier les attentes, les rôles, les responsabilités; délimiter et baliser les espaces de pouvoir et de participation, espaces d’expression; développer (et maintenir) des pratiques de reconnaissance et de soutien entre pairs (partage d’expérience, partage des savoirs, gestion des relations avec les autres); maintenir un climat agréable au sein de « l’équipe »; encourager l’équilibre engagement/vie personnelle offrir de la formation, du soutien professionnel (débriefing et conselling). QUE POUVONS-NOUS FAIRE? Agir dans son milieu de travail... clarifier les attentes, les rôles, les responsabilités; délimiter et baliser les espaces de pouvoir et de participation, espaces d’expression; développer (et maintenir) des pratiques de reconnaissance et de soutien entre pairs (partage d’expérience, partage des savoirs, gestion des relations avec les autres); maintenir un climat agréable au sein de « l’équipe »; encourager l’équilibre engagement/vie personnelle offrir de la formation, du soutien professionnel (débriefing et conselling). QUELQUES RÉFÉRENCES POUR EN SAVOIR PLUS Arcand, Michelle et Lorraine Brissette (2012). Accompagner sans s'épuiser. France. Éditions ASH. Brillon, Pascale (2010). Se relever d'un traumatisme : Réapprendre à vivre et à faire confiance. Montréal. Éditions Québécor (5e édition). Chayer, Diane et Lise Noël. Pour passer de l’impuissance au pouvoir dans un esprit coopératif et d’égalité. Revue Intervention numéro 115, printemps 2002. Pp 86 à 95. De Gaulejac, Vincent et Antoine Mercier (2012). Manifeste pour sortir du mal-être au travail. Paris. Desclé de Brouwer Figley, Charles R. (1995) Compassion Fatigue. Coping with Secondary Traumatic Stress Disorder in those Who Trat the Traumatized. Gounongbé, Ari (2013). Fatigue de compassion. Paris. Presses Universitaires de France. Karsz, Saül (2004). Pourquoi le travail social? 2e Édition revue et augmentée. Paris. Dunod. Le Bossé, Yann (2012). Sortir de l’impuissance. Invitation à soutenir le développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités. Tome 1 : Fondements et cadres conceptuels. Québec. ARDIS. St-Arnaud, Yves (2003). L’interaction professionnelle. 2e Édition revue et augmentée. Montréal. Les Presses de l’Université de Montréal.