Les hirondelles du bonheur,Mon mari,L`amour et la musique en

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Les hirondelles du bonheur,Mon mari,L`amour et la musique en
Les hirondelles du bonheur
Image extraite de page 80 des « Nouvelles histoires sur de
vieux proverbes; » (1908) Aucune restriction de droits
d’auteur connue.
Ouagadougou le 16 janvier 2016. L’action des forces de sécurité lancée
contre les auteurs d’attaques djihadistes de l’hôtel Splendid de
Ouagadougou et des établissements avoisinants est terminée. L’heure est
au bilan… macabre car au moins 29 morts de 18 nationalités, dont deux
suisses du canton du valais : Jean-Noël Rey, 66 ans, et Georgie Lamon, 81
ans.
Deux personnalités qui, après une vie active menée au niveau national et
international, s’étaient consacrées au bénévolat, ce qui explique leur
présence à Ouagadougou. Ils étaient venus inaugurer la cantine de l’école
financée par l’association Yelen, créée justement par Georgie Lamon.
Ce vendredi 29 Janvier 2016, à la Cathédrale de Sion, ils sont presque
tous là: parents, compagnons, amis et anonymes. À 10h20, au milieu des
sonorités majestueuses des orgues, s’élève dans la nef le chant d’entrée
entonné par
le chœur; il porte à lui seul toute la perplexité de cette
population rassemblée ici pour rendre hommage à Jean-Noël Rey et Georgie
Lamon. Enfants du pays, ils sont tombés loin des leurs, très loin, pour
donner leur temps, leur expérience et leur amour.
Pourquoi…pourquoi…pourquoi ? Cri de douleur et de révolte dans les
discours qui portent à ce moment-là comme un sentiment d’injustice et de
trahison, suite à la disparition de ces hirondelles du bonheur tombées
face à la violence aveugle, haineuse et inflammable, qui nous a volé, à
tous, la liberté de donner.
Si la réponse au tourbillon d’émotions qui envahit nos âmes meurtries est
dans le chant d’entrée «…Tourne vers Lui ton regard… Ecoutons ce qu’il
nous
dit…»,
notre
victoire,
elle,
se
trouve
dans
nos
insubmersibles, tellement qu’ils sont remplis d’amour.
Jyma
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils
Mon mari
Avin Anes et son mari. Photo:
rédaction neuchâteloise de Voix
d’Exils.
cœurs
Portrait d’un homme gentil
Mon mari et moi, nous nous sommes rencontrés il y a 10 ans et nous avons
vécus des jours doux et rudes ensemble, dans la partie kurde de la Syrie.
Nous avons eu trois enfants et nous étions ensemble pour tous les moments
de notre vie.
Avin Anes et son mari.
Photo: la rédaction
neuchâteloise de Voix
d’Exils
Mon mari est caractérisé par l’honnêteté, la franchise et par son écoute,
il a toujours des mots gentils pour moi.
Il arrive parfaitement à diviser son temps entre son travail, ses
obligations envers les enfants et pour moi également. Il me dit toujours
que les femmes ne sont pas les seules responsables de la famille.
Il est logique dans ses exigences et il m’aide beaucoup à la maison. Il
est sincère, il écoute et sait résoudre les problèmes conjugaux.
Donc, nous étions toujours ensemble et très unis, même en période de
crise, quand nous avons perdu notre fils de 7 ans pendant la guerre. Nous
avons dû quitter notre maison et notre ville et partir pour vivre dans un
nouveau pays.
Alors même qu’il y a des différences de vues entre nous, nous nous
comprenons et nous acceptons les idées de l’autre. Nous trouvons toujours
des solutions par le débat et le dialogue.
Notre désir maintenant est de continuer de vivre ensemble, de retrouver
une vie tranquille et une stabilité après les importantes perturbations
que nous avons subies suite aux pressions de la guerre.
Avin Anes
Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils
L’amour et la musique en partage
Reza et Kristina. Photo: David Crittin.
Visages de l’asile
« Les hommes font partie du même corps.
Ils sont issus de la même essence.
Si le destin faisait souffrir l’un des membres
Les autres n’en auront pas de repos.
Toi qui es indifférent aux malheurs des autres
Tu ne mérites pas d’être nommé un Homme. »
Ce poème phare de Saadi, célèbre poète de la littérature perse, est
devenu le leitmotiv de la vie de Reza, un jeune Iranien aujourd’hui
requérant d’asile en Suisse.
Le sens de l’autre, c’est ce qui l’a amené à prendre son bâton de pèlerin
pour se mettre en route et aller au carrefour des cultures et des
continents. Sur la terre arménienne, il rencontre Kristina, son amour.
Une même passion pour la musique les réunit : la guitare pour Reza et,
pour Kristina, le qanun, un instrument de musique traditionnelle en
Arménie.
La vie les pousse sur les chemins de l’exil. Ils arrivent en Suisse où
ils
déposent
difficile
:
une
ils
demande
font
d’asile.
l’expérience
L’installation
brutale
du
en
Valais
déracinement,
est
de
l’isolement, de l’incertitude et de la maladie… Mais la musique, cet art
sans frontière qui comme l’amour pousse aux horizons lointains, vient
éclairer leur chemin.
Leur entourage, à Sion où ils vivent, se rend tout de suite compte de
leur passion pour la musique. Heureuse coïncidence, la fête du
bicentenaire du Canton du Valais est en pleine préparation. Les
organisateurs les convient à participer à un spectacle intitulé « la
danse de soi, le pont de l’autre ». Ils répondent favorablement… Les
voilà donc embarqués, Reza à la guitare et Kristina au piano, pour plus
d’une année de préparation. Au cours de cette période, trois mois avant
le jour J, ils accueillent leur premier enfant. Certes, ce changement au
sein du couple n’allait pas faciliter leur disponibilité, mais ils ont
tenu leur engagement jusqu’au bout.
Le 8 août dernier, ils étaient au lieu du rendez-vous, Reza avec sa
guitare et Kristina derrière son piano. Dans la simplicité, l’unique
couple du spectacle et les seuls requérants d’asile parmi les musiciens
ont été très remarqués. Reza, avec l’humilité qui caractérise le couple,
dira : « Nous avons eu simplement la joie de partager notre passion ;
bien sûr, au milieu de cet événement interculturel, nous étions
emblématiques : je suis Iranien, ma femme est Arménienne, notre fille est
née en Suisse. Mais l’identité, ce n’est pas le passeport, c’est la
personne que l’on est. »
Le couple mélomane n’entend pas s’arrêter là. Ils comptent mettre sur
pied un duo pour un enrichissement mutuel et l’enchantement du public.
Que le bon vent les accompagne !
La rédaction valaisanne de Voix d’Exils
Du Rwanda à la Suisse, le parcours
d’une intégration réussie
Jacqueline C. Photo: Fbradley Roland
Jacqueline C., la quarantaine, a connu l’enfer du génocide rwandais mais
n’a pas perdu sa foi en l’humanité. Arrivée en Suisse en 2004, en tant
que requérante d’asile, cette femme lumineuse a maintenant la nationalité
suisse. Elle a accepté de témoigner de son expérience.
Quand on la rencontre, impossible d’imaginer que Jacqueline a connu
l’horreur absolue. Née au Rwanda, cette très belle femme pleine de vie et
d’amour est une ressuscitée, une vraie. Elle qui s’est réveillée entre
les morts.
En effet, en avril 1994, la vague de violences perpétrées contre les
Tutsis, minorité ethnique au Rwanda, atteint son apogée: des millions de
personnes sont sauvagement massacrées à la machette, les femmes enceintes
sont violées puis éventrées, des enfants sont balancés contre des murs
sous les yeux de leurs parents, des hommes sont torturés avant d’être
enterrés vivants. Pendant trois mois, le Rwanda va sombrer dans une folie
meurtrière. Le génocide fera près de d’un million de morts et ce dans
l’indifférence totale du monde entier ! C’est dans ce contexte que
Jacqueline va tout perdre. Sa famille et même sa vie, d’une certaine
façon, selon elle. Malgré le recul, elle n’arrive toujours pas à
comprendre comment elle a survécu à cette folie humaine. Elle qui avait
été donnée pour morte, parmi tant d’autres, par les assaillants.
La reconstruction
Arrivée en Suisse en 1994, elle dit avoir voulu étudier la psychologie,
pour comprendre ce qui pouvait amener les êtres humains à commettre de
tels actes. Elle a déposé une demande d’asile, puis elle connu la vie des
centres pour demandeurs d’asile. Pour se réinsérer dans le monde du
travail helvétique, elle a dû abandonner son métier de banquière pour
suivre une formation de quatre ans en infirmerie.
Naturalisée suisse depuis quatre ans, Jacqueline vit dans le canton de
Vaud. Elle est mariée, mère de trois charmantes filles et exerce le
métier d’infirmière au CHUV (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois).
Serviable et très engagée auprès des requérants d’asile, dans les centres
d’accueil pour migrants, elle dit ressentir un énorme besoin d’écouter et
d’aider les demandeurs d’asile.
La victoire de l’amour sur la haine
Cette Rwandaise devenue Suissesse dit toujours aimer son pays le Rwanda,
malgré tout. Ce pays, jadis appelé la Suisse de l’Afrique, dont elle dit
qu’il lui a tout volé avec une voix teintée d’émotion et des larmes aux
yeux. Mais, malgré ce passé plus que douloureux dans son pays d’origine,
elle assure que sa plus belle victoire a été de vaincre la haine par
l’amour : « c’est cet amour pour les autres, pour la vie, qui m’a donné
la force de rester humaine, de croire à l’humanité et de ne pas céder au
désespoir. »
Fbradley Roland
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils