droit des assurances
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DROIT DES ASSURANCES janvier 2016 FAUTE INTENTIONNELLE OU DOLOSIVE : UNE MISE EN EXAMEN POUR INFRACTION INTENTIONNELLE NE SAURAIT SUFFIRE EN BREF : La mise sous contrôle judiciaire de l’assuré du fait de sa mise en examen pour infractions intentionnelles ne saurait suffire à caractériser une faute intentionnelle ou dolosive au sens de l’article L.113-1 du Code des assurances. Le contrat d’assurance est par nature un contrat aléatoire. Toute disparition de l’aléa, au moment de la souscription du contrat (du fait de la connaissance du fait dommageable par l’assuré au moment de la souscription de la garantie), comme en cours de contrat (du fait d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré), est dès lors de nature à priver de cause le contrat d’assurance et à justifier un refus de garantie de l’assureur. L’article L.113-1 alinéa 2 du Code des assurances dispose ainsi que « l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ». Après avoir longtemps assimilé la faute dolosive à la faute intentionnelle, la Cour de Cassation tend désormais à établir une distinction entre faute intentionnelle d’une part, et faute dolosive d’autre part (Civ.2ème, 28 février 2013, n°12-12813). La faute intentionnelle suppose la réunion de deux conditions, qui sont (i) l’existence d’une faute volontaire et délibérée, ainsi que (ii) la volonté de causer le dommage tel qu’il est survenu et pas seulement d’en créer le risque. La faute dolosive, quant à elle, suppose que les circonstances de fait du sinistre établissent une disparition de tout aléa du seul fait de la volonté de l’assuré, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si l’assuré a eu la volonté de causer le dommage tel qu’il est survenu. Dans un arrêt du 12 septembre 2013, la Cour de Cassation a ainsi pu retenir la faute dolosive d’un assuré après avoir caractérisé une « prise de risque volontaire » de l’assuré, « faussant l’élément aléatoire attaché à la couverture du risque », bien que l’assuré n’ait pas recherché les conséquences dommageables qui en sont résultées (Civ.2ème, 12 septembre 2013, n°12-24650). La charge de la preuve incombe à l’assureur. Aux termes d’un arrêt rendu le 22 octobre 2015 (n°14-25494), la Cour de Cassation a précisé que « le seul placement sous contrôle judiciaire de l’assuré à la suite de sa mise en examen, fût-ce pour des infractions intentionnelles, ne permet pas de tenir pour établie une faute intentionnelle ou dolosive de celui-ci ». Dans cette affaire, un pharmacien avait souscrit un contrat d’assurance Multirisques Pharmacie, garantissant notamment le paiement d’une indemnité pour la dépréciation de la valeur vénale de l’officine assurée, lorsque celle-ci était la conséquence d’un fait ayant causé un dommage à autrui, suivi d’un scandale notoire ou pour lequel la responsabilité de l’assuré ou de ses préposés était recherchée par la voie d’une instance civile DROIT DES ASSURANCES PHILIPPE MATHURIN A S S O C I É NATHALIE DUPUY-LOUP O F C O U N S E L FAHIMA GASMI O F C O U N S E L ou pénale ou même d’une information ouverte contre l’un d’eux pour erreur ou faute professionnelle dans la préparation, le conditionnement, la vente de médicaments. Le 5 juillet 2007, le pharmacien assuré a été mis en examen pour complicité d’infraction à la législation sur les substances vénéneuses, en l’espèce du SUBUTEX, complicité d’escroquerie à la CPAM et mise en danger d’autrui. Placé sous contrôle judiciaire, astreint à ne pas exercer son activité de pharmacien, il a été contraint de fermer son officine jusqu’à ce qu’il trouve un remplaçant. Le pharmacien a fait une déclaration de sinistre à son assureur et sollicité le bénéfice de la garantie d’assurance ; lequel lui a été refusé par l’assureur, d’abord sur le fondement d’une exclusion de garantie concernant les infractions à la législation sur les stupéfiants (moyen abandonné en cause d’appel puisque le SUBUTEX n’est pas classifié comme stupéfiant), puis sur le fondement de l’article L.113-1 du Code des assurances. Pour accueillir le moyen soulevé par l’assureur, la Cour d’appel avait retenu, dans son arrêt du 16 septembre 2014 (CA Paris, 16 septembre 2014, RG N°11/19307), qu’en l’espèce, l’assureur était bien fondé à opposer cette exclusion, même si les infractions en cause étaient contestées, « alors que le fait générateur du dommage est la mise sous contrôle judiciaire de l’intéressé du fait de sa mise en examen pour les infractions intentionnelles de complicité d’infraction à la législation sur les substances vénéneuses, en l’espèce du subutex, complicité d’escroquerie à la CPAM et mise en danger d’autrui ». La censure de l’arrêt était prévisible. En effet, les infractions intentionnelles en cause étaient contestées par l’assuré et seul était invoqué par l’assureur la mise en examen de l’assuré au titre de ces infractions, et le placement de ce dernier sous contrôle judiciaire. Or, il importe de rappeler qu’une mise en examen ne saurait valoir reconnaissance ou preuve de culpabilité ; la mise en examen induisant exclusivement, en application de l’article 80-1 du Code de procédure pénale, que des indices graves ou concordants existent, qui rendent vraisemblable la participation de la personne, comme auteur ou complice, à la commission des infractions dont est saisi le juge d’instruction. Devant la Cour de renvoi, il appartiendra à l’assureur d’établir la preuve de la faute intentionnelle ou dolosive de son assuré, autrement que par la seule mise en examen de ce dernier.