II. Ecrits des professionnels et récits d`action

Transcription

II. Ecrits des professionnels et récits d`action
II. Ecrits des professionnels et récits d’action
Sexualité et démence avancée
Une approche éthique
Mikaela Halvarsson, psychologue, musicothérapeute, EMS Les Charmettes
Récit d’une action conduite en 2005 à la demande du personnel
Objectifs du projet
L’action conduite au sein de l’EMS Les Charmettes avait pour but de valider le malaise
ressenti par toute une équipe face à une situation délicate, d’assurer aux collaborateurs
qu’ils avaient été entendus, et de les aider à adopter la bonne attitude pour être à l’aise.
Cadre institutionnel
L’EMS Les Charmettes accueille 88 résidants souffrant de la maladie d’Alzheimer ou
d’autres formes de démences, et des personnes présentant des troubles psychiatriques sévères. La plupart des personnes accueillies n’ont plus leur capacité de discernement.
L’établissement propose cinq lieux de vie aux résidants : quatre unités de vie accompagnent les diverses étapes de la démence et une cinquième est spécialisée en psychiatrie. Chaque unité de vie est spécialisée dans un type d’accompagnement, lié aux
ressources et aux handicaps des résidants de l’unité. L’une d’elles, l’unité Bonzaï, dite
aussi unité de «crise», accueille un nombre restreint de résidants présentant un problème comportemental. L’environnement leur permet de déambuler dans un cadre sécurisé, sans moyens de contention.
L’objectif principal du projet d’établissement est de préserver la santé, l’autonomie et
l’indépendance des résidants, et d’adapter son accompagnement à l’évolution de ses
ressources et handicaps.
Contexte du projet
L’unité Bonzaï accueille au nombre de ses résidants un homme et une femme qui,
malgré un déficit cognitif important, aimaient déambuler ensemble. Puis leur relation a
évolué, est devenue plus intime : attouchements, caresses et rapports sexuels dans la
chambre de l’un ou de l’autre. Si les soignants respectent cette relation privilégiée qui
semble bien convenir aux deux résidants, ils font néanmoins part, lors d’un colloque, de
leur malaise face à cette situation. En effet, cet homme et cette femme ont une compagne, respectivement un mari, ainsi que des proches qui viennent régulièrement en visite et risquent à tout moment de surprendre le couple en situation délicate. Dès lors,
quelle attitude adopter avec les familles? Faut-il les informer de cette relation afin
d’anticiper des rencontres gênantes?
Descriptif du projet
•
Première étape. Un colloque est organisé avec les aides-soignantes, l’infirmière de
l’unité, l’infirmière responsable, la psychologue et les médecins-répondants. L’objectif
1
Journée inter-EMS – 26 avril 2007
est de valider la gêne des soignants et de permettre à chacun d’exprimer son opinion
quant à la suite des événements. C’est aussi l’occasion d’aborder les nombreuses
questions éthiques qui se posent. Le groupe opte finalement pour la transparence et
décide d’informer les familles sur la nature des relations entre leurs parents respectifs,
prenant le risque de voir se rompre le dialogue avec ces familles.
•
Deuxième étape. Chaque famille est réunie séparément. Le médecin-répondant,
l’infirmière responsable, l’infirmière de l’unité et la psychologue exposent la situation.
Les familles ont très bien réagi et compris la situation. Grâce à cette attitude,
l’institution et les familles peuvent continuer à travailler ensemble. Les nombreuses
questions éthiques ne sont pas réglées pour autant.
•
Troisième étape. Un colloque interdisciplinaire sur l’éthique et la sexualité au sein de
l’institution réunit tous les collaborateurs de l’EMS. Auparavant, les collaborateurs ont
eu l’occasion de faire part, par écrit, de leurs interrogations et préoccupations en lien
avec cette thématique. Eric Fuchs, professeur honoraire d’éthique, est invité au colloque, pour discuter avec les participants des questions qui les préoccupent, notamment
celles tournant autour des notions de consentement et de discernement, particulièrement sensibles dans un environnement psychogériatrique :
-
Quelle attitude adopter avec des résidants incapables de discernement et qui
ont des rapports intimes?
Comment être sûr qu’il s’agit d’une relation consentante ?
Doit-on protéger nos résidants?
Comment intervenir tout en respectant les droits du résidant ?
Que représente le sexe pour des personnes âgées souffrant de démence sévère ?
Même si toutes n’ont pas trouvé réponse, le colloque interdisciplinaire autour de
l’éthique a permis de formuler les interrogations et préoccupations qui n’avaient jusquelà jamais été exprimées.
Baise-main, caresse sur le visage, massage le long du dos…
Comment mettre de la distance sans blesser ni brusquer le résidant?
Question d’une collaboratrice
Evaluation du projet
Parce qu’ils ont été entendus, les soignants se sentent plus sereins face à de telles situations et plus à l’aise dans leur rôle de professionnels. Malgré le risque que représentait une information transparente aux familles, la relation de confiance entre elles et
l’institution n’a pas souffert. Le dialogue est primordial pour un accompagnement de
qualité. Les réflexions autour des questions éthiques ont permis des échanges sur les
façons de faire, les attitudes à adopter, les règles à respecter…
Perspectives
Le colloque interdisciplinaire et les réflexions éthiques ont mis en évidence le fait que chaque situation est unique, et appelle une solution unique. Il n’y a pas de procédure type à
suivre. Il faut à chaque fois prendre le temps d’évaluer le problème et d’imaginer la façon
de le résoudre.
2
Journée inter-EMS – 26 avril 2007