propriété intellectuelle et franchisage aperçu de quelques

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propriété intellectuelle et franchisage aperçu de quelques
PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET FRANCHISAGE
APERÇU DE QUELQUES LOIS CONCERNANT LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET
L'IMPACT DE CELLES-CI SUR LE FRANCHISAGE
par
Hugues G. Richard et Barry Gamache*
LEGER ROBIC RICHARD, avocats
ROBIC, agents de brevets et de marques de commerce
Centre CDP Capital
1001 Square-Victoria – Bloc E - 8e étage
Montréal (Québec) H2Z 2B7
Tél: 514-987-6242 - Fax: 514-845-7874
[email protected] – www.robic.ca
Le mot "franchise" a des origines anciennes; dans son sens premier, il veut dire:
liberté, indépendance. Juridiquement, à son origine, il s'entendait du droit
(privilège, immunité, etc.) limitant l'autorité souveraine au profit d'une ville,
d'un corps, d'un individu. En droit moderne, il se dit de certaines exemptions
ou exonérations e.g. franchise douanière.
Le mot "franchise" est donc évocateur d'une permission ou d'un privilège.
Lorsqu'appliquée au domaine commercial, cette expression s'entend
généralement du droit concédé par un fabricant (franchiseur), moyennant
redevances, à un commerçant indépendant (franchisé), d'exploiter une
marque de commerce ou un brevet, avec l'engagement du franchiseur de
fournir au franchisé son assistance (voir Dictionnaire Petit Robert, dictionnaire
de la langue française, rédaction dirigée par A. Rey et J. Rey-Debove, 1989,
définition de "franchise" et "franchisage").
La marque de commerce et le brevet sont porteurs de droits exclusifs
appartenant à leur titulaire, ce dernier ayant toutefois le loisir de concéder à
des tiers la totalité ou une partie de sesdits droits. Lorsque cette concession
ou licence s'accompagne d'un engagement du titulaire de fournir en plus au
© LÉGER ROBIC RICHARD / ROBIC, 1992.
* Avocat et agent de marques de commerce, Hugues G. Richard est l'un des associés
principaux du Cabinet d'avocats LEGER ROBIC RICHARD, s.e.n.c. et du Cabinet d'agents de
brevets et de marques ROBIC, s.e.n.c. Avocat, Barry Gamache est également un des
associés des mêmes Cabinets.
Ce document, d'information générale, a été préparé pour les fins d'une conférence donnée
dans le cadre des Meredith Lectures organisée par l'Université McGill le 1992.11.06 et portant
sur le «Franchising»: il ne reflète pas nécessairement les opinions de ses auteurs ou des
membres de leurs Cabinets et ne prétend pas non plus exposer l'état complet du droit.
Publication 114.
concessionnaire une assistance (dont la nature et l'étendue peut varier),
cette concession ou licence devient "franchise".
Dans les pages qui vont suivre, un survol sommaire sera effectué de quelques
dispositions de lois relevant du domaine de la propriété intellectuelle et de
l'impact de celles-ci sur les relations établies par le contrat de franchisage
entre le franchiseur et le franchisé.
I-
LA LOI SUR LES MARQUES DE COMMERCE
Un aspect important de la relation entre le franchiseur et ses franchisés est la
permission qu'accorde le premier aux seconds d'employer une ou plusieurs
marques de commerce lui appartenant. Quelques précautions s'imposent
cependant afin de protéger cet actif intangible que constitue une marque
de commerce.
A.
La notion de "marque de commerce"
Précisons tout d'abord qu'une "marque de commerce" est définie à la Loi sur
les marques de commerce L.R.C. 1985, c. T-13, comme étant une "marque
employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les
marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services
loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données
à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par d'autres". Une marque
de commerce peut donc être un mot, une série de mots, un symbole, un
dessin, même un son ... bref tout signe servant à identifier la source d'un
produit. En effet, la fonction première d'une marque de commerce est de
servir à distinguer la source d'un produit ou d'un service d'un commerçant de
ceux des autres.
B.
La notion d'"emploi" de marque de commerce
Les droits d'un propriétaire sur une marque de commerce peuvent naître et
grandir grâce à l'emploi qui est fait de cette marque par celui-ci. Cernons
cette notion d'emploi: l'article 4 de la Loi sur les marques de commerce
précise qu'une marque est réputée employée en liaison avec des
marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces
marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur
les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont
distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel
point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou
possession est transférée; une marque de commerce est réputée employée
en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution
ou l'annonce de ces services.
Pour qu'une marque soit reconnue comme ayant été employée (et ainsi
permettre à son propriétaire de bénéficier de droits sur celle-ci), l'"emploi" en
liaison avec des marchandises, doit avoir été effectué dans les conditions
que mentionne l'article 4 de la Loi:
1.
La marque doit avoir été employée de manière à distinguer les
marchandises de son propriétaire des autres marchandises sur le
marché;
2.
La marque doit être associée aux marchandises de telle manière
qu'il y ait avis de liaison entre la marque et les marchandises;
3.
Il doit y avoir transfert de la propriété ou de la possession des
marchandises dans la pratique normale du commerce au
Canada.
L'article 4 prévoit deux méthodes pour établir l'avis de liaison entre une
marque de commerce et des marchandises, c'est-à-dire 1_) l'apposition de la
marque de commerce sur les marchandises elles-mêmes ou 2_) l'apposition
de celle-ci sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées.
Remarquons que d'autres types d'avis de liaison ont été reconnus par nos
tribunaux: ainsi, l'apposition de la marque de commerce sur les étiquettes
d'un produit ou encore l'impression de la marque de commerce sur des
factures peuvent également être des avis de liaison. Soulignons toutefois que
la seule publicité ou encore l'impression de la marque de commerce sur du
papier à lettre ou des enveloppes ne seront pas suffisantes pour être
reconnues comme l'emploi d'une marque de commerce en association avec
des marchandises. À ce sujet, référence peut être faite à l'affaire Boutiques
Progolf Inc. v. Registraire des marques de commerce, (1989) 27 C.I.P.R. 3
(F.C.T.D., Denault, J.) où le tribunal a écrit à la page 10:
"On n'a produit aucune marchandise portant la marque
BOUTIQUES PROGOLF & DESSIN, ni aucun colis dans lesquels ces
marchandises auraient été distribuées. (...) Tout au plus a-t-on
démontré que depuis 1985, la compagnie dont le nom corporatif
est le même que celui de la marque qu'on tente de protéger
utilisait la marque BOUTIQUES PROGOLF & DESSIN comme entête
sur sa papeterie. Bref, on se servait de cette marque comme
"nom commercial" mais non en tant que marque de commerce
en liaison avec les marchandises qu'on avait indiquées lors de
l'enregistrement."
Pour qu'une marque soit reconnue comme ayant été "employée" au sens de
la Loi, il doit y avoir eu transfert de la propriété ou de la possession au Canada
de marchandises à un quelconque moment avant que celles-ci n'atteignent
le consommateur. Ainsi, le transfert peut avoir été celui du manufacturier au
grossiste, du grossiste au détaillant ou du détaillant au consommateur. (Voir à
cet effet Manhattan Industries Inc. v. Princeton Manufacturing Ltd., (1971) 4
C.P.R (2d) 6 (F.C.T.D., Heald, J.)). Cependant, si un article exhibant une
marque de commerce est acheté à l'extérieur du Canada par un
consommateur et introduit au Canada pour son usage personnel, il n'est alors
pas possible de dire que cette marque de commerce a été "employée" au
Canada. Les mêmes commentaires s'appliquent pour une marque de
commerce "employée" en liaison avec des services; ceux-ci doivent avoir été
rendus au Canada et la marque sera réputée employée si elle est employée
ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services (voir article 4(2) de
la Loi sur les marques de commerce). Encore une fois, la seule publicité de la
marque est insuffisante pour être qualifiée d'"emploi" de marque de
commerce, il faut que le service soit rendu.
Les notions d'emploi de marque de commerce sont très importantes; tant le
franchiseur que ses franchisés devraient en connaître les rudiments afin
d'éviter de désagréables surprises. Ainsi, la marque de commerce enregistrée
qui n'est pas "employée" au sens de la Loi sur les marques de commerce, peut
être vulnérable aux procédures judiciaires en radiation (initiées en vertu de
l'article 57 de la Loi) ou aux procédures administratives en radiation (initiées
en vertu de l'article 45 de la Loi). Les franchisés qui n'emploieraient pas une
marque de commerce enregistrée au sens de l'article 4 de la Loi pourraient
donc se trouver avec un intangible ayant perdu toute valeur dans la mesure
où un tribunal pourrait constater que la marque de commerce en question a
été abandonnée, faute d'emploi au sens de la Loi, et ordonner sa radiation
du registre.
C.
L'importance du caractère distinctif d'une marque de commerce
Ainsi que nous l'avons noté précédemment, la fonction première d'une
marque de commerce est de distinguer les marchandises de son propriétaire
de celles des autres. Une marque de commerce est donc indicative de la
source d'un produit. Grâce à cette conception qui origine des balbutiements
de la période industrielle, il a donc été facile d'affirmer que toute licence
accordée à des tiers (c'est-à-dire des entités juridiques distinctes) autorisant
l'emploi d'une marque de commerce a pour effet de diluer le caractère
distinctif (i.e. le caractère de ce qui permet réellement de distinguer) de
ladite marque de commerce: confronté à la même marque de commerce
originant de diverses sources, le consommateur ne pourrait plus distinguer la
source réelle du produit auquel est apposée cette marque. (Voir à cet effet
Bowden Wire Ltd. v. Bowden Brake Co. Ltd. (1914), 31 R.P.C. 385 (H.L.)).
C'est pour concilier la notion traditionnelle de marque de commerce telle
qu'expliquée ci-haut avec les nouvelles réalités économiques que le
législateur canadien a introduit en 1953 dans la Loi sur les marques de
commerce l'article 50 relativement aux usagers inscrits (anciennement article
49). Grâce à l'article 50 de la Loi sur les marques de commerce, le
propriétaire d'une marque enregistrée peut autoriser un tiers à employer sa
marque et tel emploi sera sans effet négatif sur le caractère distinctif de la
marque pour autant que ce tiers soit inscrit comme usager autorisé de la
marque conformément à l'article 50. Tel emploi par un usager autorisé est
défini comme étant l'emploi permis à l'article 50(2) de la Loi.
Les dispositions de la Loi sur les marques de commerce relativement aux
usagers inscrits sont très importantes pour le franchiseur et ses franchisés
puisque la relation d'affaires entre ceux-ci prévoit notamment la possibilité
pour les seconds d'employer la marque de commerce, propriété du premier.
Ainsi, dans la mesure où le franchiseur, propriétaire d'une marque de
commerce, permet à ses franchisés - des entités juridiques distinctes d'employer ladite marque en omettant d'inscrire ceux-ci comme usagers
autorisés de cette marque, celui-ci met alors en danger le caractère distinctif
de sa marque et de ce fait, la validité et la valeur de celle-ci. À ce sujet,
référence peut être faite à l'affaire Motel 6, Inc. v. No. 6 Motel Limited et al.,
[1982] 1 F.C. 638 (F.C.T.D., Addy, J.) où le tribunal a écrit à la page 658:
"La demanderesse fait aussi valoir que la marque de la
défenderesse a perdu son caractère distinctif en raison de l'octroi
de licences à d'autres usagers sans enregistrement. L'emploi par
un usager non inscrit entraîne la perte du caractère distinctif de
la marque. Ce principe sous-tend toute notre Loi sur les marques
de commerce, qui diffère à cet égard de la loi britannique.
Les dispositions relatives
strictement observées.
à
l'enregistrement
doivent
être
(...) L'emploi permis de l'article 49(3) [maintenant 50(3)] de la Loi
sur les marques de commerce est une exception à l'ancienne
règle selon laquelle une marque ne pouvait être employée que
par son propriétaire. Cet article doit par suite être strictement
interprété tant au point de vue du fond qu'au point de vue des
modalités d'application qu'il prévoit."
(Voir également: Laflamme Fourrures (Trois-Rivières Inc.) v. Laflamme Fourrures
Inc., (1986) 11 C.P.R. (3d) 237 (F.C.T.D., Joyal, J.); Neilson Ltd. v. Freddy's &
Koala Drive In Restaurants Ltd., (1973) 9 C.P.R. (2d) 169 (Reg. T.M. Robitaille).
Cette dernière affaire concernait justement une marque de commerce ayant
perdu son caractère distinctif suite à l'emploi de celle-ci par des franchisés
dont on n'avait pas sollicité l'inscription comme usagers inscrits.)
D.
La procédure relative aux usagers inscrits
L'inscription d'un franchisé (comme tout autre licencié d'ailleurs) à titre
d'usager autorisé doit s'effectuer selon des paramètres précis: une entité
autre que le propriétaire d'une marque de commerce peut être enregistrée
comme usager inscrit seulement si la marque de commerce en question est
enregistrée ou en voie de l'être et si l'enregistrement de l'usager inscrit est
sollicité en relation avec les marchandises ou services pour lesquels la marque
de commerce est enregistrée ou en voie de l'être. Grâce à la fiction légale
établie par l'article 50 de la Loi, l'emploi permis d'une marque de commerce
par un usager inscrit a le même effet, pour l'application de la Loi sur les
marques de commerce, qu'un emploi de cette marque par le propriétaire
inscrit (S.C. Johnson & Son, Ltd. v. Marketing International Ltd., [1980] 1 R.C.S.
99 (C.S.C., Pigeon, J.)).
Outre le fait de préserver le caractère distinctif d'une marque de commerce,
les dispositions relativement aux usagers inscrits offrent d'autres avantages
pour le franchiseur et ses franchisés: ordinairement, la seule personne ayant le
pouvoir de poursuivre en usurpation d'un droit de propriété est le titulaire de
ce droit. Cependant, en vertu de l'article 50(4) de la Loi sur les marques de
commerce, un usager inscrit peut initier des procédures en usurpation de ce
droit en son propre nom. L'usager inscrit peut suivre cette voie pour autant
qu'il a requis du propriétaire qu'il intente des procédures pour usurpation de la
marque et que celui-ci ait refusé ou négligé de le faire dans les deux mois qui
suivent cette réquisition. Cependant, si l'usager inscrit commence des
procédures en son propre nom, le propriétaire doit être nommé comme
défendeur. Évidemment, il n'y a aucune obligation imposée par l'article 50
obligeant l'usager inscrit d'initier de telles procédures.
Il est à noter,
cependant, que le droit de l'usager inscrit d'initier des procédures pour
usurpation de marque existe sous réserve de tout accord au contraire
subsistant entre le propriétaire et son usager inscrit. Ainsi, dans l'entente les
liant, le franchiseur et ses franchisés peuvent convenir à l'avance de la partie
qui initiera les procédures en usurpation de marque de commerce, si celles-ci
venaient à s'imposer.
Une demande visant l'inscription d'un usager inscrit peut être faite à la fois par
le propriétaire de la marque et par l'usager inscrit projeté de celle-ci. Ainsi
que l'exige l'article 50(5), une demande visant l'inscription d'une entité
comme usager inscrit doit être faite par écrit et énoncer les coordonnées de
la marque de commerce enregistrée visée. Toute demande doit contenir les
détails des relations entre les parties, y compris les indications du degré de
contrôle que leurs relations conféreront au propriétaire sur l'emploi permis;
l'état déclaratif des marchandises ou services pour lesquels l'inscription est
projetée; les détails des conditions ou restrictions relativement aux
caractéristiques des marchandises ou services, le mode ou le lieu de l'emploi
permis, la durée prévue de l'emploi permis; et tout autre document ou
renseignement exigés par le registraire.
Les conditions ou restrictions
énoncées dans la demande doivent être suffisantes pour permettre au
registraire de conclure que le propriétaire contrôle l'emploi de sa marque de
commerce. L'entente complète existant entre le propriétaire de la marque et
son licencié ou franchisé n'a pas à être déposée auprès du registraire.
Il est à remarquer que les dispositions de la Loi sur les marques de commerce
relativement aux usagers inscrits n'ont pas pour effet de conférer à un usager
inscrit d'une marque de commerce un droit transférable à l'emploi de cette
marque. Cette disposition est importante dans le cas de l'existence d'une
franchise maîtresse, mettant en situation un franchiseur, un franchisé maître et
divers franchisés individuels.
Ordinairement, dans le cas d'une franchise impliquant simplement un
franchiseur et des franchisés, le premier devra inscrire les seconds comme
usagers autorisés lors de tout octroi du droit d'employer la marque de
commerce du franchiseur. La situation varie quelque peu dans le cas de
franchises maîtresses: le franchiseur accorde une franchise maîtresse au
franchisé maître, qui à son tour accorde des "sous-franchises" aux franchisés
individuels. Suivant ce qui a été indiqué précédemment, les franchisés
individuels devront être inscrits comme usagers autorisés de la marque de
commerce enregistrée, si l'emploi de celle-ci leur a été concédé, afin d'en
protéger le caractère distinctif. Telle situation exigera cependant l'exécution
d'une demande entre le propriétaire de la marque et les franchisés individuels
puisque la Loi sur les marques de commerce exige que toute demande visant
l'inscription d'un usager autorisé doit être faite par cette personne et par le
propriétaire de la marque concernée.
Le franchiseur peut cependant
désigner un mandataire pour signer ces demandes qui pourrait, selon les
circonstances, être le maître franchisé.
La présence d'un maître franchisé ne devrait pas créer de sérieux problèmes
au niveau de l'exécution de la demande en vue de l'inscription d'une
personne comme usager inscrit en autant que la demande soit faite par le
propriétaire de la marque et le futur usager inscrit et non par le maître
franchisé, ce dernier pouvant toutefois agir comme mandataire du
propriétaire. Des problèmes toutefois peuvent naître de la présence d'un
maître franchisé au niveau du degré de contrôle qu'exercera réellement le
propriétaire sur l'emploi permis de la marque. Le contrôle de l'emploi permis
étant directement lié au caractère distinctif de la marque, moins le
propriétaire exercera de contrôle, moins la marque sera distinctive. Il s'agit
d'une situation de fait à juger cas par cas. La Loi ne prévoit pas la possibilité
de déléguer à un maître franchisé la responsabilité d'exercer les contrôles.
Afin d'éviter la situation ci-haut décrite, le franchiseur, s'il n'est pas une société
oeuvrant principalement au Canada, pourra décider d'enregistrer son
franchisé maître comme propriétaire de sa marque de commerce au
Canada. Outre la possibilité de lutter plus facilement contre l'importation
parallèle, cette situation permettra de limiter l'exécution de documents visant
l'inscription d'usagers inscrits entre les seuls franchisés individuels et le
"franchisé maître" devenu propriétaire de la marque. Il va sans dire qu'une
telle solution ne doit être envisagée qu'avec prudence et ne devrait être
possible que lorsque le "maître franchisé" est une filiale du franchiseur.
Des discussions ont présentement cours au niveau gouvernemental visant
l'abolition des dispositions de l'article 50 de la Loi sur les marques de
commerce qui imposent un fardeau administratif et financier important à
ceux qui s'en prévalent. Dans la mesure où ces dispositions venaient
effectivement à être abolies, nous croyons que les exigences relativement au
maintien du caractère distinctif d'une marque de commerce seraient
cependant conservées. Il appartiendrait donc aux parties impliquées au
contrat de franchisage de maintenir le caractère distinctif de la marque de
commerce, propriété du franchiseur. Ceci pourrait s'accomplir, par exemple,
par la mention suivante à côté d'une marque de commerce employée par
un franchisé: "dénote une marque de commerce propriété de X et employée
en vertu d'un contrat de franchisage par Y".
Évidemment, l'abolition
éventuelle des dispositions de la Loi sur les marques de commerce
relativement aux usagers inscrits ne dispensera pas le franchiseur d'assurer un
contrôle quant à l'emploi qui sera fait de sa marque de commerce.
E.
S'agit-il toujours de la même marque de commerce?
Le franchiseur qui permet à ses franchisés d'employer sa marque de
commerce enregistrée doit s'assurer que ceux-ci emploient la marque sous la
même forme que celle apparaissant à son enregistrement. Le franchiseur doit
donc voir à ce que le franchisé ne prenne aucune liberté relativement à la
représentation de la marque de manière à changer l'aspect de celle-ci.
Ainsi que l'a rappelé récemment la Cour d'appel fédérale dans Munsingwear
Inc. v. Promafil Canada Limitée, F.C.A., no A-235-90, 8 juillet 1992, le
propriétaire d'une marque de commerce enregistrée qui emploie celle-ci
sous une forme différente que celle apparaissant au certificat
d'enregistrement, joue avec le feu. En effet, dans le mesure où le tribunal
constate que la marque employée n'est plus la même que la marque
enregistrée, il est alors possible que la marque de commerce enregistrée soit
considérée comme ayant été abandonnée. Telle constatation peut mener à
la radiation de l'enregistrement ainsi que nous l'avons vu précédemment.
Quant aux critères permettant de déterminer si l'emploi dans les faits d'une
marque qui est différente de sa forme enregistrée équivaut à l'emploi de la
marque telle qu'enregistrée, la Cour d'appel fédérale a indiqué ce qui suit
dans Registraire des marques de commerce v. Compagnie internationale
pour l'informatique CII Honeywell Bull, [1985] 1 C.F. 406 (F.C.A.), aux pp. 408409:
"Il ne s'agit pas de déterminer si CII a trompé le public quant à
l'origine de ses marchandises. Elle ne l'a manifestement pas fait.
La seule et véritable question qui se pose consiste à se demander
si, en identifiant ses marchandises comme elle l'a fait, CII a
employé sa marque de commerce "Bull". Il faut répondre non à
cette question sauf si la marque a été employée d'une façon
telle qu'elle n'a pas perdu son identité et qu'elle est demeurée
reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous
laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été
employée. Le critère pratique qu'il faut appliquer pour résoudre
un cas de cette nature consiste à comparer la marque de
commerce enregistrée et la marque de commerce employée et
à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques
sont à ce point minimes qu'un acheteur non averti concluerait,
selon toute probabilité, qu'elles identifient toutes deux, malgré
leurs différences, des marchandises ayant la même origine.
Si on considère le problème sous cet angle et qu'on applique ce
critère, nous ne pouvons que conclure qu'en employant la
marque composite "CII Honeywell Bull" CII n'a pas employé sa
marque "Bull"."
Relativement aux variations dans l'emploi de marques de commerce,
l'analyse pour déterminer si la marque de commerce employée s'éloigne trop
de la marque de commerce sous sa forme enregistrée, s'effectue selon la
méthode du cas par cas. Toutefois, afin d'éviter des surprises désagréables, il
est impératif que le franchiseur s'assure que tous ses franchisés emploient sa
marque de commerce sous sa forme enregistrée. Si le franchiseur décidait
d'apporter lui-même des modifications à sa marque, celui-ci devra alors
produire une nouvelle demande d'enregistrement afin de protéger sa
nouvelle marque de commerce, accompagnée de nouvelles demandes en
vue de l'inscription des personnes voulues comme usagers inscrits de la
nouvelle marque.
II -
LA LOI SUR LE DROIT D'AUTEUR
L'entente liant le franchiseur à son franchisé implique généralement un
échange du premier vers le second de littérature ayant trait au "concept" du
franchiseur. On peut penser ici aux cahiers de normes, aux plans des
aménagements des lieux, aux manuels de procédures et autres documents.
Dans la mesure où ceux-ci sont tous des documents originaux émanant du
franchiseur, ce dernier peut bénéficier des dispositions de la Loi sur le droit
d'auteur L.R.C. 1985 c. C-42 afin d'empêcher la circulation de documents
copiés advenant le cas où les relations entre le franchiseur et son franchisé se
gâteraient. Ainsi, contrairement au cas de la Loi sur les marques de
commerce qui présente des intérêts pour les deux parties, la Loi sur le droit
d'auteur présente surtout un intérêt pour le franchiseur dans ses relations avec
ses franchisés ou des tiers.
Ainsi, si le franchiseur est l'auteur d'une "oeuvre" originale, en l'occurrence l'un
ou l'autre des documents ci-haut mentionnés, celui-ci peut bénéficier du
"droit d'auteur", c'est-à-dire du droit exclusif de produire ou de reproduire
l'oeuvre, ou une partie importante de celle-ci, sous une forme matérielle
quelconque. Le franchiseur peut bénéficier du droit d'auteur sur son "oeuvre",
c'est-à-dire les documents qu'il a confectionnés pour son réseau de
franchises, pour autant qu'il s'agisse d'une oeuvre originale. Le mot "oeuvre",
tel qu'employé dans la Loi sur le droit d'auteur, ne fait évidemment pas
référence au mérite artistique des documents en question.
En vertu de la Loi sur le droit d'auteur, pour que les documents du franchiseur
méritent protection, ceux-ci doivent être "originaux". Le concept d'originalité
n'est pas l'équivalent de celui de nouveauté et doit être plutôt entendu
comme signifiant ne pas être copié: l'originalité est la qualité d'une oeuvre
qui origine de son auteur et résulte de l'habileté, de l'expérience et du
jugement de celui-ci. Ainsi que l'exprimait le tribunal dans Pétel v. Imperial
Tobacco Co. of Canada Ltd. [1975] C.S. 97 (Q.S.C., Forest, J.), aux pp. 99-100:
"La condition d'originalité est très importante, mais ne s'applique
pas nécessairement à du nouveau comme dans le cas d'une
patente, à l'expression d'une idée nouvelle [...] L'oeuvre littéraire
doit [...] avoir demandé un certain travail, habileté, effort mental
ou physique pour la produire".
À l'inverse, une oeuvre originale peut être définie par ce qu'elle n'est pas: elle
n'a pas été copiée et elle ne relève pas du domaine public.
La plupart des logiciels, manuels, tableaux, listes et autres documents remis
par le franchiseur à son franchisé, pour autant que ceux-ci soient "originaux",
tel que défini précédemment, sont des oeuvres littéraires méritant protection
en vertu de la Loi sur le droit d'auteur. Une "oeuvre littéraire" comprend des
tableaux, compilations, traductions et des programmes d'ordinateur. Bien
avant l'entrée en vigueur de législations sur le droit d'auteur au Canada, il
était reconnu par exemple au Royaume Uni que des oeuvres telles des
compilations, des tableaux ou des guides routiers pouvaient bénéficier de la
protection du droit d'auteur à titre d'oeuvres littéraires, sans nécessairement
contenir de la prose au mérite littéraire élevé (voir à cet effet Caron v.
L'Association des pompiers de Montréal (1992) 42 C.P.R. (3d) 292 (F.C.T.D.,
Pinard J.)).
Si le franchiseur peut bénéficier d'un droit d'auteur sur le matériel qu'il remet
au franchisé, c'est-à-dire qu'appartient au seul franchiseur le droit de
reproduire une partie ou la totalité de la documentation, il s'ensuit que la
reproduction non autorisée d'une oeuvre protégée peut être sanctionnée.
D'ailleurs, l'article 38 de la Loi sur le droit d'auteur prévoit que tous les
exemplaires contrefaits d'une oeuvre protégée ou d'une partie importante de
celle-ci, sont réputés être la propriété du titulaire du droit d'auteur et que
celui-ci peut engager toute procédure en recouvrement de possession de
ceux-ci. Évidemment, des recours en dommage sont également ouverts au
franchiseur pour la reproduction illégale de ces documents.
Pour un franchisé, la plus grande prudence devrait s'imposer quant à l'emploi
qui est fait de la documentation remise par le franchiseur; celle-ci ne doit pas
être disséminée aux quatre vents pour des raisons de gestion d'affaires
évidentes et pour une autre moins connue, en l'occurrence le droit d'auteur
qui appartient au franchiseur sur la documentation qu'il a réalisée.
En principe, l'auteur d'une oeuvre protégée est un individu. Le premier
titulaire d'un droit d'auteur est généralement l'auteur.
Une exception
importante à ce principe général existe toutefois, à savoir que l'employeur
sera le premier titulaire du droit d'auteur si l'auteur de l'oeuvre était son
employé et que l'oeuvre fut exécutée dans l'exercice de cet emploi.
Lorsqu'un franchiseur ne fait pas exécuter sa documentation ou son matériel
graphique par ses propres employés, mais retient les services d'une firme
spécialisée indépendante, il est important d'obtenir, avant de payer pour ces
services, une cession écrite de tous les droits d'auteur sur les oeuvres ainsi
qu'une renonciation en faveur du franchiseur des droits moraux sur l'oeuvre
(voir articles 13, 14.1 et 28.1 de la Loi sur le droit d'auteur).
Il est aussi important de noter que depuis juin 1988, il est devenu certain
qu'une marque de commerce dessin peut faire l'objet d'une protection en
vertu de la Loi sur le droit d'auteur. Ceci constitue un grand avantage pour le
franchiseur qui peut se prévaloir de ce droit à l'encontre du franchisé ou de
tiers. Les recours en vertu de la Loi sur le droit d'auteur sont souvent plus
efficaces que ceux en vertu de la Loi sur les marques de commerce (voir art.
64(3)(b) de la Loi sur le droit d'auteur).
III - CONCLUSION
L'importance pour le franchiseur et ses franchisés de connaître
adéquatement certaines dispositions des lois relevant du droit de la propriété
intellectuelle ne saurait être sous-estimée.
Un effort particulier devrait
d'ailleurs être effectué afin de préserver le caractère distinctif de la marque
de commerce faisant l'objet, entre autres choses, du contrat de franchisage.
L'expérience démontre qu'une vigilance constante doit être exercée à ce
niveau afin d'éviter la réduction à néant d'un des actifs intangibles les plus
importants du franchiseur. D'ailleurs, il s'agit sans doute d'un domaine où la
prudence permettra à tous, franchiseurs, franchisés et membres du public, d'y
trouver leur compte.
ROBIC, un groupe d'avocats et d'agents de brevets et de marques de commerce voué
depuis 1892 à la protection et à la valorisation de la propriété intellectuelle dans tous les
domaines: brevets, dessins industriels et modèles utilitaires; marques de commerce, marques
de certification et appellations d'origine; droits d'auteur, propriété littéraire et artistique, droits
voisins et de l'artiste interprète; informatique, logiciels et circuits intégrés; biotechnologies,
pharmaceutiques et obtentions végétales; secrets de commerce, know-how et
concurrence; licences, franchises et transferts de technologies; commerce électronique,
distribution et droit des affaires; marquage, publicité et étiquetage; poursuite, litige et
arbitrage; vérification diligente et audit; et ce, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. La
maîtrise des intangibles.
ROBIC, a group of lawyers and of patent and trademark agents dedicated since 1892 to the
protection and the valorization of all fields of intellectual property: patents, industrial designs
and utility patents; trademarks, certification marks and indications of origin; copyright and
entertainment law, artists and performers, neighbouring rights; computer, software and
integrated circuits; biotechnologies, pharmaceuticals and plant breeders; trade secrets,
know-how, competition and anti-trust; licensing, franchising and technology transfers; ecommerce, distribution and business law; marketing, publicity and labelling; prosecution
litigation and arbitration; due diligence; in Canada and throughout the world. Ideas live
here.
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IDEAS LIVE HERE
IL A TOUT DE MÊME FALLU L'INVENTER!
LA MAÎTRISE DES INTANGIBLES
LEGER ROBIC RICHARD
NOS FENÊTRES GRANDES OUVERTES SUR LE MONDE DES AFFAIRES
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THE TRADEMARKER GROUP
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VOS IDÉES À LA PORTÉE DU MONDE , DES AFFAIRES À LA GRANDEUR DE LA PLANÈTE
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