Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand 2)
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0pt0.4pt Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand 2) Laboratoire de Mathématiques, UMR 6620 Complexe Scientifique des Cézeaux B.P. 80026 63171 Aubière CEDEX, France Frédéric Bayart Professeur d’Université Téléphone : +33 4 73 40 70 94 Email : [email protected] Clermont-Ferrand, le 5 avril 2013 Objet : Rapport sur le mémoire de Pierre Youssef Le mémoire de thèse de P. Youssef se compose de deux parties. La première est consacrée au problème de sélection de colonnes dans une matrice. Soit U une matrice (à coefficients réels) de taille n × m. L’extraction de sous-colonnes de U ayant de bonnes propriétés est un outil fondamental dans de nombreux domaines : en informatique, lorsqu’on veut sélectionner les colonnes qui portent l’information de U , en analyse harmonique ou en géométrie des espaces de Banach. On peut distinguer au moins quatre types de problèmes : 1. extraire un grand nombre de colonnes de sorte que la plus petite valeur singulière de la matrice extraite soit grande ; 2. extraire un grand nombre de colonnes de sorte que l’on contrôle la norme de la matrice extraite ; 3. réaliser les deux conditions précédentes simultanément ; 4. extraire des blocs carrés bien conditionnés. Ces problèmes ont été abordés avec succès par des mathématiciens prestigieux comme Bourgain, Tzafriri, Kashin, Vershynin. Leurs preuves utilisent des arguments probabilistes (méthode des sélecteurs) et des arguments d’analyse fonctionnelle (théorème de factorisation de Grothendieck). Elles sont difficiles et ne donnent pas d’algorithme déterministe pour réaliser ces extractions. Récemment, Batson, Spielman et Srivastava ont trouvé un algorithme déterministe pour réaliser des approximations de l’identité. Cet algorithme repose sur l’étude de l’évolution des valeurs propres d’une matrice positive lorsque celle-ci est perturbée par une matrice de rang 1. Dans les deux premiers chapitres de son mémoire, Pierre Youssef revisite les résultats classiques évoqués plus haut avec la perspective nouvelle ouverte par Batson, Spielman et Srivastava. Cela lui permet de donner de nouvelles preuves de ces résultats. Ces preuves sont beaucoup plus élémentaires, même si elles nécessitent des contrôles très fins de l’évolution du module des plus grandes et petites valeurs singulières, et elles permettent de donner des algorithmes déterministes pour réaliser ces extractions. De plus, P. Youssef améliore les constantes connues jusqu’alors. Donnons un exemple des multiples résultats qu’il obtient. Théorème : Soit U une matrice de taille n × m et soit ε ∈]0, 1[. Alors il existe σ ⊂ {1, . . . , m} de taille |σ| ≥ (1 − ε)2 srank(U ) (où srank(U ) désigne le rang stable de U ) de sorte que, pour toute suite de réels (aj )j∈σ , 1/2 1/2 X X X U ej ε 2−ε a2j ≤ aj ≤ a2j . 2−ε kU e k ε j 2 j∈σ j∈σ Tél. : 04 73 40 70 50 (international : + 33 4 73 40 70 50) Fax : 04 73 40 70 64 (international : + 33 4 73 40 70 64) 2 j∈σ Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand 2) Laboratoire de Mathématiques, UMR 6620 Complexe Scientifique des Cézeaux B.P. 80026 63171 Aubière CEDEX, France Ainsi, ce résultat implique l’existence d’un bloc de taille (1 − ε)2 srank(U ) qui a un nombre 2 de conditionnement inférieur à 2−ε . Le meilleur résultat connu jusqu’alors était de l’ordre ε de εc log(ε) . Comme mentionné ci-dessus, la preuve est constructive. On part de la matrice nulle et on ajoute, étape par étape, des colonnes de U . La fin du chapitre 2 est consacrée à une première application en analyse de Fourier, plus précisément au problème de la densité harmonique. Pierre Youssef prouve que, étant donnée une partie B du cercle T de mesure de Lebesgue ν(B) > 0, on peut construire une partie Λ de Z de densité dens(Λ) ≥ (1 − ε)2 ν(B) telle que, pour toute fonction f ∈ L2 (T) à spectre dans Λ, ε 2−ε kf kL2 (T) ≤ kf kL2 (B) ≤ kf kL2 (T ) . 2−ε ε À nouveau, ceci améliore des résultats de Bourgain, Tzafriri et Vershynin. Dans le chapitre 3, Pierre Youssef montre comment les énoncés qu’il a obtenus dans les chapitres précédents peuvent être appliqués à des problèmes de géométrie des espaces de Banach. Il prouve ainsi un théorème de Dvoreztky-Rogers proportionnel, c’est-à-dire que dans tout espace de Banach de dimension n, pour tout ε ∈]0, 1[, on peut trouver des vecteurs x1 , . . . , xk avec k ≥ [(1 − ε)2 n] tels que, pour toute suite de scalaires (aj )j≤k , 2 X X 2 ε aj ≤ aj xj j≤k j≤k X ≤ X |aj |. j≤k Des résultats similaires, mais avec des constantes moins bonnes, avaient déjà été obtenus par Bourgain-Szarek et Giannopoulos. Le méthode utilisée par P. Youssef, entièrement basée sur des extractions de matrices ayant de bonnes propriétés, est nouvelle et beaucoup plus élémentaire. Pierre Youssef en déduit alors, par des arguments classiques, que la distance de Banach-Mazur de `1n à X est majorée par (2n)5/6 , ce qui est le meilleur résultat connu à ce jour pour les grandes valeurs de n. Les chapitres 4 et 5 de la thèse sont consacrés à l’étude des matrices aléatoires, plus précisément à l’estimation de leur covariance. La problématique étudiée est la suivante : étant donnée une matrice B positive et semi-définie, de de copies combien indépendantes de B, notées 1 PN B1 , . . . , BN , a-t-on besoin pour être sûr que N i=1 Bi − EB est petit, en espérance ou avec grande probabilité ? Dans le chapitre 4, il est prouvé que, si B vérifie une certaine propriété il suffit de choisir N = C(ε)n copies de B de sorte que l’espérance de P appelée (MSR), 1 N N i=1 Bi − EB soit majorée par ε > 0. De façon très intéressante, ce problème est lié à la réalisation d’approximations de l’identité, qui est au coeur des trois premiers chapitres. La démonstration de P. Youssef consiste à estimer la plus grande et la plus petite valeur propre de la somme de N copies de B, en rendant aléatoire la méthode de Batson, Spielman et Srivastava. L’hypothèse (MSR) n’est pas très restricitive. Par exemple, sous de bonnes hypothèses d’indépendance, un bon contrôle en probabilité des valeurs propres de B est suffisant. En revanche, dans le chapitre 5, l’étude de la covariance des matrices aléatoires est restreinte à une classe beaucoup plus petite, mais néanmoins très importante, de matrices, les matrices logconcaves. Pour ces matrices, l’estimation empirique de la covariance par une somme de C(ε)n copies indépendantes est possible non seulement en espérance, mais aussi avec une grande pro√ babilité (supérieure ou égale à 1 − exp(−cε3 m) si B = AAt , où A est une matrice n × m). La preuve s’inspire des méthodes du chapitre précédent, en ajoutant des outils rendus possibles par l’utilisation de matrices particulières, comme des inégalités de grande déviation. Pierre Youssef prend ensuite le soin d’illustrer le cadre des matrices log-concaves par des exemples concrets. Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand 2) Laboratoire de Mathématiques, UMR 6620 Complexe Scientifique des Cézeaux B.P. 80026 63171 Aubière CEDEX, France En conclusion, il s’agit d’une thèse d’un excellent niveau, de plus très bien écrite. Pierre Youssef a su utiliser des résultats récents pour apporter des progrès substantiels à des problèmes classiques. Ceci montre une très bonne maı̂trise des multiples facettes de l’analyse fonctionnelle. Je suis donc entièrement favorable à ce que la thèse soit soutenue en l’état. Frédéric Bayart Professeur d’Université