Planète Paix n°500

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Planète Paix n°500
Planète Paix n°500 – Actualité : Asie
Actualité
Asie : la solidarité oui, la charité non
Le CRID* regroupe la plupart des organisations humanitaires et
de développement en France. Comment ont-elles réagi face à la
catastrophe survenue en Asie. Gus Massiah, secrétaire général
du CRID et vice-président d’Attac, plaide pour la vigilance.
Que pensez-vous des réactions après la catastrophe du séisme
en Asie ?
Gus Massiah : Plusieurs choses : un grand élan collectif, très
positif avec de nouvelles formes de solidarité et des prises
de conscience notamment dans les médias. 2 ème élément, dans
la plupart des pays touchés, les populations elles-mêmes ont
assuré les premiers secours, vite et bien là où il y a une
société civile structurée.
La réaction des Etats est moins réjouissante. Là-bas, certains
Etats étaient empêtrés dans la corruption ou la bureaucratie,
mais les pays du Nord dont l’Europe avec leurs aides
dérisoires ont eu une réaction quasi déshonorante. Alors que
le débat citoyen a posé la question de la dette et de la
manière dont le monde devait prendre en charge ses maux, les
gouvernements des pays riches n’ont rien lâché. Quant à la
prévention, d’un coût relativement faible, elle est
« réservée » au Japon et aux Etats-Unis…
Cette catastrophe est révélatrice de l’état du monde et des
relations entre pays mais aussi entre citoyens.
Où trouver les fonds pour aider les populations et gérer
l’urgence ?
G.M. : Il faut instaurer des mécanismes pour faire face à ces
catastrophes en répondant aux besoins du développement. Lever
des fonds comme ce que nous préconisons à Attac, taxe
« tobin » sur les transactions financières, éco-taxe sur les
produits polluants, annulation de la dette.
Dans une catastrophe comme le tsunami, il y a 3 périodes. La 1
ère assez courte, où il faut sauver des gens, où interviennent
les associations de médecins. Là, les besoins ne sont pas
énormes surtout si les réactions sont assez rapides. Dans la
2ème période, le besoin de fonds et d’organisation est
considérable : éviter les épidémies, reloger les gens,
relancer un minimum de vie sociale. Les associations locales
me semblent les mieux placées pour agir avec les Etats et les
services publics. La 3 ème phase, de reconstruction, qui
commence déjà, est beaucoup plus longue et délicate. Elle
nécessite un énorme investissement humain et matériel mais
aussi un vrai débat. Va-t-on reconstruire à l’identique ou
essayer de moderniser ? Et comment ?
Ensuite, quel type d’aide ? Prenons la France, je crains
qu’aujourd’hui la question ne concerne que la reconstruction
des zones touristiques et son impact financier sur
l’exportation et les industries touristiques françaises. Des
catastrophes se profilent, des pêcheurs chassés de leurs
villages au profit du tourisme par exemple.
L’aide des états est indispensable mais aussi contestable visà-vis des attentes.
D’autant que les fonds risquent de ne pas être versés. L’Onu
indique que les Etats n’ont attribué à l’Iran que 10% des
sommes promises après le tremblement de terre, moins de 15% au
Bangladesh en 1991…
Quand on voit les besoins du développement et les dépenses
militaires de près de 1000 milliards de dollars cette année,
n’y a-t-il pas un déséquilibre ?
G.M. : Le problème de la guerre est étroitement lié à ce problème de
catastrophes, vu la disproportion incroyable entre l’énormité
des moyens consacrés à l’armement et la faiblesse de tout ce
qui concerne l’action d’aide et de prévention pour sauver des
vies.
Le tsunami nous renvoie aux besoins de l’humanité, au besoin
de régulation mondiale, l’ONU en étant l’un des garants. C’est
ce qu’ont indiqué les pays victimes du tsunami, en refusant la
« coalition » montée par les Etats-Unis.
Les citoyens peuvent faire beaucoup, il faut amplifier leur
intervention. A court terme pour contrôler les promesses, la
reconstruction et, au-delà, en soutenant les citoyens
collectivement organisés là où ils vivent, dans une démarche
de partenariat. Pour résoudre les problèmes immédiats et
préparer l’avenir d’un développement durable, c’est de
« solidarité internationale » dont nous avons besoin et pas de
« charité ».
Référence : « ONU : Droits pour tous ou loi du plus fort ?
Regard militant sur les Nations Unies » Gus Massiah, Samir
AMIN, Robert CHARVIN, Jean ZIEGLER, Anne-Cécile ROBERT et al.
Editions du Cetim, 2005.
*Centre de Recherche et d’Information pour le Développement
Entretien réalisé par Bruno Lefort