Les ondes de la compassion Alan Heil

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Les ondes de la compassion Alan Heil
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Les ondes de la compassion
Alan Heil*
2005/22 – DIFFUSION en ligne
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compa
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DIFFUSION en ligne – 2005/22
© www.digitalglobe.com/ images/tsunami
Les radiodiffuseurs
internationaux ont couvert de
manière exhaustive le tsunami
qui a frappé l’océan Indien le
26 décembre 2004.
Les ondes de la
assion
Alan Heil
Ancien directeur adjoint de VOA
2005/22 – DIFFUSION en ligne
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© Fred Vloo
RADIO
Ils ont également contribué à
l’extraordinaire levée de fonds en
faveur des victimes et aidé les médias
électroniques de la région dévastée à
reprendre leurs opérations.
Kate Pound, correspondante de VOA
en Asie, a résumé l’événement en
parlant d’un séisme qui avait
littéralement secoué le monde
entier : « Selon les géologues, le
tsunami a véritablement fait trembler
la planète sur son axe. De surcroît, il
est devenu le premier cataclysme
d’ampleur réellement mondiale, dans
la mesure où il a touché plus d’une
dizaine de pays, sur deux continents. »
Les radiodiffuseurs du monde entier
ont donc afflué vers l’Asie, pour
rendre compte d’une catastrophe qui
allait faire plus de 220 000 victimes
et des dizaines de milliers de disparus,
blessés et sans-abri.
David Carr, spécialiste des médias au
New York Times, a observé que les
techniques de compression vidéo, et
notamment les caméras numériques
reliées à des satellites et des
vidéophones, ainsi que les ordinateurs
portables dotés de fonctions d’émission en liaison montante, ont permis
aux téléspectateurs du monde entier
de suivre l’évolution de la situation
dans les pays frappés par la
catastrophe, quelques heures à peine
après que celle-ci se fut produite.
Selon M. Carr, « les séquences vidéo
de l’onde de choc déferlant sur les
côtes, filmées en temps réel par des
touristes venus visiter la Thaïlande,
ont été diffusées presque immédiatement par les grandes chaînes de
télévision, soucieuses d’obtenir les
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images les plus parlantes de la
catastrophe ». Cela a notamment
permis aux téléspectateurs de mieux
se rendre compte de la nécessité de
porter secours aux victimes et de tout
mettre en œuvre pour localiser les
disparus.
Grands Moyens
Dans un communiqué, le BBC World
Service décrivait la mise en œuvre des
moyens déployés pour couvrir les
conséquences du tsunami avec,
notamment, un nombre sans
précédent de correspondants
dépêchés dans les pays touchés. « Il
s’agit probablement de l’événement
d’actualité le plus important depuis les
attentats du 11 Septembre, ne seraitce qu’en raison de l’immensité de la
zone touchée, dont une partie reste
d’ailleurs inaccessible », précisait
également le communiqué.
En quelques heures à peine, la salle
de rédaction principale de VOA
recevait les reportages de ses
correspondants et journalistes
indépendants dépêchés en Indonésie,
en Thaïlande, en Inde et au Kenya.
Au cours des vingt-quatre heures qui
ont suivi le tsunami, les reportages se
sont multipliés pour rendre compte
de l’évolution de la situation, tirer un
premier bilan des conséquences
économiques potentielles de la
catastrophe et faire le point sur les
premiers secours déployés dans les
zones sinistrées. Par ailleurs, de
nombreux experts scientifiques ont
été sollicités pour éclairer le public sur
l’origine des secousses sismiques et des
tsunamis.
C’est l’Indonésie qui a été le plus
durement touchée par le séisme et qui
a enregistré les plus lourdes pertes. Les
services indonésiens du BBC World
Service et de VOA ont très vite réagi
en se rendant dans les zones dévastées,
notamment dans la province d’Aceh,
au nord de Sumatra. Nancy Amelia
Collins, responsable du bureau de
VOA à Jakarta, et Budi Nahaba,
journaliste indépendant pour le BBC
World Service, sont arrivés sur place
trois heures après la catastrophe et ont
pu réaliser plusieurs interviews de
survivants, de membres des équipes
de secours et du porte-parole du
président indonésien. Menuk
Suwondo, responsable du service
indonésien de la BBC, faisait partie
des nombreux collaborateurs du
World Service qui attendaient dans
l’angoisse des nouvelles de leurs amis
et collègues présents dans la région
dévastée, tout en coordonnant la
couverture de l’événement. Peu après
que l’onde de choc a touché la côte
nord de Sumatra, elle reçoit le
message suivant d’un reporter d’une
chaîne partenaire de la BBC à Banda
Aceh : « Je suis vivant, mais les autres
membres de l’équipe ont disparu.»
Couverture
• Sampath Kumar, correspondant
de la BBC dans le sud de l’Inde, a
été dépêché dans la zone côtière
de Tamil Nadu, tandis que d’autres
reporters indépendants travaillant
pour la chaîne britannique étaient
envoyés au Sri Lanka pour rendre
compte de la catastrophe. Toutes
les liaisons téléphoniques à
Colombo ayant été coupées, leurs
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reportages étaient envoyés à
Londres en ondes courtes. Par
ailleurs, ce sont plus de 65 000
messages de courrier électronique
qui ont été envoyés au bureau du
World Service à Madras les 26 et
27 décembre, huit fois plus que
d’habitude.
• Le service africain de VOA a
réalisé une interview télévisée du
porte-parole de la présidence
somalienne, M. Yusuf Mohammed
Ismail. Selon M. Ismail, des villes
entières de la zone côtière située
au nord de la Somalie ont été
littéralement balayées par le
tsunami, faisant des milliers de
sans-abri. Le porte-parole de la
présidence somalienne a donc
lancé un appel au secours à la
communauté internationale, en
précisant que « toute aide, d’où
qu’elle vienne », serait la bienvenue.
• La section espagnole de VOA a
Coordination
L’Union des radiodiffuseurs de la
région Asie-Pacifique (ABU) et ses
membres ont immédiatement mobilisé toutes leurs ressources pour
apporter leur aide aux stations de
radio détruites ou endommagées par
le tsunami. L’Union européenne de
radio-télévision a demandé à ses
Membres de se mettre directement en
rapport avec l’ABU afin de déterminer
la nature de l’assistance qu’ils étaient
susceptibles de fournir. Par ailleurs,
l’ABU a collaboré avec plusieurs
radiodiffuseurs internationaux pour
dresser la liste des organismes de
bienfaisance qui collectaient les dons
destinés à venir en aide aux victimes
de la catastrophe. Plusieurs diffuseurs
ont également communiqué les
coordonnées de services officiels
auprès desquels des informations sur
les disparus pouvaient être obtenues.
Radio Australia est rapidemement
devenue une station d’information
continue. Quant à Commercial Radio
Australia, elle a participé à une
mission visant à permettre la reprise
des opérations de radiodiffusion dans
l’ensemble de la zone touchée, en
mettant à disposition près de 50000
postes de radio AM/FM dans les
régions sinistrées.
Indra Titus, responsable du service
indonésien de Radio Netherlands, a
indiqué que ses collaborateurs
« étaient déterminés à aider les
stations victimes du tsunami afin que
celles-ci soient à nouveau en mesure
d’émettre, la radio étant un moyen de
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déployé tous les efforts nécessaires
pour satisfaire aux exigences de
ses chaînes affiliées, qui récla-
maient des liaisons téléphoniques
pour couvrir le tsunami. Elle a
également communiqué les
numéros de téléphone de
locuteurs hispanophones d’une
cellule spéciale mise en place par
le Comité international de la
Croix-Rouge pour centraliser les
appels de téléspectateurs sudaméricains cherchant à obtenir des
informations sur des disparus. La
section espagnole de VOA a
également réalisé plusieurs
interviews de spécialistes du CICR
et de l’Organisation mondiale de
la santé, eu égard aux opérations
de secours mises en œuvre.
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communication de première importance dans les zones touchées. Au fur
et à mesure que les dons affluaient, il
devenait indispensable de remettre les
moyens de communication en service,
en particulier pour contribuer à la
recherche de personnes disparues et
pour rendre l’information accessible.
En Indonésie, la radio est un moyen
de communication qui revêt une
importance primordiale pour les
citoyens, et ce même en temps
normal ». Radio Netherlands a également sollicité ses 6 000 stations
partenaires, partout dans le monde,
pour qu’elles collectent des fonds et
participent à l’envoi de matériel.
Les technologies de pointe ont permis
aux radiodiffuseurs et aux ONG du
monde entier de coordonner rapidement et efficacement leurs efforts.
Ainsi, Jonathan Marks, de Critical
Distance BV (Pays-Bas), et Andy
Sennitt, spécialiste des médias à Radio
Netherlands, ont uni leurs efforts
pour utiliser une technologie
relativement récente, le wiki, afin de
créer un panneau d’affichage
électronique d’envergure mondiale,
destiné à réunir des informations
utiles sur l’aide susceptible d’être
apportée aux victimes du tsunami.
Originaire de Hawaii, le terme wiki
signifie «facile». Marks et Sennitt,
ainsi que Michael Hedges (Suisse) et
Ton Zijlstra (Pays-Bas), ont ainsi
prouvé qu’un site Web créé au moyen
de la technologie wiki (http://
w w w. t s u n a m i h e l p . i n f o / w i k i /
index.php/Broadcasters) pouvait être
extrêmement efficace. Selon Jonathan
Marks, «un tel site, mis sur pied en
une heure à peine, peut permettre aux
radiodiffuseurs et aux ONG
d’échanger des informations relatives
à une catastrophe naturelle».
L’ABU à la rescousse
Cette technologie se révèle extrêmement utile à moyen et long termes.
Le tsunami ne fait plus vraiment les
gros titres de l’actualité, que ce soit
dans la presse ou dans les médias
électroniques, alors que la
reconstruction se poursuit et que
l’accompagnement psychologique des
victimes reste indispensable. Sharad
Sadhu, de l’Union de radiodiffusion
Asie-Pacifique, a joué un rôle de
premier plan pour coordonner l’aide
aux médias dans les zones sinistrées
(http://www.abu.org.my). L’ABU a
notamment pris un certain nombre
d’initiatives visant :
• à faire acheminer par ses membres
20 000 postes de radio à
l’intention des rescapés, dans les
capitales d’Indonésie, du Sri Lanka
et des Maldives, en évitant les
formalités douanières;
• à lancer des appels pour réunir des
émetteurs radio et TV basse
puissance, du matériel d’enregistrement pouvant être utilisé en
cas d’urgence et des équipements
de production portatifs ; des
ingénieurs étaient également
encouragés à se porter volontaires
pour contribuer à remettre en état
les stations de radio détruites lors
de la catastrophe ;
• à coordonner un système dans le
cadre duquel les membres de
l’ABU pouvaient échanger
gratuitement des programmes
éducatifs et documentaires sur les
tremblements de terre et les
tsunamis ; ces programmes
spéciaux seraient également mis à
disposition sur le site Internet de
l’ABU ;
• à attirer l’attention du public sur
un atelier, organisé du 28 février
au 2 mars à Tokyo et parrainé par
NHK Japon et l’ABU, destiné à
étudier les moyens grâce auxquels
les radiodiffuseurs peuvent se faire
l’écho de bulletins d’alerte et de
mise en garde et ainsi contribuer
à limiter le nombre de victimes
potentielles de futures catastrophes naturelles.
L’aide apportée par l’ONG Internews
en Indonésie est l’un des exemples les
plus remarquables de la solidarité
internationale qui s’est manifestée dès
les lendemains de la catastrophe. Le
12 janvier, la seule station de radio
en mesure d’émettre depuis la région
dévastée de Banda Aceh utilisait un
émetteur portatif, des magnétophones
et du matériel informatique fournis
par le siège d’Internews, en
Californie. Une autre station de radio
portative a également été utilisée à
Meulaboh, au sud-ouest de la capitale
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provinciale. Internews a aussi
contribué à remettre sur pied d’autres
stations locales, dans les camps de
déplacés installés à Aceh. Dans cette
région, on estime à 400 000 le nombre
de personnes qui seront déplacées
pendant encore un ou deux ans. Un
communiqué d’Internews indiquait
que ses collaborateurs indonésiens
disposaient de leurs propres
infrastructures, mais qu’il était à
espérer que des diffuseurs et des
ingénieurs spécialisés se porteraient
volontaires pour mettre leurs
compétences à disposition de l’ONG
et ainsi l’aider à relever ce défi sans
précédent.
* Alan Heil, ancien directeur adjoint
de VOA, est un chroniqueur régulier
de The Channel. Il est également
l’auteur de l’ouvrage intitulé «Voice of
America : A History» (Columbia
University Press, 2003.)
(Article publié pour la première fois
dans l’édition de mars 2005 de The
Channel, le magazine de la Association
for International Broadcasting,
www.aib.org.uk.)
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